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12/06/2025 | LUXEMBOURG | N°52613C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 12 juin 2025, 52613C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 52613C ECLI:LU:CADM:2025:52613 Inscrit le 31 mars 2025 Audience publique du 12 juin 2025 Appel formé par Monsieur (A1) et consorts, …, contre un jugement du tribunal administratif du 4 mars 2025 (n° 49497 du rôle) en matière de protection internationale Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 52613C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 31 mars 2025 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A1), né le â€

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 52613C ECLI:LU:CADM:2025:52613 Inscrit le 31 mars 2025 Audience publique du 12 juin 2025 Appel formé par Monsieur (A1) et consorts, …, contre un jugement du tribunal administratif du 4 mars 2025 (n° 49497 du rôle) en matière de protection internationale Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 52613C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 31 mars 2025 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A1), né le … à … (Irak), et de son épouse Madame (A2), née le … à … (Irak), agissant tant en leur nom personnel qu’au nom de leur enfant mineur (A3), né le … à … (Irak), tous de nationalité irakienne, demeurant ensemble à L-…, dirigée contre le jugement rendu le 4 mars 2025 (n° 49497 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg les a déboutés de leur recours tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 30 août 2023 portant refus de faire droit à leur demande de protection internationale et ordre de quitter le territoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 25 avril 2025 ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 20 mai 2025.

1Le 11 janvier 2021, Madame (A2), agissant en son nom propre et au nom de son enfant mineur (A3), introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Madame (A2) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées dans un rapport de la police grand-ducale, section criminalité organisée – police des étrangers, du même jour.

En dates des 1er avril, 26 mai et 10 juin 2021, Madame (A2) fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Le 1er juillet 2021, Monsieur (A1), l’époux de Madame (A2) et père de l’enfant mineur (A3), introduisit également une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 auprès du service compétent du ministère.

Les déclarations de Monsieur (A1) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées dans un rapport de la police grand-ducale, section criminalité organisée – police des étrangers, du même jour. Il s’avéra à cette occasion, suite à une recherche dans la base de données EURODAC, que l’intéressé avait auparavant introduit une demande de protection internationale en Finlande le 19 septembre 2015.

En dates des 25 et 26 août 2021, Monsieur (A1) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 30 août 2023, notifiée aux intéressés par lettre recommandée le 4 septembre 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après « le ministre », informa Monsieur (A1), Madame (A2) et leur fils, (A3), ci-après « les consorts (A) », que leur demande de protection internationale était rejetée comme non fondée, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Cette décision est libellée comme suit :

« (…) J’ai l’honneur de me référer à vos demandes, Monsieur (A1) et Madame (A2), en obtention d'une protection internationale que vous avez introduites le 11 janvier 2021, respectivement le 1er juillet 2021 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »), pour votre propre compte ainsi que pour le compte de votre enfant mineur (A3).

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations Madame, en mains votre fiche de motifs remplie lors de l'introduction de votre demande de protection internationale, votre rapport du Service de la Police Judiciaire du 11 janvier 2021 (ci-après dénommé « rapport de police ») et votre rapport d'entretien de l'agent du Ministère des 2Affaires étrangères et européennes des 1er avril 2021, 26 mai 2021 et 10 juin 2021 (ci-après dénommé « rapport d'entretien ») sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l'appui de votre demande de protection internationale.

Monsieur, en mains votre fiche de motifs remplie lors de l'introduction de votre demande de protection internationale, votre rapport du Service de la Police Judiciaire du 1er juillet 2021 (ci-après dénommé « rapport de police ») et votre rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 25 août 2021 et 26 août 2021 (ci-après dénommé « rapport d'entretien ») sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l'appui de votre demande de protection internationale.

Madame, vous déclarez être de nationalité irakienne, d'ethnie Arabe et de confession musulmane sunnite et avoir vécu à … en Irak.

Monsieur, vous déclarez être de nationalité irakienne, d'ethnie Arabe et de confession musulmane chiite et avoir vécu à … en Irak.

Madame, vous déclarez avoir quitté votre pays d'origine car vous seriez recherchée par la milice armée « Asaib Ahl al-Haq » pour cause de votre activisme dans le domaine des droits de l'Homme. Votre mari serait par ailleurs également menacé par la même milice à cause de votre participation à des manifestations.

Monsieur, vous déclarez avoir quitté votre pays d'origine car vous seriez recherché par la milice armée « Asaïb Ahl al-Haq » à cause de la participation de votre femme à des manifestations.

A l'appui de vos demandes de protection internationale, vous présentez les documents suivants :

- Une carte d'identité (n°…) au nom de Monsieur (A1) qui a été déclarée authentique par l'Unité de Police à l'Aéroport en date du 14 janvier 2022 ;

- une carte d'identité (n°…) au nom de Madame (A2) qui a été déclarée authentique par l'Unité de Police à l'Aéroport en date du 13 janvier 2022 ;

- une carte d'identité (n°…) au nom de l'enfant (A3) qui a été déclarée authentique par l'Unité de Police à l'Aéroport en date du 13 janvier 2022 ;

- une carte de service expirée (n°…) dont l'authentification par l'Unité de Police à l'Aéroport n'a pas donné.de résultat ;

- un permis de conduire (n°…) au nom de Monsieur (A1) qui a été déclaré authentique par l'Unité de Police à l'Aéroport en date du 14 janvier 2022 ;

- une copie d'un mandat d'arrêt en langue arabe, munie d'une traduction ;

- une copie d'une lettre de remerciement en langue arabe, munie d'une traduction ;

- une copie certifiée d'un acte de mariage, munie d'une traduction ;

- une copie de six documents en relation avec l'affectation de Monsieur « (A1) » au sein de la Police, munie d'une traduction.

32. Quant à la motivation du refus de vos demandes de protection internationale Il y a lieu de rappeler qu'il incombe au demandeur de protection internationale de rapporter, dans toute la mesure du possible, la preuve des faits, craintes et persécutions par lui alléguées, sur base d'un récit crédible et cohérent et en soumettant aux autorités compétentes le cas échéant les documents, rapports, écrits et attestations nécessaires afin de soutenir ses affirmations. Il appartient donc au demandeur de protection internationale de mettre l'administration en mesure de saisir l'intégralité de sa situation personnelle. Il y a lieu de préciser également dans ce contexte que l'analyse d'une demande de protection internationale ne se limite pas à la pertinence des faits allégués par un demandeur de protection internationale, mais il s'agit également d'apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations, la crédibilité du récit constituant en effet un élément d'évaluation fondamental dans l'appréciation du bien-fondé d'une demande de protection internationale, et plus particulièrement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.

Or, la question de crédibilité se pose avec acuité dans votre cas alors qu'il y a lieu de constater que vous ne faites pas état de manière crédible qu'il existerait des raisons sérieuses de croire que vous encourriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des persécutions ou des atteintes graves au sens de la Loi de 2015.

Dès lors, la sincérité de vos propos et par conséquent la gravité de votre situation dans votre pays d'origine doit être réfutée pour les raisons suivantes :

Madame, il y a premièrement et avant tout autre développement, lieu de soulever, que la question de la crédibilité se pose dès votre premier contact avec les autorités luxembourgeoises.

Il ressort en effet du rapport de police que vous étiez en possession d'un « Notizbuch, mit Gründen warum sie den Irak verlassen hat » le jour de l'introduction de votre demande de protection internationale, à savoir le 11 janvier 2021.

Or, on peut attendre d'un demandeur de protection internationale réellement persécuté respectivement à risque de subir des atteintes graves, qu'il soit en état de fournir un récit précis et cohérent des motifs qui l'ont poussé à quitter son pays d'origine et ceci de manière spontanée et libre.

Le fait que vous, Madame, ayez manifestement besoin de mémoriser votre récit ne fait qu'éveiller les soupçons et par conséquent laisse penser que vous avez dès le début eu l'intention d'inventer votre récit pour espérer ainsi obtenir une protection internationale au Luxembourg.

Le fait qu'il ressorte du rapport de police que vous ayez également tenu un discours contradictoire durant votre entretien avec l'agent du Service de la Police Judiciaire ne fait que renforcer ce constat.

Deuxièmement, il y a lieu de constater, Madame, que vos déclarations par rapport à vos activités en tant que bénévole auprès de l'organisation dénommée « (AA) », respectivement « (AA) » ne sont pas crédibles.

4 Il ressort de votre fiche de motifs que vous auriez été engagée dans le domaine des droits de l'Homme : « Ich arbeitete im Bereich der Menschenrechte ». Questionné au sujet de votre dernier emploi, vous déclarez encore avoir été militante des droits civiques : « Ehrenamtlich als Bürgerrechtlerin (Zivilaktivistin) » (p.2/24 du rapport d'entretien de Madame). Tandis qu'il ressort du rapport de police de votre mari que vous auriez été militante politique : « politisch aktiv » dont vous, Madame, ne faites néanmoins aucune référence lors de votre entretien avec l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes.

Il y a tout d'abord lieu de soulever qu'il ressort de votre rapport d'entretien que vos déclarations quant à vos activités dans le domaine du bénévolat se contredisent à de maintes reprises et ne correspondent par ailleurs pas aux activités d'une personne militant dans le domaine des droits de l'Homme ou des droits civiques, mais s'inscrivent plutôt dans le domaine d'activités caritatives.

En effet, vous déclarez que vous auriez été bénévole auprès de diverses organisations depuis 2017, à savoir « (BB) » en 2017, « (CC) » en 2018 et « (DD) » en 2019. Vos activités auprès desdites organisations se seraient essentiellement limitées à la distribution de denrées alimentaires, l'aide aux devoirs ou encore la collecte de vêtements et n'avaient ainsi aucun lien direct avec le domaine des droits de l'Homme ou des droits civiques.

Vous ne fournissez d'ailleurs aucune preuve en relation avec votre engagement bénévole au sein des organisations mentionnées.

Vous continuez votre récit en déclarant que vous n'auriez jamais rencontré aucun problème jusqu'au moment où vous auriez intégré l'organisation « (AA) » en 2019. A l'appui de vos déclarations vous déposez une copie d'une lettre de remerciement de ladite organisation, munie d'une traduction non-certifiée. Il ressort de la traduction de ladite lettre que vous auriez déployé des efforts « dans la défense des droits humains dans la campagne de promotion des droits humains de la région de … ».

Lors de votre entretien avec l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes, vous déclarez au sujet de ladite organisation : « Es war die berühmteste und wichtigste Organisation in Irak gewesen. Es ist eine amerikanische Organisation aus dem Bundesstaat Delaware, USA » (p.5/24 du rapport d'entretien de Madame).

Quant à vos activités au sein de celle-ci, vous affirmez que vous auriez participé à la collecte de fonds: « Wir waren zuständig für die Spendensammlungen. Mit diesen Spenden kauften wir die notwendigen Sachen und Lebensmittel ein und verteilten diese außerhalb von …, in den Dörfern. Ich persönlich war aber nie außerhalb von …. Ich war zuständig für die Viertel innerhalb … » (p.5-6/24 du rapport d'entretien de Madame).

Vous déclarez également que vous auriez été conseillère dans le département juridique qui serait venu à l'aide aux femmes en détresse : « Gleichzeitig habe ich mit anderen Teammitgliedern in der Rechtsabteilung als Beraterin gearbeitet » (p.6/24 du rapport d'entretien de Madame).

5Madame, il y a lieu de soulever que vos déclarations quant à vos activités auprès de ladite organisation se contredisent à plusieurs reprises et ne sont par ailleurs pas compatibles avec les déclarations faites par votre mari : « Die genaue Aktivität meiner Frau kenne ich nicht. Sie hat mir immer nur einen Teil davon erzählt. Sie war in der Verteilung von Gütern an Inlandflüchtlinge involviert oder sie gab den Kindern Unterrichte in den Flüchtlingslagern. Auch half sie bei medizinischen Versorgungen. So viel weiß ich » (p.9/18 du rapport d'entretien de Monsieur).

A cela s'ajoute que vous échouez de démontrer un quelconque lien entre votre engagement au sein de l'organisation et votre activisme dans le domaine des droits de l'Homme, respectivement des droits civiques.

Convié ainsi par l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes à fournir plus d'informations quant à votre activité en tant que conseillère auprès du département juridique, vous niez votre première déclaration lors de la deuxième journée de votre entretien et affirmez à la place : « Nicht direkt in der Rechtsabteilung, aber ich arbeitete mit einem Team zusammen, was für die Rechtssachen zuständig war » (p.11/24 du rapport d'entretien de Madame).

Le même constat s'applique quant à votre participation aux autres activités au sein de l'organisation.

Ainsi, vous déclarez: « Wir organisierten Workshops, Seminare im Bereich der Medien, Menschenrechte und auch Workshops bezüglich der(s)Reform(-ierens) der Gesellschafft (Verbesserung der Gesellschaft und Jugendlichen) » (p.9/24 du rapport d'entretien de Madame).

Questionné par l'agent si l'organisation aurait proposé encore d'autres activités, vous ajoutez :

« Hauptsächlich Seminare, Fortbildungen, beispielsweise Sprachkurse in englischer Sprache. Die Frauen wurden im Kosmetikbereich ausgebildet » (p.9/24 du rapport d'entretien de Madame).

Madame, force est de constater que vous échouez de démontrer que vous-même auriez été impliquée dans une quelconque activité en liaison avec un des séminaires ou workshops liés au domaine des droits de l'Homme ou des droits civiques. D'autant plus que vous affirmez vous-même: « In den Seminaren oder Kursen war ich selbst nicht tätig » (p.10/24 du rapport d'entretien de Madame). Questionné sur votre domaine d'activité au sein de l'organisation, vous déclarez : « Sammlung von Spenden, Einkäufe und Verteilung der Güter » (p.10/24 du rapport d'entretien de Madame).

Madame, ces activités sont clairement à qualifier d'œuvres caritatives et ne s'inscrivent pas dans le domaine de l'activisme militant dans lequel vous prétendez avoir été impliquée.

Au vu de vos déclarations et des informations retenues dans votre dossier administratif, il est clair que votre déclaration selon laquelle vous auriez été militante des droits civiques, respectivement des droits de l'Homme non seulement se contredit mais s'avère tout simplement comme étant fausse.

Ce constat vaut d'autant plus en tenant compte du fait que les activités de bénévolat que vous attribuez à l'organisation « (AA) » ne correspondent nullement aux activités présentées sur leur site internet. Il ressort indubitablement du site internet « (AA) » que l'entité est spécialisée 6dans le domaine de l'esthétique : « in the field of cosmetic medicine and herbal medicine ». Ce constat est également confirmé par les informations retrouvées sur le profil de l'entité sur la plateforme « Facebook ».

Madame, il y a lieu de conclure que vous essayez d'attribuer à l'organisation « (AA) », respectivement « (AA) », un caractère militant qui ne ressort nullement des informations générales disponibles à leur égard.

Confronté à ce fait, vous répondez : « Ja, das ist richtig. Die Aktivitäten im Hilfs- und Spendenbereich werden nicht veröffentlicht. Aber es gab diese Tätigkeiten, ich persönlich habe mich ehrenamtlich daran beteiligt » (p.21/24 du rapport d'entretien de Madame).

Madame, il n'est pour le moindre curieux de noter que dès que l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes vous confronte à des incohérences dans votre récit, vos déclarations deviennent encore plus confuses et par conséquent encore moins crédibles.

Ainsi questionné sur la raison de ce choix de non-diffusion, vous indiquez que vous n'auriez pas d'explications : « Ich weiß dies nicht » (p.21/24 du rapport d'entretien de Madame).

Or, en tant que bénévole engagée, on peut attendre que vous seriez en mesure de fournir une explication satisfaisante à une simple question concernant les consignes du règlement interne d'une organisation dont vous auriez tout de même été activement engagée de « Anfang 2019 » (p.9/24 du rapport d'entretien de Madame) jusqu'en « Oktober 2019 » (p.11/24 du rapport d'entretien de Madame).

Madame, il semble par ailleurs clair que vous avancez des excuses non-plausibles et non-crédibles pour tenter d'expliquer non seulement votre discours contradictoire mais également pourquoi vous ne seriez pas en possession d'une quelconque autre preuve.

Ainsi, questionné sur la possible existence de photos de vos activités au sein de l'organisation, vous répondez : « Wir haben keine Fotos veröffentlicht, da es eine Hilfsorganisation gewesen ist. Allgemein war in der Organisation das Schießen von Fotos nicht erlaubt » (p.10/24 du rapport d'entretien de Madame).

Madame, force est de constater que vos déclarations ne correspondent guère à la réalité étant donné qu'il ressort du profil « Facebook » de l'entité que tant les événements tout comme les workshops ou les séminaires sont bel et bien documentés par des photos ou encore des publications écrites. Ces événements ne semblent guère se tenir à huis clos.

Il ne fait par ailleurs aucun sens que les activités caritatives dont vous auriez fait partie, à savoir la distribution et la collecte de fonds, de denrées alimentaires et de vêtements n'auraient pas pu être documentées étant donné que ces activités auraient eu lieu à ciel ouvert.

En effet, vous confirmez que la collecte de fonds aurait eu lieu dans une partie de la ville de … qui est connue du grand public, à savoir la rue « … » : « Nein, meistens nur in der … Straße.

7Wir gründeten ein Zelt dort und sammelten Spenden. Mit den Spenden gingen wir zum Hauptbüro zurück » (p.9/24 du rapport d'entretien de Madame).

Vous affirmez par ailleurs que la distribution de biens aurait eu lieu dans différents quartiers de …: « Daraufhin gingen wir zur … Straße ins Geschäft für Büro-/Schulbedarf. Mit dem Restgeld gingen wir zum Großmarkt in …, wo wir dann Klamotten einkauften. Alles brachten wir zum Hauptbüro, dort wurden die Ein- und Ausgaben mit den Belegen verglichen. Dann gingen wir in die sozialen Viertel …, … oder (außerhalb …) Gemeinde … und verteilten ungezielt an die Bedürftigen. In … verteilten wir auch die Güter an die Bedürftigen, die kein Einkommen hatten » (p.9-10/24 du rapport d'entretien de Madame).

Vous déclarez également que vous auriez porté un t-shirt avec l'emblème de l'organisation : « Wir hatten weiße T-Shirts mit Logos unserer Organisation. Im Brustbereich war das Logo der (AA) » (p.10/24 du rapport d'entretien de Madame) et que les voitures de service auraient également été munies de l'emblème de l'organisation : « Ja, die gleichen Logos waren auf diesen Autos. Die Autos hatten aber verschiedene Lackierungen » (p.10/24 du rapport d'entretien de Madame).

Madame, force est de constater que vos déclarations ne sont manifestement pas compatibles. Le fait de prétendre que les activités de collecte et de distribution n'auraient pas été diffusées publiquement et qu'il aurait été interdit de prendre des photos, contredit votre déclaration selon laquelle l'équipe aurait porté des vêtements avec des insignes de l'organisation et que la collecte et la distribution de biens divers auraient eu lieu à la vue de tout le monde. Vos déclarations semblent ainsi être une tentative de votre part de justifier vos déclarations contradictoires ainsi que votre manque de preuves concrètes face aux questions de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes.

En effet, il serait raisonnable d'attendre de votre part que vous seriez en mesure de prouver votre engagement en tant que bénévole, que ce soit par des photos ou des échanges électroniques pour ne citer que quelques exemples.

A cela s'ajoute que vos tentatives de lier les activités que vous auriez eu au sein de l'entité « (AA) » aux menaces auxquelles vous auriez été confrontées par la milice armée « Asaïb Ahl al-Haq » afin de créer une histoire de persécution, ne font que conforter le constat que votre récit est inventé de toutes pièces.

Ainsi, vous déclarez au sujet de l'entité « (AA) »: « Es war die berühmteste und wichtigste Organisation in Irak gewesen. Es ist eine amerikanische Organisation aus dem Bundesstaat …, USA » (p.5/24 du rapport d'entretien de Madame) afin de pouvoir faire un lien avec vos problèmes avec la milice armée : « Asaïb Ahl al-Haq » : « Der Hass und die Feindlichkeit der Asaib Ahl al-Haqq gegenüber der USA ist Ihnen bekannt. Sie können dies nachprüfen, die Asaib Ahl al-Haqq griff einmal die amerikanische Botschaft in … an. Da ich Mitglied einer amerikanischen Organisation war, wurde ich auch als ihr Feind angesehen » (p.8/24 du rapport d'entretien de Madame).

8Madame, force est de constater que ce raisonnement n'est pour le moins douteux. D'autant plus que le fait qu'une entreprise enregistre son siège social dans un Etat américain ne fait pas d'une entreprise un organisme per se « américain » et encore moins comparable à une institution étatique telle qu'une ambassade.

Troisièmement et dans ce même contexte, il y a lieu de soulever, Madame, que la copie de la lettre de remerciement que vous avez remise à l'appui de votre demande de protection internationale a de fortes ressemblances aux lettres publiées sur le profil « Facebook » de l'« (AA) » ce qui ne fait qu'accroître le soupçon que vous vous y auriez inspiré afin de falsifier une lettre à votre nom en y invoquant des motifs d'engagement dans le domaine des droits de l'Homme et cela dans la seule tentative de rendre crédible un récit entièrement inventé.

D'autant plus qu'il ne fait aucun sens qu'une entité manifestement spécialisée dans le secteur de la cosmétique soit secrètement engagée dans des domaines variés tels que des activités caritatives ou encore des activités dans le domaine des droits de l'Homme et des droits civiques.

Madame, il ne reste aucun doute que vos déclarations selon lesquelles vous auriez été bénévole au sein de l'« (AA) » et plus particulièrement vos déclarations concernant les activités de bénévolat que vous y auraient eu, s'avèrent être non crédibles, respectivement complétement fausses.

Quatrièmement, il y a lieu de constater, Madame et Monsieur, que vos déclarations relatives à la participation de Madame aux manifestations d'octobre 2019, à savoir « des mouvements de contestation pacifiques anti-corruption » ayant éclaté « début octobre 2019 à … » se contredisent à de maintes reprises.

Madame et Monsieur, il y a lieu de soulever que vous déclarez tous les deux que « die manifestation » aurait dû avoir lieu le 10 octobre 2019. Ainsi, Madame vous déclarez dans ce contexte : « Die Manifestation sollte am 10.10.2019 stattfinden, aber wegen einer religiösen Zeremonie wurde diese auf den 25.10.2019 vertagt » (p.6/24 du rapport d'entretien de Madame).

Tandis que Monsieur reproduit la même déclaration lors de son entretien : « Am 10.10.2019 sollte eine Demonstration stattfinden, aber wegen einer religiösen Zeremonie wurde die Demo verschoben. Am 25.10.2019 fingen die Demonstrationen dann an » (p.5/18 du rapport d'entretien de Monsieur).

Force est néanmoins de constater que vos déclarations ne correspondent pas à la réalité des faits étant donné que les manifestations d'octobre 2019 ont bel et bien débuté en début d'octobre 2019 avec une première phase entre le 1er et le 9 octobre 2019 pour ensuite reprendre d'ampleur le 24 et 25 octobre 2019.

Or, il serait raisonnable d'attendre de votre part que vous seriez en mesure de donner un ordre temporel précis d'un évènement qui aurait tout de même eu un tournant aussi marquant dans votre vie et qui par ailleurs a connu une attention médiatique non seulement au niveau national mais également au niveau international.

9Madame, vous indiquez qu'« am 25. Oktober 2019 sind wir » - sans néanmoins indiquer de quel « nous » il se serait agit -, « vormittags zum Tahrir Platz gegangen. Eigentlich war es eine friedliche Demonstration. Wir hatten nur eine irakische Flagge in der Hand gehabt. Wir forderten nur die Verbesserung der wirtschaftlichen Lage, Arbeitsplätze zu schaffen oder den Jugendlichen eine Chance auf dem Arbeitsmarkt zu geben » (p.11/24 du rapport d'entretien de Madame).

En effet, il y a lieu de constater qu'il ne ressort pas clairement de votre rapport d'entretien si votre participation aux manifestations était de nature personnelle en tant que citoyenne irakienne ou de nature caritative ou encore si vous y étiez présente en votre fonction de bénévole.

Le même constat s'impose lors de la lecture du rapport d'entretien de votre mari.

Ainsi, vous indiquez dans un premier temps que vous auriez participé aux démonstrations en tant que citoyenne irakienne : « Da ich als Irakerin keine Rechte hatte, habe ich als Frau alle anderen Frauen dazu motiviert auf die Straßen zu kommen um ihre Rechte einzufordern, um beispielsweise nach dem Studium eine Arbeitsstelle zu erlangen » (p.6/24 du rapport d'entretien de Madame).

Tandis que vous donnez également à entendre que vous auriez participé aux manifestations en tant qu'une sorte de bénévole qui aurait fourni un certain support aux manifestants : « ich ging zur Hilfsorganisation und habe sie um Unterstützung gebeten, um Zelte für die Demoteilnehmer kaufen zu können. Bis November 2019 blieben die Jugendlichen und Männer in Zelten auf dem Demoplatz » (p.7/24 du rapport d'entretien de Madame).

Le même constat ressort du rapport d'entretien de votre mari qui déclare : « Wie alle anderen auch. Sie hat dort nichts Außergewöhnliches gemacht. Sie hat mit ihren Freunden Essen und Getränke an Demonstranten verteilt, besonders an die, die an der Front waren. Sie hat auch in den provisorischen Medizinzelten geholfen, bei leichten Verletzungen. Sie hat sich auch gegen die Regierung geäußert, Plakate hochgehalten, so wie alle anderen auch » (p.10/18 du rapport d'entretien de Monsieur).

Questionné par l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes si vous, Madame, seriez en possession de photos prouvant votre présence lors des manifestations, vous déclarez : « Es war unmöglich » (p.11/24 du rapport d'entretien de Madame).

Interrogé par l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes pourquoi il aurait été impossible de prendre des photos, vous expliquez : « Aus mehreren Gründen. Erstens wegen des Berufs meines Mannes. Er war Offizier bei der Polizei. Zweitens wusste mein Vater nichts über meine Teilnahme an der Manifestation. Drittens komme ich aus einem Klan. Es ist ein Verstoß gegen die Sitten unseres Klans, dass Frauen an Demonstrationen teilnehmen. Wir kannten ja die Milizen, die an der Macht waren. Wir wussten, dass sie die Demonstranten nicht in Ruhe lassen. Zahra habe ich auf dem Tahrir Platz kennengelernt. Sie wurde entführt, gefoltert und später ermordet. Dies nur wegen ihrer Teilnahme an der Demo auf dem Tahrir Platz. Auch die Mitarbeiterin (C) der Partnerorganisation in … hat Fotos ihrer Teilnahme an der Demonstration des Tahrir Platzes auf Facebook veröffentlicht. In der Nacht kamen Angehörige der Milizen bei ihr zu Hause vorbei, folterten und töteten sie und ihren Mann. Bis heute werden ständig Demonstranten ermordet » (p.12/24 du rapport d'entretien de Madame).

10 Madame, il est évident que vous essayez par votre réponse d'excuser le fait que vous ne soyez pas en mesure de présenter des preuves tangibles concernant votre participation aux manifestations d'octobre 2019.

En effet, il est curieux que vous déclarez également que vous auriez partagé sur votre profil « Facebook » une invitation incitant les gens à participer aux manifestations d'octobre 2019 :

« haben dies über Facebook gemacht. Wir nutzten auch Hashtags. [Nach der Rückübersetzung: Ich habe selbst nicht die Frauen dazu ermutigt mitzumachen.] ich teilte auf meinem Profil beispielsweise eine Einladung zur „Friedliche Demonstration „Oktober". Viele Leute machten dasselbe » (p.11/24 du rapport d'entretien de Madame) ce qui contredit clairement votre déclaration selon laquelle vous n'auriez pas été en mesure de publier des photos de votre participation aux manifestations à cause des dangers que vous auriez pu encourir.

Madame, force est de constater que manifestement vos propos se contredisent et ne font par conséquent aucun sens.

Au vu de vos déclarations, il est contesté que vous auriez réellement été présente aux manifestations d'octobre 2019.

Cinquièmement, il y a lieu de constater, Madame, que vos déclarations selon lesquelles vous auriez été exclue de votre clan par votre père ne sont pas crédibles.

Madame, vous déclarez lors du premier jour de votre entretien que votre père aurait d'une part découvert votre participation aux manifestations d'octobre 2019 : « Daraufhin bekam ich große Probleme mit meinem Vater. Nachdem mein Vater davon erfahren hat, war er sehr wütend und nachdem ich wieder zu Hause war, kam er eines Tages spät nachmittags zu mir. Ich kam mit ihm in eine laute Diskussion. Er sagte mir: „Wie konntest du dich trauen so etwas zu tun?" Ich erwiderte, dass ich nichts Falsches gemacht und ich dies nicht ohne Erlaubnis getan hätte. Mein Vater war komplett dagegen und nachdem er mich geschlagen hat, nahm er mich zwangsweise zu meinem Elternhaus mit. Dann sagte er mir: „Du bleibst jetzt zu Hause und verlässt das Haus nicht mehr. Falls dein Mann hier vorbeikommt, weiß ich wie ich ihm eine Grenze gebe." [Sic] » (p.7/24 du rapport d'entretien de Madame).

Il aurait également découvert que vous et votre mari, vous vous auriez converti au christianisme. Il vous aurait par la suite averti des conséquences d'une telle conversion, à savoir votre mort: « „Habt ihr überhaupt eine Ahnung was ihr da macht? Ich könnt (sic) nichts gegen die Milizen unternehmen. Wenn du dir keine Sorgen um dein eigenes Leben machst, was ist mit dem Leben deiner Familie?“ Sofort erwähnte mein Vater auch meine Konvertierung zum Christentum und sagte mir: „Falls die anderen über deine jetzige Konfession erfahren, bekommst du Probleme. Daraufhin müssen wir dich selbst töten." » (p.7/24 du rapport d'entretien de Madame).

Il vous aurait d'ailleurs menacé de vous exclure du clan : « „Du hast keine freie Wahl, du wirst zu Hause bleiben und nicht an der Demonstration teilnehmen. Vergiss auch deine jetzige 11Konfession. Ich nehme keine Verantwortung für deine Probleme und ich werde deinen Austritt aus der Familie und dem Klan erklären." » (p.7/24 du rapport d'entretien de Madame).

Madame, force est de constater que vous optez pour une deuxième version des faits quelques semaines plus tard. Convié par l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes à clarifier vos premières déclarations quant à la menace de votre père de vous exclure du clan, vous niez que cette exclusion aurait eu un lien avec votre conversion religieuse, mais serait uniquement en relation avec votre participation aux manifestations d'octobre 2019.

Vous ajoutez encore une troisième version des faits en affirmant que vous auriez effectivement été exclue de votre clan et qu'il ne se serait pas uniquement agi d'une simple menace : « Es war anders. Mein Vater bedrohte mich nicht wegen meinem Glauben mit dem Austritt aus dem Klan, sondern wegen meiner Teilnahme an den Demonstrationen. Er sprach bereits mit anderen Klan Mitgliedern darüber. Bezüglich des Glaubens, traute mein Vater sich nicht, so etwas den Klan Mitgliedern zu erzählen, da es eine Schande für meine Familie wäre. In diesem Fall muss Blut gegossen werden. [Sic] » (p.14/24 du rapport d'entretien de Madame).

Vous déclarez que vous ne seriez pas en mesure de prouver vos dires bien qu'il existerait un document prouvant votre exclusion du clan : « Mein Austritt ist wegen meiner Teilnahme an den Demonstrationen schriftlich erfasst worden, aber leider habe ich selbst kein solches Schreiben. Ich kann es auch nicht besorgen. Das Problem ist, wenn ich meine Mutter oder Schwester kontaktiere, darf mein Vater nichts darüber erfahren » (p.14/24 du rapport d'entretien de Madame).

Vous auriez par ailleurs découvert votre exclusion par le biais de votre soeur : « Damals, als ich mit meiner Schwester telefoniert habe, erzählte sie mir, dass mein Vater mit unserem Klan Führer über meinem Austritt aus dem Klan gesprochen hat. Der Klan bereitete den Austritt schriftlich vor und mein Vater unterschrieb dies » (p.14/24 du rapport d'entretien de Madame).

Questionné par l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes si vous seriez en possession d'une quelconque preuve ou s'il existerait une possibilité de vous faire parvenir ladite preuve par le biais de votre sœur, vous déclarez : « Ich versuche es. [Nach der Rückübersetzung: Ich habe es versucht. Meine Schwester sagte mir, dass es schwierig wäre und sie eine Gelegenheit dazu bekommen muss.] » (p.15/24 du rapport d'entretien de Madame).

Madame, il y a lieu de souligner que des doutes sont à émettre quant à la véracité de vos dires.

En effet, il ressort des recherches sur vos deux profils « Facebook » sous le nom de « (A2) » et non comme vous avez prétendu lors de votre entretien avec l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes sous le nom de « (A2) », que vous ne semblez guère avoir été exclue de votre cercle familial.

Il ressort des recherches sur ladite plateforme que vous, ainsi que votre mari, vous publiez régulièrement des photos vous mettant en scène au Luxembourg, de sorte qu'il est indiscutable et indéniable qu'il s'agit bien de vos profils « Facebook ».

12 Madame, il ressort notamment de vos deux profils « Facebook » que vous publiez périodiquement des photos de votre père, notamment le 6 décembre 2019, le 17 mars 2020 ou encore à l'occasion de l'anniversaire de votre père le … et le … Il y a lieu de souligner que vous avez identifié le profil « Facebook » appartenant à votre père à chaque publication.

Madame, au vu de ces éléments, il y a dès lors lieu de soulever de forts doutes quant à l'existence d'un conflit familial entre vous et votre père.

D'autant plus que les publications en question remontent à une époque postérieure à votre prétendue « exclusion du clan » et qu'il ressort du profil « Facebook » de votre père qu'il a partagé en date du 17 mars 2021 une publication que vous lui aviez dédiée en mars 2020 de sorte qu'il n'y a pas lieu d'en déduire une querelle familiale.

Madame, il y a lieu de conclure que vous avez inventé votre exclusion du clan et par conséquence votre exclusion de votre cercle familial afin de donner une touche de gravité à votre situation.

Madame et Monsieur, le constat que vous essayez d'inventer de toutes pièces une série d'éléments afin d'augmenter vos chances d'obtenir une protection internationale, s'impose sixièmement face à vos déclarations quant à votre prétendue conversion au christianisme.

Madame, vous prétendez lors de vos entretiens avec l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes qu'à un moment donné votre père aurait découvert votre prétendue conversion religieuse : « Sofort erwähnte mein Vater auch meine Konvertierung zum Christentum und sagte mir: „Falls die anderen über deine jetzige Konfession erfahren, bekommst du Probleme.

Daraufhin müssen wir dich selbst töten." Ich verneinte meine Konvertierung zum Christentum » (p.7/24 du rapport d'entretien de Madame).

Madame, il apparait curieux que vous ayez seulement fait état d'une prétendue conversion religieuse lors de votre entretien avec l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes sans néanmoins y avoir d'une quelconque manière fait allusion lors de l'introduction de votre demande de protection internationale quelques mois plus tôt.

En effet, vous n'y avez fait aucune référence ni sur votre fiche de motifs, ni lors de l'entretien avec l'agent du Service de la Police Judiciaire. A cela s'ajoute encore que vous faites des déclarations contradictoires à ce sujet de sorte qu'il semble que vous auriez ajouté une « histoire de conversion » à votre récit afin d'augmenter vos chances d'obtenir une protection internationale.

Ainsi, questionné sur votre appartenance religieuse lors de la première journée d'entretien avec l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes, vous ne vous définissez pas en tant que chrétienne, mais en tant que : « Muslimin : Sunnitin » p.2/24 du rapport d'entretien de Madame).

13Vous ajoutez : « Ich habe aber vor zum Christentum zu konvertieren. In Irak war dies gesetzlich nicht möglich und verboten » (p.2/24 du rapport d'entretien de Madame). Tandis, que lors de votre deuxième journée d'entretien, vous changez votre discours et déclarez que vous vous seriez convertie au christianisme en 2019 : « Anfang 2019 ungefähr » (p.13/24 du rapport d'entretien de Madame).

Convié par l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes à expliquer les spécificités de votre conversion, vous décidez finalement de changer une nouvelle fois votre version des faits en déclarant finalement ne pas vous être convertie : « Ich habe nur persönlich, also innerlich konvertiert. Ich bin offiziell noch nicht konvertiert. Ich bin in Irak noch nie in einer Kirche gewesen » (p.14/24 du rapport d'entretien de Madame).

A votre récit contradictoire, s'ajoute le fait que vous êtes incapable d'évoquer des spécificités du christianisme. Vos déclarations à ce sujet sont extrêmement vagues et n'établissent en aucun cas une quelconque familiarisation de votre part avec la foi chrétienne.

Ainsi, convié à expliquer si vous lisez la bible ou encore si vous pratiquez la religion chrétienne, vous répondez : « Ab und zu lese ich sie ja, wenn ich alleine bin und niemand bei mir ist » (p.14/24 du rapport d'entretien) et « Ich kenne mich mit der Praktizierung des Glaubens nicht aus. Ich lese nur ab und zu die Bibel. Bis heute habe ich keinen Kontakt zur Kirche aufgebaut [Taufen lassen] » (p.14/24 du rapport d'entretien Madame).

Le même constat s'impose quant aux déclarations de votre mari dont vous prétendez qu'il aurait également l'intention de se convertir au christianisme : « Er hat selbst vor zum Christentum zu konvertieren, aber er sagt es wäre noch nicht seine Zeit hierfür. Er sagt, dass erst, wenn er in einem sicheren Land lebt er sich mit einem Pfarrer in Kontakt setzen wird um mehr darüber zu wissen » (p.14/24 du rapport d'entretien Madame).

Or, Monsieur, il ressort de votre rapport d'entretien que vous n'avez fait aucune référence à votre intention de vous convertir au christianisme lorsqu'il était question de votre appartenance religieuse. En effet, vous avez tout simplement déclaré être de confession musulmane : « Muslim;

Schiit » (p.2/18 du rapport d'entretien de Monsieur) sans faire une quelconque allusion à votre intention de convertir au christianisme.

Monsieur, tout comme votre femme, vous restez très vague dans vos déclarations au sujet de votre prétendue intention de vous convertir au christianisme et vous échouez également de démontrer une réelle volonté d'exécuter cette même conversion.

Ainsi, vous déclarez que vous et votre femme n'auraient pas entamés la conversion car vous n'auriez pas encore été prêts à le faire : « Die Vorbereitung zum Christentum haben wir mitgemacht, aber Taufen oder Ähnliches nicht. Wir waren noch nicht soweit. Wir wurden „Aabrin" genannt. Wir haben an religiösen Unterrichten teilgenommen » (p.10/18 du rapport d'entretien de Monsieur). Tandis que votre femme avance une autre raison, à savoir qu'en Irak la conversion serait tout simplement interdite.

14Madame, convié par l'agent à expliquer si vous aviez toujours l'intention de vous convertir, vous semblez vouloir délivrer une excuse face à votre inaction en déclarant qu'il s'agirait d'un processus long : « Ich war vor kurzem, vor etwa zwei Wochen in einer Kirche. Dort traf ich eine Person, die in der Kirche arbeitet. Ich weiß nicht was sie dort arbeitet. Ich habe versucht dieser zu erklären, dass ich neu im Christentum sei. Aber es gab zwischen uns Verständigungsprobleme.

Er sagte mir es wäre in Ordnung und dass ich die Sprache erlernen soll, damit wir kommunizieren können. Diese Person sagte mir, dass es nicht so einfach wäre mich taufen zu Lassen. Zuerst brauchte man Zeit um sich kennenzulernen, später um meinen Willen zur Konvertierung einzuschätzen und mir viele Sachen zu erklären » (p.14/18 du rapport d'entretien de Madame).

Madame et Monsieur, il y a lieu de conclure que votre intérêt pour le christianisme ne ressort nullement de vos déclarations qui ne sont par ailleurs pas en adéquation avec un cheminement intérieur profond nécessairement préalable à une conversion religieuse. En effet, il semble plutôt que vous auriez ajouté un fait aléatoire à votre récit afin d'augmenter vos chances en vue de l'obtention d'une protection internationale.

Ce constat est d'autant plus renforcé par le fait que vous échouez de fournir une quelconque preuve à l'appui de vos dires. Or, il serait raisonnable d'attendre de votre part que vous seriez en mesure de fournir vos échanges électroniques avec la dénommée « (B) » qui aurait été un membre actif d'une église dans la ville de … Ainsi, Madame, vous confirmez que vous auriez eu un vif échange avec la dénommée « (B) » : « Nachdem ich beschloss mich tiefer blickend in das Christentum zu investieren und mich darüber zu informieren, habe ich eine Frau namens (B) kontaktiert. (B) war in der christlichen Kirche in der Stadt … sehr aktiv. Sie versuchte das Christentum zu verbreiten. Sie gab religiöse Unterrichte in der Kirche. Unklarheiten über das Christentum konnte sie sehr einfach erklären » (p.13/24 du rapport d'entretien de Madame).

Tandis que vous, Monsieur, confirmez que vous et votre femme auriez participé « an religiösen Unterricht » (p.10/18 du rapport d'entretien de Monsieur) dont le moyen de communication aurait été la plateforme « WhatsApp » : « Wir hatten eine eigene WhatsApp Gruppe gehabt. Er hat uns immer Gebete per WhatsApp geschickt, auch Geschichten über Jesus und den Aposteln » (p.10/18 du rapport d'entretien de Monsieur).

En effet, vos exposés initialement centrés sur votre prétendue conversion, dont vous changez au cours des entretiens votre version des faits, en exposant des récits centrés sur l'unique intention de conversion, se révèlent essentiellement imprécis et confus, d'une part, et vos tentatives d'explications pour combler les lacunes et incohérences pointées par l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes lors de vos entretiens, ne font, d'autre part, que confirmer le caractère inventif de votre prétendue conversion ou plus particulièrement de votre prétendue intention de conversion au christianisme.

Septièmement et au vu de toutes les incohérences susmentionnées, il y a lieu de soulever, Madame et Monsieur, des sérieux doutes quant à votre déclaration selon laquelle vous auriez été tous les deux poursuivis par la milice armée « Asaïb Ahl al-Haq » à cause du prétendu engagement militant de Madame, ainsi qu'à cause de sa participation aux manifestations d'octobre 2019.

15 Madame et Monsieur, vous déclarez que le 9 décembre 2019 vous auriez été poursuivis par des membres de la milice « Asaib Ahl al-Haq». Il ressort également de votre fiche de motifs que vous auriez quitté votre pays d'origine à cause de cette menace.

Monsieur, vous déclarez que les hommes qui vous auraient poursuivi, vous auraient agressé physiquement et vous auraient menacé de mort, vous et votre femme : « Insgesamt stiegen 4 Leute aus dem Auto. 2 kamen zu mir, die anderen 2 blieben beim Auto. Der Mann zerrte mich dann aus dem Auto und hielt mich neben dem Auto fest. Er hat angefangen meine Frau zu beschimpfen und zu beleidigen. Er sagte mir: „Wenn du deine Frau nicht richtig erziehen kannst und sie keinen Klan hinter sich hat, dann können wir es anstelle tun. Redet ihr schlecht über die Krone und die, die Euch beschützen? Wenn die heilige A'Schaabi nicht da wäre, würde Daesh Eure Frauen verschleppen." Ich versuchte die Vorwürfe zu verneinen. Er hat mir keine Zeit gegeben und schlug mich mit einem Kopfstoß ins Gesicht. Mein Gesicht tat mir weh. Ich konnte nichts mehr sehen. Seine letzten Worte waren: „Das ist nur eine Warnung, beim nächsten Mal hänge ich deine Frau mit ihren Haaren an die Stromkabel, in deiner Anwesenheit, danach erhänge ich dich. Ihr seid „Jokers" und Kinder der Botschaften (Amerikanischen und Britischen Botschaften)." Sie beleidigten mich weiter und gingen dann weg. Bevor sie weggefahren sind, hörte ich wie einer der Männer zu einer fremden Person sagte: „Geh wieder ins Haus rein, sonst komme ich dich schlagen und sperre dich im Haus ein." » (p.7/18 du rapport d'entretien de Monsieur).

Madame et Monsieur, vous vous seriez alors dirigés à l'hôpital de « … » où vous, Monsieur, auriez été soigné et où vous auriez également déposé une plainte contre inconnu auprès de la police. Après votre sortie de l'hôpital, vous auriez amené votre femme chez votre sœur.

Madame, vous déclarez que vous auriez demeuré chez la sœur de votre mari jusqu'à votre départ le 4 janvier 2020.

Le 27 décembre 2019, vous auriez découvert qu'un mandat d'arrêt aurait été émis à votre encontre et à celui de votre mari: « Am 27.12.2019 rief mein Mann mich an und sagte: „(A2), vergiss die Idee irgendwo anders hinzuziehen. Ich komme gleich vorbei!" Als er zu mir und seiner Schwester kam, zeigte er mir ein Foto auf seinem Handy. Ich fragte was es wäre. Er erwiderte:

„Lies mal. Es ist ein Haftbefehl gegen uns beide." Der „Haftbefehl" war von Asaib Ahl al-Haqq.

Dieser Haftbefehl wurde wegen meiner Teilnahme an der Demonstration erlassen und wegen meiner Mitgliedschaft bei der „(AA)" » (p.8/24 du rapport d'entretien de Madame).

Madame et Monsieur, vous avez remis une copie d'une copie dudit mandat d'arrêt, munie d'une traduction non-assermentée par le biais de votre avocat en date du 9 avril 2021. Il ressort de celui-ci que la milice « Asaib Ahl al-Haq » aurait mandaté « la recherche et la capture des deux opposants « (A1) », membres des forces de sécurité intérieure et de son épouse : « (D) » militante civile et responsable des mouvements et des manifestations féministes de Tachrine ».

Les accusations à la base de ce mandat d'arrêt se résumeraient à la : « diffusion d'informations et de vidéos de (D) lors d'une des manifestations alors qu'elle scandait des slogans contre notre organisation islamique en nous qualifiant de milices et en montrant son opposition à 16la cause sacrée des enfants du front populaire en instrumentalisant les manifestants et en créant de l'hostilité envers nous ».

Madame et Monsieur, force est de constater que cette pièce ne saurait aucunement être retenue comme étant authentique, respectivement comme possédant une quelconque force probante, étant donné qu'il s'agit d'une simple copie d'une copie. Cette conclusion est renforcée par le fait qu'un tel document est très facile à élaborer par quiconque avec des outils informatiques de base.

A cela s'ajoute que la manière rocambolesque à laquelle cette prétendue pièce vous serait parvenue ne fait que confirmer ces constats.

Monsieur, vous déclarez que vous auriez reçu une copie dudit mandat d'arrêt par le biais d'un ancien voisin qui serait « cameraman » au sein des « unités de mobilisation populaire Hachd al-Chaabi ».

Or, il ne fait aucun sens qu'un simple « cameraman » aurait eu accès à un tel document.

Questionné par l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes au sujet des circonstances dans lesquelles le mandat d'arrêt lui serait parvenu, vous échouez par ailleurs de répondre à cette même question : « Er arbeitete bei der Körpergesellschaft Hashed A'Schaabi.

Entweder hatte er Freunde in den Verwaltungsbüros oder er selbst durfte so etwas einsehen. Alles was ich weiß ist, dass es mein Glück gewesen ist. Er hat es mir geschickt » (p.13/18 du rapport d'entretien de Monsieur).

A cela s'ajoute qu'il n'est guère plausible qu'un ancien voisin aurait non seulement pris le risque de perdre son emploi, mais également se serait exposé à de sérieuses représailles, pour aider une personne avec laquelle il n'a aucun lien familial ou un quelconque lien de proximité.

D'autant plus, qu'il n'est encore moins plausible que ce voisin vous aurait fait parvenir un tel document par l'application « WhatsApp » ce qui l'aurait exposé encore plus.

Monsieur, le fait que vous auriez également été visé par un mandat d'arrêt ne fait par ailleurs aucun sens étant donné que vous-même n'auriez pas participé aux manifestations d'octobre 2019.

Vous déclarez d'ailleurs que vous n'auriez pas eu un grand intérêt dans les prétendues activités de bénévolat de votre femme : « Die genaue Aktivität meiner Frau kenne ich nicht. Sie hat mir immer nur einen Teil davon erzählt » (p.9/18 de votre rapport d'entretien de Monsieur).

Vous ajoutez encore que vous auriez été particulièrement occupé par votre travail en tant qu'officier de police : « Ich war nämlich die meiste Zeit in meiner Dienststelle » (p.9/18 du rapport d'entretien de Monsieur).

Il est par ailleurs questionnable pourquoi les membres de la milice « Asaïb Ahl al-Haq » ne vous auraient pas simplement capturé étant donné que vous auriez continué votre activité professionnelle après l'incident du 9 décembre 2019 et que vous n'auriez quitté votre lieu de travail définitivement qu'après avoir découvert l'existence d'un mandat d'arrêt visant votre femme et vous-même.

17 D'autant plus que vous déclarez que vos supérieurs auraient été au courant de la prétendue participation de votre femme aux manifestations d'octobre 2019 étant donné que vous auriez été convoqué par trois reprises auprès de vos supérieurs qui vous auraient fait pression pour que votre femme arrête sa participation aux manifestations.

Monsieur, il semble en effet que vous essayez d'inventer un récit autour de la prétendue participation de votre femme aux manifestations d'octobre 2019 afin de relier vos craintes à celles de votre femme et de rendre ainsi votre récit plus dramatique de sorte qu'il n'est pas non plus crédible que vous auriez quitté votre lieu de travail sans autorisation de la part de vos supérieurs.

En effet, vous déclarez au sujet de votre prise de décision quant à votre départ: « In diesem Moment entschied ich mich für das Desertieren und traf die Entscheidung das Land zu verlassen.

Ich habe mich beeilt, nachdem ich dieses Foto gesehen habe. Ich habe auf dem Foto gesehen, dass der Haftbefehl 3 Tage zuvor erlassen worden war. Ich befürchtete, dass sie unser Haus und die unserer Eltern durchsuchen. Sie wussten wann wir Urlaub hätten. Sofort habe ich meine Frau angerufen und habe ihr über den Haftbefehl erzählt. Ich ging zu unserem Waffenlager der Brigade und gab meine Dienstwaffe ab. Die restliche Ausrüstung gab ich einem anderen Offizier. Ich sagte ihm: „Falls jemand nach mir fragt, sagst du ihm, dass mein Sohn krank ist und ich schnell wegmusste." Ich verließ ohne Erlaubnis meine Dienststelle und ging in die Gemeinde Mahmudiya » (p.8/18 du rapport d'entretien de Monsieur).

Monsieur, vous prétendez par ailleurs que vous et votre famille auraient quitté votre pays d'origine en date du 4 janvier 2020 par voie aérienne en direction de la Turquie.

Or, il serait raisonnable d'attendre que des personnes recherchées par les autorités irakiennes soient empêchées de quitter le pays, surtout si elles voyagent par le biais des moyens de transport soumis à une surveillance étatique.

Vous déclarez par ailleurs que vous auriez dû passer des passages de contrôle et ceux-ci auraient été contrôlés par « Irakisches Militär und irakische Bundespolizei » (p.8/18 du rapport d'entretien de Monsieur).

Or, ceci jette davantage le discrédit à la sincérité de vos dires, ainsi qu'à l'ensemble de vos prétendues craintes.

A toutes fins utiles, force est par ailleurs de souligner que le fait de se soustraire à la justice pour des infractions commises relevant de la législation de votre pays d'origine ne saurait justifier une demande de protection internationale étant donné que la motivation ne correspond à aucun des critères de fond énumérés dans la Convention de Genève et la Loi de 2015.

Il y a lieu de retenir dans ce contexte que des poursuites en justice pour des infractions commises sont tout à fait légitimes et ne constituent pas un acte de persécution au sens des prédits textes. De plus, notons qu'au lieu de prendre la fuite et de déserter la police irakienne, il vous aurait été loisible de démissionner de votre poste.

18Ainsi, Madame et Monsieur, au vu des contradictions et incohérences nombreuses qui corrompent vos déclarations, force est de constater que la sincérité de l'ensemble de votre récit doit être réfutée et que vous avez inventé de toutes pièces une série d'éléments afin d'augmenter vos chances d'obtenir une protection internationale, tout en dissimulant la réalité des motifs vous ayant poussé à vous installer au Luxembourg et à y introduire une protection internationale.

Partant, Madame et Monsieur, vos récits n'étant pas crédibles, aucune protection internationale ne vous est accordée.

Vos demandes en obtention d'une protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées.

Suivant les dispositions de l'article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination d'Irak ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisés à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 29 septembre 2023, les consorts (A) introduisirent un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 30 août 2023 portant refus de faire droit à leur demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Par jugement du 4 mars 2025, le tribunal administratif déclara non fondé ce recours en réformation en ses deux volets, partant en débouta, le tout en condamnant les demandeurs aux frais et dépens de l’instance.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 31 mars 2025, les consorts (A) ont régulièrement fait entreprendre le jugement du 4 mars 2025.

A l’appui de leur appel, ils renvoient à l’exposé des faits tel que se dégageant de leur requête de première instance tout en insistant plus particulièrement, d’une part, sur le fait que Madame (A2) serait recherchée par la milice « Asaïb Ahl al-Haq » en raison de son engagement pour la protection des droits de l’homme en Irak et, d’autre part, sur une prétendue condamnation par contumace de Monsieur (A1) en raison de sa défection de son poste de policier.

Les appelants déclarent ensuite qu’ils maintiennent dans leur intégralité les différents moyens de droit développés en première instance « lesquels dans un souci de clarté ne seront pas repris in extenso ci-après ».

Ils font ensuite soutenir que l’ensemble de leurs déclarations correspondraient à la réalité vécue des choses et que les faits seraient suffisamment graves pour justifier leur demande de protection internationale.

Ainsi, la contradiction mise en avant par le ministre que Madame (A2) aurait indiqué en premier lieu avoir travaillé comme bénévole dans le département d’une organisation militant pour les droits civiques et humains pour affirmer ensuite y avoir travaillé comme collaboratrice ne serait pas 19établie, étant donné que le but de sa mission aurait toujours été le même, à savoir échanger avec le département juridique de cette organisation.

Le fait que Monsieur (A1) n’aurait pas été au courant de toutes les activités exercées par son épouse, malgré sa profession de policer, ne contredirait pas le constat que les activités de Madame (A2) auraient été perçues par le gouvernement irakien comme un acte d’opposition politique.

Les appelants contestent également que la lettre de remerciement adressée à Madame (A2) par le « Forum des experts arabes » serait une pièce falsifiée, étant donné que toutes les autres pièces remises aux autorités luxembourgeoises auraient été déclarées authentiques et le simple fait qu’ils n’auraient pas pu se procurer l’original de cette lettre de remerciement, détenue par des membres de leur famille en Irak, ne prouverait pas le caractère falsifié de cette pièce.

Quant à la participation de Madame (A2) aux manifestations d’octobre 2019, le simple constat qu’elle ne disposerait d’aucune photo y relative ne signifierait nullement qu’elle n’y aurait pas participé, mais aurait constitué une simple mesure de précaution pour échapper à des représailles.

Concernant la prétendue agression du 9 décembre 2019, les appelants déclarent être persuadés que ladite agression provenait de la milice « Asaïb Ahl al-Haq », même à défaut de pouvoir prouver ce fait.

Les appelants réfutent également la conclusion ministérielle quant au défaut d’authenticité du mandat d’arrêt du 24 décembre 2019 émis par la milice « Asaïb Ahl al-Haq » à leur encontre, affirmant que la pièce produite en cause serait une photo dudit mandat prise par un voisin et envoyé à Monsieur (A1) via « WhatsApp ».

Les consorts (A) maintiennent également l’affirmation que Madame (A2) aurait été exclue de son clan familial.

Ils concluent encore à l’authenticité du jugement par contumace du 27 avril 2023 ayant prétendument condamné Monsieur (A1) à une peine d’emprisonnement de 5 ans pour avoir abandonné sa fonction de policier, même s’ils n’avaient pas pu se procurer l’original de cette décision de justice qui serait d’« exécution immédiate ».

Quant à l’absence de difficultés aux passages de contrôle à l’aéroport de … au moment de quitter leur pays d’origine, ils prétextent avoir bénéficié de l’aide de trois amis officiers de Monsieur (A1) qui y travailleraient.

Sur base de ces faits, les appelants déclarent remplir les conditions inscrites aux articles 42, paragraphe (1), et 42, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 pour se voir reconnaître le statut de réfugié.

En ordre subsidiaire, ils soutiennent remplir les conditions pour se voir octroyer le statut conféré par la protection subsidiaire au motif qu’ils courraient un risque d’être victime d’atteintes graves au sens de l’article 48, points a) et b), de la loi du 18 décembre 2015.

20 De son côté, le délégué du gouvernement conclut en substance à la confirmation intégrale du jugement entrepris et de la décision ministérielle litigieuse, les deux tablant sur des appréciations justes tant en droit qu’en fait.

Concernant en premier lieu la déclaration des appelants selon laquelle ils entendent maintenir l’intégralité de leurs moyens en droit exposés en première instance, la Cour se doit de rappeler itérativement qu’elle est saisie dans la limite des prétentions des parties, telles que concrétisées à travers les moyens invoqués dans leurs requête ou mémoires. Il s’ensuit que sauf l’hypothèse des moyens à soulever d’office, elle n’est pas amenée à prendre position par rapport aux moyens qui ne figurent pas dans les conclusions d’appel, en sorte qu’elle n’est pas tenue de répondre aux conclusions de première instance auxquelles se réfèrent simplement les conclusions d’appel. - En effet, l’appel étant nécessairement dirigé contre un jugement, les conclusions de première instance prises à l’encontre de la décision ministérielle déférée au fond ne sauraient valoir ipso facto et ipso jure, par référence, comme moyens d’appel, étant donné que par essence elles ne sont pas formulées par rapport au jugement de première instance non encore intervenu au moment où elles ont été prises.

Il s’ensuit que la Cour n’est pas utilement appelée à analyser les moyens de première instance auxquels il a simplement été renvoyé par les appelants sans développement circonstancié en instance d’appel.

Quant au fond, la notion de « réfugié » est définie par l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Il se dégage de la lecture combinée des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d'origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l'article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou 21dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L'octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Il s’y ajoute que la définition du réfugié contenue à l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2 sub g), de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur de protection internationale ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du juge devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

L’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Dans le cadre de l’examen au fond d’une demande de protection internationale, l’évaluation de la situation personnelle d’un demandeur d’asile ne se limite point à la pertinence des faits allégués, mais elle implique un examen et une appréciation de la valeur des éléments de preuve et de la crédibilité des déclarations du demandeur d’asile. La crédibilité du récit de ce dernier constitue en effet un élément d’appréciation fondamental dans l’appréciation du bien-fondé de sa demande de protection internationale, spécialement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.

Sous cet aspect, les premiers juges se sont référés de façon pertinente à l’article 37, paragraphe (5), de la loi du 18 décembre 2015, dont il se dégage que le demandeur de protection internationale bénéficie du doute, à condition que son récit peut être considéré comme crédible, s’il s’est 22réellement efforcé d’étayer sa demande, s’il a livré tous les éléments dont il disposait et si ses déclarations sont cohérentes et ne sont pas en contradiction avec l’information générale et spécifique disponible, étant relevé que le principe du bénéfice du doute est, en droit des réfugiés, d’une très grande importance, alors qu’il est souvent impossible pour les réfugiés d’apporter des preuves formelles à l’appui de leur demande de protection internationale et de leur crainte de persécutions ou d’atteintes graves.

La Cour constate que le ministre s’est limité à examiner la crédibilité du récit des appelants et leur a, sur base du seul constat que le récit manque de crédibilité, refusé la protection internationale.

En l’espèce, la Cour partage entièrement et fait sienne l’analyse détaillée du récit des appelants telle que faite par les premiers juges et ayant abouti à la conclusion que leur récit n’est pas crédible, les premiers juges ayant à juste titre relevé, à l’instar du ministre, (i) des versions incohérentes concernant le rôle et les activités exercées par Madame (A2) au sein de différentes organisations militant pour les droits civiques et les droits de l’homme, dont plus particulièrement l’organisation « (AA) », et l’absence de produire la moindre preuve des prétendues activités de ladite organisation, combiné au défaut d’explications convaincantes que ladite organisation est apparemment spécialisée dans le domaine de la cosmétique, (ii) le fait que Monsieur (A1), en tant que policier, n’aurait pas été au courant des activités militantes de son épouse, (iii) l’impossibilité pour les appelants d’apporter la moindre preuve que Madame (A2) aurait participé aux manifestations d’octobre 2019 (iv) de sérieux doutes concernant l’authenticité du mandat d’arrêt prétendument émis par la milice « Asaïb Ahl Al-Haq » en date du 24 décembre 2019 et la réalité de la prétendue agression des appelants par des membres de ladite milice en date du 9 décembre 2019, (v) des doutes relatifs à l’authenticité du jugement du 27 avril 2023 par lequel Monsieur (A1) aurait été condamné par contumace à une peine de prison de 5 ans pour avoir quitté sa fonction de policier, alors que celui-ci aurait simplement pu démissionner (vi) le caractère non crédible du prétendu conflit familial entre Madame (A2) et son père et la prétendue exclusion de celle-ci de son clan en présence des publications sur le profil Facebook de cette dernière laissant supposer le contraire, (vii) le caractère peu plausible des circonstances expliquant l’absence de difficultés lors des passages de contrôle à l’aéroport de … au moment de quitter leur pays d’origine à destination de la Turquie et (viii) des versions contradictoires et incohérentes concernant la prétendue conversion des appelants au christianisme.

Sur base de ces seules considérations, mises en balance à leur juste mesure avec les explications fournies par les appelants, les premiers juges sont à bon droit arrivés à la conclusion d’un défaut de crédibilité du récit des consorts (A1) dans sa globalité, conclusion qui n’est pas remise en cause par les explications fournies en instance d’appel, qui se limitent à des pures affirmations et à des généralités, sans que les appelants n’aient fait état d’explications précises et plausibles qui permettraient d’invalider les constats du ministre et la conclusion qu’il en a tirée, confirmée par les premiers juges.

Il suit des considérations qui précèdent que les premiers juges ont à bon droit rejeté le recours dirigé contre le refus d’octroi d’une protection internationale, prise en son double volet.

23Quant à l'ordre de quitter le territoire contenu dans la décision de refus de protection internationale, force est de constater que dès lors que le jugement entrepris est à confirmer en ce qu’il a refusé aux appelants le statut de la protection internationale - statut de réfugié et protection subsidiaire - et que le refus d’octroi de pareil statut est automatiquement assorti d’un ordre de quitter le territoire par le ministre, le jugement est à confirmer en ce qu’il a refusé de réformer ledit ordre.

La Cour relève encore qu’au regard de ce qui vient d’être retenu par rapport au caractère non crédible des déclarations des appelants, impactant nécessairement sur le sérieux de leurs craintes, et à défaut d’autres éléments, la conclusion ci-avant retenue par rapport au bien-fondé de l’ordre de quitter le territoire n’est pas remise en cause par les craintes pour leur vies avancées par les appelants et que ceux-ci déduisent justement d’un récit jugé comme étant non crédible.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter les appelants.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

reçoit l’appel du 31 mars 2025 en la forme ;

au fond, déclare l’appel non justifié et en déboute ;

partant, confirme le jugement entrepris du 4 mars 2025 ;

condamne les appelants aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Annick BRAUN, conseiller, 24 et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence de la greffière assumée à la Cour Carla SANTOS.

s. SANTOS s. SCHROEDER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 12 juin 2025 Le greffier de la Cour administrative 25


Synthèse
Numéro d'arrêt : 52613C
Date de la décision : 12/06/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2025-06-12;52613c ?

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