GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 52274C du rôle ECLI:LU:CADM:2025:52274 Inscrit le 24 janvier 2025 Audience publique du 12 juin 2025 Appel formé par Madame (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 17 décembre 2024 (n° 47907 du rôle) en matière de discipline Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 52274C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 24 janvier 2025 par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A), demeurant à L-…, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 17 décembre 2024 (n° 47907 du rôle) ayant déclaré partiellement fondé son recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation 1) d’une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat du 8 juin 2022 ayant prononcé à son égard la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office et 2) de l’arrêté du ministre des Finances du 21 juin 2022 pris en exécution de ladite décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, de sorte à prononcer à son égard, par réformation de la décision déférée les sanctions disciplinaires de la rétrogradation et de l’exclusion temporaire des fonctions avec privation totale de la rémunération pour une durée de six mois et à annuler l’arrêté ministériel du 21 juin 2022 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 24 février 2025 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 24 mars 2025 par Maître Jean-Marie BAULER au nom de l’appelante ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 23 avril 2025 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;
1Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jonathan HOLLER, en remplacement de Maître Jean-Marie BAULER, et Madame le délégué du gouvernement Laurence MOUSEL en leurs plaidoiries à l’audience publique du 6 mai 2025.
Par courrier du 24 septembre 2021, le directeur de l’administration des Contributions directes (ACD) demanda au ministre des Finances, ci-après « le ministre », de saisir le commissaire du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire, ci-après « le commissaire du gouvernement », en vue de l’ouverture d’une instruction disciplinaire à l’encontre de Madame (A), préposé adjoint du bureau RTS Non-résidents auprès de l’ACD.
Par courrier du 28 septembre 2021, le ministre sollicita auprès du commissaire du gouvernement l’ouverture d’une instruction disciplinaire à l’encontre de Madame (A), courrier libellé comme suit :
« (…) Par la présente, et conformément à l’article 56 paragraphe 2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, je vous saisis aux fins de procéder à l’ouverture d’une instruction disciplinaire à l’encontre de Madame (A), Gestionnaire, Catégorie de traitement : A, Groupe de traitement : A2, Sous-groupe : Administratif, Grade :
12, Echelon : 9.
Madame (A) en sa qualité de Préposé adjoint du bureau RTS Non-résidents auprès de l’Administration des contributions directes a lors de l’exercice de ses fonctions manqué à ses obligations statutaires pour avoir itérativement refusé d’exécuter les ordres lui donnés (1), pour avoir violé les lois et règlements qui déterminent les devoirs que l’exercice de ses fonctions lui impose (2), pour avoir porté atteinte à la dignité des fonctions, fait scandale et compromis le service public (3) et pour avoir manqué de façon répétée au devoir de dignité et de civilité qui lui incombe (4). (…) ».
Par courrier adressé au ministre en date du 8 octobre 2021, le commissaire du gouvernement adjoint accusa réception du prédit courrier de saisine du 28 septembre 2021.
Par courrier recommandé du même jour, le commissaire du gouvernement adjoint informa Madame (A) qu’une instruction disciplinaire avait été ordonnée à son encontre, lui transmit les pièces de son dossier disciplinaire et lui fit part de son intention de la suspendre de l’exercice de ses fonctions, tout en l’invitant à présenter ses observations par rapport au projet de suspension endéans un délai de huit jours et à se présenter pour être entendue en personne au commissariat du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire pour une audition devant se dérouler le 19 octobre 2021.
Le 19 octobre 2021, Madame (A) fut entendue par le commissaire du gouvernement adjoint, tel que cela ressort du procès-verbal daté du même jour.
Par décision du commissaire du gouvernement adjoint du 19 octobre 2021, elle fut suspendue de l’exercice de ses fonctions avec effet immédiat et pendant tout le cours de la procédure disciplinaire, jusqu’à la décision définitive.
2 Par arrêté du 25 octobre 2021, le ministre confirma la suspension prononcée par le commissaire du gouvernement adjoint.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 décembre 2021 (n° 46774 du rôle), Madame (A) fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des deux décisions précitées portant suspension de l’exercice de ses fonctions, recours dont elle fut déboutée suivant jugement du 5 mars 2024.
En date du 25 février 2022, le commissaire du gouvernement adjoint clôtura son instruction par l’émission d’un rapport d’instruction.
Par courrier du même jour, le commissaire du gouvernement adjoint informa Madame (A) qu’il envisageait de transmettre le dossier au Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, ci-après « le Conseil de discipline », conformément à l’article 56, paragraphe (5), de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après « le statut général », sans préjudice du droit de la concernée de prendre inspection du dossier disciplinaire en vue, le cas échéant, de présenter ses observations, respectivement de demander un complément d’instruction, ce que cette dernière fit par courrier daté du 2 mars 2022.
En date du 16 mars 2022, le commissaire du gouvernement adjoint émit un rapport d’instruction complémentaire.
Le Conseil de discipline prit, en date du 8 juin 2022, la décision suivante :
« (…) Vu l’instruction disciplinaire diligentée à l’encontre de (A) par le commissaire du Gouvernement adjoint chargé de l’instruction disciplinaire, ci-après le commissaire du Gouvernement, saisi en application de l’article 56.2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après le statut général, par un courrier de Monsieur le Ministre des Finances daté du 28 septembre 2021 et transmise pour attribution au Conseil de discipline, ci-après le Conseil, par courrier du 16 mars 2022.
Vu le rapport d’instruction du 25 février 2022 et le rapport d’instruction complémentaire du 16 mars 2022.
Entendus à l’audience publique du Conseil du mercredi 11 mai 2022, après rapport oral du Président du Conseil conformément à l’article 65, alinéa 2 du statut général, (A) et son conseil en leurs explications et moyens de défense, ainsi que la déléguée du Gouvernement, en ses conclusions.
La lettre de saisine du 28 septembre 2021, censée faire partie intégrante de la présente décision, renferme quatre reproches, subdivisés par le commissaire du Gouvernement en plusieurs sous-reproches. En substance, il est reproché à (A) d’avoir itérativement, pendant la période non prescrite, refusé d’exécuter les ordres lui donnés ; d’avoir diffusé des documents confidentiels ;
d’avoir impliqué, par l’envoi de courriels relatifs aux différends qui l’opposent à sa hiérarchie, d’autres destinataires que ceux directement concernés, dans le but de donner une publicité à des 3litiges artificiellement créés par elle et, par ce biais, de dénigrer ses supérieurs hiérarchiques ;
d’avoir manqué, de façon répétée au devoir de dignité et de civilité dans ses communications tant avec ses collègues de travail, que ses supérieurs hiérarchiques, qu’aussi avec des administrés.
A l’issue de l’instruction diligentée, le sous-reproche d’avoir fait procéder à « l’émission de cartes d’impôt 2016 rétroactives » n’était, d’après le commissaire du Gouvernement, pas constitutif d’un manquement disciplinaire faute d’une instruction à cette époque interdisant ce procédé ; les débats devant le Conseil de discipline n’ont pas amené d’autres éléments de sorte que, de concert avec la déléguée du Gouvernement et le fonctionnaire concerné, il en est fait abstraction.
A l’audience du Conseil, (A) a maintenu ses prises de position détaillées dans les deux rapports et, confrontée avec des questions plus ciblées, elle a préféré les évincer ou en tirer profit pour les contourner et revenir à ses moyens de défense amplement consignés au dossier d’instruction.
Maître HOLLER a décrit un parcours professionnel de 35 ans de (A) sans incident, celle-ci ayant toujours fait son travail. Les différends auraient seulement commencé en 2021 où ses compétences, ses qualités et son esprit plus critique n’auraient plus été appréciés à leur juste valeur. Le reproche du refus d’ordre serait énergiquement contesté alors que l’unique souci de (A) aurait été de dénoncer d’importants problèmes de légalité. Il y aurait eu « un ras le bol » de sa part d’appliquer des dispositions qui ne seraient pas en concordance avec une législation internationale. Parallèlement, elle aurait revendiqué ce qu’elle estime être son droit, à savoir sa promotion au grade 13, et depuis lors, suite à son insistance, ses supérieurs hiérarchiques lui feraient un véritable procès d’intention où même une simple remarque humoriste faite à l’attention du Directeur des contributions servirait à alourdir le dossier disciplinaire. Aucune sanction disciplinaire ne devrait partant être prononcée à l’encontre de (A).
La déléguée du Gouvernement ne partage pas le point de vue de (A) et de son conseil et avance que le bien-fondé des reproches se dégagerait de l’ensemble de l’instruction diligentée, y compris les rapports fournis à l’appui de la saisine, les documents ainsi que les attestations testimoniales versées et, du moins, pour ce qui est de l’entrevue du 24 août 2021 avec Madame (B) et Monsieur (C), une reconnaissance des faits par la concernée.
Contrairement à l’argumentation de (A), les itératifs refus d’ordre seraient amplement caractérisés. Elle aurait systématiquement eu recours à la procédure prévue par l’article 9.4 du statut général pour refuser d’exécuter des instructions claires et sans équivoque et, nonobstant confirmation écrite des ordres, (A) aurait continué à camper sur sa position. Intransigeante et surtout insatiable dans sa démarche de tout vouloir remettre en question, de tout vouloir discuter ou interpréter, de dénigrer ses supérieurs hiérarchiques et de mettre leur autorité, ainsi que leurs compétences professionnelles en question, elle aurait, nonobstant tentative de médiation, de coaching ou d’encadrement collégial, paralysé toute une administration sans aucune perspective de changement. Non seulement que (A) n’exécuterait pas le travail lui assigné et pour lequel elle est rémunérée, mais encore, ses supérieurs hiérarchiques devraient, à chaque fois, investir un travail et une énergie considérables dans leurs efforts de lui fournir des explications, de la raisonner et de lui faire adopter une autre attitude, temps investi qui s’avérerait perdu pour se 4consacrer à leurs propres devoirs, sans même parler du surcroît de travail de ses collègues face au refus obstiné de (A) de s’exécuter.
Encore à l’audience, aucun début d’autocritique ou d’introspection dans le chef de (A) ne pourrait être décelé, au contraire, elle serait convaincue du bien-fondé de ses agissements, invoquant sa liberté d’expression et sa liberté syndicale, sans aucun égard par rapport aux conséquences néfastes générées par une attitude pareille, tant pour son administration en général, qu’encore pour l’administré en particulier. (A), par sa persévérance dans cette attitude destructrice, aurait perdu tout respect, estime et confiance indispensables pour envisager une continuation de la relation de travail. Cette circonstance, ensemble l’absence du moindre repentir ainsi que la gravité indubitable des multiples manquements aux articles 9, 10 et 11 du statut général justifieraient, nonobstant son ancienneté, la sanction de la mise à la retraite d’office, puisque aussi bien les relations professionnelles qu’humaines seraient irrémédiablement compromises. Elle renvoie à cet égard à la prise de position du Directeur des contributions suivant lequel : « toute tentative de médiation, d’encadrement collégial ou d’aplanissement a échoué.
Ainsi, non seulement elle paye les efforts de ses supérieurs en sapant de façon insupportable et régulière leur autorité, mais pire son comportement consistant à mettre régulièrement des tiers en copie de ces récriminations, adressées à la direction et à ses supérieurs, n’a aucune retenue.
A cela s’ajoute qu’elle compromet l’image et la continuité du service public presté et les intérêts des usagers par ses actes impulsifs et omissions préjudiciables, respectivement par ses interprétations hasardeuses et infondées. Dans cet exercice elle ne rechigne pas à engager sa responsabilité pénale en divulguant illégalement des données secrètes, violant ainsi gravement une des obligations les plus élémentaires de sa profession sur le respect sans faille de laquelle tout contribuable doit pouvoir compter.
Elle porte gravement atteinte à l’image de l’administration de par son attitude manquant des marques élémentaires de respect, de tact et de professionnalisme que l’on est en droit d’attendre d’un serviteur public.
Elle a perdu la confiance de ses collègues de travail qui n’ont pas vu d’autre issue que de demander leur mutation pour échapper aux brimades et agressions de Madame (A).
Bref, par son comportement obstructif elle est devenue complètement incontrôlable et s’est professionnellement disqualifiée et a par ce fait irrémédiablement compromis la confiance nécessaire à son maintien en service ».
Le Conseil relève que tout au long de l’instruction, (A) a présenté de multiples explications pour tenter de justifier le recours presque systématique à la procédure prévue par l’article 9.4 du statut général, puis, après la confirmation de l’ordre reçu par écrit, le refus de s’y conformer et de s’exécuter.
L’article 9.4 du statut général dispose « Lorsque le fonctionnaire estime qu’un ordre reçu est entaché d’irrégularité, ou que son exécution peut entraîner des inconvénients graves, il doit, par écrit, et par la voie hiérarchique, faire connaître son opinion au supérieur dont l’ordre émane.
5Si celui-ci confirme l’ordre par écrit, le fonctionnaire doit s’y conformer, à moins que l’exécution de cet ordre ne soit pénalement répressible. Si les circonstances l’exigent, la contestation et le maintien de l’ordre peuvent se faire verbalement. Chacune des parties doit confirmer sa position sans délai par écrit ».
Il importe de rappeler que l’hypothèse où un fonctionnaire, lorsqu’il reçoit des instructions de son supérieur, est permis de remettre en question l’ordre reçu est limitativement réservée à deux cas de figure, l’une où l’ordre est entaché d’irrégularité et l’autre où l’exécution de l’ordre peut entraîner des inconvénients graves.
Le droit disciplinaire, à l’instar du droit pénal, est d’interprétation et d’application restrictive et il ne saurait se concevoir que cette procédure particulière, exclusivement dédiée à ces hypothèses exceptionnelles limitativement énumérées, puisse être dénaturée de son objectif et dégénérer en un outil que le fonctionnaire se croit permis d’invoquer à la légère. En l’espèce, il ne se dégage d’aucun élément du dossier que les ordres donnés à (A) soient entachés d’irrégularités au sens de la loi ou que leur exécution puisse entraîner des inconvénients graves. (A) a cru s’en prévaloir pour détailler son propre point de vue et pour se livrer à une interprétation des instructions, des textes ainsi que des procédés en vigueur, qu’elle estime ne pas être en harmonie avec la législation nationale et internationale, pour remettre en question le bien-fondé des instructions reçues.
Il est déjà permis de critiquer l’attitude d’un fonctionnaire se croyant permis de recourir à cette procédure dans l’unique intention de présenter ses propres réflexions. S’y ajoute que, loin de faire état d’un incident isolé, l’instruction diligentée a confirmé les reproches avancés par l’Administration des contributions directes que (A), jusqu’à sa suspension, a, au lieu de se raviser, continué dans cette voie. Puis, nonobstant le fait que les supérieurs hiérarchiques et le Directeur des contributions maintiennent l’ordre donné par écrit, (A), laquelle n’a donc aucune raison de ne pas s’exécuter, s’obstine néanmoins à refuser de s’exécuter.
Il n’appartient pas au Conseil d’apprécier si éventuellement les remarques ou les interprétations de (A) puissent être pertinentes ou non, mais il lui revient uniquement de se prononcer sur un manquement à l’article 9.4 du statut général, ce qui est en l’espèce manifestement le cas. Tous les moyens de défense fournis par (A) sont dénués de fondement eu égard au fait que le fonctionnaire, une fois la confirmation écrite de l’ordre reçu, et que celui-ci n’est pas pénalement répressible, doit s’exécuter, peu importe ses ressentis personnels.
Il s’en suit que (A) a itérativement refusé d’exécuter les ordres lui donnés dont notamment au mois d’octobre/novembre 2018 « d’avoir refusé de reclasser d’office les contribuables mariés dans la classe 1 au moment où ils quittent le territoire du Grand-Duché de Luxembourg », au mois de novembre 2020 « d’avoir refusé de procéder à la rédaction d’une note conjointe », au mois de février 2021 « d’avoir refusé de procéder à l’attribution d’un abattement forfaitaire pour de frais de déplacement pour le personnel diplomatique luxembourgeois recruté localement à l’étranger », au mois de mars 2021 « d’avoir refusé d’établir des cartes d’impôt pour le personnel navigant employé par une société de navigation aérienne » et au mois de juillet 2021 « d’avoir refusé d’établir des décomptes annuels pour les non-résidents ».
6(A) a ainsi manqué à l’article 9, paragraphe 1, alinéa 2, du statut général, en vertu duquel le fonctionnaire doit se conformer aux instructions du Gouvernement qui ont pour objet l’accomplissement régulier de ses devoirs ainsi qu’aux ordres de service de ses supérieurs.
En ce qui concerne le deuxième reproche, il résulte de la circulaire « extrait de compte salaire et pension (ECSP)-Directive coopération 2011/16/UE » que ce document sur support électronique par lequel les employeurs et caisses de pension doivent informer l’Administration des contributions directes des salaires et pensions versés durant l’année d’imposition à des contribuables résidents et non-résidents est exclusivement destiné à cette Administration et que partant la communication en faite par (A) le 27 novembre 2019 par voie électronique à la comptable d’un ancien salarié de l’employeur est constitutif d’un manquement à l’article 11, paragraphe 2, du statut général en vertu duquel toute communication contraire aux lois et règlements de pièces ou documents de service à des tiers sont interdits.
Pour ce qui est du troisième reproche, il résulte à suffisance des documents produits au dossier que (A) a notamment le 4 février 2021 envoyé sa prise de position par rapport à l’ordre de son supérieur hiérarchique d’attribuer à certaines personnes un abattement forfaitaire pour frais de déplacements, courriel destiné à la Division RTS, en même temps au Comité de direction (5 personnes), à la Division juridique (six personnes), à la Division législation (dix personnes), à la Division inspection et organisation du service d’imposition (quatre personnes), à trois personnes du Bureau RTS non-résidents, à une personne de la Division informatique ainsi qu’au syndicat SUID, rajoutant ainsi une bonne vingtaine de destinataires non impliqués. Il en est de même du courriel du 10 septembre 2021 relatif à l’avancement au grade 13 destiné au chef de division de la Division affaires générales, envoyé en même temps au Directeur des contributions, au préposé du Bureau RTS Non-résidents, au directeur de la Direction fiscalité du Ministère des Finances, au directeur de la Direction administration et domaines du Ministère des Finances, au syndicat CGFP, au syndicat SUID, au Bureau d’imposition Luxembourg Z, au Bureau RTS 3 et au chef de division adjoint de la Division affaires générales.
Au vu du contenu de ces échanges, reflétant plus particulièrement les points de vue des protagonistes directement concernés, c’est à juste titre qu’il est reproché à (A) d’avoir envoyé les courriels en question à de multiples autres destinataires pour donner un maximum de publicité à ses desideratas, impliquant des personnes extérieures ou hors chaîne hiérarchique, manquant ainsi à l’article 10, paragraphe 1, alinéa 1, du statut général, en vertu duquel le fonctionnaire doit, dans l’exercice comme en dehors de l’exercice de ses fonctions, éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ces fonctions ou à sa capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public.
Finalement, c’est à juste titre que la déléguée du Gouvernement a également considéré que le quatrième reproche, une violation du devoir de dignité et de civilité dans les communications, est à suffisance rapporté par les éléments dégagés par l’instruction disciplinaire dont les courriels adressés le 13 décembre 2018 notamment à (D), le 28 avril 2021 notamment à (E), le 14 mars 2019 et le 29 avril 2021 à (B), le 19 août 2021 à (F) ainsi que les attestations testimoniales de (C) et de (B) relatives aussi aux entrevues des 11 juin 2021 et 24 août 2021, manquements constitutifs d’une violation de l’article 10, paragraphe 1, alinéa 2, du statut général, en vertu duquel le fonctionnaire est tenu de se comporter avec dignité et civilité tant dans ses rapports de service 7avec ses supérieurs, collègues et subordonnés que dans ses rapports avec les usagers de son service qu’il doit traiter avec compréhension, prévenance et sans aucune discrimination.
L’article 53 du statut général définit les critères à appliquer pour prononcer une peine disciplinaire et dispose qu’il convient de tenir compte à cet effet entres autres de la gravité de la faute commise, de la nature et du grade des fonctions du fonctionnaire inculpé et de ses antécédents.
Le Conseil rejoint la déléguée du Gouvernement que (A) a fait preuve, de façon répétée, d’un manque de respect, d’un manque de compréhension et d’un manque de considération manifestes tant envers ses supérieurs hiérarchiques qu’envers d’autres personnes de son service ou extérieures. Cette situation a non seulement eu pour effet une dégradation irrémédiable des relations de travail, mais encore, par l’adoption, à de multiples reprises, d’une attitude particulièrement irrespectueuse envers ses supérieurs hiérarchiques combinée à un acharnement de sa part à vouloir imposer ses approches au point de refuser d’exécuter des ordres confirmés par écrit, elle a désorganisé, voire même paralysé tout un service. S’y ajoute que (A) ne se livre à aucune auto-critique, persuadée du bien-fondé de ses agissements, elle ne laisse surtout pas entrevoir la moindre perspective d’un dénouement de cette situation hautement conflictuelle et inacceptable qui perdure déjà depuis de longs mois. La gravité de ces manquements doit partant également être analysée sous cet aspect de sorte qu’elle excède de loin ceux qu’il serait permis de sanctionner avec bienveillance au bout d’une ancienneté de 30 ans de service sans antécédent disciplinaire.
La sanction de la mise à la retraite d’office prévue à l’article 47, sub 9 du statut général, telle que requise par la déléguée du Gouvernement, s’avère ainsi, au vu du contexte plus amplement décrit, comme justifiée.
PAR CES MOTIFS :
le Conseil de discipline, siégeant en audience publique, statuant contradictoirement, sur le rapport oral de son président, le fonctionnaire et son conseil entendus en leurs explications et moyens de défense et la déléguée du Gouvernement en ses conclusions, prononce contre (A), du chef des manquements retenus à sa charge, constitutifs d’une violation des articles 9, paragraphe 1, alinéa 2, 10, paragraphe 1, alinéa 1 et alinéa 2 ainsi que 11, paragraphe 2, la sanction disciplinaire prévue à l’article 47.9 du statut général, à savoir la mise à la retraite d’office ; (…) ».
Par arrêté du ministre du 21 juin 2022, la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office fut appliquée à l’encontre de Madame (A).
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 septembre 2022 (n° 47907 du rôle), Madame (A) introduisit un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du Conseil de discipline du 8 juin 2022 ayant retenu à son encontre la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office et de l’arrêté du ministre du 21 juin 2022 pris en exécution de la décision précitée du Conseil de discipline.
8 Par jugement du 17 décembre 2024, le tribunal reçut le recours principal en réformation en la forme, au fond, le déclara partiellement justifié et, par réformation de la décision entreprise du 8 juin 2022, prononça à l’égard de Madame (A), cumulativement, les sanctions disciplinaires de la rétrogradation et de l’exclusion temporaire des fonctions avec privation totale de la rémunération pour une durée de six mois, dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation, se déclara incompétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre l’arrêté ministériel du 21 juin 2022, reçut en la forme le recours subsidiaire en annulation dirigé contre ledit arrêté, au fond, le déclara justifié, partant, l’annula, rejeta la demande tendant à voir prononcer l’effet suspensif de son jugement ainsi que la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par la demanderesse, le tout en la condamnant aux frais de l’instance.
Le tribunal rejeta en premier lieu le moyen de Madame (A) tiré de la violation des droits de la défense en relevant que celle-ci avait versé au cours de l’instruction disciplinaire des prises de position détaillées, de même que de nombreuses pièces, qu’elle avait par ailleurs reproduites au niveau contentieux et qu’elle n’établissait pas concrètement en quoi ses droits de la défense sinon son droit à un procès équitable auraient été lésés, cette dernière restant plus particulièrement en défaut de préciser quel moyen elle aurait été empêchée de faire valoir lors de l’audience devant le Conseil de discipline du 11 mai 2022 et partant de prouver avoir subi un quelconque grief.
Le tribunal rejeta ensuite le moyen tiré d’une prétendue violation du principe de légalité consacré par l'ancien article 14 de la Constitution – article 19 de la Constitution révisée - et par l’article 7, paragraphe 1er, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), en retenant, par référence à deux arrêts de la Cour Constitutionnelle (arrêt n° 23/04 du 3 décembre 2004 et arrêt n° 41/07 du 14 décembre 2007), que la circonstance que le statut général prévoit un certain nombre de devoirs et d’obligations incombant notamment aux fonctionnaires et que, par ailleurs, la même loi prévoit un catalogue de sanctions disciplinaires, n’est pas contraire au principe de la légalité des peines, dans la mesure où les devoirs sont décrits avec suffisamment d’objectivité et que l’arbitraire des sanctions à appliquer est évité par le biais de l’article 53 du statut général imposant que l’application des sanctions disciplinaires doit se régler notamment d’après la gravité de la faute commise, le grade, la nature de l’emploi et les antécédents disciplinaires du fonctionnaire inculpé.
Il rejeta encore le moyen tiré d’une prétendue violation du principe d'impartialité « consacré par les droits de la défense », par l'article 6 de la CEDH et les articles 41 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après « la Charte », que ce soit par rapport aux développements de la demanderesse relatifs à la composition du Conseil de discipline ou à son argumentaire mettant en cause l’impartialité du délégué du gouvernement représentant l’Etat devant le Conseil de discipline et celle du commissaire du gouvernement.
Le tribunal procéda ensuite à un examen détaillé des quatre reproches principaux libellés à l’encontre de Madame (A), à savoir, (1) des refus itératifs d’ordre, (2) la diffusion d’un document confidentiel à une tierce personne, (3) le fait d’avoir « porté atteinte à la dignité des fonctions, fait scandale et compromis le service public » et (4) des manquements aux devoirs de dignité et de civilité et d’avoir fait désobligeance envers les administrés, ce dernier reproche se subdivisant en quatre sous-reproches, à savoir (i) désobligeance envers les administrés, (ii) défaut de civilité dans 9les rapports avec les subordonnés - harcèlement, (iii) dénigrements itératifs de l’administration et (iv) défaut de civilité envers les supérieurs hiérarchiques, en vérifiant la matérialité des faits reprochés à la concernée et en procédant à leur qualification juridique par rapport aux dispositions pertinentes du statut général.
Quant à la proportionnalité de la décision en cause, le tribunal retint en premier lieu que les faits retenus à charge de Madame (A) étaient à qualifier de manquements aux articles 9, paragraphe (1), alinéa 2, 10, paragraphe (1), alinéas 1er et 2, et 11, paragraphe (2), du statut général.
Il jugea ensuite que ces faits revêtaient une gravité certaine et révélaient notamment une attitude opposante et insubordonnée, de même qu’un manque de professionnalisme, de considération, de tact et de retenue à l’égard de ses supérieurs hiérarchiques, respectivement de ses collègues de travail, et que ce comportement avait incontestablement porté atteinte à la dignité de ses fonctions et était d’autant plus critiquable qu’elle occupait, en tant que préposé adjoint du bureau RTS Non-résidents de l’ACD, un poste comportant des responsabilités certaines et impliquant la gestion de plusieurs personnes sous ses ordres, tout en relevant que la demanderesse ne montrait toujours aucun début d’autocritique ou d’introspection et continuait à contester la majorité des faits lui reprochés et en particulier les itératifs refus d’ordre en se retranchant derrière des arguments inopérants.
Sur ce, le tribunal, au vu du casier disciplinaire vierge de Madame (A) et de sa longue ancienneté de service, arriva à la conclusion que la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office, telle que fixée par le Conseil de discipline, apparaissait comme étant trop sévère, et, par réformation de la décision entreprise, retint comme sanction adéquate par rapport aux faits de l’espèce, les peines disciplinaires de la rétrogradation et de l’exclusion temporaire des fonctions avec privation totale de la rémunération pour une durée de six mois, en vertu de l’article 47, points 7 et 8, du statut général.
Dans la mesure où l’arrêté ministériel du 21 juin 2022 a été pris en exécution de la décision du Conseil de discipline du 8 juin 2022, le tribunal annula encore en conséquence ledit arrêté.
Finalement, le tribunal rejeta la demande de Madame (A) visant l’effet suspensif de son recours pendant le délai et l’instance d’appel, faute par celle-ci d’avoir expliqué concrètement en quelle mesure l’exécution de la décision critiquée risquerait de lui causer un préjudice grave et définitif.
Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 24 janvier 2025, Madame (A) a entrepris le jugement du 17 décembre 2024 dont elle demande la réformation sinon l’annulation et demande à la Cour de « réformer la décision du Conseil de discipline du 8 juin 2022 en acquittant l’appelante de toute sanction disciplinaire, sinon rapporter la sanction litigieuse à des plus justes proportions », sinon subsidiairement « dans l’hypothèse où votre Cour réforme le jugement a quo par substitution de motifs, donner acte à l’appelante qu’elle réitère ses moyens de première instance ».
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement relève appel incident du jugement du 17 décembre 2024 et demande à voir confirmer la décision du Conseil de discipline du 8 juin 2022 ayant prononcé à l’encontre de Madame (A) la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office. Il donne encore à considérer que la sanction disciplinaire prononcée par les premiers 10juges serait inexécutable en pratique et leur reproche d’avoir omis de préciser si la concernée était à classer au grade immédiatement inférieur à son ancien grade avant la rétrogradation ou au grade précédant le grade immédiatement inférieur et de s’assurer que le traitement nouvellement fixé soit inférieur au traitement d’avant la sanction disciplinaire.
Les deux appels ayant été relevés dans les délais et formes de la loi, ils sont recevables.
N’étant pas tenue de suivre l’ordre dans lequel les moyens sont présentés, la Cour analysera ci-après, dans l’intérêt de la logique inhérente des différents moyens, d’abord les moyens subsidiaires invoqués par Madame (A), qualifiés de « violations objectives et intrinsèques de la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires d’Etat », l’examen des moyens procéduraux devant nécessairement précéder l’examen de l’opportunité et de la proportionnalité de la sanction disciplinaire éventuelle à prononcer à l’égard de l’appelante.
L’appelante réitère en premier lieu son moyen de première instance tiré d’une violation des droits de la défense et de son droit à un procès équitable, respectivement d’une violation du principe d’impartialité du Conseil de discipline, relevant dans ce contexte que ledit conseil refuserait « systématiquement les notes de plaidoiries dans les affaires complexes ». Elle argumente plus particulièrement que les deux rapports disciplinaires contiendraient respectivement 94 et 5 pages et des « centaines de pièces », de sorte qu’il lui aurait été difficile, voire impossible de prendre position et de soulever un certain nombre de moyens de défense dans un délai de « 8 jours » par rapport aux 12 reproches libellés à son encontre. Madame (A) critique dans ce contexte encore le fait que le Conseil de discipline refuserait de communiquer respectivement de dresser un plumitif d’audience et l’administré inculpé ne pourrait faire valoir ses moyens de manière efficiente. Le comble de l’atteinte aux droits de la défense aurait été atteint lorsqu’elle aurait tenté de prendre la parole lors de l’audience du 11 mai 2022 et que le Conseil de discipline aurait indiqué dans sa décision que « (A) a maintenu ses prises de position détaillées dans les deux rapports et, confrontée avec des questions plus ciblées, elle a préféré les évincer ou en tirer profit pour les contourner et revenir à ses moyens de défense amplement consignés au dossier d’instruction ». L’appelante fait valoir, à cet égard, que les notes de plaidoiries seraient non seulement refusées sous prétexte que les plaidoiries devant le Conseil de discipline seraient orales, mais que les administrés seraient également empêchés de s’exprimer lors de l’audience au motif que leurs arguments seraient d’ores et déjà amplement détaillés dans le dossier d’instruction. Cette façon de procéder, outre le fait qu’elle témoignerait d’une hostilité particulière du Conseil de discipline à son égard, mettrait encore en exergue « une méconnaissance, volontaire ou non, des principes généraux du droit applicables devant les quasi juridictions disciplinaires et fait dériver la matière disciplinaire en un ilôt de « non-droit » au sein même des Etats de droit » et serait d’autant plus grave que le commissaire du gouvernement, censé instruire à charge et à décharge en vertu de l’article 56, paragraphe (2), du statut général, n’aurait retenu aucun élément à décharge à son égard et cela illustrerait, si besoin en était, le rôle de « procureur » dudit commissaire.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen, relevant plus particulièrement que le Conseil de discipline serait parfaitement en droit de refuser la communication de notes de plaidoiries, la procédure prévue étant exclusivement orale. La façon de procéder devant le Conseil de discipline serait parfaitement légitime, car elle permettrait de respecter le principe du contradictoire et l’égalité des armes entre le fonctionnaire et le délégué du gouvernement.
11A l’instar du tribunal, la Cour doit constater que l’appelante, mis à part de critiquer de manière générale le déroulement des débats devant le Conseil de discipline et de relever une prétendue partialité du commissaire du gouvernement au moment de l’instruction disciplinaire, n’établit pas concrètement et dans quelle mesure ses droits de la défense auraient été lésés lors de l’audience du Conseil de discipline du 11 mai 2022 et de quelle manière la façon de procéder dudit conseil lui aurait causé grief. Il convient de relever plus particulièrement que le mandataire de l’appelante n’a même pas souhaité déposer une note de plaidoiries devant le Conseil de discipline et qu’il se dégage en outre de la décision du Conseil de discipline du 11 mai 2022 que l’appelante avait déjà versé au cours de l’instruction disciplinaire des prises de position détaillées et de nombreuses pièces à sa décharge faisant partie du dossier administratif soumis aux juridictions.
Il s’ensuit que les développements de l’appelante sur ce point sont essentiellement abstraits et théoriques et le moyen afférent encourt le rejet pour défaut de précision.
Madame (A) réitère ensuite son moyen de première instance tiré d’une violation du principe de légalité des délits et des peines, tel que consacré par l’article 19 de la Constitution révisée et l’article 7 de la CEDH. Elle soutient dans ce contexte que les « incriminations » du statut général seraient trop vagues et que le fonctionnaire poursuivi ne saurait pas à quelle peine il devrait s’attendre tant l’éventail des sanctions serait important « allant de l’avertissement jusqu’à la révocation ». Son cas serait révélateur dans ce contexte, étant donné qu’elle aurait été exclue définitivement de la fonction publique « après plus de 35 ans de bons et loyaux services pour des refus d’ordre qui sont d’ores et déjà formellement contestés ». Elle ajoute que la jurisprudence administrative consistant à retenir qu’« une application arbitraire est a priori évitée par le biais de l’article 53 du statut général » serait dénuée de toute pertinence en pratique, dans la mesure où tout ce qui pourrait être utilisé à décharge du concerné serait utilisé comme une circonstance aggravante par le Conseil de discipline. Elle relève que son ancienneté et ses compétences acquises en matière de législation fiscale auraient dû lui permettre d’interpeler sa hiérarchie moins expérimentée sur la légalité des décisions prises au sein du service. Or, le Conseil de discipline aurait érigé son ancienneté et son expérience professionnelle en circonstances aggravantes en retenant, sur le fondement de l’article 53 du statut général, que « [l]a gravité de ces manquements doit partant également être analysée sous cet aspect de sorte qu’elle excède de loin ceux qu’il serait permis de sanctionner avec bienveillance au bout d’une ancienneté de 30 ans de service sans antécédent disciplinaire ». Ainsi, elle aurait été victime « d’une insécurité juridique inacceptable », alors que le Conseil de discipline se serait contenté de reprendre dans sa décision les faits, formellement contestés, et de les qualifier péremptoirement de manquements aux articles 9, paragraphe (1), alinéa 2, ainsi que 10, paragraphe (1), alinéas 1er et 2, et 11, paragraphe (2) du statut général, articles étant à qualifier de dispositions « fourre-tout », susceptibles d’être invoquées dans toutes les procédures disciplinaires à l’appui de n’importe quel manquement et aux fins de prononcer n’importe quelle sanction, situation qui serait intenable dans un Etat de droit moderne.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen en se référant notamment à divers arrêts de la Cour administrative sur ce point1.
1 Cour. adm. 25 février 2021, n° 45262C du rôle ; Cour adm. 28 juin 2018, n° 40794 C du rôle.
12En vertu de l’article 7, paragraphe 1er, de la CEDH, invoqué par l’appelante : « Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise ».
Ledit article consacre le principe de légalité des peines, tout comme l’article 19 de la Constitution révisée, en vertu duquel : « Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu’en vertu de la loi ».
Les premiers juges se sont à juste titre appuyés sur les enseignements à tirer de la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle qui a retenu à différentes occasions qu’en droit disciplinaire la légalité des peines suit les principes généraux du droit pénal et doit observer les mêmes exigences constitutionnelles de base, que le principe de légalité des peines entraîne la nécessité de définir les infractions en termes suffisamment clairs et de préciser le degré de répression pour en exclure l’arbitraire et pour permettre aux intéressés de mesurer exactement la portée de ces dispositions et que le principe de la spécification de l’incrimination est le corollaire de celui de la légalité des peines. Tel que les premiers juges l’ont relevé à bon escient, la Cour Constitutionnelle a encore retenu que le droit disciplinaire tolère dans la formulation des comportements illicites et dans l’établissement des peines à encourir une marge d’indétermination sans que le principe de la spécification de l’incrimination et de la peine n’en soit affecté, si des critères logiques, techniques et d’expérience professionnelle permettent de prévoir avec une sûreté suffisante la conduite à sanctionner et la sévérité de la peine à appliquer2, et que, par ailleurs, le principe de la légalité des peines ne fait pas obstacle à ce qu’en matière disciplinaire les infractions soient définies par référence aux obligations légales et réglementaires auxquelles est soumise une personne en raison des fonctions qu’elle exerce, de la profession à laquelle elle appartient ou de l’institution dont elle relève3.
C’est pour de justes motifs que les premiers juges ont conclu à partir de la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle que la circonstance que le statut général prévoit un certain nombre de devoirs et d’obligations incombant notamment aux fonctionnaires et que, par ailleurs, la même loi prévoit un catalogue de sanctions disciplinaires, n’est pas contraire au principe de la légalité des peines, dans la mesure où les devoirs sont décrits avec suffisamment d’objectivité et que l’arbitraire des sanctions à appliquer est évité par le biais de l’article 53 du statut général, qui impose que l’application des sanctions disciplinaires doit se régler notamment d’après la gravité de la faute commise, le grade, la nature de l’emploi et les antécédents disciplinaires du fonctionnaire inculpé.
A cet égard, la Cour relève encore que l’examen de la juste pondération des critères prévus à l’article 53 du statut général et partant celui de la proportionnalité de la peine retenue sera opéré ci-après, sans que Madame (A) ne soit fondée à critiquer l’appréciation qui a été faite de l’article 53 du statut général par le Conseil de discipline au niveau de la question du respect du principe de légalité des peines par les dispositions légales sur base desquelles un non-respect du statut général a été retenu.
Il s’ensuit que les premiers juges ont à juste titre rejeté le moyen fondé sur une violation du principe de légalité des peines.
2 Cour Const. 3 décembre 2004, n° 23/04, Mém. A n° 201 du 23 décembre 2004.
3 Cour Const. 14 décembre 2007, n° 41/07, Mém. A n° 1 du 11 janvier 2008.
13 En troisième lieu, Madame (A) réitère son moyen tiré d’une prétendue violation du principe d’impartialité « consacré par les droits de la défense » et par les articles 6 de la CEDH et 41 et 47 de la Charte.
Ainsi, par rapport à la composition du Conseil de discipline, elle critique en premier lieu le fait que dans cet organe décisionnel, lequel serait considéré par l’exposé des motifs du projet de loi n°4891 comme une quasi-juridiction, siègeraient des représentants de l’Etat, alors que l’Etat serait pourtant partie en cause. Or, étant donné que le Conseil de discipline serait une véritable juridiction au sens de l’article 6, paragraphe 1er, de la CEDH du fait de statuer tant en matière civile en ce qui concerne la sanction de la révocation, qu’en matière pénale pour ce qui est de la sanction de l’amende, il serait censé en respecter les garanties du procès équitable et impartial. Cela ne serait toutefois pas le cas du fait qu’outre les deux magistrats professionnels, le Conseil de discipline serait composé notamment d’un délégué du ministère de la Fonction publique et d’un délégué du ministère d’Etat, lesquels devraient être considérés comme parties en cause, du fait de disposer d’une délégation de signature pour le compte des ministres respectifs et du fait de risquer d’avoir eu, en amont et au sein de leurs ministères respectifs, une connaissance des dossiers jugés par le Conseil de discipline auprès duquel ils siègent. L’appelante se prévaut, dans ce contexte, de deux décisions du Conseil constitutionnel français, la première ayant invalidé un article du Code de l’action sociale et des familles pour contrariété à la Constitution française en ce qu’il prévoyait la participation de fonctionnaires dans la composition d’une commission centrale d’aide sociale en méconnaissance du principe d’indépendance, la seconde ayant décidé que les dispositions, prévoyant que deux fonctionnaires, représentant le ministre de la santé et le ministre de l’outre-mer, siégeant au sein du conseil national de l’ordre des pharmaciens, seraient contraires à la Constitution française pour méconnaître le principe d’indépendance, alors même que celles-ci prévoyaient que lesdits représentants ministériels y siègent avec voix consultative.
Ainsi, le fait que sur les cinq membres composant le Conseil de discipline, deux représenteraient l’Etat, poserait un problème d’équilibre face au seul représentant de la chambre des fonctionnaires et employés publics, ce d’autant plus que ces deux fonctionnaires « font courir le risque d’avoir, en amont et au sein de leurs ministères respectifs, une connaissance des dossiers jugés par le Conseil auprès duquel ils siègent ».
L’appelante critique encore un manque d’impartialité des délégués du gouvernement représentant l’Etat devant le Conseil de discipline, alors qu’ils seraient tous fonctionnaires au ministère de la Fonction publique et qu’ils plaideraient devant le chef du cabinet dudit ministère, celle-ci relevant encore le fait que tous les membres du Conseil de discipline seraient nommés à l’occasion du même arrêté grand-ducal pour un terme de trois ans, tout en donnant à considérer qu’elle ne verrait pas la nécessité d’avoir encore deux représentants du gouvernement qui siègeraient au sein de l’organe de jugement, dont l’un appartiendrait au même ministère que le délégué du gouvernement qui serait son supérieur hiérarchique. Madame (A) renvoie encore aux doutes exprimés en 2002 par le Conseil d’Etat lui-même dans le cadre de travaux parlementaires afférents en ce qui concerne la composition du Conseil de discipline et la nécessité d’un délégué du gouvernement, alors que ledit conseil comprendrait déjà deux délégués de ministres, dont le rôle deviendrait de ce fait « plus ambigu ».
14Elle insiste, en outre, sur le fait que le commissariat chargé de l’instruction, ayant instruit l’affaire et renvoyé le dossier devant le Conseil de discipline, dépendrait également directement du ministère de la Fonction publique et qu’il tiendrait ses bureaux au sein même dudit ministère, de sorte qu’à toutes les étapes de la procédure, un représentant du ministère de la Fonction publique, sinon le ministre de la Fonction publique lui-même serait impliqué.
Elle renvoie encore à la Charte qui disposerait dans ses articles 41 et 47 que toute personne aurait le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable, ce qui n’aurait pas été le cas en l’espèce.
Toujours par rapport à ce moyen, l’appelante remet en cause l’impartialité du commissaire du gouvernement qui exercerait de facto et de jure trois fonctions incompatibles, à savoir celles de « juge d’instruction » au moment de l’instruction du dossier, celle de « juge » au moment du classement sinon du renvoi de l’affaire, et celle de « procureur », son rapport devant être considéré comme un réquisitoire. Elle reproche plus particulièrement au commissaire du gouvernement de n’avoir retenu aucun élément à sa décharge. Pour illustrer ses propos, elle renvoie à sa prise de position du 2 mars 2022, à l’appui de laquelle elle aurait communiqué un courriel dans lequel Monsieur (D), chef de division de la division RTS au bureau RTS Non-résidents de l’ACD, aurait reconnu une approche « pragmatique » plutôt que légaliste de l’action administrative au sein de ladite administration en indiquant que « Dës pragmatesch Léisung war mam Accord vum Comité fonnt gin (…) »). Or, le commissaire du gouvernement aurait conclu dans son rapport complémentaire qui « si ce courriel ne peut donc guère servir comme élément à décharge de Madame (A), il constitue une illustration parfaite du ras-le-bol de ses supérieurs », conclusion qui serait de nature à établir sa partialité à son égard, tout en suspectant ses supérieurs hiérarchiques et « accusateurs » d’être entrés en contact avec le commissaire du gouvernement, ce qui expliquerait « l’agacement » de ce dernier à son égard et démontrerait encore davantage son rôle de procureur.
Dans son mémoire en réplique, quant à l’impartialité objective du Conseil de discipline, Madame (A) reproche encore au délégué du gouvernement de s’être emparé de décisions des juridictions administratives de 2015 et 2016 ayant retenu que le Conseil de discipline ne constituerait pas une juridiction au sens de la CEDH et que les garanties de l’article 6 de la CEDH n’auraient pas vocation à s’appliquer au niveau d’une procédure purement administrative, alors que de manière générale, la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme, ci-après dénommée « la CourEDH », prévoirait depuis son revirement en 1999 que l’article 6 de la CEDH serait applicable au droit disciplinaire de la Fonction publique, entraînant ainsi que les conseils de discipline seraient tenus de respecter le principe de l’audience publique et de statuer de façon équitable et impartiale. Elle cite ensuite un jugement du tribunal administratif du 23 octobre 2020 (n° 42361 du rôle), ainsi qu’un arrêt de la Cour administrative du 10 décembre 2019 (n° 43348C du rôle), qui auraient retenu que le Conseil de discipline en charge de la procédure disciplinaire serait tenu d’observer les principes généraux du droit, tels que le principe d’équitable procédure, le principe du respect des droits de la défense, le principe général d’impartialité ou encore le principe général du délai raisonnable.
L’appelante ajoute que le système de l’échevinage, tel qu’il existerait devant les juridictions de l’ordre social, ne serait pas comparable à celui ayant cours devant le Conseil de discipline, étant 15donné qu’un tel système serait précisément censé garantir l’impartialité objective du tribunal du travail, ce qui ne serait toutefois pas le cas devant le Conseil de discipline. Elle réitère, à cet égard, son argumentation ayant trait à l’absence d’impartialité des représentants de l’employeur public, lesquels seraient directement concernés par le sort des parties en cause, de sorte à ne pas pouvoir être comparés aux représentants des employeurs siégeant dans l’ordre juridictionnel social, alors que ces derniers ne siégeraient pas dans l’hypothèse où ils seraient directement ou indirectement concernés par une affaire. Elle fait encore valoir que l’Etat employeur serait astreint au respect « des règles statutaires et surtout aux règles de droit public ». L’Etat, dans ses rapports avec l’administré et l’Etat employeur, dans ses rapports avec ses agents, serait plus précisément soumis au respect de la Constitution, des principes généraux du droit et des lois, sans pouvoir bénéficier de la liberté contractuelle propre au droit commun du travail. Ainsi, la question essentielle serait de savoir comment ce « circuit fermé » au sein du ministère de la Fonction publique permettrait de prémunir le fonctionnaire mis en cause contre, d’une part, le fameux « doute légitime » qu’il est susceptible de nourrir face à cette organisation et, d’autre part, le risque qu’au sein dudit ministère, les différents acteurs se croisent et puissent dès lors avoir en amont et au sein de leur ministère, une connaissance des dossiers jugés par le Conseil de discipline auprès duquel ils siègent.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen en tous ses volets.
A l’instar du tribunal, il convient de relever en premier lieu que l’article 41 de la Charte, aux termes duquel « (…) Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l’Union. (…) », n’est pas directement invocable devant les juridictions nationales, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) ayant retenu à cet égard qu’il résultait clairement du libellé dudit article 41 que celui-ci s’adresse non pas aux Etats membres, mais uniquement aux institutions, aux organes et aux organismes de l’Union4.
Quant à l’article 47 de la Charte invoqué par Madame (A), aux termes duquel « Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter. Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l’effectivité de l'accès à la justice », la Cour constate que l’appelante n’a pas autrement précisé quels droits et libertés du droit de l’Union, respectivement quelles garanties inscrites audit article 47, auraient été violés dans son chef.
Il s’ensuit que l’argumentation de Madame (A), vue sous l’angle des dispositions citées de la Charte, encourt le rejet, étant précisé qu’il n’appartient pas à la juridiction saisie de suppléer la carence d’un demandeur en recherchant elle-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions.
4 CJUE, 17 juillet 2014, YS c. Minister voor Immigratie, Integratie en Asiel et Minister voor Immigratie, Integratie en Asiel c. M et S, affaires jointes C-141/12 et C-372/12, point 67.
16Concernant ensuite la violation alléguée de l’article 6, paragraphe 1er, de la CEDH, aux termes duquel « [t]oute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (…) », il convient de rappeler que la procédure disciplinaire critiquée au regard des impératifs découlant de l'article 6 de la CEDH ne constitue qu'une étape d'un processus décisionnel – organisé par la loi – propre à la fonction publique et aboutissant à une décision finale à l'égard de l'agent concerné, de sorte que cette procédure disciplinaire préalable ne revêt pas en elle-même un caractère juridictionnel, mais une nature purement administrative5.
S’agissant plus particulièrement du reproche d’un manque d’impartialité sur le fondement de l’article 6 de la CEDH et des critiques de l’appelante quant à la composition du Conseil de discipline soulevés dans ce contexte, la Cour relève qu’aux termes de l’article 59 du statut général, « le Conseil de discipline est composé de deux magistrats de l'ordre judiciaire, d'un délégué du ministre, d'un délégué du ministre d'Etat et d'un représentant à désigner par la Chambre des Fonctionnaires et Employés Publics, ainsi que d'un nombre double de suppléants choisis selon les mêmes critères. (…) ».
Il convient de rappeler en premier lieu que suivant le droit national, le Conseil de discipline ne constitue pas une juridiction et que dans la mesure où l’intéressé trouve à sa disposition au niveau contentieux un double degré de juridiction avec des organes juridictionnels répondant aux exigences de l’article 6 de la CEDH, celles-ci ne sauraient être appliquées avec la même rigueur à l’encontre d’organes siégeant au niveau précontentieux, à savoir au niveau administratif, tels le commissaire du gouvernement et le Conseil de discipline6. Si l’article 6 de la CEDH impose certes des impératifs à respecter en matière de procès équitable, les garanties afférentes n’ont néanmoins pas pour autant vocation à s’appliquer au niveau d’une procédure disciplinaire purement administrative, en ce qu’elles n’entrent en ligne de compte qu’à un stade ultérieur, au niveau de l’instance juridictionnelle compétente pour connaître du recours dirigé contre la décision administrative traduisant l’aboutissement de ladite procédure disciplinaire7, tel que cela a été relevé à bon escient par les premiers juges, et que tant le commissaire du gouvernement que le Conseil de discipline ne constituent que des étapes dans le processus décisionnel aboutissant à la sanction disciplinaire et ne revêtent pas en eux-mêmes un caractère juridictionnel.
Dans ce contexte, c’est encore à bon droit que le tribunal a rappelé que de manière générale, il convient d’assurer que l’enquête disciplinaire soit conduite par une personne compétente à condition que son impartialité ne soit pas contestable et que l’autorité amenée à prendre la décision sur la sanction à appliquer doit être impartiale, d’une part, d’un point de vue subjectif, en ce qu’elle ne doit pas avoir procédé à des prises de position antérieures de nature à préjuger du résultat de la procédure disciplinaire, et, d’autre part, d’un point de vue objectif par rapport à ses conditions structurelles ou organisationnelles.
5 Cour adm. 24 janvier 2017, n° 38126C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Fonction publique, n° 276 et autres références y citées.
6 Cour adm. 17 décembre 2009, n° 25839C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Fonction publique, n° 298 et les autres références y citées.
7 Cour adm. 14 juillet 2016, n° 37460C du rôle.
17 Les premiers juges ont à juste titre relevé qu’en l’absence d’éléments susceptibles de faire preuve d’une quelconque manière d’un préjugé sur le litige dans le chef des membres du Conseil de discipline, la présence en son sein de fonctionnaires du ministère de la Fonction publique et d’un représentant du ministère de l’Etat ne pose pas problème en tant que tel.
Ainsi, il est de jurisprudence constante que la seule présence au sein du Conseil de discipline d’un fonctionnaire du ministère de la Fonction publique et d’un représentant du ministère d’Etat ne permet pas de conclure à une appréhension raisonnable de préjugé lorsque ces fonctionnaires n’ont pas manifesté d’une quelconque manière un comportement caractérisé permettant de conclure à une appréhension raisonnable de préjugé et notamment lorsque ceux-ci n’ont pas été appelés à prendre précédemment une décision ou à effectuer une intervention qui les auraient conduits à prendre position ou à émettre une appréciation pouvant constituer un préjugé sur le litige leur soumis en tant que membres du Conseil de discipline8. Or, la Cour constate que l’appelante ne soutient même pas que les représentants des deux ministères visés par l’article 59 du statut général aient concrètement exprimé une quelconque attitude laissant paraître un doute quant à leur impartialité ou indépendance par rapport à leur employeur, voire aient eu connaissance du dossier en amont tel que l’appelante s’inquiète de façon générale, les vagues insinuations de celle-ci étant insuffisantes à cet égard.
Complémentairement à cette analyse des premiers juges, qui a davantage trait au requis d’impartialité subjective, et par rapport au requis d’impartialité objective, la Cour relève qu’il est fait application en l’espèce du principe de l’échevinage et que, outre les deux magistrats de l’ordre judiciaire, répondant par essence aux exigences d’indépendance, le Conseil de discipline se compose à la fois de représentants de l’employeur public et de représentants de la Chambre des Fonctionnaires et Employés Publics, en tant que représentants des fonctionnaires et employés de l’Etat. Partant, les deux côtés – employeur public et agents publics – se trouvent ainsi tous les deux représentés et il est inhérent au système instauré sur base du principe de l’échevinage que le ou les représentants de l’employeur public soient des fonctionnaires de l’Etat relevant précisément de l’administration publique9.
Finalement, s’il est certes encore exact, tel que relevé ci-avant par la partie appelante, que d’après un arrêt du 10 décembre 2019, l'autorité administrative en charge de la procédure disciplinaire est tenue d'observer les principes généraux de droit, tels que le principe d'équitable procédure, le principe de respect des droits de la défense ou encore le principe général d'impartialité, et ce même en l'absence d'un texte exprès10, ledit arrêt a encore retenu que cette procédure disciplinaire préalable se déroule dans le respect du principe du contradictoire par la mise à disposition du dossier intégral au fonctionnaire dès que l’instruction est terminée, celui-ci pouvant ensuite présenter ses observations et solliciter un complément d’instruction et que le Conseil de discipline, fonctionnant d’après le système de l’échevinage, tel que relevé ci-avant, est composé entre autres 8 Cour. adm., 8 décembre 2022, n° 47780C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Fonction publique, n° 295 et les autres références y citées.
9 Cour adm. 14 juillet 2016, n° 37460C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Fonction publique, n° 296 et autres références y citées.
10 Cour adm. 10 décembre 2019, n° 43348C du rôle ; Cour adm. 13 janvier 2022, n ° 46338C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Fonction publique, n° 277 et autres références y citées.
18de deux magistrats de l’ordre judiciaire, qu’il peut ordonner toutes les mesures d’instruction complémentaires qu’il juge utiles, qu’une audience contradictoire est fixée pour entendre le fonctionnaire inculpé et qu’au moment de la prise de sa décision, les membres du Conseil de discipline sont astreints au respect du secret du délibéré et du vote.
Il s’ensuit que le moyen afférent de Madame (A) visant l’indépendance et l’impartialité du Conseil de discipline, sous tous les aspects soulevés, est à rejeter.
Quant à l’impartialité du commissaire de gouvernement, la Cour se doit de rappeler que le commissaire du gouvernement n'exerce pas trois fonctions distinctes et incompatibles, mais est appelé, aux termes d'une instruction à charge et à décharge, à décider du sort de l'affaire, cette décision n'ayant par ailleurs que la qualité d'un acte préparatoire, le Conseil de discipline demeurant souverain dans son appréciation et pouvant décider soit qu'il n'y a pas lieu de prononcer une sanction, soit d'appliquer une ou plusieurs sanctions mineures, soit d'appliquer une sanction plus sévère que celle envisagée par le commissaire du gouvernement. Le fait que le rapport du commissaire du gouvernement clôture l'instruction disciplinaire menée à charge et à décharge du fonctionnaire et qu'il délimite les faits mis à sa charge ne saurait pas non plus être considéré comme mettant en cause son impartialité, le commissaire du gouvernement n'étant pas, par la suite, appelé à intervenir dans la procédure disciplinaire, et notamment lors de la procédure devant le Conseil de discipline11.
Plus précisément, d’après les dispositions issues du statut général, le commissaire du gouvernement est essentiellement un organe d’instruction procédant à charge et à décharge qui, à la fin de l’instruction, peut prendre une décision à choisir parmi les options posées par l’article 56 du statut général, consistant soit à classer l’affaire, soit à transmettre le dossier au ministre du ressort lorsqu’il estime que les faits établis par l’instruction constituent des manquements mineurs à sanctionner par les peines situées en bas de l’échelle des peines, soit encore à transférer le dossier au Conseil de discipline lorsqu’il estime que les mêmes faits établis par l’instruction constituent des manquements devant être sanctionnés par des sanctions plus sévères que celles entrevues en termes d’aiguillage suivant la deuxième option. En instruisant à charge et à décharge, d’un côté, et en jouant le rôle d’organe de classement, sinon de transmission à la fin de l’instruction, de l’autre, le commissaire du gouvernement ne prend pas de décision dirimante en défaveur du fonctionnaire soumis à l’instruction disciplinaire, seul le classement mettant fin à la procédure, et les transmissions suivant les deux autres options de la loi laissant en principe pleine liberté de jugement aux organes de décision respectivement saisis12.
La tâche du commissaire du gouvernement, telle qu’organisée par l’article 56 du statut général, ne révèle dès lors pas une partialité objective, telle qu’avancée par l’appelante et la seule circonstance que le commissaire du gouvernement soit administrativement lié au ministère dont relève Madame (A) ne révèle pas pareille partialité objective.
11 Cour adm. 17 décembre 2009, n° 25839C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Fonction publique, n° 291 et autres références y citées 12 Cour adm. 14 juillet 2016, n° 37460C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Fonction publique, n° 291 et autres références y citées.
19Il s’ensuit qu’aucune partialité ni objective ni subjective dans le chef du commissaire du gouvernement ne ressort du dossier, de sorte que le moyen afférent de l’appelante est à rejeter.
Concernant finalement le reproche de l’appelante que les délégués du gouvernement sont des fonctionnaires rattachés au ministère de la Fonction publique et plaident de la sorte devant le chef du cabinet dudit ministère, la Cour ne perçoit pas en quoi cette appartenance au ministère ayant la fonction publique en ses attributions poserait un problème d’impartialité au niveau du Conseil de discipline, son rôle consistant précisément à requérir éventuellement une sanction disciplinaire à l’égard d’un fonctionnaire fautif et non pas à participer à la prise de décision du Conseil de discipline.
Il s’ensuit que l’argumentation afférente de Madame (A) est également à abjuger.
Quant à la proportionnalité de la sanction disciplinaire retenue à l’encontre de Madame (A) par les premiers juges, celle-ci estime en premier lieu que le simple fait de contester les faits lui reprochés ferait partie des droits de la défense et ne saurait être utilisé comme élément aggravant dans le cadre de l’appréciation de la gravité de la sanction disciplinaire, reprochant dans ce contexte aux premiers juges d’avoir retenu qu’elle ne montrerait aucun début d’autocritique et d’introspection en continuant à contester la majorité des faits lui reprochés.
L’appelante rappelle en second lieu que la plupart des ordres lui donnés qu’elle n’aurait pas exécutés étaient incontestablement irréguliers et que son refus de les exécuter était justifié et légitime - refus d’exécution des décomptes annuels, refus d’établissement des cartes d’impôt pour le personnel navigant employé par une société de navigation aérienne, refus d’ordre de procéder à l’attribution d’un abattement forfaitaire pour les frais de déplacement, refus de reclasser d’office les contribuables mariés dans la classe 1 au moment de quitter le territoire luxembourgeois -, tout en relevant qu’il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir exécuté l’ordre de devoir accorder des frais de déplacement à certains contribuables résidant à l’étranger sous forme de kilomètres routiers au lieu d’unités de déplacement, ordre qui aurait été immédiatement exécuté par un autre agent auquel il avait été adressé simultanément.
Elle conteste encore le reproche qu’elle aurait refusé d’émettre une note conjointe, tout en relevant que l’ordre de dresser pareille note n’aurait été émis que le 11 novembre 2020 à 13.55 heures et confirmé seulement le 17 novembre 2020 à 9.29 heures, partant à un moment où elle avait déjà envoyé sa propre note personnelle le 13 novembre 2020 à 10.18 heures.
Madame (A) relève encore que le reproche tenant à la prétendue émission des cartes d’impôt rétroactives n’a pas été retenu par le Conseil de discipline et que la Cour ne se trouverait dès lors plus saisie de ce reproche, à défaut pour la partie étatique d’avoir déposé un recours séparé sur ce point.
L’appelante conteste encore le reproche d’avoir envoyé par courriel un extrait de compte « ECSP » à un comptable sur lequel auraient figuré des données nominatives concernant l’employeur du contribuable et qui ne concernait pas le salarié en cause, mettant de nouveau en avant des problèmes de légalité dans ce contexte.
20De manière générale, son administration n’aurait jamais daigné contrôler la légalité des ordres reçus, ce qui lui aurait gravement porté préjudice.
En outre, les faits lui reprochés s’inscriraient dans le contexte d’un refus d’avancement au grade 13, dans le groupe A2, auquel elle prétend avoir eu droit à partir du 1er août 2021. Or, sa direction se serait montrée intransigeante quant à son droit d’avancement en violation des dispositions légales. Par la suite, la procédure disciplinaire menée à son encontre et la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office prononcée par le Conseil de discipline l’auraient définitivement privée de son droit à l’obtention du grade 13.
La partie étatique, de son côté, maintient son point de vue que la sanction disciplinaire prononcée par le Conseil de discipline, à savoir la mise à la retraite d’office, serait tout à fait proportionnée et justifiée. Le délégué du gouvernement relève encore que les premiers juges auraient de manière correcte mis en évidence les points essentiels du dossier et leur raisonnement aurait dû conduire à une confirmation de la sanction retenue par le Conseil de discipline. Cependant, le tribunal, en mettant en avant deux éléments, à savoir le casier disciplinaire vierge et la longue ancienneté de service, aurait prononcé une sanction moins sévère, qui ne tiendrait toutefois pas compte de la gravité des manquements constatés à charge de l’appelante. Ainsi, l’ancienneté de service ne pourrait pas avoir une incidence positive sur la nature de la sanction à prononcer et ce ne serait pas parce qu’un agent bénéficie d’une ancienneté de service de 35 ans qu’il pourrait tout se permettre, et notamment d’interpeler sa hiérarchie sur la légalité des décisions prises au sein du service sous prétexte de sa longue ancienneté, ce qui démontrerait plutôt un manque de professionnalisme.
A titre subsidiaire, le délégué du gouvernement donne à considérer que l’une des sanctions disciplinaires prononcées par les premiers juges serait inexécutable en pratique par le Centre de gestion du personnel et de l’organisation de l’Etat. Renvoyant à l’article 47, point 7, du statut général, il reproche aux premiers juges d’avoir omis de préciser si la concernée était à classer au grade immédiatement inférieur à son ancien grade avant la rétrogradation ou au grade précédant le grade immédiatement inférieur et de s’assurer que le traitement nouvellement fixé soit inférieur au traitement d’avant la sanction disciplinaire. Ainsi, il aurait appartenu au tribunal de déterminer le grade et l’échelon dans lequel Madame (A) était à classer.
Concernant le fond des reproches adressés à l’égard de l’appelante, la partie étatique demande la confirmation du jugement entrepris par rapport aux différents refus itératifs d’ordre. L’Etat conteste formellement que les différents ordres donnés à la concernée auraient été illégaux et affirme que la direction aurait été parfaitement en droit de donner des instructions sur des questions d’interprétation de la loi fiscale. Ainsi, il appartiendrait au directeur de l’ACD de donner des injonctions aux autorités subordonnées, tant pour donner des directives générales que dans le cadre d’un ou de plusieurs cas d’imposition individuels, et il n’appartiendrait pas à la Cour de se prononcer sur l’application correcte ou incorrecte des textes invoqués.
Le représentant étatique argumente plus particulièrement que le tribunal, dans un premier temps, a constaté à juste titre que la matérialité des faits concernant les différents refus d’ordre serait établie et que la légitimité des refus d’ordre avancée par l’appelante ne serait pas donnée. L’attitude adoptée par Madame (A), consistant en une conception et interprétation personnelle des textes fiscaux contraire à une interprétation et une application égale de la loi à tous les contribuables, 21aurait contribué à une insécurité juridique et fiscale au détriment des contribuables, contrevenant ainsi à son devoir de mener à bien les missions lui confiées.
Aux yeux du représentant étatique, la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office serait proportionnée et justifiée et toute autre décision renverrait le message qu’un fonctionnaire pourrait décider de remettre en question à sa guise les ordres de ses supérieurs hiérarchiques en prenant en otage tant les membres de son équipe que les contribuables qui ne pourraient plus compter sur une ligne de conduite claire et prévisible de la part de l’administration.
D’après l’article 9 du statut général :
« 1. Le fonctionnaire est tenu de se conformer consciencieusement aux lois et règlements qui déterminent les devoirs que l’exercice de ses fonctions lui impose.
Il doit de même se conformer aux instructions du gouvernement qui ont pour objet l’accomplissement régulier de ses devoirs ainsi qu’aux ordres de service de ses supérieurs.
2. Il est responsable de l’exécution des tâches qui lui sont confiées ; il doit prêter aide à ses collègues dans la mesure où l’intérêt du service l’exige, la responsabilité de ses subordonnés ne le dégage d’aucune des responsabilités qui lui incombent (…).
4. Lorsque le fonctionnaire estime qu’un ordre reçu est entaché d’irrégularité, ou que son exécution peut entraîner des inconvénients graves, il doit, par écrit, et par la voie hiérarchique, faire connaître son opinion au supérieur dont l’ordre émane. Si celui-ci confirme l’ordre par écrit, le fonctionnaire doit s’y conformer, à moins que l’exécution de cet ordre ne soit pénalement répressible. Si les circonstances l’exigent, la contestation et le maintien de l’ordre peuvent se faire verbalement. Chacune des parties doit confirmer sa position sans délai par écrit ».
L’article 10, paragraphe 1er, alinéa 1er, du statut général impose au fonctionnaire, dans l’exercice comme en dehors de l’exercice de ses fonctions, d’éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ces fonctions ou à sa capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public.
L’article 11 du statut général, quant à lui, énonce ce qui suit :
« 1. Il est interdit au fonctionnaire de révéler les faits dont il a obtenu connaissance en raison de ses fonctions et qui auraient un caractère secret de par leur nature ou de par les prescriptions des supérieurs hiérarchiques, à moins d’en être dispensé par le ministre du ressort.
Ces dispositions s’appliquent également au fonctionnaire qui a cessé ses fonctions.
2. Tout détournement, toute communication contraire aux lois et règlements de pièces ou documents de service à des tiers sont interdits ».
En premier lieu, la Cour tient à relever qu’elle partage l’appréciation globale du comportement de l’appelante faite par le Conseil de discipline qui, dans sa décision du 8 juin 2022, a estimé que Madame (A) « a fait preuve, de façon répétée, d’un manque de respect, d’un manque de 22compréhension et d’un manque de considération manifestes tant envers ses supérieurs hiérarchiques qu’envers d’autres personnes de son service ou extérieures. Cette situation a non seulement eu pour effet une dégradation irrémédiable des relations de travail, mais encore, par l’adoption, à de multiples reprises, d’une attitude particulièrement irrespectueuse envers ses supérieurs hiérarchiques combinée à un acharnement de sa part à vouloir imposer ses approches au point de refuser d’exécuter des ordres confirmés par écrit, elle a désorganisé, voire même paralysé tout un service. S’y ajoute que (A) ne se livre à aucune auto-critique, persuadée du bien-fondé de ses agissements, elle ne laisse surtout pas entrevoir la moindre perspective d’un dénouement de cette situation hautement conflictuelle et inacceptable qui perdure déjà depuis de longs mois. La gravité de ces manquements doit partant également être analysée sous cet aspect de sorte qu’elle excède de loin ceux qu’il serait permis de sanctionner avec bienveillance au bout d’une ancienneté de 30 ans de service sans antécédent disciplinaire ».
De manière générale, la première obligation du fonctionnaire consiste à avoir un comportement digne en toutes circonstances, dans l’exercice comme en dehors du service, et à s’assurer que la réputation de l’administration soit préservée, obligation que l’appelante n’a manifestement pas respectée.
Concernant les différents refus itératifs d’ordre, la Cour tient en premier lieu à rappeler que l’article 9, paragraphe (4), du statut général impose au fonctionnaire qui s’est vu confirmer un ordre de service par écrit de s’y conformer, à moins que l’exécution de cet ordre ne soit pénalement répressible, l’appelante n’ayant cependant pas réussi à rapporter la preuve de cette exception dans le contexte des différents refus d’ordre de service retenus à sa charge par les premiers juges, ses contestations afférentes se résumant en substance à une interprétation personnelle des textes fiscaux sur lesquels elle était en désaccord avec sa direction.
Il s’ensuit que la Cour, à l’instar du Conseil de discipline et des premiers juges, retient que les différents refus itératifs d’ordre reprochés à l’appelante, à savoir les refus (i) « d’exécuter des décomptes annuels pour les non-résidents », (ii) « d’établir des cartes d’impôt pour le personnel naviguant employé par une société de navigation aérienne », (iii) « de procéder à l’attribution d’un abattement forfaitaire pour des frais de déplacement pour le personnel diplomatique luxembourgeois recruté localement à l’étranger », (iv) « de procéder à la rédaction d’une note conjointe » et (v) « de reclasser d’office les contribuables mariés dans la classe 1 au moment où ils quittent le territoire du Grand-Duché du Luxembourg », se trouvent établis tant en fait qu’en droit et que le jugement entrepris est à confirmer sous tous ces aspects sur ces points.
Concernant plus particulièrement le reproche d’avoir refusé de procéder à la rédaction d’une note conjointe concernant les problèmes rencontrés au niveau du bureau RTS Non-résidents, tel qu’exigé par son supérieur hiérarchique, il est certes exact que l’appelante a rédigé une note individuelle en date du 13 novembre 2020. Cependant, le fait d’avoir rédigé pareille note individuelle n’exonère pas l’appelante du reproche précis qu’elle s’est obstinée à ne pas vouloir participer à une réunion avec les autres préposés et préposés-adjoints en vue de la rédaction d’une note conjointe, attitude peu collégiale, et que par deux courriels des 11 et 13 novembre 2020, elle a ouvertement refusé d’exécuter l’ordre de service lui communiqué le 10 novembre 2020 et qu’elle a maintenu le refus de ne pas procéder à la rédaction de la note conjointe pendant plus d’une semaine, tel que retenu de manière pertinente par les premiers juges.
23 La Cour rejoint encore l’analyse détaillée et les conclusions dégagées par le tribunal en relation avec les autres faits reprochés à Madame (A), à savoir :
- la transmission d’un document confidentiel à un tiers, et plus précisément le fait d’avoir envoyé le 27 novembre 2019 par courriel un extrait de compte à un comptable étranger, - l’implication injustifiée de tiers dans le cadre de ses conflits avec sa hiérarchie pour avoir envoyé en date des 4 février et 10 novembre 2021 des courriels à des destinataires non impliqués dans des différends l’opposant à sa hiérarchie, notamment dans le contexte du refus par le directeur de l’ACD de lui refuser un avancement au grade 13, - le défaut de dignité et de civilité dans ses rapports avec ses subordonnés et ses supérieurs hiérarchiques en ayant notamment tenu des propos désobligeants quant au physique d’une collègue de travail et en ayant, lors d’une entrevue du 24 août 2021, coupé la parole au directeur-adjoint de l’ACD et en mettant en cause les capacités et l’avenir professionnel du directeur de l’ACD et - les dénigrements itératifs de son administration dans deux courriels datés du 13 décembre 2018 et 14 mars 2019.
Sur base de ces considérations, la Cour arrive à la conclusion que les faits retenus à charge de Madame (A), à savoir les refus d’ordre, la transmission d’un document confidentiel à un tiers, l’implication injustifiée de tiers dans le cadre de ses conflits avec sa hiérarchie, le défaut de civilité dans ses rapports avec ses subordonnés et ses supérieurs hiérarchiques, de même que les dénigrements itératifs de son administration, sont à qualifier de manquements aux articles 9, paragraphe (1), alinéa 2, 10, paragraphe (1), alinéas 1er et 2 et 11, paragraphe (2), du statut général.
La Cour partage encore l’appréciation du Conseil de discipline et des premiers juges que les faits répétitifs retenus à l’encontre de Madame (A) revêtent une gravité certaine et révèlent notamment une attitude opposante et insubordonnée dans son chef, de même qu’un manque de professionnalisme, de considération, de tact et de retenue à l’égard de ses supérieurs hiérarchiques, respectivement de ses collègues de travail. Ce comportement, portant incontestablement atteinte à la dignité de ses fonctions, est d’autant plus critiquable que l’appelante occupait, en tant que préposé adjoint du bureau RTS Non-résidents de l’ACD, un poste comportant des responsabilités certaines et impliquant la gestion de plusieurs personnes sous ses ordres et que celle-ci, tel que déjà relevé par le Conseil de discipline et le tribunal, ne montre toujours aucun début d’autocritique ou d’introspection et continue à contester la totalité des faits retenus à son encontre par les premiers juges et en particulier les itératifs refus d’ordre en se retranchant derrière des arguments inopérants.
Concernant la sévérité de la sanction disciplinaire à retenir à l’encontre de Madame (A), l’article 53 du statut général prévoit que « l’application des sanctions se règle notamment d’après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé ».
La Cour constate que Madame (A) est actuellement âgée de … ans, qu’elle peut faire valoir une ancienneté de service remontant au 1er octobre 1987 et qu’elle n’a pas d’antécédents disciplinaires.
24Cependant, à l’instar du tribunal, il y a lieu d’insister de nouveau sur la gravité intrinsèque des faits à la base de la sanction disciplinaire prononcée à l’encontre de l’appelante et sur le défaut d’autocritique dans le chef de Madame (A) qui continue à argumenter en instance d’appel qu’elle aurait été en droit de refuser les ordres reçus de la part de ses supérieurs hiérarchiques.
Au vu du casier disciplinaire vierge de l’appelante combinée avec sa longue ancienneté de service, à savoir pratiquement 34 ans au moment de la prise de la décision du Conseil de discipline du 8 juin 2022, la Cour retient néanmoins que la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office, pénultième sanction disciplinaire du catalogue figurant à l’article 47 du statut général, apparaît comme étant trop sévère et qu’il convient de confirmer les premiers juges dans leur conclusion de prononcer comme sanction adéquate pour les manquements disciplinaires retenus à l’encontre de l’appelante, de façon cumulée, les peines disciplinaires de la rétrogradation, prévue à l’article 47, point 7, du statut général, et de l’exclusion temporaire des fonctions avec privation totale de la rémunération pour une durée de six mois, prévue l’article 47, point 8, du statut général, avec la précision que la peine disciplinaire de la rétrogradation consiste dans le classement de Madame (A) au grade immédiatement inférieur à son ancien grade avant la rétrogradation, soit au grade 11, échelon 11.
En effet, c’est à bon droit que le délégué du gouvernement a relevé que la sanction disciplinaire prononcée par le tribunal est imprécise, au vu du libellé de l’article 47, point 7 du statut général, et partant inexécutable en pratique, les premiers juges ayant omis de préciser si la concernée était à classer au grade immédiatement inférieur à son ancien grade avant la rétrogradation ou au grade précédant le grade immédiatement inférieur et de s’assurer que le traitement nouvellement fixé soit inférieur au traitement d’avant la sanction disciplinaire.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel principal n’est pas fondé, de sorte que l’appelante en est à débouter.
L’appel incident étatique, de son côté, est à rejeter par rapport à la demande étatique visant à voir prononcer à l’encontre de Madame (A) la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office et à déclarer fondé dans la seule mesure que la sanction de la rétrogradation retenue par les premiers juges est à préciser dans le sens que Madame (A) est à classer au grade immédiatement inférieur à son ancien grade avant la rétrogradation, soit au grade 11, échelon 11.
Finalement, la Cour tient encore à préciser que les sanctions disciplinaires retenues à l’encontre de Madame (A) prennent effet à partir du jour du prononcé du présent arrêt.
Quant à l’arrêté ministériel du 21 juin 2022, et à défaut de développements afférents des parties respectives y relatifs, c’est à bon droit que les premiers juges sont arrivés à la conclusion que ledit arrêté, pris en exécution de la décision du Conseil de discipline du 8 juin 2022, doit suivre le même sort que celle-ci en tant que décision d’application de la sanction disciplinaire finalement retenue.
Dans la mesure où la Cour vient de retenir que la décision du Conseil de discipline est à réformer et qu’il y a lieu de prononcer à l’égard de Madame (A) cumulativement les sanctions disciplinaires de la rétrogradation au grade immédiatement inférieur à son ancien grade avant la rétrogradation, soit au grade 11, échelon 11, et de l’exclusion temporaire des fonctions avec privation totale de la rémunération pour une durée de six mois, il y a lieu de confirmer encore les premiers juges en ce 25qu’ils ont prononcé l’annulation de l’arrêté ministériel du 21 juin 2022 et de renvoyer le dossier devant le ministre compétent pour exécution afin d’appliquer la sanction disciplinaire retenue à travers le présent arrêt.
Madame (A) sollicite encore l’allocation d’une indemnité de procédure de 1.250-€ pour la première instance et de 1.250-€ pour l’instance d’appel.
Eu égard à l’issue du litige, lesdites demandes en allocation d'une indemnité de procédure sont à rejeter.
Madame (A) étant à l’origine de la présente instance d’appel et ayant succombé en ses moyens, celle-ci est encore à condamner à la totalité des dépens de la présente instance d’appel.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l'égard de toutes les parties ;
reçoit les appels principal et incident en la forme ;
au fond, déclare l’appel principal de Madame (A) non justifié et en déboute ;
déclare l’appel incident justifié dans la seule limite de la précision que la sanction disciplinaire de la rétrogradation consiste dans le classement de Madame (A) au grade immédiatement inférieur à son ancien grade avant la rétrogradation, soit au grade 11, échelon 11, à côté de la sanction disciplinaire de l’exclusion temporaire des fonctions avec privation totale de la rémunération pour une durée de six mois ;
dit que les sanctions disciplinaires prononcées à l’égard de l’appelante prennent effet au jour du prononcé du présent arrêt et renvoie le dossier au ministre des Finances pour exécution ;
rejette l’appel incident pour le surplus ;
confirme le jugement entrepris du 17 décembre 2024 dans la mesure de l’annulation de l’arrêté ministériel du 21 juin 2022 ;
déboute l’appelante de ses demandes en allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne l’appelante aux dépens de l'instance d'appel.
26 Ainsi délibéré et jugé par :
Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence de la greffière assumée à la Cour Carla SANTOS.
s. SANTOS s. SPIELMANN Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 13 juin 2025 Le greffier de la Cour administrative 27