GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 52389C ECLI:LU:CADM:2025:52389 Inscrit le 18 février 2025 Audience publique du 22 mai 2025 Appel formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre un jugement du tribunal administratif du 15 janvier 2025 (n° 48572 du rôle) ayant statué sur le recours de Monsieur (A), …, contre une décision du ministre de la Mobilité et des Travaux publics, en matière de permis de conduire Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 52389C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 18 février 2025 par Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK, agissant au nom et pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, en vertu d’un mandat conféré le 4 février 2025 par le ministre de la Mobilité et des Travaux publics, dirigé contre le jugement du 15 janvier 2025 (n° 48572 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg a reçu en la forme et déclaré justifié le recours en annulation introduit par Monsieur (A), demeurant à L-…, formé contre une décision du ministre de la Mobilité et des Travaux publics du 23 janvier 2023 ayant refusé « la demande en obtention d’un permis de conduire luxembourgeois par la voie de la transcription présenté à la SNCA en date du 14 décembre 2022 », de manière à annuler ladite décision, tout en condamnant l’Etat aux frais de l’instance;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 11 mars 2025 par Maître Jacob BENSOUSSAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’intimé;
Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités;
Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris;
1Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 13 mai 2025.
Monsieur (A) est titulaire d’un permis de conduire israélien depuis le 14 juin 2012 et valable jusqu’au 28 juin 2022. Le 1er juillet 2022, les autorités israéliennes émirent un permis de conduire au nom de Monsieur (A) valable jusqu’au 28 juin 2058.
Le 14 décembre 2022, Monsieur (A) sollicita du ministère de la Mobilité et des Travaux publics la transcription de son permis de conduire israélien en permis de conduire luxembourgeois.
Par courrier recommandé du 15 décembre 2022, le Service permis de conduire du ministère de la Mobilité et des Travaux publics, Département de la mobilité et des transports, désigné ci-après par « le Service permis de conduire », informa Monsieur (A) qu’il ne pouvait être fait droit à sa demande de transcription de son permis de conduire qu’à la condition de réussir à un examen de contrôle théorique et pratique. Ledit courrier est libellé comme suit :
« (…) Votre demande citée en objet nous est bien parvenue et a retenue (sic) toute notre attention.
Malheureusement, il résulte des documents annexés à la demande, que la validité des catégories du permis de conduire en question était déjà arrivée à échéance le jour du dépôt de votre demande en transcription.
Or, en vertu des dispositions de l'article 84 de l'arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques (Code de la Route), la reconnaissance d'un permis de conduire étranger en permis de conduire luxembourgeois ne peut être effectuée que sur base d'un permis de conduire valide.
Il en résulte que votre demande de transcription ne peut être acceptée que sous condition que vous réussissiez un examen de contrôle théorique et pratique.
Veuillez noter que si vous deviez échouer à l'examen cité ci-dessus, vous devrez suivre les heures d'apprentissage telles que prévues par la réglementation, afin de pouvoir vous représenter audit examen.
Afin de pouvoir établir un certificat d'apprentissage, nous vous prions de nous transmettre les pièces justificatives manquantes listées dans notre courrier ci-annexé.
La présente est susceptible d’un recours gracieux à présenter par écrit au ministre de la Mobilité et des Départements publics (…). Elle est en outre susceptible d’un recours en annulation devant le Tribunal administratif, à exercer par ministère d’avocat à la Cour endéans le délai de trois mois à partir du jour de la notification de la présente. (…) ».
2Par courrier de son mandataire du 18 janvier 2023, Monsieur (A) fit introduire un recours gracieux contre la décision précitée du Service permis de conduire du 15 décembre 2022 auprès du ministre de la Mobilité et des Travaux publics, ci-après désigné par « le ministre ».
Par décision du 23 janvier 2023, le ministre confirma la décision précitée du 15 décembre 2022 subordonnant la délivrance d’un permis de conduire luxembourgeois à Monsieur (A) par la voie de la transcription du permis de conduire israélien à la réussite d’un examen de contrôle théorique et pratique, aux motifs suivants :
« (…) Faisant suite à votre courrier du 18 janvier 2023 concernant le sujet sous rubrique, je me permets de vous informer que votre mandant réside au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 7 février 2022 et qu'il a présenté à la SNCA une demande en obtention d'un permis de conduire luxembourgeois par la voie de transcription en date du 14 décembre 2022.
Partant, il a présenté une copie de son permis de conduire israélien établi le 1er juillet 2022 et valable jusqu'au 28 juin 2058, ainsi qu'une copie de son permis de conduire israélien établi le 14 juin 2012 et valable jusqu'au 28 juin 2022.
Par la suite, votre mandant a été informé par courrier du 15 décembre 2022 que la transcription de son permis de conduire israélien requiert la réussite à un examen de contrôle théorique et pratique.
Après avoir revu l'ensemble du dossier, permettez-moi de vous informer que les dispositions légales en la matière, en l'occurrence l'article 84 de l'arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, prévoient que la transcription des permis de conduire délivrés par les autorités d'un pays tiers à l'Espace Economique Européen est subordonnée à la condition pour son titulaire d'avoir résidé ou d'avoir été inscrit comme étudiant pendant 185 jours dans le pays de délivrance du permis de conduire.
Comme votre mandant n'est devenu résident luxembourgeois qu'en date du … avril 2022, tandis que son dernier permis de conduire israélien ne lui a été délivré qu'en date du 1er juillet 2022, je me dois de vous informer que même s'il s'agit d'un renouvellement, ce dernier permis a été délivré par les autorités d'un pays tiers à l'Espace Economique Européen, en l'occurrence l'Israël, alors que votre mandant résidait officiellement au Grand-Duché de Luxembourg de sorte que la transcription de ce document doit être refusée.
Je saisis l'occasion pour vous informer que le permis de conduire israélien établi le 1er juillet 2022 n'est pas reconnu sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg et que, par conséquent, le droit de conduire de votre mandant n'est actuellement pas donné.
Néanmoins, je tiens à vous informer que le permis de conduire israélien délivré à votre mandant en date du 14 juin 2012 peut faire l'objet d'une transcription, pourtant les dispositions légales en la matière, en l'occurrence l'article 84 de l'arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, prévoient que la transcription des permis de conduire délivrés par les autorités d'un pays tiers à l'Espace 3Economique Européen qui ne sont pas en cours de validité le jour du dépôt de la demande requiert la réussite à un examen de contrôle théorique et pratique.
Au vu du fait que les dispositions légales en la matière sont d'application stricte, ne laissant aucune marge d'appréciation, je suis au regret de vous informer que je me dois, dès lors, de confirmer la décision du 15 décembre 2022 subordonnant la délivrance d'un permis de conduire luxembourgeois à votre mandant par la voie de transcription de son permis de conduire israélien à la réussite d'un examen de contrôle théorique et pratique. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 22 février 2023, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 23 janvier 2023 ayant refusé « la demande en obtention d’un permis de conduire luxembourgeois par la voie de la transcription présenté à la SNCA en date du 14 décembre 2022 ».
Dans son jugement du 15 janvier 2025, le tribunal administratif, après s’être déclaré incompétent pour connaître du recours principal en réformation, reçut le recours subsidiaire en annulation en la forme, au fond, le déclara justifié et annula la décision ministérielle du 23 janvier 2023, tout en condamnant l’Etat aux frais de l’instance.
Pour ce faire, le tribunal retint que la question de la transcription du permis de conduire israélien de Monsieur (A) en permis de conduire luxembourgeois est réglée par l’article 84, paragraphe 2, de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, ci-après désigné par « l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 », en vertu duquel les permis de conduire délivrés par un pays tiers à l’Espace économique européen (EEE) et délivrés par les autorités d’un pays qui est notamment partie contractante de la Convention sur la circulation routière signée à Genève, le 19 septembre 1949, ce qui est le cas d’Israël, doivent notamment être en cours de validité au jour du dépôt de la demande en transcription et que le titulaire d’un tel permis doit avoir résidé ou avoir été inscrit comme étudiant pendant 185 jours dans le pays de délivrance du permis de conduire.
Après avoir constaté que Monsieur (A) disposait de deux documents qualifiés de permis de conduire, émis par les autorités israéliennes respectivement les 14 juin 2012 et 1er juillet 2022, le tribunal releva que le refus ministériel de transcrire le permis de conduire israélien en permis de conduire luxembourgeois reposait sur deux motifs, à savoir, d’une part, le motif fondé sur l’article 84, paragraphe 2, alinéa 1er, sous b), de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, en ce que le permis de conduire du 14 juin 2012 aurait expiré le 28 juin 2022, de sorte à ne plus avoir été valide au moment de l’introduction de la demande de transcription, c’est-à-dire au 14 décembre 2022, mais pouvant faire l’objet d’une transcription sous la condition de réussir à un examen de contrôle et, d’autre part, le motif fondé sur l’article 84, paragraphe 2, alinéa 8, de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, en ce que le permis de conduire du 1er juillet 2022 aurait été émis à un moment où Monsieur (A) résidait déjà au Luxembourg, de manière à ne pas remplir la condition de résidence pendant 185 jours dans le pays de délivrance de ce permis.
Le tribunal dégagea ensuite, à partir des explications et documents fournis par le demandeur, que les autorités israéliennes avaient procédé le 14 juin 2012 à la délivrance du permis 4de conduire, tandis que le 1er juillet 2022, elles avaient procédé au renouvellement de la validité dudit permis, et plus précisément, à la prolongation de sa validité. Se basant sur ce que les deux documents, intitulés chacun « Driving licence » et émis respectivement en date des 14 juin 2012 et 1er juillet 2022, portaient le même numéro, le tribunal retint qu’il s’agissait de la même autorisation de conduire délivrée le 14 juin 2012, dont la validité avait été prolongée le 1er juillet 2022.
Il en conclut que c’était à tort que le ministre avait retenu qu’au jour du dépôt de la demande de transcription, le permis de conduire israélien n’était plus en cours de validité, dès lors que la validité de l’autorisation de conduire à la base du permis de conduire émis en date du 14 juin 2012 avait été prolongée le 1er juillet 2022. Le ministre n’avait dès lors pas pu valablement retenir comme motif de refus le non-respect de l’article 84, paragraphe 2, alinéa 1er, sous b), de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955.
S’agissant du manquement à l’article 84, paragraphe 2, alinéa 8, de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, le tribunal releva que dans sa version applicable au litige, cette disposition prévoyait que le titulaire du permis de conduire sollicitant la transcription de son permis devait avoir « résidé ou (…) avoir été inscrit comme étudiant pendant 185 jours dans le pays de délivrance du permis de conduire », mais que le règlement grand-ducal du 30 janvier 2024 modifiant 1. l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques ; 2. le règlement grand-ducal modifié du 26 août 1993 relatif aux avertissements taxés, aux consignations pour contrevenants non-résidents ainsi qu’aux mesures d’exécution de la législation en matière de mise en fourrière des véhicules et en matière de permis à points ; 3. le règlement grand-ducal modifié du 2 octobre 2009 relatif aux matières enseignées dans le cadre de la qualification initiale et de la formation continue des conducteurs de certains véhicules routiers affectés aux transports de marchandises ou de voyageurs ainsi qu’aux critères d’agrément pour dispenser cet enseignement ; et 4. le règlement grand-ducal du 22 juin 2016 fixant les conditions et le modèle du certificat médical pour l’obtention, a modifié cette même disposition en prévoyant que la condition de la durée de résidence normale ou d’inscription en qualité d’étudiant pendant au moins 185 jours dans le pays de délivrance du permis de conduire par le demandeur était à apprécier au moment de la délivrance de l’autorisation de conduire, respectivement de la délivrance du document afférent.
Le tribunal en tira la conclusion que dès lors que cette précision n’avait pas figuré dans la version de l’article 84, paragraphe 2, alinéa 8, de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 en vigueur au moment de la prise de la décision litigieuse, le ministre n’avait pas pu valablement reprocher à Monsieur (A) de ne pas avoir résidé en Israël au moment du renouvellement de son permis de conduire.
Au-delà, le tribunal constata encore par rapport audit article 84, paragraphe 2, alinéa 8, dans sa version applicable au litige, qu’il ressortait des pièces que Monsieur (A) résidait au Luxembourg depuis le 7 février 2022 et qu’il avait auparavant résidé en Israël. Il en déduisit que comme Israël devait être regardé comme étant le pays de délivrance du permis de conduire de Monsieur (A), celui-ci devait être considéré comme ayant « résidé ou (…) avoir été inscrit comme étudiant pendant 185 jours dans le pays de délivrance du permis de conduire », en application de l’article 84, paragraphe 2, alinéa 8, de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, de sorte que 5c’était à tort que le ministre avait retenu que l’intéressé ne remplissait pas les conditions énoncées audit article.
Sur ce, le tribunal arriva à la conclusion que le ministre ne pouvait pas refuser la transcription du permis de conduire israélien de Monsieur (A) en permis de conduire luxembourgeois, ni sur base de l’article 84, paragraphe 2, alinéa 1er, sous b), de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, ni sur base de l’article 84, paragraphe 2, alinéa 8, du même arrêté grand-ducal, et il annula partant la décision litigieuse du 23 janvier 2023.
Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 18 février 2025, l’Etat a régulièrement relevé appel de ce jugement.
Le délégué du gouvernement souligne qu’aux yeux de l’Etat, l’intimé n’aurait pas été en possession d’un permis de conduire en cours de validité au moment du dépôt de la demande de transcription de son permis. Il critique plus particulièrement les premiers juges pour avoir jugé que le ministre n’aurait pas pu refuser partiellement la transcription du permis de conduire israélien de l’intimé en permis de conduire luxembourgeois sur base de l’article 84, paragraphe 2, alinéa 1er, sous b), de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, alors que cette disposition prévoirait pourtant clairement que les permis de conduire doivent être en cours de validité au jour du dépôt de la demande de transcription. Or, d’après les pièces du dossier administratif, l’intimé résiderait au Luxembourg depuis le 7 février 2022 et à son arrivée, il aurait détenu un permis de conduire israélien valable jusqu’au 28 juin 2022. La demande de transcription n’ayant été introduite qu’en date du 14 décembre 2022, à un moment où le permis de conduire israélien aurait été périmé, celui-ci n’aurait pu être transcrit en permis de conduire luxembourgeois qu’à la condition pour son titulaire de réussir à un examen de contrôle.
Le délégué du gouvernement conteste encore la conclusion des premiers juges selon laquelle l’intimé aurait été titulaire non pas de deux permis de conduire différents, mais d’un seul permis dont la validité aurait été prolongée. Il fait valoir que l’intimé aurait procédé au renouvellement de son permis de conduire israélien périmé, alors qu’il était déjà résident au Luxembourg, de sorte que ce permis ne pourrait pas être reconnu. En devenant le 7 février 2022 résident luxembourgeois, l’intimé aurait dû renouveler son permis de conduire au Luxembourg, les autorités luxembourgeoises ayant été compétentes pour le renouvellement conformément à l’article 7 de la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 relative au permis de conduire, ci-après « la directive 2006/126/CE ». Or, le permis de conduire aurait été renouvelé le 1er juillet 2022 en Israël, à une époque où l’intimé résidait déjà de façon permanente et sans interruption au Luxembourg, de sorte que ce permis de conduire israélien ne pourrait pas être reconnu au Luxembourg.
Le délégué précise que la décision des premiers juges conduirait à une injustice, dès lors que certains pays délivreraient facilement des prolongations des permis de conduire de leurs ressortissants même s’ils n’y résidaient pas, tandis que dans d’autres pays, il serait difficile d’obtenir une prolongation si on n’y résidait pas. Ce serait la raison pour laquelle le Luxembourg aurait prévu que toutes les prolongations de permis de conduire étrangers devraient être effectuées au Luxembourg si le titulaire y résidait.
6 Il sollicite partant la réformation du jugement entrepris, en ce que ce serait à bon droit que le ministre a, par la décision litigieuse du 23 janvier 2023, subordonné la délivrance du permis de conduire luxembourgeois par voie de la transcription d’un permis de conduire israélien périmé à un examen de contrôle théorique et pratique, conformément à l’article 84, paragraphe 2, alinéa 1er, sous b), de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955.
L’intimé conteste qu’il aurait été en possession de deux permis de conduire. Il explique qu’afin de faire la transcription de son permis de conduire israélien, il aurait dû attendre le 1er août 2022 avant de pouvoir faire la demande afférente conformément à l’article 84, paragraphe 2, de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 requérant d’avoir résidé au moins 185 jours au Luxembourg. Parallèlement, il aurait toutefois été obligé en vertu de la loi israélienne de procéder au renouvellement de son permis de conduire venant à échéance en date du 28 juin 2022. Son permis de conduire israélien aurait donc été renouvelé le 1er juillet 2022 par les autorités israéliennes. Les premiers juges auraient ainsi retenu à juste titre que le permis de conduire délivré le 1er juillet 2022 ne serait que la prolongation du permis de conduire – au sens d’autorisation de conduire un véhicule motorisé – délivré en date du 12 juin 2012, les deux documents étant émis à son nom et portant le même numéro 8767647. Il en déduit qu’il aurait été détenteur d’un permis de conduire en cours de validité, au sens de l’article 84, paragraphe 2, alinéa 1er, sous b), de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, au jour du dépôt de la demande de transcription, la simple formalité du renouvellement du document administratif du 1er juillet 2022 n’ayant pas d’impact sur la validité de l’autorisation de conduire initiale délivrée le 14 juin 2012.
Sur ce, il demande à la Cour de confirmer le jugement dont appel.
Les premiers juges ont valablement tracé le cadre légal du litige qui porte sur la demande de transcription d’un permis de conduire israélien en un permis de conduire luxembourgeois par rapport à l’article 84, paragraphe 2, de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955.
Aux termes dudit article 84, paragraphe 2, alinéas 1er, 2 et 8, dans sa version applicable au litige :
« (2) Les permis de conduire délivrés par les autorités d’un pays tiers à l’Espace Économique Européen, correspondant aux catégories A, A2, A1, AM, B, BE ou F du permis de conduire luxembourgeois et délivrés par les autorités d’un pays qui est partie contractante de la Convention sur la circulation routière signée à Genève, le 19 septembre 1949, approuvée par la loi du 22 juillet 1952, ou de la Convention sur la circulation routière, signée à Vienne, le 8 novembre 1968 et approuvée par la loi du 27 mai 1975 sont transcrits en permis de conduire luxembourgeois dans les conditions suivantes :
a) Le titulaire du permis de conduire doit résider depuis au moins 185 jours au Luxembourg ;
b) Les permis de conduire présentés à la transcription doivent être en cours de validité le jour du dépôt de la demande en transcription ;
c) Le titulaire du permis de conduire ne doit pas faire l’objet d’une mesure de suspension, de retrait ou d’annulation du droit de conduire ;
7d) La demande en transcription doit être déposée endéans un délai de douze mois à compter de l’établissement de la résidence du titulaire au Luxembourg. (alinéa 1er) Sans préjudice des dispositions retenues sous c), la transcription des permis de conduire délivrés par les autorités d’un pays tiers à l’Espace Économique Européen et qui ne sont plus en cours de validité le jour de dépôt de la demande requiert la réussite à un examen de contrôle. Il en est de même pour la transcription des permis de conduire dont les demandes en transcription ont été déposées après le délai prévu sous d). (alinéa 2) (…) La transcription des permis de conduire délivrés par les autorités d’un pays tiers à l’Espace Économique Européen est subordonnée à la condition pour son titulaire d’avoir résidé ou d’avoir été inscrit comme étudiant pendant 185 jours dans le pays de délivrance du permis de conduire. (…) » (alinéa 8).
Il est constant que l’Etat d’Israël est partie contractante de la Convention sur la circulation routière faite à Genève le 19 septembre 1949, de sorte que les dispositions précitées du paragraphe 2 de l’article 84 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 sont applicables au litige, ainsi que cela a été relevé à juste titre par les premiers juges.
Les premiers juges sont également à confirmer en ce qu’ils ont dégagé des dispositions précitées que les permis de conduire délivrés par un pays tiers à l’EEE doivent notamment être en cours de validité au jour du dépôt de la demande de transcription et que le titulaire d’un tel permis doit avoir résidé ou avoir été inscrit comme étudiant pendant 185 jours dans le pays de délivrance du permis de conduire.
La seule question qui divise les parties au litige est celle de savoir si l’intimé, au moment de solliciter la transcription de son permis de conduire israélien en un permis de conduire luxembourgeois, était en possession d’un permis israélien en cours de validité, tel que cela est requis par l’article 84, paragraphe 2, alinéa 1er, sous b), de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955.
La particularité de l’espèce réside dans le fait que le permis de conduire israélien a expiré le 28 juin 2022, soit avant l’expiration du délai de 185 jours depuis l’installation de l’intimé au Luxembourg avant laquelle la transcription ne peut pas se faire, tel que ce délai est fixé à l’article 84, paragraphe 2, alinéa 1er, sous a), de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, précité.
Il est constant en cause que l’intimé a sollicité le renouvellement de son permis de conduire israélien, émis le 14 juin 2012 et valable jusqu’au 28 juin 2022, auprès des autorités israéliennes qui ont procédé le 1er juillet 2022 au renouvellement de la durée de validité de son permis jusqu’au 28 juin 2058.
8La Cour rejoint ainsi les premiers juges en ce qu’ils ont retenu que l’intimé s’est vu délivrer le 14 juin 2012 par les autorités israéliennes son permis de conduire, soit le droit de conduire un véhicule motorisé, tandis que le 1er juillet 2022, les autorités israéliennes ont procédé au renouvellement de son permis de conduire, signifiant en d’autres termes qu’elles ont prolongé la durée de validité de son permis. Cela est d’ailleurs confirmé par le fait, tel que relevé à bon escient par les premiers juges, que le document intitulé « Driving licence » émis en date du … juin 2012 ainsi que le document intitulé « Driving licence » émis en date du … juillet 2022, portent un seul et même numéro administratif, de sorte qu’il y a lieu d’admettre qu’il s’agit de la même autorisation de conduire délivrée en 2012, dont la validité a simplement été prolongée le … juillet 2022 jusqu’au … juin 2058.
S’il est vrai qu’en application de l’article 84, paragraphe 2, alinéa 8, de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 qui est une transposition du principe de territorialité ancré dans la directive 2006/126/CE qui veut que seul l’Etat membre où se situe la résidence normale du candidat ou l’Etat où le candidat était inscrit comme étudiant pendant au moins 185 jours peut délivrer ou renouveler un permis de conduire au concerné, l’intimé n’a en principe pas pu faire renouveler son permis de conduire en Israël, dès lors qu’il avait établi à ce moment sa résidence normale au Luxembourg, il n’en demeure pas moins que selon les affirmations non utilement contestées par l’Etat, l’intimé était tenu également par la loi israélienne de prolonger la validité de son permis de conduire venu entretemps au terme de sa validité initiale.
A cet égard, il convient de rappeler le principe général suivant lequel il n’est point permis aux juges de consacrer une conclusion en droit qui aboutirait à une solution absurde ou fondamentalement injuste, – principe lui-même dégagé de la formule latine summum jus, summa injuria –, le juge ne pouvant pas retenir une solution qui se dégagerait a priori de l’application de la loi d’après les principes constants s’imposant à lui, lorsque précisément cette application de la loi aboutirait à une absurdité ou injustice fondamentale (cf. Cour adm. 13 décembre 2018, n° 41111C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Lois et règlements, n° 204).
Or, dès lors que la partie étatique se borne à affirmer que l’intimé aurait dû solliciter le renouvellement de son permis de conduire israélien au Luxembourg, pays de sa résidence normale, sans même préciser si elle avait refusé de renouveler ce permis si l’intimé en avait fait la demande, la Cour estime que sous peine de verser dans un formalisme excessif, l’intimé doit être regardé comme avoir été titulaire, au jour du dépôt de la demande de transcription, d’un permis de conduire israélien en cours de validité.
Dans les circonstances de l’espèce, la Cour est partant amenée à retenir que c’est à tort que le ministre a refusé d’accorder à l’intimé la transcription de son permis de conduire israélien au motif qu’il n’était pas en cours de validité et qu’il a subordonné la transcription dudit permis à la réussite d’un examen de contrôle en application de l’article 84, paragraphe 2, alinéa 2, de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel étatique est non fondé et que la partie étatique appelante est à en débouter.
9L’intimé sollicite encore l’allocation d’une indemnité de procédure de 3.500 euros. Cette demande est toutefois à rejeter, étant donné que les conditions légales d’octroi d’une indemnité de procédure ne sont pas remplies en l’espèce.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l'égard de toutes les parties;
reçoit l’appel en la forme;
au fond, le déclare non justifié et en déboute;
partant, confirme le jugement entrepris du 15 janvier 2025;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure de Monsieur (A);
condamne l’Etat aux dépens de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par:
Francis DELAPORTE, président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.
s. SCHINTGEN s. DELAPORTE 10