La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/05/2025 | LUXEMBOURG | N°84/25

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 15 mai 2025, 84/25


N° 84 / 2025 pénal du 15.05.2025 Not. 7018/07/CD Numéro CAS-2024-00059 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, quinze mai deux mille vingt-cinq, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.), demeurant à L-ADRESSE2.), défendeur au civil, demandeur en cassation, comparant par Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public et de 1) la société anonyme de droit italien SOCIETE1.) S.p.A., établie et ayant son siège social à I-ADRESSE3.) (Italie)

, ADRESSE4.), représentée par les organes statutaires, 2) la société...

N° 84 / 2025 pénal du 15.05.2025 Not. 7018/07/CD Numéro CAS-2024-00059 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, quinze mai deux mille vingt-cinq, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.), demeurant à L-ADRESSE2.), défendeur au civil, demandeur en cassation, comparant par Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public et de 1) la société anonyme de droit italien SOCIETE1.) S.p.A., établie et ayant son siège social à I-ADRESSE3.) (Italie), ADRESSE4.), représentée par les organes statutaires, 2) la société anonyme SOCIETE2.), établie et ayant son siège social à L-

ADRESSE5.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), demanderesses au civil, défenderesses en cassation, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué rendu le 5 mars 2024 sous le numéro 243/24 Ch.c.C. par la chambre du conseil de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Guillaume VAYSSE, avocat à la Cour, en remplacement de Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, les deux demeurant à Luxembourg, au nom de PERSONNE1.), suivant déclaration du 8 avril 2024 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 7 mai 2024 par PERSONNE1.) à la société anonyme de droit italien SOCIETE1.) S.p.A. (ci-après « la société SOCIETE1.) ») et à la société anonyme SOCIETE2.), déposé le 8 mai 2024 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions de l’avocat général Anita LECUIT ;

Vu la note intitulée « mémoire en réplique aux conclusions du Parquet général », exposée à l’audience du 12 décembre 2024 ;

Vu la rupture du délibéré du 16 janvier 2025 aux fins de permettre aux parties de conclure sur la question de savoir si l’élection de domicile faite dans la constitution de parties civiles doit être lue à la lumière de l’article 60 du Code de procédure pénale ;

Vu le mémoire intitulé « mémoire complémentaire » déposé le 13 février 2025 par le demandeur en cassation au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions complémentaires de Madame Anita LECUIT ;

Entendu Maître Guillaume VAYSSE, en remplacement de Maître Pol URBANY, qui a eu la parole en dernier, et Madame Anita LECUIT.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, un juge d’instruction du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait déclaré recevable la constitution de parties civiles des sociétés SOCIETE1.) et SOCIETE2.), déposée dans le cadre d’une instruction ouverte à l’encontre du demandeur en cassation. La chambre du conseil de la Cour d’appel, après avoir rejeté les moyens tirés du défaut de motivation de l’ordonnance du juge d’instruction, du libellé obscur de la constitution de parties civiles et de l’inexistence d’un préjudice dans le chef des défenderesses en cassation, a confirmé l’ordonnance entreprise.

Sur la recevabilité du pourvoi Le Ministère public soulève l’irrecevabilité du pourvoi en application de l’article 43, alinéa 3, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation (ci-après « la loi du 18 février 1885 ») alors que le demandeuren cassation n’a pas fait signifier son mémoire aux parties civiles en personne ou en leur domicile réel, mais en l’étude de l’avocat à la Cour ayant occupé pour elles en instance d’appel, étude qualifiée par l’huissier de justice dans l’acte de signification de « domicile élu ».

La Cour a ordonné la rupture du délibéré pour permettre aux parties de conclure sur l’incidence de l’article 60 du Code de procédure pénale qui dispose que « [t]oute partie civile qui ne demeure pas dans le ressort du tribunal où se fait l’instruction est tenue d’y élire domicile, par acte au greffe de ce tribunal » et pour examiner si l’élection de domicile faite dans la constitution de parties civiles peut valoir pour l’instance de cassation.

Ledit article ne s’impose qu’à la seule défenderesse en cassation sub 1), établie à l’étranger qui, y étant légalement tenue, avait élu domicile dans le ressort du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg. La défenderesse en cassation sub 2), établie au Luxembourg, avait procédé à une élection de domicile volontaire.

Conformément aux dispositions de l’article 43, alinéa 3, de la loi du 18 février 1885, le mémoire du défendeur au civil doit, sous peine de déchéance, être signifié à la partie civile avant d’être déposé.

La signification d’un acte d’huissier de justice se fait, en principe, à la personne du destinataire, à son domicile ou à son domicile élu dans le respect de la spécialité de l’objet de l’élection de domicile.

Tant l’élection de domicile volontaire que l’élection de domicile visée à l’article 60 du Code de procédure pénale ne sont dès lors pas nécessairement limitées à l’instruction et restent d’application en dehors de celle-ci, si l’étendue de leur objet est clairement exprimée en ce sens.

La signification du mémoire en cassation du défendeur au civil ne peut être faite à la partie civile à son domicile élu que si l’élection de domicile indique explicitement qu’elle est faite pour les besoins de l’instance en cassation.

L’élection de domicile en l’étude de Maître François Prum « pour les besoins de la procédure », formulée dans la constitution de parties civiles du 21 octobre 2019 et dont se prévaut le demandeur en cassation, n’indique pas qu’elle vaut pour l’instance en cassation.

Il s’ensuit que le pourvoi en cassation n’a pas été régulièrement signifié aux parties civiles et que partant, le demandeur en cassation est à déclarer déchu de son pourvoi.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation déclare le demandeur en cassation déchu de son pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation aux frais et dépens de l’instance en cassation, les frais exposés par le Ministère public étant liquidés à 3 euros.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, quinze mai deux mille vingt-cinq, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Gilles HERRMANN, conseiller à la Cour de cassation, qui, à l’exception du président Thierry HOSCHEIT, qui se trouvait dans l’impossibilité de signer, ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence de l’avocat général Bob PIRON et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) contre Ministère Public (CAS-2024-00059 du registre) Par déclaration faite le 8 avril 2024 au greffe de la Cour Supérieure de Justice du Grand-Duché de Luxembourg, Maître Guillaume VAYSSE, avocat à la Cour, en remplacement de Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, les deux demeurant à Luxembourg, a formé au nom et pour le compte de PERSONNE1.) un recours en cassation contre un arrêt n°243/24 Ch.c.C. rendu le 5 mars 2024 par la Chambre du conseil de la Cour d’appel, cet arrêt ayant été notifié à PERSONNE1.) le 7 mars 2024.

Le pourvoi respecte le délai d’un mois endéans lequel la déclaration de pourvoi au greffe doit, conformément à l’article 41 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, intervenir.1 Lorsqu’un délai est, comme en l’espèce, exprimé en mois, « le dies ad quem est le jour du dernier mois […] dont la date correspond à celle du dies a quo »2. Il s’ensuit que le délai pour déclarer le pourvoi en cassation au greffe de le Cour Supérieure de Justice a expiré le 7 avril 2024. Ce jour ayant été un dimanche, le délai d’un mois a été prorogé jusqu’au premier jour ouvrable subséquent qui était le lundi, 8 avril 2024.

La déclaration de recours a été suivie le 8 mai 2024 par le dépôt du mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, signé par Maître Guillaume VAYSSE, en remplacement de Maître Pol URBANY.

Le recours respecte dès lors également le délai d’un mois, prévu par l’article 43 de la loi précitée du 18 février 1885, endéans lequel la déclaration du pourvoi doit être suivie du dépôt du mémoire en cassation.

1 Dans la mesure où les arrêts de la Chambre du conseil de la Cour d’appel sont habituellement prononcés à une date qui n’est pas communiquée au moment de la prise en délibéré, le délai prévu à l’article 41 de la loi modifiée du 18 février 1885 ne court à l’égard du demandeur en cassation qu’à partir de la notification qui lui a été faite de la décision attaquée ; voir en ce sens à titre d’illustration : Cass (pén) n° 02/2024 du 4 janvier 2024, numéro CAS-

2023-00023 du registre ; Cass (pén) n° 6/2017 du 18 mai 2017, numéro 3819 du registre 2 Article 4, paragraphe 2, de la Convention européenne sur la computation des délais du 16 mai 1972, approuvée par la loi du 30 mai 1984 (Mémorial A, 1984, page 923)Les actes de signification du mémoire en cassation renseignent qu'il a été signifié en date du 7 mai 2024 aux parties civiles, à savoir tant à la société anonyme de droit italien SOCIETE1.) (ci-après « la société SOCIETE1.) »), qu’à la société anonyme de droit luxembourgeois SOCIETE2.) S.A. (ci-après « la société SOCIETE2.) »), à chaque fois « en son domicile élu chez Maître François PRUM, avocat à la Cour ».

Le pourvoi est finalement dirigé contre un arrêt de la Chambre du conseil de la Cour d’appel ayant confirmé une ordonnance du juge d’instruction par laquelle ce dernier avait, par adoption des motifs développés par le Ministère Public, déclaré recevable les constitutions de parties civiles des sociétés SOCIETE1.) et SOCIETE2.).

1. A titre principal Quant à la recevabilité du pourvoi au titre de l’article 43, alinéa 3 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation D’après une jurisprudence constante de Votre Cour, les dispositions de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation concernant la recevabilité du pourvoi sont d’ordre public et s’apprécient au jour de l’introduction du recours qui est consommé par le dépôt au greffe de la Cour des documents requis.3 L’irrecevabilité du pourvoi étant d’ordre public, elle doit être examinée d’office par Votre Cour.

L’article 43 de la loi précitée du 18 février 1885 prévoit en ses alinéas 2 et 3 que, « Le mémoire de la partie civile devra, à peine de déchéance, être signifié au défendeur au civil avant d’être déposé.

Le mémoire du défendeur au civil devra, sous la même sanction, être signifié à la partie civile avant d’être déposé. ».

En l’occurrence, tel que relevé plus haut, le demandeur en cassation a fait signifier son mémoire non pas au domicile réel des parties civiles, mais en l’étude de Maître François PRUM, avocat ayant occupé pour ces parties en instance d’appel, étude qualifiée par l’huissier de justice dans l’acte de signification, de « domicile élu ».

Conformément à une jurisprudence régulièrement affirmée par Votre Cour, l’instance en cassation constitue une instance nouvelle, de sorte que la signification du mémoire doit être faite à la personne ou au domicile réel de la partie défenderesse, à moins qu’un acte d’élection de domicile n’autorise clairement la signification au domicile élu.4 Il résulte des pièces jointes faisant partie intégrante du pourvoi et incluant la constitution de parties civiles des sociétés SOCIETE1.) et SOCIETE2.) du 21 octobre 2019 figurant en pièce n° 3, que ces dernières avaient élu domicile en l’étude de Maître François PRUM dans le cadre 3 Voir à titre d’illustration, Cass. n°51/11 du 7 juillet 2011, n° 2883 du registre ; Cass. n° 38/07 du 28 juin 2007, n° 2422 du registre 4 Voir à titre d’illustration : Cass. (pén) n° 69/2019 du 2 mai 2019, CAS-2018-00046 du registre de l’instance antérieure. La constitution de parties civiles exprime en effet clairement cette intention en ce qu’il y est indiqué que, « SOCIETE2.) S.A. et SOCIETE1.), maison mère de SOCIETE2.) SA, ont décidé bon gré mal gré d’arrêter l’activité bancaire au Luxembourg. Elles considèrent aujourd’hui qu’elles sont victimes directes des tiraillements et contestations sur les pouvoirs de représentation au sein des fonds d’investissement et se constituent par la présente parties civiles contre inconnus dans les instructions menées par vous suite aux plaintes du 30 mars 2007 (réf. : notice 7018/07 CD) Pour les besoins de la procédure, elles élisent domicile en l’étude de Maître François PRUM, avocat à la Cour constitué dont l’étude est établie à L-1651 Luxembourg, 13A, avenue Guillaume. »5 .

Il ne résulte cependant d’aucune pièce de la procédure soumise à Votre Cour que les parties civiles auraient élu domicile en l’étude de Maître François PRUM pour formellement autoriser la signification d’actes de procédure à cette adresse pour l’instance en cassation, ni qu’elles auraient établi un acte spécial d’élection de domicile pour y recevoir la signification du mémoire en cassation.

Dans la mesure où une élection de domicile ne s’étend pas automatiquement d’une procédure à une autre mais ne sert en principe de point de contact officiel que pour recevoir les actes et notifications liés à la procédure concernée, l’élection de domicile opérée dans le cadre des constitutions de parties civiles ne saurait être présumée applicable à une nouvelle instance ou voie de recours.

La signification du mémoire en cassation faite en l’étude de Maître François PRUM n’est donc pas valable et le pourvoi est irrecevable au civil.

Dans le cas d’espèce, à la lumière du constat que l’objet central du présent pourvoi consiste en la contestation de la recevabilité des constitutions de parties civiles des sociétés SOCIETE1.) et SOCIETE2.), l’absence de signification régulière du pourvoi à leur égard rend le pourvoi inopérant dans son ensemble6.

Le pourvoi est irrecevable.

2. A titre subsidiaire A supposer que le pourvoi ne soit pas, ou que partiellement déclaré irrecevable au titre de l’article 43, alinéa 3 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, il convient d’exposer brièvement les faits et rétroactes de l’affaire et d’analyser la 5 Voir la constitution de parties civiles du 21 octobre 2019, page 2, dernier alinéa et page 3, 1er et 2ème alinéa, figurant sub pièce n° 3 jointe au pourvoi 6 La soussignée considère que dans le cas d’espèce l’irrecevabilité du pourvoi au civil implique que le pourvoi devient inopérant dans son ensemble, c’est-à-dire que l’irrecevabilité du volet civil s’étend au volet pénal, alors qu’en l’occurrence, les deux volets sont fortement liés. Plus précisément le vice procédural affectant la signification du mémoire en cassation aux parties civiles serait ainsi de nature à rendre le pourvoi inapte à déployer ses effets et à entraîner, de fait, son inopérance à l’égard du Ministère Public.recevabilité du pourvoi au regard de l’article 416 du Code de procédure pénale et des moyens soulevés.

Faits et rétroactes Le pourvoi est dirigé contre l’arrêt n°243/24 Ch.c.C. rendu le 5 mars 2024 par la Chambre du conseil de la Cour d’appel, qui avait été rendu suite à l’appel relevé par le mandataire de PERSONNE1.) contre une ordonnance du juge d’instruction près le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 26 juin 2023 ayant, par adoption de la motivation du Ministère Public, déclaré recevable les constitutions de parties civiles des sociétés SOCIETE1.) et SOCIETE2.) du 21 octobre 2019.

A l’appui de son appel, le mandataire de PERSONNE1.) avait demandé à voir annuler l’ordonnance du juge d’instruction pour défaut de motivation et à voir déclarer irrecevable les constitutions de parties civiles pour libellé obscur, sinon défaut d’intérêt à agir, sinon pour ne pas remplir les conditions légales.

Au soutien de ses prétentions il avait, entre autres, exposé le contexte procédural en soulignant que suivant arrêt rendu le 9 novembre 2021, la Chambre du conseil de la Cour d’appel avait annulé l’ordonnance rendue par le juge d’instruction le 12 octobre 2021 pour défaut de motivation en ce que cette ordonnance s’était limitée à renvoyer aux conclusions du Ministère Public, et il en avait déduit que l’ordonnance du 26 juin 2023 devait nécessairement encourir le même sort, au motif que le juge d’instruction ayant rendu cette deuxième ordonnance, en se limitant à adopter et reproduire la motivation du Ministère Public, n'avait pas à suffisance répondu à l’argumentation juridique exposée par l’actuel demandeur en cassation.

Par arrêt n°243/24 Ch.c.C. du 5 mars 2024, la Chambre du conseil de la Cour d’appel a dit qu’il n’y avait pas lieu à annulation de l’ordonnance du juge d’instruction du 26 juin 2023, déclaré l’appel non fondé et confirmé l’ordonnance entreprise.

Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt.

Quant à la recevabilité du pourvoi au titre de l’article 416 du Code de procédure pénale.

Aux termes de l'article 416 du Code de procédure pénale, « (1) Le recours en cassation contre les arrêts préparatoires et d'instruction ou les jugements en dernier ressort de cette qualité n'est ouvert qu'après l'arrêt ou le jugement définitif ; […] (2) Le recours en cassation est toutefois ouvert contre les arrêts et jugements rendus sur la compétence et contre les dispositions par lesquelles il est statué définitivement sur le principe de l'action civile. ».

8 Sous l’égide de Votre jurisprudence bien établie en la matière, il y lieu de rappeler que Vous définissez le pourvoi en cassation comme étant une voie de recours extraordinaire qui n’est ouverte que dans les cas prévus par la loi.7 Comme l’a justement articulé Madame le Premier avocat général Simone FLAMMANG dans le cadre de ses conclusions dans l’affaire numéro CAS-2023-00131 du registre, « l’interdiction de se pourvoir en cassation immédiatement et avant la décision définitive contre les décisions préparatoires ou d’instruction a précisément pour but de prévenir des recours dilatoires.

Cette disposition légale s'applique à toutes les décisions qui n'épuisent pas la juridiction du juge pénal soit sur l'action publique, soit sur l'action civile. Pour être considérée comme décision définitive au sens de l'article 416 précité, il ne suffit dès lors pas que la décision du juge épuise sa juridiction sur une question litigieuse précise.

Sont considérés comme arrêts préparatoires ou d’instruction toutes les décisions qui mettent le litige en état de recevoir une solution, mais sans terminer l’instance. Une décision termine l’instance soit lorsqu’elle se prononce au fond - acquittement ou condamnation - soit lorsqu’elle admet une exception d’incompétence ou une autre fin de non-recevoir qui dénie ou enlève au juge la connaissance de la cause ».8 Dans le cadre de l’affaire sous analyse, le demandeur en cassation a dirigé son pourvoi contre une décision qui n’a statué ni sur une question de compétence, ni définitivement sur l’action publique ou sur le principe d’une action civile et qui n’est donc, à ce stade, généralement pas susceptible de faire l’objet d’un pourvoi en cassation.

Dans le dessein de faire échec à l’irrecevabilité de son pourvoi résultant de l’article 416 du Code de procédure pénale, le demandeur en cassation invoque une exception jurisprudentielle susceptible de déroger au principe selon lequel le recours en cassation ne peut être formé avant qu’une décision définitive ne soit rendue. Cette innovation prétorienne consiste en l’invocation du grief tiré de ce que la décision attaquée ne satisfait pas aux conditions essentielles de son existence légale.

Le demandeur en cassation conclut donc à la recevabilité de son pourvoi en tant que pourvoi en cassation-nullité pour violation des conditions essentielles à l’existence légale de la décision entreprise.

A l’appui de son pourvoi il formule deux moyens de cassation, dont le premier est articulé en trois branches.

7 A titre d’illustration Cass. (pén) n°97/2024 du 13 juin 2024, numéro CAS-2023-00131 du registre ; Cass. (pén) n° 159/2024 du 14 novembre 2024, numéro CAS-2024-00033 du registre 8 Conclusions de Madame le Premier avocat général Simone FLAMMANG dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour de cassation (pén) n°97/2024 pénal du 13 juin 2024, numéro CAS-2023-00131 du registreQuant au premier moyen de cassation Le premier moyen de cassation est tiré de la violation de la loi, et d’une violation des conditions essentielles à l’existence légale de la décision, Première branche :

Tirée de la violation de la loi, à savoir de la violation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après « CEDH »), et d’une violation des conditions essentielles à l’existence légale de la décision ;

Deuxième branche :

Tirée de la violation de la loi, à savoir de la violation de l’article 58 (3) du Code de procédure pénale, et d’une violation des conditions essentielles à l’existence légale de la décision ;

Troisième branche :

Tirée de la violation de la loi, à savoir de la violation de l’article 109 de la Constitution, et d’une violation des conditions essentielles à l’existence légale de la décision ;

Les trois branches du premier moyen se basant sur exactement les mêmes considérations et les mêmes motifs :

En ce que la Chambre du conseil a statué dans l’arrêt présentement attaqué, quant au moyen tiré d’un défaut de motivation quant à l’ordonnance rendue par le juge d’instruction le 26 juin 2023, en retenant que l’ordonnance du 26 juin 2023 serait « plus motivée » en raison du fait que le juge d’instruction a simplement reproduit en intégralité les motifs du ministère public ;

Et en ce que l’argument contenu dans les motifs de la décision attaquée, selon lequel « l’étendue du devoir de motivation peut varier selon la nature de la décision et doit s’analyser à la lumière des circonstances de l’espèce » ;

alors qu’en statuant ainsi, la décision attaquée a fait fi de la solution pertinemment dégagée dans l’arrêt n°1015/21 précédemment rendu par la Chambre du conseil de la Cour dans cette même affaire où il a été tranché qu’il ne pouvait être suppléé au défaut de motivation par la seule référence aux conclusions de la partie poursuivante ;

alors que la décision attaquée a ainsi méconnu la portée de l’obligation de motivation du juge d’instruction dans ses ordonnances, obligation qui découle formellement de l’article 58 (3) du Code de procédure pénale selon lequel :

« en cas de contestation [de la constitution de partie civile], ou s’il déclare d’office irrecevable la constitution de partie civile, le juge d’instruction statue par ordonnance motivée, après communication du dossier au ministère public. » alors que l’obligation pour le juge d’instruction de motiver son ordonnance découle par ailleurs de l’obligation pour les tribunaux de motiver les décisions de justice, garantie par l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, selon lequel « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (…) par un tribunal 10 indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle », ce qui signifie, quant au contenu de cette motivation, et selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, que « l’article 6 implique notamment, à la charge du « tribunal », l’obligation de se livrer à un examen effectif des moyens , arguments et offres de preuve des parties », afin d’arriver à une situation où les « observations [des parties] sont vraiment « entendues », c’est-à-dire dûment examinées par le tribunal saisi ».9 et alors qu’une telle ordonnance du juge d’instruction est une décision à caractère juridictionnel émanant techniquement parlant, du Tribunal d’arrondissement, et qu’elle entre donc dans le champ de l’article 6 § 1 de la CEDH ;

alors que la Constitution dispose enfin en son article 109 que « [t]out jugement est motivé », ce qui inclut les décisions des juridictions d’instruction. L’obligation de motiver les jugements trouve ainsi sa source parmi les normes légales, constitutionnelles, et supra-

constitutionnelles ;

alors que c’est encore en ce sens que se comprend l’adage souvent cité selon lequel « justice must not only be done, but must also be seen to be done » ;

et alors que la Chambre du conseil de la Cour censurait ainsi, en date du 9 novembre 2021, la première ordonnance de recevabilité du 12 octobre 2020 dans le présent dossier en rappelant, en termes larges, « qu’une décision de justice doit se suffire à elle-même », ce qui s’analyse dans la continuité de l’obligation de motivation des décisions de justice garantie par la Convention européenne des droits de l’homme aussi bien que par l’article 58 (3) du Code de procédure pénale et par l’article 109 de la Constitution cités ci-avant ;

alors qu’il résulte des développements ci-avant qu’une simple référence aux observations de la partie poursuivante (et uniquement de cette partie) par le juge d’instruction ne permet pas d’affirmer que ce dernier a examiné les observations de la partie inculpée dans sa requête ;

de sorte que l’arrêt attaqué n’interprète donc pas correctement l’obligation de motivation à charge du juge que l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’article 58 (3) du Code de procédure pénale et l’article 109 de la Constitution lui imposent, et aurait dû décider que l’ordonnance du 26 juin 2023 était entaché e d’un défaut total de motifs et donc annuler cette ordonnance ;

alors qu’ainsi cet arrêt viole la loi, ainsi que les conditions essentielles de son existence et doit partant encourir la cassation.

Les trois branches du premier moyen de cassation sont basées sur les mêmes considérations et motifs, à savoir que le demandeur en cassation reproche en substance à la Chambre du conseil de la Cour d’appel d’avoir jugé que l’ordonnance rendue par le juge d’instruction en date du 26 juin 2023 serait « plus motivée » que celle du 12 octobre 2020 ayant été annulée suivant arrêt de la Chambre du conseil de la Cour d’appel rendu le 9 novembre 2021 pour défaut de 9 CEDH, L.C.I. c. République tchèque, 7 décembre 2004.motivation en ce qu’elle s’était limitée à renvoyer aux conclusions du Ministère Public en guise de motivation, alors même que l’ordonnance du 26 juin 2023 aurait, à l’instar de l’ordonnance du 12 octobre 2020, simplement repris la motivation du Ministère Public en la reproduisant intégralement. Le demandeur en cassation dénonce par conséquent une « contradiction flagrante » par rapport à la décision antérieure.

Il reproche encore à la Chambre du conseil de la Cour d’appel d’avoir retenu que « l’étendue du devoir de motivation peut varier selon la nature de la décision et doit s’analyser à la lumière des circonstances de l’espèce ».

De fait le demandeur en cassation critique dès lors l’arrêt n°243/24 Ch.c.C. du 5 mars 2024 de la Chambre du conseil de la Cour d’appel pour avoir méconnu l’obligation de motivation incombant au juge d’instruction lors de la prise d’une décision à caractère juridictionnel, obligation qu’il estime être consacrée par le Code de procédure pénale, la Constitution et la Convention européenne des droits de l’homme.

Le grief à la base du premier moyen de cassation consiste donc dans l’invocation d’un défaut de motivation et de cohérence par rapport à une décision antérieure.

Un moyen de cassation ne saurait être considéré comme formulant une critique qui met en cause les conditions essentielles à l’existence légale d’une décision que dans l’hypothèse où l’erreur ou le manquement allégué porte atteinte au fondement juridique ou procédural essentiel de la décision elle-même.

Or, en l’occurrence le premier moyen de cassation ne dénonce pas une erreur d’une gravité telle qu’elle affecte la régularité fondamentale de la décision. En effet, le reproche d’absence de motivation ou de motivation insuffisante, erronée et incohérente par rapport à une décision antérieure ne met pas en évidence une violation des conditions essentielles à l’existence légale de la décision.10 Il serait tout aussi concevable de considérer que la motivation de la Chambre du conseil de la Cour d’appel permet parfaitement de comprendre le cheminement du raisonnement exposé dans le cadre de la motivation de la décision, en sorte que le grief invoqué ne porte pas sur une condition essentielle à l’existence légale de la décision.

Le reproche invoqué n’affecte donc pas l’existence légale de la décision.

Quant au deuxième moyen de cassation Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation de la loi, à savoir de la violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, et d’une violation des conditions essentielles à l’existence légale de la décision ;

en ce que la décision attaquée estime que « le représentant du ministère public énonce clairement et exhaustivement dans son réquisitoire du 9 octobre 2020 les éléments pertinents sur base desquels il estime que la constitution d partie civile est recevable », et que « le juge 10 Cass. (pén) n1° 150/22 du 8.12.2022, numéro CAS-2022-00045 du registre ; Cass.(pén) 149/22 du 8.12.2022, numéro CAS-2022-00047 du registred’instruction a, à bon droit, considéré qu’il y a lieu d’adopter cette motivation » puisque lesdits éléments ont été intégralement cités par l’ordonnance du 26 juin 2023 ;

alors que le principe de l’égalité des armes garantie par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme « requiert que chaque partie se voit offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire »11 afin de garantir l’équilibre entre les parties, alors que ce désavantage pour l’inculpé, donnant lieu à une rupture de l’égalité des armes au sens de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, est encore aggravé par la présence indue de nombreuses parties dans l’instruction (telles que SOCIETE1.) S.pA. et SOCIETE2.) S.A.) qui peuvent s’immiscer dans la procédure par voie de constitution de partie civile sans même documenter l’existence d’un éventuel dommage subi, et s’unissent ensuite pour formuler des allégations fausses contre lesquelles l’inculpé doit se défendre seul, d’autant plus lorsque l’instruction est menée à charge, alors que les éléments en question énoncés par les Conclusion du Parquet et par l’ordonnance du juge d’instruction du 26 juin 2023 ne font que recopier les allégations formulées par les parties civiles SOCIETE1.) S.p.A. et SOCIETE2.) S.A., en leur donnant foi, cependant que ces allégations (fausses et contestées) n’ont été étayées par aucun document fourni par les parties civiles, et n’ont fait l’objet d’aucune vérification ni d’aucun examen critique par le Parquet ni par le juge d’instruction ayant rendu l’ordonnance du 26 juin 2023, et alors qu’en décidant que ces allégations ni étayées, ni vérifiées des parties civiles tiennent lieu d’« éléments pertinents sur base desquels [le ministère public] estime que la constitution de partie civile est recevable » et de « motivation » pour le juge d’instruction, l’arrêt attaqué place l’inculpé dans une situation de net désavantage par rapport aux parties civiles qui sont crues sur parole, sans même avoir à justifier ou prouver leurs dires, de sorte qu’en décidant ainsi, l’arrêt attaqué méconnaît le principe d’égalité des armes garantie par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, et aurait dû conclure à une violation de l’égalité des armes résultant en l’annulation de l’ordonnance du 26 juin 2023, alors qu’ainsi l’arrêt attaqué a violé la loi, ainsi que les conditions essentielles de son existence, et doit partant encourir la cassation.

Le demandeur en cassation reproche en substance à l’arrêt attaqué d’avoir violé le principe de l’égalité des armes en confirmant l’ordonnance entreprise et en jugeant « pertinents » les éléments sur base desquels les constitutions de parties civiles ont été considérées comme étant recevables par le Ministère Public, alors même que ces allégations n’étaient documentées par aucune pièce au dossier.

Le deuxième moyen de cassation dénonce dès lors en vérité, à l’instar du premier moyen, une erreur de jugement (déguisée en violation de l’égalité des armes) plutôt qu’une irrégularité 11 CEDH, Olga Nazarenko c. Russie, 31 mai 2016, entre autres. formelle d’une gravité telle que les conditions essentielles à l’existence légale de la décision attaquée ne seraient plus remplies.

Par conséquent le grief invoqué, en ce qu’il ne concerne pas une irrégularité procédurale grave, ne répond pas aux conditions justifiant l’examen du pourvoi.

En l’occurrence, à supposer que le grief ne soit pas considéré comme étranger au cas d’ouverture invoqué, il convient de retenir que la violation procédurale alléguée – soit la violation de l’égalité des armes - n’affecte aucune condition essentielle à l’existence légale de la décision attaquée.12 Il y a lieu de conclure que les griefs formulés aux deux moyens de cassation n’affectent pas les conditions essentielles à l’existence légale de la décision entreprise et ils ne sauraient, par conséquent, justifier la nullité de cette dernière.

Le pourvoi sous analyse, dans la mesure où il attaque une décision préparatoire ou d’instruction, encourt l’irrecevabilité sur base de l’article 416 du Code de procédure pénale et ne satisfait pas les exigences qui permettraient, le cas échéant, d’envisager un pourvoi immédiat contre la décision attaquée pour violation des conditions essentielles de son existence légale.

Le pourvoi est irrecevable.

Conclusion Le pourvoi est irrecevable.

Pour le Procureur général d’Etat, l’avocat général, Anita Lecuit 12 Voir en ce sens, Cass. (pén) n° 91/2023 du 6 juillet 2023, n° CAS-022-00125 du registre, qui retient que le reproche tiré d’une violation de l’égalité des armes ne rentre pas dans la définition de l’excès de pourvoirConclusions complémentaires du Parquet général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) en présence du Ministère Public (CAS-2024-00059 du registre) Revu le mémoire en cassation de PERSONNE1.) du 8 mai 2024 ;

Revu les conclusions du Parquet général du 28 novembre 2024 ;

Revu le mémoire en réplique de PERSONNE1.) aux conclusions du Parquet général du 11 décembre 2024 ;

Revu l’avis de rupture du délibéré de la Cour de cassation du 9 janvier 2025, visant à permettre aux parties de prendre position, dans le cadre de l’examen de la recevabilité du pourvoi en cassation, sur la question de savoir si l’élection de domicile faite dans la constitution de partie civile doit être lue à la lumière de l’article 60 du Code de procédure pénale, et notamment sur les points suivants :

1. La signification du mémoire en cassation ayant été faite au domicile élu par les parties civiles dans la constitution de partie civile, quelle est l’incidence et la portée de l’article 60 du Code de procédure pénale quant aux différentes étapes procédurales ? 2. La signification du mémoire en cassation ayant été faite au domicile élu par les parties civiles dans la constitution de partie civile, quelle est la portée respectivement l’interprétation à donner à l’élection de domicile faite « pour les besoins de la procédure » quant aux différentes étapes procédurales ? Revu le mémoire complémentaire de PERSONNE1.) du 13 février 2025.

Dans le dessein de recontextualiser l’interrogation posée par la Cour de cassation, la soussignée reprend, pour autant que de besoin, l’essentiel de ses développements antérieurement exposés dans le cadre de ses conclusions du 28 novembre 2024, en limitant le rappel aux faits et rétroactes de l’affaire ainsi qu’à l’irrecevabilité soulevée à titre principal.

*** Par déclaration faite le 8 avril 2024 au greffe de la Cour Supérieure de Justice du Grand-Duché de Luxembourg, Maître Guillaume VAYSSE, avocat à la Cour, en remplacement de Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, les deux demeurant à Luxembourg, a formé au nom et pour le compte de PERSONNE1.) un recours en cassation contre un arrêt n°243/24 Ch.c.C. rendu le 5 mars 2024 par la Chambre du conseil de la Cour d’appel, cet arrêt ayant été notifié à PERSONNE1.) le 7 mars 2024.

[…] La déclaration de recours a été suivie le 8 mai 2024 par le dépôt du mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, signé par Maître Guillaume VAYSSE, en replacement de Maître Pol URBANY.

[…] Les actes de signification du mémoire en cassation renseignent qu'il a été signifié en date du 7 mai 2024 aux parties civiles, à savoir tant à la société anonyme de droit italien SOCIETE1.) (ci-après « la société SOCIETE1.) »), qu’à la société anonyme de droit luxembourgeois SOCIETE2.) S.A. (ci-après « la société SOCIETE2.) »), à chaque fois « en son domicile élu chez Maître François PRUM, avocat à la Cour ».

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt de la Chambre du conseil de la Cour d’appel ayant confirmé une ordonnance du juge d’instruction par laquelle ce dernier avait, par adoption des motifs développés par le Ministère Public, déclaré recevable les constitutions de parties civiles des sociétés SOCIETE1.) et SOCIETE2.).

3. A titre principal Quant à la recevabilité du pourvoi au titre de l’article 43, alinéas 2 et 3 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation D’après une jurisprudence constante de Votre Cour, les dispositions de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation concernant la recevabilité du pourvoi sont d’ordre public et s’apprécient au jour de l’introduction du recours qui est consommé par le dépôt au greffe de la Cour des documents requis.13 L’irrecevabilité du pourvoi étant d’ordre public, elle doit être examinée d’office par Votre Cour.

L’article 43 de la loi précitée du 18 février 1885 prévoit en ses alinéa 2 et 3 que, 13 Voir à titre d’illustration, Cass. n°51/11 du 7 juillet 2011, n° 2883 du registre ; Cass. n° 38/07 du 28 juin 2007, n° 2422 du registre« Le mémoire de la partie civile devra, à peine de déchéance, être signifié au défendeur au civil avant d’être déposé.

Le mémoire du défendeur au civil devra, sous la même sanction, être signifié à la partie civile avant d’être déposé. » En l’occurrence, tel que relevé plus haut, le demandeur en cassation a fait signifier son mémoire non pas au domicile réel des parties civiles, mais en l’étude de Maître François PRUM, avocat ayant occupé pour ces parties en instance d’appel, étude qualifiée par l’huissier de justice dans l’acte de signification, de « domicile élu ».

Conformément à une jurisprudence régulièrement affirmée par Votre Cour, l’instance en cassation constitue une instance nouvelle, de sorte que la signification du mémoire doit être faite à la personne ou au domicile réel de la partie défenderesse, à moins qu’un acte d’élection de domicile n’autorise clairement la signification au domicile élu.14 Il résulte des pièces jointes faisant partie intégrante du pourvoi et incluant la constitution de parties civiles des sociétés SOCIETE1.) et SOCIETE2.) du 21 octobre 2019 figurant en pièce n° 3, que ces dernières avaient élu domicile en l’étude de Maître François PRUM dans le cadre de l’instance antérieure en ce qu’il y est indiqué, « SOCIETE2.) S.A. et SOCIETE1.), maison mère de SOCIETE2.) SA, ont décidé bon gré mal gré d’arrêter l’activité bancaire au Luxembourg. Elles considèrent aujourd’hui qu’elles sont victimes directes des tiraillements et contestations sur les pouvoirs de représentation au sein des fonds d’investissement et se constituent par la présente parties civiles contre inconnus dans les instructions menées par vous suite aux plaintes du 30 mars 2007 (réf. : notice 7018/07 CD) Pour les besoins de la procédure, elles élisent domicile en l’étude de Maître François PRUM, avocat à la Cour constitué dont l’étude est établie à L-1651 Luxembourg, 13A, avenue Guillaume. »15 Il ne résulte cependant d’aucune pièce de la procédure soumise à Votre Cour que les parties civiles auraient élu domicile en l’étude de Maître François PRUM pour formellement autoriser la signification d’actes de procédure à cette adresse pour l’instance en cassation, ni qu’elles auraient établi un acte spécial d’élection de domicile pour y recevoir la signification du mémoire en cassation.

Dans la mesure où une élection de domicile ne s’étend pas automatiquement d’une procédure à une autre mais ne sert en principe de point de contact officiel que pour recevoir les actes et notifications liés à la procédure concernée, l’élection de domicile opérée dans le cadre des constitutions de parties civiles ne saurait être présumée applicable à une nouvelle instance ou voie de recours.

La signification du mémoire en cassation faite en l’étude de Maître François PRUM n’est donc pas valable et le pourvoi est irrecevable au civil.

14 Voir à titre d’illustration : Cass. (pén) n° 69/2019 du 2 mai 2019, CAS-2018-00046 du registre 15 Voir la constitution de parties civiles du 21 octobre 2019, page 2, dernier alinéa et page 3, 1er et 2ème alinéa, figurant sub pièce n° 3 jointe au pourvoi Dans le cas d’espèce, à la lumière du constat que l’objet central du présent pourvoi consiste en la contestation de la recevabilité des constitutions de parties civiles des sociétés SOCIETE1.) et SOCIETE2.), l’absence de signification régulière du pourvoi à leur égard rend le pourvoi inopérant dans son ensemble16.

Le pourvoi est irrecevable.

*** C’est dans le cadre de l’examen de l’irrecevabilité du pourvoi invoquée au titre de l’article 43 alinéas 2 et 3 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure de cassation, que Votre Cour a renvoyé les parties à l’article 60 du Code de procédure pénale, en les invitant à se prononcer quant à l’impact de cette disposition légale sur la recevabilité du pourvoi.

Plus précisément la Cour a-t-elle, en substance, invité tant le demandeur en cassation que le Parquet général à mener une réflexion et à donner des éléments de réponse quant à la question de savoir si l’élection de domicile faite dans la constitution de partie civile doit être interprétée à partir de l’article 60 du Code de procédure pénale, - en examinant l’incidence de l’article 60 du Code de procédure pénale sur toutes les étapes du processus judiciaire pénal, et - en proposant une interprétation du libellé de l’élection de domicile « faite pour les besoins de la procédure ».

La prise de position exposée ci-après (B) est précédée d’un passage en revue des arguments clés invoqués par le demandeur en cassation (A).

A. L’essence de la position du demandeur en cassation.

Le demandeur en cassation, dans sa prise de position du 13 février 2025, a opté pour une démarche argumentative reposant sur l’idée qu’il existe deux manières d’interpréter l’article 60 du Code de procédure pénale. Selon lui, ces interprétations divergent en fonction de l’hypothèse préalable sur laquelle on choisit de faire reposer le raisonnement, c’est à dire, selon que l’on présuppose ou non qu’une élection de domicile doive ou non être renouvelée par les parties civiles en vue de l’instance de cassation.

Ce faisant, le demandeur en cassation choisit d’adopter un raisonnement en deux étapes, fondé sur deux hypothèses de départ opposées, et à partir desquelles il se livre à l’analyse de l’article 60 du Code de procédure pénale.

16 La soussignée considère que dans le cas d’espèce, l’irrecevabilité du pourvoi au civil implique que le pourvoi devient inopérant dans son ensemble c’est-à-dire que l’irrecevabilité du volet civil s’étend au volet pénal, alors qu’en l’occurrence, les deux volets sont fortement liés. Plus précisément le vice procédural affectant la signification du mémoire en cassation aux parties civiles est ainsi de nature à rendre le pourvoi inapte à déployer ses effets et à entraîner, de fait, son inopérance à l’égard du Ministère Public.

1. La thèse qu’il défend à titre principal est fondée sur sa première hypothèse consistant à admettre que, dans le cadre de l’instruction, la cassation est « un événement de la procédure ».

L’analyse de l’article 60 du Code de procédure pénale qu’il mène à la lumière de l’ancienne doctrine française sur l’article 68 du Code d’instruction criminelle, -duquel émane l’actuel article 60 du Code de procédure pénale luxembourgeois-, le dirige vers le constat que, en début du XXème siècle, alors même qu’à l’époque la partie civile n’avait que peu de droits et que la procédure était secrète à son égard, certains actes de la procédure devaient néanmoins lui être signifiés.

Le demandeur en cassation poursuit son raisonnement en soutenant que les actes dont la signification aux parties civiles était requise étaient définis par la doctrine comme les « actes importants de la procédure ». De ce constat il extrait qu’un mémoire en cassation doit nécessairement faire partie des actes devant être signifiés à la partie civile et il relève que cette signification résulte d’ailleurs de l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure de cassation.

Le demandeur en cassation souligne encore que l’obligation de signification à la partie civile est directement rattachée à sa position d’adversaire de l’inculpé « dans le procès pénal » en général, position non limitée à la phase de l’instruction mais englobant toutes les instances ultérieures, soit le procès pénal dans son entièreté.

En appliquant ce raisonnement à l’actuel article 60 du Code de procédure pénale, il en déduit qu’une élection de domicile opérée dans le cadre de la constitution de partie civile adressée au juge d’instruction au cours de l’instruction continue nécessairement à sortir ses effets devant la Cour de cassation. Il précise que cette approche serait d’autant plus vraie que dans le cas d’espèce, le pourvoi en cassation aurait été introduit en pleine phase d’instruction, avant-même la clôture de l’instruction.

Le demandeur en cassation conclut en relevant que sa position par rapport à la recevabilité du pourvoi dans le cadre du dossier sous analyse serait corroborée par les termes-mêmes de l’élection de domicile formulée dans le cadre de la constitution de partie civile, en ce qu’il y serait expressément mentionné que l’élection de domicile en l’étude de Maître François PRUM serait faite « pour les besoins de la procédure ».

2) La thèse que le demandeur en cassation défend à titre subsidiaire est basée sur sa deuxième hypothèse revenant à admettre que l’élection de domicile doive être renouvelée en instance de cassation.

En partant du postulat à la base de sa thèse subsidiaire, les termes de l’article 60 du Code de procédure pénale le mènent au constat que l’une des parties civiles, à savoir la société de droit italien SOCIETE1.), dont le siège social est en Italie, aurait, par application de l’article 60 alinéa 1er du Code de procédure pénale, eu l’obligation légale de procéder à une nouvelle élection de domicile dans le ressort du tribunal où se déroule l’instruction. Faute d’avoir satisfait à cette obligation légale lui imposée par l’article 60 alinéa 1er du Code de procédurepénale, la société SOCIETE1.) ne saurait, au regard de l’article 60 alinéa 2 du Code de procédure pénale, opposer le défaut de signification valable du mémoire en cassation.

Le demandeur en cassation extrait de cette analyse que l’absence de signification du pourvoi au domicile réel de la société SOCIETE1.), n’affecte pas sa régularité à l’égard de la partie civile SOCIETE1.), étant donné que l’absence d’élection de domicile lui a fait perdre son droit de se prévaloir d’une signification irrégulière.

Dans le cadre de sa deuxième hypothèse, le demandeur en cassation s’abstient de toute conclusion par rapport au manquement à l’obligation légale prévue par l’article 60 alinéa 1er du Code de procédure pénale à l’égard de la société de droit luxembourgeois SOCIETE2.) S.A.

qui elle, contrairement à SOCIETE1.), a son siège social à ADRESSE6.), L-ADRESSE7.), soit dans le ressort du tribunal duquel relève l’instruction.

Il peut être déduit, en extrapolant le raisonnement mené ci-dessus dans le cadre de cette deuxième hypothèse, qu’à l’égard de la société SOCIETE2.), le mémoire signifié au domicile précédemment élu, mais non renouvelé pour l’instance de cassation, doive être considéré comme étant irrégulier.

La soussignée ne saurait souscrire aux analyses proposées par le demandeur en cassation, alors qu’elles ne tiennent pas compte de ce que la cassation est une voie de recours distincte qui se départage des juridictions d’instruction et de fond, de par sa fonction, son régime procédural et sa finalité. Dès lors que Votre Cour, dans le cadre d’un pourvoi en cassation, ne se livre pas à un nouvel examen des faits mais contrôle la légalité des décisions, la voie de recours de la cassation ne saurait être qualifiée, ni comme faisant partie intégrante de l’instruction, ni comme une étape d’une procédure au fond.

Par conséquent, la disposition procédurale visée ne saurait être considérée comme étant susceptible de s’imposer implicitement à la Cour de cassation. Admettre le contraire risquerait d’induire un affaiblissement du rôle de régulateur du droit assuré par la Cour de cassation et, par voie de conséquence, une fragilisation de la sécurité juridique.

Ce constat implique donc qu’examiner la recevabilité d’un pourvoi en cassation à la lumière d’une disposition ne relevant pas de la procédure de cassation reviendrait à diluer le formalisme procédural qui entoure la cassation, alors même que c’est justement le cadre rigide des règles strictes et prévisibles, qui, au stade du contrôle par la Cour de cassation, de l’application correcte du droit par les juridictions d’instruction et de fond, assure la protection des droits fondamentaux des justiciables.

B. Le formalisme de la cassation : rempart en défense de la sécurité juridique Aux prémices de la présente réflexion il est proposé de mettre en relief les deux piliers qui guident les développements qui suivent, à savoir, - d’une part, la nécessité d’appréhender la spécificité et le formalisme de la cassation à sa juste mesure, et - d’autre part, le souci impérieux de veiller à la protection et au respect des droits de la défense.

La soussignée choisit d’aborder sa prise de position sous un autre angle que celui retenu par le demandeur en cassation.

Ainsi, plutôt que d’analyser l’article 60 du Code de procédure pénale à l’aune d’une première et deuxième hypothèse donnée ou présupposée, le présent avis est orienté vers une réponse à la question posée dans l’avis de rupture du délibéré, à partir d’une réflexion fondée sur les dispositions de l’article 60 du Code de procédure pénale, dans le respect de la séquence indiquée par Votre Cour.

La réponse à la question soulevée sera donc menée conformément à la structure imposée par l’énoncé de l’avis de rupture du délibéré qui invite les parties à répondre aux deux questions reprises sub (1) et (2).

1. La signification du mémoire en cassation ayant été faite au domicile élu par les parties civiles dans la constitution de partie civile, quelle est l’incidence et la portée de l’article 60 du Code de procédure pénale quant aux différentes étapes procédurales ? L’article 60 du Code de procédure pénale dispose que, « (1) Toute partie civile qui ne demeure pas dans le ressort du tribunal où se fait l’instruction est tenue d’y élire domicile, par acte au greffe de ce tribunal.

(2) A défaut d’élection de domicile, la partie civile ne peut opposer le défaut de signification des actes qui auraient dû lui être signifiés aux termes de la loi. » Les termes de l’article 60 du Code de procédure pénale semblent clairs en ce que cette disposition impose à la partie civile qui ne réside pas dans l’arrondissement où se déroule l’instruction, d’y élire domicile. Si elle omet de se conformer à cette obligation, elle ne peut pas invoquer un défaut de signification.

L’article 60 sous examen est inséré au Livre Ier « De L’exercice de l’action publique et de l’instruction » du Code de procédure pénale, à la section première « Dispositions générales », du chapitre 1er « Du juge d’instruction » sous le Titre III « Des juridictions d’instruction ».

Ledit article 60 figure donc parmi les dispositions du Code de procédure pénale ayant trait à l’instruction.

L’objectif de cette disposition a par ailleurs été précisé aux termes d’un arrêt rendu par la chambre des mises en accusation en date du 22 janvier 196317 qui a retenu que, 17 Chambre des mises en accusation, 22 janvier 1963, Pas. 19, p.88 « L’article 68 du Code d’instruction criminelle [dont est issu l’actuel article 60 du Code de procédure pénale][…] a été édicté par le législateur dans le seul but d’accélérer le cours de l’instruction et d’épargner les frais ».

Autrement dit, l’article 60 du Code de procédure pénale garantit qu’une partie civile ne puisse bloquer le cours d’une procédure pénale.

Comme relevé à juste titre par le demandeur en cassation, il est l’héritage direct de l’article 68 du Code d’instruction criminelle français qui se lisait comme suit, « Toute partie civile qui ne demeurera pas dans l’arrondissement communal où se fait l’instruction, sera tenue d’y élire domicile par acte passé au greffe du tribunal.

A défaut d’élection de domicile par la partie civile, elle ne pourra opposer le défaut de signification contre les actes qui auraient dû lui être signifiés aux termes de la loi. » L’ancienne doctrine retient par rapport à cette disposition que, 1. Par sa constitution de partie civile, la personne qui se prétend lésée devient partie au procès pénal. Tous les actes importants de la procédure doivent lui être signifiés, pourvu, toutefois, qu’elle ait son domicile réel ou élu dans l’arrondissement où se fait l’instruction.

Laborde, n. 750 ; Massabiau et Mesnard, t.2, n. 2077.

2. L’élection de domicile prescrite par cet article est importante pour la partie, puisque son omission ne lui permet plus d’opposer le défaut de signification des actes qui doivent lui être notifiés, aux termes des art. 116, 135, 187 et 535 ; mais il n’en résulte aucune déchéance de sa qualité. – F. Hélie, t.4, n.1734. -Cass. 8 fév. 1855, D.55.1.90.

3. Il suffit, pour obéir au vœu de l’art. 68, que la partie civile, qui n’est pas domiciliée au lieu où siège le tribunal, y constitue avoué. -F. Hélie, t.4, n.1734.

4. La constitution de la partie civile peut contenir l’élection de domicile.

5. L’élection de domicile peut encore être faite par acte d’huissier signifié au greffe. – En ce sens, Marcy, n.638.18 Concrètement donc, les actes visés, dont le défaut de notification ne pouvait pas être opposé par la partie civile qui n’avait ni domicile réel, ni domicile élu dans la commune où se faisait l’instruction, étaient notamment :

- L’article 118 du Code d’instruction criminelle exigeant que la demande de mise en liberté provisoire soit notifiée à la partie civile.

18 Code d’instruction criminelle annoté, Sirey et Gilbert, sub. article 68; dans le même sens, voir, Code d’instruction criminelle annoté, Dalloz, 1898, sub. article 68 ; encore dans le même sens, voir, Code d’instruction criminelle annoté par G. Le Poittevin, 1911-1915, sub. article 68.Cette disposition ne connaît plus d’équivalent dans l’actuel Code de procédure pénale où la partie civile n’a plus à intervenir sur la détention.

- L’article 135 du Code d’instruction criminelle concernant certaines ordonnances du juge d’instruction contre lesquelles la partie civile était autorisée à former opposition.

Cette disposition ne semble, a priori, plus d’actualité vu l’évolution de la place de la partie civile dans le cadre du procès au fil du temps.

- L’article 187 du Code d’instruction criminelle relativement à la notification de l’opposition du condamné à un jugement par défaut.

Cet article figure en substance toujours au Code de procédure pénale actuellement en vigueur et n’a, à ce jour, pas connu de modification par rapport à la question de l’obligation de signification à la partie civile.19 - l’article 535 de l’ancien Code d’instruction criminelle figure toujours au Code de procédure pénale actuellement en vigueur et a conservé son libellé initial.

La soussignée déduit de l’analyse de la doctrine française ancienne, lue ensemble avec les dispositions légales actuellement en vigueur, que l’élection de domicile visée à l’article 60 du Code de procédure pénale ne s’arrête pas à l’instruction et reste, en principe, d’application pour les instances au fond, à condition évidemment que les termes-mêmes de cette élection de domicile ne l’aient pas limitée dans le temps ou à une étape précise du procès.

Cette conclusion est encore corroborée par le constat que le législateur a veillé à ce que toute partie civile, quelle que soit la phase à laquelle elle entre en cause, soit tenue d’élire domicile si elle ne réside pas dans le ressort du tribunal compétent. Cette réflexion s’appuie, à titre d’illustration notamment sur l’article 183 du Code de procédure pénale qui prévoit que si une partie civile procède par voie de citation, l’acte de citation vaudra élection de domicile dans la ville où siège le tribunal.20 La jurisprudence a précisé les conséquences d’un manquement à l’obligation légale d’élection de domicile du citant direct à l’image des dispositions prévues à l’article 60 alinéa 2 du Code de procédure pénale.21 19 L’article 187 CIC alinéa 1er retenait que, « La condamnation par défaut sera comme non avenue, si dans les cinq jours de la signification qui en aura été faite au prévenu ou à son domicile, outre un jour par cinq myriamètres, celui-ci forme opposition à l’exécution du jugement, et notifie son opposition tant au ministère public qu’à la partie civile.» L’article 187, alinéa 1er du CPP dispose que, « La condamnation par défaut sera considérée comme non avenue, si dans les quinze jours de la signification ou notification qui en a été faite au prévenu à son domicile, son domicile élu, sa résidence ou son lieu de travail, celui-ci forme opposition à l’exécution du jugement et notifie son opposition tant au ministère public qu’à la partie civile. » L’article 535 du CIC est identique à l’actuel article 535 du Code de procédure pénale qui dispose que, « Le prévenu qui ne sera pas en arrestation, l'accusé qui ne sera pas retenu dans la maison de justice, et la partie civile, ne seront point admis au bénéfice de l'opposition, s'ils n'ont antérieurement, ou dans le délai fixé par l' article 533, élu domicile dans le lieu où siège l'une des autorités judiciaires en conflit.

A défaut de cette élection, ils ne pourront non plus exciper de ce qu'il ne leur aurait été fourni aucune communication, dont le poursuivant sera dispensé à leur égard. » 20 Article 183 du CPP dispose que, « La partie civile fera, par l'acte de citation, élection de domicile dans la ville où siège le tribunal; la citation énoncera les faits, et tiendra lieu de plainte. » 21 La jurisprudence a ainsi retenu que, « Au vœu de l’article 183 du Code d’instruction criminelle, la partie civile doit, par l’acte de citation, faire élection de domicile dans la ville où siège le tribunal devant lequel elle assigne;

cette formalité n’est cependant pas prévue à peine de nullité, le but en étant d’accélérer les débats et de faciliter 23 La soussignée rejoint donc l’idée exprimée par le demandeur en cassation en ce qu’il considère que l’élection de domicile faite dans le cadre d’une constitution de partie civile s’étend en principe au procès pénal, mais diverge sur la définition ou l’étendue à conférer au terme de « procès pénal » qui, stricto sensu, se divise en trois phases, qui sont, l’instruction, la première instance et l’appel.

La cassation, voie de recours extraordinaire visant à vérifier la conformité des décisions attaquées aux règles de droit, ne constitue, de l’avis de la soussignée, pas une étape du procès dont les règles de procédure sont prescrites par le Code de procédure pénale.

A titre d’illustration et afin d’appuyer cette approche, il est intéressant de citer Jacques et Louis BORE qui, dans leur traité sur « La cassation en matière pénale », ont décrit le rôle et la finalité du pourvoi en cassation en relevant que « Le pourvoi en cassation est un recours en annulation.

Il ne constitue, ni une voie de réformation, ni une voie de révision. Il n’est pas une voie de réformation parce que l’article L.411-2 du Code de l’organisation judiciaire interdit au juge de cassation de connaître du fond des affaires et l’autorise seulement à vérifier si la loi a été correctement appliquée aux faits souverainement constatés par la décision attaquée ; ce que l’on exprime habituellement en disant que la Cour de cassation n’est pas un troisième degré de pleine juridiction et qu’elle juge les arrêts, et non les procès ».22 Il s’ensuit que l’article 60 du Code de procédure pénale n’a aucune incidence par rapport à la l’instance de cassation et que la régularité du pourvoi reste soumise aux seules dispositions de la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

2. La signification du mémoire en cassation ayant été faite au domicile élu par les parties civiles dans la constitution de partie civile, quelle est la portée respectivement l’interprétation à donner à l’élection de domicile faite « pour les besoins de la procédure » quant aux différentes étapes procédurales ? Tel que relevé plus haut, de l’avis de la soussignée, même si la loi ne le précise pas, il peut être déduit des développements qui précèdent que dans l’hypothèse où, comme en l’espèce, l’élection de domicile est exprimée en termes larges, -« pour les besoins de la procédure »-, elle reste valable au-delà de la phase de l’instruction et peut s’étendre à la phase de jugement au fond, plus précisément les première et deuxième instances.

Le terme de « procédure » qui est employé peut d’ailleurs, en matière pénale, être interprété comme couvrant l’ensemble des actes effectués dans le cadre du procès pénal (tel que défini plus haut), et non seulement de la phase d’instruction.

Cependant, cette extension ne saurait s’étendre implicitement à la phase de cassation et cela, peu importe et indépendamment de la question de savoir si un pourvoi est introduit au niveau de l’instruction ou au niveau du fond : la cassation est en principe une étape postérieure au procès pénal proprement dit. Bien qu’un pourvoi en cassation puisse être introduit pendant la signification des actes de la procédure; si donc la partie civile néglige de faire élection de domicile, sa citation n’est pas moins valable, mais elle ne sera pas reçue à se plaindre du retard éventuel d’une signification.» Cour d’appel, 24 février 1917, Pas. 10, p.278; Lux 29 janvier 1875, Pas. 1, p.14 22 Jacques et Louis BORE, La cassation en matière pénale, Dalloz, édition, 2025/2026, n° 04.13l’étape d’instruction, la cassation reste cependant une procédure distincte de l’instruction elle-

même de par sa nature et de par son objet.

La cassation est « la voie de recours extraordinaire qui a pour objet de faire annuler par la Cour de cassation les jugements ou arrêts en dernier ressort rendus en violation de la règle de droit. »23 Elle n’est par conséquent pas une simple étape de la procédure au cours de laquelle les juridictions d’instruction et de fond se livrent à l’examen des faits.

La soussignée en déduit qu’il n’y a pas lieu de présumer que l’élection de domicile, même formulée largement tel que c’est le cas en l’espèce, puisse automatiquement englober l’instance de cassation. Cela ne pourrait être le cas qu’en présence d’une précision univoque en ce sens, comme par exemple une élection de domicile définissant explicitement qu’elle est faite « pour les besoins de la procédure / du processus judiciaire, y compris l’instance de cassation ».

Par conséquent, dans la mesure où en l’occurrence toute élection de domicile des parties civiles pour l’instance de cassation fait défaut et que l’article 60 est sans incidence dans le cadre d’un recours en cassation, il aurait incombé au demandeur en cassation de signifier son mémoire en cassation au domicile réel des parties civiles en application de l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure de cassation qui dispose en ses alinéas 2 et 3 que, « Le mémoire de la partie civile devra, à peine de déchéance, être signifié au défendeur au civil avant d’être déposé.

Le mémoire du défendeur au civil devra, sous la même sanction, être signifié à la partie civile avant d’être déposé. » A titre principal, la soussignée maintien dès lors ses conclusions déposées le 28 novembre 2024 en toute leur teneur.

Etant donné que les parties civiles n’ont pas élu domicile pour l’instance de cassation, il incombait au demandeur en cassation, seul responsable de la régularité de son pourvoi, de veiller au respect des règles de procédure applicables en signifiant le pourvoi au domicile réel des parties civiles.

Dans cette optique les règles applicables à la procédure de cassation en ce qu’elles sont transparentes et prévisibles, offrent une garantie essentielle pour les droits de la défense et le respect d’un procès équitable.

A titre subsidiaire, si Votre Cour choisissait de suivre le raisonnement exposé par le demandeur en cassation à l’appui de sa thèse subsidiaire, alors le pourvoi en cassation serait à déclarer irrecevable à l’égard de la société SOCIETE2.) (cf. voir les développements page 6 in fine de la présente prise de position).

En effet, à admettre que l’élection de domicile aurait dû être renouvelée pour l’instance de cassation, la société SOCIETE2.), en ce qu’elle a son siège social dans le ressort du tribunal où 23 Jacques et Louis BORE, La cassation en matière pénale, Dalloz, édition, 2025/2026, n° 0.06se fait l’instruction, n’est pas impactée par l’article 60 du Code de procédure pénale. Le demandeur en cassation ne saurait dès lors se prévaloir du manquement à l’article 60 alinéa 1er du Code de procédure pénale pour justifier la régularité du pourvoi à l’égard de la société SOCIETE2.).

Le pourvoi serait, sous cette perspective, irrecevable à l’égard de la société SOCIETE2.).

En définitive il y a lieu de rappeler que les développements exposés dans le cadre de la présente prise de position ne visent finalement que l’irrecevabilité du pourvoi invoquée à titre principal dans le cadre des conclusions du 28 novembre 2024. Reste dès lors, en tout hypothèse, l’irrecevabilité du pourvoi au regard de l’article 416 du Code de procédure pénale invoquée à titre subsidiaire dans le cadre des conclusions du 28 novembre 2024.

Il s’ensuit, qu’en tout état de cause, le pourvoi est irrecevable.

Pour le Procureur général d’Etat, l’avocat général, Anita Lecuit 26


Synthèse
Numéro d'arrêt : 84/25
Date de la décision : 15/05/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2025-05-15;84.25 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award