La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/05/2025 | LUXEMBOURG | N°52510C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 15 mai 2025, 52510C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 52510C ECLI:LU:CADM:2025:52510 Inscrit le 12 mars 2025 Audience publique du 15 mai 2025 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 12 février 2025 (n° 49375 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 52510C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 12 mars 2025 par Maître Françoise NSAN-NWET, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né l

e … à … (Afghanistan) et être de nationalité afghane, demeurant à L-…, …,...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 52510C ECLI:LU:CADM:2025:52510 Inscrit le 12 mars 2025 Audience publique du 15 mai 2025 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 12 février 2025 (n° 49375 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 52510C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 12 mars 2025 par Maître Françoise NSAN-NWET, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Afghanistan) et être de nationalité afghane, demeurant à L-…, …, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 12 février 2025 (n° 49375 du rôle), par lequel ledit tribunal a déclaré non fondé son recours tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 3 août 2023 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 11 avril 2025 par le délégué du gouvernement pour compte de l’Etat ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 6 mai 2025.

Le 12 janvier 2022, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 1relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent du service de police judiciaire de la police grand-ducale, section criminalité organisée – police des étrangers, dans un rapport du même jour.

Une recherche effectuée à cette occasion dans la base de données EURODAC révéla que les empreintes digitales de l’intéressé avaient été enregistrées en Italie le 26 décembre 2021.

Toujours le même jour, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après « le règlement Dublin III ».

Le 13 janvier 2022, les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités italiennes en vue de la prise en charge de Monsieur (A), laquelle fut refusée par lesdites autorités par décision du 23 mars 2022.

En date du 7 février 2023, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs gisant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 3 août 2023, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le 10 août 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après « le ministre », informa Monsieur (A) que sa demande de protection internationale avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, ladite décision étant libellée comme suit :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 12 janvier 2022 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains votre fiche manuscrite du 12 janvier 2022, le rapport du Service de Police Judiciaire du 12 janvier 2022, votre rapport d'entretien « Dublin III » du 12 janvier 2022, votre rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 7 février 2022 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l'appui de votre demande de protection internationale.

2Monsieur, il ressort de votre dossier administratif que vous seriez né le … à … en Afghanistan, de confession …, d'ethnie Hazara et célibataire. Vous seriez originaire de …, une ville du district de … dans la province de …, où vous auriez vécu avec vos parents, votre frère jumeau ainsi que vos quatre petites sœurs et vous auriez accompli neuf années de scolarité.

A l'appui de votre demande, vous avancez avoir quitté l'Afghanistan car vous craindriez de vous faire tuer par les Taliban en raison de votre appartenance à l'ethnie Hazara ainsi que parce que vous et votre famille auraient soutenu des combattants dans leur lutte armée contre les Taliban.

Dans ce contexte, vous indiquez qu'en 2018, les habitants de … auraient été alertés par le fait que les Taliban lanceraient sous peu une offensive sur la ville alors qu'ils auraient déjà encerclé le district de …. Partant, une réunion entre les représentants des différents quartiers de … se serait déroulée à votre domicile familial pour préparer les démarches défensives.

Votre père aurait accepté la demande d'héberger des combattants dans votre domicile familial et de leur autoriser l'accès à une bâtisse se trouvant sur votre champ agricole placé stratégiquement afin d'en faire un poste de sécurité.

Entre le 18 et le 24 novembre 2018, la ville de … aurait subi le début de l'offensive armée des Taliban et des militaires de l'ancien Etat afghan auraient été envoyés en renfort dès les premières attaques. Entre-temps, vous vous seriez refugié avec votre famille dans la montagne avec d'autres habitants de … parce que « seuls les adultes avaient le droit de combattre » (p.9/13 de votre rapport d'entretien).

Le 24 novembre 2018, vous seriez parti avec votre mère et votre fratrie à … pour fuir les combats alors que votre père serait resté à … puisqu'il fallait obligatoirement « qu'une personne par famille » (p.8/13 de votre rapport d'entretien) participe à l'effort de guerre.

Trois mois plus tard, après le retrait des Taliban, vous seriez retourné à … avec votre famille et vous auriez repris votre quotidien en aidant votre père pour les tâches agricoles et en reprenant vos études. Des combattants, dont des militaires de l'ancien Etat afghan, seraient restés présents à … pour défendre la ville et certains auraient continué à occuper le poste de sécurité installé sur l'un de vos champs, tandis que d'autres se seraient établis sur des terrains montagneux appartenant à votre famille pour surveiller la zone. Au cours des six mois suivants, avec votre frère jumeau, vous auriez été chargé « d'amener à boire et à manger aux combattants » (p.8/13 de votre rapport d'entretien) qui auraient été installés sur vos terrains et dans votre domicile. Puis, avec la cessation des combats pendant ces quelques mois, les combattants et militaires auraient progressivement quitté la ville de ….

Vous expliquez ensuite qu'après la prise de pouvoir des Taliban à … le 15 août 2021, le district de … aurait encore été défendu par des combattants. Les Taliban auraient attaqué le district et vous seriez parti vous réfugier chez votre tante maternelle qui habiterait aussi à …. Vous y seriez resté jusqu'au 27 août 2021 alors qu'entre-temps les Taliban auraient réussi à prendre le pouvoir dans le district de … sans combattre.

Vous seriez ensuite parti seul vers la ville de … en passant par … Vous y seriez resté trois jours avant de réussir, au bout de la troisième tentative, à traverser la frontière irano-afghane le 30 août 2021. Vous seriez resté environ deux semaines en Iran avant de vous rendre en Turquie. Après trois mois à Istanbul, vous vous seriez rendu à … où vous auriez pris un bateau pour accoster en Italie. Vous y avez été interpelé par les autorités italiennes 3qui ont saisi vos empreintes digitales le 27 décembre 2021 en raison d'une entrée illégale sur le territoire et vous n'y avez pas introduit une demande de protection internationale. Vous y seriez resté deux semaines avant de prendre un train et de traverser la Suisse et la France pour finalement rejoindre le Luxembourg.

Depuis votre départ d'Afghanistan, votre famille vous aurait informé que les Taliban seraient à votre recherche puisqu'ils auraient rédigé une lettre de menace mentionnant votre père, votre frère et vous-même qui vous reproche d'avoir soutenu « l'Etat afghan, l'Etat des mécréants » (p.9/13 de votre rapport d'entretien). Celle-ci aurait été affichée à la mosquée de Gonbat à … en votre absence. Quant à votre famille, vous indiquez qu'elle aurait quitté l'Afghanistan pour se rendre au Pakistan il y a « environ 9 ou 10 mois » (p.6/13 de votre rapport d'entretien), conformément à vos dires en date du 7 février 2023, donc respectivement en avril-mai 2022.

En ce qui concerne votre appartenance à l'ethnie Hazara, vous déplorez le fait que vous risqueriez de vous faire tuer par les Taliban puisqu'ils percevraient le fait d'être Hazara « comme un crime » et une « minorité » n'ayant pas « la même branche religieuse » (p.8/13 de votre rapport d'entretien) A l'appui de votre demande, vous présentez une photocopie d'un duplicata de votre tazkera, une photocopie du duplicata de la tazkera de votre frère jumeau, deux photographies de vous et de votre frère jumeau, deux photocopies relatives à votre vaccination contre le COVID-19, ainsi qu'une lettre de menace rédigée par les Taliban vers la fin août, début septembre 2021 selon la lisibilité.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Avant tout autre développement en cause, il convient de rappeler qu'il incombe au demandeur de protection internationale de rapporter, dans toute la mesure du possible, la preuve des faits, craintes et persécutions par lui allégués, sur base d'un récit crédible et cohérent et en soumettant aux autorités compétentes le cas échéant les documents, rapports, écrits et attestations nécessaires afin de soutenir ses affirmations. Il appartient donc au demandeur de protection internationale de mettre l'administration en mesure de saisir l'intégralité de sa situation personnelle. Il y a lieu de préciser également dans ce contexte que l'analyse d'une demande de protection internationale ne se limite pas à la pertinence des faits allégués par un demandeur de protection internationale, mais il s'agit également d'apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations, la crédibilité du récit constituant en effet un élément fondamental dans l'appréciation du bien-fondé d'une demande de protection internationale, et plus particulièrement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.

Or, la question de crédibilité se pose avec acuité dans votre cas alors qu'il y a lieu de constater que vos réponses incohérentes et vos contradictions répétitives ne font pas état de manière crédible qu'il existerait des raisons sérieuses de croire que vous encourriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des persécutions ou des atteintes graves au sens de la Loi de 2015.

Premièrement, il y a lieu de noter que dès le début de l'entretien ministériel, vous contestez le fait que votre date de naissance a été enregistrée au 6 juillet 2003 et non au 46 juillet 2005, respectivement vous déplorez le fait que vous n'êtes pas inscrit dans le registre comme étant un mineur non accompagné.

Or, Monsieur, il convient de rappeler que le Tribunal administratif s'est déjà prononcé sur cette question et a formellement reconnu la décision de la Direction de l'immigration d'inscrire votre année de naissance en … et non … En effet, en date du 11 février 2022, vous aviez entrepris des démarches avec votre avocate pour solliciter la réformation de la décision prise par la Direction de l'immigration en date du 18 janvier 2022 ayant eu pour objet votre assignation à résidence à la SHUK alors que vous étiez sous le coup d'une procédure Dublin étant donné que les recherches du Service de Police Judiciaire dans la base de données EURODAC ont permis d'établir que vous avez été enregistré en Italie le 27 décembre 2021.

Vous avez estimé que cette décision de placement à la SHUK était contraire à votre intérêt dans la mesure où vous seriez mineur d'âge et que la SHUK constituerait une structure d'hébergement pour adultes. Par son jugement N°47003 du rôle du 16 février 2022, le Tribunal administratif a déclaré que votre recours du 11 février 2022 était non justifié et s'accorde avec la décision de la Direction de l'immigration qui était, à juste titre, partie du principe que vous étiez majeur lors de l'introduction de votre demande de protection internationale. Le Tribunal administratif reconnaît que vous avez déclaré de manière crédible, lors de l'introduction de votre demande de protection internationale et tout au long des auditions et entretiens subséquents, être âgé de … ans et que ce n'est que dans votre recours contentieux dirigé contre la mesure prononçant l'assignation à résidence que vous avait opéré un revirement de position en prétendant être âgé de … ans. Vous êtes par ailleurs resté en défaut de soumettre au Tribunal des éléments concrets permettant de renverser vos déclarations antérieures.

Le 20 juillet 2022, vous sollicitez la réformation de la décision prise par la Direction de l'immigration en date du 6 juillet 2022 ayant pour objet la prorogation de votre assignation à résidence à la SHUK alors que vous êtes désormais en possession d'une photocopie de votre tazkera et de sa traduction en langue française. Le 22 juillet 2022, le Luxembourg s'est déclaré responsable de votre demande de protection internationale. Le 27 juillet 2022, le Tribunal administratif indique dans son jugement N°47723 du rôle que vous vous êtes désisté via votre mandataire de votre recours dirigé contre la décision par la Direction de l'immigration en date du 6 juillet 2022.

En ce qui concerne la photocopie de votre tazkera (N°…) que vous avez remis à l'appui de votre demande de protection internationale - et qui indique que vous auriez été âgé de … ans en 2016, respectivement né en … - tout comme celle de votre frère jumeau (N°…), il convient de soulever qu'elles comportent des irrégularités flagrantes. Tout d'abord, la traduction versée par vos soins est à contester alors que le numéro d'identification des deux tazkeras traduites est identique (N°…). Par ailleurs, il est suspicieux de constater que votre photographie sur votre tazkera, ainsi que celle de votre frère, ne correspond manifestement aucunement à un enfant de … ans, d'autant plus que vous êtes tous les deux vêtus d'un costume et d'une cravate. Votre justification insensée expliquant que « le costume a été rajouté par un photographe » (p.4/13 du rapport d'entretien) n'emporte pas conviction. De plus, sur la tazkera de votre frère jumeau, il peut être constaté à l'oeil nu que la date de naissance -

indiquant le jour, mois et année - a été rajoutée avec un autre stylo, date de naissance en tant que telle qui n'est d'ailleurs jamais mentionnée dans une tazkera. Enfin, la date d'émission doit normalement correspondre à la date de constation de l'âge de la personne. Il est donc invraisemblable que l'âge constaté est de … ans en 2016 alors que le document a été émis un an plus tard. Ainsi, compte tenu de ces diverses irrégularités compromettantes, il convient de 5remettre sérieusement en doute l'authenticité de la photocopie de votre tazkera et de celle de votre frère.

Partant, Monsieur, il n'est pas crédible et raisonnable que vous continuez obstinément à prétendre dès le début de votre entretien ministériel que vous seriez né en …, et donc respectivement que vous auriez été mineur lors de l'introduction de votre demande de protection internationale, et non pas en … Deuxièmement, vous déclarez que vous auriez quitté l'Afghanistan le 30 août 2021 pour ensuite traverser l'Iran, la Turquie, la Grèce, l'Italie, la Suisse et la France, sans toutefois y introduire de demande de protection internationale, avant d'arriver au Luxembourg.

Or, il est évident que tel n'est pas le comportement d'une personne réellement persécutée ou à risque d'être persécutée ou de devenir victime d'atteintes graves et qui serait réellement à la recherche d'une protection internationale. En effet, alors qu'on peut attendre d'une telle personne qu'elle introduise sa demande de protection dans le premier pays sûr rencontré et dans les plus brefs délais, vous avez choisi de traverser plusieurs pays de l'espace Schengen en passant notamment par la Grèce, l'Italie, la Suisse et la France. Force est de constater que vous n'avez pas recherché une forme quelconque de protection dans ces pays sûrs rencontrés et que cette idée ne vous est venue qu'après votre arrivée au Luxembourg.

Un tel comportement ne correspond clairement pas à celui d'une personne qui aurait été forcée à quitter son pays d'origine à la recherche d'une protection internationale et qui aurait été reconnaissante de se voir offrir une protection dans les pays sûrs visités.

Par ailleurs, il appert que l'unique raison vous ayant poussé à quitter la Turquie et à rejoindre l'Europe s'appuie sur des considérations économiques et de convenance personnelle. En effet, il ressort de vos déclarations issues du rapport du Service de Police Judiciaire du 12 janvier 2022 que vous seriez « resté en Turquie pendant trois mois. Je voulais travailler en Turquie mais ils me payaient très rarement, donc j'ai décidé de venir en Europe ».

Partant, il paraît indéniable que vous avez pratiqué du forum shopping en soumettant votre demande dans l'Etat qui vous semblait personnellement le plus favorable et qui satisferait au mieux vos attentes alors que vous auriez traversé l'Italie, la Suisse et la France avant de rejoindre le Luxembourg.

Troisièmement, il y a lieu de relever que votre comportement lors de votre entretien sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale a été complètement inapproprié et que vous n'avez aucunement respecter la législation luxembourgeoise.

En effet, il appert que l'agent ministériel a été contraint d'interrompre temporairement votre entretien après avoir découvert que vous étiez en train de l'enregistrer à son insu :

« L'agent observe monsieur qui regarde son téléphone. Monsieur dit « je suis en train d'enregistrer ». Avant de se raviser et de dire qu'il n'a pas enregistré. L'agent interrompt l'entretien le temps de faire une mise au point » (p.10/13 de votre rapport d'entretien).

Or, il va s'en [sic] dire Monsieur que le fait d'enregistrer une personne à son insu, et ce d'autant plus dans le cadre d'un entretien pour analyser les motifs d'une demande de protection internationale, est un comportement répréhensible qui peut être puni par la législation luxembourgeoise. Par ailleurs, dans les locaux de la Direction de l'immigration, des panneaux interdisant l'usage du téléphone portable sont visiblement affichés, notamment 6dans les salles dans lesquelles se déroulent les entretiens avec les agents ministériels, et les agents ministériels demandent généralement aux demandeurs d'éteindre leurs appareils électroniques en début d'entretien, de sorte que vos agissements ne sauraient être excusés par votre méconnaissance.

Quatrièmement, il y a lieu d'émettre de sérieux doutes quant à la crédibilité de vos déclarations relatives à votre supposé soutien apporté aux forces armées de l'ancien gouvernement afghan dans leur lutte armée contre les Taliban, ou du moins de relativiser son ampleur.

En effet, vous évoquez tout d'abord que « le 20.11.2018, les talibans ont attaqué pour récupérer leurs cadavres. A partir de ce jour-là j'aidais les combattants, je leur amenais à manger et à boire. Ensuite je suis allé avec ma famille à … » (p.8/13 de votre rapport d'entretien). Or, vous démentez vous-même vos propres déclarations en expliquant plus tardivement dans l'entretien qu'entre le 19 et le 24 novembre 2018 vous auriez été « avec ma famille » (p.9/13 de votre rapport d'entretien), « Au moment où la guerre a commencé nous nous sommes réfugiés dans la montagne » (p.9/13 de votre rapport d'entretien).

Ayant visiblement cherché à amplifier la gravité du contexte dans lequel vous auriez apporté votre soutien aux combattants, respectivement en plein combat, vous êtes confronté par votre incohérence par l'agent ministériel qui soulève cette improbabilité temporelle.

Vous vous êtes alors vraisemblablement senti contraint d'opter pour une nouvelle version en expliquant désormais que vous auriez en réalité aidé les combattants seulement « après l'attaque de 2018 » (p.9/13 de votre rapport d'entretien), c'est-à-dire à la fin des combats, lorsque la situation à … se serait pacifiée.

Or, il va s'en dire que les deux expériences susmentionnées ne sont aucunement comparables de sorte que votre revirement de position engendre des interrogations sérieuses et fondées quant à la crédibilité de vos déclarations : le fait d'avoir apporté son soutien à des combattants en plein combat, c'est-à-dire en ayant été témoin de la violence de la guerre et en ayant par conséquent encouru le risque d'être une victime collatérale n'est pas une expérience assimilable au fait d'avoir apporté son soutien à des combattants dans un contexte pacifié et de stabilisation, respectivement après une phase de combats.

Cinquièmement, il convient de s'interroger de l'authenticité d'une lettre de menace dont vous remettez une photographie à l'appui de votre demande de protection internationale et qui aurait été affichée à la mosquée de Gonbat à … après votre départ d'Afghanistan et vous accusant, ainsi que votre père et votre frère, d'avoir soutenu l'Etat afghan.

Avant tout autre développement, il y a lieu de soulever que vous n'avez versé aucune traduction de cette lettre rédigée en dari de sorte que son contenu n'est aucunement analysable puisque conformément à l'article 10 paragraphe 5 de la Loi de 2015 : « A l'exception des documents d'identité, tout document remis au ministre rédigé dans une autre langue que l'allemand, le français ou l'anglais doit être accompagné d'une traduction dans une de ces langues, afin d'être pris en considération dans l'examen de la demande de protection internationale ».

Quand bien même vous auriez pris le soin de verser une traduction de cette lettre de menace - option à laquelle vous n'avez étrangement pas songé alors que vous êtes visiblement 7resté passif - il convient de soulever que selon les recherches ministériels, l'authenticité de ces lettres est souvent douteuse et qu'il existe un commerce actif de fausses lettres de menaces des Taliban.

En effet, de nombreuses personnes achètent de telles lettres pour étayer leur demande de protection internationale. Toutefois, les Taliban ont, selon leurs propres dires, largement mis fin à cette pratique et affirment que la plupart des lettres de menaces constituent des faux.

Si des combattants soupçonnent quelqu'un de collaborer avec le gouvernement ou les forces de sécurité, leurs proches sont contactés, envoyer des lettres de menaces ne correspond pas à leur mode opératoire.

Par ailleurs, le degré de gravité des craintes que vous expliquez ressentir en raison de la publication de cette lettre, et donc par extension l'authenticité même de cette lettre, se doit d'être sérieusement nuancé. En effet, il est aberrant de constater que votre famille, plus particulièrement votre père et votre frère jumeau, serait encore restée plus de huit mois en Afghanistan après la publication de cette lettre de menace des Taliban, date de publication correspondant approximativement à votre date de départ de votre pays d'origine, c'est-à-dire vers la fin août, début septembre 2021. Or, il appert que votre famille aurait supposément encouru les mêmes risques que vous puisque vous expliquez dans le cadre de votre entretien ministériel que « les talibans cherchaient les combattants et ceux qui avaient aidé les combattants (…) les talibans dans ces cas ils tuent toute la famille » (p.10/13 de votre rapport d'entretien) et plus particulièrement encore votre père et votre frère jumeau alors que leurs noms seraient mentionnés dans la lettre de menace des Taliban. Partant, il paraît évident que vos membres de famille ne semblent pas avoir pris cette lettre de menace très au sérieux alors qu'ils seraient encore restés plus de huit mois dans votre pays d'origine après sa publication avant de prendre l'initiative de se rendre au Pakistan. Par ailleurs, vous ne soulevez aucun problème quant à leur vécu au cours de ces huit mois de vie additionnels en Afghanistan après la prise de pouvoir des Taliban.

Sixièmement, et pour poursuivre le développement du constat précédent, il est également incohérent que vous auriez été le seul membre de votre famille à fuir l'Afghanistan le 30 août 2021 compte tenu que les autres membres de votre famille auraient potentiellement encouru les mêmes risques que vous, notamment en raison de leur appartenance à l'ethnie Hazara et de leur soutien apporté à des combattants et militaires de l'ancien Etat afghan, de sorte que la gravité de votre situation dans votre pays d'origine est à remettre en doute alors que le reste de votre famille aurait quitté l'Afghanistan qu'en avril-mai 2022, soit plus de huit mois après vous.

Pour rappel, dans le rapport de Dublin III du 12 janvier 2022, vous confirmez que les membres de votre famille vivraient encore dans votre pays d'origine, soit 6 mois encore après la prise de pouvoir des Taliban. Dans votre rapport d'entretien du 7 février 2023, vous expliquez que votre famille serait désormais au Pakistan et ce depuis « Environ 9 ou 10 mois » (p.6/13 de votre rapport d'entretien), de sorte qu'elle aurait donc quitté l'Afghanistan en avril-mai 2022. Par conséquent, alors que les membres de votre famille auraient supposément encouru les mêmes risques que vous, il est aberrant de constater que ceux-ci n'auraient entrepris de quitter l'Afghanistan que huit à neuf mois plus tard. À cela s'ajoute qu'il est raisonnablement permis de douter de l'authenticité de leur départ d'Afghanistan vers le Pakistan alors que vous avez maladroitement admis en début d'entretien que votre tazkera se trouverait « en Afghanistan chez ma famille », respectivement « mes parents » (p.2/13 de votre rapport d'entretien) et que vous n'avez opté pour une correction que dans le cadre de la 8relecture pour rester aligné sur vos déclarations postérieures en avançant que la tazkera aurait été amenée par vos parents au Pakistan.

L'agent ministériel vous demande d'ailleurs pour quelle raison vous auriez été le seul à quitter l'Afghanistan en août 2021 mais vos réponses multiples et contradictoires n'emportent pas conviction.

En effet, vous affirmez tout d'abord que vous auriez quitté seul l'Afghanistan « Parce que le chemin c'était dur, c'était dangereux. Il y avait que des célibataires qui passaient par ce chemin » (p.8/13 de votre rapport d'entretien). Nonobstant du caractère partiellement insensé de cette réponse, l'agent vous demande pour quelle raison vous n'auriez pas fui avec votre frère jumeau, alors que celui-ci serait célibataire selon les informations disponibles sur sa tazkera, et vous répondez cette fois-ci qu'« il faut avoir un fils avec la famille » (p.8/13 de votre rapport d'entretien). Partant, l'agent ministériel vous demande comment vous auriez réussi à vous départager tous les deux et vous expliquez tout d'abord que « j'ai demandé à (C) de rester avec mes parents pour les aider » puis dans le cadre de la relecture, vous changez de version en indiquant « mes parents ne voulaient pas nous mettre en danger tous les deux » (p.8/13 du rapport d'entretien). Or, il ne fait pas de sens que vos parents auraient jugé nécessaire que vous-même ou votre frère devriez rester en Afghanistan - soit pour ne pas vous mettre tous les deux en danger, soit par obligation familiale pour que l'un d'entre vous puisse continuer à les soutenir - alors que vous auriez tous les deux encouru le même risque puisque votre frère jumeau appartiendrait également à l'ethnie Hazara et aurait également approvisionné en vivres les combattants. Par extension, il n'est pas logique dans ce cas que vos parents auraient jugé que le trajet pour fuir l'Afghanistan aurait été plus périlleux que de devoir affronter votre sort redouté face aux Taliban.

Septièmement, votre récit est parsemé d'autres contradictions et incohérences, moins flagrantes mais tout de même étonnantes, qui prises dans leur globalité ne font que réduire la crédibilité qui lui est accordée.

Tout d'abord, force est de constater que la date de votre départ d'Afghanistan reste inconnue alors que vous évoquez deux temporalités différentes. En effet, selon vos déclarations issues du rapport du Service de Police Judiciaire en date du 12 janvier 2022, vous auriez quitté votre pays d'origine il y a « six mois », respectivement en juin 2021. Or, dans le cadre de votre entretien, vous mentionnez précisément avoir quitté votre pays d'origine « le 08.06.1400 (30 août 2021) » (p.6/13 de votre rapport d'entretien). Aucune de ces deux dates ne sauraient être infirmées par votre réponse approximative issue du rapport Dublin III par laquelle vous indiquez que vous auriez quitté l'Afghanistan en été 2021. Toutefois, il n'en demeure pas moins que deux mois séparent au minimum les deux dates retenues et que la prise de pouvoir des Taliban s'est produite entre celles-ci, de sorte qu'il est impossible de savoir si vous seriez parti avant ou après cet évènement crucial dans le cadre de votre récit, d'autant plus que vous confirmez au cours de votre entretien avoir pris la décision de fuir l'Afghanistan « quand les talibans ont pris le pouvoir » (p.10/13 du rapport d'entretien).

A cela s'ajoute que vous dites tout et son contraire de sorte qu'il est impossible de se faire une idée concrète de votre vécu en Afghanistan. Vous prétendez par exemple tout au long de votre entretien que vous n'auriez jamais quitté … entre votre retour de …, vers février 2019, jusqu'à l'attaque d'août 2021 découlant de la prise de pouvoir des Taliban (p.10/13 de votre rapport d'entretien). Or, il ressort de votre certificat de vaccination que vous remettez à l'appui de votre demande de protection internationale que vous vous seriez fait vacciner le 924 juillet 2021 à Kaboul. Confronté à votre incohérence, vous reconnaissez seulement après les interrogations de l'agent en charge de votre entretien que vous vous seriez rendu pendant une semaine dans la capitale afghane à cette occasion. Par ailleurs, il est noté sur ce certificat de vaccination que vous seriez né en … Votre justification « ça a été fait exprès, ils ont dit que je devais dire que j'étais majeur, sinon je ne pouvais pas me faire vacciner. Je pense que c'était à partir de … ans » (p.4/13 de votre rapport d'entretien) ne saurait porté conviction puisqu'il paraît inconcevable que les anciennes autorités afghanes auraient modifié votre date de naissance, volontairement et en votre faveur, sans l'appui d'un quelconque document d'identité attestant de votre date de naissance, pour que vous puissiez accéder à un vaccin dont les stocks étaient limités.

Finalement, alors que vous ne l'aviez pas mentionné ni sur votre fiche manuscrite, ni dans votre entretien avec les agents de la Police judiciaire en date du 12 janvier 2022, vous décidez soudainement d'évoquer dans votre rapport d'entretien de manière très brève et laconique les tensions existantes entre les Taliban et les Hazara sans toutefois fournir d'explications supplémentaires. Or, il y lieu de souligner que vos craintes liées à votre appartenance à l'ethnie Hazara ne sont aucunement établies étant donné que vous avez menti sur toute la ligne lors de votre entretien ministériel. De toute manière, il est surprenant que la mention des prétendues craintes relatives à votre ethnie ne surgisse que plusieurs mois après votre arrivée au Luxembourg de sorte qu'il est évident que vous tentez en réalité d'aggraver votre récit, respectivement votre vécu en Afghanistan, en inventant des éléments qui vous permettraient d'augmenter vos chances de vous voir octroyer une protection internationale au Luxembourg.

Monsieur, en guise de conclusion, il y a lieu de considérer qu'au vu de vos déclarations diamétralement opposées faites lors de vos entretiens auprès du Ministère luxembourgeois, et au vue des contradictions et incohérences qui gangrènent vos déclarations, la sincérité de l'ensemble de votre récit doit être réfutée. Vous avez visiblement inventé de toutes pièces une série d'éléments afin d'augmenter vos chances d'obtenir une protection internationale, tout en dissimulant la réalité des motifs vous ayant poussé à venir vous installer au Luxembourg.

Votre récit n'étant pas crédible, aucune protection internationale ne vous est accordée.

Suivant les dispositions de l'article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination d'Afghanistan, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 1er septembre 2023, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à la réformation, d’une part, de la décision ministérielle du 3 août 2023 portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale et, d’autre part, de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Par jugement du 12 février 2025, le tribunal débouta l’appelant de son recours en réformation dirigé contre le refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire et le condamna aux frais et dépens de l’instance.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 12 mars 2025, Monsieur (A) a régulièrement relevé appel de ce jugement.

10Arguments des parties A l'appui de sa requête d'appel, l'appelant expose avoir fui son pays d'origine, l'Afghanistan, en été 2021, pour échapper aux talibans, dans la mesure où lui-même et sa famille auraient subi des menaces de mort en raison de leur appartenance à la minorité ethnique hazara et en raison de leur opposition au régime des talibans pendant la guerre. En effet, sa famille aurait aidé les troupes afghanes dans la lutte contre les talibans en leur permettant d’installer un poste de contrôle sur leur terrain. Pour participer à l’effort de guerre, lui-même et son frère jumeau auraient été chargés d’apporter des vivres aux combattant opposés aux talibans.

Avec l’arrivée au pouvoir des talibans en 2021, il aurait dû se réfugier chez un membre de sa famille et puis en Iran avant de rejoindre la Turquie.

Il fait valoir que les talibans rechercheraient activement les personnes ayant combattu ou aidé les forces gouvernementales afghanes et que ce serait dans ce contexte qu'il aurait appris par sa famille que les talibans auraient émis une lettre contenant des menaces de mort à son égard en raison de sa participation à l’effort de guerre contre les talibans.

L'appelant donne encore à considérer que sa famille aurait également dû se réfugier vers le Pakistan.

Il précise que s'il avait cherché la protection en Turquie, il aurait toutefois continué son périple vers le Luxembourg, puisqu’en Turquie les droits des réfugiés ne seraient pas respectés.

En droit et s'agissant de la question de la temporalité de l'aide apportée aux combattants afghans, l'appelant fait valoir qu’il conviendrait de tenir compte de la réalité des faits et des principes directeurs en matière d’examen de la crédibilité du récit d’un demandeur de protection internationale.

A cet égard, il donne à considérer que les événements décrits par lui auraient eu lieu lorsqu'il était très jeune et lorsque le pays se trouvait dans un conflit meurtrier, en particulier pour la communauté des Hazara dont il déclare être issu. Il estime que dans un tel climat de guerre et en raison des traumatismes subis, la mémoire, surtout des enfants, serait affectée et la reconstitution temporelle pourrait être difficile. Les événements qu'il aurait vécus en Afghanistan auraient provoqué des traumatismes profonds chez lui, impactant de façon significative sa mémoire et son état psychologique. Il s'ensuivrait que des légères confusions au sujet de la temporalité des événements ne pourraient pas lui être reprochées, ce d'autant plus que les dates mises en avant seraient très rapprochées les unes des autres.

L’appelant critique ensuite le tribunal pour avoir, d’une part, retenu que l’Afghanistan connaît aujourd’hui une situation sécuritaire problématique et, d'autre part, estimé qu’en 2018, qui pourtant aurait été une année meurtrière, le pays se serait trouvé dans un contexte post-conflit caractérisé par une situation de paix.

S’agissant du reproche de ne pas avoir demandé une protection internationale dans un des pays traversés avant d'arriver au Luxembourg, l'appelant fait valoir que sa condition et son expérience devraient être pris en compte, en insistant à cet égard sur son jeune âge et sur ses expériences en Turquie et les mauvais traitements qu'il y aurait subis, ce qui aurait renforcé sa 11crainte des autorités et ce qui expliquerait le dépôt tardif de sa demande de protection internationale.

En se référant aux lignes directrices de l’UNHCR à propos de l'évaluation des demandes de protection internationale, l’appelant donne à considérer que certains incidents ne pourraient pas être appréciés de façon isolée et hors de leur contexte, une telle approche pouvant conduire à des erreurs d'appréciation. Il reproche ainsi au tribunal de ne pas avoir examiné au préalable le contexte dans lequel sa demande de protection internationale a été faite.

S'agissant du troisième élément mis en avant par les premiers juges, à savoir la situation de sa famille, l’appelant reproche au tribunal une mauvaise appréciation de sa situation. Il fait valoir qu’il ne saurait être reproché à sa famille d'avoir quitté l’Afghanistan seulement quelques mois après son propre départ, puisqu’il aurait fallu préparer le voyage et trouver des ressources financières et l'opportunité pour faire voyager une famille composée des parents et de cinq autres enfants, principalement des filles, l'appelant soulignant qu'en tant qu'homme seul la fuite serait plus facile que celle d’une famille.

L'appelant ajoute qu'il se serait réellement efforcé d'étayer sa demande et aurait présenté tous les éléments pertinents à sa disposition, son récit étant corroboré notamment par une lettre de menace. Dans les circonstances de l'espèce, le bénéfice du doute devrait ainsi lui bénéficier.

Ensuite, l'appelant reproche aux premiers juges de ne pas avoir procédé à l'examen des conditions d'octroi d'une protection internationale en suivant en cela l'approche du ministre.

A cet égard, l'appelant insiste en substance sur ses déclarations faites lors de son entretien et fait valoir que sa famille aurait été formellement identifiée comme des opposants ayant participé de manière active à combattre les talibans, lui-même étant menacé de mort de manière officielle en raison de son appartenance à cette famille et en raison du soutien fourni aux combattants, de sorte qu’il craindrait à raison des persécutions pour des raisons d'ordre politique sans pouvoir obtenir une protection de la part des autorités afghanes, les talibans dont émanent les menaces étant justement au pouvoir.

S’agissant de la protection subsidiaire, l'appelant réitère ses craintes en raison de la prétendue opposition politique de sa famille et fait, par ailleurs, état de risques liés à son appartenance aux Hazaras, qui seraient depuis longtemps la cible d'exactions de la part des talibans. Il souligne avoir expliqué lors de son audition que son ethnie serait régulièrement attaquée et relève que des observateurs dénonceraient depuis le retour des talibans et le départ des troupes américaines une exclusion sociale et une vulnérabilité accrue des Hazaras.

L'appelant reproche dès lors aux premiers juges de ne pas avoir recherché à évaluer les risques encourus par lui en cas de retour en Afghanistan, tant en raison de l'aide apportée aux militaires lors des combats contre les talibans qu'en raison de son appartenance à l'ethnie hazara.

Ensuite, l’appelant reproche aux premiers juges de méconnaître la situation actuelle de l’Afghanistan, voire de minimiser l’impact mortifère de la politique des talibans. A cet égard, il se prévaut d'un arrêt de la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) du 17 février 2009, numéro C465/07. Depuis la prise du pouvoir par les talibans, des conflits internes et externes 12se multiplieraient, l’appelant citant un rapport de 2024 de l'organisation Human Rights Watch, faisant état de plusieurs attaques perpétrées notamment par l'Etat islamique de la province de Khorasan, et un rapport du 21 février 2025 de l’assemblée générale du Conseil de sécurité des Nations Unies s'interrogeant sur la situation en Afghanistan et ses conséquences pour la paix et la sécurité internationale et faisant état d'affrontements entre l'Afghanistan et le Pakistan.

L’appelant estime que la situation régnant en Afghanistan serait bien pire qu'une situation sécuritaire problématique, tel que retenu par les premiers juges.

L'appelant conclut ainsi à l'existence d'un conflit interne en raison de l’isolement diplomatique de l’Afghanistan, des tensions internes et des attaques incessantes sur la population civile et la crainte d'une guerre avec le Pakistan, de sorte à remplir les conditions de l'article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015.

Enfin, il insiste sur la considération qu'il ne se serait pas rendu coupable d'un des crimes énumérés à l'article 5 de la loi de 18 décembre 2015.

S’agissant de l'ordre de quitter le territoire, l'appelant fait état d'une violation de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) au regard des risques encourus par lui en cas de retour en Afghanistan.

Il déclare craindre d’être torturé et enfermé sans possibilité de se défendre et que son droit à la liberté et à la sécurité garantie par l'article 5 de la CEDH serait violé. Il se prévaut d'un rapport d'Amnesty International ayant dénoncé le système judiciaire afghan depuis la prise de pouvoir des talibans.

L’appelant s'interroge aussi sur la notion de pays d'origine sûr au sens de l'article 30 la loi de 18 décembre 2015 et fait valoir que l’Afghanistan ne figurerait pas sur la liste des pays d'origine sûr du règlement grand-ducal d’exécution afférent.

En tout état de cause, il estime que l’Afghanistan ne pourrait en aucun cas être considéré comme pays sûr.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de l’appel et à la confirmation du jugement a quo.

Analyse de la Cour La Cour relève que la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 sub f), de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Il se dégage de la lecture combinée des articles 2 sub f), 2 sub h), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que doit être considérée comme réfugié toute personne qui a une crainte fondée d’être persécutée et que la reconnaissance du statut de réfugié est notamment soumise aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou 13l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d'origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l'article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L'octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Il s’y ajoute que la définition du réfugié contenue à l’article 2 sub f), de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2 sub g), de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur de protection internationale ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du juge devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

Dans le cadre de l’examen au fond d’une demande de protection internationale, l’évaluation de la situation personnelle d’un demandeur d’asile ne se limite, tel que relevé par les premiers juges, point à la pertinence des faits allégués, mais elle implique un examen et une appréciation de la valeur des éléments de preuve et de la crédibilité des déclarations du 14demandeur d’asile, la crédibilité du récit de ce dernier constituant, en effet, un élément d’appréciation fondamental dans l’appréciation du bien-fondé de sa demande de protection internationale, spécialement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.

Sous cet aspect, les premiers juges se sont référés de façon pertinente à l’article 37, paragraphe (5), de la loi du 18 décembre 2015, dont il se dégage que le demandeur de protection internationale bénéficie du doute, à condition que son récit peut être considéré comme crédible, s’il s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, s’il a livré tous les éléments dont il disposait et si ses déclarations sont cohérentes et ne sont pas en contradiction avec l’information générale et spécifique disponible, étant relevé que le principe du bénéfice du doute est, en droit des réfugiés, d’une très grande importance, alors qu’il est souvent impossible pour les réfugiés d’apporter des preuves formelles à l’appui de leur demande de protection internationale et de leur crainte de persécutions ou d’atteintes graves.

En l’espèce, la Cour constate que les premiers juges ont confirmé la conclusion du ministre tenant à un défaut de crédibilité du récit de l’appelant sur base d’une analyse de trois ordres d’éléments relevés, parmi d’autres, par le ministre.

La Cour partage entièrement et fait sienne l’analyse de ces trois ordres d’éléments telle qu’opérée par les premiers juges, qui ont à juste titre relevé (i) des versions divergentes s’agissant de l’aide que l’appelant aurait apportée aux combattants contre les talibans, l’appelant la situant tantôt à une époque des combats, tantôt « après la guerre », (ii) une mise en doute du sérieux des craintes et de la crédibilité du récit à défaut par l’appelant d’avoir ressenti le besoin de déposer une demande de protection internationale dans le premier pays sûr dans lequel il est arrivé et (iii) le décalage dans le temps entre le départ de l’appelant d’Afghanistan et celui du reste de sa famille, qui pourtant, selon ses dires, serait exposée au même risque que lui.

Sur base de ces seules considérations, mises en balance à leur juste mesure avec les explications fournies par l’appelant, les premiers juges sont à bon droit et sans analyser plus en avant d’autres incohérences relevées par le ministre, arrivés à la conclusion d’un défaut de crédibilité du récit de l’appelant dans sa globalité, conclusion qui n’est pas remise en cause par les explications fournies en instance d’appel.

En effet, si l’appelant se prévaut de son jeune âge et de traumatismes vécus pour expliquer l’incohérence temporelle retenue par le ministre et, par la suite, par les premiers juges, la Cour partage toutefois le constat de ces derniers que, par rapport à l’aide qu’il aurait apportée aux combattants contre les talibans, l’appelant devrait pouvoir faire la part des choses entre une situation de combat et une situation « post combat » et être en mesure de situer son aide dans un contexte cohérent. Or, l’incohérence retenue à ce titre par les premiers juges, loin de relever de « légères confusions » qui pourraient s’expliquer par l’âge, tel que le fait valoir l’appelant, est de nature à impacter la crédibilité du récit dans son ensemble et ce d’autant plus que la prétendue aide aux combattants contre les talibans est un élément clé de son récit. Par ailleurs, au-delà d’invoquer les lignes directrices de l’UNHCR à propos de l’examen de la crédibilité d’un demandeur de protection internationale, l’appelant ne fournit aucun élément concret qui permettrait de retenir qu’il souffre de troubles de mémoire dus à des traumatismes subis et qui permettraient d’expliquer les incohérences temporelles relevées par les premiers juges. Il reste encore en défaut d’expliquer concrètement les traumatismes auxquels il se réfère, mais se limite à faire état d’une crainte de représailles de la part des talibans sans invoquer des difficultés particulières rencontrées avec ceux-ci avant son départ de son pays 15d’origine, étant relevé que l’appelant déclare avoir quittée l’Afghanistan immédiatement après la prise de pouvoir des talibans et dans un contexte de guerre dans lequel il aurait aidé des combattants, récit dont le ministre met justement en doute la crédibilité.

Pour ce qui est du défaut de déposer une demande de protection internationale dans le premier pays sûr, la Cour constate que si auprès de la police1, l’appelant avait indiqué ne pas être resté en Turquie au motif qu’il n’aurait été payé qu’irrégulièrement pour son travail, tout en admettant y avoir voulu rester pour y travailler, actuellement il fait état de mauvais traitements subis en Turquie, sans en donner plus de détails et sans avoir mentionné de tels problèmes rencontrés en Turquie lors de son entretien. Or, ces déclarations contradictoires, loin de lever le doute quant aux réelles intentions de l’appelant lorsqu’il a quitté son pays d’origine, confortent plutôt le constat des premiers juges que ce sont des considérations économiques qui ont guidé son choix de quitter son pays d’origine, respectivement la Turquie.

A défaut d’autres explications plausibles de son comportement consistant à traverser divers pays européens sans avoir ressenti le besoin de demander une protection, la Cour ne peut que rejoindre les doutes émis par le ministre et retenir que le comportement de l’appelant ne correspond pas à celui d’une personne ayant quitté son pays d’origine puisqu’elle s’y sentait en danger.

S’agissant du décalage temporaire entre le départ de l’appelant et du reste de la famille du pays d’origine, la Cour retient que les explications fournies par l’appelant en instance d’appel ne sont pas de nature à convaincre. En effet, la Cour relève de prime abord que l’appelant entend minimiser cet écart temporel, qui, selon ses explications, ne serait que de quelques mois seulement, alors qu’en réalité l’écart était de huit à neuf mois. Par ailleurs, si la Cour peut concevoir que la fuite d’une personne seule peut se faire de façon plus rapide que celle d’une famille composée des parents et d’adolescents, respectivement d’enfants, elle note toutefois encore que les parents et la fratrie de l’appelant sont restés en Afghanistan encore pendant huit à neuf mois, sans qu’ils aient fait l’objet d’un incident qui conforterait le sérieux des craintes exprimées par l’appelant, qui pourtant seraient communes avec sa famille.

C’est dès lors à juste titre que les premiers juges ont confirmé le ministre en ce qu’il a remis en question la crédibilité du récit reposant sur la crainte de représailles de la part des talibans en raison du fait que l’appelant aurait porté son aide aux combattant contre ceux-ci.

La Cour constate toutefois encore que les premiers juges se sont limités à examiner la crédibilité du récit dans cette mesure sans procéder à l’examen du second motif de persécutions ou d’atteintes graves invoqué par l’appelant, à savoir ses craintes en raison de son appartenance à l’ethnie hazara, motif que le ministre a pourtant examiné, en remettant en question son sérieux sur base de la considération que cette crainte n’avait été invoquée que lors des entretiens au sein du ministère et non pas au moment du dépôt de la demande de protection internationale, de manière à conclure qu’à défaut d’avoir établi les craintes à cet égard, il s’agirait d’un élément inventé dans le but d’augmenter les chances de se voir octroyer une protection internationale.

Ce constat n’emporte toutefois pas la réformation du jugement a quo, mais il appartient à la Cour, statuant dans le cadre d’un recours en réformation, d’examiner le bien-fondé de 1 Rapport d’identité du 12 janvier 2022, page 2.

16l’analyse du ministre par rapport aux craintes de l’appelant en raison de son appartenance à l’ethnie des Hazara, réitérées en appel.

La Cour retient qu’en l’espèce, le seul fait que l’appelant n’ait pas fait état de craintes en raison de son appartenance à cette ethnie lors du dépôt de sa demande de protection n’implique pas nécessairement l’exclusion de tout risque de ce fait et le caractère inventé de cette crainte tel que le ministre l’a retenu, étant relevé que l’appartenance de l’appelant à l’ethnie hazara n’est pas contestée.

Par ailleurs, la Cour rappelle, par rapport à la situation générale des membres de cette minorité en Afghanistan, que si les membres de l’ethnie hazara font l’objet d’actes de violence et de harcèlements persistants de la part des talibans, il ne ressort néanmoins pas des informations objectives soumises à la Cour que les Hazaras feraient l’objet de persécutions généralisées et systématiques du seul fait de leur origine ethnique2 et que partant la seule appartenance à cette ethnie puisse emporter l’octroi d’une protection internationale.

Au-delà de ce constat et tel que le ministre l’a remarqué en substance, l’appelant n’a, outre l’affirmation tout à fait générale que les talibans tueraient les membres de l’ethnie hazara, pas fait état d’un quelconque incident concret dont il aurait été victime en tant que membre de l’ethnie hazara.

Dans ces conditions, la Cour est amenée à retenir que les motifs à la base de sa demande et liés à son appartenance à l’ethnie hazara ne sont pas de nature à conférer à l’appelant une protection internationale.

Enfin, s’agissant de la question de savoir si l’Afghanistan se trouve en situation violence aveugle en raison d’un conflit armé interne au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015, l’appelant se limite à développer des généralités sur l’appréciation des conditions de cette disposition au regard du droit européen et de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et à faire état de rapports internationaux sur la situation générale dans son pays d’origine, sans les mettre en relation avec son vécu personnel ou sa région de provenance. En tout cas, la Cour relève que si les rapports produits en cause retiennent certes une situation sécuritaire problématique en Afghanistan, ils ne permettent toutefois pas de conclure à l’existence d’une situation où l’ampleur de la violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé est telle qu’il existerait des motifs sérieux de croire qu’un civil, du seul fait de sa présence sur place, courrait un risque réel d’être exposé à des atteintes graves au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015, l’appelant n’ayant, par ailleurs, pas apporté de manière crédible d’éléments qui permettraient de retenir qu’il serait personnellement exposé, en raison d’éléments propres à sa situation personnelle, à un risque réel découlant d’une violence aveugle au point qu’il faille admettre qu’en cas de retour en Afghanistan, il courrait un risque réel de menace grave pour sa vie ou sa personne.

La demande de l’appelant en ce qu’elle se fonde sur l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015 a partant encore à juste titre été rejetée par les premiers juges.

2 Cour adm. 24 octobre 2024, n° 50858C du rôle ; Cour adm. 25 février 2025, n° 52038C du rôle.

17 Il suit des considérations qui précèdent que les premiers juges ont à bon droit rejeté le recours dirigé contre le refus d’octroi d’une protection internationale, prise en son double volet.

Quant à l'ordre de quitter le territoire contenu dans la décision de refus de protection internationale, force est de constater que dès lors que le jugement entrepris est à confirmer en ce qu’il a refusé à l’appelant le statut de la protection internationale - statut de réfugié et protection subsidiaire - et que le refus d’octroi de pareil statut est automatiquement assorti d’un ordre de quitter le territoire par le ministre, le jugement est à confirmer en ce qu’il a refusé de réformer ledit ordre.

La Cour relève encore qu’au regard de ce qui vient d’être retenu par rapport au caractère non crédible des déclarations de l’appelant, impactant nécessairement sur le sérieux de ses craintes, et à défaut d’autres éléments, la conclusion ci-avant retenue par rapport au bien-fondé de l’ordre de quitter le territoire n’est pas remise en cause par les craintes pour sa vie avancées par l’appelant et que celui-ci déduit justement d’un récit jugé comme étant non crédible.

Enfin, le débat mené par l’appelant tournant autour de la qualification de l’Afghanistan comme pays sûr est non pertinent, le ministre n’ayant pas rejeté sa demande au motif que l’Afghanistan serait un pays sûr au sens de l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015. Par ailleurs, le seul fait que l’Afghanistan ne figure pas sur la liste des pays sûrs, n’implique pas que l’ordre de quitter le territoire serait automatiquement contraire à l’article 3 de la CEDH.

Il suit de l'ensemble des considérations qui précèdent que le jugement du 12 février 2025 est à confirmer et que l’appelant est à débouter de son appel.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

reçoit l’appel du 12 mars 2025 en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute l’appelant ;

partant, confirme le jugement entrepris du 12 février 2025 ;

donne acte à l’appelant qu’il déclare bénéficier de l'assistance judiciaire ;

condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, 18 et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence de la greffière assumée à la Cour Carla SANTOS.

s. SANTOS s. SPIELMANN Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15 mai 2025 Le greffier de la Cour administrative 19


Synthèse
Numéro d'arrêt : 52510C
Date de la décision : 15/05/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 20/05/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2025-05-15;52510c ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award