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08/05/2025 | LUXEMBOURG | N°80/25

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 08 mai 2025, 80/25


N° 80 / 2025 du 08.05.2025 Numéro CAS-2024-00104 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, huit mai deux mille vingt-cinq.

Composition :

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Gilles HERRMANN, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre l’ADMINISTRATION DE L’ENREGISTREMENT, DES DOMAINES ET DE LA TVA, représentée par le di

recteur, ayant ses bureaux à L-1651 Luxembourg, 1-3, avenue Guillaume, demanderes...

N° 80 / 2025 du 08.05.2025 Numéro CAS-2024-00104 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, huit mai deux mille vingt-cinq.

Composition :

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Gilles HERRMANN, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre l’ADMINISTRATION DE L’ENREGISTREMENT, DES DOMAINES ET DE LA TVA, représentée par le directeur, ayant ses bureaux à L-1651 Luxembourg, 1-3, avenue Guillaume, demanderesse en cassation, comparant par la société en commandite simple CLIFFORD CHANCE, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Albert MORO, avocat à la Cour, et PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE1.), défendeur en cassation, comparant par Maître Laurent NIEDNER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

Vu l’arrêt attaqué numéro 013/24-VII-CIV rendu le 31 janvier 2024 sous le numéro CAL-2022-00434 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, septième chambre, siégeant en matière civile ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 3 juillet 2024 par l’ADMINISTRATION DE L’ENREGISTREMENT, DES DOMAINES ET DE LA TVA (ci-après « l’AEDT ») à PERSONNE1.), déposé le 5 juillet 2024 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 2 septembre 2024 par PERSONNE1.) à l’AEDT, déposé le 3 septembre 2024 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du procureur général d’Etat adjoint Marie-Jeanne KAPPWEILER.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, avait rejeté tant le recours exercé par le défendeur en cassation contre la décision du directeur de l’AEDT du 4 février 2020 par laquelle ce dernier avait rejeté la réclamation du défendeur en cassation dirigée contre le bulletin d’appel en garantie du 27 septembre 2019 lui adressé en sa qualité de gérant de la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) au titre de la dette de TVA de cette dernière pour les années 2017 à 2019 que, pour autant que de besoin, le recours exercé contre le bulletin d’appel en garantie du 27 septembre 2019.

La Cour d’appel, par réformation, a dit fondé le recours du défendeur en cassation contre la décision du directeur de l’AEDT du 4 février 2020 et a mis à néant l’appel en garantie du 27 septembre 2019.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l’article 109 de la Constitution disposant que jugement est motivé. Il est prononcé en audience publique. », en ce que la Cour d’appel a, aux termes du dispositif de l’Arrêt d’appel, déclaré », en ce que la Cour d’appel a motivé comme suit cette décision :

l’appel en garantie du dirigeant. Sa mise en œuvre suppose la preuve par l’administration fiscale d’une faute commise par le dirigeant dans la gestion de la personne morale au sens de l’article 1382 du Code civil qui a conduit au[x] non-

respect des obligations légales en matière de TVA comme la non-exécution des charges administratives (obligation de paiement, d’identification de facturation, de dépôt de déclarations, d’omission de déclarations rectificatives ou complémentaire, de tenue de comptabilité…) ou bien au non-paiement par la société du montant de [de] la TVA redû.

L’inexécution fautive de ses obligation[s] en tant que dirigeant est constituée par une faute de gestion à évaluer par rapport au comportement d’un dirigeant normalement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances. Le simple constat d’un manquement du dirigeant à ses obligations légales n’est pas suffisant.

Il faut que le manquement à ses obligations de dirigeant soit fautif et ait entrainé le non-respect de la législation sur la TVA ou bien qu’il a causé le non-paiement du montant de TVA redû.

Il découle de ce qui précède que le seul fait qu’une société n’a pas payé l’impôt, n’est pas de nature à caractériser une inexécution fautive dans le chef du dirigeant, mais constitue une inexécution d’une obligation légale par la société.

Il y a lieu d’établir les faits et les fautes commis au cas d’espèce par le dirigeant.

C’est ainsi par des motifs justes que la Cour adopte que le tribunal a retenu que la juridiction doit vérifier non pas si le résultat - le paiement de la TVA - n’a pas été obtenu, mais si les moyens mis en œuvre par le dirigeant en vue du paiement de la TVA par la société qu’il dirige, ont été suffisants par comparaison à un dirigeant de droit ou de fait, considéré in abstracto, pour satisfaire à l’ensemble des obligations prévues par la LTVA dont le paiement de la TVA.

La responsabilité personnelle du dirigeant ne peut être envisagée qu’en cas de négligence avérée ou fraude aggravée, c’est-à-dire lorsque le dirigeant est à l’origine, a participé, a couvert ou du moins a sciemment omis d’empêcher une déclaration [non] correcte de TVA (Doc. Parl. 7020, p.64).

En induisant à partir du non-paiement de la TVA une faute commise par PERSONNE1.) en amont et en lui imposant par conséquent de prouver l’exécution de ses obligations légales et de rapporter la preuve d’avoir commis toutes les diligences raisonnables, sinon la survenance d’un cas de force majeure, le tribunal a opéré un renversement de la charge de la preuve.

Il appartient à l’AEDT de rapporter la preuve de l’inexécution fautive des obligations incombant au dirigeant, notamment l’inadéquation des moyens au regard de l’obligation légale employée et, plus généralement, que le dirigeant n’a pas agi comme l’on serait en droit de l’attendre d’un débiteur raisonnable.

PERSONNE1.) conteste toute inexécution fautive des obligations lui ayant incombé en sa fonction de gérant administratif de la société SOCIETE1.). Il relève que l’AEDT l’avait déjà assigné par exploit du 30 décembre 2016, mais avait retiré sa demande suite aux efforts de paiements qu’il a fait envers cette administration. La société aurait été déclarée en faillite suite à l’assignation du 14 octobre 2019 du Centre commun de la sécurité sociale.

Dans les circonstances de l’espèce, l’AEDT n’a pas démontré que PERSONNE1.) ait fautivement inexécuté ses obligations légales lui incombant en sa qualité de gérant de la société SOCIETE1.) ayant entrainé soit une violation des obligations légales en matière de TVA, soit aurait conduit au non-paiement de la TVA par la société SOCIETE1.). », alors que :

(i) première branche : l’Arrêt d’appel comporte un défaut de réponse à conclusions puisque les magistrats en appel n’ont pas donné réponse au moyen des articles 67-1 et 67-2 de la LTVA présentés par l’AEDT aux points 3.1 et 3.2 dans ses conclusions prises en appel le 27 mars 2023 (et le 18 juillet 2022) (Pièces n°4 et n°5 et point 4.2 ci-dessous), à savoir :

“3.1. L’inexécution fautive dans le chef de l’appelant 1. L’article 67-2 de la LTVA n’impose pas qu’une faute grave ou une fraude aient été commises par le gérant de l’assujetti, pour que celui-ci puisse être appelé en garantie. Il suffit simplement d’une .

Une personne commet ainsi une faute si elle n’observe pas une norme spécifique qui lui impose un comportement déterminé. Il adopte alors un et commet une faute (G. RAVARANI, La responsabilité civile des personnes privées et publiques, éd. Pasicrisie luxembourgeoise, 2014 (3ième éd.), p. 62, n°57).

Une personne commet également une faute délictuelle si elle ne se comporte pas comme un homme normalement prudent, diligent et avisé placé dans les mêmes circonstances de fait. Il n’agit alors pas en et commet une faute (RAVARANI, op.cit., n°62).

S’il est vrai qu’il existe une échelle de gravité de la faute, toute faute, même la engage la responsabilité de son auteur (RAVARANI, op.cit., n°74).

La responsabilité civile personnelle d’une personne est d’ailleurs également engagée en cas de faute commise par la personne que le débiteur a introduit dans l’exécution d’une obligation contractuelle ou professionnelle (Cour d’appel, 15 janvier 1997, n°16643, 16484 ; G. VINEY, P. JOURDAIN, S. CARVAL, Traité de droit civil, les conditions de la responsabilité, LGDJ, 4ième éd. (2013), p.111 et s., n°821 et s.).

2. L’article 67-2 de la LTVA prévoit aussi que l’inexécution fautive peut résulter soit (i) de la violation des obligations légales imposées par la LTVA, soit (ii) du non-paiement de la TVA.

Un gérant, en sa qualité de représentant d’une société, doit veiller à l’exécution des obligations fiscales de celle qu’il représente. Une de ces obligations consiste ainsi pour le représentant légal d’une société à déclarer et à payer sur les fonds qu’il gère la TVA dont la société est redevable.

Comme les travaux préparatoires de la loi du 23 décembre 2016 le précisent expressément, les articles 67-1 et s. de la LTVA ne créent pas d’obligations originales mais insistent uniquement (Dossier Parl. n° 7020).

Le gérant, en assumant cette fonction, a accepté sciemment les responsabilités liées à ce mandat, ce qui inclut la bonne gestion (donc le paiement) des dettes fiscales de la société.

L’argument de l’appelant selon lequel le législateur n’aurait pas entendu rendre le gérant d’une société à responsabilité limitée personnellement responsable de l’acquittement de la TVA n’est donc pas pertinent.

Les premiers juges ont donc logiquement considéré que S.à r.l. est ainsi personnellement et solidairement responsable du paiement de la TVA due lorsque, suite à une inexécution fautive des obligations légales qui lui incombent, la S.à r.l. n’a pas respecté ses obligations légales résultant de la [LTVA] ».

3. S’agissant de l’inexécution fautive résultant de la violation des obligations légales imposées par la LTVA, il convient de rappeler le principe visé à l’article 64 de la LTVA selon lequel : , ou encore .

En l’espèce, pour ce qui concerne les années 2017 et 2018, il existe un écart significatif entre la taxe résultant des déclarations mensuelles de TVA déposées par la Société (respectivement 85.878,35 € pour 2017 et 55.689,63 € pour 2018) et celle résultant des déclarations annuelles de TVA (respectivement 137.483,48 € pour 2017 et 117.077,56 € pour 2018). Force est donc de constater qu’en déposant des déclarations mensuelles de TVA incorrectes, il y a eu non-respect des dispositions de l’article 64 de la LTVA de la part de la Société et de son gérant.

À ce sujet, la doctrine considère d’ailleurs que et suivants de la LTVA] est de rendre responsables les dirigeants, notamment lorsque le respect des obligations administratives relatives à la TVA et concernant plus particulièrement la facturation, le dépôt de déclaration, l’obligation de dénonciation en cas de déclarations incorrectes ou incomplètes ou autres obligations prévues notamment au Chapitre IX de la [LTVA] est en cause » (M. Goebel, de TVA », Guide des comptes annuels pour le Luxembourg, Janvier/Février 2017, p.25).

Dans la mesure où l’appelant était en charge de la gestion journalière de la Société au moment du dépôt des déclarations de TVA susvisées, force est de constater que son comportement, consistant en une légèreté ou une insouciance blâmable, doit être considéré comme une faute qu’un gérant raisonnablement diligent et prudent n’aurait pas commise.

Le dépôt de déclarations mensuelles de TVA incorrectes pour les années 2017 et 2018 constitue à l’évidence une inexécution fautive dans le chef de l’appelant. Ce dernier s’abstient d’ailleurs de mentionner ce point dans l’acte d’appel.

4. S’agissant de l’inexécution fautive résultant du non-paiement de la TVA, il est incontestable que l’absence de paiement de la TVA due au moment du dépôt des déclarations de TVA, en violation des articles 61 bis et 64 de la LTVA, constitue également une inexécution fautive dans le chef du gérant.

L’article 61 bis de la LTVA dispose notamment que :

toute personne morale non assujettie, qui est redevable de la taxe doit payer le montant net de la TVA lors du dépôt de la déclaration prévue à l’article 64 » En ce sens, la jurisprudence a déjà eu l’occasion de retenir que le non-

paiement de la dette de TVA d’un commerçant (ainsi que la non-contestation de cette dette par le gérant) est constitutif d’une faute grave dans le chef des commerçants et des gérants (Cour d’appel, 29 janvier 2014, n° 38130).

La doctrine partage d’ailleurs la même position au sujet de l’article 67-2 de la LTVA : (E. Loquet , p.9).

Ce point a d’ailleurs été confirmé par les premiers juges dans le jugement entrepris selon lequel .

En l’espèce, il résulte du Bulletin d’appel en garantie que la dette de TVA de la Société s’élevait à la somme de 163.814,24 € pour les années 2017 à 2019, à la date du Bulletin d’appel en garantie. À noter qu’à la suite de l’émission du Bulletin d’appel en garantie, la TVA due par la Société a continué à s’accroitre et s’élevait à 247.401,84 € à la date de la Décision Directoriale.

Par conséquent, et sans qu’il y ait lieu de considérer les développements de l’appelant sur le fait générateur de la taxe, le non-paiement de la TVA susvisée au moment du dépôt des déclarations annuelles de TVA est suffisant, à lui-seul, pour caractériser l’inexécution fautive dans le chef de l’appelant.

Les premiers juges ont ainsi considéré qu’ [Société], dont [l’appelant] a été le gérant, n’a pas payé la TVA due sur les moyens dont le gérant avait la gestion », et que .

L’argumentation sans fondement de l’appelant selon laquelle le non-

paiement de la TVA ne place pas ipso facto le gérant en faute dans l’exécution de ses obligations est ainsi erronée. D’autant plus que l’appelant reste en défaut d’apporter des éléments concrets pour soutenir son propos et se contente d’affirmations de principe.

5. Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient l’appelant, il est tout à fait possible de faire un parallèle avec les retenues à la source sur salaires, pour lesquelles l’existence d’une présomption de faute du dirigeant est communément admise par la doctrine (F. Rosen , Droit fiscal luxembourgeois : livre jubilaire de l’IFA Luxembourg) et la jurisprudence à Luxembourg (Trib. adm., 5 février 2018, n° 387431 ; Cour adm., 14 décembre 2017, n° 40076C), au motif que le débiteur qui a opéré une retenue sur les revenus qu’il paie ne peut ignorer qu’il doit transférer ces fonds au receveur. L’omission de transférer les fonds en question est donc constitutive d’une inexécution fautive.

Une application de ce mécanisme de présomption de faute du dirigeant en matière de TVA pourrait trouver à s’appliquer dans la mesure où, comme le relève un auteur, (E. Loquet , p.12).

A ce sujet, la Cour constitutionnelle (18 mai 2018, n°00136) indique notamment que .

A noter que cette solution s’inscrit dans le cadre d’une jurisprudence constante (Arrêt civil du 29 janvier 2014, n°38130 ; Arrêt civil du 28 février 2018, n°41589).

6. Il y a encore lieu de retenir que le dommage subi par la partie intimée -

consistant en un impayé de TVA - se trouvait dans un lien de causalité direct avec les agissements fautifs de l’appelant. En effet, il ne saurait être conclu à l’absence d’un lien de causalité que si le dommage était survenu alors même que l’appelant aurait eu un comportement conforme aux lois ou à ses obligations.

Or, en l’espèce, il convient de rappeler que la responsabilité personnelle de l’appelant est mise en cause pour son manque de diligence ou de soin apporté à l’exécution des obligations fiscales de la Société, tel que démontré ci-avant.

Si l’appelant avait respecté ses obligations, en les accomplissant de façon diligente en sa qualité de gérant, la non-perception de la TVA redûe aurait été évitée, de sorte que la violation des obligations incombant à l’appelant a engendré le résultat dommageable.

7. Sur base des différents points abordés ci-dessus, il y avait donc bien lieu de reconnaître l’existence d’une inexécution fautive dans le chef de l’appelant.

3.2. L’absence de causes d’exonération de responsabilité dans le chef de l’appelant 1. L’appelant soutient que l’insuffisance de fonds à disposition de la Société rendait impossible le paiement de sa dette à l’égard de l’AEDT.

Il est incontestable que l’argumentation de l’appelant sur ce point manque de cohérence.

En effet, l’appelant fait valoir que sinon l’activité s’arrête, les salariés faisant défaut […] ce faisant, il garde l’espoir de redresser les choses en continuant de faire fonctionner l’entreprise ».

Cet argument contredit la prétendue insuffisance de fonds car, comme l’ont reconnu les premiers juges, , de sorte qu’.

Les premiers juges ajoutent en ce sens que peut certainement pas être considéré comme un événement de force majeure qui seul pourrait permettre l’exonération de [l’appelant] qui ne prouve pas avoir mis en œuvre tous les moyens pour remplir ses obligations légales ».

2. À supposer même que la prétendue insuffisance de fonds puisse exonérer l’appelant de son obligation de paiement de la TVA, ce qui ne saurait raisonnablement être admis, il s’agit là d’une affirmation faite sans preuve, et dont la réalité n’est pas démontrée.

En effet, l’appelant se contente d’évoquer des considérations d’ordre général avec pour seul argument le fait que .

La concluante ne s’attardera pas plus sur l’analogie simpliste de l’appelant entre la situation d’une entreprise vis-à-vis de son fournisseur et celle d’une entreprise vis-à-vis de l’AEDT, situation qui n’est évidemment pas comparable.

De même, les considérations relatives à la situation personnelle de l’appelant n’apportent pas plus d’arguments quant au fond de l’affaire, et sont par ailleurs inopposables à l’AEDT. Il est utile ici de rappeler que ces procédures font suite, jusqu’à preuve du contraire, à une faute de l’appelé en garantie, un dommage pour l’AEDT et un lien de causalité entre cette faute et ce dommage. Or, nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude.

3. S’il est communément admis que le solde de TVA due à l’AEDT doit être prélevé sur les fonds disponibles de la société, dans le respect du principe d’égalité de traitement des différents créanciers, ce principe connaît cependant certaines limites.

À ce sujet, le Tribunal a récemment relevé que, circonstances particulières, l’insuffisance de liquidités pour des raisons indépendantes de la volonté des représentants, responsables de la gestion de la société, combinée à des tentatives sérieuses d’apurer les dettes fiscales compte tenu des moyens à la disposition, sont susceptibles d’anéantir le constat d’une violation fautive des obligations d’un dirigeant, encore faut-il toutefois que ces circonstances soient établies et retraçables au regard des éléments du dossier. » (Trib adm., 5 février 2018, n° 38743).

Là encore, l’appelant n’apporte aucune preuve quant à des tentatives sérieuses d’apurer les dettes fiscales de la Société. Le fait que l’appelant n’est évidemment pas suffisant pour démontrer une quelconque volonté d’apurer les dettes de la Société à l’égard de l’AEDT.

À supposer qu’au moment du dépôt des déclarations de TVA pour les années litigieuses, la Société connaissait des difficultés financières telles qu’elles rendaient impossible le paiement de la TVA, quod non, l’appelant reste toutefois en défaut d’apporter la preuve que des tentatives sérieuses ont été entreprises afin d’apurer les dettes fiscales de la Société.

4. À cela s’ajoute in fine qu’étant donné que la Société n’est qu’un simple agent collecteur de TVA pour le compte de l’État (contrairement à ce que prétend l’appelant), la Société - en affirmant ne pas avoir pu payer sa dette à l’égard de l’AEDT pour les raisons mentionnées dans l’acte d’appel - est donc en aveu d’avoir détourné les fonds de l’État (à savoir la TVA qui a été payée par les clients à la Société en sa qualité de collecteur de TVA) en vue de pallier le manque de recettes résultant de ces différentes raisons. Un tel comportement est à l’évidence un comportement fautif et il ne peut constituer une cause d’exonération.

En cas de situation financière définitivement compromise, l’assujetti aurait dû s’adonner à un aveu de faillite et il n’aurait pas dû se servir des deniers publics en vue de s’arroger une ligne de crédit illicite qui fausse la concurrence sur le marché commun (d’autres concurrents s’étant conformés aux obligations légales et fiscales ne bénéficiant en effet pas d’un tel crédit indu).

L’argument selon lequel toute TVA facturée par la Société n’aurait pas été encaissée par elle est (i) demeuré à l’état de pure allégation et (ii) erroné étant donné qu’en cas de non-paiement la Société aurait alors dû procéder à une régularisation conformément au règlement grand-ducal du 21 décembre 1979 traitant des régularisations de la base d’imposition de la TVA.

Les premiers juges ont d’ailleurs reconnu à ce sujet qu’ pure affirmation de [l’appelant], et il ne rapporte pas la preuve que les clients n’avaient pas payé les factures et que, pour cette raison, la [Société] n’avait pas les moyens financiers pour payer la TVA ».

5. Sur base de ce qui précède, il convient de constater l’absence de causes d’exonération de responsabilité dans le chef de l’appelant. Il y a partant lieu de dire l’appel non fondé et de confirmer le jugement entrepris en tous points.” (point 4.2 ci-dessous) ;

(ii) seconde branche : l’Arrêt d’appel contient deux contradictions des motifs, la Cour d’appel ayant, d’une part, mêlé des appréciations in abstracto et in concreto de l’inexécution fautive, et ayant, d’autre part, retenu qu’il appartient à l’AEDT de rapporter la preuve de l’inexécution fautive des obligations incombant au dirigeant et conclu que l’AEDT n’avait pas démontré que PERSONNE1.) ait fautivement inexécuté ses obligations légales (lui incombant en sa qualité de gérant de la société SOCIETE1.) ayant entraîné soit une violation des obligations légales en matière de TVA, soit aurait conduit au non-paiement de la TVA par la société SOCIETE1.)) après avoir uniquement fait état d’un constat de l’argumentation de Monsieur PERSONNE1.) en appel (point 4.3 ci-dessous). » Réponse de la Cour Sur la première branche du moyen La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir motivé leur décision sur l’allégation d’inexécution fautive de ses obligations par le défendeur en cassation et sur l’allégation d’absence de cause d’exonération de responsabilité au profit du défendeur en cassation.

Les juges d’appel ayant écarté l’existence d’une faute dans le chef du défendeur en cassation, ils n’avaient pas à se prononcer sur l’existence d’une cause d’exonération à son profit.

Il s’ensuit que le moyen est inopérant en ce qu’il fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir motivé leur décision par rapport à l’allégation d’absence de cause d’exonération de responsabilité au profit du défendeur en cassation.

En retenant « En induisant à partir du non-paiement de la TVA une faute commise par PERSONNE1.) en amont et en lui imposant par conséquent de prouver l’exécution de ses obligations légales et de rapporter la preuve d’avoir commis toutes les diligences raisonnables, sinon la survenance d’un cas de force majeure, le tribunal a opéré un renversement de la charge de la preuve.

Il appartient à l’AEDT de rapporter la preuve de l’inexécution fautive des obligations incombant au dirigeant, notamment l’inadéquation des moyens au regard de l’obligation légale employée et, plus généralement, que le dirigeant n’a pas agi comme l’on serait en droit de l’attendre d’un débiteur raisonnable.

PERSONNE1.) conteste toute inexécution fautive des obligations lui ayant incombé en sa fonction de gérant administratif de la société SOCIETE1.). Il relève que l’AEDT l’avait déjà assigné par exploit du 30 décembre 2016, mais avait retiré sa demande suite aux efforts de paiements qu’il a fait envers cette administration. La société aurait été déclarée en faillite suite à l’assignation du 14 octobre 2019 du Centre commun de la sécurité sociale.

Dans les circonstances de l’espèce, l’AEDT n’a pas démontré que PERSONNE1.) ait fautivement inexécuté ses obligations légales lui incombant en sa qualité de gérant de la société SOCIETE1.) ayant entrainé soit une violation des obligations légales en matière de TVA, soit aurait conduit au non-paiement de la TVA par la société SOCIETE1.). », les juges d’appel ont répondu au moyen de la demanderesse en cassation par lequel elle entendait établir la faute dans le chef du défendeur en cassation sur base du constat du défaut de paiement de la dette de TVA par la société dont il assurait la gestion, sans se prononcer sur les moyens tirés du dépôt de déclarations mensuelles inexactes et de la violation de l’obligation de continuer au Trésor public les montants de TVA collectés pour compte de ce dernier.

Il s’ensuit que l’arrêt attaqué encourt la cassation.

Sur la seconde branche du moyen La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir statué par des motifs contradictoires en mélangeant, dans le cadre de la recherche de la faute qui doit être établie à charge du défendeur en cassation pour que l’appel en garantie puisse être exercé à son encontre, des considérations portant, de façon correcte, sur une appréciation in abstracto et des considérations portant, de façon erronée, sur une appréciation in concreto.

Le moyen procède d’une lecture erronée, dès lors qu’en retenant « L’inexécution fautive de ses obligation[s] en tant que dirigeant est constituée par une faute de gestion à évaluer par rapport au comportement d’un dirigeant normalement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances. », les juges d’appel se sont limités à préciser que dans le cadre de la vérification de la question de savoir si « les moyens mis en œuvre par le dirigeant en vue du paiement de la TVA par la société qu’il dirige, ont été suffisants par comparaison à un dirigeant de droit ou de fait, considèré in abstracto, pour satisfaire à l’ensemble des obligations prévues par la LTVA dont le paiement de la TVA », il convient de mettre en rapport deux dirigeants placés dans les mêmes circonstances, sans porter une appréciation in concreto sur les actes du défendeur en cassation.

La demanderesse en cassation fait encore grief aux juges d’appel d’avoir statué par des motifs contradictoires en ayant retenu, d’une part, que la charge de la preuve de l’inexécution fautive des obligations incombant au défendeur en cassation pesait sur la demanderesse en cassation et en ayant constaté, d’autre part, sur base des seuls arguments avancés par le défendeur en cassation, que cette preuve n’était pas établie.

En se déterminant par les motifs relevés au moyen, les juges d’appel ne se sont pas contredits.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa seconde branche, n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l’article 67-2 de la LTVA disposant que administrateurs-délégués, les gérants ainsi que tout dirigeant de droit ou de fait qui s’occupe de la gestion journalière, sont personnellement et solidairement responsables du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée due lorsque, suite à une inexécution fautive des obligations légales leur incombant, les obligations légales imposées par la présente loi aux personnes redevables de la taxe sur la valeur ajoutée qu’ils gèrent n’ont pas été respectées ou que la TVA due n’a pas été payée par les moyens financiers dont ils assurent la gestion. », en ce que la Cour d’appel a, aux termes du dispositif de l’Arrêt d’appel, déclaré , en ce que la Cour d’appel a motivé comme suit cette décision :

l’appel en garantie du dirigeant. Sa mise en œuvre suppose la preuve par l’administration fiscale d’une faute commise par le dirigeant dans la gestion de la personne morale au sens de l’article 1382 du Code civil qui a conduit au[x] non-

respect des obligations légales en matière de TVA comme la non-exécution des charges administratives (obligation de paiement, d’identification de facturation, de dépôt de déclarations, d’omission de déclarations rectificatives ou complémentaire, de tenue de comptabilité…) ou bien au non-paiement par la société du montant de [de] la TVA redû.

L’inexécution fautive de ses obligation[s] en tant que dirigeant est constituée par une faute de gestion à évaluer par rapport au comportement d’un dirigeant normalement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances. Le simple constat d’un manquement du dirigeant à ses obligations légales n’est pas suffisant.

Il faut que le manquement à ses obligations de dirigeant soit fautif et ait entrainé le non-respect de la législation sur la TVA ou bien qu’il a causé le non-paiement du montant de TVA redû.

Il découle de ce qui précède que le seul fait qu’une société n’a pas payé l’impôt, n’est pas de nature à caractériser une inexécution fautive dans le chef du dirigeant, mais constitue une inexécution d’une obligation légale par la société.

Il y a lieu d’établir les faits et les fautes commis au cas d’espèce par le dirigeant.

C’est ainsi par des motifs justes que la Cour adopte que le tribunal a retenu que la juridiction doit vérifier non pas si le résultat - le paiement de la TVA - n’a pas été obtenu, mais si les moyens mis en œuvre par le dirigeant en vue du paiement de la TVA par la société qu’il dirige, ont été suffisants par comparaison à un dirigeant de droit ou de fait, considéré in abstracto, pour satisfaire à l’ensemble des obligations prévues par la LTVA dont le paiement de la TVA.

La responsabilité personnelle du dirigeant ne peut être envisagée qu’en cas de négligence avérée ou fraude aggravée, c’est-à-dire lorsque le dirigeant est à l’origine, a participé, a couvert ou du moins a sciemment omis d’empêcher une déclaration [non] correcte de TVA (Doc. Parl. 7020, p.64).

En induisant à partir du non-paiement de la TVA une faute commise par PERSONNE1.) en amont et en lui imposant par conséquent de prouver l’exécution de ses obligations légales et de rapporter la preuve d’avoir commis toutes les diligences raisonnables, sinon la survenance d’un cas de force majeure, le tribunal a opéré un renversement de la charge de la preuve.

Il appartient à l’AEDT de rapporter la preuve de l’inexécution fautive des obligations incombant au dirigeant, notamment l’inadéquation des moyens au regard de l’obligation légale employée et, plus généralement, que le dirigeant n’a pas agi comme l’on serait en droit de l’attendre d’un débiteur raisonnable.

PERSONNE1.) conteste toute inexécution fautive des obligations lui ayant incombé en sa fonction de gérant administratif de la société SOCIETE1.). Il relève que l’AEDT l’avait déjà assigné par exploit du 30 décembre 2016, mais avait retiré sa demande suite aux efforts de paiements qu’il a fait envers cette administration. La société aurait été déclarée en faillite suite à l’assignation du 14 octobre 2019 du Centre commun de la sécurité sociale.

Dans les circonstances de l’espèce, l’AEDT n’a pas démontré que PERSONNE1.) ait fautivement inexécuté ses obligations légales lui incombant en sa qualité de gérant de la société SOCIETE1.) ayant entrainé soit une violation des obligations légales en matière de TVA, soit aurait conduit au non-paiement de la TVA par la société SOCIETE1.). » alors que (i) première branche : l’Arrêt d’appel comporte une fausse application des dispositions de l’article 67-2 de la LTVA, la Cour d’appel ayant retenu qu’il faudrait une faute commise dans la gestion au sens de l’article 1382 du Code civil dans le chef du dirigeant, ce que l’article 67-2 de la LTVA (lequel attribue à l’AEDT un pouvoir discrétionnaire exorbitant spécifique en matière de TVA) ne requiert pourtant pas (point 5.2 ci-dessous) ;

(ii) deuxième branche : l’Arrêt d’appel comporte une fausse application, sinon une fausse interprétation, des dispositions de l’article 67-2 de la LTVA, la Cour d’appel ayant explicitement, sinon implicitement, retenu que la prétendue faute commise dans la gestion au sens de l’article 1382 du Code civil dans le chef du dirigeant (ce que l’article 67-2 de la LTVA ne requiert pourtant pas tel que décrit dans la première branche du second moyen) serait la négligence avérée ou la fraude aggravée, ce que l’article 67-2 de la LTVA ne requiert pourtant pas (point 5.3 ci-

dessous) ;

(iii) troisième branche : l’Arrêt d’appel comporte une fausse application, sinon une fausse interprétation des dispositions de l’article 67-2 de la LTVA, la Cour ayant requis que le manquement fautif du dirigeant ait entrainé le non-respect de la LTVA ou bien qu’il a causé le non-paiement du montant de TVA redû, ce que l’article 67-2 de la LTVA ne requiert pourtant pas (point 5.4 ci-dessous). » Réponse de la Cour Sur la première branche du moyen La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir retenu que l’obligation personnelle et solidaire des personnes visées à l’article 67-2 de la LTVA au paiement de la TVA due par la société assujettie dont ils assurent la gestion en droit ou en fait ne saurait jouer qu’en cas de faute commise dans la gestion de la société au sens de l’article 1382 du Code civil, alors qu’il s’agirait d’une responsabilité spécifique en cas d’inexécution fautive de leurs obligations légales, et non pas d’une responsabilité pour faute au sens de l’article 1382 du Code civil.

L’article 67-2 de la LTVA impose aux dirigeants de société une obligation personnelle et solidaire au paiement de la TVA due par la société en cas d’inexécution fautive des obligations légales leur incombant.

En retenant que la mise en œuvre de l’appel en garantie en découlant « suppose la preuve par l’administration fiscale d’une faute commise par le dirigeant dans la gestion de la personne morale », les juges d’appel ont fait l’exacte application de la loi.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa première branche, n’est pas fondé.

Sur la deuxième branche du moyen La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir retenu que l’obligation personnelle et solidaire des personnes visées à l’article 67-2 de la LTVA au paiement de la TVA due par la société assujettie dont ils assurent la gestion en droit ou en fait ne saurait jouer qu’en cas de faute présentant les caractéristiques de la négligence avérée ou de la fraude aggravée, alors que le seul constat d’une inexécution fautive des obligations légales incombant au dirigeant suffirait pour engager sa responsabilité.

Vu l’article 67-2 de la LTVA qui dispose « Les administrateurs-délégués, les gérants ainsi que tout dirigeant de droit ou de fait qui s’occupe de la gestion journalière, sont personnellement et solidairement responsables du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée due lorsque, suite à une inexécution fautive des obligations légales leur incombant, les obligations légales imposées par la présente loi aux personnes redevables de la taxe sur la valeur ajoutée qu’ils gèrent n’ont pas été respectées ou que la TVA due n’a pas été payée par les moyens financiers dont ils assurent la gestion. ».

Cette disposition légale impose aux personnes y visées une obligation personnelle et solidaire au paiement de la TVA due par l’assujetti dont ils assurent la gestion en droit ou en fait en cas d’inexécution fautive des obligations légales leur incombant.

En retenant « La responsabilité personnelle du dirigeant ne peut être envisagée qu’en cas de négligence avérée ou fraude aggravée ».

les juges d’appel ont ajouté à la loi une condition qui n’y est pas exprimée.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa deuxième branche, est fondé et que l’arrêt encourt la cassation.

Sur la troisième branche du moyen La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir retenu que l’obligation personnelle et solidaire des personnes visées à l’article 67-2 de la LTVA au paiement de la TVA due par la société assujettie dont ils assurent la gestion en droit ou en fait ne saurait jouer que s’il existe un lien de causalité entre le manquement fautif à leurs obligations et le non-respect de la LTVA ou le non-

paiement de la TVA, alors que la preuve de l’existence de ce lien causal ne serait pas exigée par la loi.

La disposition légale visée au moyen impose une obligation personnelle et solidaire à charge des dirigeants de droit ou de fait « lorsque, suite à une inexécution fautive des obligations légales leur incombant », les obligations légales imposées par la LTVA à l’assujetti dont ils assurent la gestion n’ont pas été respectées ou la TVA due par ce dernier n’a pas été payée par les moyens financiers dont ils assurent la gestion.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa troisième branche, n’est pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l’article 67-2 de la LTVA disposant que administrateurs-délégués, les gérants ainsi que tout dirigeant de droit ou de fait qui s’occupe de la gestion journalière, sont personnellement et solidairement responsables du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée due lorsque, suite à une inexécution fautive des obligations légales leur incombant, les obligations légales imposées par la présente loi aux personnes redevables de la taxe sur la valeur ajoutée qu’ils gèrent n’ont pas été respectées ou que la TVA due n’a pas été payée par les moyens financiers dont ils assurent la gestion. », en ce que la Cour d’appel a, aux termes du dispositif de l’Arrêt d’appel, déclaré , en ce que la Cour d’appel a motivé comme suit cette décision :

l’appel en garantie du dirigeant. Sa mise en œuvre suppose la preuve par l’administration fiscale d’une faute commise par le dirigeant dans la gestion de la personne morale au sens de l’article 1382 du Code civil qui a conduit au[x] non-

respect des obligations légales en matière de TVA comme la non-exécution des charges administratives (obligation de paiement, d’identification de facturation, de dépôt de déclarations, d’omission de déclarations rectificatives ou complémentaire, de tenue de comptabilité…) ou bien au non-paiement par la société du montant de [de] la TVA redû.

L’inexécution fautive de ses obligation[s] en tant que dirigeant est constituée par une faute de gestion à évaluer par rapport au comportement d’un dirigeant normalement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances. Le simple constat d’un manquement du dirigeant à ses obligations légales n’est pas suffisant.

Il faut que le manquement à ses obligations de dirigeant soit fautif et ait entrainé le non-respect de la législation sur la TVA ou bien qu’il a causé le non-paiement du montant de TVA redû.

Il découle de ce qui précède que le seul fait qu’une société n’a pas payé l’impôt, n’est pas de nature à caractériser une inexécution fautive dans le chef du dirigeant, mais constitue une inexécution d’une obligation légale par la société.

Il y a lieu d’établir les faits et les fautes commis au cas d’espèce par le dirigeant.

C’est ainsi par des motifs justes que la Cour adopte que le tribunal a retenu que la juridiction doit vérifier non pas si le résultat - le paiement de la TVA - n’a pas été obtenu, mais si les moyens mis en œuvre par le dirigeant en vue du paiement de la TVA par la société qu’il dirige, ont été suffisants par comparaison à un dirigeant de droit ou de fait, considéré in abstracto, pour satisfaire à l’ensemble des obligations prévues par la LTVA dont le paiement de la TVA.

La responsabilité personnelle du dirigeant ne peut être envisagée qu’en cas de négligence avérée ou fraude aggravée, c’est-à-d-ire lorsque le dirigeant est à l’origine, a participé, a couvert ou du moins a sciemment omis d’empêcher une déclaration [non] correcte de TVA (Doc. Parl. 7020, p.64).

En induisant à partir du non-paiement de la TVA une faute commise par PERSONNE1.) en amont et en lui imposant par conséquent de prouver l’exécution de ses obligations légales et de rapporter la preuve d’avoir commis toutes les diligences raisonnables, sinon la survenance d’un cas de force majeure, le tribunal a opéré un renversement de la charge de la preuve.

Il appartient à l’AEDT de rapporter la preuve de l’inexécution fautive des obligations incombant au dirigeant, notamment l’inadéquation des moyens au regard de l’obligation légale employée et, plus généralement, que le dirigeant n’a pas agi comme l’on serait en droit de l’attendre d’un débiteur raisonnable.

PERSONNE1.) conteste toute inexécution fautive des obligations lui ayant incombé en sa fonction de gérant administratif de la société SOCIETE1.). Il relève que l’AEDT l’avait déjà assigné par exploit du 30 décembre 2016, mais avait retiré sa demande suite aux efforts de paiements qu’il a fait envers cette administration. La société aurait été déclarée en faillite suite à l’assignation du 14 octobre 2019 du Centre commun de la sécurité sociale.

Dans les circonstances de l’espèce, l’AEDT n’a pas démontré que PERSONNE1.) ait fautivement inexécuté ses obligations légales lui incombant en sa qualité de gérant de la société SOCIETE1.) ayant entrainé soit une violation des obligations légales en matière de TVA, soit aurait conduit au non-paiement de la TVA par la société SOCIETE1.). » alors que l’Arrêt d’appel comporte un défaut de base légale consistant dans l’insuffisance des motifs de fait pour statuer sur le droit, la Cour d’appel ayant uniquement relaté le constat de faits imprécis que pour ensuite indiquer de manière hâtive sans justification des conditions requises par l’article 67-2 de la LTVA que , et conclure à la réformation du Jugement, au caractère fondé du recours de Monsieur PERSONNE1.) et à la réformation de l’appel en garantie et sa mise à néant. ».

Réponse de la Cour Le défaut de base légale suppose que l’arrêt comporte des motifs de fait incomplets ou imprécis qui ne permettent pas à la Cour de cassation d’exercer son contrôle sur la bonne application de la loi.

En s’abstenant de rechercher, tel que l’y invitaient les conclusions de la demanderesse en cassation, si le défendeur en cassation était tenu de l’obligation de déposer des déclarations de TVA correctes et de l’obligation de reverser au Trésor public la TVA collectée dans le cadre de ses opérations économiques et le cas échéant s’il avait commis de telles violations et dans l’affirmative si ces violations constituaient des inexécutions fautives des obligations incombant au défendeur en cassation, les juges d’appel n’ont pas donné de base légale à leur décision.

Il s’ensuit que l’arrêt attaqué encourt la cassation.

Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge de la demanderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

Le défendeur en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt attaqué numéro 013/24-VII-CIV rendu le 31 janvier 2024 sous le numéro CAL-2022-00434 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, septième chambre, siégeant en matière civile ;

déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis, remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant l’arrêt cassé et pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, autrement composée ;

condamne le défendeur en cassation à payer à la demanderesse en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

rejette la demande du défendeur en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

le condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de la société en commandite simple CLIFFORD CHANCE, sur ses affirmations de droit ;

ordonne qu’à la diligence du Procureur général d’Etat, le présent arrêt soit transcrit sur le registre de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt soit consignée en marge de la minute de l’arrêt annulé.

Monsieur le président Thierry HOSCHEIT étant dans l’impossibilité de signer, la minute du présent arrêt est signée, conformément à l’article 82 de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire, par le conseiller le plus ancien en rang ayant concouru à l’arrêt.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence du procureur général d’Etat adjoint Marie-

Jeanne KAPPWEILER et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation Administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA contre PERSONNE1.) ( CAS-2024-00104 ) Le pourvoi en cassation, introduit par l’Administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA (ci-après l’AEDT) par un mémoire en cassation signifié le 3 juillet 2024 au défendeur en cassation et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 5 juillet 2024, est dirigé contre un arrêt n°013/24 rendu par la Cour d’appel, septième chambre, siégeant en matière civile, statuant contradictoirement, en date du 31 janvier 2024 (n° CAL-2022-00434 du rôle). Cet arrêt a été signifié à l’AEDT en date du 7 mai 2024.

Le pourvoi en cassation a dès lors été interjeté dans les forme et délai prévus aux articles 7 et 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Le défendeur en cassation a signifié un mémoire en réponse le 2 septembre 2024 et il l’a déposé au greffe de la Cour le 3 septembre 2024.

Ayant été signifié et déposé au greffe de la Cour dans le délai de deux mois à compter du jour de la signification du mémoire en cassation, conformément aux articles 15 et 16 de la loi précitée du 18 février 1885, ce mémoire est à considérer.

Sur les faits et antécédents :

En date du 27 septembre 2019, le Directeur de l’AEDT a émis à l’égard de PERSONNE1.) (ci-après PERSONNE1.)), en sa qualité de gérant de la société à responsabilité SOCIETE1.) (ci-après la société SOCIETE1.)) déclarée en faillite depuis le 28 octobre 2019, sur le fondement des articles 67-1 et suivants de la loi modifiée du 12 février 1979 concernant la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la LTVA), un bulletin d’appel en garantie pour un montant de 163.814,24 euros du chef de la TVA due par la société.

Par décision du 4 février 2020, le Directeur de l’AEDT a rejeté la réclamation de PERSONNE1.) et a confirmé le bulletin d’appel en garantie.

Par exploit d’huissier de justice du 27 avril 2020, PERSONNE1.) a donné assignation à l’AEDT pour voir réformer, sinon annuler la décision du directeur de l’AEDT du 4 février 2020 statuant sur sa réclamation dirigée contre le bulletin du 27 septembre 2019, et subsidiairement de voir réduire substantiellement le montant réclamé.

Par jugement du 24 novembre 2021 le tribunal a dit non fondé le recours de PERSONNE1.) contre la décision du directeur de l’AEDT du 4 février 2020 et, pour autant que de besoin, contre le bulletin d’appel en garantie du 27 septembre 2019.

Par exploit d’huissier du 10 mars 2022, PERSONNE1.) a formé appel contre ce jugement et la Cour d’appel a rendu en date du 31 janvier 2024 un arrêt dont le dispositif se lit comme suit :

« dit l’appel recevable, déclare le recours de PERSONNE1.) contre la décision du directeur de l’Administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA du 4 février 2020, fondé, réforme l’appel en garantie et le met à néant, décharge PERSONNE1.) de toutes les condamnations prononcées à son encontre, déboute l’Administration de de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure, condamne l’Administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA à payer à PERSONNE1.) une indemnité de procédure de 1.500,- euros, condamne l’Administration de de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA aux frais et dépens des deux instances. » Cet arrêt fait l’objet du présent pourvoi.

Sur le premier moyen de cassation:

Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 109 de la Constitution pour défaut de motifs.

Le moyen est articulé en deux branches, la première branche reprochant un défaut de réponse à conclusions et la seconde branche une contrariété de motifs.

Sur la première branche :

Le demandeur en cassation cite sur cinq pages et demie des extraits de ses conclusions portant tant sur l’inexécution fautive dans le chef de PERSONNE1.) (point 3.1 des conclusions d’appel) que sur l’absence de causes d’exonération de responsabilité dans son chef (point 3.2).

Il reste en défaut de préciser à quel moyen spécifique l’arrêt attaqué n’aurait pas répondu.

Aux termes de l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, un moyen ou un élément de moyen doit, sous peine d’irrecevabilité, préciser en quoi la décision encourt la crique alléguée. Or, en reproduisant plusieurs pages de ses conclusions sans aucune indication quant au moyen auquel la Cour d’appel aurait manqué de répondre, le moyen manque de précision et ne permet pas à votre Cour d’exercer son contrôle.

La première branche du premier moyen est irrecevable.

Subsidiairement :

En tant que tiré de la violation de l’article 109 de la Constitution, le moyen vise le défaut de motifs qui est un vice de forme.

Une décision judiciaire est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation expresse ou implicite, même erronée ou viciée, sur le point considéré.

« Les juges d’appel ne sont pas tenus de suivre les parties dans le détail de leur argumentation. » 1 En ce qui concerne l’inexécution fautive reprochée à PERSONNE1.), l’arrêt attaqué comporte les motifs suivants :

« Le respect des obligations légales en matière de TVA est prévu par l’article 67-1 de la LTVA à charge des dirigeants de droit ou de fait de la société qui s’occupent de la gestion journalière de la personne redevable de la taxe en disposant que « sont tenus de s’assurer du respect des obligations légales prévues par la présente loi, et en particulier du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée due par les moyens financiers dont ils assurent la gestion ».

L’article 67-2 de la LTVA instaure une solidarité de paiement de la taxe entre les dirigeants avec la société face à l’administration, en disposant que tous les dirigeants de droit ou de fait qui s’occupent de la gestion journalière « sont personnellement et solidairement responsables du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée due lorsque, suite à une inexécution fautive des obligations légales leur incombant, les obligations légales imposées par la (LTVA) aux personnes redevables de la taxe sur la valeur ajoutée qu’ils gèrent n’ont pas été respectées ou que la TVA due n’a pas été payée par les moyens financiers dont ils assurent la gestion ».

L’article 67-3 de ladite loi organise une garantie de paiement supplémentaire en faveur de l’AEDT en prévoyant que dans l’hypothèse prévue à l’article 67-2 de la loi, le directeur de l’administration ou son délégué peut appeler personnellement les dirigeants sociaux en garantie, sur leur patrimoine privé, aux fins d’obtenir le paiement de la dette fiscale de l’entité sociale non réglée, en disposant qu’ « en cas d’inexécution fautive des obligations légales (…) le directeur de l’administration ou son délégué peut émettre contre ces personnes, une décision d’appel en garantie. Cette décision confère à l’administration le droit de recouvrer, dans le chef desdites personnes, la taxe sur la valeur ajoutée due par les personnes redevables de la taxe sur la valeur ajoutée ».

C’est dès lors à bon droit que les premiers juges ont retenu que cette responsabilité ne constitue pas une responsabilité sans faute, de plein droit du dirigeant, découlant de la seule inexécution de ses obligations légales par la société, mais une responsabilité pour faute.

1 Jacques et Louis Boré, La cassation en matière civile, Dalloz, 6e éd. 2023/2024, n°77.215 C’est encore à juste titre qu’ils ont retenu qu’il y a lieu d’établir que le non-paiement serait dû à l’« inexistence fautive » et que pour qualifier l'inexécution fautive, il serait nécessaire d’opérer une comparaison entre le contenu de l'obligation du dirigeant et les moyens employés par lui, afin de déterminer s'il a adopté un comportement conforme à son obligation.

Il serait nécessaire de comparer ensuite son attitude à celle du bon père de famille tenu de la même obligation ce qui constituerait une appréciation in abstracto.

En effet, la formulation de l’article 67-2 de la LTVA a été introduite suite à une opposition formelle du Conseil d’Etat à l’occasion de l’examen de la première version des articles 67-

2 à 67-3 du projet de loi, prévoyant que les dirigeants de droit ou de fait « sont personnellement et solidairement responsables du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée » lorsque les obligations légales ou que « la TVA due n’a pas été payée par les moyens financiers dont ils assurent la gestion ».

Le Conseil d’Etat a analysé cette formulation « Les dispositions en projet aboutiraient en fait à la suppression non seulement de l’exigence de la faute dans le chef des dirigeants, mais aussi de celle de la relation causale avec la taxe non payée, faisant en conséquence de l’obligation des dirigeants une obligation à l’impôt. Il ne s’agirait là, ni plus ni moins, d’un cas de responsabilité sans faute » et a conclu « une responsabilité personnelle ne peut être envisagée qu’en cas de négligence avérée ou de fraude aggravée, c’est-à-dire lorsque le dirigeant est à l’origine de, a participé à, a couvert ou du moins a sciemment omis d’empêcher une déclaration non correcte de TVA » (Doc.parl. 7020 -5 Avis du Conseil d’Etat, p.30).

Suite à ces observations, le texte a été modifié et la notion d’« inexécution fautive des obligations légales incombant aux administrateurs-délégués, aux gérants et dirigeants de droit et de fait », a été introduite.

Le dirigeant engage sa responsabilité (article 67-2 LTVA) et l’administration peut l’appeler en garantie (article 67-3 LTVA), lorsque par cette inexécution fautive de sa part, soit les dispositions obligatoires en matière de la législation sur la TVA n’ont pas été respectées, soit que cette inexécution fautive a entrainé le non-paiement de la TVA par l’entité morale.

La responsabilité du dirigeant de société n’est dès lors pas automatique. La seule circonstance que la TVA est impayée ne suffit pas pour actionner l’appel en garantie du dirigeant. Sa mise en œuvre suppose la preuve par l’administration fiscale d’une faute commise par le dirigeant dans la gestion de la personne morale au sens de l’article 1382 du Code civil qui a conduit aux non-respect des obligations légales en matière de TVA comme la non-exécution des charges administratives (obligations de paiement, d’identification, de facturation, de dépôt de déclarations, d’omission de déclarations rectificatives ou complémentaires, de tenue de comptabilité…) ou bien au non-paiement par la société du montant de de la TVA redû.

L’inexécution fautive de ses obligations en tant que dirigeant est constituée par une faute de gestion à évaluer par rapport au comportement d’un dirigeant normalement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances. Le simple constat d’un manquement du dirigeant à ses obligations légales n’est pas suffisant. Il faut que le manquement à ses obligations de dirigeant soit fautif et ait entrainé le non-respect de la législation sur la TVA ou bien qu’il a causé le non-paiement du montant de TVA redû.

Il découle de ce qui précède que le seul fait qu’une société n’a pas payé l’impôt, n’est pas de nature à caractériser une inexécution fautive dans le chef du dirigeant, mais constitue une inexécution d’une obligation légale par la société.

Il y a lieu d’établir les faits et les fautes commis au cas d’espèce par le dirigeant.

C’est ainsi par des motifs justes que la Cour adopte que le tribunal a retenu que la juridiction doit vérifier non pas si le résultat - le paiement de la TVA - n’a pas été obtenu, mais si les moyens mis en œuvre par le dirigeant en vue du paiement de la TVA par la société qu’il dirige, ont été suffisants par comparaison à un dirigeant de droit ou de fait, considèré in abstracto, pour satisfaire à l’ensemble des obligations prévues par la LTVA dont le paiement de la TVA.

La responsabilité personnelle du dirigeant ne peut être envisagée qu’en cas de négligence avérée ou fraude aggravée, c’est-à-dire lorsque le dirigeant est à l’origine de, a participé, a couvert ou du moins a sciemment omis d’empêcher une déclaration correcte de TVA (Doc.parl. 7020, p. 64).

En induisant à partir du non-paiement de la TVA une faute commise par PERSONNE1.) en amont et en lui imposant par conséquent de prouver l’exécution de ses obligations légales et de rapporter la preuve d’avoir commis toutes les diligences raisonnables, sinon la survenance d’un cas de force majeure, le tribunal a opéré un renversement de la charge de la preuve.

Il appartient à l’AEDT de rapporter la preuve de l’inexécution fautive des obligations incombant au dirigeant, notamment l'inadéquation des moyens au regard de l’obligation légale employée et, plus généralement, que le dirigeant n’a pas agi comme l’on serait en droit de l'attendre d'un débiteur raisonnable.

PERSONNE1.) conteste toute inexécution fautive des obligations lui ayant incombé en sa fonction de gérant administratif de la société SOCIETE1.). Il relève que l’AEDT l’avait déjà assigné par exploit du 30 décembre 2016, mais avait retiré sa demande suite aux efforts de paiements qu’il a fait envers cette administration. La société aurait été déclarée en faillite suite à l’assignation du 14 octobre 2019 du Centre commun de la sécurité sociale.

Dans les circonstances de l’espèce, l’AEDT n’a pas démontré que PERSONNE1.) ait fautivement inexécuté ses obligations légales lui incombant en sa qualité de gérant de la société SOCIETE1.) ayant entrainé soit une violation des obligations légales en matière de TVA, soit aurait conduit au non-paiement de la TVA par la société SOCIETE1.). » L’arrêt entrepris est dès lors motivé par rapport à l’inexécution fautive reprochée à PERSONNE1.). Compte tenu de l’absence d’inexécution fautive retenue à l’égard de PERSONNE1.) ; les juges d’appel n’avaient pas à statuer sur les éventuelles causes d’exonération de responsabilité dans son chef (point 3.2 des conclusions).

La première branche du premier moyen est non fondée.

Sur la seconde branche :

Dans la seconde branche, deux contrariétés de motifs sont relevées :

Sur la première contrariété de motifs :

La partie demanderesse en cassation reproche aux juges du fond de s’être contredits en retenant, d’une part, que :

« L’inexécution fautive de ses obligations en tant que dirigeant est constituée par une faute de gestion à évaluer par rapport au comportement d’un dirigeant normalement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances. » et, d’autre part, que :

« C’est ainsi par des motifs justes que la Cour adopte que le tribunal a retenu que la juridiction doit vérifier non pas si le résultat - le paiement de la TVA - n’a pas été obtenu, mais si les moyens mis en œuvre par le dirigeant en vue du paiement de la TVA par la société qu’il dirige, ont été suffisants par comparaison à un dirigeant de droit ou de fait, considèré in abstracto, pour satisfaire à l’ensemble des obligations prévues par la LTVA dont le paiement de la TVA. » Le moyen fait grief à l’arrêt entrepris d’avoir retenu des modes d’appréciation différents de l’inexécution fautive dans les deux motifs, le premier se basant sur une appréciation in concreto et le deuxième sur une appréciation in abstracto. La partie demanderesse en cassation conclut encore que la faute s’apprécie toujours in abstracto, c’est-à-dire par comparaison au dirigeant de droit ou de fait considéré in abstracto, par rapport au modèle de référence abstrait qu’est l’homme normalement diligent, prudent et avisé, le bon père de famille.

« Le grief tiré de la contradiction de motifs, équivalant à un défaut de motifs, ne peut être retenu que si les motifs incriminés sont des motifs de fait. La contradiction entre motifs de droit ou entre un motif de droit et un motif de fait, ne relève pas du grief de contradiction de motifs. »2 En l’espèce, la contradiction invoquée constitue une contradiction entre motifs de droit et ne relève partant pas du grief de la contradiction de motifs.

La seconde branche du premier moyen est irrecevable en ce qui concerne la première contrariété de motifs invoquée.

2 Cass. 17.10.2024, n°CAS-2023-00188 du registre.

Sur la seconde contrariété de motifs :

La partie demanderesse en cassation reproche aux juges du fond de s’être contredits en retenant, d’une part, que :

« Il appartient à l’AEDT de rapporter la preuve de l’inexécution fautive des obligations incombant au dirigeant, notamment l'inadéquation des moyens au regard de l’obligation légale employée et, plus généralement, que le dirigeant n’a pas agi comme l’on serait en droit de l'attendre d'un débiteur raisonnable. » et, d’autre part, que :

« PERSONNE1.) conteste toute inexécution fautive des obligations lui ayant incombé en sa fonction de gérant administratif de la société SOCIETE1.). Il relève que l’AEDT l’avait déjà assigné par exploit du 30 décembre 2016, mais avait retiré sa demande suite aux efforts de paiements qu’il a fait envers cette administration. La société aurait été déclarée en faillite suite à l’assignation du 14 octobre 2019 du Centre commun de la sécurité sociale.

Dans les circonstances de l’espèce, l’AEDT n’a pas démontré que PERSONNE1.) ait fautivement inexécuté ses obligations légales lui incombant en sa qualité de gérant de la société SOCIETE1.) ayant entrainé soit une violation des obligations légales en matière de TVA, soit aurait conduit au non-paiement de la TVA par la société SOCIETE1.). » Le moyen fait grief à la Cour d’appel d’avoir d’abord retenu qu’il appartenait à l’AEDT de rapporter la preuve de l’inexécution fautive dans le chef du dirigeant des obligations lui incombant, mais de n’avoir pas, par la suite, statué sur les preuves rapportées par l’AEDT et de s’être limitée à reprendre les constats de faits relatés par PERSONNE1.) pour conclure que « Dans les circonstances de l’espèce, l’AEDT n’a pas démontré que PERSONNE1.) ait fautivement inexécuté ses obligations légales ». Cette façon de procéder serait en contradiction avec le motif antérieur qu’il appartient à l’AEDT de rapporter la preuve de l’inexécution fautive dans le chef du dirigeant.

La seconde contrariété de motifs invoquée par la partie demanderesse constitue également une contradiction entre motifs de droit et ne relève partant pas du grief de la contradiction de motifs.

La seconde branche du premier moyen est irrecevable en ce qui concerne la seconde contrariété de motifs invoquée.

Sur le deuxième moyen de cassation Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 67-2 de la LTVA qui dispose :

« Les administrateurs-délégués, les gérants ainsi que tout dirigeant de droit ou de fait qui s’occupe de la gestion journalière, sont personnellement et solidairement responsables du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée due lorsque, suite à une inexécution fautive des obligations légales leur incombant, les obligations légales imposées par la présente loi aux personnes redevables de la taxe sur la valeur ajoutée qu’ils gèrent n’ont pas été respectées ou que la TVA due n’a pas été payée par les moyens financiers dont ils assurent la gestion ».

Le moyen fait grief à l’arrêt dont pourvoi d’avoir déclaré le recours de PERSONNE1.) contre la décision du Directeur de l’AEDT du 4 février 2020 fondé et d’avoir mis à néant l’appel en garantie.

Le moyen est articulé en trois branches :

Sur la première branche :

La première branche du deuxième moyen est tirée de la violation de l’article 67-2 de la LTVA par fausse application et elle fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir retenu qu’il faudrait une faute commise dans la gestion au sens de l’article 1382 du Code civil dans le chef du dirigeant, ce que l’article 67-2 de la LTVA (lequel attribuerait à l’AEDT un pouvoir discrétionnaire exorbitant spécifique en matière de TVA) ne requerrait pas.

La partie demanderesse en cassation fait valoir que l’article 67-2 de la LTVA vise l’« inexécution fautive » des obligations légales incombant au gérant de fait ou de droit s’occupant de la gestion journalière de l’assujetti et qu’il n’exigerait pas une faute au sens de l’article 1382 du Code civil.

La partie demanderesse en cassation insiste sur les pouvoirs exorbitants spécifiques que l’AEDT s’est vue attribuer en matière de TVA, et elle insiste que la responsabilité du dirigeant en cas d’inexécution fautive de ses obligations légales serait une responsabilité spécifique, personnelle et solidaire, et non pas une responsabilité pour faute au sens de l’article 1382 du Code civil (qui demeurerait intacte). Ce serait par une application erronée de l’article 67-2 de la LTVA que la Cour d’appel aurait retenu que dans les circonstances de l’espèce, l AEDT n’aurait pas démontré que PERSONNE1.) ait fautivement inexécuté ses obligations légales lui incombant en sa qualité de gérant de la société SOCIETE1.).

Dans le projet de loi initial ayant abouti à l’insertion dans la LTVA, à la suite de l’article 67, de nouveaux articles relatifs à la responsabilité des dirigeants de personnes morales redevables de la TVA, il était envisagé de rendre les dirigeants de sociétés personnellement et solidairement responsables du paiement de la TVA ainsi que du respect des obligations administratives y afférentes. Cette première version du projet de loi s’est heurtée à une opposition formelle du Conseil d’Etat dans son avis du 15 novembre 2016 :3 « Le Conseil d’État comprend la volonté du Gouvernement de réduire les risques de fraude en matière de TVA. Toutefois, rendre les dirigeants de sociétés personnellement et solidairement responsables non seulement de la déclaration correcte de la TVA, mais également du paiement de celle-ci – donc en quelque sorte de la solvabilité de la société dans ce dernier cas – apparaît disproportionné par rapport à l’objectif poursuivi. Les dispositions en projet aboutiraient en fait à la suppression non seulement de l’exigence de la faute dans le chef des dirigeants, mais aussi de celle d’une relation causale avec 3 Doc parl. 7020, premier avis de Conseil d’Etat du 16.11.2016, page 30 la taxe non payée, faisant en conséquence de l’obligation des dirigeants une obligation à l’impôt. Il s’agirait là, ni plus ni moins, d’un cas de responsabilité sans faute. Or, comme le Conseil d’État l’a déjà souligné dans son avis relatif au projet de loi concernant la modernisation du droit de la faillite, ce type de responsabilité s’avère particulièrement sévère et ne se justifie pas par rapport aux autres hypothèses où la responsabilité des dirigeants de société peut être engagée. Le Conseil d’État relève qu’ici également aucune justification n’est donnée par les auteurs du projet quant à cette responsabilité particulière.

Les auteurs indiquent s’être inspirés des dispositions des paragraphes 103, 106 et 117 de la „Abgabenordnung“. Le Conseil d’État émet, d’abord, ses réserves par rapport à une extension des dispositions contraignantes de la „Abgabenordnung“, texte exorbitant, sur beaucoup de points, du droit commun luxembourgeois, à d’autres matières, dussent-elles relever même du droit fiscal.

Le Conseil d’État note encore que les auteurs retiennent une lecture incomplète de la „Abgabenordnung“. Le paragraphe 103, cité au commentaire, vise une obligation des représentants et dirigeants, en relation avec celle de la personne morale, et qui consiste „dafür zu sorgen, dass die Steuern aus den Mitteln, die sie verwalten, entrichtet werden“.

Le texte vise le paiement au moyen des deniers dont ils assurent la gestion et non pas sur la base de leur patrimoine personnel. Dans le même ordre d’idées, le paragraphe 106 oblige les „Rechtsnachfolger, Testamentsvollstrecker, Erbschaftsbesitzer (…), Pfleger, Liquidatoren, Verwalter und die Bevollmächtigten dieser Personen dafür zu sorgen, dass Mittel zur Bezahlung der vorher entstandenen Steuerschulden zurückgehalten und diese Steuerschulden bezahlt werden. Auf Verlangen ist aus dem Nachlass oder der Masse Sicherheit zu leisten“. Encore une fois, ce texte ne prévoit pas de responsabilité propre, mais se réfère à la masse ou au patrimoine successoral. Le paragraphe pertinent 109 limite la responsabilité propre des personnes visées aux paragraphes 103 à 108 à l’hypothèse d’une „schuldhafte Verletzung der ihnen in den § 103bis 108 auferlegten Pflichten“, donc à la faute.

Il importe de relever que la fraude en matière de TVA, qu’il est nécessaire de combattre, est intracommunautaire et non spécifique au Luxembourg. Or, rares sont les États membres ayant introduit une telle responsabilité des dirigeants en cette matière. La Chambre de commerce relève ainsi par exemple qu’en Allemagne, les textes relatifs à ce sujet ont été modifiés afin de les rendre compatibles avec le système juridique de ce pays.

Le Conseil d’État relève qu’en France, l’article 267 du Livre des procédures fiscales instaure une responsabilité propre des dirigeants et gérants de sociétés en cas de „manœuvres frauduleuses ou d’inobservation grave et répétée des obligations fiscales“.

En Belgique, l’article 93undecies C du Code de la TVA prévoit une responsabilité solidaire des dirigeants si le manquement de la personne morale est „imputable à une faute au sens de l’article 1382 du Code civil“. La même solution est d’ailleurs retenue à l’article 442quater du Code des impôts sur le revenu.

Selon le Conseil d’État, une responsabilité personnelle ne peut être envisagée qu’en cas de négligence avérée ou de fraude aggravée, c’est-à-dire lorsque le dirigeant est à l’origine de, a participé à, a couvert ou du moins a sciemment omis d’empêcher une déclaration non correcte de TVA. » La Commission des Finances et du Budget a ensuite adopté un amendement qui a introduit les termes de « inexécution fautive de leurs obligations légales ». Dans son avis complémentaire du 6 décembre 2016, le Conseil d’Etat a examiné cet amendement et l’a avisé :

« Le Conseil d’État note que les auteurs des amendements ont prévu une responsabilité pour faute des administrateurs-délégués ainsi que pour les gérants et tout autre dirigeant de droit ou de fait qui s’occupe de la gestion journalière en prévoyant un régime repris du § 109 de la „Abgabenordnung“, la notion d’„inexécution fautive“ étant la traduction de la „schuldhafte Verletzung“ prévue au § 109 précité. Il peut donc lever son opposition formelle tout en soulignant que parmi les „gérants“ visés, seuls ceux qui sont en charge de la gestion journalière de la société concernée seront visés. » Dans sa dépêche au Président du Conseil d’Etat4, le Président de la Chambre des députés avait déjà relevé que « [l]es nouveaux articles 67-1 à 67-3 de la loi TVA suivent donc le régime des paragraphes 103, 109, 118 et 149 AO. En effet les termes de « inexécution fautive de leurs obligations légales » correspondent à la notion de « schuldhafte Verletzung » utilisée à l’article 109 AO. Par conséquent, en cas de litige, on pourra à l’avenir se référer utilement à la doctrine administrative et à la jurisprudence administrative developpés pour interpréter cette notion ».

Il découle clairement des travaux parlementaires que la responsabilité du dirigeant qui s’occupe de la gestion journalière, en cas d’inexécution fautive de ses obligations légales, constitue une responsabilité pour faute, et que la notion d’« inexécution fautive » finalement retenue, constitue la traduction de la « schuldhafte Verletzung » prévue à l’article 109 AO.

Etant donné que les articles 67-1 à 67-3 de la LTVA sont calqués sur le régime de responsabilité des dirigeants prévus au paragraphe 109 AO, l’analyse de l’application de cette disposition en matière de contributions directes par les juridictions administratives se recommande.

La jurisprudence administrative a précisé que le dirigeant d’une société ne peut être tenu personnellement responsable du non-paiement des impôts par la société qu’il est appelé à gérer que dans les conditions plus particulièrement prévues au paragraphe 109 AO , de sorte que le simple constat d’un manquement à une obligation fiscale découlant du paragraphe 103 AO n’est pas suffisant pour engager la responsabilité personnelle des dirigeants d’une société en application du paragraphe 109, alinéa (1), AO et pour voir émettre un bulletin d’appel en garantie, le législateur ayant posé à cet égard l’exigence d’une inexécution fautive (« schuldhafte Verletzung ») des obligations du représentant de la société envers le fisc.5 En ce qui concerne cette inexécution fautive, la jurisprudence administrative considère qu’il est erroné de limiter l’analyse sur l’obligation de paiement des impôts dus, mais qu’il 4 Doc. Parl. 7020, Amendements adoptés par la Commission des finances et du budget- Dépêche du Président de la Chambre des députés au Président du Conseil d’Etat (22.11.2016) 5 p.ex. Cour adm. arrêt du 20 février 2024, n° du rôle 49268C, ECLI :LU :CADM :2024 :49268 ; Cour adm. arrêt du 22 juin 2023, n° du rôle : 48634C ECLI:LU:CADM:2023:48634 convient d’avoir égard à l’ensemble des obligations incombant au contribuable en vue de la fixation et du paiement de l’impôt dû. 6 Dans un arrêt rendu en date du 22 juin 2023, la Cour administrative a décidé :

« L’engagement de la responsabilité personnelle de Monsieur (M) en application du susdit paragraphe 109, paragraphe 1, AO requiert donc la vérification dans son chef d’une faute d’administration de la société (B) qu’il était appelé à gérer en tant administrateur, voire administrateur-délégué. » Il ressort dès lors tant des travaux parlementaires précités que de la jurisprudence administrative relative au paragraphe 109 AO que la responsabilité des dirigeants prévue en matière de TVA à l’article 67-2 de la LTVA, constitue, elle aussi, une responsabilité pour faute.

En jugeant que « c’est à bon droit que les premiers juges ont retenu que cette responsabilité ne constitue pas une responsabilité sans faute, de plein droit du dirigeant, découlant de la seule inexécution de ses obligations légales par la société, mais une responsabilité pour faute », l’arrêt attaqué a correctement appliqué l’article 67-2 de la LTVA.

Le moyen n’est pas fondé.

Subsidiairement :

A supposer que la première branche du deuxième moyen soit dirigée contre les motifs de l’arrêt attaqué constatant que «[d]ans les circonstances de l’espèce, l’AEDT n’a pas démontré que PERSONNE1.) ait fautivement inexécuté ses obligations légales lui incombant en sa qualité de gérant de la société SOCIETE1.) ayant entrainé soit une violation des obligations légales en matière de TVA, soit aurait conduit au non-paiement de la TVA par la société SOCIETE1.) », cette branche tend à remettre en discussion l’appréciation souveraine par les juges du fond des éléments de preuve leur soumis, laquelle échappe au contrôle de votre Cour.

Cette branche ne saurait être accueillie.

Sur la deuxième branche :

La deuxième branche du deuxième moyen est tirée de la violation de l’article 67-2 de la LTVA par fausse application, sinon par fausse interprétation, et elle fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir retenu explicitement, sinon implicitement, que la prétendue faute commise dans la gestion au sens de l’article 1382 du Code civil dans le chef du dirigeant serait la négligence avérée ou la fraude aggravée, ce que l’article 67-2 de la LTVA ne requerrait pourtant pas.

L’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation requiert, sous peine d’irrecevabilité, l’indication, dans chaque branche, de la partie 6 p.ex. Cour adm. Arrêt du 31 janvier 2017, n° du rôle 38343C cité dans un arrêt du 13 juillet 2023 de la Cour adm., n° du rôle : 48718C, ECLI:LU:CADM:2023:48718 critiquée de la décision. Or, la deuxième branche du deuxième moyen reste en défaut d’indiquer clairement les dispositions de l’arrêt qui sont attaquées et semble s’attaquer à deux parties de la décision, qui sont citées ci-dessous:

« Sa mise en œuvre [l’appel en garantie] suppose la preuve par l’administration fiscale d’une faute commise par le dirigeant dans la gestion de la personne morale au sens de l’article 1382 du Code civil qui a conduit aux non-respect des obligations légales en matière de TVA comme la non-exécution des charges administratives (obligations de paiement, d’identification, de facturation, de dépôt de déclarations, d’omission de déclarations rectificatives ou complémentaires, de tenue de comptabilité…) ou bien au non-paiement par la société du montant de de la TVA redû. » « La responsabilité personnelle du dirigeant ne peut être envisagée qu’en cas de négligence avérée ou fraude aggravée, c’est-à-dire lorsque le dirigeant est à l’origine de, a participé, a couvert ou du moins a sciemment omis d’empêcher une déclaration correcte de TVA (Doc.parl. 7020, p. 64). » Le grief invoqué à l’encontre de chacune de ces parties de la décision, n’est pas le même.

En ce qui concerne le premier passage cité-dessus, le reproche de la partie demanderesse en cassation porte sur la nature de la faute prise en considération par la Cour d’appel, tandis qu’en ce qui concerne le deuxième passage, la critique porte sur le degré de gravité de la faute requise. Il s’agit de deux cas d’ouverture différents.

Cette branche ne répond pas aux exigences de l’article 10 précité, qui exige, sous peine d’irrecevabilité, que chaque branche invoque un seul cas d’ouverture, qu’elle indique la partie de la décision contre laquelle le pourvoi est dirigé et ce en quoi elle encourt la cassation.

Sur la troisième branche :

La troisième branche du deuxième moyen est tirée de la violation de l’article 67-2 de la LTVA par fausse application, sinon par fausse interprétation, et elle fait grief à l’arrêt entrepris d’avoir requis que le manquement fautif du dirigeant ait entraîné le non-respect de la LTVA ou bien qu’il ait causé le non-paiement du montant de la TVA redu, ce que n’article 67-2 de la LTVA ne requerrait pas.

Tout comme les deux premières branches, la troisième branche n’indique pas contre quelle partie de la décision entreprise elle est dirigée. Et devrait de ce fait être déclarée irrecevable.

Subsidiairement :

A supposer que la troisième branche soit dirigée contre les motifs suivants :

« La seule circonstance que la TVA est impayée ne suffit pas pour actionner l’appel en garantie du dirigeant. Sa mise en œuvre suppose la preuve par l’administration fiscale d’une faute commise par le dirigeant dans la gestion de la personne morale au sens de l’article 1382 du Code civil qui a conduit aux non-respect des obligations légales en matière de TVA comme la non-exécution des charges administratives (obligations de paiement, d’identification, de facturation, de dépôt de déclarations, d’omission de déclarations rectificatives ou complémentaires, de tenue de comptabilité…) ou bien au non-paiement par la société du montant de de la TVA redû. » L’article 67-2 de la LTVA dispose :

« Les administrateurs-délégués, les gérants ainsi que tout dirigeant de droit ou de fait qui s’occupe de la gestion journalière, sont personnellement et solidairement responsables du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée due lorsque, suite à une inexécution fautive des obligations légales leur incombant, les obligations légales imposées par la présente loi aux personnes redevables de la taxe sur la valeur ajoutée qu’ils gèrent n’ont pas été respectées ou que la TVA due n’a pas été payée par les moyens financiers dont ils assurent la gestion »7.

Il découle de ce libellé que le non-respect des obligations légales imposées par la LTVA aux personnes redevables de la TVA qu’ils gèrent ou le non-paiement de la TVA due par les moyens financiers dont ils assurent la gestion, doivent être la conséquence de l’inexécution fautive des obligations légales incombant aux dirigeants qui s’occupent de la gestion journalière.

En statuant comme ils l’ont fait, par les motifs cités ci-dessus, les juges d’appel ont fait une correcte application de la disposition visée à la troisième branche.

Celle-ci n’est pas fondée.

Sur le troisième moyen de cassation :

Le troisième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 67-2 de la LTVA pour défaut de base légale.

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué de contenir des constatations de fait incomplètes, sinon imprécises, qui ne permettraient pas à votre Cour d’exercer son contrôle. Le moyen critique plus particulièrement qu’à la page 7 de l’arrêt, la Cour d’appel aurait uniquement relevé que « PERSONNE1.) conteste toute inexécution fautive des obligations lui ayant incombé en sa fonction de gérant administratif de la société SOCIETE1.). Il relève que l’AEDT l’avait déjà assigné par exploit du 30 décembre 2016, mais avait retiré sa demande suite aux efforts de paiements qu’il a fait envers cette administration. La société aurait été déclarée en faillite suite à l’assignation du 14 octobre 2019 du Centre commun de la sécurité sociale. » La Cour d’appel a résumé les contestations de PERSONNE1.) et a conclu que l’AEDT, sur laquelle pesait la charge de la preuve, n’avait pas démontré que PERSONNE1.) avait fautivement inexécuté ses obligations légales lui incombant en sa qualité de gérant.

La partie demanderesse en cassation n’indique pas à quelle constatation de fait les juges d’appel auraient impérativement dû procéder avant de pouvoir arriver à cette conclusion., de sorte que le moyen est irrecevable pour manque de précision.

7 Nous soulignons Subsidiairement :

Il résulte des développements « à titre superfétatoire » de la partie demanderesse en cassation qu’elle critique en fait l’interprétation par les juges du fond des pièces additionnelles versées par PERSONNE1.). D’après elle, il résulterait de ces pièces que PERSONNE1.) ne s’est pas assuré du paiement de la TVA de la société assujettie par les moyens financiers dont il assurait la gestion et qu’il n’a pas jugé utile de procéder à l’aveu de faillite. La Cour d’appel aurait dû, sur la base de ces pièces, retenir une faute grave dans le chef de PERSONNE1.) et retenir une inexécution fautive des obligations légales incombant à PERSONNE1.) au sens de l’article 67-2 de la LTVA.

Sous le couvert de la violation de la disposition légale visée, le moyen ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine par les juges du fond des éléments de preuve leur soumis, qui échappe au contrôle de votre Cour.

Le moyen ne saurait être accueilli.

Conclusion Le pourvoi est recevable mais non fondé.

Pour le Procureur Général d’Etat, Le procureur général d’Etat adjoint Marie-Jeanne Kappweiler 33


Synthèse
Numéro d'arrêt : 80/25
Date de la décision : 08/05/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 09/05/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2025-05-08;80.25 ?

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