N° 77 / 2025 du 08.05.2025 Numéro CAS-2024-00150 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, huit mai deux mille vingt-cinq.
Composition :
Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Gilles HERRMANN, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.
Entre la société à responsabilité limitée SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE1.), représentée par le gérant, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), demanderesse en cassation, comparant par Maître David YURTMAN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et la société anonyme SOCIETE2.), établie et ayant son siège social à L-
ADRESSE2.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO2.), défenderesse en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée KRIEPS-PUCURICA Avocat, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Admir PUCURICA, avocat à la Cour.
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Vu l’arrêt attaqué numéro 79/24-IX-CIV rendu le 15 juillet 2024 sous le numéro CAL-2023-00946 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, neuvième chambre, siégeant en matière civile ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 4 octobre 2024 par la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) à la société anonyme SOCIETE2.) (ci-après « la société SOCIETE2.) »), déposé le 15 octobre 2024 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 12 novembre 2024 par la société SOCIETE2.) à la société SOCIETE1.), déposé le 22 novembre 2024 au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions du procureur général d’Etat adjoint Marie-Jeanne KAPPWEILER.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, avait déclaré fondée la demande de la société SOCIETE2.) en paiement d’un certain montant au titre du solde de travaux exécutés par elle pour le compte de la société SOCIETE1.), initialement retenu au titre de garantie en application des stipulations contractuelles, et avait validé la saisie-arrêt pratiquée par la société SOCIETE2.) pour assurer le recouvrement de ce montant.
La Cour d’appel a confirmé ce jugement.
Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon mauvaise application, sinon mauvaise interprétation de l’article 1134 du Code Civil En ce que l’arrêt attaqué a appliqué les termes de l’article 109 du Code de Commerce, sans tenir compte des engagements contractuels qui font loi entre les parties, Alors qu’il était constant en cause que les parties étaient liées par un contrat d’entreprise et que SOCIETE2.) s’était engagée à effectuer les travaux requis conformément aux règles de l’art et que pour garantir la bonne exécution desdits travaux, les parties s’étaient entendues sur la rétention d’un pourcentage de 10 % du marché jusqu’à constatation que les travaux avaient été effectués et finalisés suivant les règles de l’art. ».
Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir fait application des stipulations contractuelles ayant conditionné la libération des retenues de garantie par le constat que les travaux avaient été effectués et finalisés suivant les règles de l’art.
En retenant, en ce qui concerne le contenu des obligations contractuelles et la charge de la preuve, « Il appartient à SOCIETE2.) qui réclame la libération des retenues effectuées, de rapporter la preuve que les conditions de cette libération sont remplies, conformément aux règles de droit commun de la preuve prévues à l’article 1315 du Code civil.
Par le procédé de la retenue de garantie, le maître d’ouvrage retient un certain pourcentage de la somme qu’il doit payer en vue de s’assurer de la bonne finition des imperfections et malfaçons pendant un délai de garantie.
Il est de principe que les retenues de garantie peuvent être maintenues aussi longtemps que l’immeuble n’a pas été agréé par une réception de l’ouvrage. En effet, par la réception, le maître de l’ouvrage admet que l’ouvrage a été réalisé suivant les spécifications du contrat, de sorte que tous les paiements en relation avec la réalisation des travaux sont dus.
La réception se définit comme l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserve. Il est admis de manière générale que la réception de l’ouvrage peut être expresse ou tacite. Dans ce dernier cas, elle suppose l’existence d’une volonté non équivoque du maître de recevoir l’ouvrage.
(…) Par extension du principe de la facture acceptée posé par l’article 109 du Code de commerce, il est admis qu’entre commerçants, le fait de ne pas répondre à une correspondance commerciale implique une présomption d’acceptation de son contenu.
(…) Il incombe ainsi au destinataire commerçant de renverser cette présomption en établissant soit qu’il a protesté en temps utile, soit que son silence s’explique autrement que par une acceptation. », et, en ce qui concerne la preuve d’une réception par la société SOCIETE1.), après examen des correspondances échangées entre parties, « SOCIETE1.) a implicitement mais nécessairement marqué son accord avec le contenu du courriel d’SOCIETE2.) du 20 avril 2021 faisant état que les travaux avaient fait l’objet d’une réception sans réserve par un organisme de contrôle et que le montant retenu de 50.938,33 euros devait être libéré. », et, en ce qui concerne la preuve d’un renversement de la présomption ainsi établie, après examen des rapports d’expertise unilatéraux versés aux débats par la société SOCIETE1.), des courriers de l’Inspection du travail et des mines et de la position des copropriétaires occupant l’immeuble en question, « …aucun défaut d’achèvement ou vice concret subsistant actuellement et imputable à SOCIETE2.) n’a été démontré par SOCIETE1.). », les juges d’appel ont fait l’exacte application des stipulations contractuelles.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon mauvaise application, sinon mauvaise interprétation de l’article 1315 du Code Civil, pris ensemble avec l’article 109 du Code de Commerce, En ce que l’arrêt attaqué a retenu que SOCIETE2.) avait apporté la preuve requise par application de l’article 1315 du Code civil, sur base d’une présomption, respectivement sur base du principe de la correspondance acceptée tiré des termes de l’article 109 du Code de Commerce, pour confirmer le jugement entrepris et prononcer la condamnation de SOCIETE1.) au paiement des montants réclamés, Alors que les travaux effectués par SOCIETE2.) souffraient de vices, malfaçons et non-façons faisant obstacle à toute libération des retenues de garantie et qu’aucune preuve n’avait été apportée par SOCIETE2.) pour prouver qu’elle avait répondu à ses obligations contractuelles. ».
Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir décidé, en violation des règles de preuve déduites de la combinaison des deux dispositions visées au moyen, que les travaux exécutés par la défenderesse en cassation avaient été exécutés conformément aux règles de l’art et ouvraient droit à libération des retenues de garantie.
Sous le couvert du grief tiré de la violation des dispositions visées au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, de l’ensemble des éléments de preuve leur soumis qui les ont amenés à retenir que l’ensemble des travaux exécutés par la défenderesse en cassation avaient été exécutés conformément aux règles de l’art, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.
Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.
Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon mauvaise application, sinon mauvaise interprétation de l’article 1315 du Code Civil, pris ensemble avec l’article 1353 du Code Civil, En ce que l’arrêt attaqué a retenu que SOCIETE2.) avait apporté la preuve requise par application de l’article 1315 du Code civil, sur base d’une présomption, pour confirmer le jugement entrepris et prononcer la condamnation de SOCIETE1.) au paiement des montants réclamés, Alors que les travaux effectués par SOCIETE2.) souffraient de vices, malfaçons et non-façons faisant obstacle à toute libération des retenues de garantie et qu’aucune preuve n’avait été apportée par SOCIETE2.) pour prouver qu’elle avait répondu à ses obligations contractuelles. ».
Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir décidé, en violation des règles de preuves déduites de la combinaison des deux dispositions visées au moyen, que la défenderesse en cassation avait démontré par voie de présomption que les travaux exécutés par elle avaient été exécutés conformément aux règles de l’art et ouvraient droit à libération des retenues de garantie, nonobstant l’existence de vices, malfaçons et non-façons affectant ces travaux.
Il résulte de la réponse donnée au premier moyen que par les motifs y repris les juges d’appel ont fait l’exacte application des règles de droit concernant le contenu, la charge et l’administration de la preuve.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure La demanderesse en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.
Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 5.000 euros.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;
rejette la demande de la demanderesse en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne la demanderesse en cassation à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 5.000 euros ;
la condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de la société à responsabilité limitée KRIEPS-PUCURICA Avocat, sur ses affirmations de droit.
Monsieur le président Thierry HOSCHEIT étant dans l’impossibilité de signer, la minute du présent arrêt est signée, conformément à l’article 82 de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire, par le conseiller le plus ancien en rang ayant concouru à l’arrêt.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence du procureur général d’Etat adjoint Marie-
Jeanne KAPPWEILER et du greffier Daniel SCHROEDER.
Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation société à responsabilité limitée SOCIETE1.) contre société anonyme SOCIETE2.) ( CAS-2024-00150) Le pourvoi en cassation, introduit par la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) (ci-après SOCIETE1.)) par un mémoire en cassation signifié le 4 octobre 2024 à la défenderesse en cassation et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 15 octobre 2024, est dirigé contre un arrêt n°79/24 rendu par la Cour d’appel, neuvième chambre, siégeant en matière civile, statuant contradictoirement, en date du 15 juillet 2024 (n° CAL-2023-00946 du rôle).
La défenderesse en cassation fait valoir dans son mémoire en réponse que cet arrêt aurait été signifié à SOCIETE1.) en date du 28 août 2024.1 Le pourvoi en cassation a dès lors été interjeté dans les forme et délai prévus aux articles 7 et 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.
La défenderesse en cassation a signifié un mémoire en réponse le 12 novembre 2024 et elle l’a déposé au greffe de la Cour le 22 novembre 2024.
Ayant été signifié et déposé au greffe de la Cour dans le délai de deux mois à compter du jour de la signification du mémoire en cassation, conformément aux articles 15 et 16 de la loi précitée du 18 février 1885, ce mémoire est à considérer.
Sur les faits et antécédents :
Par acte d'huissier de justice du 18 août 2021 et en vertu d’une autorisation présidentielle du 16 juillet 2021, la société anonyme SOCIETE2.) SA (ci-après SOCIETE2.)) a fait pratiquer saisie-arrêt sur les comptes bancaires de SOCIETE1.) pour obtenir paiement de la somme de 50.938,33 euros avec les intérêts conventionnels et légaux.
Par acte d'huissier de justice du 25 août 2021, la saisie-arrêt a été dénoncée à SOCIETE1.), avec assignation en condamnation au paiement du montant de 50.938,33 euros, sous réserve des intérêts conventionnels et légaux et des frais de justice, et en validation de la saisie-arrêt pour ce montant. SOCIETE2.) a encore présenté des demandes accessoires.
La contre-dénonciation aux parties tierces-saisies a été faite par acte d'huissier de justice du 26 août 2021.
SOCIETE1.) a présenté des demandes reconventionnelles.
Statuant sur ces demandes, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, a, par jugement du 14 juin 2023, dit les demandes principale et reconventionnelle 1 Aucune des deux parties n’a versé l’acte de signification.
recevables en la forme, dit la demande principale partiellement fondée, condamné SOCIETE1.) à payer à SOCIETE2.) le montant de 50.938,33 euros, avec les intérêts légaux à partir de la mise en demeure du 3 juin 2021 jusqu’à solde et déclaré bonne et valable la saisie-
arrêt pratiquée à concurrence desdits montants.
Le tribunal a, par le même jugement, dit les demandes reconventionnelles non fondées, dit la demande de SOCIETE1.) en allocation d’une indemnité de procédure non fondée, condamné SOCIETE1.) à payer à SOCIETE2.) une indemnité de procédure de 1.500.- euros et à supporter les frais et dépens de l’instance.
Par exploit d’huissier de justice du 7 août 2023, SOCIETE1.) a relevé appel du jugement du 14 juin 2023 et la Cour d’appel a rendu en date du 15 juillet 2024 un arrêt dont le dispositif se lit comme suit :
« reçoit les appels principal et incident, dit les appels non fondés, partant, confirme le jugement du 14 juin 2023, quoique partiellement pour d’autre motifs, condamne la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) GmbH, Gesellschaft mit beschränkter Haftung, à payer à la société anonyme SOCIETE2.) SA une indemnité de procédure de 2.000.- euros sur base de l’article 240 du Nouveau Code de procédure civile, dit la demande de la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) GmbH, Gesellschaft mit beschränkter Haftung, basée sur l’article 240 du Nouveau Code de procédure civile non fondée, condamne la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) GmbH, Gesellschaft mit beschränkter Haftung, aux frais et dépens de l’instance, […] » Cet arrêt fait l’objet du présent pourvoi.
Sur la recevabilité du pourvoi qui est contestée :
La défenderesse en cassation conclut à l’irrecevabilité du pourvoi au motif qu’aucun des trois moyens présentés dans le mémoire en cassation ne viserait spécifiquement une disposition contenue au dispositif de l’arrêt attaqué.
Le mémoire en cassation indique que le pourvoi est dirigé contre toutes les dispositions de l’arrêt rendu en date du 15 juillet 2024 qui a confirmé le jugement de première instance rendu en date du 14 juin 2023 par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, en ce qu’il a condamné SOCIETE1.) à payer à SOCIETE2.) le montant de 50.938,33.- € augmenté des intérêts commerciaux, ainsi qu’une indemnité de procédure et aux frais et dépens et qu’il a débouté SOCIETE1.) de ses demandes reconventionnelles.
Les dispositions du dispositif attaquées par le pourvoi sont ainsi clairement indiquées, de sorte que le premier reproche n’est pas fondé.
La défenderesse en cassation fait encore grief au mémoire en cassation de ne présenter dans ses moyens aucune solution en droit que la Cour d’appel aurait dû retenir et que le pourvoi constituerait un pêlemêle de faits et de droit.
Une éventuelle irrecevabilité des moyens de cassation est sans incidence sur la recevabilité du pourvoi.
L’exception d’irrecevabilité du pourvoi n’est pas fondée et le mémoire satisfait aux conditions de l’article 10, alinéa 1, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.
Le pourvoi, introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.
Sur le premier moyen de cassation:
Le premier moyen est tiré de la violation, sinon de la mauvaise application, sinon mauvaise interprétation de l’article 1134 du Code civil, en ce que l’arrêt attaqué a appliqué les termes de l’article 109 du Code de commerce, sans tenir compte des engagements contractuels qui font la loi des parties, alors qu’il est constant en cause que les parties étaient liées par un contrat d’entreprise et que SOCIETE2.) s’était engagée à effectuer les travaux requis conformément aux règles de l’art et que pour garantir la bonne exécution desdits travaux, les parties s’étaient entendues sur la rétention d’un pourcentage de 10% du marché jusqu’à constatation que les travaux avaient été effectués et finalisés suivant les règles de l’art.
Le moyen fait grief à la décision entreprise de ne pas avoir pris en compte la circonstance que les montants réclamés correspondaient à des retenues de garantie contractuellement fixées entre parties et que ces retenues n’étaient libérables qu’en cas de parfaite réalisation des travaux, ce qui n’aurait pas été le cas.
Ce moyen procède d’une lecture incomplète de l’arrêt attaqué.
Les juges d’appel ont effectivement constaté que les montants impayés constituaient des retenues de garantie et ils ont analysé si les conditions de leur libération étaient remplies :
« Il appartient à SOCIETE2.) qui réclame la libération des retenues effectuées, de rapporter la preuve que les conditions de cette libération sont remplies, conformément aux règles de droit commun de la preuve prévues à l’article 1315 du Code civil.
Par le procédé de la retenue de garantie, le maître d’ouvrage retient un certain pourcentage de la somme qu’il doit payer en vue de s’assurer de la bonne finition des imperfections et malfaçons pendant un délai de garantie.
Il est de principe que les retenues de garantie peuvent être maintenues aussi longtemps que l’immeuble n’a pas été agréé par une réception de l’ouvrage. En effet, par la réception, le maître de l’ouvrage admet que l’ouvrage a été réalisé suivant les spécifications du contrat, de sorte que tous les paiements en relation avec la réalisation des travaux sont dus.
La réception se définit comme l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserve. Il est admis de manière générale que la réception de l’ouvrage peut être expresse ou tacite. Dans ce dernier cas, elle suppose l’existence d’une volonté non équivoque du maître de recevoir l’ouvrage.
Les parties n’ont pas discuté des stipulations contractuelles relatives aux retenues de garanties qui seraient d’application et elles n’ont versé, outre le dossier de soumission établi par SOCIETE2.), pas d’autre document contractuel portant sur les travaux dont l’exécution a été confiée à SOCIETE2.). De même, les parties n’ont pas discuté d’une éventuelle réception expresse ou tacite du chantier par le maître de l’ouvrage.
SOCIETE2.) invoque le principe de la correspondance commerciale acceptée en exposant qu’il se dégagerait des échanges entre parties des 20 et 21 avril 2021 que les travaux réalisés ont fait l’objet d’une réception sans réserve par un organisme de contrôle et que SOCIETE1.) a accepté de libérer le montant de 50.938,33 euros dont le paiement est actuellement réclamé.
Par extension du principe de la facture acceptée posé par l’article 109 du Code de commerce, il est admis qu’entre commerçants, le fait de ne pas répondre à une correspondance commerciale implique une présomption d’acceptation de son contenu.
Il existe une obligation morale de protester de la part du commerçant contre lequel est dirigée une affirmation inexacte impliquant une obligation de sa part. Cette obligation se justifie dans la mesure où les transactions commerciales doivent se développer dans la sécurité et la rapidité, exigences qui impliquent que soit réduit au minimum, entre commerçants, le temps durant lequel une des parties pourra mettre en doute la véracité des affirmations de l’autre au sujet de l’existence et des modalités de leurs obligations réciproques (cf. A. Cloquet, La facture, n°444).
La présomption d’acceptation de la teneur de la correspondance commerciale liée au silence gardé ne constitue néanmoins pas une règle absolue, elle ne peut être généralisée.
Ainsi, les commerçants ne sont pas obligés de répondre à toutes les lettres qu’ils reçoivent (cf. Cour 18 décembre 2002, n°26.326 du rôle, Van Ryn & J. Heenen, Principes de droit commercial, n°14 et les références y citées).
La signification accordée au silence dépendra des circonstances de l’espèce qui sont souverainement appréciées par le juge du fond.
La présomption est notamment écartée si l’on démontre que le silence s’explique par d’autres circonstances ou si la lettre laissée sans réponse formulait une prétention abusive (cf. Van Ryn & J. Heenen, op.cit).
Il incombe ainsi au destinataire commerçant de renverser cette présomption en établissant soit qu’il a protesté en temps utile, soit que son silence s’explique autrement que par une acceptation.
* En l’occurrence, le courriel du 20 avril 2021, envoyé par PERSONNE1.), représentant de SOCIETE1.), à SOCIETE2.) est rédigé comme suit :
« Bonjour Monsieur PERSONNE2.), Nous sommes d’accord de vous payer la somme de 50.938,33 EUR pour le 26 avril 2021 correspondant à la totalité des retenues de garantie.
En contrepartie nous vous demandons l’assurance qui était demandée de notre part à l’adjudication des travaux qui couvre la totalité de vos travaux. (…) » * Par courriel du même jour, PERSONNE3.) répond ce qui suit :
« Nous vous prions de trouver ci-joint l’attestation demandée Nous attendons donc le montant de 50938,33 e pour le 26 avril 2021 dernier délai suivant votre accord précédent. (…) » * L’attestation émise par SOCIETE2.) à l’attention de SOCIETE1.) jointe à ce courriel est de la teneur suivante :
« Objet : ATTESTATION pour le chantier ADRESSE3.) Monsieur PERSONNE1.), Par la présente, nous vous confirmons que nous avons bien réalisé la totalité de nos travaux conformément aux dispositions techniques applicables au Grand-Duché de Luxembourg et au cahier des charges d’ICR.
Les travaux ont été réceptionnés par un organisme de contrôle et demeurent aujourd’hui sans réserve.
En ce qui concerne ce marché à prix unitaires, uniquement les travaux réellement réalisés vous ont été facturés. (…) » * Par courriel du 21 avril 2021 à l’adresse d’SOCIETE2.), PERSONNE1.) écrit ce qui suit :
« Monsieur PERSONNE2.), Vous n’êtes pas sans savoir que le cahier des charges d’ICR prévoyait une mise à disposition d’une assurance pour le maître d’ouvrage à l’adjudication des travaux et non une attestation. Malheureusement l’assurance précitée n’a jamais été remise à SOCIETE1.). Personne ne conteste que vos travaux ont été réalisés conformément aux dispositions techniques applicables au Grand-Duché de Luxembourg et au cahier des charges d’ICR.
A noter que notre accord de paiement est lié à la mise à disposition de l’assurance dont question. (…) ».
En vertu du principe de la correspondance commerciale acceptée, la teneur de ces échanges est présumée acceptée.
La Cour rejoint le tribunal en ce qu’il a, après une analyse de ces échanges, conclu que SOCIETE1.) n’a émis aucune contestation quant à la conformité des travaux réalisés, aux dispositions techniques applicables au Grand-Duché de Luxembourg et au cahier des charges d’ICR et qu’elle a reconnu redevoir le montant de 50.938,33 euros à SOCIETE2.) du chef des travaux effectués.
SOCIETE1.) a implicitement mais nécessairement marqué son accord avec le contenu du courriel d’SOCIETE2.) du 20 avril 2021 faisant état que les travaux avaient fait l’objet d’une réception sans réserve par un organisme de contrôle et que le montant retenu de 50.938,33 euros devait être libéré.
La Cour rejoint encore les juges de première instance en ce qu’ils ont retenu que SOCIETE1.) se limite à indiquer que le cahier des charges d’ICR prévoyait la mise à disposition d’une assurance pour le maître d’ouvrage, sans autre détail ou précision et qu’elle restait en défaut de justifier sur quelle base contractuelle la libération des retenues serait conditionnée par la remise d’une attestation, respectivement d’une assurance.
Actuellement en appel, SOCIETE1.), en se prévalant de deux rapports dressés par l’expert Kintzelé dans le cadre d’une autre procédure judicaire, introduite par les copropriétaires de la résidence « ADRESSE3.) » ainsi que de plusieurs courriers de l’ITM, fait valoir que les travaux exécutés par SOCIETE2.) ne seraient pas conformes aux règles de l’art et affectés de divers vices et malfaçons.
Conformément à la position soutenue par SOCIETE2.), un rapport d’expertise est en principe inopposable à toute personne qui n’a pas été appelée ou représentée aux opérations d’expertise. La raison de cette règle est la sauvegarde des droits de la défense de la partie contre laquelle on veut invoquer un rapport d’expertise lors de l’élaboration duquel elle n’a pu présenter ses observations.
L’expert judiciaire doit respecter le principe du contradictoire, règle essentielle de validité de l’expertise judiciaire, et c’est le respect du contradictoire lors des opérations d’expertise qui rend son expertise opposable aux parties qui y ont été présentes ou représentées. Il s’en déduit que l’opposabilité de l’expertise judiciaire ne peut être étendue à des parties qui sont restées étrangères aux opérations d’expertise. Ainsi, un rapport d’expertise judiciaire ne saurait être opposé à une partie qui n’y a pas été appelée et qui n’y a pas participé.
Il en découle que la Cour ne peut retenir dans sa décision les conclusions résultant d’une expertise ordonnée dans le cadre d’une instance judiciaire dans laquelle une personne n’était pas partie et dont elle conteste l’opposabilité (Cour de cassation 8 décembre 2005, n°63/05) Les rapports d’expertise Kintzelé invoqués par SOCIETE1.) ne sont dès lors pas opposables à SOCIETE2.), qui n’a pas été appelée et qui n’a pas participé aux opérations d’expertise.
Reste à examiner si ces rapports, malgré le fait qu’ils sont inopposables à SOCIETE2.), peuvent être pris en considération par la Cour en tant qu’élément de preuve, à l’instar d’un rapport unilatéral.
En effet, un rapport d’expertise unilatéral ou officieux, qu’une partie se fait dresser à l’appui de ses prétentions, rapport qui n’est par définition pas contradictoire, n’est pas à écarter des débats en raison de son caractère unilatéral ; lorsqu’il est régulièrement communiqué et soumis à la libre discussion des parties, il peut servir comme élément de preuve et le juge peut le prendre en considération en tant que tel et y puiser des éléments de conviction, il peut aussi n’en tenir aucun compte. Un tel rapport ne saurait cependant lier le juge qui ne peut fonder sa décision de manière exclusive sur une expertise unilatérale.
En l’occurrence, les rapports Kintzelé ont, en instance d’appel, été soumis aux débats contradictoires et ont pu être critiqués par l’intimée. Contrairement à l’argumentation d’SOCIETE2.), ils peuvent à ce titre, être pris en considération, ensemble avec d’autres éléments, pour former la conviction de la Cour.
La Cour constate que SOCIETE1.) renvoie de manière générale à différents postes du rapport Kintzelé du 17 mai 2018 contenant une « estimation des remises en état et des moins-values » (pages 14 et suiv.), postes 4.5.1.1. à 4.5.1.8. qui concernent en partie des travaux « Electricité », sans explications ni renvois aux constats de l’expert et à la détermination des causes des dégâts relevés, sans préciser les vices et malfaçons qui affecteraient les travaux effectués par SOCIETE2.) et sans détailler le préjudice qu’elle aurait subi ou les coûts de remise en état qui auraient été mis à sa charge. Elle ne précise pas non plus les travaux restant à terminer ou à redresser par SOCIETE2.) et se limite à produire le rapport Kintzelé du 27 mars 2019 listant les travaux nécessaires à l’achèvement complet de l’immeuble dans les termes prévus par le contrat et leur prix (pages 10 et suiv.).
De même, SOCIETE1.) renvoie à deux courriers de l’ITM mettant le syndicat des copropriétaires en demeure de résoudre certains problèmes, dont des problèmes électriques, sans autre précisions et sans détailler les désordres qui affecteraient les travaux réalisés par SOCIETE2.). D’ailleurs, tel que le fait remarquer SOCIETE2.), il ne résulte d’aucun élément du dossier que par le passé SOCIETE1.) aurait critiqué les travaux réalisés par l’intimée et qu’elle aurait présenté une demande en indemnisation à ce titre.
La Cour relève également qu’il se dégage du rapport d’expertise Kintzelé du 27 mars 2019 que « les appartements et commerces sont, en grande partie, occupés » (page 6). De même, il ressort de l’assignation du 19 mars 2021 introduite par le syndicat des copropriétaires de la résidence « ADRESSE3.) » pour le compte de 27 copropriétaires, à laquelle SOCIETE2.) n’est pas partie, qu’« au jour des présentes, chacun des copropriétaires a payé l’intégralité du prix de son appartement et ils ont tous reçu les clés de leur appartement, mais les désordres et inexécutions demeurent s’agissant tant des parties communes que des parties privatives » (cf. pièce de Maître YURTMAN, page 3).
A ces faits, de nature à établir la réception des travaux par les copropriétaires, il y a lieu d’ajouter qu’au vu des développements qui précèdent, aucun défaut d’achèvement ou vice concret subsistant actuellement et imputable à SOCIETE2.) n’a été démontré par SOCIETE1.). Le fait qu’SOCIETE2.) ait formulé une offre pour « le raccordement des caves » n’étant pas suffisant à cet égard.
Au vu de l’ensemble de ces considérations, la Cour retient que c’est à juste titre que le tribunal a dit que SOCIETE1.) devait libérer les montants retenus sur les différentes factures réclamées.
Il y a dès lors lieu de confirmer, quoique pour d’autres motifs, le jugement entrepris en ce qu’il a fait droit à la demande pour le paiement du montant en principal de 50.938,33 euros, augmenté des intérêts légaux à partir de la mise en demeure du 3 juin 2021, jusqu’à solde. » En condamnant ainsi SOCIETE1.) à payer à SOCIETE2.) les montants retenus à titre de garantie après avoir constaté que les conditions de libération des retenues étaient remplies, l’arrêt dont pourvoi a tenu compte des engagements contractuels des parties et n’a pas violé l’article 1134 du Code civil.
Le moyen manque en fait, sinon n’est pas fondé.
Subsidiairement :
Sous le couvert de la violation de la disposition visée, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation par les juges du fond des éléments de preuve leur soumis concernant la réalisation des conditions permettant la libération des retenues de garantie. Cette appréciation est souveraine et échappe au contrôle de votre Cour.
Le moyen ne saurait être accueilli.
Sur le deuxième moyen de cassation Le deuxième moyen est tiré de la violation, sinon mauvaise application, sinon mauvaise interprétation de l’article 1315 du Code civil, pris ensemble avec l’article 109 du Code de commerce, en ce que l’arrêt attaqué a retenu que SOCIETE2.) avait apporté la preuve requise par application de l’article 1315 du Code civil, sur base d’une présomption, respectivement sur base du principe de la correspondance acceptée, tirée des termes de l’article 109 du Code de commerce, pour confirmer le jugement entrepris et prononcer la condamnation de SOCIETE1.) au paiement des montants réclamés, alors que les travaux effectués par SOCIETE2.) souffraient de vices, malfaçons et non-façons faisant obstacle à toute libération et qu’aucune preuve n’avait été apportée par SOCIETE2.) pour prouver qu’elle avait répondu à ses obligations contractuelles.
Le moyen ne précise pas contre quelle partie de la décision entreprise il est dirigé et il n’indique pas quelles sont les conclusions dont l’adjudication est demandée. S’y ajoute que le moyen est tiré de la violation de l’article 1315 du Code civil relatif à la charge de la preuve, pris ensemble avec l’article 109 du Code de commerce, en vertu duquel l’acceptation de la facture engendre une présomption de l’homme de l’existence de la créance alléguée, et qui a partant trait à un mode de preuve particulier. Le moyen met donc en œuvre deux cas d’ouverture différents.
Le moyen est irrecevable pour ne pas répondre aux exigences de l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.
Subsidiairement :
A supposer que les deux dispositions légales soient invoquées à l’appui d’un même grief et que le moyen soit recevable, il convient de considérer que le moyen reproche à l’arrêt entrepris d’avoir retenu que la demande en libération des retenues de garantie était fondée et que la réception des travaux était établie. La demanderesse en cassation fait valoir qu’aucune preuve établissant une réception, fût-elle tacite, n’aurait été rapportée. La Cour d’appel aurait retenu à tort que le principe de la correspondance acceptée aurait été suffisant pour valoir preuve alors que les éléments apportés en cause auraient permis de faire obstacle à la demande (expertise, absence de réception, défaut d’assurance).
Sous le couvert de la violation des dispositions visées, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation par les juges du fond des éléments de preuve leur soumis concernant la réalisation des conditions permettant la libération des retenues de garantie. Cette appréciation est souveraine et échappe au contrôle de votre Cour.
Le moyen ne saurait être accueilli.
Sur le troisième moyen de cassation :
Le troisième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon mauvaise application, sinon mauvaise interprétation de l’article 1315 du Code civil, pris ensemble avec l’article 1353 du Code civil, en ce que l’arrêt attaqué a retenu que SOCIETE2.) avait apporté la preuve requise par application de l’article 1315 du Code civil, sur base d’une présomption, pour confirmer le jugement entrepris et prononcer la condamnation de SOCIETE1.) au paiement des montants réclamés, alors que les travaux effectués par SOCIETE2.) souffraient de vices, malfaçons et non-
façons faisant obstacle à toute libération des retenues de garantie et qu’aucune preuve n’avait été apportée par SOCIETE2.) pour prouver qu’elle avait répondu à ses obligations contractuelles.
Le moyen ne précise pas contre quelle partie de la décision entreprise il est dirigé et il n’indique pas quelles sont les conclusions dont l’adjudication est demandée. S’y ajoute que le moyen est tiré de la violation de l’article 1315 du Code civil relatif à la charge de la preuve, pris ensemble avec l’article 1353 du même code, qui régit les présomptions de l’homme et qui est partant relatif à un mode de preuve particulier. Le moyen met donc en œuvre deux cas d’ouverture différents.
Le moyen est irrecevable pour ne pas répondre aux exigences de l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.
Subsidiairement :
A supposer que les deux dispositions légales soient invoquées à l’appui d’un même grief et que le moyen soit recevable, il convient de considérer que le moyen reproche à l’arrêt entrepris d’avoir déclaré la demande en libération des retenues de garantie fondée en retenant qu’une réception des travaux était établie sur la base d’une présomption, alors qu’une preuve littérale aurait été requise.
L’article 1353 du Code civile dispose :
« Les présomptions qui ne sont point établies par la loi, sont abandonnées aux lumières et à la prudence du magistrat, qui ne doit admettre que des présomptions graves, précises et concordantes, et dans les cas seulement où la loi admet les preuves testimoniales, à moins que l'acte ne soit attaqué pour cause de fraude ou de dol. » Dans la discussion du moyen, la demanderesse en cassation cite encore l’article 1341 du Code civil2, aux termes duquel la preuve testimoniale n’est possible que pour les actes juridiques dont la valeur n’excède pas 2.500.- €, et elle critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a retenu que la preuve concernant la réalisation des conditions permettant la libération des retenues de garantie pouvait être apportée par voie de présomptions, alors que seule la preuve littérale aurait été admissible.
Toutefois il ressort clairement de l’exposé du moyen et de la conclusion finale de la discussion du moyen que celui-ci est tiré de la seule violation de l’article 1315 du Code civil, pris ensemble avec l’article 1353 du même code. Le moyen, tel que présenté, est inopérant.
2 Article 1341 du Code civil : « Il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de tous actes juridiques portant sur une somme ou valeur excédant celle qui est fixée par règlement grand-ducal, même pour dépôts volontaires, et il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur moindre. » Subsidiairement :
A supposer que le moyen soit à interpréter comme étant tiré de la violation de l’article 1315 du Code civil, pris ensemble avec les articles 1353 et 1341 du même code, il y a lieu de relever que l’arrêt attaqué a retenu par des motifs non critiqués par le moyen que :
« La réception se définit comme l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserve. Il est admis de manière générale que la réception de l’ouvrage peut être expresse ou tacite. Dans ce dernier cas, elle suppose l’existence d’une volonté non équivoque du maître de recevoir l’ouvrage. » La réception de l’ouvrage est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage, avec ou sans réserves. Si la réception est généralement expresse, notamment lorsqu’est rédigé un procès-verbal décrivant les travaux exécutés et précisant les éventuelles réserves, elle peut également être tacite lorsqu’elle découle d’un ensemble de circonstances manifestant de façon univoque la volonté du maître de recevoir l’ouvrage3.
La réception tacite, qui n’est pas prévue par les textes, a été créée par la jurisprudence afin de répondre à la situation pratique dans laquelle aucune réception expresse n’a été réalisée.
L’appréciation de la réception tacite relève du pouvoir souverain des juges du fond, lesquels recherchent si la volonté non équivoque du maître d’ouvrage de recevoir l’ouvrage est établie. La Cour de cassation française a dégagé des règles d’appréciation faisant présumer cette volonté lorsque les deux critères suivants sont réunis : la prise de possession de l’ouvrage et le paiement de l’intégralité des travaux.
Cette position pérenne peut être illustrée par plusieurs décisions récentes rendues par la Cour de cassation française:
- Par un arrêt du 24 novembre 2016, la Cour a considéré que la volonté non équivoque du maître d’ouvrage devait être présumée dès lors qu’il avait pris possession des lieux et qu’aucune somme ne lui était plus réclamée au titre des travaux. Elle a censuré la décision d’appel ayant exclu la réception tacite au motif que le maître d’ouvrage avait fait établir un constat d’huissier révélant d’importantes malfaçons.4 - Par un arrêt du 18 mai 2017, elle a également estimé que la réception tacite devait être présumée après avoir relevé que le maître d’ouvrage avait pris possession de son appartement et payé le montant des travaux effectués. Elle a cassé l’arrêt d’appel ayant écarté la réception tacite au motif que les travaux n’étaient pas achevés (le marché ayant été résilié par anticipation) lors de la prise de possession5 - Par un arrêt du 18 avril 2019, aux termes d’un considérant de principe, la Cour a rappelé « qu’en vertu de ce texte [l’article 1792-6 du Code civil], la prise de possession de l’ouvrage et le paiement des travaux font présumer la volonté non équivoque de le recevoir avec ou sans réserves ». Elle a censuré la décision d’appel 3 Cass. 3e civ., 13 juillet 2017, n°16-19.438, publié au bulletin ; Cass. 3e civ., n° 01-03851, inédit 4 Cass. 3ème civ., 24 novembre 2016, n°15-25.415, publié 5 Cass. 3ème civ., 18 mai 2017, n°16-11.260, publié ayant subordonné la réception tacite à la démonstration de la volonté du maître d’ouvrage de réceptionner sans réserves.6 Il découle de ce qui précède que, si la réception expresse peut s’analyser comme un acte juridique, la réception tacite repose sur des faits juridiques. A ce titre, la preuve de la réception tacite n’est pas régie par l’article 1341 du Code civil et échappe à l’obligation d’une preuve littérale.
L’arrêt dont pourvoi ne s’est pas fondé et n’avait pas à se fonder sur l’article 1341 du Code civil. En retenant que la charge de la preuve incombait à SOCIETE2.) et que cette preuve pouvait être rapportée moyennant la présomption prévue à l’article 109 du Code de commerce, l’arrêt attaqué n’a pas violé les articles 1315 et 1353 du Code civil.
Le moyen n’est pas fondé.
Conclusion Le pourvoi est recevable mais non fondé.
Pour le Procureur Général d’Etat, Le procureur général d’Etat adjoint Marie-Jeanne Kappweiler 6 Cass. 3ème civ., 18 avril 2019, n°18-13.734, publié 18