N° 73 / 2025 pénal du 24.04.2025 Not. 6264/18/CD Numéro CAS-2024-00121 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-quatre avril deux mille vingt-cinq, sur le pourvoi de PERSONNE1.), née le DATE1.) à ADRESSE1.) (France), demeurant à L-
ADRESSE2.), prévenue et défenderesse au civil, demanderesse en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée Etude SADLER, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Noémie SADLER, avocat à la Cour, en présence du Ministère public et de 1) PERSONNE2.), demeurant à L-ADRESSE3.), 2) PERSONNE3.), demeurant à F-ADRESSE4.), 3) Maître Nicolas BERNARDY, avocat à la Cour, demeurant professionnellement à L-ADRESSE5.), pris en sa qualité de curateur de la faillite de la société anonyme SOCIETE1.), avec siège social à L-ADRESSE6.), inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), déclarée en état de faillite par jugement numéro 2019TALCH02/01850 du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 6 décembre 2019, 4) PERSONNE4.), demeurant à F-ADRESSE7.), 5) PERSONNE5.), demeurant à F-ADRESSE7.), 6) Maître Maïka SKOROCHOD, avocat à la Cour, demeurant professionnellement à L-ADRESSE8.), prise en sa qualité de curateur de la faillite de la société anonyme SOCIETE2.), avec siège social à L-ADRESSE6.), inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO2.), déclarée en état de faillite par jugement numéro 2019TALCH02/00461 du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 8 mars 2019, demandeurs au civil, défendeurs en cassation, l’arrêt qui suit :
Vu l’arrêt attaqué rendu le 9 juillet 2024 sous le numéro 35/24 V. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, chambre criminelle ;
Vu le pourvoi en cassation au pénal et au civil formé par Maître Elise ORBAN, avocat à la Cour, en remplacement de Maître Noémie SADLER, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, au nom de PERSONNE1.), suivant déclaration du 9 août 2024 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 4 septembre 2024 par PERSONNE1.) à PERSONNE2.), à PERSONNE3.), à Maître Nicolas BERNARDY, agissant en sa qualité de curateur de la faillite de la société anonyme SOCIETE1.), à PERSONNE4.), à PERSONNE5.) et à Maître Maïka SKOROCHOD, agissant en sa qualité de curateur de la faillite de la société anonyme SOCIETE2.) (ci-après « la société SOCIETE2.) »), déposé le 9 septembre 2024 au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions du premier avocat général Marc SCHILTZ ;
Entendu Maître Noémie SADLER en ses plaidoiries et Monsieur Serge WAGNER, procureur général d’Etat adjoint, en ses conclusions.
Sur la recevabilité Selon l’article 43, alinéa 3, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation (ci-après « la loi du 18 février 1885 »), le mémoire du défendeur au civil devra, à peine de déchéance, être signifié à la partie civile avant d’être déposé.
Il résulte des actes de procédure auxquels la Cour peut avoir égard que le mémoire en cassation, qui est exclusivement dirigé contre les dispositions pénales de l’arrêt attaqué, n’a été signifié qu’à six des cent vingt-deux parties civiles.
La déchéance de l’article 43, alinéa 3, de la loi du 18 février 1885 n’est encourue que pour la partie du recours visant les dispositions civiles de la décision entreprise, le pourvoi étant, quant aux condamnations prononcées au pénal, soumis aux règles régissant le recours de la prévenue.
Il s’ensuit que le pourvoi en cassation au pénal est recevable pour avoir été introduit dans les forme et délai de la loi du 18 février 1885.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, la chambre criminelle du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait condamné la demanderesse en cassation du chef de faux et d’usage de faux, de fausse déclaration de créance, d’escroquerie à subvention, de recel, de blanchiment-conversion et de blanchiment-détention à une peine d’emprisonnement assortie d’un sursis partiel et à une amende.
La Cour d’appel a, par réformation partielle, réduit l’amende prononcée et a confirmé le jugement pour le surplus.
Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Pour violation, sinon fausse application, sinon fausse interprétation de l’article 6, paragraphe 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme en ce que l’arrêt attaqué a retenu que la dame PERSONNE1.) a occupé un poste fictif au sein de la société SOCIETE2.), tout en estimant que la dame PERSONNE1.) aurait dû être au courant que les revenus de son mari ne proviennent pas de sources licites, appréciant ainsi les preuves et indices de manière impartiale.
Aux motifs que : Encore à l’audience de la Cour, à part de fournir un exemple de traitement d’un dossier, PERSONNE1.) est restée évasive quant à son travail. La seule intervention constatée est l’engagement des femmes de ménage pour l’entreprise mais essentiellement pour leur domicile familial. Elle donnait les instructions aux femmes de ménage à leur domicile, les surveillait de même que leur jardinier privé. Elle ne disposait pas de bureau dans les locaux de l’entreprise et ignorait les activités précises de son mari. Sa prestation de travail prétendument par "télétravail" ne s’est pas confirmée lors de l’enquête puisque sa boîte mail ne renseignait pas de nombre suffisant de messages en relation avec son travail.
Cependant la boîte de messagerie de son téléphone portable contenait des messages quotidiens personnels et sans lien avec ses fonctions mais tout au plus en lien avec la qualité de travail des employés de maison et les paiements de salaires.
Son mari déclare au cours de son interrogatoire devant les enquêteurs du 5 février 2019 (cote B 20) que son épouse ne viendrait quasiment jamais au bureau et 3 qu’il préférerait lui payer un salaire que de la faire enregistrer comme chômeur, déclaration répétée d’ailleurs par la concernée elle-même par-devant la police.
Elle-même admettait ne pas avoir travaillé pour la société SOCIETE2.) mais aurait continué à se voir payer un salaire qu’elle aurait pensé constituer les salaires impayés par son ancien employeur la société SOCIETE3.), une autre société dirigée par PERSONNE6.).
Le caractère fictif de son contrat de travail est confirmé par les salariés "réels" travaillant quotidiennement au siège social de la société SOCIETE2.), les informaticiens PERSONNE7.) et PERSONNE8.) et la femme de ménage PERSONNE9.), lors de leurs interrogatoires par les enquêteurs.
Ni PERSONNE10.) ni PERSONNE11.) n’ont rencontré PERSONNE1.) dans les locaux de la société.
La femme de ménage PERSONNE12.) reconnaît avoir été engagée par PERSONNE1.), mais affirme qu’elle aurait travaillé au domicile privé des époux GROUPE1.).
La secrétaire de direction PERSONNE13.) a déclaré que PERSONNE1.) occuperait officiellement le poste des "ressources humaines", mais qu’elle n’aurait été que très rarement au bureau. Elle aurait effectué le travail de secrétariat et aurait effectué le recrutement et la gestion du personnel A part son contrat de travail et l’avenant, le dossier ne renseigne aucune correspondance, aucun document, contrat ou des courriers établis par elle ou signés par elle en sa qualité de directrice des ressources humaines. Le tribunal est dès lors à confirmer dans sa conclusion lorsqu’il retient que "le travail effectué par PERSONNE1.) au sein de SOCIETE2.) ne correspondrait pas à un poste de directrice des ressources humaines à temps plein ; elle n’avait ni les qualifications, ni la charge de travail justifiant un poste à temps plein, l’ensemble des témoins ont déclaré qu’elle s’occupait exclusivement du recrutement des femmes de ménages du domicile familial, d’autant plus qu’elle a avoué lors de son interrogatoire de Police du 7 février 2019 de recevoir un salaire de SOCIETE2.), sans fournir de services en contrepartie" ».
Et que d’un faisceau d’indices permettant de retenir que le prévenu ne pouvait ignorer l’existence frauduleuse, respectivement devait nécessairement connaître l’origine frauduleuse. Comme il a été exposé ci-dessus sub 1), en présence d’un contrat de travail fictif et en l’absence de toute activité économique ou financière de la société SOCIETE2.), les prévenus ne pouvaient ignorer que l’argent leur remis sous forme d’avantages en natures ne constituait en fait que les sommes déposées par les investisseurs, détournées par PERSONNE6.) à leur profit. Aucune activité ou autre source qui aurait pu générer un bénéfice ou même seulement un chiffre d’affaires, n’a existé et les prévenus, titulaires de contrats de travail fictifs, en étaient conscients et étaient un maillon dans la dissipation des avoirs de la société SOCIETE2.).
4 L’infraction de blanchiment par détention et usage est encore à retenir par confirmation du jugement entrepris. » Alors que :
Il est de jurisprudence constante devant les prétoires de la Cour Européenne des Droits de l’Homme que .
Dès lors, afin d’asseoir si la dame PERSONNE1.) a pu bénéficier d’un procès équitable, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des appréciations faites et justifications émises par les juridictions luxembourgeoises, et ce tout au long de la procédure.
Force est de constater que les indices et éléments de preuve ont été appréciés de manière hautement impartiale et a ainsi contrevenu au droit à un procès équitable de la dame PERSONNE1.).
En effet, il ressort de l’arrêt attaqué que la Cour d’appel considère que la dame PERSONNE1.) n’a pas presté de relation de travail pour le compte de la société SOCIETE2.), notamment parce qu’elle en ignorait le fonctionnement exact et parce qu’elle n’était que rarement présente aux bureaux.
Or, la Cour d’appel considère également que la dame PERSONNE1.) ne pouvait ignorer que le sieur PERSONNE6.) était engagé dans des activités frauduleuses et ce à cause de son contrat de travail fictif.
Ce raisonnement est contradictoire alors que, si la dame PERSONNE1.) n’avait aucune connaissance du fonctionnement de l’entreprise du sieur PERSONNE6.), il est impossible pour elle de savoir que l’entreprise est engagée dans des activités frauduleuses.
Il ne ressort aucunement de l’arrêt attaquée comment une personne n’ayant jamais travaillé pour une entreprise pourrait savoir si cette entreprise fait du bénéfice réel ou du bénéfice fictif et si ledit bénéfice provient d’une source légale ou illégale.
De plus, la Cour d’appel cite la dame PERSONNE10.) et le sieur PERSONNE11.) comme témoins ayant pu observer si la dame PERSONNE1.) travaillait réellement dans l’entreprise. Or, dans la mesure où le Cour considère que les deux coprévenus ont aussi occupé un poste de travail fictif et qu’ils n’étaient pas présents dans les locaux de l’entreprise SOCIETE2.), la Cour ne peut les citer comme source pour ce qui est de la présence de la dame PERSONNE1.) au bureau.
Il ressort de l’arrêt attaqué que la Cour d’appel considère que tous les témoins affirmaient que la dame PERSONNE1.) n’était jamais présente au bureau.
Or, la dame PERSONNE13.) a bien déclaré que la dame PERSONNE1.) venait parfois au bureau. Le raisonnement de la Cour d’appel est donc contradictoire à cet égard.
5 Les indices récoltés au fil de l’enquête ont donc été appréciés de manière impartiale par la Cour, ne respectant ainsi pas le droit à un procès équitable de la dame PERSONNE1.).
Partant, il y a lieu de retenir qu’en statuant de la sorte, la Cour d’appel a violé les dispositions susmentionnées. ».
Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé son droit à un procès équitable en ayant rejeté ses moyens de défense par des motifs contradictoires.
Le grief tiré de la contradiction de motifs, équivalant à un défaut de motifs, ne peut être retenu que si les motifs incriminés sont contradictoires à un point tel qu’ils se détruisent et s’annihilent réciproquement, aucun ne pouvant être retenu comme fondement de la décision.
En retenant, d’une part, que la prévenue n’avait pas « travaillé sérieusement » pour la société SOCIETE2.) de feu son mari PERSONNE6.) et était liée par un contrat de travail fictif à celle-ci et, en en déduisant, d’autre part, qu’elle ne pouvait ignorer que feu son mari commettait un abus de biens sociaux en lui versant un salaire pour des prestations non fournies, les biens sociaux de la société SOCIETE2.) provenant eux-mêmes, en l’absence de toute activité commerciale de celle-ci, des « sommes déposées par les investisseurs, détournées par PERSONNE6.) à leur profit », les juges d’appel ne se sont pas contredits.
Le moyen manque pour le surplus en fait en ce qu’il ne résulte pas de l’arrêt attaqué que les juges d’appel aient retenu que tous les témoins auraient affirmé que la demanderesse en cassation n’était jamais présente « au bureau ».
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Pour violation, sinon fausse application, sinon fausse interprétation des articles 196 et 197 du Code de procédure pénale luxembourgeois.
Première branche en ce que l’arrêt attaqué a retenu que la dame PERSONNE1.) a avoué avoir occupé un poste fictif au sein de la société SOCIETE2.), sans que la Cour n’ait pris position sur la contestation de la dame PERSONNE1.) sur cet aveu, effectuant ainsi un renversement de la charge de la preuve.
6 Au motif que : Dès lors que les prévenus reviennent sur leurs propres déclarations premières et contestent les dépositions des témoins et les éléments que l’enquête a dégagée, il leur appartient de fournir un élément concret pour établir leurs allégations nouvelles, respectivement d’expliquer leurs aveux "erronés".
Pour renvoyer la charge de la preuve à la partie poursuivante, les prévenus doivent invoquer au moins des éléments quelques soit peu vérifiables étayant leurs nouvelles allégations et justifiant les dénégations des dépostions des autres personnes entendues.
Il incomberait ensuite au Ministère Public d’établir l’inexactitude de ces affirmations nouvelles.
La Cour considère que l’on ne saurait retenir en l’espèce un renversement de la charge de la preuve, si après avoir admis la fictivité de leur contrat de travail, confirmée par les témoins entendus, les prévenus entendent dans un stade ultérieur de l’instruction judiciaire contester, rétracter ou nuancer leurs déclarations premières. » Alors que : La mandataire de la dame PERSONNE1.) a amplement pris position sur l’aveu retenu par les juges de première instance.
En effet, la mandataire de la dame PERSONNE1.) invoquait, dans ses conclusions en appel et à la barre, que les aveux retenus par les premiers juges reposaient sur une qualification subjective des faits.
La dame PERSONNE1.) n’aurait ainsi nullement avoué au juge d’instruction avoir occupé un poste de travail fictif, mais plutôt exprimé sa gratitude envers son mari, qui lui a évité de devoir demander à toucher le chômage.
De même, l’enregistrement de l’appel entre la dame PERSONNE1.) et le sieur PERSONNE6.) était postérieur au refus de la curatrice de la société SOCIETE2.) d’accepter le contrat de travail de la dame PERSONNE1.) comme prouvant une créance envers la société. De cette manière, il est plus que raisonnable pour la dame PERSONNE1.) de craindre que l’infraction du contrat de travail fictif lui soit reprochée.
La Cour d’appel a omis de répondre à cette argumentation de la dame PERSONNE1.) en appel, de sorte qu’un renversement de la charge de la preuve a été effectué.
Il aurait incombé à la Cour d’appel d’analyser si les conclusions en appel de la dame PERSONNE1.) sont à qualifier d’élément concret.
En supposant l’aveu de la dame PERSONNE1.), sans se pencher plus en détail sur les explications de la dame PERSONNE1.) sur ses dires, la Cour d’appel a renversé la charge de la preuve pesant sur le Ministère Public.
Partant, il y a lieu de retenir qu’en statuant de la sorte, la Cour d’appel a violé les dispositions susmentionnées.
7 Deuxième branche en ce que la Cour d’appel a retenu que l’intention frauduleuse fut établi au moment de la signature du contrat de travail, sans que le Ministère Public en ait apporté la preuve, effectuant ainsi un renversement de la charge de la preuve.
Au motif que prévenus, sans aucune qualification en la matière financière des emprunts obligataires et dans le commerce et du taillage de diamants, ont, à dessein, agi dès le départ, de concert avec PERSONNE6.), dans l’intention de se procurer un avantage constitué par leurs salaires et avantages en nature les plus diverses y couplés. » Alors que Il ne se dégage pas de l’arrêt attaqué à quelles preuves du Ministère Public la Cour d’appel entend se référer afin de conclure à une intention frauduleuse des prévenus au moment de la signature de leur contrat de travail.
Or, il est de jurisprudence constante que Le Ministère public doit donc rapporter la preuve que tous les prévenus étaient, en date du 24 avril 202 déjà, au moment où ils ont donné leur accord de principe pour un contrat de travail à durée déterminée de 7 mois, de mauvaise foi et que toute l’opération était dès le départ, ipso facto frauduleuse. Ceci n’est cependant pas établi à charge des prévenus à l’exclusion de tout doute. » La mandataire de la dame PERSONNE1.) a insisté sur ce fait dans les conclusions en appel aussi bien qu’à la barre.
La mandataire a également avancé plusieurs arguments susceptibles de démontrer que la dame PERSONNE1.) n’avait pas d’intention frauduleuse au moment de conclure son contrat de travail Force est de constater que la Ministère Public n’a rapporté aucune preuve quant à l’intention de la dame PERSONNE1.) de conclure un contrat de travail fictif avec la société SOCIETE2.).
Force est également de constater que la Cour d’appel n’a pas pris position sur l’argumentation de la mandataire de la dame PERSONNE1.) quant à son expérience professionnelle, sa relation avec le sieur PERSONNE6.) et ses déclarations devant le juge d’instruction.
Partant, il y a lieu de retenir qu’en statuant de la sorte, la Cour d’appel a violé les dispositions susmentionnées. ».
8 Réponse de la Cour Sur les deux branches du moyen réunies Les articles 196 et 197 du Code pénal relatifs au faux et à l’usage de faux, visés dans la discussion du moyen, sont étrangers au grief invoqué, en ce que la demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir répondu à son argumentation, renversant ainsi la charge de la preuve, tant en ce qui concerne la preuve du caractère fictif du contrat de travail (première branche), qu’en ce qui concerne l’intention frauduleuse de conclure celui-ci (seconde branche). Le grief s’analyse partant comme un défaut de réponse à conclusions, équivalant à un défaut de motifs.
Une décision judiciaire est régulière en la forme, dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.
En retenant « La défense plaide que le tribunal aurait opéré un renversement de la charge de la preuve en présumant l’existence d’une fraude et aurait fait peser sur les prévenus la charge de la preuve de l’existence d’une prestation effective et réelle de travail.
Interrogé quant aux prestations de travail concrètes dans le cadre de l’enquête dirigée contre lui, PERSONNE6.) a admis que ses personnes proches, à savoir son épouse, sa maîtresse et un ami de longue date auraient été engagés en tant que , de et de pour la forme afin de leur garantir un salaire.
Sur question par les enquêteurs quant à la nature de leur travail, PERSONNE1.) répond qu’elle aurait eu la charge du recrutement des femmes de ménage pour la société SOCIETE2.), de ne pas avoir eu de poste de travail au siège social de la société SOCIETE2.) et d’avoir exécuté les à partir de son domicile. Depuis un certain temps, elle n’aurait exécuté toutefois plus aucune tâche pour son employeur et a déclaré ne pas savoir exactement en quoi consiste l’activité de SOCIETE2.), auprès de laquelle elle était cependant embauchée depuis plusieurs années. » et « Les premiers éléments de l’enquête établissant que PERSONNE6.) n’investissait pas les fonds lui confiés dans l’acquisition de diamants bruts, mais les dépensait à pleines mains, avaient été confirmés par les aveux des prévenus, par les dépositions d’PERSONNE6.) lui-même, dirigeant de droit et de fait de la société SOCIETE2.), et par les déclarations concordantes des salariés de la société, quant à la défaillance des prévenus amis proches de PERSONNE6.) au siège de la société.
Vu que les bénéficiaires étaient de la famille de leur employeur ou ses amis, les employés ainsi que les apporteurs d’affaires étrangers ne s’en sont pas occupés, 9 aussi longtemps que leurs salaires respectivement leurs commissions avaient été payées.
Puis les inculpés ont nuancé respectivement contesté leurs déclarations premières.
L’instruction judiciaire qui n’a pas pu établir aucune activité d’achat de diamants bruts, n’a pu dégager aucune trace d’un commerce de diamants ou de facture quant au découpage et à la taille de diamants bruts ou d’un autre investissement financier des fonds collectés auprès des investisseurs.
Le ministère public a dès lors dans les limites des possibilités, apporté la preuve du fait négatif qu’aucun travail effectif presté aux conditions des stipulations tels que prévues dans les contrats de travail respectifs n’a été fourni.
Dès lors que les prévenus reviennent sur leurs propres déclarations premières et contestent les dépositions des témoins et les éléments que l’enquête a dégagée, il leur appartient de fournir un élément concret pour établir leurs allégations nouvelles, respectivement d’expliquer leurs aveux .
Pour renvoyer la charge de la preuve à la partie poursuivante, les prévenus doivent invoquer au moins des éléments quelques soit peu vérifiables étayant leurs nouvelles allégations et justifiant les dénégations des dépostions des autres personnes entendues.
Il incomberait ensuite au Ministère Public d’établir l’inexactitude de ces affirmations nouvelles.
La Cour considère que l’on ne saurait retenir en l’espèce un renversement de la charge de la preuve, si après avoir admis la fictivité de leur contrat de travail, confirmée par les témoins entendus, les prévenus entendent dans un stade ultérieur de l’instruction judiciaire contester, rétracter ou nuancer leurs déclarations premières.
En l’espèce, les prévenus affirment actuellement avoir travaillé effectivement pour la société SOCIETE2.), mais ne fournissent aucun élément concret qui aurait pu renvoyer la charge de la preuve à la partie poursuivante, sauf à retirer leurs premiers aveux, contredire leurs premières déclarations et les nuançant, contredire les dépositions d’PERSONNE6.) et celles des salariés de l’entreprise.
Le tribunal n’a dès lors pas opéré un renversement de la charge de la preuve pouvant vicier la procédure en retenant que les prévenus devraient fournir la preuve de leurs allégations. » et « Encore à l’audience de la Cour, à part de fournir un exemple de traitement d’un dossier, PERSONNE1.) est restée évasive quant à son travail. La seule intervention constatée est l’engagement des femmes de ménage pour l’entreprise 10 mais essentiellement pour leur domicile familial. Elle donnait les instructions aux femmes de ménage à leur domicile, les surveillait de même que leur jardinier privé.
Elle ne disposait pas de bureau dans les locaux de l’entreprise et ignorait les activités précises de son mari. Sa prestation de travail prétendument par ne s’est pas confirmée lors de l’enquête puisque sa boîte mail ne renseignait pas de nombre suffisant de messages en relation avec son travail.
Cependant la boîte de messagerie de son téléphone portable contenait des messages quotidiens personnels et sans lien avec ses fonctions mais tout au plus en lien avec la qualité de travail des employés de maison et les paiements de salaires.
Son mari déclare au cours de son interrogatoire devant les enquêteurs du 5 février 2019 (cote B 20) que son épouse ne viendrait quasiment jamais au bureau et qu’il préférerait lui payer un salaire que de la faire enregistrer comme chômeur, déclaration répétée d’ailleurs par la concernée elle-même par-devant la police.
Elle-même admettait ne pas avoir travaillé pour la société SOCIETE2.) mais aurait continué à se voir payer un salaire qu’elle aurait pensé constituer les salaires impayés par son ancien employeur la société SOCIETE3.), une autre société dirigée par PERSONNE6.).
Le caractère fictif de son contrat de travail est confirmé par les salariés travaillant quotidiennement au siège social de la société SOCIETE2.), les informaticiens PERSONNE7.) et PERSONNE8.) et la femme de ménage PERSONNE9.), lors de leurs interrogatoires par les enquêteurs.
Ni PERSONNE10.) ni PERSONNE11.) n’ont rencontré PERSONNE1.) dans les locaux de la société.
La femme de ménage PERSONNE12.) reconnaît avoir été engagée par PERSONNE1.), mais affirme qu’elle aurait travaillé au domicile privé des époux GROUPE1.).
La secrétaire de direction PERSONNE13.) a déclaré que PERSONNE1.) occuperait officiellement le poste des , mais qu’elle n’aurait été que très rarement au bureau. Elle aurait effectué le travail de secrétariat et aurait effectué le recrutement et la gestion du personnel.
A part son contrat de travail et l’avenant, le dossier ne renseigne aucune correspondance, aucun document, contrat ou des courriers établis par elle ou signés par elle en sa qualité de directrice des ressources humaines.
Le tribunal est dès lors à confirmer dans sa conclusion lorsqu’il retient que 11 interrogatoire de Police du 7 février 2019 de recevoir un salaire de SOCIETE2.), sans fournir de services en contrepartie ». (…) L’instruction n’a fait découvrir aucun élément permettant de conclure ou même de supposer que l’un des trois prévenus ait sérieusement travaillé selon les conditions de son contrat de travail, qui, tel qu’il résulte des éléments du dossier consistait dès le départ en un accordé par PERSONNE6.) à ses proches pour leur garantir un revenu stable, un statut et une couverture de sécurité sociale.
En vertu de la libre appréciation des preuves appliquées en matière pénale, les juges apprécient souverainement la sincérité d’un aveu fait par un prévenu au cours de l’instruction préparatoire, même quand cet aveu a été ultérieurement rétracté par son auteur devant le tribunal. En matière répressive, l’aveu peut en effet toujours être rétracté par son auteur, contrairement au droit civil, le principe de l’intime conviction laissant le juge libre d’apprécier la valeur de la rétractation comme la portée de l’aveu lui-même (Merle et Vitu, Traité de Droit Criminel, T II n° 976).
L’aveu, malgré sa rétractation, doit être retenu par les juges du fond lorsqu’il se trouve corroboré par d’autres constatations matérielles (Encyclopédie Dalloz, v° AVEU, page 5 ; Crim 12 mai 1934, Bull. crim. N°57).
Les trois prévenus faisaient partie du proche entourage de PERSONNE6.) qui a pris la décision de les embaucher sous différentes dénominations, à savoir son épouse PERSONNE1.) à titre de qui a engagé les femmes de ménage, sa maîtresse PERSONNE10.) en tant que qui a amené pendant la durée de 3 ans, 5 investisseurs potentiels et un ami de longue date PERSONNE11.) comme pour l’accompagner en ses déplacements en Chine et Anvers et veiller à ce que son épouse et sa maîtresse ne se rencontrent pas.
En l’espèce, l’altération de la vérité consiste en ce qu’aucun des trois prévenus n’ait eu l’intention d’exécuter son contrat de travail et les tâches lui assigné tel que stipulé, soit 40 heures par semaine au siège de l’entreprise, sinon en déplacement professionnel.
La défense considère en dernier lieu que, le cas échéant, l’intention frauduleuse n’aurait pas été au moment où ils auraient signé le contrat, mais serait survenue tout au plus en cours d’exécution du contrat de travail, à partir du moment où ils auraient été moins sollicités. Comme l’intention frauduleuse s’apprécierait au moment de la rédaction de l’écrit argué de faux, l’infraction ne serait pas caractérisée.
L’intention frauduleuse est constituée en l’espèce vu que les prévenus, sans aucune qualification en la matière financière des emprunts obligataires et dans le commerce et du taillage de diamants, ont, à dessein, agi dès le départ, de concert avec PERSONNE6.), dans l’intention de se procurer un avantage, constitué par leur salaire et les avantages en nature les plus diverses y couplés. », les juges d’appel ont répondu aux conclusions de la demanderesse en cassation sur les points considérés.
Il s’ensuit que le moyen, pris en ses deux branches, n’est pas fondé.
Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Pour violation, sinon fausse application, sinon fausse interprétation de l’article 6, paragraphe 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, combiné avec l’article 14 (1) de la Convention Européenne des Droits de l’Homme en ce que l’arrêt attaqué a retenu que la peine d’emprisonnement de 3 ans, dont 18 avec sursis prononcée à l’encontre de la dame PERSONNE1.) est proportionnelle, alors que les coprévenus ont été condamnés, pour des faits similaires, à des peines moins fortes, sans que cette peine plus sévère n’ait été spécialement motivée par la Cour d’Appel.
Aux motifs que :
En ce qui concerne PERSONNE1.), la Cour prend en compte dans la fixation du quantum de la peine, à l’instar des juges de première instance, son attitude en ce que jusqu’en instance d’appel, elle maintient toujours avoir travaillé réellement pour la société SOCIETE2.), avoir mérité son salaire et avoir cru que l’argent et les nombreux avantages lui revenaient de droit.
Il y a lieu de tenir compte également de la période infractionnelle : pendant approximativement trois années PERSONNE1.) a profité des fonds que son époux a détourné au préjudice de la société, dont elle savait que l’objet consistait à collecter des fonds auprès du public aux fins d’investissement et proposaient des placements rentables pour les investisseurs et la sécurisation de leurs économies de toute une vie pour les épargnants » Elle a refusé de collaborer avec les enquêteurs après que les faits ont apparu au fur et à mesure du cours de l’instruction.
Il n’y a pas lieu de perdre de vue, qu’étant mariée au moment des faits à PERSONNE6.) depuis une quinzaine d’années, elle connaissait ses origines et sa formation qui n’était ni celle d’homme d’affaires en investissement ni celle de spécialiste en diamants ou dans le négoce de pierres précieuses et qu’il avait déjà été interpellé dans le cadre d’une affaire de blanchiment de fonds escroqués au préjudice des clients de la banque SOCIETE4.). Leur niveau de vie et dépenses mensuelles étaient complètement disproportionnés avec le seul salaire mensuel de son mari, étant donné qu’il y a lieu de faire abstraction du montant que la société lui a viré, de manière illicite, à titre de salaire.
Il s’ajoute que les fonds ont été détournés de façon systématique au préjudice de la société SOCIETE2.) et n’ont pas servi à payer les dépenses de première 13 nécessité, à rembourser d’urgence un huissier chargé d’une exécution forcée, ni pour « faire le pont » entre deux mois, mais ont exclusivement servi à financer un niveau de vie luxueux hors proportion aux possibilités et revenus réels du ménage.
PERSONNE1.) ne regrette pas véritablement le dommage causé, mais elle continue à considérer qu’elle aurait pu en toute légitimité croire que son mari aurait réussi et aurait fait des bénéfices importants pour financier leur vie faisant complètement abstraction que les fonds appartenaient à la société SOCIETE2.) et ne revenaient pas ménage.
La peine d’emprisonnement de 3 ans est dès lors justifiée, ainsi qu’au vu de ces circonstances, l’octroi de la moitié seulement du sursis.
(…) En ce qui concerne PERSONNE10.), la peine d’emprisonnement de 2 années prononcée à son encontre est également à confirmer par adoption de motifs.
PERSONNE10.) a accepté tous les avantages financiers de la part d’PERSONNE6.) sans avoir presté une contrepartie pour son employeur, la société SOCIETE2.). Les factures de ses voyages privés étaient libellées au nom de la société SOCIETE2.).
Elle se considérait en droit de profiter des largesses de son amant, sachant qu’il détournait les fonds de la société SOCIETE2.), lui-même n’ayant aucune fortune personnelle ni un salaire lui permettant d’offrir les cadeaux, avantages en nature et facilités offerts d’une telle ampleur. Il s’ajoute que lors des voyages dit "d’affaires" elle ne participait pas aux rencontres et négociations.
(…) En ce qui concerne PERSONNE11.), il y a également lieu de confirmer la peine d’emprisonnement prononcée par les juges de première instance pour les motifs développés par les juges de première instance, à savoir du grand nombre d’infractions retenues, de leur caractère méthodique, des sommes et avantages patrimoniaux importants blanchis et recelés et de la période de plus de 3 ans pendant laquelle elles ont été perpétrées. PERSONNE11.) n’est pas en aveu des faits, mais se considère comme victime supplémentaire de PERSONNE6.).
La Cour rajoute qu’il appert de l’arrêt versé par le ministère public 12 juillet 2022 (arrêt 214/22V) que le prévenu connaissait PERSONNE6.) depuis 2010/2011 déjà et ce dans le cadre d’une affaire similaire d’escroquerie à investissement au préjudice de la banque "SOCIETE4.)" et des clients de cette banque. Dans cette affaire il a été condamné du chef de blanchiment de fonds escroqués à une peine d’emprisonnement d’un an ainsi qu’à une amende de 60.000 euros, confirmés en instance d’appel, les faits ayant été commis depuis 2011 à février 2012.
La peine d’emprisonnent de 24 mois est à confirmer ainsi que l’octroi d’un sursis à l’exécution de la moitié de cette peine. » Alors que :
14 Il est de jurisprudence constante devant les prétoires de la Cour Européenne des Droits de l’Homme que le souci principal de la Cour est d’apprécier l’équité globale du procès pénal. Le respect des exigences du procès équitable s’apprécie au cas par cas, à l’aune de la conduite de la procédure dans son ensemble (…) ».
Dès lors, afin de pouvoir déterminer si un procès équitable au sens de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme a été offert à la dame PERSONNE1.), il faut prendre en compte les modalités de fixation de la peine pénale prononcée à son encontre, car une fixation de la peine qui n’est pas conforme au principe d’un procès équitable compromet le procès équitable en tant que tel.
Selon l’article 14 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, ». Dès lors, la dame PERSONNE1.) doit être placée sur un pied d’égalité avec les autres prévenus, alors que la dame PERSONNE10.) et le sieur PERSONNE11.) sont accusés des mêmes infractions pendant la même durée.
Or, la Cour d’appel tient compte, pour ce qui est de la fixation de la peine de la dame PERSONNE1.), de la période continue sur laquelle les infractions ont été commises. Pareille motivation fait complètement défaut quant aux coprévenus, alors que la dame PERSONNE10.) et le sieur PERSONNE11.) sont accusés des mêmes infractions sur la même période temporelle. Dès lors, rien ne justifie la considération de ladite durée pour un des prévenus, en y faisant abstraction pour la fixation du quantum de la peine des autres prévenus.
En dernier lieu, il y a lieu de tenir compte que la Cour d’appel retient, dans le chef de la dame PERSONNE1.), son comportement à la barre et son comportement au fil de l’enquête, élément que la Cour d’appel n’apprécie pas afin de fixer le quantum de la peine des deux coprévenus. Dès lors, la dame PERSONNE1.) est placée dans une situation d’inégalité face aux autres prévenus.
Il ressort des dires de la Cour d’appel que la seule raison pour laquelle pareille distinction est opérée est le fait que la dame PERSONNE1.) était mariée à l’auteur primaire des infractions. Or, ce mariage ne peut être retenu comme circonstance aggravante de la peine à l’encontre de la dame PERSONNE1.), alors que la dame PERSONNE10.) entretenait une relation avec le feu PERSONNE6.) et que le sieur PERSONNE11.) fut son associé de longue date. Pareille discrimination dans l’appréciation des faits d’espèce est injustifiée et viole dès lors le droit de la dame PERSONNE1.) a un procès équitable.
Partant, il y a lieu de retenir qu’en statuant de la sorte, la Cour d’appel a violé les dispositions susmentionnées. ».
15 Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel de l’avoir condamnée à une peine d’emprisonnement plus sévère que les autres coprévenus s’étant trouvés dans une situation similaire, sans motiver cette distinction discriminatoire à son égard.
En retenant « En ce qui concerne PERSONNE1.), la Cour prend en compte dans la fixation du quantum de la peine, à l’instar des juges de première instance, son attitude en ce que jusqu’en instance d’appel, elle maintient toujours avoir travaillé réellement pour la société SOCIETE2.), avoir mérité son salaire et avoir cru que l’argent et les nombreux avantages lui revenaient de droit.
Il y a lieu de tenir compte également de la période infractionnelle : pendant approximativement trois années PERSONNE1.) a profité des fonds que son époux a détourné au préjudice de la société, dont elle savait que l’objet consistait à collecter des fonds auprès du public aux fins d’investissement et proposaient des placements rentables pour les investisseurs et la sécurisation de leurs économies de toute une vie pour les épargnants.
Elle a refusé de collaborer avec les enquêteurs après que les faits ont apparu au fur et à mesure du cours de l’instruction.
Il n’y a pas lieu de perdre de vue, qu’étant mariée au moment des faits à PERSONNE6.) depuis une quinzaine d’années, elle connaissait ses origines et sa formation qui n’était ni celle d’homme d’affaires en investissement ni celle de spécialiste en diamants ou dans le négoce de pierres précieuses et qu’il avait déjà été interpellé dans le cadre d’une affaire de blanchiment de fonds escroqués au préjudice des clients de la banque SOCIETE4.).
Leur niveau de vie et dépenses mensuelles étaient complètement disproportionnés avec le seul salaire mensuel de son mari, étant donné qu’il y a lieu de faire abstraction du montant que la société lui a viré, de manière illicite, à titre de salaire.
Il s’ajoute que les fonds ont été détournés de façon systématique au préjudice de la société SOCIETE2.) et n’ont pas servi à payer les dépenses de première nécessité, à rembourser d’urgence un huissier chargé d’une exécution forcée, ni pour entre deux mois, mais ont exclusivement servi à financer un niveau de vie luxueux hors proportion aux possibilités et revenus réels du ménage.
PERSONNE1.) ne regrette pas véritablement le dommage causé, mais elle continue à considérer qu’elle aurait pu en toute légitimité croire que son mari aurait réussi et aurait fait des bénéfices importants pour financier leur vie faisant complètement abstraction que les fonds appartenaient à la société SOCIETE2.) et ne revenaient pas ménage.
16 La peine d’emprisonnement de 3 ans est dès lors justifiée, ainsi qu’au vu de ces circonstances, l’octroi de la moitié seulement du sursis.
Une augmentation de la durée du sursis sous condition de rembourser les victimes telle que proposée à titre subsidiaire par le représentant du ministère public, ne s’avère au vu de la situation patrimoniale et financière de PERSONNE1.) pas envisageable puisque cette mesure entrainera nécessairement sa défaillance à respecter la condition et partant la déchéance du sursis et reviendrait en fin de compte à la révocation du sursis et à l’exécution de la peine d’emprisonnement.
Il appartiendra aux parties civiles de réclamer leur dû par la voie civile.
En ce qui concerne l’amende, il y a lieu de tenir compte, conformément à l’article 28 du Code pénal, des revenus actuels et charges de la prévenue.
Au vu des explications fournies quant à sa situation financière actuelle et des pièces versées, il y a lieu de réduire l’amende à 4.500 euros. », les juges d’appel ont motivé leur décision quant au quantum de la peine prononcée tant au regard des éléments objectifs du dossier que de la personnalité de la prévenue.
En confirmant par adoption de motifs les juges de première instance, les juges d’appel ont encore pris en compte, dans la fixation des peines des trois coprévenus, tant la durée infractionnelle respective pour chacun d’entre eux, que leur comportement spécifique au cours de la procédure, que leur relation particulière respectivement d’épouse, de maîtresse et d’ami de longue date d’PERSONNE6.) et n’ont par conséquent opéré aucune distinction discriminatoire lors de la fixation de la peine de la demanderesse en cassation.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « Pour violation, sinon fausse application, sinon fausse interprétation de l’article 6, paragraphe 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et violation, sinon fausse application, sinon fausse interprétation de l’article 195 - 1 du Code de procédure pénal luxembourgeois Première branche en ce que la Cour d’appel a manqué à son droit de spécialement fonder les raisons pour lesquelles elle n’entend pas accorder le bénéfice du sursis à la dame PERSONNE1.).
Aux motifs que : en ce qui concerne la peine, le tribunal a motivé son refus de reconnaître aux prévenus le sursis intégral en raison de la gravité des faits, 17 la continuité dans la perception des sommes à titre de salaires, des avantages en nature obtenus en connaissance de cause pendant plusieurs années.
Il a dès lors motivé à suffisance de droit le refus d’assortir l’intégralité de la peine d’emprisonnement du sursis au sens de l’article 195-1 du Code pénal et il n’y a pas lieu d’annuler le jugement.
En ce qui concerne PERSONNE1.), la Cour prend en compte dans la fixation du quantum de la peine, à l’instar des juges de première instance, son attitude en ce que jusqu’en instance d’appel, elle maintient toujours avoir travaillé réellement pour la société SOCIETE2.), avoir mérité son salaire et avoir cru que l’argent et les nombreux avantages lui revenaient de droit.
Il y a lieu de tenir compte également de la période infractionnelle : pendant approximativement trois années PERSONNE1.) a profité des fonds que son époux a détourné au préjudice de la société, dont elle savait que l’objet consistait à collecter des fonds auprès du public aux fins d’investissement et proposaient des placements rentables pour les investisseurs et la sécurisation de leurs économies de toute une vie pour les anéantir ! Elle a refusé de collaborer avec les enquêteurs après que les faits ont apparu au fur et à mesure du cours de l’instruction.
(…) PERSONNE1.) ne regrette pas véritablement le dommage causé, mais elle continue à considérer qu’elle aurait pu en toute légitimité croire que son mari aurait réussi et aurait fait des bénéfices importants pour financier leur vie faisant complètement abstraction que les fonds appartenaient à la société SOCIETE2.) et ne revenaient pas ménage.
La peine d’emprisonnement de 3 ans est dès lors justifiée, ainsi qu’au vu de ces circonstances, l’octroi de la moitié seulement du sursis. » Alors que :
Il convient de relever que le devoir de la motivation spéciale comprend notamment, selon une jurisprudence constante, une appréciation au regard .
Force est de constater qu’en espèce, la Cour d’appel a tenu compte uniquement de la gravité des infractions, omettant de motiver la sévérité de la peine d’emprisonnement prononcée à l’encontre de la dame PERSONNE1.). Or, il convient de relever qu’en espèce, la situation personnelle de la dame PERSONNE1.) est un facteur très pertinent afin de correctement évaluer le quantum de la peine. Il s’avère en effet que la dame PERSONNE1.) est mère d’un enfant, qu’elle doit soutenir financièrement alors qu’il est étudiant. En deuxième lieu, il y a lieu de relever que la dame PERSONNE1.) occupe actuellement un poste d’emploi salarial et qu’elle s’est adonnée à une activité salariale durant la majeure partie de sa vie.
La dame PERSONNE1.) a un milieu de vie stable, de sorte que le risque de récidive 18 dans son chef est minime. Tous ces points ont été soulevés dans les conclusions en appel de la mandataire de la dame PERSONNE1.), sans que la Cour d’appel n’ait pris position sur ces moyens.
Il est également de jurisprudence que en énonçant (…) que cette peine est justifiée par l’atteinte à l’ordre public (…) sans s’expliquer sur la situation matérielle, familiale et sociale (…), ni sur le caractère manifestement inadéquat de toute autre peine que l’emprisonnement ferme, la Cour d’appel n’a pas justifié sa décision ». En espèce, il y a lieu de constater que la Cour d’appel ne s’est pas prononcée sur la nécessité de prononcer une peine d’emprisonnement ferme partielle qu’en se référant à la gravité des infractions, sans pour autant expliquer pourquoi le bénéfice du sursis intégral serait manifestement inadéquat, en ne se référant ni au risque de récidive minime, ni à l’effet dissuasif d’une peine d’emprisonnement et d’une peine alternative à l’emprisonnement, ni à la situation personnelle de la dame PERSONNE1.).
Dès lors, la Cour d’appel n’a pas motivé à suffisance la nécessité d’une peine d’emprisonnement ferme.
Il est admis de longue date que le devoir de motivation d’un jugement fait partie intégrante du droit à un procès équitable au sens de l’article 6, paragraphe 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. En effet, la Cour a eu lieu de rappeler à de multiples reprises que Or, il convient de relever que, en espèce, la loi nationale requiert au juge luxembourgeois de spécialement motiver l’absence de toute mesure de sursis, même partielle. De plus, la mandataire de la dame PERSONNE1.) n’avait soulevé que des moyens de défense très précis quant au bénéfice du sursis intégral, de sorte que la juridiction ne saurait passer outre ces arguments présentés à la barre. Il faut donc conclure que le droit à un procès équitable de la dame PERSONNE1.) a été violé, alors que l’absence de motivation ne se justifie nullement.
Au surplus, il convient de relever que, selon une jurisprudence constante des juridictions luxembourgeoises, il y a lieu de tenir compte, dans l’évaluation de la sévérité de la peine, du comportement du prévenu durant la phase d’instruction ainsi que devant la barre.
En appliquant les normes nationales de manière erronée, la Cour d’appel a également privé la dame PERSONNE1.) de son droit à un procès équitable, garanti par l’article 6 de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, alors que la validité 19 du procès pénale doit s’apprécier dans son ensemble et que, en omettant de correctement les dispositions du code de procédure pénale, le procès ne peut être considéré comme équitable.
Partant, il y a lieu de retenir qu’en statuant de la sorte, la Cour d’appel a violé les dispositions susmentionnées Deuxième branche en ce que la Cour d’appel a basé sa motivation sur une appréciation erronée des faits, ne motivant ainsi pas valablement l’absence de sursis, la motivation incomplète ou erronée valant absence de motivation.
Aux motifs que en ce qui concerne la peine, le tribunal a motivé son refus de reconnaître aux prévenus le sursis intégral en raison de la gravité des faits, la continuité dans la perception des sommes à titre de salaires, des avantages en nature obtenus en connaissance de cause pendant plusieurs années.
Il a dès lors motivé à suffisance de droit le refus d’assortir l’intégralité de la peine d’emprisonnement du sursis au sens de l’article 195-1 du Code pénal et il n’y a pas lieu d’annuler le jugement.
En ce qui concerne PERSONNE1.), la Cour prend en compte dans la fixation du quantum de la peine, à l’instar des juges de première instance, son attitude en ce que jusqu’en instance d’appel, elle maintient toujours avoir travaillé réellement pour la société SOCIETE2.), avoir mérité son salaire et avoir cru que l’argent et les nombreux avantages lui revenaient de droit.
Il y a lieu de tenir compte également de la période infractionnelle : pendant approximativement trois années PERSONNE1.) a profité des fonds que son époux a détourné au préjudice de la société, dont elle savait que l’objet consistait à collecter des fonds auprès du public aux fins d’investissement et proposaient des placements rentables pour les investisseurs et la sécurisation de leurs économies de toute une vie pour les anéantir ! Elle a refusé de collaborer avec les enquêteurs après que les faits ont apparu au fur et à mesure du cours de l’instruction.
(…) PERSONNE1.) ne regrette pas véritablement le dommage causé, mais elle continue à considérer qu’elle aurait pu en toute légitimité croire que son mari aurait réussi et aurait fait des bénéfices importants pour financier leur vie faisant complètement abstraction que les fonds appartenaient à la société SOCIETE2.) et ne revenaient pas ménage.
La peine d’emprisonnement de 3 ans est dès lors justifiée, ainsi qu’au vu de ces circonstances, l’octroi de la moitié seulement du sursis. » 20 Alors que Toujours en est-il que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ».
Force est de constater que la Cour d’appel use à deux reprises de motifs qui sont contradictoires afin de justifier le non-octroi du sursis intégral à la dame PERSONNE1.). Ainsi, il convient de relever que la Cour d’appel retient, dans son arrêt, que Dès lors, il y a lieu de retenir que la Cour d’appel considère que la dame PERSONNE1.) a avoué auprès du juge d’instruction avoir occupé un poste fictif au sein de la société SOCIETE2.).
Or, la Cour d’appel, en motivant le refus du sursis intégral, énonce également que Il faut alors conclure que le raisonnement de la Cour d’appel comporte une contradiction. En effet, l’aveu retenu par la Cour durant la phase d’instruction doit être considéré comme une collaboration avec les enquêteurs. L’affirmation selon laquelle la dame PERSONNE1.) aurait refusé toute collaboration avec les enquêteurs est donc contradictoire avec celle selon laquelle elle a fait un aveu initial.
Il faut également mentionner que la Cour d’appel retient, dans son arrêt que Il ressort des motivations de la Cour d’appel que l’octroi du sursis partiel se justifie en majeure partie par les pertes financières importantes qu’ont fait les investisseurs de SOCIETE2.) et d’SOCIETE1.).
Or, la Cour retient également, dans le même arrêt, que PERSONNE10.) et PERSONNE11.) n’ont pas été poursuivis au pénal du chef d’escroquerie du type "Ponzi" reprochée au seul PERSONNE6.). Le préjudice des demandeurs au civil a été causé en l’espèce par les manœuvres frauduleuses commises par PERSONNE6.) contre lequel l’action publique est éteinte en raison de son décès. » 21 Il faut donc en conclure que la motivation de la Cour d’appel comprend une contradiction manifeste. En retenant que le préjudice financier souffert par les investisseurs est imputable au seul feu PERSONNE6.), la Cour ne peut motiver l’absence de l’octroi du sursis intégral par ledit préjudice financier, alors que la dame PERSONNE1.) n’en est pas responsable. Il y a partant lieu de considérer que la motivation insuffisante et contradictoire de la Cour d’appel quant au refus de l’octroi du sursis intégral vaut absence de motivation.
En appliquant les normes nationales de manière erronée, la Cour d’appel a privé la dame PERSONNE1.) de son droit à un procès équitable, garanti par l’article 6 de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, alors que la validité du procès pénale doit s’apprécier dans son ensemble et que, en omettant de correctement les dispositions du code de procédure pénale, le procès ne peut être considéré comme équitable.
Partant, il y a lieu de retenir qu’en statuant de la sorte, la Cour d’appel a violé les dispositions susmentionnées. ».
Réponse de la Cour Sur les deux branches du moyen réunies L’article 195-1 du Code de procédure pénale impose aux juridictions l’obligation de motiver spécialement le refus d’octroi d’un sursis dans les décisions prononçant une peine d’emprisonnement ou de réclusion.
Les juges d’appel ont confirmé la décision des juges de première instance ayant condamné la demanderesse en cassation à une peine d’emprisonnement partiellement ferme. Ayant assorti la peine d’emprisonnement d’un sursis partiel, ils n’avaient pas à motiver spécialement leur décision sur le point du sursis.
Il s’ensuit que le moyen, pris en ses deux branches, n’est pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation déclare PERSONNE1.) déchue de son pourvoi en cassation au civil ;
la condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation au civil ;
reçoit le pourvoi au pénal ;
le rejette ;
condamne la demanderesse en cassation aux frais de l’instance en cassation au pénal, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 203,75 euros.
Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, vingt-quatre avril deux mille vingt-cinq, à la Cité judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :
Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Gilles HERRMANN, conseiller à la Cour de cassation, Antoine SCHAUS, conseiller à la Cour d’appel, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence de l’avocat général Christian ENGEL et du greffier Daniel SCHROEDER.
Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) en présence du Ministère Public et des parties civiles PERSONNE2.), PERSONNE3.), SOCIETE1.) S.A., SOCIETE2.), PERSONNE4.) et PERSONNE5.) N° CAS-2024-00121 du registre Par déclaration faite le 09 août 2024 au greffe de la Cour Supérieure de Justice, Maître Elise ORBAN, avocat à la Cour, en remplacement de Maître Noémie SADLER, avocat à la Cour, a formé pour et au nom de PERSONNE1.) un recours en cassation contre l’arrêt N°35/24 V rendu le 09 juillet 2024 par la Cour d’appel, chambre criminelle.
Cette déclaration de recours a été suivie le 09 septembre 2024 par le dépôt du mémoire en cassation, précédemment signifié aux parties civiles PERSONNE2.), PERSONNE3.), SOCIETE1.) S.A., PERSONNE4.), PERSONNE5.) et SOCIETE2.) S.A., prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.
Votre Cour a, par un arrêt, certes ancien, du 10 mars 1966 décidé, par rapport à la notion de partie civile , « qu’en procédure pénale ce terme désigne la personne lésée qui, devant la juridiction répressive, demande réparation d’un préjudice subi »1.
Ainsi compris le terme de partie civile comprend donc les 124 demandeurs au civil figurant à l’arrêt entrepris et non seulement les 6 parties civiles auxquelles le mémoire en cassation a été signifié.
Au vœu de l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation cette carence devra entraîner la déchéance.
Néanmoins cette « déchéance n’est encourue que pour la partie du recours visant les dispositions de la décision entreprise relatives à la demande en dommages-
1 Cass., 10 mars 1966, P.20, 57, publié par extrait au recueil des lois spéciales en matière civile, commerciale et pénale, a jour au 1er octobre 2012, sous l’article 43 intérêts, le pourvoi étant, quant aux condamnations prononcées à charge du prévenu, soumis aux règles régissant le recours de la partie condamnée »2.
En l’espèce, le recours en cassation est cependant dirigé exclusivement contre les dispositions pénales de l’arrêt entrepris.
Par voie de conséquence, le pourvoi en cassation est recevable pour avoir été introduit dans les forme et délai de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.
Faits et rétroactes Par ordonnance n°2086/21 de la Chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg en date du 17 novembre 2021, confirmée par l’arrêt n°1123/22 du 08 novembre 2022 de la Chambre du conseil de la Cour d’Appel, la demanderesse en cassation a, ensemble avec plusieurs autres personnes, été renvoyée devant une chambre criminelle du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg pour y être jugée de faits qualifiés de faux et usage de faux (articles 196 et 197 du Code pénal), fausse déclaration de créance (article 490 du Code pénal), escroquerie (article 496 du Code pénal), escroquerie et tentative d’escroquerie à subvention (principalement articles 496-1 et 496-2 du Code pénal, subsidiairement article 451 alinéa 2 du Code de sécurité sociale, article 527-4 du Code du Travail), blanchiment-conversion (article 506-1 1 du Code pénal), blanchiment-détention (article 506-1 3 du Code pénal) et recel (article 505 du Code pénal).
Par jugement numéro 55/2023 LCRI rendu en date du 13 juillet 2023 par le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, douzième chambre, siégeant en matière criminelle, statuant contradictoirement, la demanderesse en cassation, prévenue et défenderesse au civil, ainsi que les autres prévenus et défendeurs au civil entendus en leurs explications et moyens de défense, les mandataires des demandeurs au civil, entendus en leurs conclusions, et le ministère public entendu en son réquisitoire, la demanderesse en cassation a été condamnée, au pénal, à une peine d’emprisonnement de trois ans dont dix-huit mois assortis d’un sursis à l’exécution et à une amende de 100.000.- EUR.
La demanderesse en cassation a encore été condamnée solidairement aux frais de la poursuite pénale ainsi qu’à la confiscation de différents objets.
Au civil la demanderesse en cassation a été condamnée à payer différents montants à deux des parties civiles.
La demanderesse en cassation a interjeté appel au pénal et au civil contre ce jugement suivi par un appel du ministère public à son encontre en date du 14 août 2023.
2 Idem Suite à ces appels, la Cour d’appel, chambre criminelle, statuant contradictoirement à l’égard de la demanderesse en cassation, celle-ci entendue en ses explications et moyens de défense, les mandataires des demandeurs au civil en leurs explications, moyens et conclusions et le représentant du ministère public en son réquisitoire, a, par arrêt numéro 35/24 V rendu en date du 09 juillet 2024, dit l’appel du ministère public recevable mais non fondé et l’appel de la demanderesse en cassation recevable et partiellement fondé.
L’amende prononcée à l’encontre de la demanderesse en cassation a ainsi été réduite à 4.500.- EUR.
Pour le surplus le jugement entrepris a été confirmé à l’encontre de la demanderesse en cassation au pénal et au civil.
Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt.
Quant au premier moyen de cassation :
tiré de la « violation, sinon fausse application, sinon fausse interprétation de l’article 6, paragraphe 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme en ce que l’arrêt attaqué a retenu que la dame PERSONNE1.) a occupé un poste fictif au sein de la société SOCIETE2.), tout en estimant que la dame PERSONNE1.) aurait dû être au courant que les revenus de son mari ne proviennent pas de sources licites, appréciant ainsi les preuves et indices de manière impartiale » Bien que la demanderesse en cassation relève que « force est de constater que les indices et éléments de preuve ont été appréciés de manière hautement impartiale3 »4 respectivement que les « indices récoltés au fil de l’enquête ont donc été appréciés de manière impartiale5 par la Cour »6, il résulte de l’ensemble des développements qu’elle reproche en fait une contradiction de motifs aux juges d’appel ; contradiction qui aurait mis à mal son droit au procès équitable.
Or, la prétendue contrariété de motifs dont fait état la demanderesse en cassation provient en fait d’une mauvaise lecture de l’arrêt entrepris.
En effet, la Cour a certes, suite au reproche « d’avoir établi avec la société SOCIETE2.) un contrat de travail fictif, afin de (lui)7 assurer un salaire garanti, de 3 Mise en évidence ajoutée 4 Mémoire en cassation, page 7 5 Mise en évidence ajoutée 6 Mémoire en cassation, page 7 7 Le reproche était formulé à l’encontre de trois prévenus dont la demanderesse en cassation voyages qualifiés d’affaires et de profiter d’avantages en nature »8 retenu que la demanderesse occupait un contrat de travail fictif.
L’arrêt entrepris a notamment considéré que le « tribunal est dès lors à confirmer dans sa conclusion lorsqu’il retient que « le travail effectué par PERSONNE1.) au sein de SOCIETE2.) ne correspondrait pas à un poste de directrice des ressources humaines à temps plein ; elle n’avait ni les qualifications, ni la charge de travail justifiant un poste à temps plein, l’ensemble des témoins ont déclaré qu’elle s’occupait exclusivement du recrutement des femmes de ménages du domicile familial, d’autant plus qu’elle a avoué lors de son interrogatoire de Police du 7 février 2019 de recevoir un salaire de SOCIETE2.), sans fournir de services en contrepartie »9.
Les juges du fond ont continué leur raisonnement, certes formellement pour l’infraction 2) à savoir le l’infraction de « blanchiment-conversion » des montants perçus à titre de salaire, que :
« La preuve de l’élément moral de l’infraction de blanchiment, partant l’intention criminelle, suppose chez l’agent la conscience et la volonté infractionnelle.
En l’espèce, elle résulte de toutes les circonstances de fait qui doivent nécessairement éveiller la méfiance de celui qui prend possession des choses et qui constituent des présomptions suffisamment graves, précises et concordantes pour conclure à l’existence de l’élément de connaissance. La connaissance par la personne poursuivie de l’origine illicite des fonds s’apprécie au moment de la réalisation de l’infraction »10.
pour en déduire que :
« Les prévenus n’ont pas pu faire valoir avoir ignoré l’origine frauduleuse des rémunérations perçues, alors qu’il est acquis en cause qu’aucun d’entre eux n’a travaillé sérieusement au sein de la société SOCIETE2.) et n’avait droit à un salaire et aux avantages en nature. Ils ont néanmoins accepté chaque mois leurs salaires et avantages en nature. Ils ne peuvent pas invoquer un chiffre d'affaires important résultant d’un réel commerce de diamants, d’opération de taillage et de revente qui aurait pu constituer la base de leur rémunération, alors que la société n’avait aucune activité à part la visite de bourses de diamants et de négociants de diamants.
Aucune acquisition, aucune opération de taillage et aucune revente de pierres précieuses n’est documentée.»11.
Par la suite, dans le cadre des développements relatifs à la prévention 6, à savoir le blanchiment-détention et le blanchiment-usage des différents avantages en nature, 8 Arrêt entrepris, page 87 9 Arrêt entrepris, pages 89 et 90 10 Arrêt entrepris, page 92 11 Arrêt entrepris, page 93voitures, services de nettoyage et de jardinage, cadeaux et voyage de récréation, l’arrêt entrepris retient que :
« la partie poursuivante ne reproche pas aux prévenus d’avoir commis l’infraction de blanchiment du produit de l’escroquerie, mais l’infraction de blanchiment du produit de l’abus de biens sociaux commis par PERSONNE6.) au préjudice des sociétés SOCIETE2.) et SOCIETE1.) »12, pour continuer avec la motivation suivante :
« La preuve de la conscience de l’origine frauduleuse des fonds est déduite d’un faisceau d’indices permettant de retenir que le prévenu ne pouvait ignorer l’existence frauduleuse, respectivement devait nécessairement connaître l’origine frauduleuse.
Comme il a été exposé ci-dessus sub 1), en présence d’un contrat de travail fictif et en l’absence de toute activité économique ou financière de la société SOCIETE2.), les prévenus ne pouvaient ignorer que l’argent leur remis sous forme d’avantages en natures ne constituait en fait que les sommes déposés par les investisseurs, détournées par PERSONNE6.) à leur profit »13.
Le bout de phrase « les sommes déposées par les investisseurs, détournées par PERSONNE6.) à leur profit » ne constitue ainsi une contrariété dans la motivation mais ne fait que décrire de manière objective l’origine des avoirs faisant l’objet de l’abus de biens sociaux.
Enfin, dans un souci dans complétude, il est à relever que même en faisant abstraction des développements relatifs à l’origine des fonds (les avoirs déposés par les investisseurs) il n’en demeure toujours que tous les développements restent valables ; l’abus de biens sociaux n’impliquant nullement une origine frauduleuse des avoirs détournés via cette infraction.
Il n’y a ainsi pas contrariété de motifs pouvant justifier une violation de l’article 6, paragraphe 1er de la Convention Européenne des Droits de l’Homme de sorte que le premier moyen est non fondé.
Quant au deuxième moyen de cassation :
tiré de la « violation, sinon fausse application, sinon fausse interprétation des articles 196 et 197 du Code de procédure pénale luxembourgeois ».
Ce deuxième moyen est subdivisé en deux branches.
12 Arrêt entrepris, page 96 13 Arrêt entrepris, page 97Quant à la première branche du deuxième moyen :
Dans sa première branche, la demanderesse en cassation reproche aux juges d’appel, sous le couvert des articles 196 et 197 du Code de procédure pénale, d’avoir « retenu que la dame PERSONNE1.) a avoué avoir occupé un poste fictif au sein de la société SOCIETE2.), sans que la Cour n’ait pris position sur la contestation de la dame PERSONNE1.) sur cet aveu, effectuant ainsi un renversement de la charge de la preuve ».
L’article 196 du code de procédure pénale dispose que :
« La minute du jugement sera signée au plus tard dans les vingt-quatre heures, par les juges qui l’auront rendu.
Les greffiers qui délivreront expédition d’un jugement avant qu’il ait été signé, seront poursuivis comme faussaires.
Les procureurs impérieux (d’Etat) se feront représenter, tous les mois, les minutes des jugements ; et en cas de contravention au présent article, ils en dresseront procès-verbal pour être procédé ainsi qu’il appartiendra ».
L’article 197 du même code, quant à lui est abrogé depuis une loi du 20 juillet 2018.
Ces articles, sont par ailleurs manifestement sans aucun lien avec le reproche formulé de sorte que, ainsi compris, la première branche du deuxième moyen ne saurait être accueilli.
Dans la mesure cependant où le reproche de la demanderesse en cassation formulé, même s’il ne se réfère pas directement aux développements intitulés « 1. Le faux et l’usage de faux par l’établissement d’un contrat de travail fictif et l’usage de faux, le blanchiment de salaire, la fausse déclaration de créance et la fausse déclaration en vue d’obtenir le chômage. », peut être lié au contrat de travail fictif, il peut raisonnablement être admis que la demanderesse en cassation voulait en fait se référer aux articles 196 et 197 du code pénal réprimant notamment le faux et l’usage de faux en lien avec un contrat de travail.
Or, même en lisant la première branche du deuxième moyen comme faisant référence à ces articles, le moyen ne saurait être accueilli car ces articles – s’ils présentent un lien avec la fictivité du contrat de travail – sont toujours étrangers au reproche formulé qui peut, selon la lecture, être considéré comme visant la non-
réponse à conclusion respectivement le renversement de la charge de la preuve.
A titre subsidiaire il échet de constater que l’arrêt entrepris reprend bien la mandataire de la demanderesse en cassation en ce qu’elle « conteste que sa mandante aurait été au cours de l’instruction judiciaire en aveu de la fictivité de son contrat de travail. Elle aurait toujours maintenu que son contrat de travail 29 aurait correspondu à ses qualifications, qu’elle aurait disposé des compétences professionnelles et qu’elle aurait apporté une plus-value à la société, se serait occupée de la gestion administrative des dossiers des employés et de la recherche de nouveaux salariés. Son énonciation lors de l’écoute téléphonique quant à l’existence de son contrat de travail aurait été dénaturée par les juges de première instance, vu qu’elle aurait exprimé seulement une crainte que la curatrice ou les autorités policières et judiciaires pourraient estimer que son contrat de travail puisse être qualifié de fictif »14.
L’arrêt ajoute que : « La défense plaide que le tribunal aurait opéré un renversement de la charge de la preuve en présumant l’existence d’une fraude et aurait fait peser sur les prévenus la charge de la preuve de l’existence d’une prestation effective et réelle de travail »15.
L’arrêt entrepris détaille ensuite que :
« Sur question par les enquêteurs quant à la nature de leur travail, PERSONNE1.) répond qu’elle aurait eu la charge du recrutement des femmes de ménage pour la société SOCIETE2.), de ne pas avoir eu de poste de travail au siège social de la société SOCIETE2.) et d’avoir exécuté les « tâches lui incombant » à partir de son domicile. Depuis un certain temps, elle n’aurait exécuté toutefois plus aucune tâche pour son employeur et a déclaré ne pas savoir exactement en quoi consiste l’activité de SOCIETE2.), auprès de laquelle elle était cependant embauchée depuis plusieurs années »16.
et encore que :
« Les premiers éléments de l’enquête établissant que PERSONNE6.) n’investissait pas les fonds lui confiés dans l’acquisition de diamants bruts, mais les dépensait à pleines mains, avaient été confirmés par les aveux des prévenus, par les dépositions d’PERSONNE6.) lui-même, dirigeant de droit et de fait de la société SOCIETE2.), et par les déclarations concordantes des salariés de la société, quant à la défaillance des prévenus amis proches de PERSONNE6.) au siège de la société. Vu que les bénéficiaires étaient de la famille de leur employeur ou ses amis, les employés ainsi que les apporteurs d’affaires étrangers ne s’en sont pas occupés, aussi longtemps que leurs salaires respectivement leurs commissions avaient été payées.
Puis les inculpés, ont nuancé, respectivement contesté leurs déclarations premières.
L’instruction judiciaire qui n’a pas pu établir aucune activité d’achat de diamants bruts, n’a pu dégager aucune trace d’un commerce de diamants ou de facture 14 Arrêt entrepris, page 75 15 Arrêt entrepris, page 84 16 Idemquant au découpage et à la taille de diamants bruts ou d’un autre investissement financier des fonds collectés auprès des investisseurs »17.
pour en conclure que :
« Le ministère public a dès lors dans les limites des possibilités, apporté la preuve du fait négatif qu’aucun travail effectif presté aux conditions des stipulations tels que prévues dans les contrats de travail respectifs n’a été fourni »18.
avec la conséquence que :
« Dès lors que les prévenus reviennent sur leurs propres déclarations premières et contestent les dépositions des témoins et les éléments que l’enquête a dégagée, il leur appartient de fournir un élément concret pour établir leurs allégations nouvelles, respectivement d’expliquer leurs aveux « erronés ».
Pour renvoyer la charge de la preuve à la partie poursuivante, les prévenus doivent invoquer au moins des éléments quelques soit peu vérifiables étayant leurs nouvelles allégations et justifiant les dénégations des dépostions des autres personnes entendues »19.
Ce faisant, l’arrêt entrepris a non seulement répondu aux contestations de la demanderesse en cassation mais a encore retenu que, conformément au principe « de la libre appréciation des preuves appliquées en matière pénale, les juges apprécient souverainement la sincérité d'un aveu fait par un prévenu au cours de l'instruction préparatoire, même quand cet aveu a été ultérieurement rétracté par son auteur devant le tribunal. En matière répressive, l’aveu peut en effet toujours être rétracté par son auteur, contrairement au droit civil, le principe de l'intime conviction laissant le juge libre d'apprécier la valeur de la rétractation comme la portée de l'aveu lui-même (Merle et Vitu, Traité de Droit Criminel, T II n° 976).
L’aveu, malgré sa rétractation, doit être retenu par les juges du fond lorsqu’il se trouve corroboré par d’autres constatations matérielles (Encyclopédie Dalloz, v° AVEU, page 5 ; Crim 12 mai 1934, Bull. crim. N°57) »20.
Par rapport à la première branche du deuxième moyen, l’arrêt entrepris n’a ainsi ni manqué de répondre à la contestation de la demanderesse en cassation ni encore procédé à un renversement de la charge de la preuve mais les juges du fond n’ont fait qu’usage de leur appréciation souveraine des éléments de preuve leur soumis.
Dans cette optique subsidiaire, la première branche du second moyen ne tend dès lors « qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, de la valeur 17 Arrêt entrepris, page 85 18 Idem 19 Idem 20 Arrêt entrepris, page 91des éléments de preuve (…), appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation »21 de sorte qu’elle ne saurait être accueillie.
Quant à la deuxième branche du deuxième moyen :
Par la deuxième branche du deuxième moyen, la demanderesse en cassation reproche aux juges d’appel, sous le même couvert des mêmes articles 196 et 197 du code de procédure pénale, d’avoir « retenu que l’intention frauduleuse fut établi au moment de la signature du contrat de travail, sans que le Ministère Public en ait apporté la preuve, effectuant ainsi un renversement de la charge de la preuve ».
A l’instar de la première branche du moyen, la deuxième branche ne saurait pas non plus être accueilli alors que tant les articles 196 et 197 du code de procédure pénale qu’encore les articles 196 et 197 du code pénal sont étrangers à la problématique alléguée du renversement de la charge de la preuve.
A titre subsidiaire il échet de relever que les juges du fond après avoir relevé, à propos de la demanderesse en cassation, que « Son mari déclare au cours de son interrogatoire devant les enquêteurs du 5 février 2019 (cote B 20) que son épouse ne viendrait quasiment jamais au bureau et qu’il préférerait lui payer un salaire que de la faire enregistrer comme chômeur, déclaration répétée d’ailleurs par la concernée elle-même par-devant la police.
Elle-même admettait ne pas avoir travaillé pour la société SOCIETE2.) mais aurait continué à se voir payer un salaire qu’elle aurait pensé constituer les salaires impayés par son ancien employeur la société SOCIETE3.), une autre société dirigée par PERSONNE6.) »22. et que « Les trois prévenus faisaient partie du proche entourage de PERSONNE6.) qui a pris la décision de les embaucher sous différentes dénominations, à savoir son épouse PERSONNE1.) à titre de « human ressources» qui a engagé les femmes de ménage, sa maîtresse (…)23 en tant que « marketing manager » qui a amené pendant la durée de 3 ans, 5 investisseurs potentiels et un ami de longue date (…)24 comme « public relation manager » pour l’accompagner en ses déplacements en Chine et Anvers et veiller à ce que son épouse et sa maîtresse ne se rencontrent pas.
En l’espèce, l’altération de la vérité consiste en ce qu’aucun des trois prévenus n’ait eu l’intention d’exécuter son contrat de travail et les tâches lui assigné tel que stipulé, soit 40 heures par semaine au siège de l’entreprise, sinon en déplacement professionnel »25, 21 Cass., 28 avril 2022, n°60/2022 pénal, n° de registre CAS-2021-00058 22 Arrêt entrepris, page 89 23 Nom omis 24 Nom omis 25 Arrêt entrepris, page 91 et en tenant compte du fait que « La défense considère en dernier lieu que, le cas échéant, l’intention frauduleuse n’aurait pas été « présente dans l’esprit des prévenus »au moment où ils auraient signé le contrat, mais serait survenue tout au plus en cours d’exécution du contrat de travail, à partir du moment où ils auraient été moins sollicités. Comme l’intention frauduleuse s’apprécierait au moment de la rédaction de l’écrit argué de faux, l’infraction ne serait pas caractérisée »26, ont pu valablement, par une appréciation souveraine des éléments du dossier, et sans renverser une quelconque charge de la preuve retenir que « L’intention frauduleuse est constituée en l’espèce vu que les prévenus, sans aucune qualification en la matière financière des emprunts obligataires et dans le commerce et du taillage de diamants, ont, à dessein, agi dès le départ, de concert avec PERSONNE6.), dans l’intention de se procurer un avantage, constitué par leur salaire et les avantages en nature les plus diverses y couplés »27.
Même en ordre subsidiaire, la deuxième branche du moyen ne saurait partant être accueillie alors qu’elle ne tend dés lors, tout comme la première branche du moyen, « qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, de la valeur des éléments de preuve (…), appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation »28.
Quant au troisième moyen de cassation :
tiré de la « violation, sinon fausse application, sinon fausse interprétation de l’article 6, paragraphe 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, combiné avec l’article 14 (1) de la Convention Européenne des Droits de l’Homme », en ce que l’arrêt attaqué a retenu que la peine d’emprisonnement de 3 ans, dont 18 avec sursis prononcée à l’encontre de la dame PERSONNE1.) est proportionnelle, alors que les coprévenus ont été condamnés, pour des faits similaires, à des peines moins fortes, sans que cette peine plus sévère n’ait été spécialement motivée par la Cour d’Appel » Autrement dit la demanderesse en cassation reproche ainsi à l’arrêt entrepris de l’avoir punie plus sévèrement que les autres coprévenus qui se seraient trouvés dans une situation similaire.
Elle reproche plus particulièrement à l’arrêt entrepris d’avoir pris en compte :
➢ la période pendant laquelle les infractions ont été commises, 26 Idem 27 Idem 28 Cass., 28 avril 2022, n°60/2022 pénal, n° de registre CAS-2021-00058➢ le comportement à la barre, et ➢ le mariage à l’auteur principal décédé en cours de procédure, dans le chef de la prévenue alors que les deux premiers critères n’auraient pas été pris en compte pour les deux autres prévenus et que le troisième serait discriminatoire alors qu’un des deux autres prévenus aurait eu une relation amoureuse et l’autre une longue relation d’associée avec l’auteur principal décédé en cours de procédure.
L’équité de la procédure à son encontre ne serait ainsi pas donnée.
Il est de principe qu’il suffit que les juges du fond motivent leur décision quant au choix de la peine prononcée « tant au regard des éléments objectifs du dossier que de la personnalité du prévenu »29.
En l’espèce la Cour a motivé sa peine à l’égard de la demanderesse en cassation comme suit :
« En ce qui concerne PERSONNE1.), la Cour prend en compte dans la fixation du quantum de la peine, à l’instar des juges de première instance, son attitude en ce que jusqu’en instance d’appel, elle maintient toujours avoir travaillé réellement pour la société SOCIETE2.), avoir mérité son salaire et avoir cru que l’argent et les nombreux avantages lui revenaient de droit.
Il y a lieu de tenir compte également de la période infractionnelle : pendant approximativement trois années PERSONNE1.) a profité des fonds que son époux a détourné au préjudice de la société, dont elle savait que l’objet consistait à collecter des fonds auprès du public aux fins d’investissement et proposaient des placements rentables pour les investisseurs et la sécurisation de leurs économies de toute une vie pour les épargnants.
Elle a refusé de collaborer avec les enquêteurs après que les faits ont apparu au fur et à mesure du cours de l’instruction.
Il n’y a pas lieu de perdre de vue, qu’étant mariée au moment des faits à PERSONNE6.) depuis une quinzaine d’années, elle connaissait ses origines et sa formation qui n’était ni celle d’homme d’affaires en investissement ni celle de spécialiste en diamants ou dans le négoce de pierres précieuses et qu’il avait déjà été interpellé dans le cadre d’une affaire de blanchiment de fonds escroqués au préjudice des clients de la banque SOCIETE4.).
Leur niveau de vie et dépenses mensuelles étaient complètement disproportionnés avec le seul salaire mensuel de son mari, étant donné qu’il y a lieu de faire 29 Cass., 17 février 2022, n°23/2022 pénal, n° de registre CAS-2021-00034abstraction du montant que la société lui a viré, de manière illicite, à titre de salaire.
Il s’ajoute que les fonds ont été détournés de façon systématique au préjudice de la société SOCIETE2.) et n’ont pas servi à payer les dépenses de première nécessité, à rembourser d’urgence un huissier chargé d’une exécution forcée, ni pour « faire le pont » entre deux mois, mais ont exclusivement servi à financer un niveau de vie luxueux hors proportion aux possibilités et revenus réels du ménage.
PERSONNE1.) ne regrette pas véritablement le dommage causé, mais elle continue à considérer qu’elle aurait pu en toute légitimité croire que son mari aurait réussi et aurait fait des bénéfices importants pour financier leur vie faisant complètement abstraction que les fonds appartenaient à la société SOCIETE2.) et ne revenaient pas ménage.
La peine d’emprisonnement de 3 ans est dès lors justifiée, ainsi qu’au vu de ces circonstances, l’octroi de la moitié seulement du sursis.
Une augmentation de la durée du sursis sous condition de rembourser les victimes telle que proposée à titre subsidiaire par le représentant du ministère public, ne s’avère au vu de la situation patrimoniale et financière de PERSONNE1.) pas envisageable puisque cette mesure entrainera nécessairement sa défaillance à respecter la condition et partant la déchéance du sursis et reviendrait en fin de compte à la révocation du sursis et à l’exécution de la peine d’emprisonnement.
Il appartiendra aux parties civiles de réclamer leur dû par la voie civile.
En ce qui concerne l’amende, il y a lieu de tenir compte, conformément à l’article 28 du Code pénal, des revenus actuels et charges de la prévenue.
Au vu des explications fournies quant à sa situation financière actuelle et des pièces versées, il y a lieu de réduire l’amende à 4.500 euros »30.
Les juges du fond ont partant suffisamment motivé leur peine quant aux éléments objectifs du dossier et quant à la personnalité de la demanderesse.
Reste à vérifier, si les juges du fond n’ont pas utilisé des critères discriminatoires rompant ainsi, tel que le soutient la demanderesse en cassation, l’équité de la procédure.
Quant à la prise en compte de la durée infractionnelle :
S’il est vrai que l’arrêt entrepris a pris en considération la période d’environ 3 ans pendant laquelle la demanderesse en cassation a profité des fonds détournés par son 30 Arrêt entrepris, pages 115 et 116époux, il est cependant inexact d’affirmer que ce critère n’aurait pas été pris en compte pour les deux autres coprévenus.
En effet, pour les deux coprévenus, la peine, mise à part, pour ce qui est de l’amende, a été confirmée par adoption de motifs des premiers juges.31 Ceux-ci ont cependant tenu compte, pour la coprévenue « de sa persévérance et de son énergie criminelle, les faits s’inscrivant sur une longue période »32 et pour le coprévenu « de la période de plus de 5 ans pendant lesquelles elles ont été perpétrées »33.
Quant au comportement à la barre :
S’il est encore exact que l’arrêt entrepris a pris en compte le comportement à la barre de la demanderesse, toujours est-il que ces critères, par adoption des motifs de première instance, ont également été pris en compte pour la coprévenue, pour laquelle le jugement de première instance retient « l’absence d’une collaboration alors qu’elle s’est opposée à la saisie des bijoux financés par le produit d’infractions ainsi que de l’absence de repentir sincère, la prévenue a tout au long de la procédure tenté de minimiser au maximum sa connaissance quant aux infractions »34 ainsi que pour le coprévenu « le refus catégorique du prévenu de coopérer avec les autorités afin de récupérer le reste de l’argent récolté auprès des investisseurs ainsi que l’absence totale de repentir sincère »35.
Quant au mariage :
Il est enfin exact que l’arrêt entrepris a pris en considération pour la demanderesse en cassation le fait qu’elle était l’épouse de l’auteur principal décédé en cours de procédure.
Or, la relation des deux autres coprévenus avec cet auteur principal a encore été prise en compte par les juges du fond.
Ainsi pour la coprévenue l’arrêt entrepris retient par adoption de motifs « son rôle important d’amante et confidente »36 et pour le coprévenu, par adoption de motifs, qu’il était l’ami37 du même tout en ajoutant la considération « que le prévenu connaissait (…) depuis 2010/2011 déjà et ce dans le cadre d’une affaire similaire d’escroquerie à investissement »38.
31 Arrêt entrepris, page 116 respectivement 117 32 Jugement de première instance, page 117 33 Jugement de première instance, page 118 34 Jugement de première instance, page 117 35 Jugement de première instance, page 118 36 Jugement de première instance, page 117 37 Jugement de première instance, page 118 38 Arrêt entrepris, page 117 Par voie de conséquence, les juges du fond ont, sans faire état de critères discriminatoires, condamné chaque prévenu, en tenant compte tant de la personnalité respective que de la gravité des faits, à la peine qu’ils ont, souverainement, apprécié convenir.
Le troisième moyen de cassation n’est donc pas fondé.
Quant au quatrième moyen de cassation :
tiré de « la violation, sinon fausse application, sinon fausse interprétation de l’article 6, paragraphe 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et violation, sinon fausse application, sinon fausse interprétation de l’article 195-1 du Code de procédure pénal luxembourgeois ».
Ce quatrième moyen, à l’instar du deuxième, est subdivisé en deux branches.
Quant à la première branche du quatrième moyen :
Dans sa première branche la demanderesse en cassation reproche à la Cour d’appel d’avoir « manqué à son droit de spécialement fonder les raisons pour lesquelles elle n’entend pas accorder le bénéfice du sursis à la dame PERSONNE1.) ».
Ainsi les juges du fond n’auraient « pas motivé à suffisance la nécessité d’une peine d’emprisonnement ferme »39.
Les juges de première instance ont retenu, pour ce qui est du refus du sursis intégral, ce qui suit :
« La prévenue n’a pas encore subi de condamnation excluant le sursis à l’exécution des peines.
Cependant, la gravité et la multiplicité des infractions ayant entraîné un important préjudice financier auprès des investisseurs, le refus catégorique de la prévenue de coopérer avec les autorités afin de récupérer le reste de l’argent récolté auprès des investisseurs ainsi que l’absence totale de repentir sincère commande que la peine doit être dissuasive et rétributive, il y a dès lors lieu d’assortir uniquement 18 mois de la peine d’emprisonnement du sursis à l’exécution »40.
La Cour rajoute :
39 Mémoire en cassation, page 14 40 Jugement de première instance, page 117« En ce qui concerne la peine, le tribunal a motivé son refus de reconnaître aux prévenus le sursis intégral en raison de la gravité des faits, la continuité dans la perception des sommes à titre de salaires, des avantages en nature obtenus en connaissance de cause pendant plusieurs années.
Il a dès lors motivé à suffisance de droit le refus d’assortir l’intégralité de la peine d’emprisonnement du sursis au sens de l’article 195-1 du Code pénal et il n’y a pas lieu d’annuler le jugement41.
En ce qui concerne PERSONNE1.), la Cour prend en compte dans la fixation du quantum de la peine, à l’instar des juges de première instance, son attitude en ce que jusqu’en instance d’appel, elle maintient toujours avoir travaillé réellement pour la société SOCIETE2.), avoir mérité son salaire et avoir cru que l’argent et les nombreux avantages lui revenaient de droit.
Il y a lieu de tenir compte également de la période infractionnelle : pendant approximativement trois années PERSONNE1.) a profité des fonds que son époux a détourné au préjudice de la société, dont elle savait que l’objet consistait à collecter des fonds auprès du public aux fins d’investissement et proposaient des placements rentables pour les investisseurs et la sécurisation de leurs économies de toute une vie pour les épargnants.
Elle a refusé de collaborer avec les enquêteurs après que les faits ont apparu au fur et à mesure du cours de l’instruction.
Il n’y a pas lieu de perdre de vue, qu’étant mariée au moment des faits à (…) depuis une quinzaine d’années, elle connaissait ses origines et sa formation qui n’était ni celle d’homme d’affaires en investissement ni celle de spécialiste en diamants ou dans le négoce de pierres précieuses et qu’il avait déjà été interpellé dans le cadre d’une affaire de blanchiment de fonds escroqués au préjudice des clients de la banque SOCIETE4.).
Leur niveau de vie et dépenses mensuelles étaient complètement disproportionnés avec le seul salaire mensuel de son mari, étant donné qu’il y a lieu de faire abstraction du montant que la société lui a viré, de manière illicite, à titre de salaire.
Il s’ajoute que les fonds ont été détournés de façon systématique au préjudice de la société SOCIETE2.) et n’ont pas servi à payer les dépenses de première nécessité, à rembourser d’urgence un huissier chargé d’une exécution forcée, ni pour « faire le pont » entre deux mois, mais ont exclusivement servi à financer un niveau de vie luxueux hors proportion aux possibilités et revenus réels du ménage.
PERSONNE1.) ne regrette pas véritablement le dommage causé, mais elle continue à considérer qu’elle aurait pu en toute légitimité croire que son mari aurait réussi 41 Mise en évidence ajoutéeet aurait fait des bénéfices importants pour financier leur vie faisant complètement abstraction que les fonds appartenaient à la société SOCIETE2.) et ne revenaient pas ménage.
La peine d’emprisonnement de 3 ans est dès lors justifiée, ainsi qu’au vu de ces circonstances, l’octroi de la moitié seulement du sursis42 »43, et précise même qu’ « Une augmentation de la durée du sursis sous condition de rembourser les victimes telle que proposée à titre subsidiaire par le représentant du ministère public, ne s’avère au vu de la situation patrimoniale et financière de PERSONNE1.) pas envisageable puisque cette mesure entrainera nécessairement sa défaillance à respecter la condition et partant la déchéance du sursis et reviendrait en fin de compte à la révocation du sursis et à l’exécution de la peine d’emprisonnement »44.
Ce faisant l’arrêt entrepris a donc suffi aux exigences de l’article 195-1 du code de procédure pénale et la première branche du quatrième moyen est ainsi à rejeter.
Quant à la deuxième branche du quatrième moyen :
Par sa deuxième branche la demanderesse en cassation reproche à la Cour d’appel d’avoir « basé sa motivation sur une appréciation erronée des faits, ne motivant ainsi pas valablement l’absence de sursis, la motivation incomplète ou erronée valant absence de motivation ».
Or le défaut de motivation est un vice formel.
Votre Cour a décidé qu’ « Une décision est régulière en forme dès lors qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré »45.
L’appréciation erronée des faits, la motivation incomplète ou erronée, à les supposer établis serait à cet égard inopérante.
A lire cependant la discussion de la branche il semble que la demanderesse en cassation invoque en fait une double contradiction de motifs valant absence de motifs.
Ainsi :
42 Mise en évidence ajoutée 43 Arrêt entrepris, page 116 44 Idem 45 A titre d’exemple: Cass., 10.02.2022, n°19/2022, n° du registre CAS-2021-00027➢ L’arrêt aurait retenu que la demanderesse avait refusé toute collaboration ainsi que, en même temps, qu’elle aurait fait un aveu initial ➢ L’arrêt aurait justifié l’octroi du sursis partiel majoritairement par les pertes financières importantes des investissuers tout en retenant en même temps qu’elle n’a pas été poursuivie du chef d’escroquerie de type « Ponzi ».
Quant à la collaboration :
S’il est exact, tel que développé notamment sous la première branche du deuxième moyen, que l’arrêt entrepris a retenu un aveu de la demanderesse en cassation sur un point précis considéré (le contrat de travail fictif) l’arrêt retient cependant également qu’elle a essayé d’y revenir par la suite.
Par ailleurs, cet aveu sur un point isolé retenu à juste titre par l’arrêt entrepris, ne saurait valoir coopération avec les enquêteurs ; ce d’autant plus que cet aveu n’était aucunement spontané mais résultait de la volonté de trouver une justification à ses revenus tel que l’arrêt entrepris l’a retenu :
« Elle-même admettait ne pas avoir travaillé pour la société SOCIETE2.) mais aurait continué à se voir payer un salaire qu’elle aurait pensé constituer les salaires impayés par son ancien employeur la société SOCIETE3.), une autre société dirigée par (…)46 »47.
C’est partant sans contradiction que l’arrêt en question a pu considérer que :
« jusqu’en instance d’appel, elle maintient toujours avoir travaillé réellement pour la société SOCIETE2.), avoir mérité son salaire et avoir cru que l’argent et les nombreux avantages lui revenaient de droit »48 et qu’ « Elle a refusé de collaborer avec les enquêteurs après que les faits ont apparu au fur et à mesure du cours de l’instruction »49.
Quant aux pertes financières :
Il n’y a pas de contrariété entre la constatation, d’ailleurs par rapport à deux parties civiles, que :
« PERSONNE1.), (…) et (…) n’ont pas été poursuivis au pénal du chef d’escroquerie du type « Ponzi » reprochée au seul (…).
46 Mise en évidence ajoutée 47 Arrêt entrepris, page 89 48 Arrêt entrepris, page 115 49 Idem Le préjudice des demandeurs au civil a été causé en l’espèce par les manœuvres frauduleuses commises par (…) contre lequel l’action publique est éteinte en raison de son décès »50, et celle que :
« PERSONNE1.) a profité des fonds51 que son époux a détourné au préjudice de la société, dont elle savait que l’objet consistait à collecter des fonds auprès du public aux fins d’investissement et proposaient des placements rentables pour les investisseurs et la sécurisation de leurs économies de toute une vie pour les épargnants »52.
En effet, commettre une escroquerie est une chose, en profiter une autre.
La deuxième branche du quatrième moyen est partant encore à écarter.
Conclusion Le pourvoi est recevable.
Les quatre moyens de cassations sont cependant à rejeter.
Pour le Procureur général d’Etat, Le premier avocat général, Marc SCHILTZ Annexe : copie conforme du jugement n° LCRI 55/2023 prononcé le 13 juillet 2023 50 Arrêt entrepris, page 120 et non 118 tel que repris par erreur dans le mémoire en cassation 51 Mise en évidence ajoutée 52 Arrêt entrepris, page 115 41