GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 52347C ECLI:LU:CADM:2025:52347 Inscrit le 10 février 2025 Audience publique du 24 avril 2025 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 8 janvier 2025 (n° 48738 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel inscrit sous le numéro 52347C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 10 février 2025 par Maître Edévi AMEGANDJI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Egypte), de nationalité égyptienne, demeurant à L-…, dirigé contre le jugement du 8 janvier 2025 (n° 48738 du rôle), par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg l’a débouté de son recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 21 février 2023 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 6 mars 2025;
Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités;
Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris;
Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 25 mars 2025.
Le 2 novembre 2021, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent du service de police judiciaire de la police grand-ducale, section criminalité organisée – police des étrangers, dans un rapport du même jour.
En date des 21 février, 30 mars et 4 mai 2022, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs gisant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 21 février 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur (A) que sa demande de protection internationale avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, ladite décision étant libellée comme suit :
« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 2 novembre 2021 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).
Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.
1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 2 novembre 2021 et votre rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 21 février 2022, 30 mars 2022 et 4 mai 2022 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.
Vous signalez auprès de la Police Judiciaire être né le … à … en Egypte et avoir clandestinement quitté votre pays d'origine en date du 29 novembre 2021 à bord d'un bateau en direction de l'Italie où vous auriez séjourné pendant une douzaine de jours avant de monter à bord d'un camion pour rejoindre la France. Vous auriez par la suite pris le train pour venir au Luxembourg où vous auriez alors décidé d'introduire une demande de protection internationale parce que vous nécessiteriez des médicaments et que vous ne seriez pas pris en charge en Egypte. Vous auriez en outre publié des vidéos pour critiquer le Ministère de la Santé égyptien suite à quoi vous auriez été menacé. Après avoir initialement prétendu auprès de la police ne pas être en possession d'un téléphone portable, vous avez été fouillé et un portable a pu être retrouvé sur vous. Convié à expliquer pourquoi il était pratiquement « vide », vous répondez que vous l'auriez reçu le 1er novembre 2021.
Vous signalez auprès de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes être de nationalité égyptienne, de confession musulmane, être veuf depuis 2019, père de deux enfants adultes. Convié à préciser de quel ethnie, clan ou tribu vous feriez partie, vous déclarez que votre père aurait fait partie des Frères musulmans. Depuis septembre 2021, vous auriez vécu de façon cachée au … dans la maison d'un ami. Précédemment, vous auriez vécu à …, où vous auriez résidé dans la maison familiale de vos parents adoptifs, respectivement, dans l'« organisation » qu'ils auraient créée pour adopter des enfants. Vous auriez possédé une entreprise en Egypte et vous précisez avoir par le passé travaillé comme … et avoir notamment travaillé pendant sept ans comme … au Qatar depuis 2010. Après le décès de votre épouse en …, vous auriez été obligé de retourner en Egypte pour être aux côtés de vos enfants.
Vous avez introduit une demande de protection internationale sur base de quatre motifs différents.
Premièrement, vous vous plaignez du fait que vous auriez fait des demandes pour « trois projets » (p. 9 du rapport d'entretien) qui auraient toutes été refusées par les autorités égyptiennes.
Deuxièmement, vous expliquez qu'un membre de votre famille, un dénommé (B), aurait été convoqué à la police et qu'il aurait été assassiné pendant sa garde-à-vue. Avant son entrée dans ledit commissariat, il se serait filmé et toute l'Egypte aurait été témoin de son entrée dans le bureau de police ; il aurait encore été enterré le même jour que cette garde-à-vue. Cette histoire serait liée à vos problèmes étant donné que vous porteriez le même nom de famille.
Convié à expliquer la relation entre cet incident et vos problèmes, vous dites qu'actuellement, le régime égyptien serait en train de prendre de l'argent aux hommes d'affaires et de tous ceux qui voudraient réaliser des projets en Egypte et estimez que « Pour avoir une preuve, mettez sur Google « (AA) ». Le directeur général est en prison » (p. 10 du rapport d'entretien). A nouveau prié à préciser en quoi cela vous concernerait, vous prétendez que ledit directeur et vous-même auriez été associés. Vous ajoutez encore de manière non intelligible les prochaines phrases qui ne sauraient pas être résumées de manière compréhensible : « Et une autre personne (C), un … ; quand je partais en Arabie-Saoudite, c'était mon associé. J'apportais des dattes d'Arabie-Saoudite. Ici il y a une grande entreprise qui s'appelle (BB). Mon père appartenait aux Frères musulmans. Les technocrates sont des opposants au régime actuel et leur siège est à Texas et au Danemark. En Egypte il y a beaucoup d'Egyptiens qui ont subi des injustices » (p. 10 du rapport d'entretien). Vous précisez dans ce contexte que les technocrates, qui seraient « un groupe de génies » (p. 17 du rapport d'entretien) prêts à prendre le pouvoir suite à la chute du Président SISSI, auraient averti (BB) de ne pas envoyer de l'argent pour soutenir le Président SISSI alors que ce dernier se serait servi des pensions des personnes retraitées comme garantie pour recevoir des prêts chez (BB). Cela vous fait encore dire que la vie de chaque Egyptien qui aurait de l'argent serait en danger et qu'actuellement, le taux de criminalité aurait augmenté. Dans ce même contexte, vous vous plaignez du fait que le Président SISSI ferait construire des bâtiments dans le désert pour lesquels il n'y aurait pas d'acheteur et que par conséquent, la criminalité augmenterait tandis que les autres domaines tels l'éducation se trouveraient dans un stade « pénible » (p. 17 du rapport d'entretien). A tout ça s'ajouterait encore la sécheresse et des problèmes avec l'agriculture depuis que l'Ethiopie aurait fermé un barrage.
Troisièmement, vous souffririez de problèmes de santé. Il y aurait … et un médecin au Luxembourg vous aurait expliqué que vous auriez besoin d'infiltrations, ce qui constituerait un traitement couteux. Dans ce contexte, vous précisez que les médecins égyptiens ne seraient « pas au point » (p. 10 du rapport d'entretien) et que deux personnes ayant eu besoin de telles infiltrations en Egypte auraient fini paralysées. Il serait en outre impossible en Egypte de contrôler ces infiltrations par des écrans, comme cela se ferait au Luxembourg. De plus, vous souffririez … et auriez une pile implantée qui ne fonctionnerait qu'en relation avec internet en précisant qu'en Egypte, votre réseaux internet serait très faible.
Quatrièmement, vous auriez quitté l'Egypte parce que les « hommes de Sissi » seraient à votre recherche depuis qu'en mai 2021, vous auriez publié une vidéo sur votre compte Facebook dans laquelle vous auriez parlé de vos médicaments et critiqué le fait qu'un Ministre malade pourrait se rendre tout de suite en Allemagne pour se faire soigner alors « Pourquoi n'avons-nous pas cette possibilité (…) » (p. 11 du rapport d'entretien). Depuis, le régime aurait compris que vous soutiendriez les technocrates, alors qu'il y aurait eu deux infiltrés du gouvernement dans les réunions Zoom que vous auriez eues avec des technocrates. Vous auriez publié cette vidéo dans l'espoir de trouver de l'aide dans le cadre de procédures à suivre pour recevoir des médicaments ou dans le cadre des frais douaniers. En outre, en Egypte, chaque personne qui voudrait faire passer un message, le ferait en publiant des vidéos, « C'est la poste rapide. Surtout quand tu paies de l'argent à Facebook, ta vidéo est vite publiée » (p. 11 du rapport d'entretien). Vous précisez dans ce contexte avoir toujours payé Facebook. Trois jours plus tard, après que le Ministre de la Santé aurait vu cette vidéo, il vous aurait demandé de la supprimer ce que vous auriez refusé. A partir de ce moment, les menaces auraient commencé.
Par la suite, votre compte Facebook aurait été bloqué par les autorités égyptiennes. Vous prétendez par la suite, que trois jours après cette publication, vous auriez reçu une convocation de la police pour vous présenter à leur siège principal au …, ce que vous auriez fait. On vous aurait expliqué que vous seriez contacté par un agent de la ville de …. Trois jours après cette convocation, votre compte Facebook aurait été bloqué par « tous ceux qui travaillent pour le ministère de la santé » (p. 12 du rapport d'entretien). Vous présentez une troisième version en expliquant qu'il se serait agi d'une convocation orale transmise par un policier de votre quartier, un ami et un voisin, qui serait passé chez vous en vous signalant que « Quand tu y veux partir, tu me le dis, je t'accompagne » (p. 12 du rapport d'entretien) et que ce serait en relation avec le ministère de la santé. Vous seriez en outre au courant que le ministère de la santé vous aurait demandé de supprimer ladite vidéo parce que votre ami policier vous aurait informé que le Ministère de la santé vous aurait envoyé une lettre au sujet de la vidéo. Vous prétendez encore que le Ministère ne vous aurait jamais directement demandé de retirer ladite vidéo mais que ça serait votre avocat qui vous aurait parlé de cela et informé que le Ministère de la santé vous aurait envoyé une lettre. Cette dernière se trouverait actuellement auprès de la police. Votre avocat vous aurait en outre conseillé de vous éloigner « un petit peu de la politique » (p. 17 du rapport d'entretien) et de quitter le pays et vous aurait mis en garde que vous seriez arrêté le moment où vous mettriez pied dans un aéroport.
Vous ne vous seriez en tout cas jamais rendu à cette convocation alors que vous auriez de temps en temps donné un peu d'argent audit policier pour qu'il signale qu'il ne vous aurait pas retrouvé et qu'il n'aurait pas pu vous transmettre la convocation. Votre ami policier vous aurait en outre conseillé de quitter le quartier, voire, la ville. Vous auriez par la suite changé de maison et auriez continué à habiter à …, dans la même ville. Votre fils aurait loué cette maison sous une fausse identité. Pendant les prochains mois, vous n'auriez pas rencontré de soucis alors que votre fils se serait beaucoup occupé de vous et vous aurait notamment amené à … et … « pour changer un peu, pour monter le moral » (p. 13 du rapport d'entretien). En septembre 2021, votre fils (D) serait venu vous chercher avec sa voiture pour vous amener à …, où vous auriez résidé pendant un mois chez un ami. Par contre, vous précisez aussi être parti vivre au … pendant le mois avant votre départ d'Egypte, en vous cachant chez un ami et ceci après n'avoir rencontré aucun problème dans votre nouvelle maison à …, parce que vous auriez voulu être avec votre fille (E) qui aurait été stressée à cause de cette « affaire ».
Le 15 octobre 2021, vous auriez quitté l'Egypte à bord d'un grand bateau commercial depuis le port d'… en direction de la … en précisant qu'un passeur vous aurait organisé un certificat de travail de … pour justifier votre présence à bord. Vous auriez pris la décision de quitter l'Egypte après avoir été informé par votre ami policier que vous seriez convoqué par la police, voire, selon vous, recherché par la police. En plus, « le commerce ne marchait plus » (p. 13 du rapport d'entretien). Vous auriez certes pu transférer votre entreprise ailleurs en Egypte, mais la situation concernant « la destruction des maisons, la criminalité » (p. 14 du rapport d'entretien) serait partout pareille.
En …, vous auriez été arrêté par la police et vous auriez été hospitalisé après ne pas avoir pris les médicaments dont vous auriez besoin. Etant donné que vous n'auriez pas voulu donner vos empreintes en Italie et que votre but aurait été de venir au Luxembourg, vous auriez quitté l'hôpital en … et vous auriez pris le train pour rejoindre …. Vous y auriez rencontré des gens qui vous auraient suggéré de monter à bord d'un camion pour rejoindre le Luxembourg.
En cas d'un retour en Egypte, vous prétendez craindre de vous faire arrêter à l'aéroport même par l'Etat, voire, de vous faire tuer par la police. Vous dites que les noms de toutes les personnes qui ne seraient pas présentées à leurs convocations seraient automatiquement envoyés à tous les aéroports. Vous connaîtriez d'ailleurs des amis qui auraient été arrêtés lors de leur retour en Egypte. Vous seriez en outre persuadé d'être recherché par la police parce que votre ami policier vous aurait « parlé de cela » (p. 13 du rapport d'entretien). En plus, vous feriez partie des technocrates opposés au régime de SISSI, de sorte que votre avocat en Egypte vous aurait informé que vous seriez à percevoir comme un « ennemi de Sissi » (p. 14 du rapport d'entretien).
Vous seriez d'avis de faire partie desdits technocrates parce que vous vous verriez comme expert …. Votre rôle au sein des technocrates consisterait dans la transmission de « l'expérience de l'Europe vers l'Egypte. J'ai un projet. Je veux inventer quelque chose au Luxembourg » (p. 18 du rapport d'entretien).
Vous prétendez avoir pu recevoir une preuve de vos dires, respectivement, une « copie de ce document du poste de police » (p. 13 du rapport d'entretien), mais pour cela vous auriez dû payer de l'argent. Par contre pour corroborer vos dires et prouver votre sincérité, vous invitez la Direction de l'immigration à taper le nom d'(F) qui aurait lui aussi publié une vidéo sur Facebook, suite à laquelle son père aurait été arrêté et serait tenu en détention jusqu'à ce que son fils ne se livre. En plus, en 2022, votre ami (G) aurait été arrêté après avoir publié une vidéo sur les réseaux sociaux depuis la Turquie, voire, ses filles et sa femme auraient été arrêtées pendant que lui se serait trouvé en Turquie.
A l'appui de vos dires, vous présentez les documents suivants :
- Un CV vous présentant comme habitant du Luxembourg à la recherche d'un travail comme …, … ou … et précisant que vous auriez travaillé comme … au Qatar entre 2010 et 2019, puis de 2019 à 2021 comme … en Egypte ;
- la copie d'un acte de naissance émis le 10 mai 2019 ;
- deux ordonnances médicales émises au Luxembourg ;
- deux extraits de votre compte Facebook dans lesquels vous semblez avoir ajouté un texte anglais, respectivement, une prétendue traduction de vos commentaires des 18 et 28 novembre 2021;
- quatre photos avec vos deux enfants ;
- deux photos montrant un texte en arabe et une femme parlant au micro sur une chaîne de télévision. Ces photos seraient liées à vos problèmes parce que la première concernerait un chercheur qui aurait été assassiné après avoir critiqué le régime égyptien, « J'ai trouvé sur Google » et la deuxième concernerait (AA), l'épouse d'un « directeur général » (p. 18 du rapport d'entretien) qui serait incarcéré et qui aurait été assassinée en le visitant en prison ;
- des vidéos, dont une en rapport avec une promotion d'une invention que vous auriez faite qui aurait « révolutionné le marché au Canada » (p. 18 du rapport d'entretien) en précisant désormais vouloir révolutionner le Luxembourg et l'Europe avec votre nouvelle invention. La seconde vidéo vous montre présenter un travail réalisé dans une cave. Une autre n'étant pas lisible, mais concernerait un projet de six stations de réserve d'eau potable que vous auriez réalisées en Egypte et qui auraient été « prises » (p. 18 du rapport d'entretien) par les autorités égyptiennes en 2019. La troisième concerne un bout d'une émission transmise sur la chaîne arabe « 5 », qui a été téléchargée sur le site Facebook : … et montre un homme se fâcher dans la rue après être sorti de sa voiture, avant de repartir.
A noter qu'au cours de votre entretien concernant vos motifs de fuite, vous avez montré une vidéo qui montrerait (B) en train de se filmer parce qu'il aurait eu peur de se déplacer au commissariat de police. La fin de la vidéo montrerait son enterrement. Vous avez également montré des vidéos d'Egyptiens mécontents parce que leurs maisons auraient été détruites par l'Etat.
2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.
• Quant à la crédibilité de votre récit Monsieur, avant tout autre développement en cause, il s'agit de soulever que des doutes évidents doivent être formulés à l'encontre de la crédibilité concernant vos motifs de fuite, au vu des nombreuses incohérences et contradictions ressortant de vos dires, de votre comportement adopté en Europe et par le fait que vous n'êtes pas en mesure de corroborer vos dires par des quelconques pièces originales et pertinentes.
Ainsi, il s'agit en premier lieu de soulever que vous ne présentez pas moins de cinq motifs de fuite différents pour justifier votre départ d'Egypte, tout en les présentant de manière confuse ou non logique. Force est en effet de constater que vous justifiez d'abord l'introduction de votre demande de protection internationale auprès de la Police Judiciaire par votre besoin en médicaments et par des menaces que vous auriez reçues. Ensuite, auprès du Service réfugiés, vous justifiez en premier lieu votre recherche d'une protection internationale par le fait que trois de vos « projets » (p. 9 du rapport d'entretien) auraient été refusés par les autorités égyptiennes. Or, hormis le fait que vous restez en défaut total de partager des quelconques informations supplémentaires quant à vos prétendus projets et les raisons qu'auraient eues les autorités égyptiennes à les refuser, vous justifiez par la suite l'introduction de cette demande par le constat qu'un membre de votre famille, un dénommé (B) aurait été arrêté et tué. Vous justifiez par la suite l'introduction de votre demande de protection internationale en critiquant la situation générale en Egypte, respectivement, en pointant du doigt la sécheresse, la criminalité et l'économie. Enfin, vous prétendez que vous auriez dû quitter l'Egypte parce que vous seriez recherché par les « hommes de SISSI » pour avoir publié deux commentaires sur Facebook et parce que vous seriez à percevoir comme « ennemi de Sissi » en tant que membre des « technocrates ».
Concernant cette prétendue recherche dont vous feriez l'objet suite à une convocation qui vous aurait été envoyée, force est en outre de soulever que vous vous contredisez de manière flagrante quant au déroulement de cette convocation. En effet, vous prétendez d'abord que trois jours après avoir publié une vidéo sur Facebook, le Ministre de la Santé vous aurait demandé de la supprimer et qu'après votre refus, des menaces auraient été proférées contre vous. Par la suite, votre compte Facebook aurait été bloqué par les autorités égyptiennes. Or, vous prétendez également, que trois jours après cette publication, vous auriez reçu une convocation de la police pour vous présenter à leur siège principal au …, ce que vous auriez fait, en précisant qu'on vous aurait expliqué que vous seriez contacté par un agent de la ville de ….
Trois jours après cette convocation, votre compte Facebook aurait été bloqué par « tous ceux qui travaillent pour le ministère de la santé » (p. 12 du rapport d'entretien).
Enfin, vous présentez une troisième version en expliquant que vous n'auriez en fait jamais reçu de convocation, mais qu'il se serait agi d'une convocation orale transmise par un policier de votre quartier, un ami et un voisin, qui serait passé chez vous en vous signalant que « Quand tu y veux partir, tu me le dis, je t'accompagne » (p. 12 du rapport d'entretien) et que la convocation serait en relation avec le ministère de la santé. Vous seriez en outre au courant que le ministère de la santé vous aurait demandé de retirer ladite vidéo parce que votre ami policier vous aurait informé que ledit Ministère vous aurait envoyé une lettre au sujet de la vidéo. Contrairement à votre version initiale, vous prétendez finalement que le Ministère ne vous aurait jamais directement demandé de retirer ladite vidéo mais que ça serait votre avocat qui vous aurait parlé de cela et informé que le Ministère de la santé vous aurait envoyé une lettre. Dans le cadre de cette troisième version, vous prétendez désormais aussi que vous ne vous seriez en fait jamais rendu à cette convocation mais que vous auriez payé votre voisin policier pour qu'il signale qu'il ne vous aurait pas retrouvé.
Il est dès lors évident qu'aucune crédibilité ne saurait être accordée à vos dires concernant cette prétendue convocation suivie du fait que vous seriez désormais recherché par les autorités égyptiennes, alors que vous prétendez d'abord avoir parlé avec le Ministère de la Santé trois jours après la publication sur Facebook, ensuite avoir reçu une convocation pour vous rendre au siège principal de la police au …, ce que vous auriez fait, pour finalement prétendre que vous n'auriez en fait jamais reçu de convocation et que vous ne vous seriez pas non plus rendu au Ministère de la Santé ou au siège de la police au …, mais que vous vous seriez contenté à payer un voisin policier pour qu'il prétende qu'il n'aurait jamais pu vous transmettre ladite convocation. Comme susmentionné, vous vous contredisez donc aussi en prétendant d'un côté que le Ministère de la Santé vous aurait demandé de retirer ladite vidéo, mais de l'autre côté que vous n'auriez en fait jamais parlé au Ministère de la Santé mais que votre avocat vous en aurait parlé.
Concernant cette troisième version, il faut encore ajouter qu'il ne fait pas de sens non plus que les autorités égyptiennes vous aient uniquement demandé de retirer votre vidéo de Facebook en mai 2021, alors que vous prétendez vers la fin de votre entretien, que déjà en 2019, vous auriez publié une vidéo qui aurait alors tout simplement été supprimée par les autorités égyptiennes. Il faudrait par conséquent se demander pourquoi elles n'auraient pas réagi de la même façon en 2021. Ajoutons à cela que tout au long de votre entretien, vous parlez de deux vidéos que vous auriez publiées sur Facebook, dont celle de mai 2021. Or, vous prétendez vers la fin de votre entretien que vous auriez publié vos deux vidéos en 2019 et 2020 (p. 20 du rapport d'entretien). Pour être complet au sujet de ces prétendues publications sur Facebook, notons qu'il ne fait pas de sens non plus lorsque vous prétendez avoir payé de l'argent pour publier vos vidéos sur Facebook, alors que la publication de vidéos sur ce réseau est évidemment gratuite.
Vous vous contredisez à nouveau quant à votre prétendue fuite, respectivement, vos derniers mois vécus en Egypte avant de vous décider à venir en Europe. En effet, selon votre première version des faits, après avoir vécu à …, depuis septembre 2021, vous auriez ressenti le besoin de vivre de façon cachée au …. Or, selon une deuxième version des faits, vous auriez vécu à …, près de …, où vous n'auriez pas rencontré de soucis alors que votre fils se serait beaucoup occupé de vous et vous aurait notamment amené à … et … « pour changer un peu, pour monter le moral » (p. 13 du rapport d'entretien). Ensuite, en septembre 2021, il vous aurait à nouveau amené à …, où vous auriez résidé pendant un mois chez un ami. Vous précisez être parti vivre a … après n'avoir rencontré aucun problème parce que votre fille (E) aurait été stressée et inquiète à cause de cette « affaire », de sorte que vous auriez voulu rester avec elle.
A cela s'ajoute que vos explications en lien avec lesdits technocrates ne permettent manifestement pas de donner plus de poids à vos dires, respectivement, plus de crédibilité à vos motifs de fuite. Rappelons tout d'abord que les technocrates surgissent de nulle part dans votre récit lorsque vous formulez les phrases suivantes qui n'ont ni tête ni queue : « Et une autre personne (C), un … ; quand je partais en Arabie-Saoudite, c'était mon associé. J'apportais des dattes d'Arabie-Saoudite. Ici il y a une grande entreprise qui s'appelle (BB). Mon père appartenait aux Frères musulmans. Les technocrates sont des opposants au régime actuel et leur siège est à Texas et au Danemark. En Egypte il y a beaucoup d'Egyptiens qui ont subi des injustices » (p. 10 du rapport d'entretien).
De plus, votre définition plus que superficielle selon laquelle les technocrates constitueraient « un groupe de génies » (p. 17 du rapport d'entretien) prêts à prendre le pouvoir suite à la chute du Président SISSI, ne permet manifestement pas de retenir dans votre chef un quelconque réel soutien de ce mouvement. Notons que les technocrates d'Egypte se présentent eux-mêmes comme étant « a group of independent Egyptian experts and professionals, residing in various parts of the world for long periods of time, with various specializations, including university professors, jurists, doctors, engineers, businessmen, etc., (…), who have knowledge and experience. Which qualified them to reach the highest positions in their specialties in the countries of exile, and none of the members belong to any parties. And by virtue of their positions and the multiplicity of their experiences, they have contacts with the various sectors of the societies in which they live and work, and on multiple levels, and therefore they are completely stable in their positions and do not need them to seek any resources or positions, which makes their loyalty to the Egyptian national cause pure loyalty, which is the basis for the formation of the group. (…) The group has worked for three years on relations of friendship and respect and has prepared comprehensive, practical programs for implementation in Egypt, that is, not slogans.
(…) The programs range from politics and economics to multiple applications such as agriculture, industry, health and education. The group began to move from preparing programs to taking over campaigns, including the initiative to review and cancel debts, how to confront the Ethiopian dam, and file lawsuits to compensate the people of …. And opening the door to membership to benefit from the people of knowledge and high professional experience from Egyptians outside Egypt in all fields and inside Egypt if their participation does not pose a danger to them. The group welcomes cooperation with various national opposition currents, whether individuals or groups, on the condition that they maintain complete independence, that is, without any merger, as well as maintaining the highest level of professionalism ».
Il échet en outre de constater que vous prétendez d'un côté que vous soutiendriez le mouvement des technocrates, alors que vous auriez participé à des réunions en ligne, mais de l'autre côté que vous feriez carrément parti de ce groupe de technocrates. De plus, au vu des informations qui précèdent concernant le profil recherché, respectivement, le profil idéal de ces Egyptiens expatriés que le mouvement des technocrates chercherait à recruter, il ne fait pas de sens non plus que vous auriez rejoint ce mouvement en tant que …, voire, que vous seriez d'avis de faire partie desdits technocrates parce que vous vous verriez comme expert …. Votre précision selon laquelle, votre rôle au sein des technocrates consisterait dans la transmission de « l'expérience de l'Europe vers l'Egypte. J'ai un projet. Je veux inventer quelque chose au Luxembourg » (p. 18 du rapport d'entretien), ne permet d'ailleurs manifestement pas non plus de donner plus de poids à vos dires.
En effet, hormis le fait que vous restez en défaut d'expliquer de quelle « expérience » vous parlez et comment vous l'auriez « transmise » en Egypte, il échet surtout de soulever que vous n'auriez donc encore rien inventé au Luxembourg, ni « révolutionné » un quelconque marché, serait-ce au Luxembourg ou au Canada. Vos allégations sont à percevoir comme une tentative manifestement pas convaincante de vous donner un rôle et un poids que vous n'avez pas, respectivement, de présenter un récit qui serait en mesure de justifier l'adhésion d'un … ordinaire à un groupe de « génies » à la recherche d'Egyptiens dans les « highest positions in their specialties in the countries of exile (…) And by virtue of their positions and the multiplicity of their experiences, they have contacts with the various sectors of the societies in which they live and work ». Dans ce contexte d'exagération, il s'agit en outre de constater qu'il n'est clairement pas crédible non plus que votre avocat en Egypte vous ait conseillé de vous éloigner « un petit peu de la politique En effet, étant donné que vous n'étiez nullement impliqué dans le monde politique et que vous n'êtes manifestement pas non plus à percevoir comme étant un activiste politique, une telle prétendue remarque de votre avocat est dénuée de tout sens. Il s'ensuit que là encore, il doit être déduit que vous avez choisi de faire part d'un récit inventé en vous servant de mots clés dans le cadre de votre entretien concernant vos motifs de fuite, censés à vous faire passer comme une personne qui aurait été liée à la politique en Egypte et qui augmenteraient du coup les probabilités de vous faire octroyer une protection internationale.
Dans ce contexte, on peut encore ajouter que votre compte Facebook ne fait pas non plus état d'un quelconque activisme, alors que vous aviez tout au plus partagé quelques photos d'interviews ou de nouvelles sur des chaînes de télévision.
Sur base de tout ce qui précède, il doit en tout cas être conclu que vous ne faites clairement pas parti de ce mouvement de technocrates, mais que vous en avez entendu parler dans les médias et décidé de vous servir de ce sujet dans le cadre de votre demande de protection internationale. Ce constat vaut d'autant plus qu'il vous aurait manifestement été facile de prouver votre réel soutien, voire, votre réelle adhésion au mouvement des technocrates d'Egypte par le versement de preuves, notamment la preuve que vous auriez réellement soutenu ce mouvement en signant sa pétition en ligne lancée en avril 2022, appelant le Président SISSI de renoncer au pouvoir, voire, des preuves de votre participation à des réunions en ligne, d'une quelconque communication que vous auriez eue avec des membres des technocrates d'Egypte ou tout autre pièce susceptible de démontrer que vous auriez des liens avec ce mouvement, ou ne serait-ce que soutenu ce mouvement par des commentaires ou des publications en ligne. De façon plus générale, il s'agit d'ailleurs de soulever que vous êtes resté en défaut de verser une quelconque pièce pertinente, susceptible de corroborer ne serait-ce qu'une petite partie de vos dires.
En effet, à part les certificats médicaux non pertinents, les vidéos non pertinentes concernant votre travail, les vidéos non pertinentes montrées au cours de votre entretien concernant la destruction de maisons en Egypte, les photos non pertinentes de vos enfants, votre CV non pertinent, la copie d'un acte de naissance non pertinente et deux photos montrant un texte en arabe non traduit et une femme parlant en arabe d'un sujet inconnu sur une chaîne de télévision, vous êtes uniquement en mesure de transmettre deux messages en langue arabe que vous auriez publiés sur votre compte Facebook trois semaines après l'introduction de votre demande de protection internationale au Luxembourg et qui ne concernent donc manifestement pas non plus vos motifs de fuite.
A cela s'ajoute que vous êtes resté en défaut de verser des traductions des pièces versées dans une des trois langues prévues par la loi. De plus, il faudrait soulever que les traductions en anglais ajoutées sur les copies concernant vos prétendus commentaires Facebook n'auraient aucune force probante alors que vous les auriez réalisées vous-mêmes. Force est en tout cas de constater qu'hormis vos deux commentaires sur Facebook publiés postérieurement à votre demande de protection internationale, vous avez versé des pièces qui ne vous concernent pas ou des pièces totalement non pertinentes qui ne sauraient nullement permettre de donner plus de poids à vos dires. Ce constat ne saurait manifestement pas être ébranlé par votre allégation selon laquelle les photos d'un texte en arabe et d'une femme parlant dans un microphone vous concerneraient parce qu'elles montreraient un chercheur qui aurait été assassiné après avoir critiqué le régime égyptien en précisant au sujet de cette vidéo que « J'ai trouvé sur Google », ainsi que l'épouse d'un directeur général qui serait incarcéré et qui aurait été assassinée en le visitant en prison. A supposer ces faits réels, vous resteriez en tout cas toujours en défaut de démontrer en quoi ces photos ou vidéos vous concerneraient.
Dans ce contexte, il s'agit de plus de constater que vos tentatives de justification censées expliquer pourquoi vous n'auriez pas été en mesure de verser des pièces originales n'emportent clairement pas conviction non plus. Ainsi, vous prétendez d'abord que vous ne seriez pas en mesure de verser des pièces originales parce qu'il serait compliqué de communiquer avec vos enfants qui seraient peut-être surveillés (p. 3 du rapport d'entretien). Or, vous prétendez par la suite que vous communiqueriez avec vos enfants via WhatsApp et qu'ils vous auraient envoyé par le biais de cette application une photo d'un acte de naissance. Etant donné que la communication entre vous serait donc clairement établie, votre excuse ne tient par conséquent plus la route. Ensuite, vous tentez d'avancer une nouvelle justification censée expliquer l'absence de toute pièce originale, en prétendant désormais que vous devriez vous trouver en personne en Egypte pour vous faire remettre des pièces originales. Or, si tel était le cas, il faudrait alors se demander quel document vos enfants auraient bien pu prendre en photo.
Convié à vous expliquer, vous prétendez alors que vos enfants auraient pris une photo d'une copie de votre acte de naissance, de sorte que le document remis devrait alors constituer une photo. Force est cependant de constater que le document en question ne constitue manifestement pas une photo d'un document mais bien une copie d'un document. Force est en plus de constater que vous vous trouviez en Egypte lorsque vous auriez demandé un acte de naissance, de sorte que selon votre propre théorie, on aurait alors dû vous remettre une pièce originale. Vous tentez certes de vous justifier en expliquant que vous seriez en possession de cette copie parce que vous auriez demandé une copie de votre acte de naissance pour pouvoir demander un passeport, alors que « J'ai préparé mon passeport au cas où j'aurais besoin de fuir », mais à nouveau, cette excuse n'emporte clairement pas conviction.
A part le fait qu'on aurait dû vous remettre une pièce originale étant donné que vous auriez demandé votre acte de naissance en personne, il s'agit surtout d'ajouter qu'il ne fait clairement pas de sens non plus qu'une personne se disant persécutée par les autorités, respectivement, recherchée par les autorités égyptiennes pour constituer un « ennemi de Sissi » et avoir été convoquée par la police, décide en même temps de s'adresser à ces mêmes autorités pour se faire remettre un passeport. En effet, prendre le choix de demander un passeport, respectivement, d'attendre la remise d'un nouveau passeport, avant de quitter un pays, ne constitue manifestement pas une fuite, mais doit être perçu comme le comportement normal d'une personne qui veut quitter son pays de manière officielle et manifestement sans se cacher des autorités. Ce constat vaut d'autant plus qu'il n'est clairement pas plausible non plus que vous ayez demandé ce passeport parce que vous ne vous seriez pas senti en sécurité en Egypte en faisant référence au fait que votre père aurait été membre des Frères musulmans.
En effet, si jamais vous aviez réellement peur de la réaction des autorités égyptiennes à cause de votre prétendue proximité avec les Frères musulmans, il ferait encore moins de sens de justement s'adresser à elles et demander l'émission d'un passeport. Concernant ce passeport, force est par ailleurs de constater que vous vous contredisez à nouveau en prétendant d'abord que vous l'auriez perdu en … (fiche de données personnelles), puis que le passeur l'aurait gardé (rapport du Service de Police Judiciaire) et finalement que le passeur vous aurait informé que « mon passeport était resté en Egypte » (p. 4 du rapport d'entretien). Il est dès lors évident que vous ne jouez manifestement pas non plus franc jeu avec les autorités luxembourgeoises pour ce qui est des raisons vous ayant amené à demander un passeport, ni quant au lieu où se trouverait actuellement ce passeport. Il faut en déduire que vous avez décidé de vous défaire de ce passeport ou de le cacher des autorités luxembourgeoises pour ainsi empêcher les autorités desquelles vous demandez une protection internationale de pouvoir corroborer vos dires et de se faire une idée de votre véritable départ d'Egypte et véritable parcours avant votre arrivée au Luxembourg.
Quoi qu'il en soit, votre comportement totalement inactif et passif dans le contexte de la remise de pièces fait en tout cas preuve d'un désintérêt évident par rapport à votre demande de protection internationale et ne fait que confirmer les doutes retenus concernant votre crédibilité, alors qu'on doit pouvoir attendre d'une personne réellement persécutée ou à risque d'être persécutée et vraiment à la recherche d'une protection internationale, qu'elle entreprenne au moins tout ce qui est dans son pouvoir pour se procurer des pièces concluantes par rapport à ses dires et mette à disposition des autorités desquelles elle souhaite obtenir cette protection des preuves susceptibles de corroborer ses allégations. Etant donné que votre famille serait restée vivre en Egypte et que vous y auriez en plus contact avec votre avocat et que vous seriez ami avec votre voisin policier, il devrait en tout cas vous avoir été facile de verser des quelconques preuves pertinentes et probantes à l'appui de vos dires, autres que deux commentaires sur Facebook publiés une vingtaine de jours après l'introduction de votre demande de protection internationale. Il faut en tout cas conclure que pendant les quatorze mois que vous auriez vécus au Luxembourg, vous n'auriez à aucun moment jugé utile ou opportun de vous procurer des pièces qui seraient en mesure de corroborer vos dires en rapport avec vos prétendus problèmes, tels les vidéos que vous auriez publiés, les menaces reçues, des preuves concernant la convocation reçue, la communication que vous entretiendriez avec votre avocat et vos enfants, vos liens ou votre communication avec des technocrates, voire, votre adhésion à ce groupe, votre vécu en Egypte, votre travail et l'entreprise que vous auriez possédée, la prétendue destruction de votre maison après votre départ d'Egypte ou votre prétendue fuite moyennant un contrat de travail sur un bateau.
Il est évident que la sincérité de vos propos ne saurait pas non plus être retenue sur base du fait que pour corroborer vos dires, vous invitez la Direction de l'immigration à rechercher sur internet le nom d'(F) qui aurait lui aussi publié une vidéo sur Facebook, suite à laquelle son père aurait été arrêté et serait tenu en détention jusqu'à ce que son fils ne se livre.
En effet, si ce You tubeur proche des Frères musulmans a effectivement publié des vidéos montrant des scènes de torture qui auraient été perpétrées dans des prisons égyptiennes et que son père a ensuite été inquiété par les autorités égyptiennes, cette histoire ne vous concerne à nouveau pas et ne permet en rien de corroborer votre récit. Il en est de même du fait qu'en 2022, un ami aurait été arrêté après avoir publié des vidéos ; d'autant plus que vous prétendez par la suite, qu'en fait, ses filles et sa femme auraient été arrêtées pendant que lui se serait trouvé en Turquie, où il aurait publié lesdites vidéos. Ces éléments vous concernent d'autant moins, que contrairement à ces récits, les autorités égyptiennes n'auraient donc à aucun moment inquiété vos enfants ou tout autre membre de famille, respectivement, procédé à des arrestations de membres de votre famille.
Que vous n'êtes nullement persécuté en Egypte ou à risque d'être persécuté, respectivement, que vous n'y craignez rien en particulier est en outre démontré par votre parcours adopté depuis votre départ de votre pays d'origine. Ainsi, alors qu'on peut attendre d'une personne persécutée ou à risque d'être persécutée qu'elle introduise sa demande de protection internationale dans le premier pays sûr rencontré et dans les plus brefs délais, il ressort de vos dires que vous auriez d'abord séjourné en Italie en n'y recherchant à aucun moment une protection, avant de monter à bord d'un bus qui vous aurait fait traverser la France ou la Suisse et l'Allemagne, où le réflexe d'y rechercher une protection internationale ne vous est toujours pas venu, alors que vous avez préféré attendre vous trouver au Luxembourg pour demander une protection.
Or, tel n'est clairement pas le comportement d'une personne en besoin de protection qui aurait évidemment été reconnaissante de pouvoir bénéficier d'une protection offerte par les pays susmentionnés, mais bien le parcours d'une personne qui serait guidée par des considérations économiques ou de convenance personnelle, respectivement, d'une personne qui aurait décidé de s'installer dans un pays qui pourrait lui garantir de bonnes prestations sociales ou matérielles, respectivement un cadre de vie plus élevé, contrairement, en apparence, aux pays dans lesquels elle aurait séjourné ou qu'elle aurait visités jusque-là.
Que des motifs économiques ou de convenance personnelle sous-tendent votre demande de protection internationale est d'autant plus évident que vous confirmez vous-même qu'à un moment donné, « le commerce ne marchait plus » et que vous auriez certes pu transférer votre entreprise ailleurs en Egypte, mais la situation concernant « la destruction des maisons, la criminalité » (p. 14 du rapport d'entretien) serait partout pareille. A part le fait que les autorités égyptiennes n'auraient donc pas non plus, comme vous le prétendez à un moment donné, détruit votre société étant donné que vous auriez pu la transférer ailleurs, des considérations matérielles ou de convenance personnelle vous auraient donc entre autre empêché de vous installer ailleurs en Egypte. Dans ce même contexte, il faudrait ajouter qu'il ne saurait clairement pas être exclu non plus que vous soyez retourné vivre en Egypte après que votre contrat de travail au Qatar aurait pris fin et qu'après avoir réalisé que vos affaires ne marcheraient pas bien en Egypte, vous avez à nouveau pris le choix de quitter votre pays d'origine pour gagner votre argent à l'étranger. Que votre arrivée au Luxembourg s'explique par la recherche d'un travail, respectivement des motifs d'ordre économique ou de convenance personnelle se trouve davantage confirmé par votre CV versé dans le cadre de votre demande en obtention d'une Autorisation d'Occupation Temporaire, informant notamment qu'entre 2019 et 2021, vous auriez travaillé comme … et été impliqué dans l[a] construction d'un bâtiment, avant de quitter le pays.
Concernant votre travail et prétendu vécu en Egypte, il faut encore ajouter que vous prétendez sur votre site Facebook travailler comme « … » chez « Le … et le Peuple » (traduction google translate), tout en prétendant initialement auprès de la Direction de l'immigration avoir été indépendant et avoir possédé une entreprise, pour prétendre par la suite avoir possédé plusieurs sociétés. Outre ces nouvelles contradictions, force est de constater que vous finissez par expliquer vous-même que l'entreprise que vous auriez possédée aurait consisté dans un atelier que vous auriez installé dans l'immeuble d'une organisation pour enfants orphelins qui aurait été créée par vos parents adoptifs.
Quand bien même une once de crédibilité devrait être accordée à vos dires, ce qui reste contesté, il s'avère que vous ne remplissez pas les conditions pour l'octroi du statut de réfugié, respectivement pour l'octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.
• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée la « Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.
Aux termes de l'article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifiée de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ». L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.
Monsieur, force est en premier lieu de soulever que des motifs médicaux (mentionnés auprès de la Police Judiciaire et p. 10 du rapport d'entretien) et économiques ou de convenance personnelle ne sauraient pas justifier l'octroi du statut de réfugié alors qu'ils ne rentrent nullement dans le champ d'application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015, textes qui prévoient une protection à toute personne persécutée ou à risque d'être persécutée sur base de l'un des cinq critères précités.
Concernant ensuite votre prétendue crainte d'être recherché par les autorités égyptiennes, soulevons que vous n'auriez en fait aucune idée si vous êtes réellement recherché.
En effet, vous baseriez votre prétendue crainte d'être recherché par les autorités égyptiennes sur cette seule prétendue convocation que vous auriez reçue à une date inconnue, dans le cadre d'une affaire inconnue, en précisant que les identités de toutes les personnes qui ne se présenteraient pas à leurs convocations seraient envoyées à tous les aéroports. Or, comme susmentionné, vous vous contredisez de manière flagrante quant à cette convocation et les démarches que vous auriez entreprises dans ce contexte, tout comme vous vous contredisez ensuite sur vos prétendues résidences et le fait que vous auriez dû vivre de façon cachée. Même à supposer que cette convocation existe réellement, il s'agirait de constater que vous n'auriez en fait aucune idée pourquoi vous auriez été convoqué, ni si vous aviez été inculpé d'une quelconque infraction ou si vous étiez uniquement convoqué en tant que témoin. Vos prétendues craintes d'être recherché pour une raison inconnue doivent en tout cas être définies comme étant totalement hypothétiques au vu des informations ressortant de votre entretien. Ce constat ne saurait pas être ébranlé par le seul fait que vous seriez persuadé d'être recherché par la police parce que votre ami policier vous aurait « parlé de cela ». Quant au fait que vous seriez aussi recherché par les autorités égyptiennes parce que vous seriez d'avis de faire partie des technocrates et que votre avocat vous aurait par conséquent expliqué que vous seriez à percevoir comme un « ennemi de Sissi », notons qu'au vu des informations ressortant de votre dossier administratif et des recherches effectuées, il ne saurait aucunement être retenu que vous fassiez effectivement partie desdits Egypt's technocrats. Vos craintes d'être recherché dans ce contexte doivent donc à nouveau être définies comme étant totalement hypothétiques, respectivement, infondées.
Le constat est identique pour ce qui de vos prétendues craintes en lien avec la prétendue publication de deux vidéos. En effet, à part le fait que vous restez en défaut de verser la moindre preuve à l'appui de ces dires, si on se tient à une de vos versions, vous auriez donc publié une vidéo en 2019 qui aurait été supprimée par les autorités et puis une autre en 2020. Or, force est de constater que vous auriez par la suite continué à vivre normalement et à travailler en Egypte et que vous auriez même demandé un passeport auprès des autorités égyptiennes après avoir demandé un acte de naissance en 2019, de sorte que vous n'auriez à aucun moment été inquiété par les autorités, respectivement, recherché par celles-ci. Si on se tient à votre deuxième version, vous auriez publié deux vidéos en 2021 et vous vous contredisez ensuite sur la suite en prétendant d'un côté que les autorités vous auraient demandé de retirer la vidéo avant de bloquer votre compte Facebook et que vous auriez alors reçu une convocation trois jours après cette publication pour vous rendre au siège principal de la police au …, ce que vous auriez fait. Ensuite, vous prétendez que vous n'auriez jamais reçu de convocation mais que votre voisin policier vous aurait parlé de ce sujet, ce qui vous fait dire qu'il se serait agi d'une convocation orale. Dans le cadre de cette version, vous ne vous seriez pas non plus rendu à la police et vous prétendez désormais aussi que les autorités ne vous auraient en fait jamais demandé retirer les vidéos en question mais que ça aurait été votre avocat qui vous aurait parlé de ce sujet. Quoi qu'il en soit, force est de constater qu'après cette prétendue publication, vous auriez pu continuer à vivre normalement à …, où vous n'auriez rencontré aucun souci et n'auriez été inquiété par personne. Vous précisez que pendant cette période, votre fils vous aurait notamment amené à … et … « pour changer un peu, pour monter le moral », de sorte que vous ne vous seriez donc manifestement pas caché de qui que ce soit, mais profité de la vie en visitant votre pays. Hormis le fait que vous vous contredisez ensuite à nouveau sur votre résidence étant donné que vous prétendez d'un côté avoir déménagé à … en septembre 2021, mais de l'autre côté être parti vivre au … en septembre 2021, il échet en tout cas de constater que vous ne faites pas état d'un quelconque problème que vous auriez rencontré jusqu'à votre départ du pays, de sorte que vos craintes d'être recherché par les autorités égyptiennes doivent à nouveau être perçues comme étant totalement hypothétiques, voire, infondées. Ce constat vaut d'autant plus que vous seriez donc carrément resté habiter dans la même ville de … sans jamais avoir été inquiété par les autorités et que vous vous seriez par la suite installé chez votre fille, alors qu'on doit évidemment s'en douter que si vous étiez réellement recherché par les autorités égyptiennes, ces dernières vous auraient certainement aussi cherché chez vos enfants, respectivement, elles auraient au moins interrogé vos enfants pour découvrir votre résidence.
Enfin, quant à la prétendue destruction de votre maison dont vous parlez brièvement et qui aurait eu lieu après votre départ d'Egypte, notons en premier lieu qu'il ressort en fin de compte de vos dires que vous n'auriez pas possédé de maison, mais que vous vouliez en fait parler du bâtiment qui aurait appartenu à l'organisation créée par votre père adoptif dans le but d'adopter des enfants, où vous auriez vécu avec trois autres enfants adoptés ; « C'était une maison où il y avait plusieurs orphelins. Nous étions nombreux mais il y avait quelques-uns qui sont restés » (p. 2 du rapport d'entretien). Les autorités n'auraient donc de toute façon pas détruit votre maison, mais un bâtiment appartenant à cette organisation, respectivement à votre père adoptif et dont vous prétendez uniquement avoir hérité une partie après sa mort. A cela s'ajoute que vous faites vous-même référence à une vingtaine de vidéos qui parleraient de cette destruction et qui se trouveraient également sur votre compte Facebook. Or, force est justement de constater que votre commentaire publié sur votre compte Facebook concernant cette destruction contredit vos commentaires de votre entretien concernant vos motifs de fuite. En effet, il ressort d'une traduction google translate du texte publié près d'une photo montrant la destruction d'un immeuble que ces destructions auraient eu lieu parce que des citoyens auraient violé la loi dans le cadre de la construction, respectivement, parce que les autorités auraient retenu que ces immeubles auraient été construits sans permis de construire.
Ces destructions n'auraient donc, contrairement à vos allégations, aucun lien avec votre prétendu soutien des technocrates ou votre prétendue opposition au régime du Président SISSI, respectivement, avec vos prétendues vidéos dans lesquelles vous auriez critiqué le régime. Ce constat se trouve confirmé par les informations en mains desquelles il se dégage très clairement que les destructions de bâtiments qui ont eu lieu à partir de 2020 dans tout l'Egypte et notamment dans la région du … où vous auriez vécu, ont été décidées parce que : « (…) Like hundreds of thousands of others, and many dependents, she faces a deadline at the end of October by which residents of buildings without permits - mostly in poor areas - must apply to regularise their property for a fee, or face demolition. Officials say that the law introduced last year is part of a crackdown on illegal buildings that violate safety standards, hinder traffic and development, and encroach on arable land. It's part of a drive by President Abdel Fattah al-Sisi to upgrade infrastructure and housing and deal with decades of haphazard construction that accelerated after a 2011 uprising. But for some residents the demolition threat is a fresh blow after years of economic austerity, rising prices and, most recently, the fallout from the coronavirus. (…) The president has complained that not enough people were coming forward to regularise their properties, and (…) threatened to deploy the army in villages to demolish illegal houses if violations did not stop. Some residents in … told Reuters that they rushed to regularise their property after the incident (…) ».
Il s'ensuit que la prétendue destruction d'un bâtiment ayant appartenu à une organisation de votre père adoptif et que vous qualifiez de votre maison, n'aurait aucun lien avec la Convention de Genève et la Loi de 2015, alors qu'elle s'inscrirait manifestement dans la politique des autorités égyptiennes visant à mettre fin à des décennies de constructions illégales. De plus, il s'agirait d'ajouter que la destruction d'une bâtisse illégale ne saurait manifestement pas non plus être perçue comme une persécution, mais bien comme une démarche tout à fait compréhensible des autorités dans le cadre d'un Etat de droit. Ce dernier constat vaut d'autant plus qu'il ressort pour le surplus des articles précités que vous auriez eu la possibilité de régulariser une bâtisse illégale moyennant le payement d'une commission.
Partant, le statut de réfugié ne vous est pas octroyé.
• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.
L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.
L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Outre les conclusions ci-dessus retenues quant aux doutes relatives à la crédibilité de vos déclarations, il y a encore lieu de retenir qu'il n'existe manifestement pas davantage d'éléments susceptibles d'établir, sur la base des mêmes faits que ceux exposés en vue de vous voir reconnaître le statut de réfugié, qu'il existerait des motifs sérieux et avérés de croire que courriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 de la loi de 2015. En effet, vous omettez d'établir qu'en cas de retour en Egypte, vous risqueriez la peine de mort ou l'exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre votre vie ou votre personne en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. Vos seules allégations selon lesquelles vous prétendez craindre une arrestation dès que vous auriez mis un pied sur le sol égyptien, voire, craindre d'être tué, doivent manifestement être perçues comme craintes totalement hypothétiques, voire, non fondées.
Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.
Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée.
Suivant les dispositions de l'article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de l'Egypte, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 mars 2023, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle du 21 février 2023 portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
Par jugement du 8 janvier 2025, le tribunal administratif reçut le recours en réformation en la forme, au fond, le déclara non justifié et en débouta le demandeur, tout en le condamnant aux frais de l’instance.
Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 10 février 2025, Monsieur (A) a régulièrement relevé appel de ce jugement.
A l’appui de son appel, il réitère en substance l’exposé des faits qui l’auraient poussé à quitter son pays d'origine, l’Egypte. Il dit avoir quitté son pays d'origine en raison des menaces et persécutions qu’il y aurait subies du fait d’avoir critiqué les autorités sanitaires de son pays, comme il aurait dénoncé le système de santé égyptien et l’accès ainsi que la prise en charge des malades, qui serait tributaire de leur statut social. Etant lui-même souffrant, il aurait publié des vidéos dans lesquelles il aurait dénoncé l’appropriation du système de santé par les « hommes de Sissi ». Il se serait alors vu refuser par les autorités égyptiennes des demandes de projets. Il craint également d’être persécuté du fait de porter le même patronyme qu’un dénommé (B), qui aurait été assassiné pendant sa garde à vue au commissariat de police, du fait de son appartenance aux frères musulmans et de son militantisme au sein du mouvement des « Technocrates », ce qui ferait de lui une cible des « hommes de Sissi ».
En droit, l’appelant reproche aux premiers juges de ne pas avoir correctement évalué sa situation particulière ainsi que la situation générale prévalant dans son pays d'origine, en insistant sur le danger qu’il y courrait du fait de son engagement politique, affirmant avoir subi des pressions et des menaces de la part des autorités égyptiennes du fait de ses prises de position.
Il sollicite partant la reconnaissance du statut de réfugié et, en ordre subsidiaire, l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.
Enfin, l’ordre de quitter le territoire serait à réformer, alors que son éloignement vers son pays d’origine serait suivi d’une atteinte à sa vie.
Le délégué du gouvernement, pour sa part, conclut en substance à la confirmation intégrale du jugement entrepris.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 sub f) de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».
Il se dégage de la lecture combinée des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
L’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.
Il s’y ajoute que la définition du réfugié contenue à l’article 2 sub f), de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2 sub g), de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du juge devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.
L’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.
La Cour constate que les premiers juges n’ont pas examiné la question de la crédibilité du récit de l’appelant, pourtant remise en question par le ministre.
La Cour est amenée à procéder à la même analyse que celle opérée par les premiers juges qui ne prête pas à critique, étant donné que la conclusion que les faits invoqués, même à les considérer comme établis, ne permet pas de justifier l’octroi d’une protection internationale, suffit pour rejeter le recours, l’examen de la crédibilité du récit devenant surabondant dans cette hypothèse.
La Cour constate que l’appelant invoque en appel en substance sa crainte de faire l’objet de persécutions, en cas de retour dans son pays d'origine, du fait d’avoir critiqué le système de santé égyptien, en publiant notamment des vidéos sur Facebook dans lesquelles il critiquait l’accès inégalitaire aux soins de santé, ce qui aurait fait de lui une cible des hommes du président égyptien SISSI, d’une part, et du fait d’être membre du mouvement des « Technocrates », d’autre part.
Concernant tout d’abord la crainte avancée par l’appelant, selon laquelle il serait recherché par les autorités égyptiennes, la Cour rejoint entièrement l’analyse pertinente des premiers juges qui les a amenés à la conclusion qu’il n’était pas établi que l’intéressé était effectivement recherché par ses autorités nationales. En effet, force est de constater que les déclarations afférentes de l’appelant sont essentiellement vagues, confuses et ne permettent dès lors pas de retenir qu’il aurait effectivement été convoqué au commissariat de police ni pour quel motif. Aucun élément objectif concret ne permet ainsi de retenir que cette convocation orale au commissariat de police, dont l’appelant se prévaut, aurait été liée à son refus de supprimer la vidéo publiée sur Facebook ou à son soutien du mouvement des « Technocrates ».
De même, la seule affirmation de l’appelant, non autrement étayée, que ses demandes de trois projets auraient été refusées par les autorités égyptiennes, ne permet pas non plus, à défaut d’autres éléments, de retenir qu’il ait été victime de discriminations en raison de ses opinions politiques.
Quant à l’affirmation de l’appelant selon laquelle il aurait risqué de subir le même sort que le dénommé (B), qui aurait été assassiné pendant sa garde à vue au commissariat de police, s’il avait donné suite à la convocation orale au commissariat de police, la Cour, à la suite des premiers juges, constate que cette crainte reste à l’état de simple allégation et n’est étayée par aucun élément concret, le seul fait de porter le même nom de famille n’étant pas suffisant pour retenir que l’appelant risquerait d’être victime d’actes similaires.
Le même constat s’impose en ce qui concerne les critiques que l’appelant aurait publiées sur son compte Facebook et qui viseraient le système de santé égyptien dont il critique l’accès aux soins de santé qu’il qualifie d’inégalitaire. En effet, aucun élément dans les déclarations de l’appelant ne permet de retenir qu’il aurait rencontré des difficultés concrètes en lien avec ses critiques, le lien avec la convocation au commissariat de police ne reposant que sur de simples suppositions de sa part.
Si l’appelant affirme encore que la destruction de sa maison familiale serait également liée à la publication de sa vidéo sur Facebook sinon à son soutien du mouvement des « Technocrates », la Cour partage la conclusion des premiers juges que cette affirmation reste également à l’état de simple allégation. Il est, en effet, plus probable que la destruction de la maison familiale s’inscrit plutôt dans le contexte de la politique des autorités égyptiennes visant à mettre fin aux constructions illégales, tel que relevé par le délégué du gouvernement en première instance.
La Cour fait partant sienne l’analyse des premiers juges, selon laquelle les craintes de l’appelant de subir des représailles de la part des autorités égyptiennes en raison de la publication de la susdite vidéo sur Facebook, respectivement de ses prétendus liens avec le mouvement des « Technocrates » sont essentiellement hypothétiques, voire doivent s’analyser en un sentiment général d’insécurité et ne sauraient dès lors suffire à fonder une crainte actuelle de persécutions en cas de retour en Egypte.
C’est dès lors à bon droit que les premiers juges ont confirmé le refus du ministre d’accorder à l’appelant le statut de réfugié.
Concernant la demande d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire, la Cour constate que l’appelant ne fonde pas cette demande sur des faits ou des motifs différents de ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugié. Dans la mesure où il a été retenu ci-dessus, dans le cadre de l’examen de la demande du statut de réfugié, que ces faits ou motifs manquent de fondement, la Cour estime qu’il n’existe pas davantage d’éléments susceptibles d’établir, sur la base des mêmes événements ou motifs, qu’il existerait de sérieuses raisons de croire qu’en cas de retour dans son pays d’origine, l’appelant courrait un risque réel de subir des atteintes graves visées à l’article 48, points a) et b), de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants.
Enfin, la Cour constate qu’il n’est pas soutenu, et il ne ressort pas non plus des pièces du dossier, que la situation dans le pays d’origine de l’appelant correspondrait actuellement à un contexte de violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé interne ou international au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015.
C’est dès lors à bon droit que le ministre d’abord, puis les premiers juges, ont également rejeté la demande d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.
Quant à l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision refus de protection internationale, comme le jugement entrepris est à confirmer en tant qu’il a rejeté la demande d’octroi du statut de la protection internationale de l’appelant et que le refus dudit statut entraîne automatiquement l’ordre de quitter le territoire, l’appel dirigé contre le volet de la décision des premiers juges ayant refusé de réformer cet ordre est encore à rejeter.
L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelant et de confirmer le jugement entrepris.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel en la forme, au fond, déclare l’appel non justifié et en déboute, partant, confirme le jugement entrepris du 8 janvier 2025, donne acte à l’appelant de ce qu’il déclare bénéficier de l’assistance judiciaire, condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par:
Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.
s. SCHINTGEN s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25 avril 2025 Le greffier de la Cour administrative 21