GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 52346C du rôle ECLI:LU:CADM:2025:52346 Inscrit le 10 février 2025
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Audience publique du 24 avril 2025 Appel formé par Monsieur et Madame (A1)-(A2), …, contre un jugement du tribunal administratif du 6 janvier 2025 (n° 50063 du rôle) en matière de protection internationale
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Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 52346C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 10 février 2025 par Maître Cora MAGLO, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A1), né le … à … (Venezuela), et de son épouse, Madame (A2), née le … à … (Venezuela), tous les deux de nationalité vénézuélienne et demeurant ensemble à L-…, …, dirigée contre le jugement rendu le 6 janvier 2025 (n° 50063 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg les a déboutés de leur recours tendant à la réformation de la décision du ministre des Affaires intérieures du 11 janvier 2024 portant refus de faire droit à leurs demandes de protection internationale et ordre de quitter le territoire;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 6 mars 2025;
Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;
Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 25 mars 2025.
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Le 11 avril 2022, Monsieur (A1) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, entretemps devenu le ministère des Affaires intérieures, ci-après le « ministère », une demande de protection internationale au 1sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après la « loi du 18 décembre 2015 ».
Le même jour, Monsieur (A1) fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée - police des étrangers, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.
Le 1er août 2022, l’épouse de Monsieur (A1), Madame (A2) introduisit à son tour une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 auprès du ministère.
Le même jour, Madame (A2) fut entendue par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée - police des étrangers, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.
Toujours le 1er août 2022, Monsieur (A1) passa un entretien auprès du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Madame (A2) passa, quant à elle, un entretien aux mêmes fins le 25 octobre 2022.
Par décision du 11 janvier 2024, notifiée aux intéressés par lettre recommandée expédiée le 16 janvier 2024, le ministre des Affaires intérieures, ci-après le « ministre », rejeta les demandes de protection internationale de Monsieur (A1) et de Madame (A2), ci-après les « époux (A1) », tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Cette décision est formulée comme suit :
« (…) J’ai l’honneur de me référer à vos demandes en obtention d’une protection internationale que vous avez introduites en date du 11 avril 2022, respectivement du 1er août 2022 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée la Loi de 2015 »).
Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes pour les raisons énoncées ci-après.
1. Quant à vos motifs de fuite invoqués à la base de vos demandes de protection internationale Monsieur, en mains votre fiche de motifs remplie lors de l’introduction de votre demande de protection internationale, votre rapport du Service de Police Judiciaire du 11 avril 2022 (ci-après dénommé rapport de police, Monsieur ») votre rapport d’entretien du 1er août 2022 (ci-après dénommé « rapport d’entretien, Monsieur ») sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l’appui de votre demande de protection internationale.
Madame, en mains votre fiche de motifs remplie lors de l’introduction de votre demande de protection internationale, votre rapport du Service de Police Judiciaire du 1er août 2022 (ci-après dénommé « rapport de police, Madame ») votre rapport d’entretien du 25 octobre 2022 (ci-après dénommé « rapport d’entretien, Madame ») sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l’appui de votre demande de protection internationale.
2 Monsieur, vous déclarez être de nationalité vénézuélienne, avoir vécu avec votre mère et votre grand-mère à Guayana dans le quartier … dans l’Etat de …. Dans votre pays d’origine, vous auriez fait des études d’ingénieur jusqu’au 5e semestre à l’université « (AA) » ((AA)) jusqu’en 2019. Pendant vos études, vous auriez travaillé dans une pharmacie en tant que vendeur. Vous prétendez avoir quitté le Venezuela en octobre 2019 pour vous diriger vers l’Argentine, où vous auriez vécu à … dans le quartier … jusqu’en mars 2022. Vous seriez marié à Madame (A2) depuis le … 2021 et auriez vécu avec elle. A …, vous auriez travaillé dans un kiosk où l’on aurait vendu des cigarettes.
Concernant les raisons vous ayant poussé à quitter votre pays d’origine, selon la fiche de motifs du 11 avril 2022, vous seriez venu au Luxembourg en raison de votre vie et votre intégrité physique qui seraient en péril à cause des menaces de mort et d’une persécution politique. En effet, lors de votre entretien, vous déclarez que vous auriez quitté le Vénézuéla car vous auriez été persécuté et menacé par les « Colectivos » et par des personnes dont vous ignoreriez l’identité.
Monsieur, selon vos dires, les difficultés auraient commencé lorsque votre mère aurait refusé aux employeurs [sic] de leur fournir du matériel pour qu’ils puissent le revendre. Pour remettre la situation dans le contexte, votre mère aurait travaillé dans l’entreprise « (BB) », située dans la province de …, qui extrairait des minerais de fer et qui les transporterait jusqu’à l’usine de transformation. Ladite entreprise appartiendrait à l’Etat, serait pourtant politiquement neutre. En tant qu’employée, votre mère serait responsable de l’attribution de l’usage du matériel. Afin de pouvoir emprunter du matériel, les employés seraient obligés de remplir un formulaire. Or, selon vous, la plupart du temps, lesdites personnes effectueraient uniquement une demande orale, sans laisser de trace, en vue de revendre le matériel par la suite. En revanche, votre mère n’aurait pas accepté lesdites demandes et aurait été par la suite accusée d’être contre l’Etat.
En même temps en 2015, vous auriez commencé à participer à la campagne du mouvement d’opposition « Voluntad Popular ». Il s’agit d’un parti politique d’opposition dont le slogan serait « Del Pueblo para el Pueblo » et qui essayerait de faire chuter le gouvernement. Par conséquent, le fait que vous auriez été membre d’un parti qui lutterait contre l’Etat aurait engendré des problèmes pour votre mère qui aurait travaillé pour une entreprise appartenant à l’Etat. En effet, les employés auraient été au courant de votre lien familial et auraient supposé que la raison pour laquelle elle ne leur fournirait pas de matériel serait qu’elle aussi serait contre l’Etat. Selon vous, les collègues de votre mère auraient fait partie des personnes menaçant les partisans de l’opposition.
Ainsi, vous prétendez être membre du parti politique « Voluntad Popular » tout en affirmant que votre avocate, Maître Cora MAGLO, serait en possession du certificat avec une liste des activités auxquelles vous auriez participé ainsi qu’un tampon de la commune. Ledit certificat n’a pourtant jamais été déposé auprès du Ministère. Vous auriez également participé à des marches sans pour autant aider à leur organisation. En outre, à l’université, vous auriez fait partie du « mouvement étudiant » qui consisterait à servir de la nourriture aux personnes démunies et à porter des pancartes lors des manifestations. Vous auriez participé auxdites distributions alimentaires deux à trois fois par mois entre 2016 et 2017.
3Quant aux manifestations, vous déclarez avoir participé à huit, respectivement dix marches, entre 2016 et 2018 à … Ensuite, vous n’auriez plus participé aux manifestations car vous auriez estimé qu’elles seraient devenues trop violentes et que la situation aurait empiré.
D’après vous, votre mère et vous auriez été persécutés à votre domicile. Déjà auparavant, entre 2015 et 2017, deux à trois incidents auraient eu lieu. Par exemple, des voitures se seraient arrêtées devant votre domicile et seraient reparties lorsque vous seriez rentrés. En outre, d’un côté, vous auriez subi des menaces verbales entre 2018 et 2019 par les « Colectivos » à l’université lorsque vous vous seriez retrouvé en dehors de votre groupe. Puis, vous prétendez que la dernière fois que vous auriez été insulté par les « Colectivos » aurait été en août 2018, avant les vacances scolaires. Vous n’auriez pas fait de demande de protection auprès d’une autorité dans votre pays d’origine par peur de représailles.
En 2019, des inconnus, dont vous ignoreriez l’identité, vous auraient volé la batterie de votre voiture ainsi que des pneus. Vous déclarez ne pas avoir signalé lesdits incidents auprès de la police, argumentant que vous auriez eu peur d’attirer l’attention et que « la police n’offre pas de protection et on avait peur qu’on allait aggraver la haine contre nous » (Rapport d’entretien, Monsieur, p.8/14). La police et les inconnus seraient du côté de l’Etat. D’après vous, votre mère aurait été menacée pendant trois ans, sans porter plainte par peur des représailles. Elle aurait finalement démissionné en 2020 car la situation aurait été insupportable. Vous déclarez également que des personnes portant des armes, prétendument les membres des « Colectivos », auraient fréquenté l’entreprise dans laquelle aurait travaillé votre mère.
Vous poursuivez en expliquant que, le 7, 10 respectivement le 17 octobre 2019, vous auriez pris la décision de quitter le Vénézuéla par voie aérienne étant donné que la situation se serait dégradée pour les opposants, surtout à …, et vous auriez eu peur que cette violence s’installe dans le centre du pays, … se trouvant à une distance d’approximativement 700 km de votre ville natale. Vous n’auriez pas changé de lieu dans votre pays d’origine puisque, selon vous, la persécution serait omniprésente contre les opposants du pouvoir.
Vous auriez donc préféré immédiatement fuir en Argentine où vous auriez travaillé encore un laps de temps considérable dans l’entreprise « (CC) » jusqu’en mars 2022.
Vous auriez été attaqué physiquement à … en Argentine. Ladite attaque aurait eu lieu le 15 novembre 2019 à votre lieu de travail entre 22 et 23 heures (Rapport d’entretien, Madame, p. 8/14). Des inconnus vous auraient insulté, donné des coups de poing et cassé votre cloison nasale. Vous pensez que les acteurs auraient été des personnes du « Mouvement Socialiste du Vénézuéla » (Rapport d’entretien, Monsieur, p.4/14), mais ne fournissez pas de détails supplémentaires quant à leur identité. Vous ne posséderiez pas de rapport médical car vous auriez été uniquement aux urgences. Aucune plainte aurait été déposée non plus contre les agissements de ces derniers.
En mars 2022, vous auriez finalement pris l’avion en provenance d’Argentine jusqu’à … de manière tout à fait légale. Vous auriez ensuite pris le train à la Gare du Nord à destination de …. Depuis …, vous seriez arrivé au Luxembourg en empruntant le train. Pendant le trajet, vous déclarez avoir perdu votre passeport à …. Vous n’auriez pas effectué une déclaration de perte auprès de la police, ni en France, ni au Luxembourg, argumentant qu’au Vénézuéla, cette démarche ne serait pas proposée et que les citoyens se rendraient au guichet de l’administration afin d’obtenir un nouveau passeport. Vous déclarez également que votre titre 4de séjour argentin (valable du 30 mai 2020 au 30 mai 2035) se situerait en Argentine chez votre belle-mère.
Madame, vous déclarez être de nationalité vénézuélienne et confirmez avoir vécu avec votre mère, votre sœur ainsi que votre frère à Guayana dans le quartier … dans l’Etat de ….
Dans votre pays d’origine, vous auriez fait des études pendant 5 ans et vous auriez travaillé dans une banque en tant que spécialiste d’affaires. Vous prétendez avoir quitté le Vénézuéla le 8 juillet 2018 pour vous installer en Argentine, où vous auriez vécu à … dans le quartier … jusqu’en juillet 2022. Vous seriez mariée à Monsieur (A1) depuis le … 2021, avec qui vous auriez vécu. A …, vous auriez été superviseure dans un centre téléphonique.
Concernant les raisons vous ayant poussée à quitter votre pays d’origine, vous prétendez être venue au Luxembourg, en premier lieu, selon la fiche de motifs du 1er août 2022, compte tenu de votre santé et votre intégrité qui seraient en danger. Vous auriez notamment subi des menaces et la persécution du gouvernement dans votre pays d’origine. De même, vous ne vous sentiriez plus en sécurité en Argentine. En deuxième lieu, lors de votre rapport d’entretien, vous expliquez également que vous ne vous seriez pas installée dans une autre région ou une autre ville car vous chercheriez à faire développer votre carrière et que le Vénézuéla n’aurait pas présenté de nombreuses opportunités.
En effet, il serait suivi politiquement au Vénézuéla. Il aurait participé à un événement où il aurait été victime de violence et aurait été frappé à son lieu de travail. Dans votre pays d’origine, entre 2016 et 2019, vous prétendez que votre mari aurait participé à des marches qui auraient été organisées par le parti politique « Voluntad Popular » duquel il serait membre.
Dû auxdites activités et ladite appartenance, Monsieur aurait été attaqué physiquement en Argentine en 2019. Il serait toujours membre du parti.
Madame, vous confirmez donc les dires susmentionnés de votre mari et ajoutez qu’il aurait été menacé trois à quatre fois entre fin 2021 et début 2022 en Argentine. La dernière menace se serait produite en janvier 2022. En outre, vous déclarez que les menaces auraient toujours été verbales, des insultes comme par exemple « apatride », « traître » ou encore « escualido » (ce qui désignerait les opposants du régime).
Vous poursuivez en affirmant avoir participé à deux ou trois marches en 2014, lorsque vous auriez été âgée de … ans. Lorsque les marches seraient devenues trop violentes, vous auriez décidé de ne plus y participer. Personnellement, vous n’auriez jamais été menacée.
D’après vous, dans le pays règnerait une insécurité permanente, ce qui serait démontré par le fait que vous auriez été cambriolée à votre domicile entre 2012 et 2013. Les intrus auraient volé votre téléphone à deux reprises. Vous n’auriez jamais porté plainte car à votre avis, cela serait inutile puisque la police serait corrompue. En outre, en 2016 une quinzaine d’inconnus seraient entrés dans votre maison pour se diriger vers votre balcon afin de tirer sur des criminels.
Vous auriez finalement quitté le Venezuela en juillet 2018 pour vous rendre en Argentine jusqu’en juillet 2022. Vous expliquez que vous seriez restée en Argentine et auriez rejoint votre mari ultérieurement étant donné que vous n’auriez pas eu assez d’argent pour le voyage au Luxembourg ensemble.
5A l’appui de vos demandes de protection internationale, vous présentez les documents suivants :
- Votre carte d’identité, Monsieur, établie le … 2016 et valide jusqu’au mois de … 2026 ;
- votre passeport, Madame, établi le … 2015 et valide jusqu’au … 2020 avec une prolongation émise par le gouvernement vénézuélien valide du … 2021 au … 2023 ;
- votre carte d’identité, Madame, établie le … 2021 et valide jusqu’au … 2036 ;
- votre acte de mariage, établi le … 2021 ;
- votre livret de famille (N°…), établi en 2021.
L’authenticité de vos documents d’identité a été confirmée par l’Unité de Police à l’Aéroport.
2. Quant à la motivation du refus de vos demandes de protection internationale Suivant l’article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d’une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.
• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée la « Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.
Aux termes de l’article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l’article lA paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».
L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils n’émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.
Monsieur, vous affirmez avoir fui le Vénézuéla par voie aérienne en octobre 2019 car des « Colectivos » et des personnes dont vous ignoreriez l’identité vous auraient menacé entre 2015 et 2019. En cas de retour dans votre pays d’origine, vous craindriez pour votre intégrité physique et celle de votre famille.
À partir de ces informations, et à les supposer avérées, ce qui n’est pas établi, il ne ressort clairement pas de votre récit que vous auriez eu lesdits problèmes au Vénézuéla à cause de 6votre race, de votre religion, de votre nationalité, de vos opinions politiques ou de votre appartenance à un certain groupe social, de sorte qu’on ne saurait retenir l’existence d’une crainte fondée de persécution dans votre chef au sens de la Convention de Genève et la Loi de 2015.
En effet, bien que vous soyez membre du parti politique d’opposition « Voluntad Popular » depuis 2015 et que vous ayez participé à une série de manifestations par le passé, et ceci huit à dix fois entre 2016 et 2018, il est établi que vous n’y avez pas été menacé à cause de vos opinions politiques, respectivement à cause d’une prétendue opposition au gouvernement qui vous serait attribuée par les hommes à qui vous auriez eu affaire.
Monsieur, il y a lieu de constater que votre engagement politique semble s’être essoufflé au fil des années. Au vu de vos dires, force est de constater que vous seriez à considérer comme un simple membre qui n’aurait jamais joué de rôle politique important et que votre engagement semble relativement superficiel et flou. En effet, le slogan du parti politique « Voluntad Popular » n’est pas « Del Pueblo para el Pueblo », comme vous l’aviez déclaré, mais « Todos los derechos para todas las personas », et ceci depuis au moins 2018. Il vous a été également impossible pendant votre entretien au Ministère de vous rappeler la date de fondation du parti ainsi que de nous fournir le certificat tamponné que vous avez mentionné qui aurait confirmé votre engagement et appartenance audit parti politique. En réalité, contrairement à ce que vous affirmez, le parti a été fondé en 2009 et non en 2012.
En ce qui concerne votre activisme au sein du « mouvement étudiant » à l’université, il s’avère que vous n’y auriez exercé qu’une faible influence compte tenu que votre rôle se limitait à distribuer de la nourriture et à porter des pancartes lors des manifestations (Rapport d’entretien, Monsieur, p.9/14), et ceci en 2016 et 2017, trois respectivement deux ans avant de quitter votre pays d’origine.
Partant, il est légitime de conclure que vous n’étiez pas autant engagé dans le mouvement politique que vous tentez de le faire croire de sorte que vos problèmes ne sauraient fonder une crainte de persécution selon les motifs de la Convention de Genève et la Loi de 2015. En effet, la mention de votre prétendu activisme politique, qu’il s’agisse du parti politique ou de l’engagement au sein de l’université, n’aurait donc été qu’une tentative de conférer une connotation politique aux problèmes que vous auriez rencontrés au Vénézuéla dans le but probable d’augmenter les probabilités de vous faire octroyer le statut de réfugié.
Par ailleurs, Monsieur, vous ne semblez pas réellement connaître l’identité des personnes vous ayant menacé. Sans fournir de preuves concrètes et de précisions additionnelles convaincantes, vous insinuez qu’il se serait agi des « Colectivos » en vous basant sur un constat relativement simpliste, comme « d’autres personnes qui portaient des armes » (Rapport d’entretien, Monsieur, p.11/14). Cette supposition est d’autant plus mise à mal par le fait que vous expliquez que le personnel de sécurité de l’entreprise porterait également des armes. Il y a donc lieu de partir du principe qu’il ne s’agirait pas des prétendus « Colectivos », mais tout simplement des employés de l’entreprise. Par ailleurs, par rapport à l’avertissement des prétendus « Colectivos », force est de constater que vous restez relativement imprécis en expliquant vaguement que « des voitures qui s’arrêtaient devant chez nous et qui repartaient quand on rentrait dans la maison » (Rapport d’entretien, Monsieur, p.8/14) de sorte qu’il est impossible d’identifier les « ils » et « on » dont vous parlez et de clairement établir quelles étaient les vraies intentions desdits inconnus. Dès lors, puisque vous ignorez l’identité desdits 7individus, et par conséquent leurs motivations, vous n’établissez pas que les incidents auraient un quelconque lien avec votre prétendu engagement politique.
Au contraire, force est de constater que les craintes dont vous faites état, notamment les menaces à votre domicile, sont exclusivement liées aux problèmes de votre mère qu’elle aurait eus dans son entreprise, comme vous l’expliquez lors de l’entretien. A aucun moment n’auriez-vous été ciblé personnellement. Partant, ces menaces n’auraient pas été perpétuées, ni envers vous, ni en raison de votre prétendue engagement politique.
Pareil constat peut être établi quant aux menaces subies sur le campus de votre université, qui, selon vous, auraient été perpétuées entre 2018 et 2019, respectivement en août 2018, avant les vacances scolaires. A noter qu’en termes de temps, les deux événements sont d’ailleurs trop éloignés pour permettre d’établir qu’un lien entre cette activité et les menaces existerait.
Quand bien même un tel lien existerait, il convient de noter que les problèmes respectivement les faits que vous décrivez ne revêtent pas un degré de gravité suffisant tels qu’ils puissent être assimilés à des actes de persécution ou à une crainte fondée de persécution au sens des dispositions précitées.
Monsieur, vous évoquez que vous auriez quitté le Vénézuéla en raison des menaces reçues par les collègues de votre mère et par des prétendus « Colectivos » à votre domicile et à l’université à plusieurs reprises et que vous craigniez que ces menaces soient mises à exécution si vous étiez amené à retourner dans votre pays. En outre, des individus se seraient rendus devant votre domicile en volant la batterie et des pneus de votre voiture. A l’université, les « Colectivos » vous auraient également menacé verbalement.
Il convient de noter que les craintes que vous exprimez par rapport à votre sécurité personnelle se traduisent en un simple sentiment d’insécurité alors qu’il ne vous serait jamais rien arrivé de grave au Vénézuéla. En effet, il y a lieu de rappeler que vous n’auriez été sujet qu’à des prétendues menaces mais à aucun moment, vous n’auriez été victime d’une agression ou d’une atteinte grave à votre intégrité physique.
Monsieur, vous déclarez avoir quitté le Vénézuéla en octobre 2019 alors que la dernière menace reçue aurait eu lieu en août 2018. Dès lors, vous n’avez visiblement pas jugé votre situation assez grave et alarmante puisque vous avez décidé de rester encore plus d’un an dans votre pays d’origine au lieu de partir sur le champ afin de mettre fin auxdites menaces.
Même à supposer que vos différents problèmes seraient à qualifier d’actes de persécution motivés par un des cinq motifs de fond de la Convention de Genève et de la Loi de 2015, il convient de constater que, compte tenu que vous ignorez l’identité des personnes vous ayant menacé et a fortiori leurs motifs, les actes invoqués auraient été perpétrés par des personnes privées. S’agissant d’actes perpétrés par des personnes non étatiques, une persécution commise par des tiers ne peut être considérée comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités.
Or, il appert que vous n’auriez pas cherché à porter plainte aux motifs que vous êtes d’avis que tous les agents de l’Etat vénézuélien seraient corrompus et que vous auriez peur des représailles. En revanche, il y a de multiples façons de chercher de l’aide auprès des autorités vénézuéliennes. Vous auriez pu porter plainte en ligne ou encore envoyer un courriel à une 8adresse électronique citée sur le site du gouvernement, tout en restant anonyme ce qui vous aurait pu protéger des représailles auxquelles vous avez fait référence. A cela s’ajoute que votre ville natale dispose de pas moins de dix stations de police auprès desquelles vous auriez pu déposer une plainte et qui auraient été capables de vous offrir une protection. Vous n’avez donc pas contacté les autorités, en basant votre inaction uniquement sur une seule supposition de corruption. Ainsi, vous avez nécessairement mis les autorités compétentes dans l’impossibilité d’accomplir leurs missions. Aucune défaillance ou inefficacité ne saurait dès lors leur être reprochée.
A toutes fins utiles, Monsieur, vous faites encore état d’un incident ayant eu lieu le 15 novembre 2019 en Argentine. Il échet de noter qu’il est de principe qu’une analyse d’une demande de protection internationale se fait exclusivement par rapport au pays d’origine du demandeur, donc dans votre cas le Vénézuéla. Les incidents dont vous auriez été victime en Argentine ne sauraient dès lors pas être pris en considération dans l’analyse de votre demande.
En l’espèce, vous tentez certes de faire un lien entre cet incident et les menaces reçues au Vénézuéla. Or, un tel lien n’existe manifestement pas.
En effet, Monsieur, hormis la simple supposition selon laquelle les personnes vous ayant attaqué auraient fait partie du « Mouvement Socialiste » du Vénézuéla et vous auraient reconnu, vous ne fournissez aucune preuve qui pourrait établir que la prétendue attaque aurait eu un lien avec votre soi-disant engagement politique au Vénézuéla en 2016 et en 2017 dans votre ville natale. Ceci est d’autant plus improbable étant donné que votre ville natale se trouve à presque 7 000 km de votre domicile à … et il serait étrange de déclarer que ce prétendu groupe aurait mené des investigations ou recherches pour vous retrouver car vous auriez été engagé politiquement quelques années avant, sachant que vous n’auriez occupé qu’un rôle modeste qui se limitait à distribuer de la nourriture et à participer à quelques manifestations.
Partant, aucun lien entre votre prétendue activité politique entre 2016 et 2017 au Vénézuéla et l’incident du 15 novembre 2019 en Argentine ne peut être établi, de sorte que ces faits ne sauraient pas non plus justifier l’octroi du statut de réfugié dans votre chef.
De votre côté, Madame, il convient tout d’abord de constater que vous avez quitté le Vénézuéla bien avant votre mari, à savoir en juin 2018, principalement afin d’améliorer votre situation professionnelle (Rapport d’entretien, Monsieur, p.2/14). En outre, vous êtes venue au Luxembourg « surtout à cause de mon mari » (Rapport d’entretien, Madame, p.6/14). Or, force est de constater que vous n’avez jamais été menacée ou persécutée à cause de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de vos opinions politiques ou de votre appartenance à un certain groupe.
De plus, en ce qui concerne vos craintes par rapport à votre sécurité personnelle, elles sont en tout cas totalement hypothétiques et traduisent un simple sentiment d’insécurité à la suite de plusieurs introductions dans votre domicile et ne sauraient être qualifiées de craintes fondées de persécution au sens de la Convention de Genève et de la Loi de 2015. En effet, il ne vous serait jamais rien arrivé de grave au Vénézuéla.
En effet, Madame, selon votre fiche de motifs, vous déclarez avoir subi des menaces et la persécution du gouvernement dans votre pays d’origine. Or, lors de votre entretien, à aucun moment ne déclarez-vous avoir été menacée ou encore persécutée. Vous décrivez simplement la situation politique de votre mari. Dans la mesure où, tel que développé ci-avant, les craintes 9de votre mari ne sauraient justifier l’octroi du statut de réfugié, il y a lieu de conclure que vos craintes dues auxdits motifs ne sont pas fondées non plus.
Au vu de ce qui précède, il est en tout cas établi que vous n’êtes pas à considérer comme une personne politique recherchée et que vous n’avez pas été persécutée de quelque façon que ce soit au Vénézuéla à cause de vos opinions politiques et que vous ne faites état d’aucune crainte fondée de persécution en cas de retour. En effet, il ressort de votre passeport que premièrement, vous étiez à même de quitter légalement votre pays le … juin 2018 à la frontière vénézuélo-brésilienne. Deuxièmement, vous avez obtenu un prolongement de deux ans de votre passeport en date du … 2021 qui a été délivré du gouvernement vénézuélien. Ainsi, Madame, si vous aviez véritablement été une personne politique recherchée par votre gouvernement, vous n’auriez manifestement pas pu quitter le Vénézuéla légalement, ni obtenir un prolongement de votre passeport.
Compte tenu de la motivation de votre départ du Vénézuéla, il est évident que des motifs économiques, matériels et de convenance personnelle sous-tendent vos demandes de protection internationale et qu’il ne saurait manifestement pas être conclu que vous risquiez d’être victime de quelconque persécution en cas d’un retour au Vénézuéla.
Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.
• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.
L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi.
L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Madame, Monsieur, il y a lieu de souligner qu’à l’appui de vos demandes de protection subsidiaire, vous invoquez en substance les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de vos demandes de reconnaissance du statut de réfugié. Or, sur base des développements et conclusions retenues qui précèdent dans le cadre du rejet du statut de réfugié, vous n’invoquez aucun autre élément additionnel susceptible de rentrer dans le champ d’application de l’article 48 précité, et vous restez en défaut de faire état d’un risque réel de faire l’objet, en cas de retour dans votre pays d’origine, d’atteintes graves, notamment de traitements inhumains ou dégradants.
10 Ainsi, il ressort clairement de vos déclarations que vous ne risquez pas une condamnation à la peine de mort, respectivement l’exécution découlant d’une telle condamnation par les autorités de votre pays d’origine.
Les motifs dont vous faites état ne sauraient également emporter la conviction que vous courriez un risque réel de subir des actes de torture ou des traitements ou des sanctions inhumains ou dégradants au Vénézuéla.
En effet, force est de constater que les faits dont vous faites état et les craintes mentionnées ne revêtent pas un degré de gravité tel qu’ils puissent être assimilés à une atteinte grave au sens du prédit texte, respectivement comme des craintes fondées d’être victimes d’une atteinte grave en cas d’un retour au Vénézuéla.
Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.
Vos demandes en obtention d’une protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées.
Suivant les dispositions de l’article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination du Vénézuéla, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisés à séjourner. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 février 2024, les époux (A1) firent introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle prévisée du 11 janvier 2024.
Par jugement du 6 janvier 2025, le tribunal administratif déclara non fondé ce recours en réformation en ses deux volets, partant en débouta les demandeurs, le tout en les condamnant aux frais et dépens de l’instance.
Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 10 février 2025, les époux (A1) ont régulièrement fait entreprendre le jugement du 6 janvier 2025.
A l’appui de leur recours, les appelants réitèrent les raisons qui les auraient fait quitter leur pays d’origine d’abord, ensuite l’Argentine où ils avaient cherché refuge dans un premier temps.
Ils insistent plus particulièrement sur la nature politique des risques de persécution pesant sur eux et risquant d’affecter leur intégrité physique, morale et psychique, du fait de l'engagement passé de Monsieur (A1) en tant que membre actif du parti d'opposition « Voluntad Popular ». Ils pointent spécialement que Monsieur (A1) aurait, de ce fait, reçu des menaces verbales graves et des intimidations entre 2018 et 2019.
Ils réitèrent encore les problèmes rencontrés par la mère de Monsieur (A1) au sein de l'entreprise étatique « (BB) », du fait de son refus de participer à des vols domestiques de matériel de cette entreprise, problèmes ayant empiré lorsque les collègues de sa mère auraient appris son activité militante au sein du parti « Voluntad Popular ».
11Ils déclarent que leurs problèmes auraient persisté en Argentine, où ils auraient été ciblés par des membres du « Mouvement Socialiste Vénézuélien » les accusant de trahison.
Sur ce, les appelants reprochent aux premiers juges d’avoir commis une « erreur manifeste d'appréciation de la gravité des actes subis », ces derniers ayant à tort été minimisés.
Dans ce contexte, les appelants insistent sur ce qu’il serait un fait indéniable que les « Colectivos » seraient des groupes paramilitaires armés, agissant sous l'impulsion du gouvernement, connus pour leurs actions violentes visant à réduire au silence les opposants.
Les appelants estiment encore que le rôle politique de Monsieur (A1) aurait été sous-estimé par les premiers juges et que les risques qui s’en suivraient seraient actuellement bien plus graves du fait d’une « recrudescence des répressions envers les membres de l'opposition au régime dictatorial mis en place et maintenu illégalement depuis les élections présidentielles du 28 juillet 2024, caractérisée par des fraudes électorales massives, une intensification de la répression contre les opposants et militants de l'opposition, une recrudescence des violences exercées par les Colectivos, bras armés du gouvernement ».
Or, les dirigeants du parti progressiste « Voluntad Popular » constitueraient des cibles d'attaques régulières, mais également ses sympathisants et ses membres seraient exposés concrètement à des représailles.
Selon les appelants, le rôle actif de Monsieur (A1) au sein dudit parti aurait par ailleurs été remis en question de façon injustifiée et toute protection de la part des autorités policières ou judiciaires serait illusoire.
Au niveau de la demande subsidiaire tendant à l’octroi d’une protection subsidiaire, les appelants insistent sur une aggravation de la situation politique et sécuritaire au Venezuela et sur l’existence d’un risque réel et avéré de subir des atteintes graves en cas de retour dans leur pays d'origine en découlant.
En effet, cette dégradation de la situation politique et sécuritaire impliquerait pour eux-mêmes, en tant que victimes d’actes de persécution dans le passé, un risque réel d’actes de torture, de traitements inhumains ou dégradants, ainsi que de menaces graves contre leur vie dans un contexte de violence aveugle.
Ils demandent en conséquence la réformation du jugement entrepris et l’octroi d’une protection internationale, principale ou subsidiaire, ainsi que la réformation conséquente de l’ordre de quitter le territoire.
De son côté, le délégué du gouvernement conclut en substance à la confirmation intégrale du jugement entrepris et de la décision ministérielle litigieuse, les deux tablant sur des appréciations justes tant en droit qu’en fait.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».
12 Il se dégage de la lecture combinée des articles 2, sub h), 2, sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d'origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l'article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L'octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.
Il s’y ajoute que la définition du réfugié contenue à l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2, sub g), de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur de protection internationale ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du juge devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.
13L’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.
Concernant l’activisme politique de Monsieur (A1) et les persécutions et menaces qui auraient été proférées à son encontre par des « Colectivos », ainsi que des personnes dont il ignorerait l’identité, la Cour est amenée à faire sienne l’analyse pertinente et exhaustive des premiers juges qui les a amenés à la conclusion que l’engagement politique de Monsieur (A1) n’était somme toute que très limité, d’une part, et que les faits vécus personnellement par lui -ceux non personnels prétendument survenus à sa mère n’étant pas pertinents du fait justement du caractère non personnel aux appelants et de l’absence de preuve d’un risque réel de subir des actes similaires- n’ont manifestement pas atteint un niveau de gravité tel pour qu’ils puissent être qualifiés de persécutions au sens des articles 1A de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 ou d’atteintes graves au sens de l’article 48, point b), de la même loi, d’autre part.
En effet, de prime abord, sur le second point, force est de constater, ensemble avec les premiers juges, qu’en dernière analyse, rien de vraiment grave n’est jamais arrivé à Monsieur (A1), les intimidations à son encontre, dont les appelants entendent essentiellement s’emparer, qui ont prétendument émané de « Colectivos » à son domicile ou à l’université à cause de son engagement politique, sont toutes restées à l’état de simples menaces verbales et l’intéressé n’a, à aucun moment été victime d’une agression ou d’une attaque à son intégrité physique. Le même constat s’impose au niveau des présences suspectes de voitures devant son domicile entre 2015 et 2017 ou du vol, par des inconnus, des batterie et pneus de sa voiture en 2019.
Cette analyse se trouve, par ailleurs, renforcée par le constat ministériel pertinent que Monsieur (A1) a déclaré avoir quitté le Venezuela seulement en octobre 2019 quand bien même la dernière menace de la part des « Colectivos » aurait eu lieu en août 2018, de sorte que subjectivement, il ne ressentait donc pas se trouver dans une situation à tel point intolérable pour qu’il ait considéré devoir partir immédiatement de son pays d’origine.
Par ailleurs, aux yeux de la Cour, les appelants dépeignent un rôle politique manifestement exagéré dans le chef de Monsieur (A1) afin de conférer une connotation politique à des problèmes relevant plutôt d’une criminalité de droit commun.
Sous ce rapport, la Cour fait sienne les considérations des premiers juges en ce qu’ils ont relevé que si Monsieur (A1) a déclaré lors de son entretien ministériel avoir été membre du parti politique d’opposition « Voluntad Popular » depuis 2015 et qu’il a participé à des campagnes de ce parti, il se dégage aussi de ses déclarations qu’il n’a jamais revêtu un rôle d’organisateur ou autrement un rôle actif prépondérant, l’intéressé ayant lui-même déclaré ne pas avoir participé aux marches « les plus grandes » qui se seraient déroulées à … et précisé qu’« après 2018, c’est-à-dire en 2019 », il n’aurait plus participé du tout à des manifestations qui seraient devenues trop violentes à cause de l’intervention de militaires. Il en est de même au niveau du prétendu activisme au sein du « mouvement étudiant » à l’université, lequel s’est limité à la distribution de nourriture et au port de pancartes lors de manifestations en 2016 et 2017, donc trois, respectivement deux ans avant son départ du Venezuela.
14 La Cour ne saurait pas non plus entériner les critiques des appelants au sujet de l’analyse pertinente des premiers juges des déclarations faites par Monsieur (A1) lors de son audition devant l’agent ministériel desquels transpercent effectivement de faibles connaissances personnelles au sujet de l’histoire du parti politique dont il se déclarait pourtant être un membre actif, l’intéressé ayant ignoré la date de fondation dudit parti politique « Voluntad Popular » ou le slogan dudit parti.
La simple qualité de membre et le rôle de moindre envergure de Monsieur (A1) ne permettent en tout cas pas de le considérer comme apparaissant avoir été et a fortiori pas comme étant susceptible d’être recherché par les autorités étatiques vénézuéliennes ou par les « Colectivos » à cause de son engagement politique et de ses actions anti-gouvernementales, une dégradation sensible de la situation politique et sécuritaire au Venezuela n’étant à elle seule pas de nature à ébranler le constat d’une situation personnelle non particulièrement exposée dans le chef de Monsieur (A1).
Au-delà de ce que la situation d’un demandeur de protection internationale est à analyser par rapport à son pays d’origine, en l’occurrence le Venezuela pour les deux appelants, et non pas par rapport à un pays où il s’était réfugié dans un premier temps, de sorte que les faits invoqués par rapport à l’Argentine manquent de pertinence au niveau du bien-fondé de la demande sous examen, le prétendu fait que Monsieur (A1) aurait été poursuivi et menacé jusqu’en Argentine reste non seulement à l’état de simple allégation, mais appert pour le surplus peu plausible.
Il s’ensuit que Monsieur (A1) est resté en défaut d’établir qu’il risquerait effectivement d’être persécuté ou d’être victime d’atteintes graves en cas de retour dans son pays d’origine à cause de son engagement politique, de sorte que sa crainte invoquée, à cet égard, est à qualifier de purement hypothétique, voire doit s’analyser en un sentiment général d’insécurité.
En ce qui concerne ensuite la situation de Madame (A2), les premiers juges sont à entériner en ce qu’ils ont pointé le fait qu’elle a quitté le Venezuela, une année avant son mari et ceci dans le but essentiel d’améliorer sa situation professionnelle. Ainsi, comme elle n’a pas personnellement été victime de persécutions ou d’atteintes graves dans son pays d’origine qui pourraient justifier l’octroi dans son chef d’un statut de protection internationale, d’une part, et au regard des considérations qui précèdent relativement aux craintes de son époux, comme elle n’expose pas non plus de crainte justifiée en tant que victime collatérale, les craintes affichées par Madame (A2) se réduisent à l’exposé d’un simple sentiment général d’insécurité, mais non pas d’une crainte fondée d’être persécutée ou de subir des atteintes graves en cas de retour dans son pays d’origine.
Les mêmes faits et craintes ne permettent pas non plus de conclure à l’existence d’un risque réel que ce soit dans le chef de Monsieur (A1) que dans celui de son épouse, Madame (A2), d’être concrètement exposés à un risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 48, point b), de la loi du 18 décembre 2015 de la part des auteurs des agressions subies, d’autres membres de la population ou des autorités policières ou gouvernementales en cas de retour au Venezuela.
Enfin, s’il ne peut être nié que le Venezuela a connu et connaît une situation sécuritaire problématique, notamment en raison de la violence criminelle de droit commun qui y est très répandue, il n’en reste pas moins qu’il ne se dégage pas des éléments du dossier que cette 15situation serait telle que tout ressortissant vénézuélien a une crainte fondée de subir des actes de persécution ou des atteintes graves du seul fait de sa présence sur le territoire.
Il s’ensuit que les appelants n’ont pas non plus justifié l’existence d’un risque concret de faire l’objet d’actes de persécution ou d’atteintes graves en raison de la situation sécuritaire prévalant au Venezuela.
Il suit de ce qui précède que c’est à bon droit que le ministre, puis les premiers juges, ont rejeté la demande de protection internationale prise en son double volet et le jugement est à confirmer sous ce rapport.
Enfin, concernant l’ordre de quitter le territoire, dès lors que l’article 34 paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 dispose qu’« une décision du ministre vaut décision de retour.
(…) » et qu’en vertu de l’article 2 sub q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire », l’ordre de quitter est à considérer comme constituant la conséquence automatique du refus de protection internationale, avec comme conséquence pour le cas d’espèce, où le rejet ministériel de la demande de protection internationale vient d’être déclaré justifié dans ses deux volets, que l’ordre de quitter n’est pas sérieusement critiquable ni critiqué, étant relevé qu’il vient d’être retenu ci-avant que les craintes invoquées par les appelants ne véhiculent pas un risque réel et avéré de subir des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants.
Il s’ensuit que le jugement est encore à confirmer en ce qu’il a refusé de réformer cet ordre.
L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter les appelants.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause;
reçoit l’appel en la forme;
au fond, déclare l’appel non justifié et en déboute;
partant, confirme le jugement entrepris du 6 janvier 2025;
donne acte aux appelants de ce qu’ils déclarent bénéficier de l’assistance judiciaire;
condamne les appelants aux dépens de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par :
Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Annick BRAUN, conseiller, 16 et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.
s. SCHINTGEN s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 24 avril 2025 Le greffier de la Cour administrative 17