GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 51649C ECLI:LU:CADM:2025:51649 Inscrit le 28 octobre 2024 Audience publique du 24 avril 2025 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 18 septembre 2024 (n° 46954 du rôle) ayant statué sur son recours contre une décision du conseil communal de la Ville d’Esch-sur-Alzette et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement général (refonte) Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 51649C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 28 octobre 2024 par la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES S.A., inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2146 Luxembourg, 63-65, rue de Merl, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 240929, représentée aux fins de la présente instance d’appel par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), demeurant à L-…, tendant à la réformation du jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 18 septembre 2024 (n° 46954 du rôle), ayant déclaré recevable mais non fondé son recours en annulation de la délibération du conseil communal de la Ville d’Esch-sur-Alzette du 5 février 2021 portant adoption du projet d’aménagement général de la Ville d’Esch-sur-Alzette, ainsi que de la décision du ministre d’approbation afférente du ministre de l’Intérieur du 29 octobre 2021, tout en le déboutant de sa demande an allocation d’une indemnité de procédure et en le condamnant aux frais et dépens de l’instance ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Laura GEIGER, demeurant à Luxembourg, immatriculée près le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, du 8 novembre 2024 portant signification de cette requête d’appel à l’administration communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette, représentée par son collège des bourgmestre et échevins en fonctions, ayant sa maison communale à L-4002 Esch-sur-Alzette, Place de l’Hôtel de Ville ;
1Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 28 novembre 2024 par la société anonyme ELVINGER HOSS PRUSSEN S.A., établie et ayant son siège social à L-1340 Luxembourg, 2, place Winston Churchill, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 209469, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure d’appel par Maître Nathalie PRUM-CARRE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 6 décembre 2024 par Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 6 janvier 2025 par Maître Georges KRIEGER au nom de l’appelant ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 17 janvier 2025 par Maître Steve HELMINGER au nom de l’administration communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 6 février 2025 par Maître Nathalie PRUM-CARRE au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel ;
Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maîtres Sébastien COUVREUR, en remplacement de Maître Georges KRIEGER, Steve HELMINGER et Inès GOEMINNE, en remplacement de Maître Nathalie PRUM-CARRE, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 février 2025.
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Lors de sa séance publique du 8 mars 2019, le conseil communal de la Ville d’Esch-sur-Alzette, ci-après « le conseil communal », fut saisi par le collège des bourgmestre et échevins, ci-après « le collège échevinal », en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après « la loi du 19 juillet 2004 », d’un projet de refonte complète du plan d’aménagement général (« PAG ») de la Ville d’Esch-sur-Alzette qu’il mit sur orbite en conséquence à travers un vote positif, de sorte que le collège échevinal put procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi du 19 juillet 2004.
En date du 23 juillet 2019 et en application de l’article 5 de la loi modifiée du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ci-après « la loi du 18 juillet 2018 », le ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, ci-après « le ministre de l’Environnement », émit son avis sur le projet d’aménagement général et releva qu’il ne serait pas disposé à approuver le classement projeté des parcelles sises sur le site « … », dont celle de Monsieur (A), inscrite au cadastre de la commune d’Esch-sur-Alzette, section A d’Esch-
2Nord, sous le numéro (P1), ci-après « la parcelle (P1) », en raison « (…) de la présence de biotopes protégés et de la présence avérée d’espèces protégées particulièrement selon les articles 17 respectivement 21 de la loi du 18 juillet 2018 ainsi que de son rôle dans le maillage écologique local. Un classement ultérieur de la surface ou d’une partie de la surface ne pourra être envisagé uniquement sur base d’un concept détaillé des mesures compensatoires anticipées ».
Le même jour, le ministre de l’Environnement émit encore son avis sur le rapport sur les incidences environnementales et sur le projet d’aménagement général en application de l’article 7 (2), de la loi modifiée du 22 mai 2008 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, ci-après « la loi du 22 mai 2008 ». Dans ledit avis, le ministre en question retint, en ce qui concerne les parcelles sises sur le site « … », dont celle de Monsieur (A), ce qui suit :
« 4b : Une étude de terrain pour l’avifaune et les chauves-souris a été effectuée sur la surface dans le cadre de la modification ponctuelle « Südspidol ».
Selon le PAG en vigueur, la partie Nord de la surface est classée en tant que « secteur à études » et celle au Sud en « secteur urbanisé II ». Le « secteur à études » est à considérer comme zone verte. La zone est envahie de structures vertes protégées par l’article 17 de la loi PN ayant, selon l’étude de terrain réalisée par FÖA une valeur fonctionnelle essentielle pour les chauves-souris et l’avifaune. En effet, la partie au Sud-Ouest de la zone constitue un territoire de chasse essentiel de la Pipistrelle commune. De plus, des sites de reproduction de la Fauvette grise et de la Rossignol Philomèle se trouvent sur la surface. Les auteurs du rapport environnemental ont correctement évalué que l’urbanisation entrera en conflit avec les dispositions de l’article 21 de la loi PN de façon à ce que des mesures d’atténuation de type « CEF » deviennent nécessaires.
Toutefois, aucune mesure d’atténuation n’est proposée, ce qui est regrettable.
Dans ce contexte, il est constaté que la Ville d’Esch-sur-Alzette a plusieurs projets d’urbanisme (SD11, SD14, etc.) qui sont réalisés à court et moyen terme et exigeant la mise en œuvre de telles mesures. Pourtant, les terrains qui pourraient accueillir ce type de mesures deviennent rares alors qu’elles sont à réaliser à proximité des surfaces impactées (disponibilité de terrain) et qu’elles devront être fonctionnelles au plus tard au moment de la destruction des biotopes ou habitats concernés (durée plus ou moins longue en fonction du type de mesure). Par ailleurs, il semble que l’autorité communale est propriétaire de plusieurs parcelles cadastrales localisées à l’intérieur de la surface « … ».
De ce fait, et vu qu’il s’agit d’une modification de la délimitation de la zone verte, le Ministère de l’Environnement est d’avis que du moins la surface classée en « secteur à études » est à ce stade à maintenir en zone verte, ceci d’autant plus que la Ville envisage de superposer la zone par une ZAD. Un classement définitif de la surface ou d’une partie de la surface pourra être envisagé sur base d’un concept détaillé des mesures compensatoires anticipées et dont la faisabilité pourra être garantie. A noter que le maintien en zone verte ou en zone de parc public aurait également un effet positif sur la qualité de vie des futurs habitants et favorisera la qualité d’air frais tout en contribuant au maillage écologique infra-urbain et au-delà (…) ».
3Dans son avis du 7 octobre 2019, la commission d’aménagement précisa pour les mêmes fonds que :
« SD01-… Il y a lieu de relever que la partie nord de la zone concernée constitue une extension du périmètre d’agglomération et présente des structures vertes protégées au sens de l’article 17 de la loi du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles. En outre, l’urbanisation des lieux nécessite des mesures d’atténuation de type « CEF ». Dès lors, la commission préconise de maintenir les fonds concernés en zone verte à ce stade. Sur base d’un concept détaillé illustrant les mesures compensatoires anticipées et dont la faisabilité pourra être garantie, un éventuel reclassement pourrait être envisagé par la suite. ».
Dans sa séance du 5 février 2021, le conseil communal procéda à l’adoption du projet d’aménagement général et décida dans ce cadre, en ce qui concerne les parcelles sises sur le site « … », de suivre les prédits avis du ministre de l’Environnement, ainsi que de la commission d’aménagement et de classer la parcelle (P1) en zone de verdure [VERD], ci-après « zone [VERD] ». La partie graphique du projet d’aménagement général, telle que modifiée, renseigna encore la présence de biotopes protégés, d’habitats d’espèces protégées et de sites de reproduction, de chasse et d’aires de repos d’espèces intégralement protégées.
Par missive du 10 février 2021, le bourgmestre de la Ville d’Esch-sur-Alzette informa Monsieur (A) de l’adoption du projet d’aménagement général, tout en attirant son attention sur le fait que les réclamations à l’encontre du projet d’aménagement général étaient à adresser au ministre de l’Intérieur avant le 25 février 2021, sous peine de forclusion.
Par courrier recommandé avec accusé de réception de son mandataire du 24 février 2021, Monsieur (A), déclarant agir en sa qualité de propriétaire de la parcelle (P1), introduisit auprès du ministre de l’Intérieur, ci-après « le ministre », une réclamation à l’encontre de la délibération précitée du conseil communal du 5 février 2021 portant adoption du projet de refonte du PAG.
Aux termes d’une décision du 3 mai 2021, le ministre de l’Environnement approuva le projet d’aménagement général adopté le 5 février 2021 par le conseil communal.
Lors de sa séance du 4 août 2021, la commission d’aménagement émit son avis sur les réclamations introduites auprès du ministre de l’Intérieur tout en proposant de déclarer la réclamation de Monsieur (A) non fondée.
Par décision du 29 octobre 2021, le ministre approuva la délibération, précitée, du conseil communal du 5 février 2021 et rejeta la réclamation de Monsieur (A) comme étant non fondée.
Les passages de cette décision ministérielle se rapportant à cette réclamation sont libellés comme suit :
« (…) Par la présente, j’ai l’honneur de vous informer que j’approuve la délibération du conseil communal du 5 janvier 2021 portant adoption du projet de la refonte du plan 4d’aménagement général (dénommé ci-après « PAG ») de la Ville d’Esch-sur-Alzette, présenté par les autorités communales.
La procédure d’adoption du projet d’aménagement général s’est déroulée conformément aux exigences des articles 10 et suivants de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.
La Commission d’aménagement a donné son avis sur les réclamations introduites auprès du ministre de l’Intérieur en date du 27 septembre 2021.
Le conseil communal a donné son avis sur les réclamations introduites auprès du ministre de l’Intérieur en date du 11 juin 2021.
Conformément à l’article 18 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, j’ai fait droit à certaines objections et observations formulées par les réclamants à l’encontre du projet d’aménagement général.
Les modifications ainsi apportées à la partie graphique sont illustrées dans la présente décision et en font partie intégrante. Les autorités communales sont tenues de me faire parvenir les plans modifiés suite aux réclamations déclarées fondées par la présente décision, pour signature, ainsi que le schéma directeur.
Il est statué sur les réclamations émanant de (…) Maître Raffaëla Ferrandino au nom et pour le compte de Monsieur (A) (…) Ad réclamations […] (A) ([…] rec 20) (…) Le réclamant (A) conteste le classement de la parcelle n°(P1) sise à Esch-sur-Alzette en « zone de verdure [VERD] » alors qu’il était envisagé une urbanisation par un classement en « zone d’habitation 2 [HAB-2] » et qu’elle était classée en « zone d’habitation 1 [HAB-1] ».
Les réclamations sont pourtant non fondées.
En effet, l’instauration de la « zone de verdure [VERD] » est actuellement nécessaire au vu de la présence avérée d’espèces particulièrement protégées.
En outre avant toute urbanisation, la réalisation d’études environnementales afin d’étudier l’impact paysager ainsi que les mesures nécessaires par rapport aux espèces protégées est nécessaire.
Or, il n’existe à ce stade aucune étude sur ces terrains qui fixerait les mesures de compensation.
5Enfin le maintien d’un maillage vert à cet endroit est pertinent ayant un effet positif sur l’apport d’air frais vers la Ville d’Esch-sur-Alzette.
A ce stade, une urbanisation ne peut donc être envisagée.
Quant à l’indication « biotopes protégés », il convient de rappeler que cette mention ne figure sur la partie graphique qu’à titre informatif. Elle participe à la simplification administrative, sans pour autant recenser une valeur juridique propre et sans qu’il n’en découle une quelconque servitude, comme d’ailleurs confirmé par la Cour administrative dans un arrêt du 17 février 2017 (38207C). (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 28 janvier 2022, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à l’annulation de la « décision du conseil communal du 5 février 2021 portant adoption du projet d’aménagement général de la Ville d’Esch-sur-Alzette » et de la « décision de Madame la ministre de l’Intérieur du 29 octobre 2021, approuvant la délibération du conseil communal du 5 janvier 2021 portant adoption du projet d’aménagement général de la Ville d’Esch-sur-Alzette ».
Par jugement du 18 septembre 2024, le tribunal déclara ce recours recevable, mais non fondé et en débouta le demandeur tout en écartant sa demande en allocation d’une indemnité de procédure et en le condamnant aux frais et dépens de l’instance.
Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 28 octobre 2024, Monsieur (A) a fait interjeter appel contre le jugement précité du 18 septembre 2024 dont il sollicite la réformation dans le sens de voir déclarer fondé son recours en annulation de première instance et de voir annuler en conséquence la délibération du conseil communal de la Ville d’Esch-sur-Alzette du 5 février 2021 portant adoption du projet de PAG, ainsi que la décision d’approbation afférente du ministre du 29 octobre 2021.
Les parties publiques se rapportent à prudence de justice quant à la recevabilité de l’appel.
L’appel ayant été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.
Par la suite, la partie étatique soulève tout d’abord l’irrecevabilité du moyen de l’appelant suivant lequel le tribunal n’aurait pas pris position sur l’affectation antérieure des parcelles litigieuses de l’appelant.
La commune estime de son côté que si effectivement l’appelant reproche aux premiers juges de ne pas avoir pris position sur la question principale de savoir si la zone litigieuse « secteur à études » devait être considérée comme une zone verte ou une zone constructible, ce qui serait déterminant pour décider du bien-fondé du reclassement intervenu au niveau du PAG refondu, ce moyen serait à rejeter pour manquer de tout fondement.
6 La commune rappelle que les premiers juges ont décidé qu’un classement en « secteur à études » n’équivalait à aucune zone proprement dite et que de cette manière aucune affectation n’était effectivement attribuée à la parcelle en question.
Dans la mesure où aucune affectation n’aurait été vérifiée dans le chef de la parcelle litigieuse sous l’ancien PAG, il ne saurait être valablement soutenu, tel que le fait l’appelant, que celle-ci aurait été constructible, voire été comprise sous l’ancien PAG, à l’intérieur du périmètre d’agglomération.
La partie étatique énonce que si son moyen d’irrecevabilité devait être écarté, il conviendrait que la Cour se penche sur l’affectation effective de la parcelle litigieuse sous l’ancien PAG de la Ville d’Esch-sur-Alzette.
Il est constant en cause et reconnu par toutes les parties au litige que sous l’ancien PAG, la parcelle litigieuse de l’appelant se trouvait classée en secteur à études, ce secteur ayant été à l’endroit beaucoup plus large que la seule parcelle (P1) de l’appelant.
Le moyen d’irrecevabilité est à envisager dans un contexte plus large en ce que le moyen de l’appelant, suivant lequel la zone à études doit être considérée non pas comme un classement neutre, mais comme un classement à l’intérieur du périmètre d’agglomération, doit être lu ensemble avec l’autre moyen de l’appelant, également réitéré en instance d’appel, suivant lequel au regard des dispositions de l’article 5 de la loi du 18 juillet 2018, le ministre de l’Environnement n’aurait plus eu qualité pour intervenir utilement par rapport à un classement d’un terrain qui ne se serait pas trouvé en zone verte sous l’ancien PAG.
En ce que le reclassement litigieux en zone verte n’émane pas du vote ayant mis sur orbite le projet de PAG, mais de la délibération ayant adopté ledit projet sur les avis du ministre de l’Environnement pris le 23 juillet 2019, en application de l’article 5 de la loi du 18 juillet 2008, et celui du même jour sur le rapport sur les incidences environnementales et sur le projet d’aménagement général, en application de l’article 7 (2) de la loi du 22 mai 2008, de même que, par ailleurs, sur l’avis de la commission d’aménagement du 7 octobre 2019, la question première du point de départ du classement du terrain litigieux en zone à études et de la signification exacte de celui-ci par rapport à la zone verte pour pertinente qu’elle soit, se dédouble, du moins par rapport à l’avis porté par le ministre de l’Environnement en application de l’article 5 de la loi du 18 juillet 2018, de la qualité de celui-ci pour rendre pareil avis, celle-ci dépendant de la question première posée, qui elle-même dépend de la consistance d’une zone à études par rapport à la loi et, plus loin, au PAG de l’époque de la Ville d’Esch-sur-Alzette. Le moyen de l’appelant revêt dès lors bien un caractère pertinent.
Par conséquent, le moyen d’irrecevabilité étatique laisse d’être justifié et est à écarter dès ce stade.
7 L’Etat soulève encore l’irrecevabilité du moyen de l’appelant tiré d’une mauvaise application de l’article 5 de la loi du 18 juillet 2018 dans la mesure où il chercherait indirectement à obtenir l’annulation de la décision d’approbation du ministre de l’Environnement du PAG de la Ville d’Esch-sur-Alzette intervenue le 3 mai 2021, tandis qu’aucun recours n’aurait été introduit par l’appelant à l’encontre de cette décision d’approbation dans le cadre du présent litige.
Ce moyen d’irrecevabilité laisse également d’être justifié.
En effet, à supposer le double moyen de l’appelant fondé en ce que la zone à études se trouverait, selon lui, en zone constructible et en ce que l’intervention du ministre de l’Environnement n’aurait dès lors point été possible en application de l’article 5 de la loi du 18 juillet 2018, une annulation du classement du terrain litigieux de l’appelant en zone de verdure devrait logiquement s’ensuivre, tandis qu’implicitement mais nécessairement, dans cette vision, le ministre n’aurait pas été compétent pour statuer sur le reclassement de ce terrain en zone de verdure et pour l’approuver tel qu’il l’a fait, la question de la qualité du ministre conditionnant tout simplement per se l’approbation ultérieure, même si celle-ci n’a pas été distinctement attaquée par l’appelant dans le cadre de son recours devant le tribunal.
Ce moyen d’irrecevabilité est dès lors également à écarter.
Il reste que la question première à trancher par la Cour est celle de savoir quel a été exactement le statut de la zone à études dans le cadre du PAG ancien de la Ville d’Esch-sur-Alzette, cette analyse conditionnant notamment la qualité et le champ de compétence du ministre de l’Environnement en la matière.
Il est vrai que dans un jugement ancien du tribunal du 20 novembre 2000 (n° 10022 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Urbanisme, n° 186) rendu dans le cadre de l’ancienne loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des Villes et autres agglomérations importantes, ci-après « la loi du 12 juin 1937 » par rapport au PAG de la Ville de Luxembourg, dit plan JOLY, le tribunal avait conclu de manière définitive, en l’absence d’appel interjeté, que le secteur à études y visé concernant une parcelle le long de la route d’Esch, occupé par un ancien garage pour voitures automobiles avec larges parkings attenants, dépendait de pareille zone qui ne définissait précisément pas un classement précis et, en attendant des études non encore effectuées, contrevenait ainsi aux articles 2 et 52 de la loi du 12 juin 1937 qui emportaient que pour chaque terrain un classement précis devait être prévu au PAG ancienne mouture, en ce que le PAG devait prévoir pour le moins l’affectation générale des diverses zones du territoire qu’il vise sous peine de ne pas suffire aux objectifs de la loi qu’un PAG doit nécessairement poursuivre, à savoir ceux de fournir une base réglementaire permettant d’aménager le territoire soumis à son champ d’application suivant les critères fixés par lui.
En somme, ce jugement emportait qu’une zone neutre pour laquelle l’administré ne sait pas si son terrain est à considérer comme constructible ou non ne correspondait pas aux exigences de la loi du 12 juin 1937.
8 Or, la question posée en l’occurrence ne se situe pas par rapport au plan JOLY de la Ville de Luxembourg, mais par rapport à l’ancien PAG de la Ville d’Esch-sur-Alzette qui, lui, comprend une disposition précise définissant la zone à études y visée.
Il s’agit de l’article 2.11. de l’ancien PAG qui dispose comme suit :
« Les secteurs à études comprennent les parties du territoire de la commune où figurent des ensembles de terrains pour lesquels une restructuration ou un redéveloppement s’impose dans l’intérêt de la commune et des quartiers limitrophes. Ces terrains sont soumis à l’obligation d’être couverts par une étude globale de développement et/ou par un plan d’ensemble qui permettra d’arrêter des projets portant soit sur l’ensemble, soit sur une partie de ces terrains.
Cette étude devra fixer dans le détail les affectations du sol et devra s’orienter – dans une approche innovatrice – aux principes du développement durable.
Ces secteurs ou partie de ces plans d’ensemble feront l’objet de plans d’aménagement particuliers au sens de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes.
Une partie écrite sera obligatoire et comprendra un cahier de charge détaillé concernant - les lignes directrices en relation avec la qualité urbanistique et architecturale requise ;
- l’utilisation rationnelle du sol, de l’énergie et de l’eau ;
- la promotion des énergies renouvelables et des matériaux de construction appropriés.
L’autorisation du bourgmestre est requise pour tout changement d’affectation et/ou démolition de partie ou de construction entière de tout genre ».
En substance, cet article prévoit pour les terrains soumis à un secteur à études une obligation de couverture par une étude globale de développement et/ou par un plan d’ensemble conditionnant les projets à développer. C’est cette étude qui va fixer en détail les affectations du sol dans une optique de développement durable.
L’alinéa 3 du texte réglementaire sous revue prévoit obligatoirement la mise en place de plans d’aménagement particuliers (PAP) au sens de la loi du 12 juin 1937, c’est-à-dire, tel que le terme l’indique clairement, des plans d’urbanisation.
Cette même idée est reprise au quatrième alinéa du même texte visant le cahier de charges détaillé obligatoire comprenant notamment les lignes directrices en relation avec la qualité urbanistique et architectural requise. Cette exigence vise clairement l’objectif de la mise en place de zones urbanisées (« qualité urbanistique ») construites (« qualité architecturale requise »).
9 Force est dès lors à la Cour de conclure à partir de cette analyse à travers des termes mêmes de la disposition réglementaire sous revue que celle-ci, contrairement à ce qui était le cas dans le jugement du 20 novembre 2000, précité, pour l’ancien plan JOLY de la Ville de Luxembourg, ne se limite pas à une indication neutre ne comportant pas de précision quant à une utilisation des terrains de la zone à études comme terrains à urbaniser, mais au contraire fixe comme objectif, plus particulièrement des PAP à mettre en place, de prévoir de pareilles zones urbanisées et d’indiquer d’ores et déjà certaines qualités architecturales y relativement.
Dès lors, contrairement à l’analyse du tribunal qui s’est limitée à reprendre le cas de figure toisé par le jugement précité du 20 novembre 2000 d’une zone « neutre », il convient de retenir que la zone à études prévue à l’endroit comprenant le terrain litigieux de l’appelant s’analyse bien en une zone destinée à terme à être urbanisée, du moins en grande partie, et partant à se trouver dans le périmètre d’agglomération et, à, d’ores et déjà, avoir été potentiellement sortie de la zone verte.
Cependant, la question posée en termes de compétence du ministre de l’Environnement pour émettre un avis dans le cadre de la loi du 19 juillet 2004 n’est pas la question pertinente en l’occurrence.
La question pertinente posée plus particulièrement par l’appelant à travers ses moyens d’appel, réitérés à partir de la première instance, revient à dire que sur la toile de fond de l’ancien classement en zone d’études et en l’absence d’études pertinentes, du moins présentées comme telles devant les juridictions administratives, permettant de cadrer plus exactement le classement à intervenir dans une optique d’urbanisation, le conseil communal a pris initialement, dans la phase de mise sur orbite du plan de PAG et, finalement, à travers sa délibération communale d’adoption, suite aux avis notamment du ministre de l’Environnement et de la commission d’aménagement, deux positions absolument antinomiques et inconciliables comme telles.
En effet, dans un premier stade, lors de la mise sur orbite du projet de PAG, le conseil communal a opté pour un classement de l’entièreté des terrains faisant partie de la zone anciennement classée en zone d’études, en zone constructible, initialement en zone HAB-1, tandis qu’en fin de procédure communale, ce même ensemble de parcelles a été intégralement classé en zone de verdure, partant essentiellement non constructible, le tout en l’absence d’études pertinentes, du moins versées comme telles devant les juridictions administratives, permettant de juger utilement du classement adéquat à intervenir.
Or, il découle de cette simple juxtaposition des deux démarches communales respectivement de mise sur orbite et d’adoption du plan de PAG que la commune a, toujours en l’absence d’études pertinentes versées, contrevenu à la fois au principe essentiel de cohérence et au principe de proportionnalité, de même qu’au principe de lisibilité et de sécurité juridique, d’essence constitutionnelle, en changeant d’un bout de la procédure d’adoption communale à l’autre, complètement les termes du classement proposés.
10 Si, le cas échéant, tel que le mettent en exergue à la fois l’avis du ministre de l’Environnement et celui de la commission d’aménagement, certains éléments de l’ensemble visés, anciennement classés en zone à études, pouvaient, éventuellement, être susceptibles d’être retenus comme biotopes, il ne faut cependant pas perdre de vue que, de manière essentielle, la seule présence de certains animaux sur place de la catégorie des oiseaux voire de chauves-souris, ne signifie cependant pas de manière dirimante que toute construction sur les terrains en question doive être interdite.
Il est en effet de jurisprudence constante que plus particulièrement pour la présence de chauve-souris d’espèce commune, tel le cas d’espèce, la problématique n’est pas à envisager en termes d’interdiction de construire, mais en termes de symbiose, c’est-à-dire de « vivre en commun », étant entendu que de mémoire d’occupation des terrains par l’homme, les chauve-souris ont, de manière complémentaire par rapport à l’humain, envahi les habitations et dépendances de celui-ci pour y trouver leur lieu de vie, sans que toutefois une interdiction de construire ne puisse valablement faire du sens dans ce contexte, le contraire étant vrai. La même situation se vérifie notamment pour les hirondelles et les pigeons.
Autrement dit, de manière ancestrale, les constructions de l’homme ont essentiellement permis de créer dans le chef des chauves-souris et certains oiseaux de nouveaux espaces de vie.
Dès lors, en considération de tous les éléments qui précèdent, le classement diamétralement opposé à celui de la mise sur orbite opéré par le conseil communal, en l’absence d’études vérifiées, présentées au dossier, constitue une démarche contraire aux principes de cohérence et de proportionnalité, de même qu’aux principes de lisibilité et de sécurité juridique, de sorte que le classement intervenu en zone de verdure, tel que confirmé par le ministre, est à annuler.
Compte tenu de la systématique procédurale devant les juridictions administratives et du mécanisme d’aplanissement des difficultés, cette annulation n’est encourue que pour les seules parcelles de l’appelant, étant entendu que sur renvoi, il appartiendra au conseil communal de reconsidérer la situation pour l’ensemble des terrains ci-avant classés en zone à études, pour lesquels il est devenu patent pour la Cour qu’un classement uniforme valable n’a pas pu être utilement opéré jusque lors, à défaut d’être en présence de suffisamment de données requises pour ce faire utilement.
L’appelant demande la condamnation des parties publiques à une indemnité de procédure de 3.000.- €.
Cette demande est à abjuger, les conditions légales afférentes ne se trouvant pas réunies.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;
11déclare l’appel recevable ;
au fond, le dit justifié ;
réformant, annule la délibération communale du 5 février 2021 et la décision d’approbation afférente du ministre de l’Intérieur du 29 octobre 2021 dans la mesure du classement intervenu par rapport aux terrains litigieux de l’appelant ;
renvoie le dossier en prosécution de cause devant le conseil communal de la Ville d’Esch-sur-Alzette ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure de l’appelant ;
fait masse des dépens des deux instances et les impose pour moitié à l’administration communale d’Esch-sur-Alzette et pour l’autre moitié à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg.
Ainsi délibéré et jugé par :
Francis DELAPORTE, président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.
s. SCHINTGEN s. DELAPORTE Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25 avril 2025 Le greffier de la Cour administrative 12