GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 52026C ECLI:LU:CADM:2025:52026 Inscrit le 29 novembre 2024 Audience publique du 15 avril 2025 Appel formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre un jugement du tribunal administratif du 25 octobre 2024 (n° 47490 du rôle) ayant statué sur le recours de Madame (A), …, contre une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat et un arrêté du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse en matière de discipline Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 52026C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 29 novembre 2024 par Madame le délégué du gouvernement Laurence MOUSEL, agissant au nom et pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, en vertu d’un mandat lui conféré à cet effet par le ministre de la Fonction publique le 26 novembre 2024, dirigé contre le jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 25 octobre 2024 (n° 47490 du rôle), par lequel ledit tribunal a déclaré recevable et partiellement justifié le recours introduit par Madame (A), demeurant à L-…, contre une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat du 9 mars 2022 ayant prononcé à son égard la sanction de la mise à la retraite d’office, ainsi qu’à l’annulation de l’arrêté d’exécution du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse du 22 mars 2022, de manière à prononcer à son encontre la sanction disciplinaire du déplacement par changement d’affectation, combinée à la sanction d’une amende correspondant à la moitié d’une mensualité brute du salaire de base et à annuler l’arrêté ministériel du 22 mars 2022 ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 19 décembre 2024 par Maître Fatiha RAZZAK, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’intimée ;
1Vu le mémoire en réplique du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 17 janvier 2025 ;
Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans formalités ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;
Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 4 mars 2025.
Il ressort des explications non contestées en cause que Madame (A) est entrée en service en qualité d’employé de l’Etat en date du 15 septembre 2009 en tant que chargée de cours à l’école fondamentale « … » à ….
Par un courrier du 23 juillet 2021, le ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, ci-après « le ministre », saisit le commissaire du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire, ci-après « le commissaire du gouvernement », afin de procéder à une instruction disciplinaire à l’encontre de Madame (A), conformément à l’article 56, paragraphe 2, de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, dénommée ci-après « le statut général ».
Par un courrier adressé au ministre en date du 4 août 2021, le commissaire du gouvernement adjoint accusa réception du courrier de saisine précité du 23 juillet 2021.
Par courrier du même jour, le commissaire du gouvernement adjoint informa Madame (A) qu’une instruction disciplinaire avait été ordonnée à son encontre tout en lui transmettant les pièces de son dossier disciplinaire et en l’invitant à se présenter au commissariat du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire pour une audition devant se dérouler le 17 août 2021 afin de prendre position par rapport aux faits lui reprochés.
Suite à un courriel du 6 août 2021 de Madame (A) informant le commissaire du gouvernement de son indisponibilité de se présenter devant lui jusqu’au 14 septembre 2022, le commissaire du gouvernement adjoint accusa réception de cette information en date du 9 août 2021, tout en informant Madame (A) que la procédure disciplinaire suivrait néanmoins son cours, mais qu’il lui serait loisible de verser une prise de position écrite.
Après avoir dressé un procès-verbal en date du 17 août 2021 constatant que Madame (A) ne s’était pas présentée à l’entrevue fixée le même jour, le commissaire du gouvernement adjoint clôtura son instruction par l’émission, en date du 27 décembre 2021, d’un rapport d’instruction.
Par un courrier du même jour, il informa Madame (A) qu’il envisageait de transmettre le dossier au Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, ci-après « le Conseil de discipline », conformément à l’article 56, paragraphe 5, du statut général, sans préjudice de son droit de prendre 2inspection du dossier disciplinaire en vue, le cas échéant, de présenter ses observations, respectivement de demander un complément d’instruction.
Par courrier du 17 janvier 2022, le dossier disciplinaire de Madame (A) fut transmis au Conseil de discipline.
En date du 9 mars 2022, le Conseil de discipline prit la décision qui suit :
« (…) Vu l'instruction disciplinaire diligentée à l'encontre de (A) par le commissaire du Gouvernement adjoint, régulièrement saisi en application de l'article 56, paragraphe 2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat, ci-après le statut, par un courrier du Ministre de l'Education nationale, de l'Enfance et de la Jeunesse du 23 juillet 2021 et transmise pour attribution au Conseil de discipline par courrier du 17 janvier 2022.
Vu le rapport d'instruction du 27 décembre 2021.
A l'audience publique du Conseil du mercredi, 23 février 2022, (A), bien que dûment avisée par lettre recommandée du 21 janvier 2022, ne s'est pas présentée à l'audience, de sorte qu'il y a lieu de statuer contradictoirement à son encontre conformément à l'article 68 du statut.
(A), dans la lettre de saisine du 23 juillet 2021, se voit reprocher les faits suivants :
1. « […] d'avoir, tout au long de la crise sanitaire liée au COVID-19, et sans préjudice quant à des dates plus exactes, refusé de se conformer aux règles sanitaires en vigueur, en refusant de porter son masque et en refusant de respecter les règles de distanciation sociale, et ce, notamment lors des cours qu'elle dispense ».
2. « […] d'avoir, au cours du week-end du 20 juin 2021, sans préjudice quant à la date exacte, fait parvenir un courrier électronique à l'ensemble du personnel de l'école fondamentale « … », par lequel elle remettait en cause, respectivement critiquait, les mesures mises en œuvre dans le cadre de la lutte contre la pandémie de COVID-19 ».
Après rapport oral du président du Conseil conformément à l'article 65, alinéa 2 du statut, la déléguée du Gouvernement fut entendue en ses conclusions.
Elle a relevé que les reproches formulés dans la lettre de saisine se trouvent dûment documentés au dossier. Au cours de l'année scolaire 2020/2021, et plus particulièrement après les vacances scolaires de carnaval 2021, (A) aurait régulièrement contrevenu aux instructions et aux ordres de service reçus de ses supérieurs hiérarchiques, ainsi qu'aux lois sur les mesures de lutte contre la pandémie Covid-19 votées par la Chambre des Députés. Nonobstant plusieurs rappels de ses collègues de travail, (A) aurait adopté une démarche systématique dans l'enceinte scolaire consistant à ne pas porter le masque et à vouloir imposer ses convictions strictement personnelles, déjouant ainsi tous les efforts adoptés par les autorités dans une situation de crise sanitaire mondiale. En tant que chargée de cours en contact quotidien avec des enfants lui confiés elle aurait dû servir d'exemple, au lieu d'adopter une attitude particulièrement irresponsable et contraire à la loi, acceptant aussi implicitement mais nécessairement une mise en danger de la vie 3d'autrui. Elle se serait ainsi disqualifiée humainement et professionnellement. Le fait d'utiliser sa messagerie professionnelle pour partager ses opinions personnelles et faire véhiculer parmi la communauté enseignante des théories conspirationnistes en serait une illustration supplémentaire, tout comme le fait de dénigrer publiquement la collègue de travail ayant informé la hiérarchie du non port systématique du masque par (A).
En conséquence, la déléguée du Gouvernement demande du chef des manquements constatés constitutifs d'une violation des articles 9, paragraphe 1, alinéas 1 et 2, et 10 paragraphe 1, alinéas 1 et 2, la mise à la retraite d'office de (A).
A l'instar de l'appréciation effectuée par le commissaire et les conclusions tirées par la déléguée du Gouvernement, il ressort à suffisance du dossier disciplinaire que (A), bien avant la convocation par le directeur régional pour le 14 juin 2021, a régulièrement fait l'objet de remontrances et de rappels de la part des autres acteurs de la communauté enseignante de son école pour lui faire respecter scrupuleusement les mesures adoptées dans une situation de crise sanitaire mondiale déclarée par l'organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020 et pour lui faire porter son masque à l'intérieur du bâtiment scolaire.
Ni l'intervention de la présidente d'école, ni celle du directeur régional du 14 juin 2021, ni celle de la directrice adjointe de l'enseignement fondamental de la région d'… du 29 juin 2021, persuadés de pouvoir faire appel au sens des responsabilités de (A) en lui rappelant les ordres renfermant les consignes sanitaires à respecter, dont le port obligatoire du masque, n'ont été couronnées de succès.
Au contraire, il se dégage notamment des prises de position de …, de …, d’…, de … et de … que (A) a persévéré dans son attitude consistant à refuser systématiquement de porter son masque et elle ne s'est pas non plus laissée freiner dans son élan à faire véhiculer parmi la communauté enseignante de son école sa conception personnelle de la gestion de cette crise tout en insinuant que personne ne se conformerait à 100% aux lois en vigueur et en dénigrant la personne qui l'aurait dénoncée.
Or, porter le masque n'est pas tant une mesure sanitaire personnelle, c'est-à-dire pour se protéger soi-même, qu'un acte civique destiné à protéger autrui contre le risque de contamination afin d'endiguer l'épidémie et d'éviter toute contagion en empêchant la propagation des postillons porteurs du coronavirus. Le Conseil rejoint la déléguée qu'il importe en l'espèce de condamner un comportement purement égoïste, contraire à la loi, risquant de favoriser la contamination et affiché ouvertement devant les enfants lui confiés. Pareille attitude traduit une indifférence volontaire à la valeur sociale majeure que constitue le respect de la vie et de l'intégrité physique d'autrui.
Si tout citoyen bénéficie de la liberté de s'exprimer et même de manifester son opposition à la politique du Gouvernement, cette liberté s'exerce cependant pour le fonctionnaire dans le cadre de ses devoirs statutaires de réserve, de dignité et d'exemplarité et ne doit pas affecter sa capacité d'exercer ses fonctions ou ternir l'image du service public qu'il représente.
4Dans son arrêt du 2 septembre 1998 la Cour européenne des droits de l'homme (Ahmed et autres c. Royaume-Uni) a souligné « la mission des fonctionnaires dans une société démocratique étant d'aider le gouvernement à s'acquitter de ses fonctions et le public étant en droit d'attendre que les fonctionnaires apportent cette aide et n'opposent pas d'obstacles au gouvernement démocratiquement élu, l'obligation de loyauté et de réserve revêt une importance particulière les concernant ».
Les faits retenus à charge de (A), amplement caractérisés ci-dessus, constituent partant un manquement aux obligations statuaires suivantes :
- à l'article 9 paragraphe 1, alinéa 1 et alinéa 2 du statut pour avoir omis de se conformer consciencieusement aux lois et règlements qui déterminent les devoirs que l'exercice de ses fonctions lui impose, dont les instructions du Gouvernement qui ont pour objet l'accomplissement régulier de ses devoirs et les ordres de service reçus en ce que (A) ne s'est pas conformée à l'obligation de port du masque pour les activités scolaires résultant de la loi modifiée du 17 juillet 2020 sur les mesures de lutte contre la pandémie Covid-19, obligation qui était générale, en vertu de l'article 4, paragraphe 8, alinéa 2, pendant la période du 15 mars au 12 juin 2021 et qui était limitée aux activités se déroulant à l'intérieur, en vertu de l'article 4, paragraphe 7, alinéa 2, pendant la période du 13 juin au 8 juillet 2021, date à laquelle (A) a été dispensée de service et qu'elle ne s'est pas conformée aux communications de la Direction de l'enseignement fondamental de la région … concernant les mesures de lutte contre la pandémie Covid-19 ;
- à l'article 9 paragraphe 2 du statut en vertu duquel le fonctionnaire est responsable des tâches qui lui sont confiées pour ne pas avoir respecté les obligations découlant notamment des articles 1 et 2 du règlement grand-ducal du 7 mai 2009 concernant les règles de conduite et l'ordre intérieur communs à toutes les écoles ;
- à l'article 10, paragraphe 1, alinéa 1 et alinéa 2, du statut qui dispose « Le fonctionnaire doit, dans l'exercice comme en dehors de l'exercice de ses fonctions, éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ces fonctions ou à sa capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public. Il est tenu de se comporter avec dignité et civilité tant dans ses rapports de service avec ses supérieurs, collègues et subordonnés que dans ses rapports avec les usagers de son service qu'il doit traiter avec compréhension, prévenance et sans aucune discrimination », en ce que le refus de porter le masque était susceptible de donner lieu à scandale, de nuire à la renommée de l'enseignement public, de mettre sciemment en danger la santé tant de ses collègues que de ses élèves et que l'utilisation de la messagerie électronique de l'Etat pour informer ses collègues de travail de ses convictions personnelles en ce qui concerne la prétendue nocivité du masque, voire pour inciter ses collègues de travail à ne pas respecter l'obligation de port du masque, a porté atteinte à la dignité de ses fonctions et a compromis les intérêts du service public. Finalement en dénigrant une collègue de travail qui n'avait fait que son devoir en informant son supérieur hiérarchique du refus obstiné de (A) de porter le masque, cette dernière a encore contrevenu à l'alinéa 2 du paragraphe 1 de l'article 10 du statut.
Aux termes de l'article 53 du Statut, l'application des sanctions se règle notamment d'après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé. Elles peuvent être appliquées cumulativement.
5 Il est indéniable que (A) a, depuis la rentrée de l'année scolaire 2020-2021 jusqu'au 8 juillet 2021, par le refus systématique de respecter les mesures sanitaires en vigueur dont le port obligatoire du masque à l'intérieur du bâtiment scolaire et l'amalgame fait entre sa fonction et ses opinions personnelles, contrevenu à ses obligations consacrées aux articles 9 et 10 du statut de sorte que l'absence d'antécédent disciplinaire à sa charge s'estompe face à la gravité indubitable des manquements répétitifs retenus, caractérisant une disqualification professionnelle et humaine de nature à entacher irrémédiablement et définitivement la relation de confiance et de respect mutuel nécessaire à son maintien en service.
Par ces motifs :
le Conseil de discipline, siégeant en audience publique, conformément à l'article 68 du statut général, sur le rapport oral de son président le délégué du Gouvernement entendu en ses conclusions, prononce à l'égard de (A) du chef des manquements retenus ci-dessus, constitutifs d'une violation des articles 9 et 10 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat, la sanction disciplinaire prévue à l'article 47.9 de la prédite loi, à savoir la mise à la retraite d'office de (A) ;
condamne (A) aux frais de la procédure, ces frais liquidés à 48,30 euros. (…) ».
Par un arrêté du ministre du 22 mars 2022, la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office fut prononcée à l’encontre de Madame (A), décision libellée comme suit :
« (…) Vu la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'État et notamment ses articles 51, 52, 54, 58 et 70 ;
Considérant que Madame (A) (num. id. nat….), employée de l'État, chargée de cours à l'école fondamentale …, a fait l'objet d'une instruction disciplinaire conformément à l'article 56 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'État ;
Vu le dossier relatif à l'instruction disciplinaire établi en date du 27 décembre 2021 par Monsieur le Commissaire du Gouvernement chargé de l'instruction disciplinaire ;
Vu la décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l'État du 9 mars 2022 ;
Arrête:
Art. 1er.- La sanction disciplinaire de la mise à la retraite d'office est prononcée à l'encontre de Madame (A) (num. id. nat. …), employée de l'État. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 31 mai 2022, Madame (A) introduisit un recours tendant à la réformation de la décision du Conseil de discipline du 9 mars 2022, ainsi qu’à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du 22 mars 2022.
6 Par jugement du 25 octobre 2024, le tribunal administratif reçut en la forme le recours en réformation dirigé contre la décision du Conseil de discipline du 9 mars 2022, au fond, le déclara partiellement justifié et, par réformation de ladite décision, prononça à l’égard de Madame (A) la sanction du déplacement par changement d’affectation, combinée à la sanction de l’amende correspondant à la moitié d’une mensualité brute du salaire de base, reçut en la forme le recours en annulation dirigé contre l’arrêté ministériel du 22 mars 2022, au fond, le déclara justifié et annula ledit arrêté ministériel et imposa les frais de l’instance pour moitié à chaque partie.
Pour ce faire, le tribunal constata en premier lieu que la demanderesse ne contestait pas avoir enfreint les articles 9 et 10 du statut général, mais qu’elle estimait que la sanction prononcée à son encontre était néanmoins disproportionnée et trop sévère par rapport aux faits de l’espèce.
Il releva ensuite que Madame (A) ne contestait ni la réalité des reproches, ni le caractère répréhensible des faits lui reprochés sur le plan du droit disciplinaire pour retenir que celle-ci non seulement s’était sciemment abstenue de se conformer aux règles sanitaires en vigueur au moment des faits reprochés, ne respectant dès lors ni la réglementation nationale, ni les instructions de service lui adressées par ses supérieurs hiérarchiques, tout en soulignant que dans son courriel du 22 juin 2021, celle-ci avait affirmé qu’elle aurait le droit de penser et d’agir différemment et de ne pas tout accepter ce qui lui serait imposé par la hiérarchie. Ce faisant, elle avait violé l’article 9 du statut général, de même que l’article 10 de ce même texte, du fait d’avoir, par son comportement et son courriel, porté atteinte à la dignité de ses fonctions ou à sa capacité de les exercer, donné lieu à scandale et compromis les intérêts du service public. Le tribunal nota encore que si la demanderesse n’avait certes pas cité le nom de la personne qu’elle jugeait responsable de l’initiation de la procédure disciplinaire à son encontre, personne a priori non indentifiable par le texte du courriel du 22 juin 2021, celle-ci avait néanmoins « mis au pilori » cette personne en lui reprochant d’avoir dénoncé son non-respect des règles sanitaires, alors même que cela avait été non seulement le droit, mais également le devoir de cette dernière.
Quant à la gravité du comportement affiché par Madame (A) et à la sanction adéquate à prononcer à son encontre, les premiers juges notèrent que si le fait pour un agent public de faire sciemment fi non seulement des instructions de service, mais également de la règlementation nationale, tout en clamant haut et fort un prétendu droit à la désobéissance vis-à-vis de sa hiérarchie, pouvait être considéré comme hautement critiquable, d’autant plus que les règles sanitaires litigieuses avaient été édictées dans le but d’endiguer la pandémie de la Covid-19 et de sauvegarder la santé du personnel éducatif et des élèves, que la demanderesse, par son comportement contestataire et par son refus de respecter les gestes barrières, avait sciemment mis en danger, le tribunal releva cependant, au vu de l’ancienneté non négligeable de la demanderesse, de l’absence d’antécédents disciplinaires, des regrets exprimés ainsi que du contexte spécifique s’inscrivant dans la crise sanitaire de la pandémie liée au virus du Covid-19, et de son état de santé psychique à l’époque, que la sanction de la mise à la retraite d’office était à considérer comme disproportionnée par rapport aux faits reprochés, de sorte à prononcer à son encontre la sanction du déplacement par changement d’affectation, combinée à la sanction de l’amende correspondant à la moitié d’une mensualité brute du salaire de base et à annuler l’arrêté ministériel d’exécution du 22 mars 2022.
Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 29 novembre 2024, l’Etat du 7Grand-Duché de Luxembourg a régulièrement relevé appel de ce jugement.
A l’appui de son appel, la partie étatique argumente que Madame (A) n’aurait jamais contesté la réalité des reproches et estime que la sanction prononcée par le Conseil de discipline, à savoir la mise à la retraite d’office, serait tout à fait proportionnée et justifiée, tout en relevant que la sanction disciplinaire retenue par les premiers juges ne reflèterait nullement la gravité des fautes disciplinaires commises par l’intimée.
Concernant le premier reproche, à savoir le refus de se conformer aux règles sanitaires en vigueur à l’époque en refusant de porter le masque sanitaire et de respecter les règles de distanciation sociale, et ce, notamment lors des cours dispensés, le délégué du gouvernement signale en premier lieu que les seuls éléments à disposition du Conseil de discipline auraient été les pièces se trouvant dans le dossier disciplinaire, à défaut pour l’intimée de se présenter devant le commissaire du gouvernement et devant le Conseil de discipline, et que la seule lecture des documents se trouvant audit dossier aurait permis d’arriver au constat que celle-ci était totalement convaincue qu’elle avait raison de ne pas porter le masque et ne regrettait pas ses agissements. Ce n’aurait été que dans le cadre de son recours contentieux que Madame (A) aurait exprimé des remords qui, aux yeux de la partie étatique, ne paraîtraient pas sincères.
Le représentant étatique insiste sur le constat des premiers juges que l’intimée se contredirait en affirmant, d’un côté, avoir été persuadée que le port du masque serait maléfique pour les enfants, pour argumenter, d’un autre côté, ne pas avoir pu porter le masque pour des raisons médicales, explication peu convaincante, alors que celle-ci n’a pas pris le soin de demander à son médecin traitant un certificat médical indiquant qu’elle ne pouvait pas porter de masque pour des raisons de santé, ce d’autant plus qu’elle n’a jamais cherché à faire part de cet empêchement à son directeur. Il serait également étonnant de constater dans ce contexte que Madame (A) a, pendant une certaine période, porté un masque et occasionnellement également un « Buff ». Partant, les explications de l’intimée ne seraient pas crédibles et celle-ci essayerait par tous moyens de diminuer le degré de la sanction disciplinaire retenue par le Conseil de discipline. Aux yeux de la partie étatique, les manquements commis par l’intimée seraient tellement graves et les problèmes de santé mis en avant ne pourraient pas diminuer le degré de la sanction disciplinaire prononcée par le Conseil de discipline.
Quant au deuxième reproche formulé à l’encontre de Madame (A), à savoir le contenu d’un courriel qu’elle a fait parvenir à l’ensemble du personnel de l’école fondamentale « … » critiquant ouvertement les mesures mises en œuvre dans le cadre de la lutte contre la pandémie due au Covid-19, courrier contenant des liens électroniques vers différents sites internet, la partie étatique estime que l’intimée aurait gravement dénigré respectivement « mis au pilori » une collègue de travail qui n’aurait fait que son devoir en informant son supérieur hiérarchique du refus de Madame (A) de porter un masque. D’après l’Etat, cette collègue de travail aurait non seulement eu le droit mais également le devoir d’informer son supérieur hiérarchique de ce refus de port du masque. Quant à l’affirmation de l’intimée qu’elle aurait le droit de penser et d’agir différemment, la partie étatique argumente que la liberté d’expression des agents étatiques serait limitée par les devoirs de réserve et de loyauté qui trouvent leur base légale dans le statut général.
8Partant, ce serait à juste titre que les premiers juges ont retenu que le comportement de Madame (A) a violé les articles 9 et 10 du statut général.
Quant à la question de la proportionnalité de la sanction disciplinaire, la partie étatique souligne avoir du mal à comprendre la conclusion des premiers juges qui serait en contradiction avec ses propres développements. Ainsi, les premiers juges mettraient en évidence quelques termes à titre de circonstances atténuantes pour justifier une diminution du degré de la sanction disciplinaire en cause sans expliquer concrètement respectivement motiver pourquoi ces éléments seraient susceptibles de justifier cette diminution. De même, les regrets exprimés et l’état psychique mis en avant par l’intimée ne sauraient valoir comme excuses et le contexte spécifique de la crise sanitaire de la pandémie liée au virus Covid-19 ne pourrait jouer en faveur de celle-ci, contexte qui devrait inciter les agents de l’Etat à soutenir, ou pour le moins à ne pas entraver, les règles édictées par l’Etat-employeur. Finalement, la partie étatique met encore en évidence qu’une chargée de cours en contact quotidien avec des enfants devrait servir d’exemple au lieu d’adopter une attitude particulièrement irresponsable et contraire à la loi, acceptant aussi implicitement mais nécessairement une mise en danger de la vie d’autrui. D’après l’Etat, les faits de l’espèce seraient si graves que les circonstances atténuantes retenues par le tribunal ne pourraient, en fin de compte, pas jouer pour diminuer le degré de la sanction disciplinaire.
L’intimée, de son côté, tout en admettant les manquements libellés à sa charge, déclare ne pouvoir acquiescer au fait que son refus de porter le masque aurait été systématique et aurait duré toute une année sans la moindre exception. Dans ce contexte, elle renvoie à différentes attestations testimoniales démontrant qu’elle portait un masque « pour le moins une grande partie du temps ».
Elle donne encore à considérer qu’elle avait une grande aversion voire une phobie contre le port du masque buccal en raison de troubles psychiques avérés liés à des événements traumatisants survenus durant son enfance, tel que cela se dégagerait d’un rapport du Dr … du 6 mai 2022, notamment pour avoir été victime d’agressions sexuelles répétées, expérience profondément traumatisante induisant des réminiscences involontaires et engendrant des « flashbacks » douloureux susceptibles de déclencher des attaques de panique et une détresse psychologique aigüe, raisons qui seraient inavouables publiquement sur le lieu de travail.
Madame (A) maintient encore sa conviction personnelle que la mesure du port du masque dans le contexte sanitaire imposé, loin d’être bénéfique, aurait présenté des effets nuisibles pour la santé, tant au niveau physique que psychologique et aurait constitué un obstacle au développement harmonieux des élèves dans le milieu scolaire. L’intimée reconnaît cependant qu’il ne lui appartenait pas de contester ouvertement la réglementation sanitaire en vigueur et exprime ses regrets sincères quant à ce comportement, tout en concédant que ses convictions personnelles n’auraient pas justifié un manquement aux obligations réglementaires auxquelles elle était tenue en sa qualité d’agent de l’Etat. Elle conteste ensuite fermement l’allégation selon laquelle elle aurait dénigré une collègue de travail dans un courriel, en soulignant que ledit message ne comportait aucune mention nominative, de sorte qu’il ne pourrait pas être interprété comme une attaque personnelle à l’égard d’un membre spécifique du personnel enseignant.
L’intimée donne encore à considérer qu’elle n’entendrait pas se soustraire à ses responsabilités ni minimiser les faits lui reprochés mais souhaiterait simplement fournir des explications objectives sur son comportement et souligner que son attitude, répréhensible sur le plan disciplinaire, 9trouverait au moins en partie sa source dans des facteurs psychologiques graves. Elle estime avoir fait preuve d’une transparence totale dans sa démarche, d’une part, en admettant ses manquements, d’autre part, en reconnaissant qu’elle n’aurait pas dû exprimer ouvertement ses réserves dans un courriel à l’adresse du personnel scolaire, et, de troisième part, en prenant l’engagement de ne pas réitérer une telle attitude à l’avenir. Ainsi, la reconnaissance « tardive » de ses torts s’expliquerait par sa fragilité émotionnelle ayant pu influencer sa capacité à prendre du recul par rapport à la situation au moment des faits et ses regrets sincères s’inscriraient dans une démarche de réflexion personnelle approfondie. Dans ce contexte, il appartiendrait à la partie étatique de démontrer que ses regrets relèveraient d’une manœuvre procédurale, ce d’autant plus que son discours aurait toujours été cohérent et transparent, incompatible avec l’idée d’une stratégie opportuniste. Pour le surplus, Madame (A) s’engage fermement à respecter à l’avenir les réglementations en vigueur, quelle que soit sa position personnelle. Elle explique encore ses absences devant le commissaire du gouvernement et le Conseil de discipline par son état psychologique altéré, caractérisé par une détresse profonde ayant rendu ses présences impossibles, ce qui serait encore confirmé par le constat qu’elle avait sollicité à l’époque un congé sans solde d’une année. Dès lors, le fait de ne pas avoir usé de son droit de comparaître devant ces organes ne pourrait pas être interprété comme un manquement ou une faute de sa part.
Quant à la proportionnalité de la sanction prononcée, l’intimée estime que le tribunal aurait procédé à une analyse circonstanciée des faits lui reprochés et substitué une sanction plus appropriée traduisant un équilibre entre la nécessité de sanctionner les manquements avérés et la prise en compte des circonstances propres à l’espèce.
A l’instar des premiers juges, il convient de rappeler en premier lieu que la résiliation du contrat de travail de Madame (A), en tant qu’employée de l’Etat ayant une ancienneté de service depuis le 15 septembre 2009, soit depuis plus de dix ans depuis l’ouverture de l’instruction disciplinaire, est soumise aux dispositions telles qu’inscrites à l’article 7 de la loi modifiée du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l’Etat aux termes duquel :
« (1) Le contrat de travail à durée indéterminée de l’employé ne peut plus être résilié, lorsqu’il est en vigueur depuis dix ans au moins, sauf à titre de mesure disciplinaire. Pendant la période précédant cette échéance, il peut être résilié par le ministre ou par le ministre du ressort pour des raisons dûment motivées. (…) (2) Le ministre ou le ministre du ressort prononce la résiliation du contrat, à titre de mesure disciplinaire, après décision conforme du conseil de discipline institué pour les fonctionnaires de l’Etat. Le conseil procède conformément aux dispositions légales qui déterminent son organisation et son fonctionnement. (…) ».
Il s’ensuit que l’intimée se trouve soumise aux dispositions pertinentes du régime disciplinaire des fonctionnaires de l’Etat, tel que cela ressort encore de l’article 1er, paragraphe (5), alinéa 1er, in fine, du statut général.
Il se dégage encore de la décision du Conseil de discipline du 9 mars 2022 que ledit conseil a retenu à l’égard de la personne concernée des manquements constitutifs d’une violation des articles 9, paragraphes (1) et (2) et 10, paragraphe (1), du statut général, articles de la teneur suivante :
10 [art. 9] « 1. Le fonctionnaire est tenu de se conformer consciencieusement aux lois et règlements qui déterminent les devoirs que l’exercice de ses fonctions lui impose.
Il doit de même se conformer aux instructions du gouvernement qui ont pour objet l’accomplissement régulier de ses devoirs ainsi qu’aux ordres de service de ses supérieurs. » 2. Il est responsable de l’exécution des tâches qui lui sont confiées ; il doit prêter aide à ses collègues dans la mesure où l’intérêt du service l’exige ; la responsabilité de ses subordonnés ne le dégage d’aucune des responsabilités qui lui incombent ».
[art. 10] « 1. Le fonctionnaire doit, dans l’exercice comme en dehors de l’exercice de ses fonctions, éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ces fonctions ou à sa capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public.
Il est tenu de se comporter avec dignité et civilité tant dans ses rapports de service avec ses supérieurs, collègues et subordonnés que dans ses rapports avec les usagers de son service qu’il doit traiter avec compréhension, prévenance et sans aucune discrimination ».
Concernant la gravité de la sanction disciplinaire à retenir à l’encontre de Madame (A), l’article 53 du statut général prévoit que :
« L’application des sanctions se règle notamment d’après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé.
Elles peuvent être, le cas échéant, appliquées cumulativement (…) ».
L’article 54, paragraphe 3, du statut général, énonce ce qui suit :
« L’autorité saisie du recours peut, soit confirmer la décision attaquée, soit prononcer une sanction moins sévère ou plus sévère, soit acquitter le fonctionnaire. ».
Les critères d’appréciation de l’adéquation de la sanction, prévus légalement, sont énoncés de manière non limitative, de sorte que la juridiction saisie est susceptible de prendre en considération tous les éléments de fait lui soumis qui permettent de juger de la proportionnalité de la sanction à prononcer, à savoir, entre autres, l’attitude générale du fonctionnaire.1 Dans le cadre du recours en réformation exercé contre une sanction disciplinaire, les juridictions administratives sont amenées à apprécier les faits commis par le fonctionnaire en vue de déterminer si la sanction prononcée par l’autorité compétente a un caractère proportionné et juste, en prenant notamment en considération la situation personnelle et les antécédents éventuels du fonctionnaire.2 Si l'absence d'antécédent disciplinaire et de reproches professionnels antérieurs n'est pas de nature à amoindrir la gravité des faits à la base d'une action disciplinaire, elle constitue néanmoins un des éléments déterminants à prendre en considération pour apprécier le comportement global du 1 Cour adm. 19 décembre 2023, n° 49146C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Fonction Publique, n° 354 et autres références y citées 2 Cour adm. 19 décembre 2023, n° 49146C du rôle,, Pas. adm. 2024, V° Fonction Publique, n° 395 et autres références y citées.
11fonctionnaire en vue de la détermination de la sanction disciplinaire à retenir parmi l'échelle afférente prévue par la loi à travers les dispositions de l'article 47 du statut général et allant du simple avertissement à la révocation.3 La Cour constate en premier lieu que Madame (A) est actuellement âgée de … ans, qu’elle peut faire valoir une ancienneté de service remontant au 15 septembre 2009 et qu’elle n’a pas d’antécédents disciplinaires.
La Cour note ensuite que Madame (A) s’est vue reprocher deux faits, à savoir, en premier lieu, d'avoir, tout au long de la crise sanitaire liée au Covid-19, refusé de se conformer aux règles sanitaires en vigueur, en refusant de porter un masque et en refusant de respecter les règles de distanciation sociale, et ce, notamment lors des cours qu'elle dispensait.
Sur ce point, le Conseil de discipline a relevé que l’intimée avait régulièrement fait l’objet de remontrances et de rappels de la part de la communauté enseignante de son école pour lui faire respecter les règles sanitaires en vigueur, dont notamment le port du masque à l’intérieur du bâtiment scolaire, mais que ni l’intervention de la présidente d’école, ni celle du directeur régional, ni celle de la directrice adjointe de l’enseignement fondamental de la région d’… n’auraient été couronnées de succès. Ledit conseil a encore relevé, en se basant sur différentes prises de position, que Madame (A) aurait persévéré dans son attitude consistant à refuser systématiquement le port du masque qualifiant le comportement de celle-ci de comportement purement égoïste et contraire à la loi, affiché devant les enfants lui confiés et risquant de favoriser la contamination.
D’un autre côté, il se dégage de 23 attestations versées par l’intimée4, reprenant des témoignages de ses collègues de travail, que ceux-ci ont pu constater que la concernée portait un masque, les témoignages divergeant cependant sur la fréquence du port de masque par celle-ci pendant la période incriminée.
Sans vouloir entrer dans le détail de ces prises de position et de ces attestations de témoignage, la Cour en dégage cependant le constat que Madame (A) portait la plupart du temps un masque de protection et qu’on ne saurait dès lors lui reprocher d’avoir systématiquement refusé de porter pareil masque, même si elle affirme l’avoir fait à contre-cœur, tout en maintenant sa position personnelle relative aux effets prétendument néfastes dudit port sur la santé des élèves dans le contexte sanitaire imposé qui, d’après elle, loin d’être bénéfique, aurait présenté des effets nuisibles pour la santé, tant au niveau physique que psychologique, et aurait constitué un obstacle au développement harmonieux des élèves dans le milieu scolaire.
A l’instar des premiers juges, la Cour est dès lors amenée à retenir que Madame (A), même si elle n’a pas systématiquement refusé de porter le masque, a cependant refusé, pour le moins à plusieurs reprises, de se conformer aux règles sanitaires en vigueur, à savoir la loi modifiée du 17 juillet 2020 sur les mesures de lutte contre la pandémie Covid-19, malgré les remontrances en ce sens de la part de sa hiérarchie, risquant de la sorte de favoriser la propagation du virus Covid-19 parmi la communauté scolaire dans l’école où elle enseignait, comportement encore contraire notamment 3 Cour adm. 24 octobre 2023, n° 48869C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Fonction Publique, n° 398 et autres références y citées.
4 farde de pièces déposée en première instance le 31 mai 2022 12aux articles 1er et 2 du règlement grand-ducal du 7 mai 2009 concernant les règles de conduite et l’ordre intérieur communs à toutes les écoles, de sorte que le premier fait libellé à son encontre se trouve établi.
Quant au deuxième reproche libellé à son encontre, à savoir d'avoir le 22 juin 2021, fait parvenir un courrier électronique à l'ensemble du personnel de l'école fondamentale « … », remettant en cause, respectivement critiquant, les mesures mises en œuvre dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19 et d’avoir de la sorte utilisé sa messagerie professionnelle pour partager ses opinions personnelles parmi la communauté enseignante, tout en dénigrant dans ce message une collègue de travail, ledit fait se trouve établi à l’exclusion de tout doute à la simple lecture dudit message, même si l’intimée n’a pas désigné nommément l’enseignante qui l’aurait dénoncée pour ne pas avoir porté un masque de protection, étant relevé que l’intimée a également admis la matérialité de ce fait et ne s’est plus prévalu, dans ce contexte, du droit à sa liberté d’expression.
A l’instar des premiers juges, la Cour confirme dès lors le Conseil de discipline en sa conclusion que Madame (A) a méconnu ses obligations statutaires découlant du statut général, à savoir les articles 9, paragraphes (1) et (2), et 10, paragraphe (1), du statut général, pour, d’une part, avoir omis de se conformer consciencieusement aux lois et règlements qui déterminent les devoirs que l’exercice de ses fonctions lui impose, dont les instructions du gouvernement qui ont pour objet l’accomplissement régulier de ses devoirs ainsi qu’aux ordres de service de ses supérieurs et, d’autre part, pour avoir, par son comportement et la rédaction du courriel du 22 juin 2021, porté atteinte à la dignité de ses fonctions ou à sa capacité de les exercer, donné lieu à scandale et compromis les intérêts du service public.
Tout comme le tribunal, la Cour arrive cependant à la conclusion que les manquements disciplinaires retenus à l’encontre de Madame (A) ne sont pas d’une telle gravité telle justifiant la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office, telle que réclamée par la partie étatique, lesdits faits mis en balance avec les circonstances atténuantes mises en avant par l’intimée, n’étant pas d’une gravité telle que le maintien de la relation de travail deviendrait de ce fait irrémédiablement impossible.
En effet, à côté d’une ancienneté de service de 12 ans au moment des faits et l’absence d’antécédents disciplinaires, la Cour tient à relever les regrets actuels de l’intimée, celle-ci ayant reconnu ses manquements en relation avec le fait de ne pas avoir porté tout le temps un masque de protection et pour avoir ouvertement, dans le courriel du 22 juin 2021 à l’adresse de l’ensemble du personnel scolaire de l’école fondamentale « … », exprimé ses réserves par rapport aux mesures sanitaires mises en place, tout en relevant l’engagement de l’intimée de ne pas réitérer pareille attitude à l’avenir.
La Cour tient encore à insister sur les qualités professionnelles de l’intimée qui n’ont jamais donné lieu à la moindre critique. Ainsi, il se dégage d’une attestation testimoniale de Monsieur … datée au 11 mai 20225, travaillant dans l’école fondamentale « … » depuis 24 ans, que « waat Mme (A) unbelaangt, muss ech soen, dass et eent vun deenen beschten war dei jee hei geschafft huet. Sief daat am pedagogeschen Aspekt der menschlechen Aspekt. Ech kennen keen Kand, wat Mme (A) 5 pièce 21 de la farde de pièces déposée en première instance le 31 mai 2022.
13net gären hat. Ech hun Mme (A) bal emmer mat der Mask (Bouf) gesinn, heiansdo och ouni, mee mie, dass do Kanner an Gefor waren. Dofier kann ech déi ganz Geschicht schwéier novollzéien ».
Finalement, la Cour retient à titre de circonstances atténuantes dans le chef de Madame (A) l’état de santé psychologique à l’époque mis en avant par l’intimée, tel que se dégageant du rapport de prise en charge du Dr … du 6 mai 20226, influencé par une situation familiale difficile à l’origine d’un « stress post traumatique ainsi que d’anxiété avec un sentiment de persécution entraînant des attaques de paniques, des épisodes de grand désespoir avec idéations suicidaires et ceci dans un contexte pandémique lui-même anxiogène et potentiellement déstabilisateur ».
Même si Madame (A) n’a pas fait état de son état de santé fragile au moment de la survenance des faits lui reprochés et pendant la phase précontentieuse, tel que relevé par le représentant étatique, la Cour ne partage cependant pas les soupçons du délégué du gouvernement lorsque ce dernier affirme que « malheureusement trop souvent, les médecins choisis par les agents eux-mêmes rédigent la version que leur patient leur raconte », insinuant que l’état de santé ainsi mis en avant constituerait une « manœuvre procédurale », telle que qualifiée par le mandataire de l’intimée, ce d’autant plus que le rapport du Dr … mentionne que Madame (A) avait déjà bénéficié d’un premier suivi pour trouble anxio-dépressif en 2016 et d’un deuxième suivi en consultation de décembre 2020 à juin 2022.
La Cour arrive dés lors à la conclusion, à l’instar des premiers juges, que la sanction de la mise à la retraite d’office prononcée par le Conseil de discipline est à considérer comme disproportionnée par rapport aux faits reprochés et que la sanction retenue par le tribunal dans le jugement entrepris, à savoir la sanction du déplacement par changement d’affectation, combinée à la sanction de l’amende correspondant à la moitié d’une mensualité brute du salaire de base, constitue une sanction disciplinaire appropriée par rapport aux faits de l’espèce.
L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter la partie étatique et de confirmer le jugement entrepris.
Madame (A) sollicite encore l’allocation d’une indemnité de procédure de 3.000.- €.
Ladite demande en allocation d'une indemnité de procédure est à rejeter, l’intimée ne justifiant pas à suffisance en quoi il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais non compris dans les dépens, étant relevé que le seul fait que l’appel est considéré comme non fondé ne constitue pas une telle justification suffisante.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l'égard de toutes les parties ;
reçoit l'appel du 29 novembre 2024 en la forme ;
au fond, déclare l’appel non justifié et en déboute la partie étatique ;
6 pièce 23 de la farde de pièces déposée en première instance le 31 mai 2022.
14 partant confirme le jugement du 25 octobre 2024 ;
déboute Madame (A) de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux dépens de l'instance d'appel.
Ainsi délibéré et jugé par :
Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Patrick WIES.
s. WIES s. SPIELMANN Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15 avril 2025 Le greffier de la Cour administrative 15