GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 52238C ECLI:LU:CADM:2025:52238 Inscrit le 16 janvier 2025
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Audience publique du 3 avril 2025 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 18 décembre 2024 (n° 47748 du rôle) en matière d’impôts - appel en garantie
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 52238C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 16 janvier 2025 par Maître Miloud AHMED-BOUDOUDA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, en l’étude duquel domicile est élu, au nom de Monsieur (A), demeurant à L-…, …, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 18 décembre 2024 (n° 47748 du rôle), par lequel ledit tribunal a rejeté comme non fondé son recours en réformation, sinon en annulation dirigé contre un bulletin d’appel en garantie du 22 octobre 2022 ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 6 février 2025 par le délégué du gouvernement ;
Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;
Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 20 mars 2025.
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Le 22 octobre 2021, le bureau d’imposition RTS Esch-sur-Alzette de l’administration des Contributions directes, ci-après « le bureau d’imposition », émit un bulletin d’appel en garantie (« Haftungsbescheid ») sur le fondement du paragraphe 118 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, dénommée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », à l’égard de Monsieur (A) en sa qualité de gérant unique de la société à responsabilité limitée (AA), ci-après « la société (AA) », ledit bulletin déclarant Monsieur (A) codébiteur solidaire d’un montant de … euros, dont … euros en principal et … euros en intérêts de retard, au titre de l’impôt sur les traitements et salaires qui aurait dû être retenu et continué à l’administration des Contributions directes, ci-après « l’administration », par la société (AA) pour les années d’imposition 2018 et 2019.
Ledit bulletin est libellé comme suit :
« (…) Il est dû à l'Etat du Grand-Duché de Luxembourg par la société (AA), immatriculée sous le numéro fiscal …, à titre de l'impôt sur les traitements et salaires :
Année 2018 … principal … intérêts Année 2019 … principal … intérêts Total … … Il résulte de la publication au Registre de Commerce et des Sociétés numéro … du 08.06.2020 que vous avez été nommé gérant unique de la société (AA) en date du 20.05.2020.
En cette qualité vous avez disposé du pouvoir d'engager l'entreprise sous votre signature à partir de cette date.
En votre qualité de gérant unique vous avez été en charge de la gestion journalière pour les années 2018 et 2019. Durant cette période, l'impôt sur les traitements et salaires d'une somme de … € est resté en souffrance.
En vertu de l'article 136 alinéa 4 de la loi modifiée du 4 novembre 1967 sur l'impôt sur le revenu, l'employeur est tenu de retenir et de verser l'impôt qui est dû sur les traitements et salaires de son personnel. Dans le cas d'une société, cette obligation incombant aux employeurs est transmise aux représentants de celle-ci, conformément au § 103 AO.
Aux termes du § 103 AO vous étiez, en tant que gérant unique, personnellement tenu, à l'accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société, dont notamment le paiement des impôts dus par la société à l'aide des fonds administrés.
Conformément au § 106 AO, il vous incombait de prélever sur les fonds administrés les fonds nécessaires pour acquitter les impôts nés avant la disparition de la société (AA) et d'assurer leur paiement.
Durant la période du 20.05.2020 au 15.10.2020, il vous appartenait de retenir, de déclarer et de payer la retenue; or durant cette période, la retenue d'impôt dû sur les traitements et les salaires n'a pas été payée.
Cette omission de payer les sommes dues à titre de retenue d'impôt est une inexécution fautive de vos obligations en tant que représentant de la société (AA) (CA du 6 mai 2003 no …) Suite à votre comportement fautif le receveur de l'Administration des contributions directes n'a pas perçu les retenues d'impôt d'un montant de ….- € qui se compose comme suit :
Année 2018 … principal … intérêts Année 2019 … principal … intérêts - 2 -
Il y a lieu de relever qu'en vertu du § 110 AO, votre responsabilité pour les actes accomplis pendant la période de vos fonctions survit à l'extinction de votre pouvoir de représentation.
Sur base des éléments qui précèdent, votre responsabilité personnelle se trouve engagée en application du § 109 AO et vous êtes co-débiteur solidaire des retenues d'impôt qui auraient dû être effectuées par la société (AA) sur les traitements et salaires de son personnel.
En tant que codébiteur solidaire vous êtes invité à payer sans délai le montant de ….- euros, sans préjudice des intérêts de retard ultérieurs, à Monsieur le receveur de l'Administration des contributions directes à Esch-sur-Alzette au CCPL (…), tout en indiquant le numéro fiscal (…).
Un B.a.g. pour la même société a été envoyé à Monsieur (B) et à Madame (C). (…) ».
Par courrier daté du 8 décembre 2021, réceptionné le 13 décembre 2021 par l’administration, le mandataire de Monsieur (A) introduisit une réclamation auprès du directeur de l’administration, ci-après « le directeur », contre le bulletin d’appel en garantie émis à son encontre le 22 octobre 2021.
A défaut de réponse de la part du directeur, Monsieur (A) fit introduire, par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 26 juillet 2022, un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation du bulletin d’appel en garantie précité émis le 22 octobre 2021.
Par jugement du 18 décembre 2024, le tribunal administratif reçut le recours principal en réformation en la forme, au fond, le déclara non justifié, partant en débouta, tout en disant qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation, débouta le demandeur de sa demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure et le condamna aux frais et dépens de l’instance.
Le 16 janvier 2025, Monsieur (A) a régulièrement interjeté appel contre ce jugement.
A l’appui de son appel, l’appelant rappelle les faits et rétroactes de l’affaire et, en droit, critique la motivation des premiers juges qu’il cite par extraits. Il fait valoir que même à admettre qu’un gérant puisse engager sa responsabilité pour des manquements antérieurs à son mandat, le paragraphe 103 AO exigerait une exécution fautive, allant au-delà d’une simple inexécution. Il en déduit qu’une simple omission ou négligence, aussi blâmable qu’elle soit, ne suffirait pas, mais que la preuve d’un acte positif serait requise.
En outre, il ne conviendrait pas de perdre de vue que nul ne serait tenu à l’impossible et qu’il incomberait à l’administration, dans une optique de loyauté à l’égard des contribuables, de se montrer diligente et d’informer régulièrement les dirigeants des obligations ouvertes à leur charge. L’appelant donne à considérer qu’en l’espèce, durant sa période de gérance du 20 mai au 15 octobre 2020, aucune correspondance ne serait parvenue à la société (AA) de la part de l’administration pour l’informer de l’existence et de l’étendue d’une dette fiscale.
S’y ajouterait que, selon les comptes annuels déposés au registre de commerce et des sociétés (RCS), tels qu’ils seraient consultables par lui, la dette de retenue à la source litigieuse n’y figurerait pas clairement pour les montants revendiqués. Il en serait de même de la comptabilité.
L’appelant en déduit que les informations disponibles pour lui ne lui auraient pas permis de connaître l’existence et l’étendue de la dette réclamée, tout en soulignant qu’il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir entrepris d’autres démarches ou d’avoir spontanément « sondé » l’administration.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de l’appel.
Analyse de la Cour Les premiers juges ont de façon correcte tracé le cadre légal de l’examen du bien-fondé de la responsabilité personnelle de l’appelant, en rappelant qu’en vertu des dispositions de l’article 136, alinéa (4) de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après « LIR », l’employeur est tenu de retenir et de verser l’impôt qui est dû sur les salaires et traitements de son personnel et que dans le cas d’une société, cette obligation incombant à l’employeur est transmise aux représentants de celle-ci, conformément au § 103 AO, qui dispose que « Die gesetzlichen Vertreter juristischer Personen und solcher Personen, die geschäftsunfähig oder in der Geschäftsfähigkeit beschränkt sind, haben alle Pflichten zu erfüllen, die denen Personen, die sie vertreten, obliegen ; insbesondere haben sie dafür zu sorgen, dass die Steuern aus den Mitteln die sie verwalten, entrichtet werden. Für Zwangsgeldstrafen und Sicherungsgelder die gegen sie erkannt, und für Kosten von Zwangsmitteln die gegen sie festgesetzt werden, haften neben ihnen die von ihnen vertretenen Personen ». Il s’ensuit que le représentant légal d’une société commerciale est tenu de remplir les obligations fiscales incombant à la société et notamment de payer sur les fonds qu’il gère les impôts dont la société est redevable directement, respectivement ceux dont elle est redevable pour le compte d’autrui.
Ils ont ensuite rappelé à juste titre, en ce qui concerne la mise en oeuvre de la responsabilité personnelle du fait du non-paiement des impôts dont est redevable une personne morale, le § 109 AO, qui dispose dans son alinéa 1er comme suit : « Die Vertreter und die übrigen in den §§ 103 bis 108 bezeichneten Personen haften insoweit persönlich neben dem Steuerpflichtigen, als durch schuldhafte Verletzung der ihnen in den §§ 103 bis 108 auferlegten Pflichten Steueransprüche verkürzt oder Erstattung oder Vergütung zu Unrecht gewährt worden sind ».
Ils ont conclu à bon escient que ces dispositions légales mettent une obligation personnelle à charge des représentants légaux de la société, tout en soulignant que le simple constat d’un manquement à une obligation fiscale découlant du § 103 AO, précité, n’est pas suffisant pour engager la responsabilité personnelle des dirigeants d’une société en application du § 109, alinéa (1), AO et pour voir émettre à leur encontre un bulletin d’appel en garantie, le législateur ayant, en effet, posé, à cet égard, l’exigence supplémentaire d’une inexécution fautive (« schuldhafte Verletzung ») des obligations du représentant de la société.
Les premiers juges se sont encore de façon pertinente référés au § 7, alinéa (3), de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934 (« Steueranpassungsgesetz »), en abrégé « StAnpG »), qui dispose que « Jeder Gesamtschuldner schuldet die ganze Leistung. Dem Finanzamt steht es frei an welchen Gesamtschuldner es sich halten will. Es kann die geschuldete Leistung von jedem Gesamtschuldner ganz oder zu einem Teil fordern », qui prévoit, en cas de pluralité de responsables, la possibilité de poursuivre simultanément tous les responsables qui sont tenus solidairement, sans que le bureau d’imposition ne soit obligé de poursuivre tous les co-responsables et peut limiter son recours contre un ou plusieurs d’entre eux1.
La Cour relève qu’en toute hypothèse, il appartient au bureau d’imposition de relever les circonstances particulières qui ont déterminé son choix, puisque le pouvoir du bureau d’imposition d’engager une poursuite contre un tiers responsable, et, plus particulièrement, contre le représentant d’une société, ne relève pas d’une compétence liée, mais constitue un pouvoir d’appréciation dans son chef et ce à un double titre, d’abord en ce qui concerne l’appréciation du degré fautif du comportement de la personne visée, et, ensuite, en ce qui concerne le choix du ou des codébiteurs contre lesquels l’émission d’un bulletin d’appel en garantie est décidée, chaque fois compte tenu des circonstances particulières de l’espèce.
Quant à l’exercice de ce pouvoir d’appréciation par l’administration, le § 2 StAnpG, dispose dans ses alinéas (1) et (2) que « (1) Entscheidungen, die die Behörden nach ihrem Ermessen zu treffen haben (Ermessens-Entscheidungen), müssen sich in den Grenzen halten, die das Gesetz dem Ermessen zieht.
(2) Innerhalb dieser Grenzen sind Ermessensentscheidungen nach Billigkeit und Zweckmässigkeit zu treffen », de sorte que l’administration, investie d’un pouvoir d’appréciation, doit procéder selon des considérations d’équité et d’opportunité et partant se livrer à une appréciation effective et explicite des circonstances particulières susceptibles en raison et en équité de fonder sa décision.
En l’espèce, la responsabilité personnelle de l’appelant a été engagée, ensemble avec celle de Monsieur (B) et de Madame (C) - anciens associés et gérants - en raison de sa qualité de gérant unique de la société (AA) du chef de retenues sur salaires dues au titre des années 2018 et 2019 à hauteur de … euros, en principal et intérêts.
Il n’est pas contesté que l’appelant a revêtu la fonction de gérant unique de la société (AA) durant la période du 20 mai au 15 octobre 2020, étant relevé que la démission de l’appelant a été actée par l’associé unique de la société (AA) le 15 octobre 2020 et que la faillite de ladite société a été prononcée par jugement du 19 octobre 2020 du tribunal de commerce.
S’agissant de retenues sur salaires visant les années 2018 et 2019, l’hypothèse de l’espèce est celle de la mise en œuvre de la responsabilité du gérant du chef du paiement d’impôts échus avant son entrée en fonction.
A cet égard, la Cour relève que si certes, le bureau d’imposition a employé des termes susceptibles de prêter à confusion en ce sens qu’il a affirmé, d’une part, que l’appelant « En [sa] qualité de gérant unique [avait] été en charge de la gestion journalière pour les années 2018 et 2019 », et, d’autre part, que le mandat de gérant s’est situé du 20 mai au 15 octobre 2020, il n’en reste pas moins qu’au regard des explications concordantes fournies par le délégué du gouvernement, ensemble la motivation de l’appel en garantie, le reproche à l’adresse de l’appelant est de ne pas avoir opéré les vérifications nécessaires à son entrée en fonction pour s’assurer que la société a respecté ses obligations fiscales et, par suite, veillé au paiement des impôts d’ores et déjà en souffrance, reproche que l’appelant a bien compris au regard des moyens présentés par lui.
1 Cour adm., 6 janvier 2011, n° 27126C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Impôts, n° 594, 1er tiret et les autres références y citées.
Les premiers juges ont à bon droit retenu que l’inexécution fautive visée au § 109, alinéa (1), AO n’implique pas de la part du gérant un agissement actif, sa responsabilité pouvant, au contraire, être engagée par son attitude passive, sa négligence ou son incurie2. Aussi, le comportement d’un gérant traduisant une légèreté ou une insouciance impardonnables doit être considéré comme faute grave, à savoir une faute qu’un dirigeant raisonnablement diligent et prudent n’aurait pas commise et qui heurte les normes essentielles de la vie en société ou du moins les normes importantes3, le fait de ne pas exercer ses fonctions dans la société étant en soi une faute de gestion.
Il s’ensuit que le moyen de l’appelant selon lequel seul un acte positif pourrait être susceptible d’engager sa responsabilité en tant que gérant de la société (AA) est à rejeter, les premiers juges n’étant pas à critiquer pour avoir retenu qu’une inexécution fautive peut résulter d’une omission.
En l’espèce, il ressort des explications du délégué du gouvernement, non autrement contestées par l’appelant, qu’au moment de l’entrée en fonction de ce dernier, la société (AA) n’avait pas opéré et continué au Trésor public les retenues sur salaires au titre des années 2018 et 2019 pour un montant de … (2018) et … (2019) en principal, qu’un commandement avec contrainte avait été signifié en juillet 2019 à la société (AA) et qu’un procès-verbal de carence avait été rédigé par un huissier, chargé d’une exécution mobilière, le 10 mars 2020, soit peu de temps avant la nomination de l’appelant en tant que gérant unique. Le quantum des impôts en souffrance n’est pas contesté et il n’est pas non plus contesté que l’appelant n’a pas réagi, à son entrée en fonction, pour apurer les dettes fiscales de la société.
Il est de jurisprudence constante que ce n’est pas seulement l’ancien représentant qui peut se voir opposer, après la cessation de ses fonctions, des manquements aux obligations fiscales du représenté survenus au cours de la période pendant laquelle il assumait les fonctions de représentant, mais également le nouveau représentant, étant donné que le nouvel administrateur ne saurait pas prétendre à avoir ignoré les manquements qui sont survenus antérieurement à son entrée en fonctions, la circonstance qu’une obligation aurait dû être exécutée avant son entrée en fonctions ne libérant pas un nouvel administrateur de ses responsabilités, mais il doit remédier au manquement dès qu’il en a connaissance4.
Dans cette optique, il appartient au nouveau représentant légal, au moment de son entrée en fonction, de s’enquérir de la situation de la société qu’il s’apprête à représenter et à gérer, en l’occurrence par rapport aux obligations fiscales de celle-ci. En ne procédant pas à ces vérifications et en ne faisant pas en sorte que des dettes fiscales, surtout comme en l’espèce des dettes fiscales d’autrui - l’employeur étant chargé à opérer les retenues pour compte de ses salariés – dont le non-paiement est à qualifier de comportement fautif per se en ce que le débiteur du revenu a de ce fait nécessairement détourné les sommes retenues à d’autres fins, soient apurées, le gérant négligeant de la sorte commet une faute de gestion susceptible d’être qualifiée d’inexécution fautive de ses obligations.
2 Voir en ce sens : Cour adm., 3 mai 2016, nos 37282C à 37284C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Impôts, n° 616 et les autres références y citées.
3 Voir en ce sens : Cour adm. 27 novembre 2018, n° 41579C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Impôts, n° 616 et les autres références y citées.
4 Cour adm., 3 mai 2018, n° 40582C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Impôts, n° 597, rappelé par la Cour adm. dans un arrêt réent du 20 février 2024, n° 49268C du rôle.
C’est à tort que l’appelant entend se décharger de sa responsabilité en reprochant à l’administration de ne pas l’avoir informé de la dette fiscale en souffrance, dans la mesure où, tel que retenu ci-avant, il incombe au représentant légal, qui entre en fonctions, de se renseigner de sa propre initiative sur la situation de la société qu’il s’apprête à gérer et, en omettant de ce faire, il commet une faute de gestion, dans la mesure où une gestion en bon père de famille d’une société implique nécessairement la connaissance de la situation financière de celle-ci, y compris ses dettes de manière générale et celles à l’égard du Trésor public en particulier.
Dès lors, si certes, il ne se dégage pas des éléments du dossier que l’administration ait au cours de la durée du mandat de l’appelant adressé des rappels à la société (AA), ce constat ne porte pas à conséquence dans la mesure où dans les dossiers de la société, que l’appelant aurait dû consulter, obligation qui ne relève pas de l’impossible comme l’entend l’appelant, figuraient nécessairement des renseignements au sujet des impôts en souffrance.
S’agissant de l’affirmation de l’appelant selon laquelle la consultation des comptes annuels au RCS ne lui aurait pas permis d’identifier la dette fiscale litigieuse, la Cour relève qu’ à partir de son entrée en fonctions, il n’était pas un tiers par rapport à la société (AA), tributaire des informations publiquement disponibles au RCS, mais il en était le gérant unique, qui en tant que tel avait nécessairement accès à l’ensemble des dossiers de la société ou du moins aurait dû se les procurer sous peine de commettre une faute de gestion, y compris des échanges avec l’administration de contributions.
A cet égard, la Cour rejoint les premiers juges dans leur constat que s’il est a priori vrai que l’on doit admettre un défaut de connaissance comme valant excuse de payer les dettes fiscales, encore faut-il que le défaut soit excusable5. Or, l’appelant est resté et reste en défaut d’établir qu’il ait été, sans faute de sa part, dans l’ignorance des manquements commis par son prédécesseur en ce qui concerne les retenues d’impôt à effectuer, à déclarer et à continuer au Trésor pour les années 2018 et 2019, alors qu’en tant que gérant, il devait avoir eu accès à la comptabilité de la société (AA), notamment à ses bilans et autres documents comptables. La négligence de l’appelant est d’autant plus importante que plus particulièrement, le procès-verbal de carence dressé deux mois avant son entrée en fonction, aurait dû l’interpeller et l’amener à faire les vérifications nécessaires afin de se renseigner sur l’existence éventuelle de dettes fiscales.
Certes, l’appelant n’a occupé son mandat que durant une courte période, à savoir même pas cinq mois. Cependant, il ne ressort d’aucun élément du dossier que durant cette période, il ait entrepris une quelconque démarche qui permettrait de retenir qu’il s’est soucié de la bonne gestion de la société, qu’il s’est renseigné sur le respect par celle-ci de ses obligations fiscales ou ait fait un quelconque effort de régler les dettes de celle-ci.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel laisse d’être fondé et qu’il y a lieu de confirmer le jugement entrepris.
Au vu de l’issue du litige, il y a encore lieu de rejeter la demande de l’appelant en allocation d’une indemnité de procédure.
5 Voir en ce sens : Cour adm., 29 juin 2017, n° 39336C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Impôts, n° 621 et l’autre référence y citée.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause;
reçoit l’appel en la forme;
le dit non fondé et en déboute;
partant, confirme le jugement entrepris;
rejette la demande de l’appelant en allocation d’une indemnité de procédure de 3.000 euros ;
condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par :
Henri CAMPILL, vice-président, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence de la greffière assumée de la Cour Carla SANTOS.
s. SANTOS s. CAMPILL 8