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20/03/2025 | LUXEMBOURG | N°52194C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 20 mars 2025, 52194C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 52194C ECLI:LU:CADM:2025:52194 Inscrit le 6 janvier 2025

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Audience publique du 20 mars 2025 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 9 décembre 2024 (n° 48360 du rôle) en matière de protection internationale

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Vu la requête d'appel, i

nscrite sous le numéro 52194C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrativ...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 52194C ECLI:LU:CADM:2025:52194 Inscrit le 6 janvier 2025

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Audience publique du 20 mars 2025 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 9 décembre 2024 (n° 48360 du rôle) en matière de protection internationale

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Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 52194C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 6 janvier 2025 par Maître Catherine WARIN, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Guinée), et être de nationalité guinéenne, demeurant à L-…, dirigée contre le jugement rendu le 9 décembre 2024 (n° 48360 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-

Duché de Luxembourg l’a débouté de son recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 12 décembre 2022 portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 5 février 2025;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 6 mars 2025.

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Le 5 mars 2020, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après le « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après la « loi du 18 décembre 2015 ».

1Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, service criminalité organisée – police des étrangers, dans un rapport du même jour.

Une recherche effectuée à la même date dans la base de données EURODAC révéla que l’intéressé avait auparavant franchi irrégulièrement la frontière espagnole en date du 14 février 2020 et y avait introduit une demande de protection internationale.

Le 5 mars 2020, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale, en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après le « règlement Dublin III ».

Après l’acceptation de la demande de reprise en charge de l’intéressé par les autorités espagnoles en date du 13 mars 2020, les autorités luxembourgeoises se déclarèrent incompétentes pour connaître de la demande de protection internationale de Monsieur (A) par décision du 1er juillet 2020 et informèrent ce dernier de son transfert vers l’Espagne, décision qui fut confirmée par un jugement du tribunal administratif du 13 août 2020, inscrit sous le numéro 44658 du rôle, l’appel interjeté à l’encontre de ce jugement ayant été déclaré irrecevable par un arrêt de la Cour administrative du 15 décembre 2020, inscrit sous le numéro 44918C du rôle.

La compétence pour l’examen de la demande de protection internationale de Monsieur (A) revint cependant au Luxembourg du fait que le transfert vers l’Espagne ne put être exécuté, en raison de la disparition de ce dernier malgré son assignation à résidence à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg.

En date des 2 février et 24 février 2022, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs gisant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 12 décembre 2022, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après le « ministre », informa Monsieur (A) que sa demande de protection internationale avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, ladite décision étant libellée comme suit :

« (…) J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite le 5 mars 2020 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

2 1. Quant à vos déclarations En mains, votre fiche de données personnelles du 5 mars 2020, le rapport du Service de Police Judiciaire du 5 mars 2020, le rapport d’entretien « Dublin III » du 5 mars 2020, la demande de prise en charge du 6 mars 2020 selon les dispositions de l’article 13§1 du règlement « Dublin III », l’accord de votre prise en charge par les autorités espagnoles du 13 mars 2020, le rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 2 et 24 février 2022 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale ainsi que les documents versés à l’appui de votre demande de protection internationale.

Avant tout autre développement, rappelons que vous êtes arrivé au Luxembourg le 5 mars 2020 et que la comparaison de vos empreintes digitales avec la base de données du système « Eurodac » a relevé que vous aviez introduit une demande de protection internationale en Espagne en date du 14 février 2020 sous une identité différente, alors que vous y avez indiqué une autre date de naissance. En date du 6 mars 2020, la Direction de l’Immigration a adressé une demande de reprise en charge aux autorités espagnoles, demande qui a été accepté par lesdites autorités en date du 13 mars 2020. Par décision du 1er juillet 2020, les autorités luxembourgeoises se sont déclarées incompétentes pour examiner votre demande de protection internationale et vous ont informé que vous seriez transféré en Espagne, pays responsable pour l’examen de votre demande de protection internationale sur base du règlement « Dublin III ».

Cette décision a été confirmée par un jugement du Tribunal administratif du 13 août 2020 et par un arrêt de la Cour administrative du 25 août 2020. Le Luxembourg est cependant devenu responsable de l’examen de votre demande de protection internationale alors que le transfert vers l’Espagne n’a pas pu être exécuté dans le délai légal prévu, vu que vous avez soudainement disparu, le 12 août 2020, de votre foyer d’accueil au Luxembourg, la SHUK, alors que vous y étiez assigné à résidence.

Monsieur, lors de l’introduction de votre demande de protection internationale au Luxembourg vous avez indiqué être né le … à … en Guinée, être de nationalité guinéenne, être célibataire sans enfant, d’ethnie … et de confession …. Vous avez confirmé cette identité auprès du Service de la Police Judiciaire ainsi que lors de votre entretien « Dublin III ».

Vous avez ensuite changé de version lors de votre entretien sous-tendant votre demande de protection internationale, pour indiquer être né le …, toujours à … en Guinée, de nationalité guinéenne, d’ethnie …, de confession …, mais marié avec un enfant.

Vous évoquez encore, à tour de rôle, plusieurs motifs de fuite, notamment, d’une part, « ich musste Guinea verlassen, da mein Leben durch meine Ethnie in Gefahr ist » (p.2 du rapport du Service de la Police Judiciaire) et, d’autre part, que votre vie serait en danger car vous auriez été un militant actif de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (ci-après UFDG), parti de l’opposition auquel vous auriez adhéré en 2015.

Vous développez ce second motif de fuite en expliquant que vous auriez été « dans le comité de base de …, chargé du sport et de la culture » (p.12 du rapport d’entretien) et que vous auriez été confronté à plusieurs altercations avec les forces de l’ordre public guinéennes lors de plusieurs manifestations organisées par votre parti contre l’ancien président Alpha Condé (p.10, 12, 13 du rapport d’entretien).

3 A cet égard, vous auriez d’ailleurs été emprisonné et torturé à trois reprises, à savoir en 2015, pendant deux semaines (p.9 du rapport d’entretien), en 2018, pendant 21 jours (p.9 du rapport d’entretien) et en 2019, de février jusqu’à décembre (p.10 du rapport d’entretien), de sorte que votre « vie était sérieusement menacée, à tel point que [vous ne pouviez] pas rester » (p.9 du rapport d’entretien) dans votre pays d’origine.

Vous ajoutez ensuite que vous auriez réussi à quitter votre pays d’origine avec l’aide de plusieurs personnes (p.7 et 8 du rapport d’entretien), l’une d’entre elle(s) vous aurait d’abord aidé à vous échapper de la prison dans laquelle vous vous trouviez et l’autre vous aurait ensuite aidé à traverser la frontière en voiture, tout ça grâce à un « arrangement » entre ces personnes et votre famille (p.14 du rapport d’entretien).

Vous évoquez encore le fait que « votre père était un opérateur économique » et que « depuis 2015 des hommes cagoulés venaient dans [votre] maison demander de l’argent » car « souvent en Guinée, quand vous avez les moyens, vous vous faites agresser » (p.6 du rapport d’entretien).

A l’appui de votre demande de protection internationale, vous versez deux cartes membres du parti de l’UFDG, datées de l’année 2017-2018 et 2018-2019, ainsi qu’une attestation du parti de l’UFDG, datée du 17 mars 2017, certifiant votre adhésion au parti depuis 2015.

Vous transmettez encore un certificat médical, daté du 3 mars 2022, concernant des lésions corporelles dues aux sévices subis.

Vous ne présentez aucun document d’identité à l’appui de votre demande de protection internationale.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Il y a lieu de rappeler tout d’abord qu’il incombe au demandeur de protection internationale de rapporter, dans toute la mesure du possible, la preuve des faits, craintes et persécutions par lui alléguées, sur base d’un récit crédible et cohérent et en soumettant aux autorités compétentes le cas échéant les documents, rapports, écrits et attestations nécessaires afin de soutenir ses affirmations. Il appartient donc au demandeur de protection internationale de mettre l’administration en mesure de saisir l’intégralité de sa situation personnelle. Il y a lieu de préciser également dans ce contexte que l’analyse d’une demande de protection internationale ne se limite pas à la pertinence des faits allégués par un demandeur de protection internationale, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations, la crédibilité du récit constituant en effet un élément d’évaluation fondamental dans l’appréciation du bien-fondé d’une demande de protection internationale, et plus particulièrement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.

Or, la question de crédibilité se pose avec acuité dans votre cas alors qu’il y a lieu de constater que vous ne faites pas état de manière crédible qu’il existerait des raisons sérieuses de croire que vous encourriez, en cas de retour dans votre pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des persécutions ou des atteintes graves au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015.

4Par conséquent, Monsieur, je tiens à vous informer que la crédibilité de votre récit est formellement remise en cause pour les raisons suivantes. En effet, la sincérité de vos propos et par conséquent la gravité de votre situation dans votre pays d’origine doit être réfutée au vu de vos déclarations incohérentes et contradictoires en ce qui concerne votre identité, vos motifs de fuite et votre comportement adopté depuis votre arrivée en Europe.

Premièrement, force est de constater que vous vous adonnez à des contradictions manifestes en ce qui concerne votre identité et plus précisément votre date de naissance. En effet, il ressort des informations contenues dans votre dossier administratif que vous êtes connu en Espagne sous l’alias de (A), né le …. Or, lors de l’ouverture de votre demande de protection internationale au Luxembourg vous avez affirmé être né le … (p.1 de votre fiche de données personnelles), identité que vous avez confirmée auprès du Service de la Police Judiciaire et lors de votre entretien « Dublin III ». Pourtant, lors de votre entretien individuel qui sous-tend les motifs de votre demande de protection internationale vous avez changé de version et avez affirmé ne plus être né le …, mais au contraire le ….

Il convient de noter que cette date de naissance correspond à la même date de naissance que vous aviez indiquée auprès des autorités espagnoles. Or, l’agent ministériel vous a confronté à cette contradiction majeure, à laquelle vous avez simplement rétorqué que vous ne saviez « pas quoi dire ce jour-là, [que vous étiez] stressé car on [vous] avait dit que le Luxembourg n’était pas responsable pour [votre] demande [et qu’on vous aurait] crié dessus » (p.4 du rapport d’entretien).

Pareil constat s’impose en ce qui concerne votre état civil, puisque vous avez, à l’ouverture de votre demande de protection internationale, indiqué être célibataire et sans enfant, ce que vous avez confirmé à nouveau auprès du Service de Police Judiciaire et également lors de votre entretien « Dublin III ». Or, vous avez affirmé lors de votre entretien individuel que vous seriez marié et que vous auriez un enfant en vous justifiant de la même manière que pour la contradiction concernant votre date de naissance. Or, ici à nouveau, vos explications ne sauraient emporter une quelconque conviction.

Force est donc de constater, Monsieur, que vous changez d’identité comme bon vous semble, ce qui conduit manifestement à mettre en doute vos allégations et votre sincérité envers les autorités desquelles vous souhaitez obtenir une protection internationale. Il est évident que vous tentez de cacher aux autorités votre réelle identité et optez pour l’option qui sur le moment vous arrange le mieux pour après revenir sur vos déclarations.

A cet égard, il convient d’ailleurs de constater que vous n’avez à aucun moment de la procédure été en mesure de prouver votre identité. Vous vous êtes uniquement borné à proposer différentes explications censées justifier l’absence de toute pièce d’identité en votre possession (p.3 du rapport d’entretien), de sorte qu’il convient raisonnablement de s’interroger sur les raisons réelles vous ayant amenées à ne pas présenter le moindre document d’identité, respectivement à tenter de cacher votre réelle identité et à ne pas jouer franc jeu avec les autorités luxembourgeoises dès le début.

Dans cette même lignée, il n’est également pas crédible que votre état de santé soit mauvais, comme vous avez pu l’indiquer lors de votre entretien individuel, alors que lors de votre entretien « Dublin III », vous n’avez pas fait mention d’éventuelles particularités sur votre état de santé ou autres problèmes généraux et avez mentionnez que votre état de santé était bon.

5 Force est alors logiquement de remettre en doute le rapport médical que vous avez remis pour attester de vos supposées lésions corporelles dues à vos supposés sévices subis, alors qu’il n’est pas assurément permis de déduire que ces lésions corporelles découlent effectivement des supposés sévices subis.

Deuxièmement, il sied de constater que vos incohérences ne s’arrêtent pas là, mais touchent également vos motifs de fuite. En effet, force est de relever que vous ne semblez pas savoir pour quelles raisons concrètes vous auriez quitté votre pays d’origine, étant donné que vous avez beaucoup de mal à donner une version cohérente et unique de vos motifs de fuite.

En effet, il y a lieu de constater que vous avez, tout d’abord, indiqué que vous seriez en danger en raison de votre ethnie auprès du Service de la Police Judiciaire (p.2 du rapport du Service de la Police Judiciaire), alors que vous développez, ensuite, lors de votre entretien sous-

tendant les motifs de votre demande de protection internationale, que votre vie serait menacée par les autorités guinéennes en raison de votre activisme politique au sein de l’UFDG, pour finalement, expliquer encore un autre motif lors dudit même entretien, notamment le fait que « votre père était un opérateur économique » et que « des hommes cagoulés venaient dans [votre] maison demander de l’argent » car « souvent en Guinée, quand vous avez les moyens, vous vous faites agresser » (p.6 du rapport d’entretien).

Troisièmement, vos dates de départ sont également différentes selon le stade de la procédure, notamment puisque vous avez, tout d’abord, indiqué avoir quitté votre pays d’origine le 5 janvier 2020 (p.3 de votre fiche des données personnelles), ce que vous avez ensuite confirmé lors de votre entretien « Dublin III » (p.4 du rapport d’entretien « Dublin III »), alors que vous avez par la suite déclaré, auprès du Service de Police Judiciaire, que vous auriez quitté votre pays que le 5 février 2020 (p.2 du rapport de la PJ), pour finalement affirmer lors de votre entretien que vous auriez quitté votre pays en décembre 2019 (p.7 du rapport d’entretien). Pareille conclusion s’impose au regard de votre trajet depuis votre pays d’origine, puisque vos dires sont désordonnés et non-cohérents, alors que vous avez expliqué, d’une part, avoir quitté votre pays d’origine en avion jusqu’au Maroc et, d’autre part, avoir quitté votre pays d’origine en voiture jusqu’au Mali, puis jusqu’en Algérie, puis jusqu’au Maroc. Toujours dans cette même lignée, vous avez expliqué être arrivé en bateau à Malaga puis avoir été à Paris, alors que vous changez ensuite de version et expliquez que vous auriez été à Bayonne.

Or, Monsieur, permettez-mois de relever qu’un tel comportement n’est évidemment pas celui d’une personne réellement en danger et réellement à la recherche d’une protection, alors qu’on devrait du moins pouvoir attendre d’une telle personne qu’elle joue franc jeu avec les autorités, ne serait-ce que pour pouvoir corroborer les éléments les plus basiques de sa demande de protection internationale et qu’elle fasse au moins état d’un récit cohérent et logique. Force est donc de constater que vos propos et par conséquent votre crédibilité est réellement remise en doute.

Quatrièmement, force est de relever que vos dires sont encore changeants et différents en ce qui concerne plusieurs autres points de votre récit, puisque vous expliquez ne plus avoir eu « aucune nouvelle [de votre mère] depuis 07-08/2019 » (p.3 du rapport « Dublin III ») alors que vous affirmez contrairement que vous seriez « parfois en contact avec [votre] mère » et qu’elle serait au courant que vous vous trouviez au Luxembourg, puisque vous lui auriez parlé en 2021 (p.7 du rapport d’entretien). Il convient encore de souligner que les circonstances que vous relatez quant à votre évasion sont complètement irréelles et rocambolesques, alors qu’il 6parait plus qu’ambigu que deux personnes représentant l’autorité publique guinéenne vous auraient aidé à fuir votre pays d’origine, grâce à un unique « engagement » entre ces personnes et votre famille. De plus, il s’agirait de personnes qui, selon vous, vous auraient torturé (pages 7, 8, 14 et 16 du rapport d’entretien). Il n’est également pas crédible concernant les pièces que vous avez fournis (sic) à l’appui de votre demande de protection internationale et notamment votre carte membre de l’année 2018-2019, que celle-ci contienne un tampon de l’UFDG Luxembourg, alors qu’il s’agit de l’année où vous vous trouviez en prison en Guinée selon vos propres dires (p.9 et 10 du rapport d’entretien). Or, cela suscite très clairement une interrogation quant à la véracité de votre récit, alors qu’il parait plus que difficile de se procurer une carte membre UFDG du Luxembourg lorsqu’on se trouve enfermé en prison en Guinée.

Cinquièmement, il convient de noter que votre comportement adopté depuis votre arrivée en Europe ne traduit pas non plus le comportement d’une personne réellement persécutée, alors qu’on peut évidemment attendre d’une personne réellement à risque dans son pays d’origine, qu’elle ne traverse pas plusieurs pays sûrs sans y rechercher une forme de protection quelconque. Au contraire, un tel comportement fait manifestement référence à un comportement opportuniste et abusif, totalement incompatible avec celui d’une personne qui aurait été reconnaissante de se voir offrir une protection dans un des pays européens traversés, notamment la France ou l’Espagne.

Force est d’ajouter sixièmement que votre comportement opportuniste et abusif est encore accentué par le fait que vous avez soudainement disparu de la SHUK, établissement dans lequel vous étiez pourtant assigné à résidence et cela lors de l’organisation de votre transfert vers l’Espagne, pays qui à ce moment-là était toujours compétent pour traiter votre demande de protection internationale. Or, il est flagrant que votre disparition soudaine, qui intervient comme par hasard quelques jours avant le jugement de votre recours, ne saurait en aucun cas constituer en une coïncidence (sic), mais au contraire, en une pure machination de votre part afin d’échapper à la procédure de transfert.

Ainsi, au vu de tous ces éléments réunis, votre mauvaise foi est donc indiscutable, votre version étant changeante et entachée d’incohérences manifestes, il est évident que depuis votre arrivée au Luxembourg, vous cherchez par n’importe quel moyen de vous installer au Luxembourg et abusez sciemment de la procédure relative à votre demande de protection internationale afin de régulariser votre situation administrative.

Partant, votre récit n’étant pas crédible, aucune protection internationale ne vous est accordée.

Quand bien même votre récit serait crédible, il s’avère, à toutes fins utiles, que vous n’encourez aucun risque futur en cas de retour dans votre pays d’origine, alors que la situation politique a indéniablement changé en Guinée depuis le coup d’état du 5 septembre 2021.

En effet, il convient de relever que « die nunmehrige Militärregierung habe 79 dieser politischen Gefangenen entlassen. Auch führende Figuren und Mitglieder der wichtigsten Oppositionspartei Union der demokratischen Kräfte Guineas (Union des forces démocratiques de Guinée, UFDG) seien darunter gewesen. (…) Am 7. September 2021 hätten die neuen Machthaber für die kommenden Wochen geplante Entlassungen weiterer Gefangenen angekündigt ».

7Une autre source explique qu’un « premier groupe d’opposants politiques est libéré de la Maison centrale de Conakry. Parmi ces prisonniers figurent Abdoulaye Bah de l’UFDG (…) Guineelive indique [également] dans un article publié le 5 octobre 2021 que 287 prisonniers, enfermés à la Maison centrale de Conakry et dans d’autres prisons du pays, ont bénéficié d’une grâce présidentielle, dont la liste des noms précise qu’il s’agit pour la plupart des personnes enfermées en raison de leur opposition au troisième mandat d’Alpha Condé ».

Dans cette même lignée, force est de constater que la junte militaire a œuvré pour la création d’un nouveau gouvernement qui compte désormais « trois opposants politiques sous Alpha Condé, à savoir Ousmane Gaoual (A) de l’UFDG (ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire) (…) ». Dans un article publié le 22 novembre 2021, Africaguinee avance encore qu’un accord a été signé « par plusieurs coalitions politiques et concerne la répartition des quinze sièges dévolus à la classe politique. L’Alliance nationale pour l’alternance et la démocratie (ANAD) dont fait partie l’UFDG se voit attribuer quatre sièges (…) ».

Il sied encore de constater que le leader de l’UFDG, Cellou Dalein (A), lui-même, « a déclaré aux médias qu’il n’était pas opposé au reversement du gouvernement, le qualifiant d’acte patriotique » et a exprimé que « s’il y a quelqu’un qui a salué le courage, l’audace du colonel Doumbouya et ses équipes, je suis en tête pour les féliciter, d’abord parce qu’il a libéré la Guinée, puis l’UFDG ». En effet, le siège du parti de l’UFDG ayant été rouvert aux militants après la fermeture par les anciennes autorités d’Alpha Condé depuis l’élection présidentielle de 2020.

Finalement, force est de relever que même le peuple guinéen manifeste leur joie, étant donné que « des manifestations spontanées [regroupent] plusieurs centaines de personnes (…) pour célébrer la chute d’Alpha Condé, notamment dans les fiefs du principal parti d’opposition, l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) ».

Dès lors, il est vraisemblable que vous n’encourez aucun risque en cas de retour dans votre pays d’origine. Votre demande en obtention d’une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée.

Suivant les dispositions de l’article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de la République de Guinée, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 11 janvier 2023, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation, de la décision ministérielle du 12 décembre 2022 en ce qu’elle porte refus de faire droit à sa demande de protection internationale, l’ordre de quitter le territoire encore décidé n’étant pas directement visé par ce recours.

Par jugement du 9 décembre 2024, le tribunal administratif déclara non fondé ce recours en réformation en ses deux volets, partant en débouta, le tout en disant qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation et en condamnant le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

8Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 6 janvier 2025, Monsieur (A) a régulièrement fait entreprendre le jugement du 9 décembre 2024.

L’appelant soutient que l’on ne saurait lui reprocher d’avoir tardivement fait état de ses problèmes en raison de son appartenance à un parti d'opposition et de l'emprisonnement subi en conséquence, au motif que ses antécédents et surtout les violences subies en Guinée expliqueraient son silence initial et l’autoriseraient à étayer ses motifs de persécution par la suite.

Dans cet ordre d’idées, l’appelant expose encore deux éléments qui expliqueraient et excuseraient les erreurs qu'il a faites dans sa fiche de motifs, le premier étant la situation de stress dans laquelle il aurait été plongée au moment de l'introduction de sa demande de protection internationale du fait d’un agent ministériel qui lui aurait « crié dessus» en soutenant que « le Luxembourg n'était pas responsable» de sa demande de protection internationale et le second étant le fait qu’il serait marqué par des souffrances passées, les séquelles qu’il en garderait étant médicalement documentées, de sorte qu’une vulnérabilité particulière devrait lui être reconnue.

Selon l’appelant le même raisonnement vaudrait pour toutes les autres « erreurs » relevées par le ministre.

Il ne saurait par ailleurs pas lui être reproché d’avoir utilisé plusieurs identités, au motif qu’il aurait toujours indiqué le même nom, mais seulement fait état, d’ailleurs seulement à deux reprises, de différentes dates de naissance. Pour le surplus, la mauvaise date de naissance dont il aurait fait état serait intervenue lors de l’introduction de sa demande et dans la situation de stress exposée ci-avant.

Les mêmes circonstances expliqueraient aussi son erreur au sujet de son état civil, étant précisé que ce ne serait qu’en date du 5 mars 2020 qu'il a donné une mauvaise information y relativement, information qu’il aurait ensuite corrigée et maintenue de façon cohérente relativement à son épouse et son enfant.

Sur ce, il entend bénéficier du droit général à la rectification des erreurs concernant les données personnelles et du droit de préciser et rectifier ses dires dans le cadre de l’entretien au fond relatif à sa demande de protection internationale.

Les reproches et conclusions ministériels seraient partant exagérés et injustifiés.

Il s’insurge contre toute minimisation de son état de santé et de ses lésions corporelles, lesquels seraient documentés à suffisance par les certificats médicaux produits en cause.

Il ne serait pas non plus choquant ni incohérent qu'un demandeur d'asile invoque plus d'un motif à l’appui de sa demande.

Les différentes dates indiquées au niveau de la date de son départ de Guinée seraient en substance non-relevantes, dès lors qu’elles s’inséreraient dans une « même fenêtre temporelle relativement étroite », d’autant plus au regard des conditions très douloureuses et confuses dans lesquelles il a quitté son pays d’origine.

9Quant aux déclarations divergentes au sujet des moyens de transport utilisés pendant son trajet, il conviendrait, au regard des mêmes circonstances, d’admettre qu’il ne s’agit que de simples erreurs rectifiées par la suite.

Il ne serait pas non plus permis de lui tenir rigueur de son comportement depuis son arrivée en Europe, au motif que ce ne serait pas lui qui aurait empêché son transfert, mais la compétence des autorités luxembourgeoises serait simplement le résultat de l’application de la loi du fait d’une impossibilité de transfert dans les délais impartis.

Selon l’appelant, les développements et raisonnements ministériels illustreraient au contraire un préjugé défavorable à son encontre et un grave manque d'impartialité de la part du ministre.

Au-delà, le ministre aurait manifestement méconnu la réalité de la situation sécuritaire régnant en Guinée, laquelle, au regard des éléments d’appréciation produits au sujet des développements récents en Guinée, serait de nature à l’exposer à des menaces graves du fait de son activisme politique notamment, le régime en place devenant de plus en plus répressif et menaçant vis-à-vis des opposants politiques, tels que lui qui serait spécialement exposé du fait du statut socio-économique de son père.

Il conclut partant à voir réformer le jugement a quo et à se faire reconnaître le statut de réfugié, sinon une protection subsidiaire.

De son côté, le délégué du gouvernement conclut en substance à la confirmation intégrale du jugement entrepris et de la décision ministérielle litigieuse, les deux tablant sur des appréciations justes tant en droit qu’en fait.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Il se dégage de la lecture combinée des articles 2, sub h), 2, sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d'origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes 10graves définies à l'article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L'octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Il s’y ajoute que la définition du réfugié contenue à l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2, sub g), de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur de protection internationale ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du juge devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

L’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Dans le cadre de l’examen au fond d’une demande de protection internationale, l’évaluation de la situation personnelle d’un demandeur d’asile ne se limite point à la pertinence des faits allégués, mais elle implique un examen et une appréciation de la valeur des éléments de preuve et de la crédibilité des déclarations du demandeur d’asile. La crédibilité du récit de ce dernier constitue en effet un élément d’appréciation fondamental dans l’appréciation du bien-fondé de sa demande de protection internationale, spécialement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.

Ceci étant rappelé, la Cour constate que c’est sur base d’une juste analyse des circonstances de la cause que le ministre, confirmé par les premiers juges, a retenu, que les 11déclarations de l’appelant sont marquées par des incohérences et des contradictions patentes, avec des changements de positions singuliers, ensemble une attitude générale incohérente, dont l’ensemble impacte conséquemment la crédibilité de son récit.

En effet, s’il est vrai qu’il n’est pas facile pour un demandeur de protection internationale de prouver ses dires et que le bénéfice du doute doit bénéficier au demandeur de protection qui ne peut se prévaloir que de ses dires, il n’en reste pas moins que l’intéressé se doit cependant de fournir un récit convaincant et cohérent sur son identité, son parcours et son vécu.

Or, tel n’est manifestement pas le cas en l’espèce, en présence d’un demandeur de protection qui après avoir indiqué, dans un premiers temps, sur la fiche des motifs de sa demande de protection internationale, avoir quitté son pays d’origine suite à l’assassinat de son père « à cause de son appartenance politique » en ce que ce dernier aurait été « accusé de financer l’opposition » et en raison des menaces de la part de personnes d’ethnie malinké à son égard, déclare dans un deuxième temps, auprès du service de police judiciaire, qu’il aurait été poussé à fuir son pays en raison de son ethnie et, dans un troisième temps, lors de son audition par un agent du ministère, de présenter une version singulièrement différente en exposant que son père se serait fait assassiner lors d’un braquage dans leur maison en raison de son statut d’« opérateur économique », étant donné que les gens fortunés seraient plus exposés à se faire agresser et qu’il ne serait parti ni en raison du vécu de son père, ni de son ethnie, mais en raison de son emprisonnement, à trois reprises, du fait de son engagement dans le parti politique « UFDG » et des menaces pesant sur lui de ce fait.

De ce fait, il n’est pas reproché à l’appelant d’avoir concomitamment fait état de plusieurs motifs, mais d’avoir présenté des versions différentes au fil du temps, passant de problèmes vagues prétendument rencontrés par son père et de menaces en raison de son ethnie non autrement précisées, sans la moindre allusion à son activisme politique et des prétendus déboires afférents, à une version toute autre. Les changements afférents ne sont point anodins ou en rapport avec des points accessoires, mais les revirements touchent à des d’éléments clés à la base de la demande de protection.

C’est donc à un niveau primaire que le récit et l’approche de l’intéressé manquent de la cohérence requise.

Le même constat s’impose au niveau des dates changeantes et des remaniements successifs du récit du prétendu trajet suivi par l’appelant pour venir au Luxembourg, la Cour faisant sienne et renvoyant aux considérations pertinentes de premiers juges à cet égard.

La Cour ne saurait entériner les tentatives d’explication ou d’atténuation de la gravité et de l’incidence des incohérences pointées, lesquelles ne sauraient manifestement pas être réduites à de simples erreurs dans une situation de stress. Il reste tout simplement imperceptible pourquoi les circonstances épinglées par l’appelant ont pu l’amener à inventer un parcours de fuite et des motifs de fuite inexacts.

Le prétendu état de vulnérabilité encore mis en balance ne permet pas non plus, aux yeux de la Cour, d’expliquer ces incohérences ou d’atténuer leur incidence au niveau de l’analyse de la crédibilité des dires de l’intéressé.

La Cour partage encore le constat du ministre et des premiers juges que ce manque de crédibilité générale du récit présenté par l’appelant se trouve renforcé par l’attitude et le 12comportement adopté par lui depuis son arrivée en Europe, spécialement en ce qu’il a manifestement court-circuité son transfert en Espagne pour forcer la main aux autorités luxembourgeoises. Pareille façon de faire n’est effectivement pas assimilable au comportement normal qu’incombe à une personne à la recherche d’une protection et contrevient à ses obligations de franche collaboration. C’est donc à juste titre que les premiers juges ont entrevu le comportement affiché en cause comme le comportement d’une personne à la recherche d’une meilleure perspective économique dont le départ de son pays d’origine s’explique par des seules considérations économiques, de convenance personnelle, voire médicales. L’imputation d’un préjugé défavorable ou parti pris du côté du ministre est partant à écarter, l’analyse pertinente menée par le ministre sous ce rapport ne permettant nullement de dégager le moindre indice afférent.

Ainsi, au vu de toutes ces considérations, considérées dans leur ensemble, la Cour est, à son tour, amenée à conclure que le ministre a valablement pu remettre en question la crédibilité du récit de l’appelant dans sa globalité et, en conséquence, pu retenir l’absence de raisons sérieuses crédibles de croire qu’il encourrait ou encourt, en cas de retour dans son pays d’origine, une crainte fondée de persécution ou un risque réel et avéré de subir des atteintes graves et que l’octroi d’une mesure de protection internationale, dans ses deux volets, n’est pas de mise, dans la mesure où les mêmes faits sont avancés à l’appui de la demande de protection internationale successivement sous ses volets principal et subsidiaire.

Concernant le seul aspect non impacté par un récit non crédible, en l’occurrence le constat d’une situation de conflit interne au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015, la Cour n’a pas été saisie d’éléments suffisants permettant de conclure à l’existence d’une situation où l’ampleur de la violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé est telle qu’il existerait des motifs sérieux de croire qu’un civil, du seul fait de sa présence sur place, court un risque réel d’être exposé à des atteintes graves au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015.

Il suit de ce qui précède que c’est à bon droit que le ministre, puis les premiers juges, ont rejeté la demande de protection internationale prise en son double volet et le jugement est à confirmer sous ce rapport.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelant.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause;

reçoit l’appel en la forme;

au fond, déclare l’appel non justifié et en déboute;

partant, confirme le jugement entrepris du 9 décembre 2024;

donne acte à l’appelant de ce qu’il déclare bénéficier de l’assistance judiciaire;

condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

13 Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.

s. SCHINTGEN s. CAMPILL 14


Synthèse
Numéro d'arrêt : 52194C
Date de la décision : 20/03/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 25/03/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2025-03-20;52194c ?

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