GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 51779C ECLI:LU:CADM:2025:51779 Inscrit le 5 novembre 2024
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Audience publique du 20 mars 2025 Appel formé par Madame (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 9 octobre 2024 (n° 47066 du rôle) ayant statué sur son recours dirigé contre une décision du conseil communal d’Esch-sur-Alzette et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement général
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Vu la requête d'appel inscrite sous le numéro 51779C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 5 novembre 2024 par Maître Anne-Marie SCHMIT, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A), notaire, demeurant à L-…, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 9 octobre 2024 (n° 47066 du rôle) à travers lequel le tribunal a déclaré recevable mais non fondé son recours en annulation dirigé contre la délibération du conseil communal de la Ville d’Esch-sur-Alzette du 5 février 2021 portant adoption du projet de refonte du plan d’aménagement général de la Ville d’Esch-sur-Alzette, ainsi que contre la décision du ministre de l’Intérieur du 29 octobre 2021 approuvant la délibération prévisée du conseil communal de la Ville d’Esch-sur-Alzette du 5 février 2021;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Véronique REYTER, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 3 décembre 2024, portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette, établie en sa maison communale à L-4138 Esch-sur-Alzette, Place de l’Hôtel de Ville, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 5 décembre 2024 par la société à responsabilité limitée RODESCH AVOCATS A LA COUR, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1470 Luxembourg, 7-11, route d’Esch, représentée par ses gérants en fonction, inscrite au registre de commerce des sociétés sous le numéro B 265322, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Stéphane SUNNEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 23 décembre 2024 par Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 22 janvier 2025 pour le compte de la partie appelante;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 20 février 2025 au nom de l’administration communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 24 février 2025 au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel;
Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Julie DENOTTE, en remplacement de Maître Anne-Marie SCHMIT, Maître Steve HELMINGER, et Maître Stéphane SUNNEN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 mars 2025.
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Lors de sa séance publique du 8 mars 2019, le conseil communal de la Ville d’Esch-sur-
Alzette, ci-après le « conseil communal », fut saisi par le collège des bourgmestre et échevins, ci-après le « collège échevinal », en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après la « loi du 19 juillet 2004 », d’un projet de refonte complète du plan d’aménagement général (« PAG ») de la Ville d’Esch-sur-Alzette qu’il mit sur orbite en conséquence à travers un vote positif, de sorte que le collège échevinal put procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi du 19 juillet 2004.
Par courrier du 8 avril 2019, Madame (A), déclarant agir en sa qualité de propriétaire de la parcelle inscrite au cadastre de la Ville d’Esch-sur-Alzette, section A d’Esch-Nord, sous le numéro (P1), soumit, par l’intermédiaire de son mandataire, au collège échevinal ses objections à l’encontre du projet d’aménagement général de ladite commune.
La commission d’aménagement émit son avis sur le projet de refonte du PAG de la Ville d’Esch-sur-Alzette, conformément aux dispositions de l’article 11, alinéa 2, de la loi du 19 juillet 2004.
Lors de sa séance publique du 5 février 2021, le conseil communal décida d’adopter le projet de refonte dudit PAG en y apportant des modifications tenant compte des avis ministériels et des objections.
Par courrier du 25 février 2021, Madame (A) introduisit, par l’intermédiaire de son mandataire, auprès du ministre de l’Intérieur, ci-après le « ministre », une réclamation à l’encontre de la susdite délibération du conseil communal du 5 février 2021.
Lors de sa séance du 4 août 2021, la commission d’aménagement émit son avis sur les réclamations introduites auprès du ministre.
Par décision du 29 octobre 2021, le ministre approuva la délibération précitée du conseil communal du 5 février 2021 et rejeta la réclamation de Madame (A). Les passages de la décision ministérielle, précitée, se rapportant à cette réclamation sont libellés comme suit :
« (…) Par la présente, j’ai l’honneur de vous informer que j’approuve la délibération du conseil communal du 5 janvier 2021 portant adoption du projet de la refonte du plan d’aménagement général (dénommé ci-après « PAG ») de la Ville d’Esch-sur-Alzette, présenté par les autorités communales.
La procédure d’adoption du projet d’aménagement général s’est déroulée conformément aux exigences des articles 10 et suivants de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.
La Commission d’aménagement a donné son avis sur les réclamations introduites auprès du ministre de l’Intérieur en date du 27 septembre 2021.
Le conseil communal a donné son avis sur les réclamations introduites auprès du ministre de l’Intérieur en date du 11 juin 2021.
Conformément à l’article 18 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, j’ai fait droit à certaines objections et observations formulées par les réclamants à l’encontre du projet d’aménagement général.
Les modifications ainsi apportées à la partie graphique sont illustrées dans la présente décision et en font partie intégrante. Les autorités communales sont tenues de me faire parvenir les plans modifiés suite aux réclamations déclarées fondées par la présente décision, pour signature, ainsi que le schéma directeur.
Il est statué sur les réclamations émanant de (…) Maître Anne-Marie Schmit au nom et pour le compte de Madame (A) […] Ad réclamations (…) (A) (…) La réclamante (A) conteste le classement de la parcelle cadastrale n°(P1) sise à Esch-
sur-Alzette en « zone d’habitation 1 [HAB-1] », la qualification de maison unifamiliale et le classement en « secteur protégé de type "environnement construit" [C] » pour être incohérent et en sollicite le classement en « zone mixte urbaine [MIX-u] ».
Il faut effectivement retenir pour les deux cas [l’analyse de la réclamation de Madame (A) ayant été combinée à celle d’un autre réclamant] que malgré leurs gabarits assez volumineux des constructions existantes, le classement en « zone d’habitation 1 [HAB-1] » est cohérent en ces lieux.
En effet, en vue de garantir à moyen et long termes le maintien d’une certaine mixité des typologies de logements conformément aux objectifs de l’article 2 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, il importe notamment de sauvegarder des immeubles d’une certaine envergure comme maisons d’habitation unifamiliales.
3 Ainsi, le classement de ces fonds en « zone d’habitation 1 [HAB-1] » est justifiée et les réclamations sont donc non fondées sur ce point.
Puis, la réclamation en lien avec la qualification de maison unifamiliale est irrecevable en ce qu’elle porte sur le « plan d’aménagement particulier "quartier existant" [PAP-QE] » pour lequel la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain ne prévoit aucune faculté de réclamation devant le ministre de l’Intérieur.
Qui plus est, la qualité des immeubles justifie le classement des parcelles en « secteur protégé de type "environnement construit" [C] » avec la servitude « construction à conserver ».
En effet les critères de l’article 32 du règlement grand-ducal concernant le contenu du plan d’aménagement général sont remplis alors que les bâtisses présentent une authenticité de la substance bâtie mais aussi une exemplarité du bâtiment.
Cependant, il faut ajouter que le plan d’aménagement général n’a pas vocation à réglementer l’intérieur des immeubles.
Les réclamations sont donc partiellement fondées sur ce point.
Ainsi, l’alinéa suivant de l’article 32.2 de la partie écrite du « plan d’aménagement général [PAG] » de la Ville d’Esch-sur-Alzette est à supprimer :
« A l’intérieur de la construction, ces composantes sont :
- la structure portante - les éléments de décoration ou d’ornementation - les éléments fonctionnels historiques - les matériaux historiques ». (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 23 février 2022, Madame (A) fit introduire un recours tendant à l’annulation de la délibération du conseil communal du 5 février 2021, ainsi que de la décision d’approbation ministérielle du 29 octobre 2021.
Par jugement du 9 octobre 2024, le tribunal administratif déclara ce recours recevable mais non fondé et en débouta la demanderesse, le tout en condamnant cette dernière aux frais et dépens de l’instance.
Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 5 novembre 2024 (n° 51779C du rôle), Madame (A) a régulièrement fait entreprendre le jugement précité du 9 octobre 2024 dont elle sollicite la réformation dans le sens de voir annuler tant la délibération du conseil communal que la décision ministérielle d’approbation par elle querellées.
A travers son premier moyen de réformation du jugement a quo, l’appelante réitère son moyen d’annulation des décisions communale et ministérielle attaquées développé en premièreinstance et tiré de l’absence de réalisation d’une étude globale, telle que prévue par les articles 2.11 et 2.15 de la partie écrite du PAG de la Ville d’Esch-sur-Alzette, ancienne mouture, pour son et différents autres terrains antérieurement classés en « zone à études » et partant de la violation de ces dispositions, dès lors que l’étude préparatoire réalisée dans le cadre du projet de refonte du PAG n’y satisferait pas non plus.
A défaut de disposition légale applicable dans le cadre de la procédure de refonte d’un PAG posant l’exigence de la réalisation préalable d’études antérieurement requises en vue de la viabilisation de parcelles en zone urbaine, mais soumises à des servitudes particulières, les dispositions de l’ancienne règlementation communale d’urbanisme qui réglaient plus particulièrement les possibilités d’affectation et d’utilisation antérieures des terrains ne sauraient être entrevues comme conditionnant ou limitant, directement ou indirectement, l’action communale au niveau de la modification de son PAG.
Le moyen en rapport avec la méconnaissance des dispositions de la règlementation antérieure a partant été écarté à bon droit par les premiers juges pour manquer de pertinence dans le cadre du recours en annulation sous examen.
En second lieu, l’appelante conclut à l’annulation de la délibération communale et de la décision ministérielle d’approbation attaquées en raison de la violation de l’article 7 de la loi du 19 juillet 2004 en relation avec l’article 2, paragraphes 1er et 2, et l’article 3.5 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu de l’étude préparatoire d’un plan d’aménagement général, ci-après le « règlement grand-ducal du 8 mars 2027 (contenu de l’étude préparatoire) » et le principe fondamental de transparence, au motif que celles-ci ne feraient pas ou insuffisamment mention concrète de son immeuble, ni d’ailleurs des autres parcelles antérieurement classées dans le « secteur à études », au motif qu’une telle étude préparatoire devrait contenir une analyse individualisée et détaillée de chaque élément à protéger.
L’appelante reproche aux premiers juges de s’être contentés d’une mention indirecte de son immeuble, laquelle serait manifestement insuffisante pour porter à sa connaissance les critères retenus pour justifier le classement opéré.
Les parties publiques concluent au rejet de ce moyen et demandent la confirmation du jugement dont appel, essentiellement sur base des motifs y énoncés.
Le moyen d’annulation table sur la prémisse de base erronée que les dispositions légales et réglementaires visées imposeraient que chaque parcelle visée doit être individuellement mentionnée et analysée en détail avec exposé, immeuble par immeuble, des raisons qui militent en vue du classement opéré par les auteurs du projet de PAG mis sur orbite.
En effet, au sujet, plus particulièrement, des immeubles considérés comme étant digne d’une protection spéciale, il est erroné de dégager de l’article 7 de la loi du 19 juillet 2004, qui appelle les auteurs d’un projet de PAG à faire réaliser une étude préparatoire qui se compose :
« a) d’une analyse de la situation existante; b) d’un concept de développement; c) de schémas directeurs couvrant l’ensemble des zones soumises à l’élaboration d’un plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » tels que définis à l’article 25. (…) », tel que précisé par les articles 2, paragraphes (1) et (2), et 3, paragraphe 5, du règlement grand-ducal du 8 mars 2017, l’exigence essentiellement formaliste d’une partie textuelle énumérant, analysant et motivant l’approche communale pour chaque immeuble individuellement.
C’est ainsi à bon escient que les premiers juges ont précisé que le cadre légal et règlementaire appelle les communes, dans un souci de simplification administrative et d’harmonisation des instruments urbanistiques, à structurer leur étude préparatoire autour de trois piliers, à savoir l’analyse de la situation existante, le concept de développement et les schémas directeurs, et à les exposer à travers un élément graphique et un élément textuel, quitte à ce que chaque commune cible, en fonction des caractéristiques, des spécificités et de la taille de son propre territoire, les priorités à donner aux thèmes à analyser et le degré de précision à leur apporter, l’essentiel étant que les trois thèmes généraux énoncés soient traités, même succinctement, dans une étude préparatoire.
Or, en l’espèce, l’étude préparatoire appert satisfaire à l’ensemble des exigences légales et règlementaires afférentes.
En effet, l’étude préparatoire querellée contient outre une partie graphique visualisant le tissu urbain plus particulièrement considéré et ses caractéristiques essentielles, notamment les éléments bâtis et les éléments isolés dignes de protection, une partie écrite avec une Section 1 « Analyse de la situation existante » contenant expressément une partie dédiée aux « Ensembles bâtis et aux éléments isolés protégés ou dignes de protection » avec un point 5, intitulé « Structure urbaine », ainsi qu’une Section 2 « Concept de développement » comportant un article 1.9.2. intitulé « Erhaltung und Inwertsetzung von Gebäudeensembles », précisant que : « (…) An folgenden Straßenzügen befinden sich Ingenieursvillen der ARBED, die aufgrund ihrer architektonischen Qualität und ihrer identitätsstiftenden Wirkung als Zeitzeugnis der Industriekultur schützenswert sind: (…) Teilabschnitt der … (Nr. 68-82), 1912 erbaut von der ARBED. (…) ».
L’article 5.4. « Ensembles bâtis et éléments isolés protégés ou dignes de protection » de ladite Section 1 quant à lui précise plus particulièrement que : « (…) PROTECTION COMMUNALE La Ville d’Esch-sur-Alzette a établi une liste de bâtiments dignes de protection communale.
Pour la Ville d’Esch-sur-Alzette, ont été identifiés les éléments à protégér suivant :
− les constructions à conserver, − le petit patrimoine à conserver, − le gabarit et/ou élément d’une construction existante à préserver, − les murs à conserver.
En raison de son riche passé notamment industriel, la Ville d’Esch-sur-Alzette recense de nombreuses constructions qu’il est important de conserver et de protéger. Les constructions concernées répondent à un ou plusieurs des critères suivants :
• authenticité de la construction et de son aménagement, • rareté et exemplarité du type de bâtiment, 6 • importance architecturale, • témoignage de l’immeuble pour l’histoire nationale, communale, sociale, politique, industrielle, religieuse, militaire ou technique.
Les éléments protégés de type « environnement construit » sont définis par la Ville d’Esch-sur-Alzette. Ils peuvent être situés à l’intérieur du périmètre du secteur protégé de type environnement construit ou à l’extérieur. Les éléments protégés à conserver ou à préserver sont indépendants du secteur protégé de type « environnement construit ».
La localisation des constructions protégées par l’Etat (SSMN) et des constructions protégées par la Ville d’Esch-sur-Alzette est repris dans le plan 5-3 Ensembles bâtis et éléments isolés protégés ou dignes de protection. ».
A l’instar des premiers juges, la Cour se doit partant de constater que pour un lecteur moyennement attentif, l’étude préparatoire renseigne bien que pour ce qui concerne l’immeuble situé au numéro …, de la … à Esch-sur-Alzette, soit l’immeuble de l’appelante, lequel appert indubitablement faire partie des immeubles concrètement visés comme situés aux numéros … à … de ladite …, il est considéré comme méritant une protection au vu de l’authenticité de sa construction et du fait qu’il témoigne, en tant que maison d’ingénieur de l’ARBED, de l’histoire industrielle de la Ville d’Esch-sur-Alzette.
L’étude préparatoire querellée appert partant satisfaire à sa vocation légale et le reproche d’un manque de précision et de transparence laisse d’être fondé.
C’est dès lors à bon escient que ce moyen d’annulation articulé autour de la violation de l’article 7 de la loi du 19 juillet 2004 et des articles 2 et 3.5 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 a été rejeté par les premiers juges, la Cour étant amenée à la même conclusion en instance d’appel.
Dans un troisième ordre d’idées, l’appelante réitère son moyen d’annulation basé sur ce que les définitions des zones d’habitation [HAB-1] et [HAB 2], ainsi que la zone mixte urbaine [MIX-u] énoncées aux articles 2, 3 et 5 du PAG refondu de la Ville d’Esch-sur-Alzette, tel qu’approuvé à travers les décisions attaquées, seraient contraires aux articles 8, définissant la « zone d’habitation » et 9, définissant la « zone mixte », du règlement grand-ducal du 8 mars 2017.
Il est soutenu que les pourcentages relatifs à la surface construite brute à dédier à des fins de logement, tels que prévus par le règlement grand-ducal du 8 mars 2017, ne seraient pas respectés, au motif qu’en passant de 90 % à 80 %, ils seraient inférieurs aux minima fixés par ledit règlement grand-ducal.
L’appelante critique les premiers juges d’avoir considéré que les divergences entre le règlement grand-ducal du 8 mars 2017 et le PAG refondu de la Ville d’Esch-sur-Alzette se justifierait par les particularités et les caractéristiques de la Ville d'Esch-sur-Alzette.
L’appelante estime encore que le PAG refondu de la Ville d’Esch-sur-Alzette ne serait pas en concordance avec le règlement grand-ducal du 8 mars 2017 au niveau de la limitation des surfaces de vente, au motif que le PAG prévoirait que « les proportions peuvent varier en 7 fonction de sa localisation et de sa vocation », « alors que cette proportion ne repose sur aucun paramètre objectif et précis », de sorte que la commune pourrait « déterminer arbitrairement dans des proportions indéterminées et indéterminables la construction de certains établissements, lui laissant ainsi une trop grande marge d'appréciation ».
La commune pointe non sans pertinence une incohérence certaine au niveau de l’argumentaire de l’appelante en ce que tout en se plaignant de ce qu’au niveau de son immeuble, le pourcentage de seulement 20 % de la surface construite autorisée à des fins autres que le logement ne lui permettrait pas d’y exercer une activité libérale, elle reproche plus loin aux auteurs du PAG d’avoir autorisé un pourcentage d’usage à d’autres fins que l’habitation trop élevé.
En s’inscrivant dans une même cause et en poursuivant un objet identique, pareille approche contradictoire dans les prétentions d’une partie se heurte au principe général de cohérence et place l’appelante en situation d’estoppel, principe suivant lequel il est défendu à une partie de se contredire au détriment d’autrui.
Au-delà, la Cour renvoie et fait sienne l’analyse pertinente des premiers juges en ce qu’ils ont déclaré non fondé et écarté le moyen afférent pris en ses différentes branches.
En effet, la prescription minimale d’« au moins la moitié des logements » contenue à l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 ne se trouve manifestement pas heurtée par la fixation du pourcentage des logements en tant que maison unifamiliale à 60% pour la zone [HAB-1] et du pourcentage relatif aux logements de type collectif à « au moins la moitié » pour la zone [HAB-2].
Si les pourcentages fixés par le PAG refondu de la Ville d’Esch-sur-Alzette au niveau des surfaces construites brutes à dédier à des fins de logement à 80 % en zone [HAB-1] et 65 % en zone [HAB-2] apparaissent inférieurs aux minima fixées par le règlement grand-ducal du 8 mars 2017, respectivement à 90% en zone [HAB-1] et à 80% pour la zone [HAB-2], les premiers juges ont à juste titre relevé la faculté, expressément reconnue par l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017, aux communes de déroger à ces minima « si les caractéristiques ou les particularités du site l’exigent », d’une part, et considéré qu’en l’espèce, le but affiché de la commune d’encourager l’habitation tout en assurant une mixité entre activités au sein des différentes zones, afin de maintenir le caractère historique de la ville, l’animation des quartiers et les « chemins courts » entre les différentes fonctions constitue une justification, en termes de caractéristiques et de particularités, adéquate des pourcentages dérogatoires fixés, d’autre part.
Concernant ce dernier point, la Cour considère en effet que la faculté dérogatoire est non point une porte ouverte à l’arbitraire, comme l’entrevoit l’appelante, mais une expression de l’autonomie communale en la matière autorisant les communes à adapter, au cas par cas, les dispositions règlementaires, nécessairement générales, aux réalités particulières au niveau de chaque commune.
Au-delà de toute autre considération, notamment en ce qui concerne l’intérêt concret de l’appelante à ce moyen au regard de sa situation personnelle, la Cour n’entrevoit pas non plus d’irrégularité au niveau de la limitation des surfaces des activités de commerce à 4.000 m2 par immeuble bâti en zone [MIX-u] par l’article 5 du PAG refondu, laquelle reste en tout caslargement inférieure au maximum de 10.000 m2 par immeuble bâti fixé par l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017.
Ensuite, l’appelante entend s’en prendre plus spécifiquement au re/classement de sa parcelle par le PAG refondu en zone [HAB-1] superposée d’un secteur protégé de type « environnement construit – C ». - L’immeuble existant sur la parcelle ayant, quant à lui, encore été grevé d’une servitude urbanistique « construction à conserver », la Cour constate et prend note de ce que l’appelante, pas plus qu’en première instance, ne formule aucun moyen juridique à l’égard du classement de son immeuble en « construction à conserver », bien qu’il sera dégagé ci-après que dans son argumentaire développé à l’encontre de ses critiques au sujet du classement en secteur protégé de type « environnement construit – C », elle fait état d’une critique plus large de toute justification de protection de son immeuble en tant qu’immeuble digne de conservation.
A l’appui de son reproche que le re/classement de sa parcelle en zone [HAB-1] procèderait d’un excès de pouvoir, l’appelante entend de prime abord mettre en avant le caractère prétendument injustifié et disproportionné de ce classement.
Elle reproche aux premiers juges d’avoir retenu une approche cohérente et justifiée des auteurs du projet de PAG, au motif que la volonté des auteurs du projet de PAG de « répondre à l'exigence d'une mixité de logement plus différencié sur le territoire de la Ville » serait en discordance totale avec l'historique de son immeuble, lequel, communément connu comme la « villa bleue », aurait été, avant sa transformation en 2012, louée et utilisée par des « entités étatiques, européennes ou commerciales tel que le Centre de Recherche Public Henri Tudor (…), respectivement à l'ESPON de 2000 à 2011 ».
L’immeuble bien que transformé en 2012/13 et utilisé depuis lors comme maison unifamiliale, serait susceptible d’être utilisé à d’autres fins, de sorte que l’utilisation actuelle resterait inopérante et ne justifierait pas le classement de la parcelle en zone [HAB-1].
Le classement opéré se heurterait par ailleurs au gabarit et au volume de l'immeuble. En effet, avec une surface totale de 720,70 m2, l’appelante invoque ne même pas pouvoir exploiter le sous-sol et le rez-de-chaussée de son immeuble, lesquels accuseraient une surface dépassant largement les 20 % autorisés, pour l'exercice d'une profession libérale.
Le classement intervenu en zone d'habitation 1 [HAB-1] ne serait partant pas cohérent, violerait ses intérêts et dépasserait manifestement le but et le champ d'application matériel de la législation en matière d'urbanisme. Il serait par ailleurs en opposition avec l'article 1er du projet de PAP QE dont les prescriptions, notamment la limitation à deux niveaux des constructions à ériger, alors que son immeuble posséderait quatre étages, les hauteurs et profondeurs maximales autorisées, ne seraient clairement pas remplies par la bâtisse existante.
Selon l’appelante, son immeuble trouverait sa véritable place en zone mixte urbaine [MIX-u] et l'excès de pouvoir consisterait dans la disproportion de l'application de la règle de droit aux éléments de fait.
Les parties publiques demandent le rejet de ce moyen en se basant essentiellement sur les motifs des premiers juges.
La réponse à ce moyen requiert de prime abord le rappel de certains principes en la matière, par ailleurs pointés à juste titre par les premiers juges, notamment en ce que fondamentalement, l’initiation par les autorités communales de projets de modification de leurs plans d’aménagement table sur l’exigence que lesdites autorités soient mues par des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations et d’ordre politique tirées de l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné, tendant les unes et les autres à une finalité d’intérêt général et dans ce contexte, lesdites autorités doivent veiller tant à la conservation de l’esthétique urbaine qu’au développement rationnel des agglomérations.
Quant aux objectifs devant guider les autorités communales, lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement, ainsi que l’autorité ministérielle, dans le cadre de l’exercice de son contrôle tutélaire, il y a lieu de se référer à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, aux termes duquel « Les communes ont pour mission de garantir le respect de l’intérêt général en assurant à la population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal par :
(a) une utilisation rationnelle du sol et de l’espace tant urbain que rural en garantissant la complémentarité entre les objectifs économiques, écologiques et sociaux ;
(b) un développement harmonieux des structures urbaines et rurales, y compris les réseaux de communication et d’approvisionnement compte tenu des spécificités respectives de ces structures, et en exécution des objectifs de l’aménagement général du territoire ;
(c) une utilisation rationnelle de l’énergie, des économies d’énergie et une utilisation des énergies renouvelables ;
(d) le développement, dans le cadre des structures urbaines et rurales, d’une mixité et d’une densification permettant d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités ;
(e) le respect du patrimoine culturel et un niveau élevé de protection de l’environnement naturel et du paysage lors de la poursuite des objectifs définis ci-
dessus ;
(f) la garantie de la sécurité, la salubrité et l’hygiène publiques. ».
L’article 6 de la loi du 19 juillet 2004 prévoit, quant à lui, que « Le plan d’aménagement général a pour objectif la répartition et l’implantation judicieuse des activités humaines dans les diverses zones qu’il arrête aux fins de garantir le développement durable de la commune sur base des objectifs définis par l’article 2 de la loi. ».
La mission de contrôle du juge administratif en la matière, appelé à statuer comme juge de l’annulation, ne l’appelle pas à refaire l’appréciation ou les décisions intervenues, mais à vérifier si les éléments de droit pertinents ont été appliqués et si la matérialité des faits sur lesquels l’autorité de décision s’est basée est établie, cette mission incluant le contrôle de ce que l’application du droit aux éléments de fait n’est pas entachée d’une erreur d’appréciation se résolvant en dépassement de la marge d’appréciation des auteurs des décisions prises, c’est-à-dire un contrôle de proportionnalité.
Concernant plus spécialement le classement contesté de la parcelle litigieuse de l’appelante en zone [HAB-1], l’article 2 de la partie écrite du PAG, intitulé « Zone d’habitation 1 [HAB-1] », dispose que :
« La zone d’habitation 1 est principalement destinée aux logements de type maison unifamiliale avec ou sans logement intégré.
Pour tout plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » exécutant une zone d’habitation 1, au moins 60% des logements sont de type unifamilial. La surface construite brute à dédier à des fins de logement est de 80% au minimum. ».
Pour rejeter les critiques soulevées par l’appelante à l’encontre de ce classement en zone [HAB-1], les premiers juges ont dégagé de la partie graphique du PAG de la Ville d’Esch-sur-Alzette que l’immeuble en question se trouve entouré, au sud et à l’est, de parcelles classées en zone [MIX-u] et, au nord, par des parcelles classées en zone [HAB-1], pour en dégager liminairement que le classement opéré apparaissait « répondre à l’exigence d’une mixité de logement plus différenciée sur le territoire de la Ville », tel que l’a proposé le collège échevinal dans la fiche intitulée « Propositions de modifications » RE-52, suite aux objections et observations de l’appelante, proposition qui a été adoptée par le conseil communal lors de sa séance du 5 février 2021, d’une part, et ils ont considéré que ce classement de l’immeuble en zone [HAB-1] répondait à l’utilisation de la bâtisse telle qu’elle se présentait depuis des années, d’autre part, pour en conclure que de l’objectif poursuivi de sauvegarder une certaine mixité des typologies des logements à l’endroit de la commune en tenant compte de l’affectation actuelle des lieux apparaissait cohérent et justifié pour tendre à une finalité d’intérêt général, et plus précisément à une utilisation rationnelle du sol en respectant la finalité de la bâtisse se trouvant d’ores et déjà sur la parcelle, de même qu’au développement d’une mixité dans les structures urbaines en raison du classement des parcelles entourant la parcelle litigieuse et de la typologie de l’immeuble se trouvant sur la parcelle litigieuse.
La Cour partage et fait sienne cette vision et cette analyse pertinente des choses.
L’appelante se méprend en avançant, expertise à l’appui, que l’appréciation communale verserait dans la démesure ou que son adéquation aux principes gouvernant la matière tomberait à faux au regard de l’utilisation passée de la bâtisse à des fins professionnelles, l’accent mis par les auteurs du projet de refonte du PAG sur l’affectation actuelle de la bâtisse existante sur la parcelle, en l’occurrence comme maison unifamiliale et ceci depuis une dizaine d’années, d’ailleurs apparemment en phase avec les conception et vocation initiales de la bâtisse, s’insérant dans une logique conforme avec l’objectif poursuivi par la commune et le choix opéré par elle apparaissant parfaitement cohérent.
Les considérations en rapport avec le gabarit de la bâtisse, plus spécialement eu égard aux dispositions du projet de PAP QE, ne sont pas non plus de nature à ébranler ces conclusions, les droits acquis garantissant parfaitement la pérennité du status quo et de par leur vocation tant le PAG, qu’un PAP, simple instrument réglementaire d’exécution du PAG, de constituer des outils de planification future du territoire communal, ne sont de nature à évincer les propriétaires de constructions existantes de les priver de leurs droits légalement acquis.
C’est donc à juste titre que les premiers juges ont décidé que l’existence d’éventuelles contradictions entre le PAG et le PAP QE, et, plus particulièrement, celles relatives aux dimensions de la bâtisse existante sur la parcelle de l’appelante qui seraient supérieures à celles prévues par le PAP QE pour toute nouvelle construction dans une zone [HAB-1] ne sont pas de nature à affecter la légalité des décisions communale ou ministérielle attaquées.
Concernant ensuite les contestations relatives à la superposition à la zone [HAB-1] d’un secteur protégé de type « environnement construit – C », l’appelante reproche aux premiers juges d’avoir considéré que les caractéristiques intrinsèques de la bâtisse justifieraient ce classement, au motif qu’il se dégagerait de l’expertise produite par elle qu’il y aurait une incohérence patente de ce faire.
En effet, son immeuble ne mériterait point cette protection, l’expert chargé ayant conclu que « la maison ne présente pas d'élément architectural permettant d'expliquer une telle décision. A cela s'ajoute qu'en plus la maison a subi une extension sur le côté gauche avec un nouveau garage et une extension postérieure. Dès lors il n'y a plus un style architectural d'époque à conserver puisque la maison n'est déjà plus à l'état d'origine ». En réalité seule la « forme » de la construction serait d’époque.
Selon l’appelante, le classement opéré procéderait d’une erreur manifeste d'appréciation et serait de la sorte à annuler et le jugement entrepris à réformer en conséquence.
Les parties publiques demandent encore le rejet de ce moyen qui manquerait de fondement.
Ce moyen d’annulation, pas plus qu’en première instance, n’est pas à considérer comme une demande nouvelle bien que développée seulement à travers le mémoire en réplique déposé en première instance, laisse cependant à son tour de convaincre.
Le secteur protégé de type « environnement construit – C » est défini à l’article 32.1 de la partie écrite du PAG de la manière suivante :
« Les secteurs et éléments protégés de type « environnement construit - C » constituent des zones superposées qui comprennent les quartiers ou parties de quartiers qu’il faut préserver afin de conserver leur identité, les caractéristiques propres de ces quartiers et l’histoire architecturale et urbanistique de la Ville d’Esch-sur-Alzette.
Ces secteurs comprennent des immeubles ou parties d’immeubles qui sont soumis à des règles particulières en raison de leur caractère historique et/ou esthétique.
Les secteurs et éléments protégés de type « environnement construit » sont marqués de la surimpression « C » dans la partie graphique du PAG.
Les règles particulières sont précisées dans la présente partie écrite et sont complétées dans les parties écrite et graphique du plan d’aménagement particulier « quartier existant ».
Pour les rues, parties de rue ou cités ouvrières dont la valeur architecturale est due surtout à leur caractère stylistique d’ensemble, c’est l’ensemble harmonieux du site qui déterminera les mesures protectrices à prendre pour garantir l’esthétique du site à l’occasion de travaux de construction ou de restauration à l’extérieur.
Les travaux à réaliser sur les constructions se trouvant dans le secteur protégé, ainsi que la construction de nouveaux immeubles doivent s’intégrer dans la structure caractéristique du bâti existant traditionnel. Les éléments caractéristiques à respecter sont le parcellaire, l’implantation, le gabarit, le rythme des façades, les murs et clôtures d’enceinte ainsi que les matériaux et teintes traditionnelles de la région. Ces éléments caractéristiques à respecter sont 12 à transposer dans les constructions nouvelles ou transformations en ayant recours à une architecture contemporaine de qualité.
Les nouvelles constructions ou transformations qui pourraient porter préjudice au site peuvent être interdites.
Une Commission de femmes et d’hommes de métier, nommé par le Conseil Communal, peut être chargé sur demande du bourgmestre, d’aviser les demandes d’autorisation introduites pour des démolitions, des transformations et des constructions dans le secteur protégé de type « environnement construit ».
La notion de « construction à conserver » est, quant à elle, définie à l’article 32.2 de la partie écrite du PAG, intitulé « Eléments protégés - type - « environnement construit » », aux termes duquel :
« Les éléments à protéger son regroupés de la façon suivante :
- les constructions à conserver, - les constructions avec des éléments identitaires à conserver, - le petit patrimoine à conserver, Avant tout projet de travaux, l’élément protégé inscrit en tant que « construction à conserver », […] est confirmé par un levé établissant précisément l’emplacement, l’alignement, la profondeur, les hauteurs à la corniche et au faîtage et par reportage photographique (extérieur voire intérieur). Le levé et le reportage photographique accompagnent toute demande d’autorisation de construire.
Toute modification, transformation, agrandissement ou rénovation d’un élément protégé peut faire l’objet d’un avis à la Commission de femmes et d’hommes de métier.
Construction à conserver :
(…) Les constructions à conserver sont des bâtiments ou ensembles de bâtiments qui répondent à un ou plusieurs des critères suivants : authenticité de la substance bâtie, de son aménagement, rareté, exemplarité du type de bâtiment, importance architecturale, témoignage de l’immeuble pour l’histoire nationale, locale, sociale, politique, religieuse, militaire, technique ou industrielle. Ces bâtiments, y compris l’entourage qui les encadre, sont à conserver respectivement à restaurer dans leur état originel.
La démolition d’une construction à conserver est interdite et ne peut être autorisée uniquement pour des raisons de sécurité, de stabilité et de salubrité dûment constatées par un homme de l’art. La reconstruction doit respecter les servitudes relatives au secteur protégé de type environnement construit.
Des transformations et des agrandissements peuvent être admis à condition de s’intégrer harmonieusement dans le site et la structure urbaine et de ne pas nuire à la valeur artistique, historique, esthétique, archéologique ou à l’aspect architectural de la construction à conserver ». (…) ».
L’article 9 de la loi du 19 juillet 2004 prévoit notamment que le contenu des parties graphique et écrite du PAG est arrêté par règlement grand-ducal.
Le règlement grand-ducal PAG du 8 mars 2017 a été adopté en application de cette disposition légale et dispose, dans son article 32, intitulé « Secteurs et éléments protégés d’intérêt communal », que : « (…) Les secteurs et éléments protégés de type « environnement construit » constituent les parties du territoire communal qui comprennent des immeubles ou parties d’immeubles dignes de protection et qui répondent à un ou plusieurs des critères suivants : authenticité de la substance bâtie, de son aménagement, rareté, exemplarité du type de bâtiment, importance architecturale, témoignage de l’immeuble pour l’histoire nationale, locale, sociale, politique, religieuse, militaire, technique ou industrielle. (…) Ces secteurs et éléments sont soumis à des servitudes spéciales de sauvegarde et de protection. (…) ».
Les premiers juges sont à confirmer en ce qu’ils ont précisé sous ce rapport que dès lors que les autorités communales sont habilitées à procéder à la création de secteurs protégés de type « environnement construit » et que, par ailleurs, l’article 32 du règlement grand-ducal PAG du 8 mars 2017 prévoit expressément que les secteurs protégés de type « environnement construit » comprennent des « (…) immeubles ou parties d’immeubles dignes de protection (…) », il relève de la logique du système mis en place par le législateur pour assurer le respect du patrimoine culturel que les autorités communales sont autorisées à désigner de manière individuelle à l’intérieur des secteurs protégés de type environnement construit tout immeuble ou parties d’immeuble dignes de protection.
Ceci dit, en l’espèce, aux yeux de la Cour, les pièces produites en cause, dont plus spécialement les photos de la bâtisse en question, font apparaître un immeuble, certes transformé au fil du temps, mais qui appert garder une authenticité certaine et un caractère exceptionnel justifiant à l’évidence son classement en secteur protégé de type « environnement construit – C ».
La bâtisse, de même que plusieurs autres constructions voisines dans le tronçon de la … composé des immeubles situés aux numéros … à … de ladite rue, garde sans conteste les caractéristiques des « (…) Ingenieursvillen der ARBED, die aufgrund ihrer architektonischen Qualität und ihrer identitätsstiftenden Wirkung als Zeitzeugnis der Industriekultur schützenswert sind », de même qu’elle constitue un témoignage vivant de son passé historique -tout comme de celui de la Ville d’Esch-sur-Alzette, de même que de la vie de l’époque.
Le classement critiqué de la parcelle en secteur protégé de type « environnement construit – C » en vue de la recherche légitime de voir garantir le respect du patrimoine culturel appert partant justifié tant en droit qu’en fait.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que tant les autorités communales que le ministre ont encore valablement pu adopter, respectivement, approuver le classement de la parcelle litigieuse en secteur protégé de type « environnement construit – C ».
Dans un antépénultième ordre d’idées, l’appelante fait soutenir que le « PAG ne tient pas compte du gabarit de l'Immeuble comme en témoigne l'importance de hauteur, de 14 volumétrie et de profondeur » et que de la sorte, il contreviendrait aux objectifs généraux fixés en la matière par l'article 2 de la loi du 19 juillet 2004.
Selon l’appelante, conclusion de son expert à l’appui, le classement de son immeuble en zone [HAB-1] serait incohérent, notamment du fait que les dispositions légales et réglementaires concernant l'utilisation du sol ne seraient pas respectées, ni en hauteur, ni en profondeur, ni en ce qui concerne les emplacements de stationnement présents dans l'immeuble.
Ainsi, « les autorités publiques ont dès lors manifestement dépassé la marge d'appréciation et leur mission qui leur est confiée aux termes de l'article 2 de la loi modifiée du 19 juillet 2004, à savoir celle de garantir le respect de l'intérêt général en assurant à ses habitants des conditions optimales, par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable et une utilisation rationnelle du sol de toutes les parties du territoire ».
C’est à bon droit que les parties publiques concluent encore au rejet de ce moyen.
En effet, mû par l’intention affichée de trouver un équilibre entre les exigences d'une évolution urbanistique et démographique cohérente et la nécessité de préserver son patrimoine historique et les éléments qui caractérisent son histoire, les auteurs du PAG refondu de la Ville d’Esch-sur-Alzette ne sauraient être critiqués en ce qu’ils ont œuvré en vue d’une certaine mixité de fonction notamment à l’endroit du territoire où se trouve localisée la parcelle litigeuse de l’appelante en tenant compte de son affectation actuelle.
Or, de la sorte, un classement de l’immeuble de l’appelante, effectivement utilisé en maison d’habitation depuis une dizaine d’années, en zone [HAB-1], loin de procéder d’un mépris des objectifs généraux fixés en la matière par l'article 2 de la loi du 19 juillet 2004 appert s’y insérer directement, les choix et orientations des auteurs du projet de PAG ne permettant pas de conclure à une violation des objectifs légaux ou à un dépassement de la marge d’appréciation dont ils disposent pour appliquer la règle de droit aux éléments de fait.
Au titre du pénultième moyen réitéré, l’appelante demande à voir sanctionner les deux décisions communale et ministérielle attaquées pour violation du principe constitutionnel d’égalité devant la loi (article 10bis de la Constitution, dans sa version applicable en l’espèce), au motif que la parcelle avoisinante, inscrite au cadastre de la commune d’Esch-sur-Alzette, section A d’Esch-Nord, sous le numéro (P1), située également dans la …, aurait été classée en zone [MIX-u], alors que la sienne a été classée en zone [HAB-1]. Elle insiste spécialement sur le fait que sur les deux parcelles se trouveraient érigées des bâtisses présentant des gabarits, volumes et architectures comparables.
Les premiers juges sont à entériner en ce qu’ils ont de prime abord rappelé que le principe constitutionnel d’égalité devant la loi, suivant lequel tous les Luxembourgeois sont égaux devant la loi, applicable à tout individu touché par la loi luxembourgeoise si les droits de la personnalité, et par extension les droits extrapatrimoniaux sont concernés, ne s’entend pas dans un sens absolu, mais requiert que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit soient traités de la même façon.
En effet, ledit principe d’égalité de traitement est compris comme interdisant le traitement de manière différente de situations similaires, à moins que la différenciation soit objectivement justifiée.
Dès lors, s’il appartient aux pouvoirs publics, tant au niveau national qu’au niveau communal, de traiter de la même façon tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit, lesdits pouvoirs publics peuvent, sans violer le principe d’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives, qu’elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but.
Pour que le principe d’égalité puisse être valablement mis en œuvre, il convient de prime abord de pouvoir dégager deux situations comparables par rapport auxquelles une inégalité de traitement puisse être utilement invoquée.
En l’espèce, les parties publiques pointent essentiellement le fait qu’au niveau de l’utilisation effective des bâtisses respectivement érigées sur les deux parcelles visées par le moyen de l’appelante, la commune a tenu compte d’une différence palpable entre l’immeuble de l’appelante utilisé comme maison d’habitation du moins depuis sa transformation en 2012/13 et celui se trouvant sur la parcelle avoisinante ne servant plus depuis plus de 20 ans comme maison d’habitation, mais étant utilisé à des fins professionnelles. Il est précisé que lors de la refonte du PAG et suite à une réclamation du propriétaire de la parcelle voisine à celle de l’appelante, la commune aurait décidé d’en tenir compte et de décider en fonction de cette l’utilisation réelle et actuelle des parcelles.
Or, c’est en cela que les deux situations, bien que les constructions érigées sur les deux parcelles apparaissent être d’un gabarit et d’une architecture comparables, ne sont concrètement pas comparables.
A défaut de comparabilité, il y a lieu de conclure avec le tribunal que le moyen tiré d’une violation du principe d’égalité des citoyens devant la loi est à rejeter à sa base.
Le dernier moyen d’annulation de l’appelante est tiré de la « violation disproportionnée du droit de propriété et (…) [de son] expropriation de fait ».
Le moyen tend en substance à faire valoir que le classement litigieux entraînerait d’importantes conséquences d’ordre patrimonial et extrapatrimonial dans son chef et ne lui permettrait plus de disposer de son bien comme elle le souhaite. Ainsi, il se heurterait au principe de proportionnalité et à son droit de propriété, tel que constitutionnellement garanti par l’article 16 de la Constitution, dans sa version applicable en l’espèce. Comme en première instance, elle se base à cet égard, sur un rapport d’expertise dressé par un expert mandaté par elle, pour soutenir que son préjudice s’élèverait à ….- €.
Le raisonnement de l’appelante manque notamment en fait en ce qu’il table, implicitement, mais nécessairement, sur le reproche injustifié d’un déclassement préjudiciable de sa propriété par l’effet du PAG refondu de la Ville d’Esch-sur-Alzette.
En effet, le terrain litigieux ayant été classé en « secteur à études » sous l’empire de l’ancien PAG de la Ville d’Esch-sur-Alzette, il ne saurait être considéré comme ayant été directement constructible, tout projet afférent ayant été soumis et conditionné notamment par la réalisation préalable d’une étude globale de développement, de sorte que l’appelante ne saurait être suivie en ce qu’elle met en avant une perte de droits substantiels au niveau de l’usage de sa propriété.
A l’instar des premiers juges, la Cour n’entrevoit pas non plus en quoi le classement querellé de sa parcelle en zone [HAB-1] et en secteur protégé de type « environnement construit - C », limite ou entrave l’usage de la propriété de l’appelante d’une manière telle que le classement puisse être qualifié d’équivalent à une expropriation.
Au-delà, il se dégage pour le surplus de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, plus concrètement de son arrêt 101 du 4 octobre 2023, que des reclassements de terrains, fût-ce d’une zone anciennement constructible en zone verte sont permis, dès lors que des raisons urbanistiques valables d’intérêt général sous-tendent la décision afférente, ce qui appert être le cas au regard des considérations qui précèdent au sujet du re/classement -largement moins incisif- du terrain de l’appelante, de sorte qu’il n’appartient pas au juge administratif de sanctionner pareil re/classement d’un terrain du chef d’une entrave au droit de propriété, quitte à ce que, en cas de perte vérifiée de valeur de nature à être équivalente à une expropriation, le propriétaire concerné puisse saisir les juridictions judiciaires en dommages et intérêts sur base de l’article 16 de la Constitution.
La dernière prétention de l’appelante est partant encore à abjuger pour manquer de fondement.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel n’est pas fondé et l’appelante est à en débouter, le jugement étant à confirmer.
Compte tenu de l’issue du litige, les demandes tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure, telles que formulées par l’appelante, tant à l’égard de la partie étatique qu’à l’égard de la partie communale, et ceci tant pour la première instance que pour celle d’appel, sont à rejeter.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant contradictoirement;
reçoit l’appel en la forme;
au fond, le déclare non justifié et en déboute;
partant, confirme le jugement entrepris;
rejette comme non justifiées les demandes en allocation d’une indemnité de procédure telles que formulées par l’appelante;
condamne l’appelante aux dépens de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par:
Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence de la greffière assumée à la Cour Carla SANTOS.
s. SANTOS s. CAMPILL 18