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20/03/2025 | LUXEMBOURG | N°51457C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 20 mars 2025, 51457C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 51457C ECLI:LU:CADM:2025:51457 Inscrit le 8 octobre 2024

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Audience publique du 20 mars 2025 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 25 septembre 2024 (n° 48432 du rôle) dans un litige l’opposant à une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale

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Vu l’acte d’appel, ...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 51457C ECLI:LU:CADM:2025:51457 Inscrit le 8 octobre 2024

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Audience publique du 20 mars 2025 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 25 septembre 2024 (n° 48432 du rôle) dans un litige l’opposant à une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 51457C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 8 octobre 2024 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, en l’étude duquel domicile est élu, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Iran), de nationalité afghane, demeurant à L-…, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 25 septembre 2024 (n° 48432 du rôle), par lequel ledit tribunal l’a débouté de son recours tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 2 janvier 2023 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et portant ordre de quitter le territoire ;

Vu le mémoire en réponse de Monsieur le délégué du gouvernement Jeff RECKINGER déposé au greffe de la Cour administrative le 30 octobre 2024 ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 26 novembre 2024.

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Le 12 mars 2021, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur (A) fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée – police des étrangers, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, occasion à laquelle il s’avéra, suite à une recherche dans la base de données EURODAC, qu’il avait introduit une demande de protection internationale en Grèce en dates des 16 décembre 2019 et 23 juillet 2020.

En date du même jour, l’intéressé fut convoqué à un examen médical en vue de déterminer son âge. Ledit examen médical eut lieu en date du 30 mars 2021, suite auquel un bilan d’estimation de l’âge osseux, dressé le 7 avril 2021, conclut à un âge osseux de l’ordre de 17 ans, tout en retenant que la date de naissance indiquée sur l’acte de naissance versé ne serait pas probable.

En date du 19 avril 2021, les autorités luxembourgeoises s’enquirent auprès de leurs homologues grecs sur l’issue des demandes de protection internationale de Monsieur (A) introduites en Grèce et les prièrent de leur fournir des informations sur d’éventuels documents d’identité déposés par celui-ci à cette occasion.

Par courrier du 7 juin 2021, les autorités grecques informèrent leurs homologues luxembourgeois que Monsieur (A) leur avait remis une carte d’identité afghane dans le cadre de ses demandes de protection internationale, que ces demandes n’avaient pas encore été traitées et qu’il avait été enregistré en tant que majeur suite à un test osseux.

En date du 24 juin 2021, la direction de l’Immigration saisit le juge aux affaires familiales près le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg par une demande de désignation d’un administrateur ad hoc dans le chef de Monsieur (A).

Par une ordonnance du juge aux affaires familiales près le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, du 19 juillet 2021, retenant le … comme date de naissance de Monsieur (A), Maître Ardavan FATHOLAHZADEH fut désigné administrateur ad hoc de ce dernier dans le cadre de sa demande de protection internationale.

En date du 18 août 2021, Monsieur (A), en présence de son mandataire, fut de nouveau entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée – police des étrangers, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

En date du 3 février 2022, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 2 janvier 2023, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée le 5 janvier 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après « le ministre », informa Monsieur (A) que sa demande de protection internationale avait été refusée comme étant non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours. Ladite décision est libellée comme suit :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 12 mars 2021 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 12 mars 2021, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 3 février 2022 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale ainsi que les documents versés à l'appui de votre demande de protection internationale.

Il convient de noter que vous avez introduit une demande de protection internationale en Grèce le 23 juillet 2020 sous une autre identité, à savoir celle de (A1), né le …, alors qu'au Luxembourg vous déclarez vous nommer (A) et être né le …. Vous avez quitté la Grèce, en direction du Luxembourg, sans avoir attendu l'issue de votre procédure de protection internationale. Afin de rejoindre le Luxembourg, vous seriez passé par l'Italie, la Suisse et la France, sans toutefois y introduire de demande de protection internationale. Vous alléguez avoir tenté d'introduire une demande de protection internationale en Suisse sans succès alors que les autorités suisses vous auraient renvoyé en Italie. Notons dans ce contexte que vous n'êtes pas en mesure de prouver vos dires qui restent dès lors au stade de pures allégations.

De plus le système Eurodac ne renseigne aucune autre demande de demande de protection internationale que vous auriez introduite de sorte que les autorités suisses n'ont pas pu vous « renvoyer » en Italie.

Il convient également de souligner qu'il ressort de votre dossier qu'en Grèce, vous avez présenté une carte d'identité dont vous précisez qu'il s'agirait d'un faux document d'identité que vous vous seriez procuré puisque « Là où j'étais il n'y avait que des mineurs. La plupart n'avaient pas de document d'identité, ils parlaient entre eux d'une personne qui pouvait faire de documents d'identité acceptable en Grèce. Sans en parler à mes parents j'ai décidé de me faire faire un document d'identité comme les autres qui étaient là » (p.3/10 de votre rapport d'entretien). Une expertise médicale en vue de déterminer votre âge réel a été faite en Grèce de laquelle il résultait que vous êtes majeur. Puis, étant donné que vous avez déclaré être mineur à votre arrivé au Luxembourg, un examen médical a été effectué le 7 avril 2021 au Luxembourg qui a retenu comme âge minimum 17 ans, même si votre âge estimé est plus élevé.

De plus, vous avez remis une deuxième carte d'identité, différente de celle remise en Grèce, qui renseigne une troisième date de naissance, à savoir celle du 1er janvier 2003 selon laquelle vous étiez majeur. Bien que celle-ci ait été déclarée authentique par l'Unité de la Police à l'Aéroport, elle manque de pertinence alors que les conditions d'obtention d'un tel document, à savoir que le demandeur doit être présent lors de la délivrance du document, n'étaient pas remplies. En effet, il ressort d'un rapport de « Landinfo » sur les tazkeras, passeports et autres documents d'identité afghans que, sous l'ancien régime afghan, seuls les enfants de moins de sept ans étaient exemptés de l'obligation de se présenter en personne pour se voir délivrer une tazkera. Toutefois, vous indiquez que vous ne vous trouviez pas sur place à la date de délivrance du document, et que votre mère s'est faite procurer ce document par une tierce personne. Par conséquent, de sérieux doutes quant à votre âge réel subsistent.

Vous déclarez être de nationalité afghane, d'ethnie Hazara et de confession musulmane chiite. Vous indiquez être né à … en Iran et y avoir vécu avec vos parents et votre fratrie jusqu'à votre départ pour l'Europe. Vous précisez ne jamais avoir séjourné en Afghanistan ni même y auriez-vous passé des vacances.

En ce qui concerne les raisons pour lesquelles vous ne pourriez pas vivre dans votre pays d'origine, en l'occurrence l'Afghanistan, vous indiquez craindre être tué par les Taliban soit en raison de votre appartenance à l'ethnie Hazara et de votre confession musulmane chiite, et en raison du fait que vous seriez considéré mécréant pour avoir vécu en Europe.

A l'appui de votre demande de protection internationale, vous remettez votre carte d'identité afghane dont l'authenticité a été confirmée par l'Unité de la Police à l'Aéroport.

Toutefois, comme développé ci-dessus, le document a été émis après votre départ, de sorte que celui-ci ne peut être pris en compte alors qu'il faut se présenter personnellement auprès des autorités compétentes pour pouvoir se le faire établir.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

Il y a lieu de rappeler que suivant l'article 2 p) de la Loi de 2015, une demande de protection internationale est à analyser par rapport au pays d'origine du demandeur, c'est-à-dire le pays dont vous possédez la nationalité, ce qui dans votre cas est l'Afghanistan.

Les faits qui se seraient déroulés en Iran respectivement qui ont un lien avec l'Iran ne peuvent dès lors pas être pris en compte dans l'évaluation de votre demande de protection internationale.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Tout d'abord, il échet de souligner que les raisons que vous avez indiquez à la base de votre demande de protection internationale sur la fiche de motifs lors du jour du dépôt de votre demande de protection internationale au Luxembourg ne sont pas celles que vous avez présentées à l'agent ministériel en charge de son entretien. En effet, lors de l'introduction de votre demande, vous avez indiqué que votre père aurait été envoyé par les autorités iraniennes faire la guerre en Syrie et que, durant ces congés, il se serait rendu en Afghanistan, où il aurait disparu. Après la disparition de votre père, vous auriez été contraint d'aller combattre en Syrie à sa place. Votre mère vous aurait alors obligé de quitter l'Iran. Interrogé sur cette incohérence, vous admettez avoir délibérément menti, alors que des connaissances vous auraient conseillé de raconter cette histoire. Cependant, après avoir menti, vous auriez eu des doutes et auriez demandé conseil à votre avocat. Celui-ci vous aurait assuré qu'il était préférable de dire la vérité.

Force est ainsi de constater que vous ne semblez pas jouer franc jeu avec les autorités luxembourgeoises, alors que vous mentez sur votre âge et votre identité réels et que vous avancez des raisons différentes de votre départ à différents moments de la procédure. Un tel comportement fait preuve d'un désintérêt évident par rapport à la procédure d'asile et n'est évidemment pas celui d'une personne réellement en danger et réellement à la recherche d'une protection, alors qu'on devrait du moins pouvoir attendre d'une telle personne qu'elle joue franc jeu et qu'elle n'essaye pas d'induire en erreur les autorités, quant à son identité, desquelles elle attend se voir offrir une protection internationale. En effet, il saute aux yeux que vous ne semblez avoir aucune envie de collaborer avec les autorités desquelles vous demandez une protection internationale.

Si nous considérons néanmoins que vous avez finalement opté pour la vérité lors de votre entretien personnel, les craintes suivantes que vous avez exprimées doivent être analysées :

Premièrement, vous indiquez ne pas pouvoir vous rendre en Afghanistan, au motif que vous pensez être à risque dans votre pays d'origine en raison de votre appartenance à l'ethnie Hazara et de votre confession musulmane chiite. Dans ce contexte, vous précisez que toutes les personnes d'ethnie Hazara seraient dans la ligne de mire des Taliban.

Force est de constater que votre crainte d'être tué en Afghanistan à cause de votre confession musulmane chiite respectivement votre ethnie relève du champ d'application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015 alors que cette crainte est liée à votre religion respectivement à votre ethnie.

Or, il convient néanmoins de constater que vous vous bornez à faire état de considérations générales et ne faites référence à aucun risque, respectivement menace, qui vous toucherait personnellement et individuellement.

Il ne ressort pas des informations à ma disposition que toutes les personnes de confession musulmane chiite respectivement d'ethnie Hazara seraient toutes à risque de devenir victimes de persécution en Afghanistan de par leur seule appartenance ethnique ou confession religieuse.

Il convient dès lors de faire une analyse des motifs individuels et personnels présentés par chaque demandeur de protection internationale.

Il échet de constater que vous n'établissez aucunement être personnellement à risque alors que vous ne faites état que des considérations générales qui sont dépourvues de lien directe avec votre personne.

Il convient dès lors de constater que votre crainte est à qualifier de purement hypothétique. Or, une crainte hypothétique, qui n'est basée sur aucun fait réel ou probable ne saurait constituer une crainte fondée de persécution au sens de la prédite Convention et de la Loi de 2015.

Deuxièmement, Monsieur, vous indiquez craindre d'être tué par les Taliban alors qu'ils considéreraient tous ceux qui auraient vécu en Europe comme étant des mécréants.

Il y a lieu de noter que votre crainte d'être tué en Afghanistan au motif que vous seriez considéré comme mécréant pour avoir vécu en Europe, relève du champ d'application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015 alors que cette crainte se base sur une toile de fond religieuse.

Toutefois, il convient de noter que vous vous bornez dans ce contexte également à faire état de généralités et n'établissez aucunement que vous seriez dans leur collimateur à titre individuel.

Il ne ressort pas des informations dont je dispose que le seul séjour en Europe d'un ressortissant afghan, l'exposerait de manière systématique, en cas de retour dans son pays d'origine, à des persécutions ou à des atteintes graves de la part des Taliban.

Il convient dès lors de conclure que les craintes que vous exprimez sont, une fois de plus, purement hypothétiques. Or, comme susmentionné, une crainte hypothétique, qui n'est basée sur aucun fait réel ou probable ne saurait constituer une crainte fondée de persécution au sens de la prédite Convention et de la Loi de 2015.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

En l'espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous basez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande de reconnaissance du statut du réfugié, et notamment que vous auriez peur d'être tué par les Taliban soit en raison de votre ethnie Hazara et de votre religion, soit en raison du fait que vous avez vécu en Europe et seriez, de ce fait, considéré comme mécréant.

Il convient de noter que ces craintes sont liées aux critères de religion et d'appartenance ethnique énumérés dans la Convention de Genève et la loi de 2015 et ont été analysées en tant que telles dans la première partie de la présente décision. Par conséquent, elles ne seront plus analysées dans le contexte de la protection subsidiaire, puisque, comme mentionné ci-dessus, il s'agit de craintes liées aux critères du statut de réfugié et non pas de la protection subsidiaire.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Suivant les dispositions de l'article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination d'Afghanistan, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 20 janvier 2023, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 2 janvier 2023 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Par jugement du 25 septembre 2024 (n° 48432 du rôle), le tribunal administratif déclara ce recours non justifié en ses deux volets, partant en débouta Monsieur (A) et le condamna aux frais et dépens de l’instance.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 8 octobre 2024, Monsieur (A) a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Moyens des parties L’appelant réitère en substance son exposé antérieur des faits. Il explique être de nationalité afghane, d’ethnie Hazara et de religion musulmane chiite. Il serait dans l’impossibilité de vivre en Afghanistan, où d’après ses dires il n’aurait jamais vécu, mais également en Iran, pays dans lequel il serait né mais ne disposerait d’aucun statut légal.

L’appelant explique que son appartenance ethnique à la communauté des Hazaras ferait qu’il serait de ce simple fait considéré comme un ennemi des Talibans, ce qui l’empêcherait de vivre en Afghanistan en raison d’actes de persécution, respectivement des traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 3 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme que cette communauté subirait de la part des Talibans. Monsieur (A) indique, en se référant aux articles publiés, d’une part, le 4 mars 2024 intitulé « Between a Rock and a Hard Place : the Hazaras in Afghanistan » et, d’autre part, le 29 février 2024 intitulé « Afghanistan : UN expert calls on international community to prioritise human rights of Afghans in any nomalisation », que les membres des minorités ethniques et religieuses en Afghanistan seraient confrontés à des persécutions sévères de la part des Talibans qui les considéreraient comme des cibles légitimes en raison de leur identité ethnique ou religieuse.

Il insiste sur le fait que la situation en Afghanistan serait marquée par un climat de violence généralisée et de répression constante où les opposants présumés des Talibans et les membres des minorités seraient particulièrement vulnérables aux abus et aux persécutions. Pour démontrer la détérioration de la situation sécuritaire en Afghanistan, il se réfère, en sus des articles précités, entre autres, à un rapport du 30 août 2023 de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) sur les derniers développements en Afghanistan et à un arrêt du 14 février 2023 de la Cour nationale du droit d’asile de France qui aurait retenu un état de conflit armé dans 12 provinces afghanes.

L’appelant affirme qu’il risquerait également sa vie en raison de son « occidentalisation », laquelle aurait commencé depuis sa demande de protection internationale en Grèce, le 16 décembre 2019. Concernant son mode de vie, Monsieur (A) souligne qu’il porterait des jeans, des blousons occidentaux et qu’il se raserait la barbe. Il indique également qu’il ne prierait pas, qu’il fréquenterait les discothèques et participerait aux vendanges sur les coteaux de Remich. Il ajoute également qu’il rejetterait toutes les lois et coutumes imposées par les Talibans, alors qu’ils auraient un mode de vie radicalement opposé au sien. En se référant au communiqué de presse n° 167/24 lié à l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne concernant l’octroi d’une protection internationale aux femmes afghanes (C-608/22 et C609/22), il soutient qu’il serait en droit d’obtenir le statut de réfugié au regard de son occidentalisation alors que les hommes afghans occidentalisés seraient considérés comme une menace pour le gouvernement Taliban et que, par extension, il conviendrait de considérer les hommes afghans occidentalisés comme appartenant à un certain groupe social partageant une même vision commune que seraient le respect des libertés de pensée, de religion et d’interdiction des discriminations, contenues dans le mode de vie occidental. Enfin, l’appelant cite un extrait du rapport OSAR « Afghanistan : risques au retour liés à « l’occidentalisation » » qui permettrait de démontrer qu’il serait à considérer comme occidentalisé et que le risque de persécutions serait réel et avéré.

L’appelant indique également qu’il n’aspirerait qu’à vivre dans un environnement qui respecte les droits fondamentaux de l’Homme, à savoir : la liberté de religion, la liberté de penser et le principe de non-discrimination notamment en raison de l’appartenance ethnique.

Il souligne que son comportement, tout à fait légal au Grand-Duché de Luxembourg, serait pénalement répréhensible en Afghanistan et susceptible d’engendrer des châtiments corporels, voire la mort.

En droit, l’appelant déclare tout d’abord vouloir maintenir l’intégralité de ses moyens de droit formulés en première instance tels que figurant dans sa requête introductive de première instance.

L’appelant reproche également au ministre d’avoir rendu sa décision en violation de l’article 10, paragraphe (3), point b), de la loi du 18 décembre 2015 en ce qu’il n’aurait pas basé sa décision sur une analyse de la situation générale de son pays d’origine.

L’appelant affirme réunir l’ensemble des critères pour bénéficier du statut de réfugié tels qu’exigés par les dispositions de la loi du 18 décembre 2015. Il y aurait partant lieu de réformer le jugement du 25 septembre 2024, ainsi que le refus ministériel et de lui accorder le statut de réfugié.

L’appelant demande, à titre subsidiaire, le statut de la protection subsidiaire sur le fondement de l’article 48, point b), de la loi du 18 décembre 2015 et soutient qu’en cas de retour dans son pays d’origine, il encourrait la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants et souligne que les autorités talibanes ne pourraient lui permettre un respect effectif de ses droits à un procès équitable et à un recours effectif.

L’appelant demande également la réformation du jugement du 25 septembre 2024 par l’annulation de la décision portant l’ordre de quitter le territoire.

De son côté, le délégué du gouvernement conclut en substance à la confirmation intégrale du jugement entrepris et de la décision ministérielle litigieuse. En effet, la partie étatique affirme que l’appelant n’apporterait aucun élément nouveau qui serait susceptible d’infirmer le jugement entrepris.

Par rapport à la demande formulée par l’appelant selon le dispositif de la requête d’appel d’ordonner la communication du dossier administratif, le délégué du gouvernement souligne qu’il aurait communiqué le dossier administratif en intégralité, y inclus le rapport de police, au greffe du tribunal administratif dans le cadre de la première instance.

Selon la partie étatique, il n’existerait aucune source permettant de conclure que les Hazaras seraient attaqués exclusivement, expressément et de manière systématique et généralisée en raison de leur ethnie ou de leur religion et que l’appelant n’établirait pas que le seul fait d’appartenir à cette ethnie et d’être de confession chiite serait suffisant pour se prévaloir d’une crainte fondée d’être persécuté par les Talibans.

Concernant l’occidentalisation, la partie étatique indique que l’appelant aurait omis de verser le moindre élément concret qui permettrait d’étayer ses allégations et d’établir qu’il aurait transgressé les normes morales ou sociales afghanes et qu’il aurait durablement adopté des attitudes et valeurs occidentales auxquelles il ne pourrait plus renoncer en cas de retour en Afghanistan. Par ailleurs, la partie étatique considère que les éléments mis en avant par l’appelant ne permettraient que d’établir de simples efforts d’intégration (tenue vestimentaire, coupe de cheveux, apprentissage de la langue, participation aux vendanges) sans constituer une renonciation claire et équivoque à l’identité culturelle afghane et ainsi l’appelant ne saurait être qualifié d’occidentalisé.

Selon la partie étatique, concernant la protection subsidiaire, l’appelant n’apporterait aucun élément concret qui permettrait d’établir une crainte dans son chef de subir des traitements inhumains ou dégradants de la part des Talibans en cas de retour en Afghanistan.

Analyse de la Cour A titre liminaire, la Cour relève que si l’appelant demande, selon le dispositif de la requête d’appel, qu’il soit ordonné à l’Etat de lui transmettre l’ensemble du dossier administratif et « notamment le rapport de police », il n’en reste pas moins que le dossier administratif a été déposé en première instance avec le mémoire en réponse. Par ailleurs, l’appelant n’explique pas en quoi le dossier ainsi versé serait à considérer comme incomplet, ni à quel rapport de police il entend se référer.

La demande afférente est partant rejetée.

Concernant la déclaration de l’appelant selon laquelle il entend maintenir l’intégralité de ses moyens en droit exposés en première instance, la Cour se doit de rappeler itérativement qu’elle est saisie dans la limite des prétentions des parties, telles que concrétisées à travers les moyens invoqués dans leurs requête ou mémoires. Il s'ensuit que sauf l'hypothèse des moyens à soulever d'office, elle n'est pas amenée à prendre position par rapport aux moyens qui ne figurent pas dans les conclusions d'appel, en sorte qu'elle n'est pas tenue de répondre aux conclusions de première instance auxquelles se réfèrent simplement les conclusions d'appel.

En effet, l'appel étant nécessairement dirigé contre un jugement, les conclusions de première instance prises à l'encontre de la décision ministérielle déférée au fond ne sauraient valoir ipso facto et ipso jure, par référence, comme moyens d'appel, étant donné que par essence elles ne sont pas formulées par rapport au jugement de première instance non encore intervenu au moment où elles ont été prises (cf. notamment Cour adm. 6 avril 2006, n° 20736C du rôle).

Il s’ensuit que la Cour n’est pas utilement appelée à analyser les moyens de première instance auxquels il a simplement été renvoyé par la partie appelante sans développement circonstancié en instance d’appel.

Quant au fond, l’appelant reproche au ministre d’avoir rendu sa décision en violation de l’article 10, paragraphe (3), point b), de la loi du 18 décembre 2015 en ce qu’il n’aurait pas basé sa décision sur une analyse de la situation générale de son pays d’origine.

Cette disposition est libellée comme suit :

« (3) Le ministre fait en sorte que les décisions sur les demandes de protection internationale soient prises à l’issue d’un examen approprié. A cet effet, il veille à ce que:

a) (…) b) des informations précises et actualisées soient obtenues auprès de différentes sources, telles que le Bureau européen d’appui en matière d’asile (BEAA) et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), ainsi que les organisations internationales compétentes en matière de droits de l’homme, sur la situation générale existant dans les pays d’origine des demandeurs et, le cas échéant, dans les pays par lesquels les demandeurs ont transité, et à ce que le personnel chargé d’examiner les demandes et de prendre les décisions ait accès à ces informations;

(…) ».

En l’espèce, la Cour est amenée à conclure que le moyen afférent n’est pas fondé, dans la mesure où il résulte de la lecture de la décision ministérielle litigieuse que le ministre a effectivement fondé son appréciation sur des sources visant la situation générale en Afghanistan, tel que cela est requis par l’article 10 de la loi du 18 décembre 2015. En effet, le ministre indique que « il ne ressort pas des informations à ma disposition que toutes les personnes de confession musulmane chiite respectivement d’ethnie Hazara seraient toutes à risque de devenir victimes de persécution en Afghanistan de par leur seule appartenance ethnique ou confession religieuse » et que « il ne ressort pas des informations dont je dispose que le seul séjour en Europe d’un ressortissant afghan, l’exposerait de manière systématique, en cas de retour dans son pays d’origine, à des persécutions ou à des atteintes graves de la part des talibans ». La partie appelante n’apporte aucun élément actuel circonstancié qui serait de nature à remettre en cause l’analyse faite par le ministre.

Au vu de ces considérations, le moyen afférent de l’appelant est à rejeter.

S’agissant ensuite du bien-fondé de la décision de refus litigieuse, la Cour rappelle que la notion de « réfugié » est définie par l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Il se dégage de la lecture combinée des articles 2, sub h), 2, sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d'origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l'article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L'octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Il s’y ajoute que la définition du réfugié contenue à l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2, sub g), de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur de protection internationale ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du juge devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

L’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, l’appelant fait état de sa crainte d’être exposé à des persécutions ou des atteintes graves en raison de son appartenance à la communauté Hazara et de son occidentalisation.

La Cour est amenée à confirmer les premiers juges dans leur conclusion selon laquelle les faits et considérations ainsi invoqués par l’appelant ne justifient à suffisance l’octroi ni du statut de réfugié ni de celui conféré par la protection subsidiaire.

En ce qui concerne d’abord les craintes de l’appelant de faire l’objet de persécutions de la part des Talibans en raison de son appartenance à l’ethnie Hazara, il convient de rappeler, par rapport à la situation générale des membres de cette communauté en Afghanistan, que si les membres de l’ethnie Hazara font l’objet de la persistance d’actes de violence et de harcèlements persistants de la part des Talibans, il ne ressort néanmoins pas des éléments d’informations soumis à la Cour que les Hazaras feraient l’objet de persécutions généralisées et systématiques du seul fait de leur origine ethnique ou de leur confession musulmane chiite.

Tel que déjà retenu par la Cour dans ses arrêts des 19 mai 2022 (n° 46363C du rôle), 30 juin 2022 (n° 46108C du rôle), 30 mai 2024 (n° 50080C du rôle) et récemment dans ses arrêts du 24 octobre 2024 (n° 50859C du rôle) et du 21 novembre 2024 (n° 51245C du rôle), les attaques menées contre les Hazaras sont pour la plupart l’œuvre de l’organisation terroriste « Etat Islamique » de la province du Khorasan et visent surtout les lieux de culte chiites, respectivement des civils Hazaras en raison de leur profil de fonctionnaires, de journalistes ou encore de personnel d’organisations non gouvernementales, attaques qui sont pour le surplus très ponctuelles, non quotidiennes et perpétrées dans les grandes villes du pays.

Il s’ensuit que le seul fait d’être Hazara et de confession chiite n’est pas suffisant en soi pour justifier une crainte de persécution dans le chef de l’appelant.

Cette conclusion n’est pas invalidée par les sources d’informations additionnelles invoquées par l’appelant en instance d’appel. En effet, s’il est certes vrai que certaines publications évoquent un sérieux risque de génocide des Hazaras chiites en Afghanistan, il n’en demeure pas moins que la Cour ne dispose pas de suffisamment d’éléments permettant de retenir que la situation actuelle puisse être qualifiée de telle, de sorte qu’il convient de vérifier si la personne concernée Hazara présente d’autres éléments qui permettraient de conclure qu’elle correspond à un profil plus à risque que d’autres, situation qui n’est pas donnée en l’espèce.

Cependant, Monsieur (A) soutient encore à l’heure actuelle qu’il présenterait un profil à risque particulier en cas de retour en Afghanistan en raison de son « occidentalisation » à la suite de son intégration dans la société luxembourgeoise. S’agissant de cette crainte d’être persécuté par les Talibans et de subir un acte de persécution en cas de retour dans son pays d'origine en raison de sa prétendue occidentalisation, la Cour note que l’appelant se contente d’affirmer qu’il se serait intégré dans la société luxembourgeoise par l’apprentissage de la langue, par la fréquentation d’environnements inconnus et interdits en Afghanistan, telles les discothèques, par son loisir d’écouter de la musique ou encore par la participation aux vendanges sur les coteaux de Remich. Par ailleurs, l’appelant déclare afficher des traits physiques visibles inacceptables en Afghanistan tels que l’absence de barbe, le port de jeans et d’une « coupe de jeune homme occidental » qui risqueraient d’entraîner pour lui des actes de persécutions en cas de retour dans son pays d’origine.

Pour la question de l’occidentalisation d’un demandeur de protection internationale, la Cour tient à réitérer en premier lieu les principes retenus dans ses arrêts du 30 mai 2024 (n°50080C du rôle) et du 13 février 2025 (n°51851C du rôle), à savoir qu’il ne peut pas être affirmé de manière systématique qu’une crainte générale de persécution peut être présumée pour chaque Afghan revenant d’Europe uniquement en raison d’un séjour prolongé dans cette région mais que la Cour est amenée à examiner les circonstances particulières et spécifiques de chaque cas d’espèce, à savoir en substance le degré d’intégration et d’assimilation du mode de vie occidental. Le simple fait de s’être intégré dans le pays d’accueil ne permet pas de conclure ipso facto à une occidentalisation du demandeur de protection internationale, ni d’ailleurs à un risque particulier dans le chef de celui-ci en cas de retour dans son pays d’origine, mais il faut que l’intéressé établisse qu’il a, sur une période prolongée de plusieurs années, développé une conviction profonde, intime, sérieuse et surtout durable des valeurs pratiquées en Occident, de sorte qu’il présente des caractéristiques personnelles et des comportements qu’il est extrêmement difficile ou pratiquement impossible pour lui de modifier ou de dissimuler afin de se réadapter de nouveau au mode de vie afghan pour l’hypothèse d’un éventuel retour en Afghanistan.

La Cour relève cependant que l’appelant reste en défaut de produire le moindre élément concret à l’appui de ses affirmations et de fournir des explications circonstanciées suffisantes qui permettraient d’établir qu’il a acquis un tel profil occidentalisé rendant impossible son retour en Afghanistan. Le seul fait d’avoir vécu quelques années en Europe et de faire état d’une certaine intégration dans la société occidentale par le biais de ses tenues vestimentaires, de sa coupe de cheveux ou encore de sa fréquentation de discothèques, n’est pas à lui seul suffisant pour justifier l’octroi d’une protection internationale à ce titre, les craintes afférentes ne traduisant dès lors qu’un vague sentiment d’insécurité.

Si la partie étatique relève que l’appelant n’indique pas « avoir renoncé à parler sa langue maternelle depuis son arrivée sur le territoire luxembourgeois » ou encore qu’il « ne saurait aucunement prouver qu’il aurait pris ses distances par rapport à l’Islam et qu’il aurait renoncé à sa religion seulement parce qu’il ne la pratiquerait plus », la Cour tient à relever que le fait de rester attaché à sa langue maternelle et à sa religion n’est pas incompatible avec l’adoption d’un mode de vie occidental.

Au vu de ces éléments, la Cour arrive à la conclusion que c’est à bon droit que le ministre et le tribunal ont retenu que l’appelant n’a pas fait état d’une crainte fondée de persécutions au sens de l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 ou d’un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48, point b), de la même loi en relation avec son vécu personnel, tel que relaté à l’appui de sa demande de protection internationale en cas de retour dans son pays d’origine.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon escient que les premiers juges ont conclu que l’appelant ne saurait bénéficier ni du statut de réfugié, ni du statut conféré par la protection subsidiaire sur la base des faits invoqués à l’appui de sa demande de protection internationale.

Enfin, concernant l’ordre de quitter le territoire, dès lors que l’article 34, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 dispose qu’« une décision du ministre vaut décision de retour. (…) » et qu’en vertu de l’article 2, sub q), de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire », l’ordre de quitter est à considérer comme constituant la conséquence automatique du refus de protection internationale, avec comme conséquence pour le cas d’espèce, où le rejet ministériel de la demande de protection internationale vient d’être déclaré justifié dans ses deux volets, que l’ordre de quitter n’est pas sérieusement critiquable ni critiqué, étant relevé qu’il vient d’être retenu ci-avant que les craintes invoquées par l’appelant ne véhiculent pas un risque réel et actuel de subir des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants.

Il s’ensuit que le jugement est encore à confirmer en ce qu’il a refusé de réformer cet ordre de quitter le territoire.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelant.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 8 octobre 2024 en la forme, au fond, déclare l’appel non justifié et en déboute, partant, confirme le jugement entrepris du 25 septembre 2024, condamne l’appelant aux dépens et frais de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu à l’audience publique du 20 mars 2025 au local ordinaire des audiences de la Cour par le premier conseiller Lynn SPIELMANN, délégué à cette fin, en présence du greffier de la Cour.

s. SANTOS s. SCHROEDER 14


Synthèse
Numéro d'arrêt : 51457C
Date de la décision : 20/03/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 25/03/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2025-03-20;51457c ?

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