N° 49 / 2025 du 20.03.2025 Numéro CAS-2024-00102 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt mars deux mille vingt-cinq.
Composition:
Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, président, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Anne MOROCUTTI, conseiller à la Cour d’appel, Antoine SCHAUS, conseiller à la Cour d’appel, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.
Entre I. les personnes suivantes à titre de parents et/ou héritiers des victimes décédées lors des attentats du 11 septembre 2001 agissant en leur nom personnel :
PERSONNES 1.) – 162.) II. les mêmes parties que sub I en tant que représentants et/ou héritiers des successions (estates) des victimes décédées lors des prédits attentats du 11 septembre 2001, à savoir :
PERSONNES 163.) – 189.) III. les personnes suivantes agissant en tant que représentants des parents et/ou héritiers des victimes décédées lors des attentats précités :
PERSONNES 190.) – 201.) demandeurs en cassation, comparant par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et 1) la BANQUE CENTRALE X), organisme public, représentée par le représentant légal ou statutaire, établie à ADRESSE1.), 2) la République
____ d’X), représentée par le Ministre des Affaires étrangères, Monsieur PERSONNE1.), Ministère des Affaires étrangères, établi à ADRESSE2.),
____, X), 3) l’PERSONNE2.), ancien Président de la République
____ X), sans état connu, représenté par le Ministre des Affaires étrangères, Monsieur PERSONNE1), Ministère des Affaires étrangères, demeurant à ADRESSE2.), X), 4) le Ministère X) de l’Information et de la Sécurité, représenté par le Ministre des Affaires étrangères, Monsieur PERSONNE1), Ministère des Affaires étrangères, établi à ADRESSE2.),
____, X), 5) l’Organisation
____ Corps des Gardes Révolutionnaires, organisation politique, représentée par Monsieur le Ministre des Affaires étrangères, Monsieur PERSONNE1), Ministère des Affaires étrangères, établi à ADRESSE2.),
____, X), 6) le Ministère X)ien du Pétrole, organisme public, représenté par le représentant légal ou statutaire, établi à ADRESSE3.), 7) le Ministère X) des Affaires Economiques et des Finances, organisme public, représenté par le Ministre, établi à ADRESSE2.),
____, X), 8) le Ministère X) du Commerce, organisme public, représenté par le Ministre, établi à ADRESSE4.), 9) le Ministère X) de la Défense et de la Logistique des Forces Armées, représenté par le Ministre, établi ADRESSE5.), 10) la SOCIETE1.), organisme public, représentée par le représentant légal ou statutaire, établie à ADRESSE6.), 11) la SOCIETE2.), organisme public, représentée par le représentant légal ou statutaire, établie à ADRESSE3.) , 12) la Société Nationale de Gaz X), organisme public, représentée par le représentant légal ou statutaire, établie à ADRESSE7.), 13) la Compagnie aérienne d’X), organisme public, représentée par le représentant légal ou statutaire, établie à ADRESSE8.), 14) la Compagnie Nationale X) Pétrochimique, organisme public, représentée par le représentant légal ou statutaire, établie à ADRESSE9.), défendeurs en cassation, comparant par la société en commandite simple BONN STEICHEN & PARTNERS, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Fabio TREVISAN, avocat à la Cour, 15) la société anonyme SOCIETE3.), établie et ayant son siège social à L-
ADRESSE10.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), défenderesse en cassation, comparant par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Philippe DUPONT, avocat à la Cour, 16) PERSONNE3.), ancien Président de la République
____ d’X), représenté par le Ministre des Affaires étrangères, Monsieur PERSONNE1), Ministère des Affaires étrangères, ayant demeuré à ADRESSE2.),
____, X).
___________________________________________________________________
Vu l’arrêt attaqué numéro 9/24-VIII-REF rendu le 25 janvier 2024 sous le numéro CAL-2020-00544 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, huitième chambre, siégeant en matière d’appel de référé ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 10 mai 2024 par les demandeurs en cassation aux défendeurs en cassation sub 1) à 15), déposé le 3 juillet 2024 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 3 juillet 2024 par les défendeurs en cassation sub 1) à 14) aux demandeurs en cassation et à la société anonyme SOCIETE3.) (ci-après « la société SOCIETE3.) »), déposé le 5 juillet 2024 au greffe de la Cour ;
Vu le mémoire en réponse signifié les 4 et 5 juillet 2024 par la société SOCIETE3.) aux demandeurs en cassation et aux défendeurs en cassation sub 1) à 14), déposé le 9 juillet 2024 au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions du procureur général d’Etat adjoint Marie-Jeanne KAPPWEILER ;
Vu la note de plaidoiries déposée le 24 janvier 2025 au greffe de la Cour par Maître Philippe DUPONT pour la société SOCIETE3.) en ce qu’elle se situe dans les limites du pourvoi en cassation et en ce que les droits de la défense sont respectés ;
Vu la note de plaidoiries déposée le 27 janvier 2025 au greffe de la Cour par Maître Fabio TREVISAN pour les défendeurs en cassation sub 1) à 14) en ce qu’elle se situe dans les limites du pourvoi en cassation et en ce que les droits de la défense sont respectés ;
Entendu Maître François MOYSE, Maître Philippe DUPONT et Maître Laure-Hélène GAICIO-FIEVEZ, en remplacement de Maître Fabio TREVISAN, en leurs plaidoiries et Madame Simone FLAMMANG, procureur général d’Etat adjoint, en ses conclusions.
Donnant acte aux demandeurs en cassation qu’ils renoncent à la demande à l’encontre de PERSONNE3.), ancien Président de la République
____ d’X), qui est décédé en date du 8 janvier 2017.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, la BANQUE CENTRALE X) (ci-après « la BANQUE CENTRALE ») avait saisi le juge des référés du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg aux fins de voir constater l’illégalité de la saisie-arrêt pratiquée à son détriment le 27 mars 2020 entre les mains de la société SOCIETE3.) par des parents et/ou héritiers de victimes décédées lors des attentats de New York du 11 septembre 2001, agissant soit en leur nom personnel, soit en tant que représentants et/ou héritiers des successions desdites victimes, pour avoir sûreté et paiement de montants leur revenant en vertu d’un « Final order and judgment on compensatory damages » rendu par défaut le 26 février 2018 par la « United States District Court Southern District of New York » et voir ordonner la mainlevée de la saisie-arrêt principalement sur base de l’article 933, alinéa 1, du Nouveau Code de procédure civile, sinon de l’article 932, alinéa 1, du même code. Le juge des référés avait déclaré irrecevable la saisie-arrêt et partant ordonné sa mainlevée.
Par arrêt rendu le 27 avril 2022, la Cour d’appel, par réformation, avait dit l’appel des demandeurs en cassation fondé, avait dit irrecevables les demandes de la BANQUE CENTRALE en mainlevée de la saisie-arrêt en ce qu’elles prenaient appui sur une violation de l’article 111, paragraphe 5, de la loi modifiée du 10 novembre 2009 relative aux services de paiement, à l’activité d’établissement de monnaie électronique et au caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et les systèmes de règlement des opérations sur titres (ci-après « la LSP ») et sur une violation de l’impossibilité de saisir les fonds de tiers, et non fondée celle en mainlevée de la saisie-arrêt en ce qu’elle prenait appui sur une violation de l’article 20 de la loi du 1er août 2001 concernant la circulation de titres (ci-après « la loi du 1er août 2001 »).
Par deux arrêts du 28 septembre 2023, la Cour de cassation avait cassé l’arrêt du 27 avril 2022 et renvoyé devant la Cour d’appel, autrement composée.
La Cour d’appel, après avoir examiné les limites de sa saisine suite aux arrêts rendus par la Cour de cassation, a confirmé l’ordonnance entreprise en ce qu’elle avait déclaré irrecevable la saisie-arrêt pratiquée le 27 mars 2020 et a ordonné la mainlevée de cette saisie-arrêt.
Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 933, paragraphe premier, du Nouveau Code de procédure civile, en ce que, première branche, la Cour d’appel a décidé que des PARTIES APPELANTES d’avoir rapporté la preuve d’une contestation sérieuse du trouble manifestement illicite constitué par la saisie-arrêt litigieuse est non fondée en ce qui concerne l’argumentation tirée de l’inapplicabilité de l’article 111 (5) de la LSP aux fonds saisis » ;
aux motifs qu’… il y a lieu de relever que la Cour de cassation ne s’est prononcée que sur la question de savoir quelle partie à l’instance a la charge de la preuve de prouver l’existence auprès de la société SOCIETE3.) de comptes autres qui ne seraient ni des comptes de règlement, ni des comptes accessoires à un compte de règlement, en présence d’une disposition d’ordre public n’autorisant la société SOCIETE3.) à détenir que des comptes de règlement », qu’… il y a lieu de retenir que la détermination de la notion exacte de "compte de règlement", outre le fait qu’elle dépasse les pouvoirs du juge des référés, n’est, relatif à cette argumentation, pas déterminante pour la solution du litige, étant donné que la société SOCIETE3.) n’est légalement autorisée à tenir que des comptes de règlement, respectivement des comptes autres que de règlement qu’à titre d’accessoires à de tels comptes de règlement », et que les PARTIES APPELANTES argumentent encore qu’il résulterait de l’arrêt n°98/2023 que la Cour de cassation leur aurait accordé le droit de démontrer que la saisie-arrêt porte sur des avoirs qui ne se trouvent ni sur un compte de règlement, ni sur un compte accessoire à un compte de règlement », qu’il y a lieu de relever d’emblée que cette argumentation ne saurait être retenue par la Cour d’appel de renvoi, le libellé de l’arrêt n° 98/2023 n’impliquant nullement la conséquence juridique invoquée », Alors que, si la Cour d’appel ne s’était pas limitée à se fonder, in abstracto, sur une interprétation contestée de la législation en vigueur sans procéder à une analyse in concreto des moyens en fait et en droit des parties demanderesses en cassation, qui dépassent la compétence de la Cour d’appel statuant en matière de référés et qui constituent dès lors des contestations sérieuses du trouble manifestement illicite, ce que la Cour d’appel a reconnu elle-même, elle aurait dû se déclarer incompétente pour connaître du litige qui lui était soumis ;
En ce que, seconde branche, la Cour d’appel a reçu et incident » et a déclaré Aux motifs que instance d’avoir retenu que l’analyse des manœuvres frauduleuses invoquées par les PARTIES APPELANTES dépasse le pouvoir d’appréciation du juge des référés » ;
Alors que, en admettant que l’analyse des faits invoqués à l’appui du moyen de droit fondé sur le principe dépasse le pouvoir d’appréciation du juge des référés, la Cour d’appel aurait dû se déclarer incompétente pour connaître de la présente affaire ou déclarer irrecevable la demande introduite par la partie défenderesse sub 1) sur base de l’article 933, alinéa premier, du NCPC, puisque le moyen qui dépasse le pouvoir d’appréciation du juge des référés constitue manifestement une contestation sérieuse du trouble manifestement illicite invoqué par la partie défenderesse sub 1), de sorte que le juge des référés n’a pas compétence pour statuer sur l’affaire qui lui est soumise. ».
Réponse de la Cour Sur la première branche du moyen Les demandeurs en cassation font grief aux juges d’appel d’avoir violé les dispositions de l’article 933, alinéa 1, du Nouveau Code de procédure civile, en n’ayant pas analysé in concreto leurs moyens de fait et de droit qui, selon eux, valaient contestation sérieuse du trouble manifestement illicite et sur base desquels les juges d’appel auraient dû se déclarer incompétents.
En retenant « Aux termes de l’article 933 alinéa premier du nouveau code de procédure civile, .
C’est à juste titre que le juge de première instance a rappelé que l’intervention du juge sur base du référé-sauvegarde exige la constatation par celui-
ci d’une voie de fait, qui se définit comme étant constituée par une atteinte manifestement illicite et intolérable à un droit certain et évident d’autrui par l’accomplissement par son auteur d’actes matériels aux fins d’usurper un droit qu’il n’a pas ou pour se rendre justice à soi-même.
Le trouble manifestement illicite se définit comme résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit ». Le trouble manifestement illicite procède donc de la méconnaissance d’un droit, d’un titre, ou corrélativement, d’une interdiction les protégeant (Jacques et Xavier VUITTON, Les référés, 3° édition, n° 282).
Le trouble consiste dans un acte ou une abstention s’inscrivant en méconnaissance de l’ordre juridique établi qu’il faut, d’une part, faire cesser pour être inadmissible en tant que constituant une illicéité. Il s’agit d’autre part, de préserver ou rétablir un statu quo avant l’intervention du juge du fond (eodem loco, n° 285).
L’illicéité se comprend comme la méconnaissance d’une norme juridique obligatoire, que son origine soit délictuelle ou contractuelle, législative ou réglementaire, de nature civile ou pénale. Quel que soit le droit auquel il est porté atteinte, l’action peut également tendre à s’opposer à un procédé auquel une partie aurait recours pour régler le différend, obtenir le bénéfice de ce droit ou éviter d’assumer une obligation. Peu importe dans ce cas, que l’auteur du trouble ait ou non raison sur le fond du droit. L’illicéité tient en ce qu’il s’est fait justice à lui-même et a recouru à une voie de fait pour clore le différend qui l’oppose à la partie adverse, ce qui consacre l’existence d’un trouble manifestement illicite (eodem loco, n° 288 et 291).
Le caractère manifeste du trouble illicite renvoie à la raison d’être initiale du juge des référés, juge de l’immédiat, de l’évident, ce qui paraît impliquer une intervention dans un litige exempt de doute. Le juge des référés ne disposant pas de temps et son intervention ne supportant pas de retard, le trouble dont il est saisi doit être incontestable. L’intervention du juge des référés reste nécessairement marquée par une évidence, même s’il est autorisé à procéder à des recherches plus approfondies qu’autrefois pour la mettre en évidence. (eodem loco, n° 293).
Il suit de la nécessité du caractère manifeste du trouble que le juge des référés n’est plus compétent s’il existe une contestation sérieuse au fond par rapport au trouble illicite.
La demande est donc irrecevable lorsque la contestation porte soit sur l’existence même du trouble allégué, soit sur le prétendu caractère manifestement illicite de ce trouble. » et « L’article 111 (5) de la LSP dispose que :
auprès d’un opérateur de système ou d’un organe de règlement, de même que tout transfert, via un établissement de crédit de droit luxembourgeois ou étranger, à porter à un tel compte de règlement, ne peut être saisi, mis sous séquestre ou bloqué d’une manière quelconque par un participant (autre que l’opérateur du système ou l’organe de règlement), une contrepartie ou un tiers ».
L’objet de cette disposition est de nature préventive :
les systèmes contre des saisies-arrêts, des mesures de séquestre, des ordres de blocage ou toute autre mesure analogue sur des comptes de règlement à solde créditeur des participants auprès de l’opérateur du système ou de l’organe de règlement. De telles mesures risquent d’empêcher le règlement des ordres de transfert en cours d’exécution et partant de compromettre le bon fonctionnement des systèmes agréés au Luxembourg » (Doc. Parl. 4611, du 6.1.2000, page 17).
Cette interdiction de saisie permet d’éviter notamment que des transactions conclues entre professionnels ne puissent pas être débouclées, que des titres indispensables pour les prêts de titres restent disponibles dans les systèmes ou que des opérations de politique monétaire des banques centrales ne soient bloquées.
Il n’est pas contesté que cette disposition est d’ordre public.
Les PARTIES APPELANTES ne contestent pas que la société SOCIETE3.) est un opérateur de système.
Elles contestent cependant que la société SOCIETE3.) ne tienne que des comptes de règlement et elles concluent à l’inapplicabilité de l’article 111 (5) de la LSP aux fonds saisis.
Les PARTIES APPELANTES réitèrent dans ce contexte leur argumentation tirée de la nécessité de procéder à une interprétation de la notion même de , argumentation basée sur des définitions divergentes de cette notion inscrite à l’article 107, point 14 de la loi modifiée de 2009 et de l’article 2, point I) de la Directive Finalité. Elles formulent, dans ce cadre, leur première question préjudicielle libellée au dispositif de l’acte d’appel qu’elles proposent de soumettre à la CJUE afin de voir clarifier la question de savoir sous quelles conditions un compte doit recevoir la qualification de compte de règlement.
La Cour de cassation a retenu dans son arrêt n°98/2023 que la société SOCIETE3.) n’est légalement autorisée à ne tenir que des comptes de règlement, respectivement des comptes autres que de règlement qu’à titre d’accessoires à de tels comptes de règlement, la demanderesse en cassation est en droit d’arguer du caractère insaisissable de tels comptes et partant du trouble manifestement illicite découlant de la saisie-arrêt pratiquée sur les avoirs détenus sur le compte y ouvert en son nom, et il incombe à la partie saisissante d’établir que la saisie-arrêt porte sur un compte autre que ceux mentionnés ci-dessus. ».
Les PARTIES APPELANTES en déduisent que la société SOCIETE3.) serait légalement autorisée à tenir des comptes autres que des comptes de règlement ou des comptes accessoires à des comptes de règlement, du moins dans certains cas. Elles estiment que la nature des fonds saisis, lesquels se trouveraient bloqués et gelés depuis 2009, soit isolés et séparés du système de règlement des titres par la société SOCIETE3.) elle-même depuis 2012, ferait en sorte que ces fonds ne se trouveraient plus sur un compte participant au système de paiement visé par l’interdiction de saisie.
Toutefois, il y a lieu de relever que la Cour de cassation ne s’est prononcée que sur la question de savoir quelle partie à l’instance a la charge de la preuve de prouver l’existence auprès de la société SOCIETE3.) de comptes autres qui ne seraient ni des comptes de règlement, ni des comptes accessoires à un compte de règlement, en présence d’une disposition d’ordre public n’autorisant la société SOCIETE3.) à détenir que des comptes de règlement.
L’article 19, paragraphe 3, point b du Traité sur l’Union européenne, ainsi que l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoient la compétence de la CJUE pour se prononcer à titre préjudiciel sur l’interprétation des traités et sur la validité et l’interprétation du droit dérivé de l’Union européenne lorsque la décision sur un tel point est nécessaire pour qu’une juridiction nationale puisse trancher un litige qui lui est soumis. La possibilité de soumettre une question préjudicielle à la CJUE est limitée aux questions qui mettent en cause l’interprétation des traités ou la validité et l’interprétation de l’intégralité du droit dérivé de l’Union européenne. Le juge national dispose d’une certaine latitude pour poser une question préjudicielle à la CJUE. Il peut être d’avis que le litige qui lui est soumis ne comporte aucune incidence en termes de droit communautaire et que la question d’un renvoi préjudiciel ne se pose pas. Pour autant que le droit européen a une incidence sur le litige, le renvoi préjudiciel est facultatif pour les juridictions nationales dont les décisions peuvent faire l’objet d’un recours interne, tel le cas en l’espèce (Th. Hoscheit, Le droit judiciaire privé, n°883 et 884 cités par Cour d’appel, 11 décembre 2019, n°CAL-2018-00667 du rôle).
Au vu de l’arrêt n°98 de la Cour de cassation, il y a lieu de retenir que la détermination de la notion exacte de , outre le fait qu’elle dépasse les pouvoirs du juge des référés, n’est, relatif à cette argumentation, pas déterminante pour la solution du litige, étant donné que la société SOCIETE3.) n’est légalement autorisée à tenir que des comptes de règlement, respectivement des comptes autres que de règlement qu’à titre d’accessoires à de tels comptes de règlement.
La demande des PARTIES APPELANTES tendant à voir poser à la CJCE la première question préjudicielle (telle que précitée à la page 17 du présent arrêt) est partant à rejeter.
Les PARTIES APPELANTES argumentent encore qu’il résulterait de l’arrêt n°98/2023 que la Cour de cassation leur aurait accordé le droit de démontrer que la saisie-arrêt porte sur des avoirs qui ne se trouvent ni sur un compte de règlement, ni sur un compte accessoire à un compte de règlement.
Il y a lieu de relever d’emblée que cette argumentation ne saurait être retenue par la Cour d’appel de renvoi, le libellé de l’arrêt n°98/2023 n’impliquant nullement la conséquence juridique invoquée.
Les PARTIES APPELANTES réitèrent leur argumentation basée sur la nature des fonds saisis, soutenant que la société SOCIETE3.) ne tiendrait pas que des comptes de règlement, en faisant valoir qu’à côté de son statut d’opérateur de système et d’organe de règlement, celle-ci aurait également le statut de banque. Elles versent à cet effet les statuts de SOCIETE3.) et renvoient plus particulièrement à l’article 3 des statuts qui dispose :
remboursables du public et l’allocation de crédits pour son propre compte.
La Société assurera plus particulièrement la garde, l’administration et la circulation de valeurs mobilières, de métaux précieux, et d’autres instruments financiers ainsi que les prestations relatives à ses services financiers au Grand-
Duché de Luxembourg ou à l’étranger.
3.2. En outre, la Société a également pour objet la détention de participations, sous quelque forme que ce soit, dans des sociétés luxembourgeoises et étrangères, l’achat, le transfert par vente, échange ou autrement d’actions, d’obligations, de certificats d’obligations, de reconnaissance de dettes, de bons et de toutes autres valeurs mobilières ainsi que la possession, l’administration, le développement et la gestion de son portefeuille. La Société peut prêter ou emprunter avec ou sans garantie, à condition que les sommes empruntées soient affectées à la réalisation des objectifs de la Société ou de ses filiales, sociétés associées ou affiliées. De façon générale, la Société peut assurer toutes opérations financières, commerciales ou industrielles pouvant être utiles à l’accomplissement et le développement de ses objectifs ».
Les PARTIES APPELANTES invoquent que la société SOCIETE3.) aurait, depuis le 1er janvier 1995, le statut de banque autorisée à exercer son activité en application de l’article 2 de la loi du 5 avril 1993 sur le secteur financier.
Il est exact que la société SOCIETE3.) a le statut de banque.
Elle a ce statut parce qu’elle tient des comptes-espèces pour ses participants.
L’article 54(3) (a) du Règlement (UE) du Parlement Européen et du Conseil du 23 juillet 2014 concernant l’amélioration du règlement de titres dans l’Union Européenne et les dépositaires centraux de titres, et modifiant la directive 98/26/CE, exige en effet que tout dépositaire central de titres qui offre à ses participants la tenue d’un compte-espèces ait une licence bancaire.
Ceci n’implique cependant pas automatiquement que la société SOCIETE3.) détienne des comptes autres que des comptes de règlement.
L’article 18.1 du Règlement précité dispose que :
(dépositaire central de titres) agréé sont limitées à la prestation des services couverts par son agrément (…) » interdit en effet à la société SOCIETE3.) d’exercer une quelconque autre activité que celle de dépositaire central de titres.
Bien qu’ayant le statut d’une banque, la société SOCIETE3.) ne peut donc tenir que des comptes de règlement en raison des exigences du prédit Règlement.
Il y a partant lieu de rejeter la demande tendant à voir poser à la CJCE la deuxième question préjudicielle libellée par les PARTIES APPELANTES aux termes du dispositif de leur acte d'appel concernant l’article 54 du Règlement n°909/2014, laquelle, outre le fait qu’elle concerne le fond du litige et que le renvoi préjudicielle dépasse dès lors la compétence du juge des référés, se réfère par ailleurs à une notion, à savoir , qui ne se trouve pas spécifiquement définit par ledit règlement, de sorte qu’une interprétation de cette notion par la CJCE est difficilement concevable.
Afin de justifier une contestation sérieuse par rapport au trouble illicite invoqué par la société SOCIETE3.), les PARTIES APPELANTES doivent rapporter la preuve que la société SOCIETE3.) détiendrait d’autres comptes, qui ne seraient pas des comptes de règlement, et notamment que les comptes saisis ne soient pas des , seuls visés par l’interdiction.
Selon les PARTIES APPELANTES, la société SOCIETE3.) détiendrait au bénéfice de la Banque BANQUE CENTRALE un compte bancaire bloqué (sundry blocked account) et elles soutiennent que les fonds du compte en question, puisque bloqués, n’auraient jamais pu entrer dans le système.
A cela s’ajouterait que les comptes et avoirs de la Banque BANQUE CENTRALE auraient été visés par des mesures internationales prises à l’encontre de l’X), notamment par un gel des avoirs instauré par le règlement (UE) N° 267/2012 du Conseil du 23 mars 2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’X).
Or, des fonds gelés ne pourraient être maintenus dans le système alors qu’ils ne pourraient plus faire l’objet d’aucune opération.
Puisque les comptes pouvaient être gelés par un règlement européen, l’insaisissabilité prévue à l’article 111(5) de la LSP ne serait pas absolue et l’article 111(5) de la loi limiterait l’interdiction de saisir les avoirs à des actifs qui sont dans le système.
Les PARTIES APPELANTES versent à l’appui de leur argumentation un avis juridique du professeur Robert Wtterwulghe du 13 juillet 2016 ainsi qu’un avis juridique de l’avocate Marie-Paule Gillen du 16 janvier 2017.
La société SOCIETE3.) verse de son côté un avis juridique du professeur Ph.-
E. Partsch précisant que la loi modifiée de 2009 n’est pas uniquement une transposition de la , laquelle serait une directive qui ne serait pas d’harmonisation maximale, et qui permettrait aux Etats-membres de règlementer, à l’occasion de la transposition de cette directive, d’autres points de droit non réglés par celle-ci, mais que la loi de 2009 ajouterait trois volets non couverts par la Directive Finalité afin de renforcer la surveillance des systèmes et la fluidité des transactions.
Il convient de rappeler que les comptes saisis ne font actuellement plus l’objet de mesures de gel, dès lors qu’en application du Règlement (UE) 2015/1861 du Conseil du 18 octobre 2015, les sanctions économiques et financières touchant l’Etat X)ien et ses entités affiliées, dont la Banque BANQUE CENTRALE, ont été levées.
Il en résulte que tous les développements des PARTIES APPELANTES relatifs à la nature des comptes bloqués devant nécessairement constituer des comptes , et partant non soumis au caractère insaisissable des comptes de règlement en raison du blocage des fonds sur base des mesures internationales, tombent à faux.
Ainsi le compte-espèces n°NUMERO2.) dit , de même que le compte n°NUMERO3.) dit , ne faisant actuellement plus l’objet de mesures de gel, les parties appelantes sont mal venues d’arguer de la nature spécifique de ces comptes pour échapper à la qualification de comptes de règlement insaisissables.
En ce qui concerne le compte n°NUMERO4.) dit » ou , la société SOCIETE3.) ne conteste pas l’existence de ce compte, mais donne à considérer qu’il fait l’objet d’une mesure interne purement technique requise par ses systèmes informatiques, mais qui serait sans incidence sur la nature du compte et aurait pour seule finalité d’éviter qu’en raison d’une manipulation malheureuse d’un collaborateur, la société SOCIETE3.) puisse se libérer des avoirs en compte. Ce compte resterait toujours un compte client qui, comme tous les autres comptes-clients, serait soumis aux conditions générales de la société SOCIETE3.).
Les PARTIES APPELANTES invoquent dans ce contexte encore des circonstances factuelles établissant le caractère saisissable des fonds saisis, circonstances qui permettraient d’établir que les avoirs saisis ne sont pas destinés à constituer la contrepartie à des transactions de titre dans le système de règlement de la société SOCIETE3.).
A cet égard, elles soutiennent que la Banque BANQUE CENTRALE ne serait pas autorisée à s’engager dans des transactions de titre dans des systèmes de règlement, que le fonctionnement du système SOCIETE3.), tel qu’il résulterait de son propre distinguerait entre des comptes publics et des comptes non publics, qu’en application de l’article 39 du Règlement n°9090/2014 et des quatre premiers paragraphes de l’article 111 (5) de la LSP, les liquidités que la société SOCIETE3.) détient pour ses clients ne relèveraient pas du système de règlement par le seul fait qu’elle auraient été déposées sur un compte auprès de la société SOCIETE3.) , mais qu’elles devraient être liées à un ordre de transfert, qui lui-même devrait être introduit dans le système de règlement de titres. Or, dans la mesure où les avoirs saisis ont été gelés, puis isolés et bloqués, ils ne sauraient faire l’objet d’un ordre de transfert et ils ne sauraient dès lors faire partie du système de règlement de la société SOCIETE3.). Dans ce contexte les PARTIES APPELANTES font encore valoir que les conditions générales de la société SOCIETE3.) prévoient aux articles 23 (2) et 49 (3) des , qui équivaudraient à la phase conservatoire d’une saisie-arrêt.
Dans la mesure où il résulte des développements précédents que la société SOCIETE3.), de par son statut, ne peut tenir que des comptes de règlement, les PARTIES APPELANTES restent en défaut de rapporter la preuve que les circonstances factuelles invoquées ainsi que la mesure interne de blocage du compte auraient pour effet d’altérer la nature juridique du compte n°NUMERO4.) dit .
Il y a dès lors lieu de rejeter les demandes des PARTIES APPELANTES tendant à voir nommer un expert afin de clarifier l’organisation interne des comptes de la société SOCIETE3.) appliquée aux comptes saisis ainsi que celles tendant à recueillir des informations de la part de la société SOCIETE3.). Par ailleurs, de telles demandes tendant à recueillir des informations dans le but de permettre une analyse détaillée du fonctionnement du système SOCIETE3.) dépasseraient largement les pouvoirs du juge des référés, ces pouvoirs étant réservés au juge du fond.
A cet égard, il y a encore lieu de relever que l’article 107 (14) de la LSP définit le compte de règlement comme étant . Cette définition ne contient pas l’exigence, contrairement à l’affirmation des PARTIES APPELANTES, que le compte ne puisse être un compte de règlement que s’il est ou . Les termes de la loi modifiée de 2009 étant clairs et précis, il n’y a pas lieu à interprétation.
La prétention des PARTIES APPELANTES d’avoir rapporté la preuve d’une contestation sérieuse du trouble manifestement illicite constitué par la saisie-arrêt litigieuse est non fondée en ce qui concerne l’argumentation tirée de l’inapplicabilité de l’article 111 (5) de la LSP aux fonds saisis. », les juges d’appel, après avoir exposé les principes régissant le référé-
sauvegarde prévu à l’article 933, alinéa 1, du Nouveau Code de procédure civile, ont procédé à une analyse in concreto des moyens développés par les demandeurs en cassation tendant à démontrer l’existence de contestations sérieuses, sans violer la disposition visée à la première branche du moyen.
Il s’ensuit que le moyen, pris en sa première branche, n’est pas fondé.
Sur la seconde branche du moyen Les demandeurs en cassation, qui avaient invoqué en instance d’appel une collusion frauduleuse entre la BANQUE CENTRALE, la société SOCIETE3.) et la banque SOCIETE4.) pour conclure au caractère saisissable des comptes saisis auprès de la société SOCIETE3.) en application de l’adage fraus omnia corrumpit, font grief aux juges d’appel de ne pas s’être déclarés incompétents pour connaître du litige après avoir approuvé le juge de première instance qui avait retenu que l’analyse des manœuvres frauduleuses dépassait le pouvoir d’appréciation du juge des référés.
Dans sa note de plaidoiries du 24 janvier 2025, la société SOCIETE3.) conclut à l’irrecevabilité de la seconde branche du premier moyen pour être devenue sans objet par effet du jugement rendu le 18 juin 2024 par le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, dans la procédure en validation de la saisie-arrêt, dans lequel les juges du fond auraient décidé que le transfert des titres entre comptes de règlement n’était pas frauduleux.
Dans ce jugement, les juges du fond ont retenu « (…) tous les développements au sujet d’une éventuelle simulation, respectivement le fait de cacher » » les avoirs de la BANQUE CENTRALE, sont à rejeter comme étant sans fondement. » et « En conséquence (…) la demande dirigée contre la SOCIETE4.) … est à déclarer irrecevable. ».
Dans le dispositif du jugement la banque SOCIETE4.) a partant été mise hors cause.
Il en découle que les juges du fond ont conclu, dans la procédure en validation de la saisie-arrêt, que le transfert des avoirs entre les banques BANQUE CENTRALE et SOCIETE4.) n’était pas frauduleux.
Au vu de cette décision au fond, le moyen, pris en sa seconde branche, est inopérant.
Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de la loi, in specie de la mauvaise application des dispositions de l’article 111, paragraphe 5, de la Loi du 10 novembre 2009 relative aux services de paiement, à l’activité d’établissement de monnaie électronique et au caractère définitif de règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres, telle que modifiée, en ce que la Cour d’appel de et à Luxembourg, huitième chambre, a jugé que, , aux motifs que LSP, toute saisie pratiquée entre les mains de la société SOCIETE3.) constitue donc un trouble manifestement illicite au sens de l’article 933 alinéa premier du nouveau code de procédure civile, que le juge des référés est appelé à faire cesser », alors que le libellé de l’article 111, paragraphe 5, de la Loi modifiée du 10 novembre 2009 n’est ni clair, ni précis, et ne saurait, en aucun cas, mener à la conclusion que toute saisie pratiquée sur un compte de règlement constitue un trouble manifestement illicite au sens de l’article 933, alinéa premier, du Nouveau Code de procédure civile. ».
Réponse de la Cour Les demandeurs en cassation font grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 111, paragraphe 5, de la LSP en ayant retenu que son libellé était « clair et précis » et que toute saisie pratiquée sur un compte de règlement constituait un trouble manifestement illicite au sens de l’article 933, alinéa 1, du Nouveau Code de procédure civile.
En retenant « En ce qui concerne la lettre de l’article 111 (5) de la LSP au regard du droit national, la Cour d’appel de renvoi se doit de constater que la portée générale et absolue de cet article 111(5) au regard du libellé même de cette disposition a été clairement retenue par l’arrêt n°99/2023 de la Cour de cassation qui retient qu’ .», les juges d’appel ont fait une correcte application de la disposition visée au moyen.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Dans la discussion du moyen, les demandeurs en cassation formulent un second grief, tiré de la violation du droit européen en ce que les comptes saisis ne relèveraient pas de ceux qui sont susceptibles d’être frappés d’insaisissabilité sur base du droit de l’Union européenne et ils proposent, à cet égard, deux questions préjudicielles à soumettre à la Cour de justice de l’Union européenne.
Si l’énoncé du moyen peut être complété par des développements en droit, ces développements ne peuvent toutefois servir à introduire un nouveau cas d’ouverture à cassation.
Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu à renvoi devant la Cour de justice de l’Union européenne des questions préjudicielles proposées par les demandeurs en cassation dans la discussion du moyen.
Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen Tiré de la violation de la loi, in specie du refus d’appliquer les dispositions de l’article 107, paragraphe 14, de la Loi du 10 novembre 2009 relative aux services de paiement, à l’activité d’établissement de monnaie électronique et au caractère définitif de règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres, telle que modifiée, En ce que, première branche, la Cour d’appel de et à Luxembourg, huitième chambre, a jugé que , Aux motifs que tenir que des comptes de règlement, respectivement des comptes autres que de règlement qu’à titre d’accessoires à de tels comptes de règlement », Alors que, en donnant une définition du compte de règlement, l’article 107, paragraphe 14, de la Loi modifiée du 10 novembre 2009 est indispensable pour déterminer le champ d’application de l’article 111, paragraphe 5, de la Loi modifiée du 10 novembre 2009 relative aux services de paiement et ne saurait dès lors être écarté aux motifs invoqués par la Cour d’appel ;
En ce que, seconde branche, la Cour d’appel de et à Luxembourg, huitième chambre, a jugé que, , Aux motifs que tenir que des comptes de règlement, respectivement des comptes autres que de règlement qu’à titre d’accessoires à de tels comptes de règlement », Alors que la définition légale du compte de règlement fixe trois conditions afin qu’un compte puisse être considéré comme un compte de règlement et qu’il découle inévitablement de cette définition légale du compte de règlement qu’un compte doit être utilisé afin de pouvoir être considéré comme un compte de règlement au sens de la Loi modifiée du 10 novembre 2009 relative aux services de paiement, à l’activité d’établissement de monnaie électronique et au caractère définitif de règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres, telle que modifiée, de sorte que la Cour d’appel ne pouvait pas ignorer ces conditions légales afin de déterminer le champ d’application de la prédite loi, étant précisé qu’aucun des comptes litigieux ne remplit les conditions fixées par l’article 107, point 14, de la Loi modifiée du 10 novembre 2009, raison pour laquelle aucun de ces comptes n’est soumis à l’application de l’article 111, paragraphe 5, de la même loi.
Réponse de la Cour Sur les deux branches du moyen réunies Le moyen, pris en ses deux branches, fait grief aux juges d’appel d’avoir refusé d’appliquer les dispositions de l’article 107, paragraphe 14, de la LSP, en ayant déclaré l’article 111, paragraphe 5, de la LSP applicable aux comptes saisis sans avoir vérifié au préalable si ceux-ci remplissaient les conditions visées à l’article 107, paragraphe 14, de la LSP.
En retenant « La Cour de cassation a retenu dans son arrêt n°98/2023 que que la société SOCIETE3.) n’est légalement autorisée à ne tenir que des comptes de règlement, respectivement des comptes autres que de règlement qu’à titre d’accessoires à de tels comptes de règlement, la demanderesse en cassation est en droit d’arguer du caractère insaisissable de tels comptes et partant du trouble manifestement illicite découlant de la saisie-arrêt pratiquée sur les avoirs détenus sur le compte y ouvert en son nom, et il incombe à la partie saisissante d’établir que la saisie-arrêt porte sur un compte autre que ceux mentionnés ci-dessus. » Les PARTIES APPELANTES en déduisent que la société SOCIETE3.) serait légalement autorisée à tenir des comptes autres que des comptes de règlement ou des comptes accessoires à des comptes de règlement, du moins dans certains cas. Elles estiment que la nature des fonds saisis, lesquels se trouveraient bloqués et gelés depuis 2009, soit isolés et séparés du système de règlement des titres par la société SOCIETE3.) elle-même depuis 2012, ferait en sorte que ces fonds ne se trouveraient plus sur un compte participant au système de paiement visé par l’interdiction de saisie.
Toutefois, il y a lieu de relever que la Cour de cassation ne s’est prononcée que sur la question de savoir quelle partie à l’instance a la charge de la preuve de prouver l’existence auprès de la société SOCIETE3.) de comptes autres qui ne seraient ni des comptes de règlement, ni des comptes accessoires à un compte de règlement, en présence d’une disposition d’ordre public n’autorisant la société SOCIETE3.) à détenir que des comptes de règlement.
(…) Au vu de l’arrêt n°98 de la Cour de cassation, il y a lieu de retenir que la détermination de la notion exacte de , outre le fait qu’elle dépasse les pouvoirs du juge des référés, n’est, relatif à cette argumentation, pas déterminante pour la solution du litige, étant donné que la société SOCIETE3.) n’est légalement autorisée à tenir que des comptes de règlement, respectivement des comptes autres que de règlement qu’à titre d’accessoires à de tels comptes de règlement.
(…) Afin de justifier une contestation sérieuse par rapport au trouble illicite invoqué par la société SOCIETE3.), les PARTIES APPELANTES doivent rapporter la preuve que la société SOCIETE3.) détiendrait d’autres comptes, qui ne seraient pas des comptes de règlement, et notamment que les comptes saisis ne soient pas des , seuls visés par l’interdiction.
Selon les PARTIES APPELANTES, la société SOCIETE3.) détiendrait au bénéfice de la Banque BANQUE CENTRALE un compte bancaire bloqué (sundry blocked account) et elles soutiennent que les fonds du compte en question, puisque bloqués, n’auraient jamais pu entrer dans le système.
A cela s’ajouterait que les comptes et avoirs de la Banque BANQUE CENTRALE auraient été visés par des mesures internationales prises à l’encontre de l’X), notamment par un gel des avoirs instauré par le règlement (UE) N° 267/2012 du Conseil du 23 mars 2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’X).
Or, des fonds gelés ne pourraient être maintenus dans le système alors qu’ils ne pourraient plus faire l’objet d’aucune opération.
Puisque les comptes pouvaient être gelés par un règlement européen, l’insaisissabilité prévue à l’article 111(5) de la LSP ne serait pas absolue et l’article 111(5) de la loi limiterait l’interdiction de saisir les avoirs à des actifs qui sont dans le système.
Les PARTIES APPELANTES versent à l’appui de leur argumentation un avis juridique du professeur Robert Wtterwulghe du 13 juillet 2016 ainsi qu’un avis juridique de l’avocate Marie-Paule Gillen du 16 janvier 2017.
La société SOCIETE3.) verse de son côté un avis juridique du professeur Ph.-
E. Partsch précisant que la loi modifiée de 2009 n’est pas uniquement une transposition de la , laquelle serait une directive qui ne serait pas d’harmonisation maximale, et qui permettrait aux Etats-membres de règlementer, à l’occasion de la transposition de cette directive, d’autres points de droit non réglés par celle-ci, mais que la loi de 2009 ajouterait trois volets non couverts par la Directive Finalité afin de renforcer la surveillance des systèmes et la fluidité des transactions.
Il convient de rappeler que les comptes saisis ne font actuellement plus l’objet de mesures de gel, dès lors qu’en application du Règlement (UE) 2015/1861 du Conseil du 18 octobre 2015, les sanctions économiques et financières touchant l’Etat X)ien et ses entités affiliées, dont la Banque BANQUE CENTRALE, ont été levées.
Il en résulte que tous les développements des PARTIES APPELANTES relatifs à la nature des comptes bloqués devant nécessairement constituer des comptes , et partant non soumis au caractère insaisissable des comptes de règlement en raison du blocage des fonds sur base des mesures internationales, tombent à faux.
Ainsi le compte-espèces n°NUMERO2.) dit , de même que le compte n°NUMERO3.) dit , ne faisant actuellement plus l’objet de mesures de gel, les parties appelantes sont mal venues d’arguer de la nature spécifique de ces comptes pour échapper à la qualification de comptes de règlement insaisissables.
En ce qui concerne le compte n°NUMERO4.) dit » ou , la société SOCIETE3.) ne conteste pas l’existence de ce compte, mais donne à considérer qu’il fait l’objet d’une mesure interne purement technique requise par ses systèmes informatiques, mais qui serait sans incidence sur la nature du compte et aurait pour seule finalité d’éviter qu’en raison d’une manipulation malheureuse d’un collaborateur, la société SOCIETE3.) puisse se libérer des avoirs en compte. Ce compte resterait toujours un compte client qui, comme tous les autres comptes-clients, serait soumis aux conditions générales de la société SOCIETE3.).
Les PARTIES APPELANTES invoquent dans ce contexte encore des circonstances factuelles établissant le caractère saisissable des fonds saisis, circonstances qui permettraient d’établir que les avoirs saisis ne sont pas destinés à constituer la contrepartie à des transactions de titre dans le système de règlement de la société SOCIETE3.).
A cet égard, elles soutiennent que la Banque BANQUE CENTRALE ne serait pas autorisée à s’engager dans des transactions de titre dans des systèmes de règlement, que le fonctionnement du système SOCIETE3.), tel qu’il résulterait de son propre distinguerait entre des comptes publics et des comptes non publics, qu’en application de l’article 39 du Règlement n°9090/2014 et des quatre premiers paragraphes de l’article 111 (5) de la LSP, les liquidités que la société SOCIETE3.) détient pour ses clients ne relèveraient pas du système de règlement par le seul fait qu’elle auraient été déposées sur un compte auprès de la société SOCIETE3.) , mais qu’elles devraient être liées à un ordre de transfert, qui lui-même devrait être introduit dans le système de règlement de titres. Or, dans la mesure où les avoirs saisis ont été gelés, puis isolés et bloqués, ils ne sauraient faire l’objet d’un ordre de transfert et ils ne sauraient dès lors faire partie du système de règlement de la société SOCIETE3.). Dans ce contexte les PARTIES APPELANTES font encore valoir que les conditions générales de la société SOCIETE3.) prévoient aux articles 23 (2) et 49 (3) des , qui équivaudraient à la phase conservatoire d’une saisie-arrêt.
Dans la mesure où il résulte des développements précédents que la société SOCIETE3.), de par son statut, ne peut tenir que des comptes de règlement, les PARTIES APPELANTES restent en défaut de rapporter la preuve que les circonstances factuelles invoquées ainsi que la mesure interne de blocage du compte auraient pour effet d’altérer la nature juridique du compte n°NUMERO4.) dit . » et « A cet égard, il y a encore lieu de relever que l’article 107 (14) de la LSP définit le compte de règlement comme étant . Cette définition ne contient pas l’exigence, contrairement à l’affirmation des PARTIES APPELANTES, que le compte ne puisse être un compte de règlement que s’il est ou .
Les termes de la loi modifiée de 2009 étant clairs et précis, il n’y a pas lieu à interprétation. », les juges d’appel n’ont pas refusé d’appliquer la disposition visée au moyen.
Il s’ensuit que le moyen, pris en ses deux branches, n’est pas fondé.
Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation du droit de l’Union européenne, in specie de la mauvaise application des dispositions de l’article 54 du Règlement (UE) n° 909/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 concernant l’amélioration du règlement de titres dans l’Union européenne et les dépositaires centraux de titres, et modifiant les directives 98/26/CE et 2014/65/UE ainsi que le règlement (UE) n° 236/2012, en ce que la Cour d’appel, huitième chambre, a décidé que qu’ayant le statut d’une banque, la société SOCIETE3.) ne peut donc tenir que des comptes de règlement en raison des exigences du prédit Règlement », aux motifs qu’ Européen et du Conseil du 23 juillet 2014 concernant l’amélioration du règlement de titres dans l’Union Européenne et les dépositaires centraux de titres, et modifiant la directive 98/26/CE, exige en effet que tout dépositaire central de titres qui offre à ses participants la tenue d’un compte-espèces ait une licence bancaire », que et que , Alors que l’article 54 du Règlement (UE) n° 909/2014 ne permet pas de dire qu’un dépositaire central de titres ne peut tenir que des comptes de règlement, de sorte que la Cour d’appel a mal interprété la disposition règlementaire en cause. ».
Réponse de la Cour Les demandeurs en cassation font grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 54 du règlement (UE) n° 909/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 concernant l’amélioration du règlement de titres dans l’Union européenne et les dépositaires centraux de titres, et modifiant les directives 98/26/CE et 2014/65/UE ainsi que le règlement (UE) n° 236/2012, ( ci-après « le Règlement »), en ayant retenu que, bien qu’ayant le statut de banque, la société SOCIETE3.) ne pouvait détenir, en application du Règlement, que des comptes de règlement.
Le moyen procède d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué.
En retenant « Il est exact que la société SOCIETE3.) a le statut de banque.
Elle a ce statut parce qu’elle tient des comptes-espèces pour ses participants.
L’article 54(3) (a) du Règlement (UE) du Parlement Européen et du Conseil du 23 juillet 2014 concernant l’amélioration du règlement de titres dans l’Union Européenne et les dépositaires centraux de titres, et modifiant la directive 98/26/CE, exige en effet que tout dépositaire central de titres qui offre à ses participants la tenue d’un compte-espèces ait une licence bancaire.
Ceci n’implique cependant pas automatiquement que la société SOCIETE3.) détienne des comptes autres que des comptes de règlement. », les juges d’appel n’ont pas dit que la société SOCIETE3.) ne pouvait détenir que des comptes de règlement en application de l’article 54 du Règlement.
Il s’ensuit que le moyen manque en fait.
Dans la discussion du moyen, les demandeurs en cassation demandent à la Cour de soumettre à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle de savoir si l’article 54 du Règlement pose une interdiction absolue pour un opérateur central de titres de tenir des comptes bancaires classiques.
Au vu de la réponse donnée au quatrième moyen, il n’y a pas lieu à renvoi devant la Cour de justice de l’Union européenne de la question préjudicielle proposée par les demandeurs en cassation.
Sur le cinquième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 5 du Code civil, en application duquel , en ce que, première branche, la Cour d’appel, huitième chambre, a décidé que , aux motifs que de retenir que la détermination de la notion exacte de "compte de règlement", outre le fait qu’elle dépasse les pouvoirs du juge des référés, n’est, relatif à cette argumentation, pas déterminante pour la solution du litige, étant donné que la société SOCIETE3.) n’est légalement autorisée à tenir que des comptes de règlement, respectivement des comptes autres que de règlement qu’à titre d’accessoires à de tels comptes de règlement », alors qu’il découle de ce qui précède que la Cour d’appel a statué par voie de règlement, en énonçant une règle juridique de manière abstraite, en dehors de son application au litige concret qui lui est soumis, dans la mesure où elle n’a pas examiné la situation concrète qui lui a été présentée par les parties demanderesses en cassation et n’a pas fondé sa décision en vue des éléments de fait lui soumis pour déterminer la nature des comptes saisis.
En ce que, deuxième branche, la Cour d’appel, huitième chambre, a décidé que , aux motifs que … la société SOCIETE3.) n’est légalement autorisée à tenir que des comptes de règlement, respectivement des comptes autres que de règlement qu’à titre d’accessoires à de tels comptes de règlement », alors que, en statuant ainsi, la Cour d’appel a énoncé une règle juridique générale selon laquelle un opérateur de système ou organe de règlement ne peut détenir que des comptes de règlement et selon laquelle il n’existe aucune exception à cette considération, de sorte que la Cour d’appel a écarté, en statuant par voie de règlement, les moyens de droit des parties demanderesses en cassation, qui constituent d’ailleurs des contestations sérieuses du trouble manifestement illicite, ce que la Cour d’appel a, elle-même, reconnu ;
En ce que, troisième branche, la Cour d’appel a décidé qu’ de retenir que la mainlevée de la saisie-arrêt litigieuse pratiquée par les PARTIES APPELANTES doit avoir un caractère général, et non pas partiel », aux motifs qu’ d’appel de renvoi est venue à la conclusion qu’en raison de l’interdiction absolue et générale de saisir des comptes de règlement édictée par l’article 111 (5) de la LSP et qu’en raison du fait que la société SOCIETE3.) ne peut détenir que des comptes de règlements […] », alors que, en statuant ainsi, la Cour d’appel s’est prononcée statuant par voie générale et réglementaire sur la saisie-arrêt litigieuse, sans procéder à une analyse spécifique des faits et circonstances de l’espèce, étant donné que la demande initiale, formant le contrat judiciaire, ne a été introduite par la seule partie défenderesse sub 1), qui, en application du principe suivant lequel nul ne plaide par procureur, ne pouvait formuler qu’une demande en mainlevée de la saisie-arrêt par rapport aux comptes inscrits en son nom propre et qu’aucune disposition légale ne permettait à la Cour d’appel de statuer d’office sur une question de fait et de droit qui ne lui était pas soumise, en l’occurrence la question de savoir si la saisie-arrêt pratiquée sur les compte de SOCIETE4.) S.p.A. auprès de SOCIETE3.) S.A. constitue un trouble manifestement illicite qui justifierait la mainlevée de cette saisie-arrêt ;
En ce que, quatrième branche, la Cour d’appel, huitième chambre, a décidé que , aux motifs que, LSP, toute saisie pratiquée entre les mains de la société SOCIETE3.) constitue donc un trouble manifestement illicite au sens de l’article 933 alinéa premier du nouveau code de procédure civile, que le juge des référés est appelé à faire cesser », alors que, en statuant ainsi, la Cour d’appel s’est prononcée par voie de disposition générale et réglementaire sur la cause qui lui a été soumise, puisqu’elle ne prévoit aucune exception à la décision suivant laquelle toute saisie toute saisie pratiquée entre les mains de la partie défenderesse en cassation sub 16) constitue un trouble manifestement illicite, sans avoir tenu compte des faits et circonstances spécifiques de l’espèce et sans avoir pris en considération l’article 107, point 14, de la Loi modifiée du 10 novembre 2009 afin de déterminer si l’article 111, paragraphe 5, de la même loi s’applique aux comptes litigieux, étant précisé que cette décision repose sur une évaluation in abstracto de la législation applicable. ».
Réponse de la Cour Sur les première, deuxième et quatrième branches du moyen réunies Les demandeurs en cassation font grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 5 du Code civil en ayant énoncé une règle juridique de manière abstraite, « en dehors de son application au litige concret » (première branche), en ayant énoncé une règle juridique générale selon laquelle un opérateur de système ou un organe de règlement ne pourrait détenir que des comptes de règlement (deuxième branche) et en s’étant prononcés par voie de disposition générale et réglementaire sur la cause leur soumise (quatrième branche).
Il ressort de la motivation de l’arrêt attaqué reprise aux réponses données aux troisième et quatrième moyens de cassation que les juges d’appel ont examiné la situation concrète de la société SOCIETE3.), et notamment l’incidence de son agrément en tant que banque ainsi que les prestations et services couverts par cet agrément. Ils ont tenu compte des avis juridiques et ont analysé les circonstances factuelles leur soumises par les demandeurs en cassation en faveur de la saisissabilité des comptes saisis.
Il s’ensuit que le moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches, n’est pas fondé.
Sur la troisième branche Les demandeurs en cassation font grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 5 du Code civil en ayant décidé, par voie générale et réglementaire, que la mainlevée de la saisie-arrêt devait avoir un caractère général et non partiel.
Ils font valoir que les juges d’appel, en ayant ordonné la mainlevée de la saisie-arrêt opérée sur les comptes de la banque SOCIETE4.) « [auraient statué] d’office sur une question de fait et de droit qui ne [leur] était pas soumise » alors que la BANQUE CENTRALE n’aurait pu formuler qu’une demande en mainlevée de la saisie-arrêt par rapport aux comptes dont elle était titulaire.
En retenant « Les PARTIES APPELANTES soulèvent que, dans la mesure où la SOCIETE4.) n’est pas partie à l’instance et que nul ne plaide par procureur, une éventuelle mainlevée de la saisie-arrêt ne saurait être que partielle, puisqu’elle ne peut pas porter, au vu des considérations de la Cour de cassation, sur des fonds inscrits au nom de la SOCIETE4.), même si ces fonds appartiendraient en réalité à la Banque BANQUE CENTRALE, appréciation qui échapperait à la compétence du juge des référés pour relever du fond.
Les PARTIES APPELANTES estiment être en droit de saisir tous les comptes litigieux, soutenant que les fonds y déposés appartiendraient à la Banque BANQUE CENTRALE et qu’elles auraient rapporté la preuve de l’existence d’une collusion frauduleuse entre la Banque BANQUE CENTRALE, la société SOCIETE3.) et la SOCIETE4.) sur base des pièces du dossier privant la Banque BANQUE CENTRALE du droit de se défendre contre la saisie-arrêt pratiquée.
A supposer que les pièces étaient insuffisantes, elles constitueraient des éléments tangibles devant valoir contestation sérieuse par rapport au trouble manifeste invoqué par les parties intimées.
La société SOCIETE3.) conclut à la mainlevée générale de la saisie-arrêt pratiquée pour violation de l’article 111 (5) de la LSP.
La Banque BANQUE CENTRALE tient à préciser que la demande en mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée est formulée pour tout compte qui porte sur ses droits. Elle conclut à la nullité, au moins partielle, de la saisie-arrêt pour viser des comptes d’une entité tierce au jugement américain de condamnation et pour n’avoir pas été dénoncée à cette entité tierce et que celle-ci n’aurait pas été assignée en validation, violant ainsi l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.
La Banque BANQUE CENTRALE ayant mis en doute la signification de la saisie-arrêt à la banque SOCIETE4.), il y a lieu constater qu’i résulte de la pièce n° versée par les PARTIES APPELANTES que la saisie-arrêt pratiquée le 27 mars 2020 a été effectivement dénoncée par les PARTIES APPELANTES à la SOCIETE4.). Les développements de la Banque BANQUE CENTRALE reposant sur des prémisses erronées, ils sont à rejeter.
La société SOCIETE3.) concluant à la mainlevée générale de la saisie-arrêt pratiquée pour violation d’une disposition d’ordre public édictant une insaisissabilité absolue et générale de tout compte de règlement, une éventuelle mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée devra porter sur tout compte auprès de la société SOCIETE3.) qui constitue un compte de règlement.
Il résulte des développements qui précèdent que la Cour d’appel de renvoi est venue à la conclusion qu’en raison de l’interdiction absolue et générale de saisir des comptes de règlement édictée par l’article 111 (5) de la LSP et qu’en raison du fait que la société SOCIETE3.) ne peut détenir que des comptes de règlements, il y a lieu de retenir que la mainlevée de la saisie-arrêt litigieuse pratiquée par les PARTIES APPELANTES doit avoir un caractère général, et non pas partiel. », les juges d’appel ont procédé à une analyse spécifique des faits et circonstances de l’espèce dont ils étaient saisis, conformément au contrat judiciaire formé entre parties.
Il s’ensuit que le moyen, pris en sa troisième branche, n’est pas fondé.
Sur le sixième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, in specie de la mauvaise application des dispositions de l’article 6, paragraphe premier de la prédite convention, en ce que, première branche, la Cour d’appel de et à Luxembourg, huitième chambre, a jugé que , aux motifs que de la LSP est une disposition d’ordre public essentielle pour le bon fonctionnement des systèmes de règlement de titres et aux fins de réduction des risques que de tels systèmes peuvent créer au niveau individuel pour ses participants et au niveau collectif pour les marchés financiers dans leur ensemble en raison des liens étroits entre les systèmes » et que , alors que le droit de poursuite général du créancier sur tout le patrimoine de son débiteur, tel qu’il découle de l’article 6, paragraphe premier, de la Convention européenne des droits de l’homme ne saurait être compromis par des dispositions d’ordre public inapplicables au cas d’espèce et en absence d’une analyse détaillée, notamment de l’ensemble des faits et circonstances pertinents applicables au cas d’espèce, de tous les moyens invoqués par le créancier ;
en ce que, seconde branche, la Cour d’appel de et à Luxembourg, huitième chambre, a décidé que , aux motifs que, LSP, toute saisie pratiquée entre les mains de la société SOCIETE3.) constitue donc un trouble manifestement illicite au sens de l’article 933 alinéa premier du nouveau code de procédure civile, que le juge des référés est appelé à faire cesser », et que illicite invoqué par SOCIETE3.), les parties saisissantes devraient rapporter la preuve que SOCIETE3.) détiendrait d’autres comptes, qui ne seraient pas des comptes de règlement, et notamment que les comptes saisis ne soient pas des "comptes de règlement", seuls visés par l’interdiction » et que , alors que, en statuant de cette manière, la Cour d’appel a violé le droit à un procès équitable, puisque, tout en se fondant sur une considération générale et abstraite, elle n’a pas procédé à une analyse in concreto de l’ensemble des pièces communiquées par les parties demanderesses en cassation afin d’établir que les comptes saisis ne sont pas utilisés pour le règlement de transactions entre participants d’un système, tout en compromettant le principe de sécurité juridique. ».
Réponse de la Cour Sur la première branche du moyen Les demandeurs en cassation font grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après « la Convention ») en ayant retenu que « [l’]argumentation [des parties demanderesses en cassation] [au] sujet [du fait que chaque créancier dispose d’un droit de poursuite général sur tout le patrimoine de son débiteur] est dès lors à rejeter ».
Il ne ressort pas de l’arrêt attaqué que les demandeurs en cassation aient invoqué en instance d’appel, sur base de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention, un droit de poursuite général du créancier sur l’ensemble du patrimoine de son débiteur.
Le moyen, pris en sa première branche, est dès lors nouveau et, en ce qu’il comporterait un examen des circonstances de fait, mélangé de fait et de droit.
Il s’ensuit que le moyen, pris en sa première branche, est irrecevable.
Sur la seconde branche du moyen Les demandeurs en cassation font grief aux juges d’appel d’avoir violé leur droit à un procès équitable prévu à l’article 6, paragraphe 1, de la Convention et compromis le principe de sécurité juridique, en ayant déclaré fondée la demande de la BANQUE CENTRALE sur base de l’article 933, alinéa 1, du Nouveau Code de procédure civile, sans avoir procédé à une analyse in concreto de « l’ensemble des pièces communiquées » par eux afin d’établir que les comptes saisis n’étaient pas utilisés pour le règlement de transactions entre participants d’un système.
En retenant « Les PARTIES APPELANTES invoquent que la société SOCIETE3.) aurait, depuis le 1er janvier 1995, le statut de banque autorisée à exercer son activité en application de l’article 2 de la loi du 5 avril 1993 sur le secteur financier.
Il est exact que la société SOCIETE3.) a le statut de banque.
Elle a ce statut parce qu’elle tient des comptes-espèces pour ses participants.
L’article 54(3) (a) du Règlement (UE) du Parlement Européen et du Conseil du 23 juillet 2014 concernant l’amélioration du règlement de titres dans l’Union Européenne et les dépositaires centraux de titres, et modifiant la directive 98/26/CE, exige en effet que tout dépositaire central de titres qui offre à ses participants la tenue d’un compte-espèces ait une licence bancaire.
Ceci n’implique cependant pas automatiquement que la société SOCIETE3.) détienne des comptes autres que des comptes de règlement.
L’article 18.1 du Règlement précité dispose que :
(dépositaire central de titres) agréé sont limitées à la prestation des services couverts par son agrément (…) » interdit en effet à la société SOCIETE3.) d’exercer une quelconque autre activité que celle de dépositaire central de titres.
Bien qu’ayant le statut d’une banque, la société SOCIETE3.) ne peut donc tenir que des comptes de règlement en raison des exigences du prédit Règlement.
Il y a partant lieu de rejeter la demande tendant à voir poser à la CJCE la deuxième question préjudicielle libellée par les PARTIES APPELANTES aux termes du dispositif de leur acte d'appel concernant l’article 54 du Règlement n°909/2014, laquelle, outre le fait qu’elle concerne le fond du litige et que le renvoi préjudicielle dépasse dès lors la compétence du juge des référés, se réfère par ailleurs à une notion, à savoir , qui ne se trouve pas spécifiquement définit par ledit règlement, de sorte qu’une interprétation de cette notion par la CJCE est difficilement concevable.
Afin de justifier une contestation sérieuse par rapport au trouble illicite invoqué par la société SOCIETE3.), les PARTIES APPELANTES doivent rapporter la preuve que la société SOCIETE3.) détiendrait d’autres comptes, qui ne seraient pas des comptes de règlement, et notamment que les comptes saisis ne soient pas des , seuls visés par l’interdiction.
Selon les PARTIES APPELANTES, la société SOCIETE3.) détiendrait au bénéfice de la Banque BANQUE CENTRALE un compte bancaire bloqué (sundry blocked account) et elles soutiennent que les fonds du compte en question, puisque bloqués, n’auraient jamais pu entrer dans le système.
A cela s’ajouterait que les comptes et avoirs de la Banque BANQUE CENTRALE auraient été visés par des mesures internationales prises à l’encontre de l’X), notamment par un gel des avoirs instauré par le règlement (UE) N° 267/2012 du Conseil du 23 mars 2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’X).
Or, des fonds gelés ne pourraient être maintenus dans le système alors qu’ils ne pourraient plus faire l’objet d’aucune opération.
Puisque les comptes pouvaient être gelés par un règlement européen, l’insaisissabilité prévue à l’article 111(5) de la LSP ne serait pas absolue et l’article 111(5) de la loi limiterait l’interdiction de saisir les avoirs à des actifs qui sont dans le système.
Les PARTIES APPELANTES versent à l’appui de leur argumentation un avis juridique du professeur Robert Wtterwulghe du 13 juillet 2016 ainsi qu’un avis juridique de l’avocate Marie-Paule Gillen du 16 janvier 2017.
La société SOCIETE3.) verse de son côté un avis juridique du professeur Ph.-
E. Partsch précisant que la loi modifiée de 2009 n’est pas uniquement une transposition de la , laquelle serait une directive qui ne serait pas d’harmonisation maximale, et qui permettrait aux Etats-membres de règlementer, à l’occasion de la transposition de cette directive, d’autres points de droit non réglés par celle-ci, mais que la loi de 2009 ajouterait trois volets non couverts par la Directive Finalité afin de renforcer la surveillance des systèmes et la fluidité des transactions.
Il convient de rappeler que les comptes saisis ne font actuellement plus l’objet de mesures de gel, dès lors qu’en application du Règlement (UE) 2015/1861 du Conseil du 18 octobre 2015, les sanctions économiques et financières touchant l’Etat X)ien et ses entités affiliées, dont la Banque BANQUE CENTRALE, ont été levées.
Il en résulte que tous les développements des PARTIES APPELANTES relatifs à la nature des comptes bloqués devant nécessairement constituer des comptes , et partant non soumis au caractère insaisissable des comptes de règlement en raison du blocage des fonds sur base des mesures internationales, tombent à faux.
Ainsi le compte-espèces n°NUMERO2.) dit , de même que le compte n°NUMERO3.) dit , ne faisant actuellement plus l’objet de mesures de gel, les parties appelantes sont mal venues d’arguer de la nature spécifique de ces comptes pour échapper à la qualification de comptes de règlement insaisissables.
En ce qui concerne le compte n°NUMERO4.) dit » ou , la société SOCIETE3.) ne conteste pas l’existence de ce compte, mais donne à considérer qu’il fait l’objet d’une mesure interne purement technique requise par ses systèmes informatiques, mais qui serait sans incidence sur la nature du compte et aurait pour seule finalité d’éviter qu’en raison d’une manipulation malheureuse d’un collaborateur, la société SOCIETE3.) puisse se libérer des avoirs en compte. Ce compte resterait toujours un compte client qui, comme tous les autres comptes-clients, serait soumis aux conditions générales de la société SOCIETE3.).
Les PARTIES APPELANTES invoquent dans ce contexte encore des circonstances factuelles établissant le caractère saisissable des fonds saisis, circonstances qui permettraient d’établir que les avoirs saisis ne sont pas destinés à constituer la contrepartie à des transactions de titre dans le système de règlement de la société SOCIETE3.).
A cet égard, elles soutiennent que la Banque BANQUE CENTRALE ne serait pas autorisée à s’engager dans des transactions de titre dans des systèmes de règlement, que le fonctionnement du système SOCIETE3.), tel qu’il résulterait de son propre distinguerait entre des comptes publics et des comptes non publics, qu’en application de l’article 39 du Règlement n°9090/2014 et des quatre premiers paragraphes de l’article 111 (5) de la LSP, les liquidités que la société SOCIETE3.) détient pour ses clients ne relèveraient pas du système de règlement par le seul fait qu’elle auraient été déposées sur un compte auprès de la société SOCIETE3.) , mais qu’elles devraient être liées à un ordre de transfert, qui lui-même devrait être introduit dans le système de règlement de titres. Or, dans la mesure où les avoirs saisis ont été gelés, puis isolés et bloqués, ils ne sauraient faire l’objet d’un ordre de transfert et ils ne sauraient dès lors faire partie du système de règlement de la société SOCIETE3.). Dans ce contexte les PARTIES APPELANTES font encore valoir que les conditions générales de la société SOCIETE3.) prévoient aux articles 23 (2) et 49 (3) des , qui équivaudraient à la phase conservatoire d’une saisie-arrêt.
Dans la mesure où il résulte des développements précédents que la société SOCIETE3.), de par son statut, ne peut tenir que des comptes de règlement, les PARTIES APPELANTES restent en défaut de rapporter la preuve que les circonstances factuelles invoquées ainsi que la mesure interne de blocage du compte auraient pour effet d’altérer la nature juridique du compte n°NUMERO4.) dit .
Il y a dès lors lieu de rejeter les demandes des PARTIES APPELANTES tendant à voir nommer un expert afin de clarifier l’organisation interne des comptes de la société SOCIETE3.) appliquée aux comptes saisis ainsi que celles tendant à recueillir des informations de la part de la société SOCIETE3.). Par ailleurs, de telles demandes tendant à recueillir des informations dans le but de permettre une analyse détaillée du fonctionnement du système SOCIETE3.) dépasseraient largement les pouvoirs du juge des référés, ces pouvoirs étant réservés au juge du fond.
A cet égard, il y a encore lieu de relever que l’article 107 (14) de la LSP définit le compte de règlement comme étant . Cette définition ne contient pas l’exigence, contrairement à l’affirmation des PARTIES APPELANTES, que le compte ne puisse être un compte de règlement que s’il est ou . Les termes de la loi modifiée de 2009 étant clairs et précis, il n’y a pas lieu à interprétation.
La prétention des PARTIES APPELANTES d’avoir rapporté la preuve d’une contestation sérieuse du trouble manifestement illicite constitué par la saisie-arrêt litigieuse est non fondée en ce qui concerne l’argumentation tirée de l’inapplicabilité de l’article 111 (5) de la LSP aux fonds saisis.
3) Quant au caractère absolu et général de l’insaisissabilité des comptes de règlement sur base de l’article 111(5) de la LSP :
L’ordonnance entreprise retient qu’ saisir des comptes de règlement détenus par SOCIETE3.) tel qu’elle découle de l’article 111(5) de la LSP, il résulte de la motivation exhaustive des arrêts de la Cour d’appel des 21 novembre 2018, 10 juillet 2019 et 1er avril 2020 que le juge saisi fait sienne, que telle que formulée par la loi, cette insaisissabilité est d’un caractère absolu et général, aucune exception n’étant prévue. » Les PARTIES APPELANTES contestent la portée générale et absolue de l’article 111(5) de la LSP et soutiennent qu’il faudrait analyser cette portée au regard de la lettre de l’article, à la lumière du droit de l’Union européenne, notamment de la Directive Finalité, à la lumière du droit international, notamment de l’article 6 paragraphe 1er la Convention européenne des droits de l’homme (Convention EDH). Elles concluent finalement à voir poser une troisième question préjudicielle à la Cour constitutionnelle (telle que précitée à la page 18 du présent arrêt).
En ce qui concerne la lettre de l’article 111 (5) de la LSP au regard du droit national, la Cour d’appel de renvoi se doit de constater que la portée générale et absolue de cet article 111(5) au regard du libellé même de cette disposition a été clairement retenue par l’arrêt n°99/2023 de la Cour de cassation qui retient qu’ . Il en découle que l’insaisissabilité prévue par l’article 111 (5) de la LSP englobe non seulement les comptes de règlement proprement dits, mais également les comptes tenus à titres d’accessoires à des comptes de règlement. Par ailleurs, la déduction faite par les PARTIES APPELANTES consistant à soutenir que si le texte prévoit une interdiction de saisir les comptes de règlement lorsqu’elle est opérée par des tiers, le texte autoriserait a contrario une telle saisie lorsqu’elle est pratiquée par un opérateur de système, est inopérante en l’espèce, puisque la saisie-arrêt litigieuse du 27 mars 2020 est opérée par des personnes tierces au système de règlement.
En ce qui concerne la portée de l’article 111 (5) de la LSP au regard du droit communautaire, les PARTIES APPELANTES invoquent un avis juridique du professeur Wtterwulghe du 6 janvier 2017 pour soutenir que cet article 111 (5) édicterait une règle d’interdiction qui ne découlerait pas de la Directive Finalité, de sorte qu’il faudrait faire une balance des intérêts en présence entre le risque réel de la saisie des comptes gelés pour le bon fonctionnement du système SOCIETE3.) et les conséquences de l’interdiction de saisie de ces comptes sur le respect des droits acquis aux tiers. Elles concluent à cet égard à voir poser à la CJCE la troisième question préjudicielle (telle que précitée à la page 18 du présent arrêt).
Il y a lieu de constater que les PARTIES APPELANTES s’abstiennent d’indiquer clairement une disposition spécifique de la Directive Finalité qui ferait obstacle au caractère absolu et général de l’insaisissabilité des comptes de règlements prévue par l’article 111(5) de la loi modifiée de 2009, étant donné qu’elles se limitent à invoquer l’esprit de ladite directive européenne. La question préjudicielle vise par ailleurs l’interprétation d’une disposition nationale au regard du droit européen et non pas une disposition du droit européen que la CJCE aurait à interpréter. Il n’y a partant pas lieu d’y faire droit.
La Cour d’appel de renvoi ne saurait dès lors suivre leur argumentation à ce sujet.
En ce qui concerne la portée de l’article 111 (5) de la LSP au regard du droit international, notamment de l’article 6 paragraphe 1er la Convention EDH, les PARTIES APPELANTES font valoir qu’une .
La Cour d’appel de renvoi, à l’instar de la société SOCIETE3.), estime que cette affirmation revient à revendiquer sur base de la Convention EDH non seulement d’un droit d’accès à un tribunal, mais encore un droit de pouvoir exécuter un jour la décision américaine de condamnation dit , rendu par défaut le 26 février 2018 par le Tribunal de District des États-Unis du District du Sud de New York ( Ni la Convention EDH, ni ses protocoles additionnels ne présentent expressément le droit à l’exécution des décisions de justice comme un droit fondamental. C’est au moyen d’une interprétation du que la Cour EDH a découvert ce droit et lui a offert une protection européenne.
L’arrêt de principe est l’arrêt HORNSBY contre Grèce prononcé le 19 mars 1997, où la Cour EDH affirme que le droit d’accès à un tribunal serait illusoire si l’ordre juridique interne d’un Etat contractant permettrait qu’une décision judiciaire définitive et obligatoire reste inopérante au détriment d’une partie. La Cour EDH y affirme encore que l’exécution d’un jugement ou d’un arrêt de quelque juridiction que ce soit, doit donc être considérée comme faisant partie intégrante du procès au sens de l’article 6 paragraphe 1er de la Convention EDH.
Ce droit européen à l’exécution n’est cependant pas un droit absolu et l’exécution d’une décision de justice ne saurait être réalisée en méconnaissance totale des considérations ayant trait à l’intérêt général.
Or, le régime d’insaisissabilité prévu par les articles 111 (5) de la LSP est une disposition d’ordre public essentielle pour le bon fonctionnement des systèmes de règlement de titres et aux fins de réduction des risques que de tels systèmes peuvent créer au niveau individuel pour ses participants et au niveau collectif pour les marchés financiers dans leur ensemble en raison des liens étroits entre les systèmes.
Par ailleurs, il résulte de l’affaire Barka c. Hongrie (arrêt de la Cour EDH du 23 juin 2016) que le droit à l’accès à un tribunal, découlant du droit à un procès équitable, n’est pas un droit absolu, qu’il connaît des limites et des exceptions et que notamment il ne peut pas remettre en cause une disposition d’ordre public. De plus, il n’existe, pour l’instant, au Luxembourg aucune décision judiciaire définitive ayant dénié aux PARTIES APPELANTES soit un droit d’accès, soit un droit de pouvoir exécuter la décision américaine rendue en leur faveur.
Leur argumentation à ce sujet est dès lors à rejeter.
En ce qui concerne finalement la demande des PARTIES APPELANTES tendant à voir saisir la Cour constitutionnelle d’une question préjudicielle tendant à voir déterminer si , il convient de relever que l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle prévoit que lorsqu’ .
La question préjudicielle, telle que libellée, tend à voir examiner une disposition nationale par rapport à une convention internationale. Il n’y a dès lors pas lieu d’y faire droit.
En conséquence, la prétention des PARTIES APPELANTES d’avoir rapporté la preuve d’une contestation sérieuse du trouble manifestement illicite constitué par la saisie-arrêt litigieuse n’est pas fondée en ce qui concerne l’argumentation tirée de la portée relative de l’article 111 (5) de la LSP.
Il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que les PARTIES APPELANTES restent en défaut de rapporter en cause l’existence d’une contestation sérieuse par rapport au trouble illicite invoqué par la Banque BANQUE CENTRALE et par la société SOCIETE3.).
Au vu du libellé clair et précis de l’article 111 (5) de la LSP, toute saisie pratiquée entre les mains de la société SOCIETE3.) constitue donc un trouble manifestement illicite au sens de l’article 933 alinéa premier du nouveau code de procédure civile, que le juge des référés est appelé à faire cesser.
Il s’en suit que la demande de la Banque BANQUE CENTRALE est à déclarer fondée sur la base de l’article 933 alinéa premier du NCPC et que l’ordonnance entreprise est à confirmer. », les juges d’appel ont procédé à une analyse détaillée et concrète des circonstances factuelles.
Il s’ensuit que le moyen, pris en sa seconde branche, n’est pas fondé.
Sur le septième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 109 de la Constitution pour contradiction de motifs valant absence de motifs, en ce que, première branche, la Cour d’appel, huitième chambre, a jugé qu’ et que, et que , aux motifs que peut donc tenir que des comptes de règlement en raison des exigences du prédit Règlement » et que, , alors que la Cour d’appel ne pouvait, sans se contredire, considérer, d’un côté, que les comptes saisis constituent irréfutablement des comptes de règlement en application de la législation applicable et que la partie défenderesse en cassation sub 16) ne peut détenir que des comptes de règlement, ce qui équivaut à dire que la Cour d’appel n’admet aucune preuve relative à la nature des comptes saisis, et, de l’autre côté, dire que les parties demanderesses en cassation doivent apporter la preuve que les comptes saisis ne sont pas des comptes de règlement au sens de la législation qui s’applique en l’espèce, ainsi que reprocher, à tort, aux parties demanderesses en cassation de n’avoir apporté aucune preuve afin de démontrer que les comptes saisis ne constituent pas des comptes de règlement au sens de la législation applicable en la matière - en particulier lorsque la Cour d’appel a ignoré et n’a pas pris en considération les documents prouvant que les comptes en question ne sont pas des comptes de règlement.
En ce que, seconde branche, la Cour d’appel, huitième chambre, a reçu et a déclaré et confirmer , Aux motifs que instance d’avoir retenu que l’analyse des manœuvres frauduleuses invoquées par les PARTIES APPELANTES dépasse le pouvoir d’appréciation du juge des référés » ;
Alors que la Cour d’appel a admis que les parties demanderesses en cassation avaient invoqué un moyen de droit, fondé sur le principe fraus omnia corrumpit, qui met en échec l’intégralité de l’argumentation adverse et qui constitue une contestation sérieuse dépassant la compétence des juridictions siégeant en matière de référés, de sorte que la Cour d’appel ne pouvait, sans se contredire, recevoir les appels, principal et incident et confirmer . Une fois de plus, la Cour d’appel a ignoré et n’a pas pris en compte les preuves significatives des parties demanderesses en cassation établissant la fraude et la participation de la partie défenderesse en cassation sub 16) à cette fraude – y compris la preuve que cette dernière partie a payé une amende de 152 millions de dollars à l’Office of Foreign Assest Control en ce qui concerne sa participation à la fraude et ses efforts pour la dissimuler. ».
Réponse de la Cour Les demandeurs en cassation font grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 109 de la Constitution pour contradiction de motifs.
Sur la première branche du moyen Les demandeurs en cassation font grief aux juges d’appel d’avoir considéré, d’une part, que la société SOCIETE3.) ne pouvait détenir légalement que des comptes de règlement et, d’autre part, qu’ils devaient rapporter la preuve que les comptes saisis ne constitueraient pas des comptes de règlement.
Le grief tiré de la contradiction de motifs, équivalant à un défaut de motifs, ne peut être retenu que si les motifs incriminés sont contradictoires à un point tel qu’ils se détruisent et s’annihilent réciproquement, aucun ne pouvant être retenu comme fondement de la décision.
Il n’existe pas de contradiction entre les motifs énoncés à la première branche du moyen, qui, d’une part, ont trait aux comptes que la société SOCIETE3.) peut détenir en raison des exigences du Règlement, et d’autre part, rappellent qu’il incombe aux demandeurs en cassation qui s’en prévalent, de « rapporter la preuve que la société SOCIETE3.) détiendrait d’autres comptes qui ne seraient pas des comptes de règlement, et notamment que les comptes saisis ne [seraient] pas des comptes de règlement ».
Il s’ensuit que le moyen, pris en sa première branche, n’est pas fondé.
Sur la seconde branche du moyen Les demandeurs en cassation font grief aux juges d’appel de s’être contredits en ayant, d’une part, admis qu’ils avaient invoqué l’adage fraus omnia corrumpit qui mettrait en échec l’intégralité de l’argumentation adverse et, d’autre part, ignoré les preuves significatives qu’ils avaient versées.
Il résulte de la réponse donnée à la seconde branche du premier moyen que la seconde branche du septième moyen est inopérante.
Sur le huitième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 53 du Nouveau Code de procédure civile, En ce que, première branche, la Cour d’appel a décidé qu’ de retenir que la mainlevée de la saisie-arrêt litigieuse pratiquée par les PARTIES APPELANTES doit avoir un caractère général, et non pas partiel », Aux motifs qu’ d’appel de renvoi est venue à la conclusion qu’en raison de l’interdiction absolue et générale de saisir des comptes de règlement édictée par l’article 111 (5) de la LSP et qu’en raison du fait que la société SOCIETE3.) ne peut détenir que des comptes de règlements […] », Alors que le juge ne saurait se départir de l’objet du litige pour statuer sur une affaire, étant précisé que la demande initiale, formant le contrat judiciaire, a été introduite par la seule partie défenderesse sub 1), qui, en application du principe suivant lequel nul ne plaide par procureur, ne pouvait formuler qu’une demande en mainlevée de la saisie-arrêt par rapport aux comptes inscrits en son nom propre et qu’aucune disposition légale ne permettait à la Cour d’appel de statuer d’office sur une question de fait et de droit qui ne lui était pas soumise, en l’occurrence la question de savoir si la saisie-arrêt pratiquée sur les compte de SOCIETE4.) S.p.A.
auprès de SOCIETE3.) S.A. constitue un trouble manifestement illicite qui justifierait la mainlevée de cette saisie-arrêt ;
En ce que, deuxième branche, la Cour d’appel a décidé que rejeter » la prétention des parties demanderesses en cassation suivant laquelle leur demande en ce qu’, Aux motifs que, venu à la conclusion du bienfondé de la demande principale de la Banque BANQUE CENTRALE basée sur l’article 111 (5) de la LSP, il n’avait pas besoin d’analyser la demande subsidiaire de la Banque BANQUE CENTRALE fondée sur les dispositions de la loi modifiée du 1er août 2001 » et que sauraient dès lors pas reprocher d’omission à statuer au juge de première instance ».
Alors que la Cour d’appel aurait dû statuer sur la demande des parties demanderesses en cassation, étant donné que cette demande est indépendante de la demande de la partie défenderesses sub 1) fondée sur la loi modifiée du 1er août 2001 ;
En ce que, troisième branche, la Cour d’appel a décidé que développements des PARTIES APPELANTES relatifs à la nature des comptes bloqués devant nécessairement constituer des comptes "hors système", et partant non soumis au caractère insaisissable des comptes de règlement en raison du blocage des fonds sur base des mesures internationales, tombent à faux », Aux motifs qu’ actuellement plus l’objet de mesures de gel, dès lors qu’en application du Règlement (UE) 2015/1861 du Conseil du 18 octobre 2015, les sanctions économiques et financières touchant l’Etat X)ien et ses entités affiliées, dont la Banque BANQUE CENTRALE, ont été levées », Alors que, en décidant ainsi, la Cour d’appel n’a pas tenu compte de l’intégralité de l’argumentation juridique invoquée par les parties demanderesses en cassation, qui ne se sont pas limitées à invoquer le gel des avoirs saisis, mais ont encore expliqué que les comptes litigieux restaient bloqués par des saisie-arrêts consécutives suite à la levée des sanctions internationales et européennes contre la République
____ d’X) et ses émanations, de sorte que la Cour d’appel a dénaturé l’argumentation des parties demanderesses en cassation et n’a pas statué sur tous les moyens de droit des parties demanderesses en cassation. ».
Réponse de la Cour Sur la première branche du moyen Les demandeurs en cassation font grief aux juges d’appel d’avoir statué d’office sur une question de fait et de droit qui ne leur aurait pas été soumise alors que la BANQUE CENTRALE n’aurait pas pu formuler une demande en mainlevée de la saisie-arrêt opérée sur les comptes ouverts au nom de la banque SOCIETE4.).
Il ressort des actes de procédure auxquels la Cour peut avoir égard que la BANQUE CENTRALE avait conclu, tant en première instance qu’en instance d’appel, à la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée auprès de la société SOCIETE3.) et que celle-ci avait conclu à la mainlevée générale de la saisie-arrêt pratiquée pour violation de l’article 111, paragraphe 5, de la LSP. Les juges d’appel étaient partant saisis de la question de la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée, indépendamment de l’identité du titulaire du compte.
Il s’ensuit que le moyen, pris en sa première branche, qui se fonde sur une prémisse erronée, manque en fait.
Sur la deuxième branche du moyen Les demandeurs en cassation font grief aux juges d’appel de ne pas avoir statué sur leur demande basée sur la loi du 1er août 2001, demande qui serait indépendante de celle de la BANQUE CENTRALE basée sur l’article 111, paragraphe 5, de la LSP, et d’avoir ainsi violé l’article 53 du Nouveau Code de procédure civile.
Etant donné que les demandeurs en cassation étaient défendeurs en première instance, la « demande » sur laquelle les juges du fond n’auraient pas statué, constitue un moyen de défense, de sorte que le grief invoqué consiste en un défaut de réponse à conclusions.
La disposition visée à la deuxième branche du moyen est partant étrangère au grief invoqué.
Il s’ensuit que le moyen, pris en sa deuxième branche, est irrecevable.
Sur la troisième branche du moyen Les demandeurs en cassation font grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 53 du Nouveau Code de procédure civile en ayant « dénaturé » leur moyen en ce qu’ils n’ont pas tenu compte de l’intégralité de leur argumentation juridique selon laquelle ils ne s’étaient pas limités à invoquer le gel des avoirs saisis, mais avaient encore expliqué que les comptes restaient bloqués suite à la levée de ces sanctions et que ces comptes constituaient dès lors nécessairement des comptes hors système, partant non soumis à l’insaisissabilité prévue par l’article 111, paragraphe 5, de la LSP.
Le grief invoqué consiste en un défaut de réponse à conclusions.
La disposition visée à la troisième branche du moyen est partant étrangère au grief invoqué.
Il s’ensuit que le moyen, pris en sa troisième branche, est irrecevable.
Sur le neuvième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la mauvaise application de l’article 18, paragraphe 1, du Règlement (UE) n° 909/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 concernant l’amélioration du règlement de titres dans l’Union européenne et les dépositaires centraux de titres, et modifiant les directives 98/26/CE et 2014/65/UE ainsi que le règlement (UE) no 236/2012, en vertu duquel .
En ce que la Cour d’appel a décidé que banque, la société SOCIETE3.) ne peut donc tenir que des comptes de règlement […] » ;
Aux motifs que les exigences du Règlement (UE) n° 909/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 concernant l’amélioration du règlement de titres dans l’Union européenne et les dépositaires centraux de titres, et modifiant les directives 98/26/CE et 2014/65/UE ainsi que le règlement (UE) no 236/2012 seraient telles qu’un dépositaire central de titres ne peut tenir que des comptes de règlement ;
Alors que la disposition réglementaire sous analyse se limite à préciser que les activités d’un DCT agréé sont limitées à la prestation des services couverts par son agrément sans déterminer la nature des comptes mis à disposition par un dépositaire central de titres à ses clients, de sorte que cette disposition ne permet pas d’établir que tout compte tenu par un dépositaire central de titres constitue inévitablement un compte de règlement. ».
Réponse de la Cour Les demandeurs en cassation font grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 18, paragraphe 1, du Règlement en ayant retenu qu’en application de cette disposition, la société SOCIETE3.) ne pouvait légalement tenir que des comptes de règlement.
Les juges d’appel ont retenu « Au vu de l’arrêt n°98 de la Cour de cassation, il y a lieu de retenir que la détermination de la notion exacte de , outre le fait qu’elle dépasse les pouvoirs du juge des référés, n’est, relatif à cette argumentation, pas déterminante pour la solution du litige, étant donné que la société SOCIETE3.) n’est légalement autorisée à tenir que des comptes de règlement, respectivement des comptes autres que de règlement qu’à titre d’accessoires à de tels comptes de règlement. ».
Il en résulte que les juges d’appel se sont prononcés non seulement par la motivation énoncée au moyen, mais qu’ils avaient au préalable motivé leur décision sur base de l’arrêt n°98/2023 de la Cour de cassation.
La décision des juges d’appel étant justifiée par d’autres motifs, le moyen vise un motif surabondant.
Il s’ensuit que le moyen est inopérant.
Au vu des développements qui précèdent, l’interprétation de l’article 18, paragraphe 1, du Règlement est sans pertinence.
Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu à renvoi devant la Cour de justice de l’Union européenne de la question préjudicielle proposée par les demandeurs en cassation dans la discussion du moyen.
Sur le dixième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 1350 du Code civil, En ce que la Cour d’appel de et à Luxembourg, huitième chambre, a jugé que, et que , Aux motifs que activités d’un DCT dépositaire central de titres agréé sont limitées à la prestation des services couverts par son agrément (…)" interdit en effet à la société SOCIETE3.) d’exercer une quelconque autre activité que celle de dépositaire central de titres », Alors que, en statuant ainsi, la Cour d’appel crée la présomption suivant laquelle tout compte détenu par SOCIETE3.) S.A. constitue un compte de règlement au sens de l’article 107, paragraphe 14, de la Loi modifiée du 10 novembre 2009 bien que la législation en vigueur ne prévoie aucune présomption suivant laquelle tout compte détenu par un dépositaire central de titres constitue un compte de règlement. ».
Réponse de la Cour En retenant que la société SOCIETE3.) n’est légalement autorisée à ne tenir que des comptes de règlement, respectivement des comptes autres que de règlement qu’à titre d’accessoires à de tels comptes de règlement, les juges d’appel n’ont pas créé une présomption légale, mais n’ont fait qu’appliquer l’article 111, paragraphe 5, de la LSP tel qu’interprété par la Cour de cassation dans les arrêts du 28 septembre 2023.
Il s’ensuit que le moyen manque en fait.
Sur les demandes en allocation d’indemnités de procédure Il ne paraît pas inéquitable de laisser à charge de chacun des défendeurs en cassation sub 1) à 14) l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens.
Leurs demandes en allocation d’indemnités de procédure sont à rejeter.
Il ne paraît pas inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation sub 15) l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Ses demandes en allocation d’indemnités de procédure sont à rejeter.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation donne acte aux demandeurs en cassation qu’ils renoncent à la demande à l’encontre de PERSONNE3.), ancien Président de la République
____ d’X), décédé en date du 8 janvier 2017 ;
dit qu’il n’y a pas lieu à renvoi devant la Cour de justice de l’Union européenne ;
rejette le pourvoi ;
rejette les demandes de chacun des défendeurs en cassation sub 1) à 14) en allocation d’indemnités de procédure ;
rejette les demandes de la défenderesse en cassation sub 15) en allocation d’indemnités de procédure ;
condamne les demandeurs en cassation aux frais et dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de la société anonyme ARENDT & MEDERNACH et de la société en commandite simple BONN STEICHEN & PARTNERS, sur leurs affirmations de droit.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Marie-Laure MEYER en présence de l’avocat général Joëlle NEIS et du greffier Daniel SCHROEDER.
Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation Banque Centrale de la République
_____ d’X) c/ Parents et/ou héritiers des victimes décédées lors des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis d’Amérique, représentants et/ou héritiers des successions de ces victimes et représentants des parents et/ou héritiers de ces victimes, en présence de 1)Banque Centrale de la République
_____ d’X) (
______) 2) République
_____ d’X) 3) PERSONNE2.) 4) PERSONNE3.) 5) Ministère X) de l’Information et de la Sécurité 6) Organisation
_____ Corps des Gardes Révolutionnaires 7) Ministère X) du Pétrole 8) Ministère X) des Affaires économiques et des Finances 9) Ministère X) du Commerce 10) Ministère X) de la Défense et de la Logistique des Forces armées 11) Corporation nationale SOCIETE1.) des pétroliers 12) Société nationale SOCIETE2.) de Pétrole 13) Société nationale de gaz X) 14) Compagnie aérienne d’X) 15) Compagnie nationale X) pétrochimique 16) société anonyme SOCIETE3.) (affaire n° CAS-2024-00102 du registre) Le pourvoi en cassation, introduit par les parents et/ou héritiers des victimes décédées lors des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis d’Amérique, représentants et/ou héritiers des successions de ces victimes et représentants des parents et/ou héritiers de ces victimes, par un mémoire en cassation signifié le 10 mai 2024 aux parties défenderesses en cassation et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 3 juillet 2024, est dirigé contre un arrêt n°9/24 rendu par la Cour d’appel, huitième chambre, siégeant en matière d’appel de référé, statuant contradictoirement, en date du 25 janvier 2024 (n° CAL-2020-00544 du rôle). Cet arrêt n’a pas été signifié aux parties demanderesses en cassation.
Le pourvoi en cassation a dès lors été interjeté dans les forme et délai prévus aux articles 7 et 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.
Les parties défenderesses sub 1), 2), 3) et 5 à 15) ont signifié un mémoire en réponse le 5 juillet 2024 et elles l’ont déposé au greffe de la Cour le même jour.
Ayant été signifié et déposé au greffe de la Cour dans le délai de deux mois à compter du jour de la signification du mémoire en cassation, conformément aux articles 15 et 16 de la loi précitée du 18 février 1885, ce mémoire est à considérer comme recevable.
La partie défenderesse sub 16) société anonyme SOCIETE3.) (ci-après SOCIETE3.)) a signifié un mémoire en réponse les 4 et 5 juillet 2024 et elle l’a déposé au greffe de la Cour en date du 9 juillet 2024.
Ayant été signifié et déposé au greffe de la Cour dans le délai de deux mois à compter du jour de la signification du mémoire en cassation, conformément aux articles 15 et 16 de la loi précitée du 18 février 1885, ce mémoire est à considérer comme recevable.
Les faits et antécédents L’arrêt dont pourvoi est intervenu suite à deux arrêts de la Cour de cassation ayant cassé un arrêt n° 77/21 rendu contradictoirement en date du 27 avril 2022 sous le numéro CAS-2020-
00544 du rôle par la Cour d’appel, septième chambre, siégeant en matière de référé.
Selon ledit arrêt, saisi par la BANQUE CENTRALE DE LA RÉPUBLIQUE
_____ D’X) (ci-après Banque Centrale) d’une demande en référé dirigée contre des personnes agissant en leur nom personnel à titre de PARENTS ET/OU HÉRITIERS DE VICTIMES DÉCÉDÉES LORS DES ATTENTATS DU 11 SEPTEMBRE 2001 AUX ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE, contre les mêmes personnes en tant que représentants et/ou héritiers des successions de ces victimes et contre des personnes agissant en tant que représentants des parents et/ou héritiers de ces victimes, en présence de SOCIETE3.), et, après intervention de la RÉPUBLIQUE
_____ D’X), de PERSONNE2.), PERSONNE3.), du CORPS DES GARDES RÉVOLUTIONNAIRES, du MINISTÈRE X) DE L’INFORMATION ET DE LA SÉCURITÉ, du MINISTÊRE X) DU PÉTROLE, du MINISTÈRE X) DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES ET DES FINANCES, du MINISTÈRE X) DU COMMERCE, du MINISTÈRE X) DE LA DÉFENSE ET DE LA LOGISTIQUE DES FORCES ARMÉES, de la SOCIÉTÉ NATIONALE SOCIETE1.) DES PÉTROLIERS, de la SOCIÉTÉ SOCIETE2.) DE PÉTROLE, de la SOCIÉTÉ NATIONALE DE GAZ X), de la COMPAGNIE AÉRIENNE D’X), de la COMPAGNIE NATIONALE X) PÉTROCHIMIQUE, aux fins de voir, principalement sur base de l’article 933, alinéa 1, du Nouveau Code de procédure civile et subsidiairement sur base de l’article 932, alinéa 1, du même Code, constater l’illégalité d’une saisie-arrêt opérée le 27 mars 2020 par les parents ou héritiers des victimes des attentats au détriment de la BANQUE CENTRALE auprès de SOCIETE3.) pour avoir sûreté et paiement d’un montant de 2.914.789.602,87.- euros qui serait dû sur base d’un jugement rendu par défaut le 26 février 2018 par le Tribunal de District des États-Unis d’Amérique du District du Sud de New York en réparation du préjudice subi par suite des attentats terroristes perpétrés le 11 septembre 2001 aux États-
Unis d’Amérique et voir déclarer nulle, sinon irrecevable la saisie-arrêt et en conséquence de voir ordonner la mainlevée de celle-ci, le magistrat remplaçant le président du tribunal d’arrondissement de Luxembourg déclarait la saisie-arrêt irrecevable, ordonnait la mainlevée de celle-ci et l’exécution provisoire de son ordonnance nonobstant appel et sans caution. Sur appel des parents ou héritiers des victimes des attentats, la Cour d’appel avait dit, par réformation, la demande irrecevable, sinon mal fondée.
Saisie d’un pourvoi en cassation de la Banque Centrale du 14 juillet 2022, la Cour de cassation a, par arrêt n°98/2023 du 28 septembre 2023, déclaré casser et annuler l’arrêt n°77/21 du 27 avril 2022 (numéro CAL-2020-00554 du rôle) de la Cour d’appel, septième chambre, siégeant en matière de référé, et a déclaré nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis, en remettant les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant l’arrêt cassé et en renvoyant les parties devant la Cour d’appel autrement composée.
Saisie d’un pourvoi en cassation de la société SOCIETE3.) du 3 novembre 2022, la Cour de cassation a, par arrêt n°99/2023 du 28 septembre 2023, déclaré casser et annuler, dans la limite du troisième moyen de cassation, l’arrêt précité du 27 avril 2022 de la Cour d’appel, et a déclaré nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis, en remettant les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant l’arrêt cassé et en renvoyant les parties devant la Cour d’appel autrement composée.
Suite à ces deux arrêts de cassation, la huitième chambre de la Cour d’appel a rendu en date du 25 janvier 2024 un arrêt dont le dispositif se lit comme suit :
« vu les arrêts n°98/2023 et n°99/2023 de la Cour de cassation du 28 septembre 2023 ;
donne acte à la Banque Centrale de la République
_____ d’X) et aux PARTIES INTERVENANTES que la présente action en référé ne constitue pas une renonciation à leur immunité de juridiction et d’exécution dont elles peuvent bénéficier dans le cadre de la présente procédure ou dans toute autre procédure les opposant aux PARTIES APPELANTES;
reçoit les appels, principal et incident ;
déclare l’appel principal des PARTIES APPELANTES non fondé ;
confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a déclaré irrecevable la saisie-arrêt pratiquée le 27 mars 2020 par les PARTIES APPELANTES sub I) agissant en leur nom personnel, sub II) et sub III) agissant en tant que représentants et/ou héritiers des victimes décédées lors des attentats du 11 septembre 2001, entre les mains de la société anonyme SOCIETE3.) S.A. « sur toutes les sommes, deniers, effets, titres, créances, tous droits, garanties, privilèges, gages, nantissements, cautions, sûretés, crédits, actifs corporels ou incorporels, valeurs, que la société anonyme SOCIETE3.) redevrait aux parties défenderesses ou détiendrait, directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, pour compte et/ou au nom des parties défenderesses, en particulier sur les comptes numéros 13061 et 13675, mais sinon sur tous comptes bancaires ouverts et comptes tenus à leur profit, notamment mais non exclusivement, par l’intermédiaire ou auprès de la Banque Centrale de la République
_____ d’X), de la banque SOCIETE4.) S.p.A., de la Banque SOCIETE5.) ou de tout autre établissement financier, au nom et/ou pour le compte des parties débitrices suivantes (les PARTIES INTERVENANTES): 1) la République
_____
d'X), 2) l'PERSONNE2.), 3) le sieur PERSONNE3.), ancien Président de la République
_____ d'X), 4) le Ministère X)ien de l'information et de la Sécurité, 5) l'Organisation
_____
Corps des Gardes Révolutionnaires, 6) le H
____, 7) le Ministère SOCIETE1.) du Pétrole, 8) la Corporation Nationale SOCIETE2.) des Pétroliers, 9) la Société Nationale X) de Pétrole, 10) la Société Nationale de Gaz X), 11) la Compagnie aérienne d’X), 12) la Compagnie Nationale X) Pétrochimique, 13) le Ministère X) des Affaires Economiques et des Finances, 14) le Ministère X) du Commerce, 15) le Ministère X) de la Défense et de la Logistique des Forces Armées et 16), la Banque Centrale de la République
_____ d’X) », ordonne la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée le 27 mars 2020 entre les mains de la société anonyme SOCIETE3.) S.A. ;
dit non fondé l’appel incident de la Banque Centrale de la République
_____ d’X), rejette les demandes respectives des parties en allocation d’une indemnité de procédure pour l’instance d’appel;
condamne les PARTIES APPELANTES sub I) agissant en leur nom personnel, sub II) et sub III) agissant en tant que représentants et/ou héritiers des victimes décédées lors des attentats du 11 septembre 2001 aux frais et dépens de l’instance d’appel. » Cet arrêt fait l’objet du présent pourvoi.
Dans le contexte de saisies-arrêts formées par des parents ou héritiers de victimes des attentats terroristes perpétrés le 11 septembre 2001 sur le territoire des États-Unis d’Amérique sur des comptes de SOCIETE3.) détenant, selon les parties saisissantes, des avoirs saisissables de la BANQUE CENTRALE et d’autres personnes morales ou naturelles X), votre Cour a encore rendu les arrêts suivants1 :
1 Cette liste est reprise des conclusions de Monsieur le Procureur général adjoint John Petry dans le cadre des pourvois CAS-2022-000111 et CAS-2022-00074 * l’arrêt n° 102/2019, numéro CAS-2019-00050 du registre, du 6 juin 2019, prononçant, sur pourvoi de la BANQUE CENTRALE, pour violation de l’article 933, alinéa 1, du Nouveau Code de procédure civile, plus particulièrement du défaut d’appréciation de la réalité du trouble manifestement illicite à la date de la décision, la cassation d’un arrêt de la Cour d’appel ayant confirmé une ordonnance de référé ayant déclaré irrecevable une demande de mainlevée d’une saisie-arrêt pratiquée dans ces conditions, * l’arrêt n° 87/2021, numéro CAS-2020-00068 du registre, du 20 mai 2021, rejetant le pourvoi des parents ou héritiers des victimes des attentats contre l’arrêt de la Cour d’appel, rendu dans la même espèce sur renvoi après cassation, ayant, par réformation, ordonné la mainlevée de la saisie-arrêt, * l’arrêt n° 154/2021, numéro CAS-2020-00147 du registre, du 16 décembre 2021, disant qu’il n’y avait pas lieu de statuer, faute d’objet, sur un pourvoi formé par SOCIETE3.) contre un arrêt de la Cour d’appel ayant provisoirement interdit à celle-ci de transférer certains actifs vers les États-Unis d’Amérique, dans l’attente de statuer sur le fond d’un appel formé par la BANQUE CENTRALE contre une ordonnance qui avait rétracté une telle interdiction, qui avait été ordonnée sur requête de la BANQUE CENTRALE, et * l’arrêt n° 98/2022, numéro CAS-2021-0007 du registre, du 27 janvier 2022, disant qu’il n’y avait pas lieu de statuer, faute d’objet, sur un pourvoi formé par SOCIETE3.) contre un arrêt de la Cour d’appel ayant prorogé l’interdiction précitée de transfert de certains actifs vers les États-Unis d’Amérique jusqu’à la date de signification du jugement au fond rendu sur cette question, qui avait entretemps eu lieu.
Sur le premier moyen de cassation :
Le premier moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 933, paragraphe 1er, du Nouveau code de procédure civile (ci-après le NCPC) et il est subdivisé en deux branches.
L’article 933, paragraphe 1, 1ère phrase, du NCPC dispose :
« Le président, ou le juge qui le remplace, peut toujours prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite».
La première branche est tirée de la violation de l’article 933, paragraphe 1er, du NCPC, en ce que la Cour d’appel a décidé que « [l]a prétention des PARTIES APPELANTES d’avoir rapporté la preuve d’une contestation sérieuse du trouble manifestement illicite constitué par la saisie-arrêt litigieuse est non fondée en ce qui concerne l’argumentation tirée de l’inapplicabilité de l’article 111 (5) de la LSP aux fonds saisis » ;2 aux motifs qu’ « […] il y a lieu de relever que la Cour de cassation ne s’est prononcée que sur la question de savoir quelle partie à l’instance a la charge de la preuve de prouver l’existence auprès de la société SOCIETE3.) de comptes autres qui ne seraient ni des comptes de règlement, ni des comptes accessoires à un compte de règlement, en présence 2 Arrêt attaqué du 25 janvier 2024, page 32, deuxième paragraphe d’une disposition d’ordre public n’autorisant la société SOCIETE3.) à détenir que des comptes de règlement »3 qu’ « [a]u vu de l’arrêt n°98 de la Cour de cassation], il y a lieu de retenir que la détermination de la notion exacte de « compte de règlement », outre le fait qu’elle dépasse les pouvoirs du juge des référés, n’est, relatif à cette argumentation, pas déterminante pour la solution du litige, étant donné que la société SOCIETE3.) n’est légalement autorisée à tenir que des comptes de règlement, respectivement des comptes autres que de règlement qu’à titre d’accessoires à de tels comptes de règlement » 4;
et que « [l]es PARTIES APPELANTES argumentent encore qu’il résulterait de l’arrêt n°98/2023 que la Cour de cassation leur aurait accordé le droit de démontrer que la saisie-
arrêt porte sur des avoirs qui ne se trouvent ni sur un compte de règlement, ni sur un compte accessoire à un compte de règlement »5;
qu’«[i]l y a lieu de relever d’emblée que cette argumentation ne saurait être retenue par la Cour d’appel de renvoi, le libellé de l’arrêt n°98/2023 n’impliquant nullement la conséquence juridique invoquée 6» ;
alors que, si la Cour d’appel ne s’était pas limitée à se fonder in abstracto sur une interprétation contestée de la législation en vigueur sans procéder à une analyse in concreto des moyens en fait et en droit des parties demanderesses en cassation, qui dépassent la compétence de la Cour d’appel en matière de référés et qui constituent dès lors des contestations sérieuses du trouble manifestement illicite, ce que la Cour d’appel a reconnu elle-même, elle aurait dû se déclarer incompétente pour connaître du litige lui soumis.
Les parties demanderesses en cassation reprochent à l’arrêt attaqué d’avoir annihilé leurs moyens juridiques qui, selon la Cour d’appel dépassent la compétence d’un juge statuant en matière de référés et constituant dès lors des contestations sérieuses, de sorte que les contestations sérieuses du trouble manifestement illicite auraient été balayées d’un revers de main, alors que la Cour d’appel aurait dû les analyser et constater qu’elle n’a pas compétence afin de trancher le litige.
La Cour d’appel a accueilli la demande des parties défenderesses en cassation sur la base de l’article 933, alinéa 1, première phrase, du Nouveau Code de procédure civile, qui permet au juge des référés de « faire cesser un trouble manifestement illicite ». Il se distingue du référé-urgence prévu par l’article 932, alinéa 1, du même Code, sur lequel les parties défenderesses en cassation ont fondé leur demande à titre subsidiaire, et qui permet dans les cas d’urgence d’ordonner en référé toutes les mesures « qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ». Le critère de l’existence d’un trouble manifestement illicite et celui de l’absence de contestation sérieuse relèvent partant de deux dispositions différentes qui régissent des compétences différentes du juge des référés.
3 ibidem, page 27, avant-dernier paragraphe 4 ibidem, page 28, deuxième paragraphe 5 ibidem, page 28, quatrième paragraphe 6 ibidem, page 28, cinquième paragraphe Le référé-sauvegarde de l’article 933, alinéa 1, première phrase, du Code se distingue du référé-urgence de l’article 932, alinéa 1, en ce qu’il peut avoir pour objet même des mesures qui se heurtent à une contestation sérieuse, tant qu’elles s’imposent pour mettre fin à un trouble manifestement illicite7. Dans la première hypothèse, le juge des référés est a priori affranchi de la condition de l’absence de contestation sérieuse8, mais ce constat doit être nuancé9.
Dans un arrêt rendu en date du 19 décembre 201910 , votre Cour a résumé de façon claire le rôle des contestations sérieuses dans le cadre de l’article 933, alinéa 1, première phrase, du NCPC:
« Même si cet article n’exige pas formellement l’absence de contestations sérieuses, l’examen des contestations soulevées en cause, qui s’impose, peut cependant conduire au constat que les conditions d’application de cette disposition légale ne sont pas établies de façon suffisamment évidente pour permettre au juge des référés de prendre la mesure sollicitée ».
Pour certains auteurs, « l’évidence du droit, saisie à travers l’absence de contestation ou l’aspect manifeste du trouble provoqué, est devenue la pierre angulaire du recours au juge des référés »11.
Dans l’arrêt attaqué, les juges d’appel ont tout d’abord correctement exposé les principes régissant le référé-sauvegarde prévu à l’article 933, alinéa 1er :
« Aux termes de l’article 933 alinéa premier du nouveau code de procédure civile, « Le président, ou le juge qui le remplace, peut toujours prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».
C’est à juste titre que le juge de première instance a rappelé que l’intervention du juge sur base du référé-sauvegarde exige la constatation par celui-ci d’une voie de fait, qui se définit comme étant constituée par une atteinte manifestement illicite et intolérable à un droit certain et évident d’autrui par l’accomplissement par son auteur d’actes matériels aux fins d’usurper un droit qu’il n’a pas ou pour se rendre justice à soi-même.
Le trouble manifestement illicite se définit comme « toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit ». Le trouble manifestement illicite procède donc de la méconnaissance d’un droit, d’un titre, ou corrélativement, d’une interdiction les protégeant (Jacques et Xavier VUITTON, Les référés, 3° édition, n° 282).
7 Répertoire Dalloz Procédure civile, V° Référé civil, par Nicolas CAYROL, mars 2016, n° 370 ; Jurisclasseur Procédure civile, Fasc. 1200-95, par Xavier VUITTON, novembre 2016, n° 38.
8 Répertoire Dalloz précité, n° 371 9 Jurisclasseur précité, n° 38 10 Cass. n° 178 / 2019 du 19.12.2019, n°CAS-2019-00005 du registre, Pas. 39, p.663 11 « Le référé comme garantie de l’effectivité des droits », Marie-Laure Dufresne-Castets, introduction, Revue Droit ouvrier Juin 2002 Le trouble consiste dans un acte ou une abstention s’inscrivant en méconnaissance de l’ordre juridique établi qu’il faut, d’une part, faire cesser pour être inadmissible en tant que constituant une illicéité. Il s’agit d’autre part, de préserver ou rétablir un statu quo avant l’intervention du juge du fond (eodem loco, n° 285).
L’illicéité se comprend comme la méconnaissance d’une norme juridique obligatoire, que son origine soit délictuelle ou contractuelle, législative ou réglementaire, de nature civile ou pénale. Quel que soit le droit auquel il est porté atteinte, l’action peut également tendre à s’opposer à un procédé auquel une partie aurait recours pour régler le différend, obtenir le bénéfice de ce droit ou éviter d’assumer une obligation. Peu importe dans ce cas, que l’auteur du trouble ait ou non raison sur le fond du droit. L’illicéité tient en ce qu’il s’est fait justice à lui-même et a recouru à une voie de fait pour clore le différend qui l’oppose à la partie adverse, ce qui consacre l’existence d’un trouble manifestement illicite (eodem loco, n° 288 et 291).
Le caractère manifeste du trouble illicite renvoie à la raison d’être initiale du juge des référés, juge de l’immédiat, de l’évident, ce qui paraît impliquer une intervention dans un litige exempt de doute. Le juge des référés ne disposant pas de temps et son intervention ne supportant pas de retard, le trouble dont il est saisi doit être incontestable. L’intervention du juge des référés reste nécessairement marquée par une évidence, même s’il est autorisé à procéder à des recherches plus approfondies qu’autrefois pour la mettre en évidence.
(eodem loco, n° 293).
Il suit de la nécessité du caractère manifeste du trouble que le juge des référés n’est plus compétent s’il existe une contestation sérieuse au fond par rapport au trouble illicite.
La demande est donc irrecevable lorsque la contestation porte soit sur l’existence même du trouble allégué, soit sur le prétendu caractère manifestement illicite de ce trouble. » Les juges d’appel ont ensuite examiné le mérite de l’appel en ce qu’il est basé sur l’invocation de l’existence de contestations sérieuses :
« L’article 111 (5) de la LSP dispose que : « Tout compte de règlement auprès d’un opérateur de système ou d’un organe de règlement, de même que tout transfert, via un établissement de crédit de droit luxembourgeois ou étranger, à porter à un tel compte de règlement, ne peut être saisi, mis sous séquestre ou bloqué d’une manière quelconque par un participant (autre que l’opérateur du système ou l’organe de règlement), une contrepartie ou un tiers ».
L’objet de cette disposition est de nature préventive : « il s’agit de protéger les systèmes contre des saisies-arrêts, des mesures de séquestre, des ordres de blocage ou toute autre mesure analogue sur des comptes de règlement à solde créditeur des participants auprès de l’opérateur du système ou de l’organe de règlement. De telles mesures risquent d’empêcher le règlement des ordres de transfert en cours d’exécution et partant de compromettre le bon fonctionnement des systèmes agréés au Luxembourg » (Doc. Parl.
4611, du 6.1.2000, page 17).
Cette interdiction de saisie permet d’éviter notamment que des transactions conclues entre professionnels ne puissent pas être débouclées, que des titres indispensables pour les prêts de titres restent disponibles dans les systèmes ou que des opérations de politique monétaire des banques centrales ne soient bloquées.
Il n’est pas contesté que cette disposition est d’ordre public.
Les PARTIES APPELANTES ne contestent pas que la société SOCIETE3.) est un opérateur de système.
Elles contestent cependant que la société SOCIETE3.) ne tienne que des comptes de règlement et elles concluent à l’inapplicabilité de l’article 111 (5) de la LSP aux fonds saisis.
Les PARTIES APPELANTES réitèrent dans ce contexte leur argumentation tirée de la nécessité de procéder à une interprétation de la notion même de « compte de règlement », argumentation basée sur des définitions divergentes de cette notion inscrite à l’article 107, point 14 de la loi modifiée de 2009 et de l’article 2, point I) de la Directive Finalité. Elles formulent, dans ce cadre, leur première question préjudicielle libellée au dispositif de l’acte d’appel qu’elles proposent de soumettre à la CJUE afin de voir clarifier la question de savoir sous quelles conditions un compte doit recevoir la qualification de compte de règlement.
La Cour de cassation a retenu dans son arrêt n°98/2023 que « Dès lors que la société SOCIETE3.) n’est légalement autorisée à ne tenir que des comptes de règlement, respectivement des comptes autres que de règlement qu’à titre d’accessoires à de tels comptes de règlement, la demanderesse en cassation est en droit d’arguer du caractère insaisissable de tels comptes et partant du trouble manifestement illicite découlant de la saisie-arrêt pratiquée sur les avoirs détenus sur le compte y ouvert en son nom, et il incombe à la partie saisissante d’établir que la saisie-arrêt porte sur un compte autre que ceux mentionnés ci-dessus. » Les PARTIES APPELANTES en déduisent que la société SOCIETE3.) serait légalement autorisée à tenir des comptes autres que des comptes de règlement ou des comptes accessoires à des comptes de règlement, du moins dans certains cas. Elles estiment que la nature des fonds saisis, lesquels se trouveraient bloqués et gelés depuis 2009, soit isolés et séparés du système de règlement des titres par la société SOCIETE3.) elle-même depuis 2012, ferait en sorte que ces fonds ne se trouveraient plus sur un compte participant au système de paiement visé par l’interdiction de saisie.
Toutefois, il y a lieu de relever que la Cour de cassation ne s’est prononcée que sur la question de savoir quelle partie à l’instance a la charge de la preuve de prouver l’existence auprès de la société SOCIETE3.) de comptes autres qui ne seraient ni des comptes de règlement, ni des comptes accessoires à un compte de règlement, en présence d’une disposition d’ordre public n’autorisant la société SOCIETE3.) à détenir que des comptes de règlement.
L’article 19, paragraphe 3, point b du Traité sur l’Union européenne, ainsi que l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoient la compétence de la CJUE pour se prononcer à titre préjudiciel sur l’interprétation des traités et sur la validité et l’interprétation du droit dérivé de l’Union européenne lorsque la décision sur un tel point est nécessaire pour qu’une juridiction nationale puisse trancher un litige qui lui est soumis.
La possibilité de soumettre une question préjudicielle à la CJUE est limitée aux questions qui mettent en cause l’interprétation des traités ou la validité et l’interprétation de l’intégralité du droit dérivé de l’Union européenne. Le juge national dispose d’une certaine latitude pour poser une question préjudicielle à la CJUE. Il peut être d’avis que le litige qui lui est soumis ne comporte aucune incidence en termes de droit communautaire et que la question d’un renvoi préjudiciel ne se pose pas. Pour autant que le droit européen a une incidence sur le litige, le renvoi préjudiciel est facultatif pour les juridictions nationales dont les décisions peuvent faire l’objet d’un recours interne, tel le cas en l’espèce (Th.
Hoscheit, Le droit judiciaire privé, n°883 et 884 cités par Cour d’appel, 11 décembre 2019, n°CAL-2018-00667 du rôle).
Au vu de l’arrêt n°98 de la Cour de cassation, il y a lieu de retenir que la détermination de la notion exacte de « compte de règlement », outre le fait qu’elle dépasse les pouvoirs du juge des référés, n’est, relatif à cette argumentation, pas déterminante pour la solution du litige, étant donné que la société SOCIETE3.) n’est légalement autorisée à tenir que des comptes de règlement, respectivement des comptes autres que de règlement qu’à titre d’accessoires à de tels comptes de règlement.
La demande des PARTIES APPELANTES tendant à voir poser à la CJCE la première question préjudicielle (telle que précitée à la page 17 du présent arrêt) est partant à rejeter.
Les PARTIES APPELANTES argumentent encore qu’il résulterait de l’arrêt n°98/2023 que la Cour de cassation leur aurait accordé le droit de démontrer que la saisie-arrêt porte sur des avoirs qui ne se trouvent ni sur un compte de règlement, ni sur un compte accessoire à un compte de règlement Il y a lieu de relever d’emblée que cette argumentation ne saurait être retenue par la Cour d’appel de renvoi, le libellé de l’arrêt n°98/2023 n’impliquant nullement la conséquence juridique invoquée.
Les PARTIES APPELANTES réitèrent leur argumentation basée sur la nature des fonds saisis, soutenant que la société SOCIETE3.) ne tiendrait pas que des comptes de règlement, en faisant valoir qu’à côté de son statut d’opérateur de système et d’organe de règlement, celle-ci aurait également le statut de banque. Elles versent à cet effet les statuts de SOCIETE3.) et renvoient plus particulièrement à l’article 3 des statuts qui dispose : « 3.1.
L’objet de la société est la réception de dépôts ou d’autres fonds remboursables du public et l’allocation de crédits pour son propre compte.
La Société assurera plus particulièrement la garde, l’administration et la circulation de valeurs mobilières, de métaux précieux, et d’autres instruments financiers ainsi que les prestations relatives à ses services financiers au Grand-Duché de Luxembourg ou à l’étranger.
3.2. En outre, la Société a également pour objet la détention de participations, sous quelque forme que ce soit, dans des sociétés luxembourgeoises et étrangères, l’achat, le transfert par vente, échange ou autrement d’actions, d’obligations, de certificats d’obligations, de reconnaissance de dettes, de bons et de toutes autres valeurs mobilières ainsi que la possession, l’administration, le développement et la gestion de son portefeuille. La Société peut prêter ou emprunter avec ou sans garantie, à condition que les sommes empruntées soient affectées à la réalisation des objectifs de la Société ou de ses filiales, sociétés associées ou affiliées. De façon générale, la Société peut assurer toutes opérations financières, commerciales ou industrielles pouvant être utiles à l’accomplissement et le développement de ses objectifs ».
Les PARTIES APPELANTES invoquent que la société SOCIETE3.) aurait, depuis le 1er janvier 1995, le statut de banque autorisée à exercer son activité en application de l’article 2 de la loi du 5 avril 1993 sur le secteur financier.
Il est exact que la société SOCIETE3.) a le statut de banque.
Elle a ce statut parce qu’elle tient des comptes-espèces pour ses participants.
L’article 54(3) (a) du Règlement (UE) du Parlement Européen et du Conseil du 23 juillet 2014 concernant l’amélioration du règlement de titres dans l’Union Européenne et les dépositaires centraux de titres, et modifiant la directive 98/26/CE, exige en effet que tout dépositaire central de titres qui offre à ses participants la tenue d’un compte-espèces ait une licence bancaire.
Ceci n’implique cependant pas automatiquement que la société SOCIETE3.) détienne des comptes autres que des comptes de règlement.
L’article 18.1 du Règlement précité dispose que :« Les activités d’un DCT (dépositaire central de titres) agréé sont limitées à la prestation des services couverts par son agrément (…) » interdit en effet à la société SOCIETE3.) d’exercer une quelconque autre activité que celle de dépositaire central de titres.
Bien qu’ayant le statut d’une banque, la société SOCIETE3.) ne peut donc tenir que des comptes de règlement en raison des exigences du prédit Règlement.
Il y a partant lieu de rejeter la demande tendant à voir poser à la CJCE la deuxième question préjudicielle libellée par les PARTIES APPELANTES aux termes du dispositif de leur acte d'appel concernant l’article 54 du Règlement n°909/2014, laquelle, outre le fait qu’elle concerne le fond du litige et que le renvoi préjudicielle dépasse dès lors la compétence du juge des référés, se réfère par ailleurs à une notion, à savoir « un compte bancaire classique », qui ne se trouve pas spécifiquement définit par ledit règlement, de sorte qu’une interprétation de cette notion par la CJCE est difficilement concevable.
Afin de justifier une contestation sérieuse par rapport au trouble illicite invoqué par la société SOCIETE3.), les PARTIES APPELANTES doivent rapporter la preuve que la société SOCIETE3.) détiendrait d’autres comptes, qui ne seraient pas des comptes de règlement, et notamment que les comptes saisis ne soient pas des « comptes de règlement », seuls visés par l’interdiction.
Selon les PARTIES APPELANTES, la société SOCIETE3.) détiendrait au bénéfice de la Banque
______ un compte bancaire bloqué (sundry blocked account) et elles soutiennent que les fonds du compte en question, puisque bloqués, n’auraient jamais pu entrer dans le système.
A cela s’ajouterait que les comptes et avoirs de la Banque Centrale auraient été visés par des mesures internationales prises à l’encontre de l’X), notamment par un gel des avoirs instauré par le règlement (UE) N° 267/2012 du Conseil du 23 mars 2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’X).
Or, des fonds gelés ne pourraient être maintenus dans le système alors qu’ils ne pourraient plus faire l’objet d’aucune opération.
Puisque les comptes pouvaient être gelés par un règlement européen, l’insaisissabilité prévue à l’article 111(5) de la LSP ne serait pas absolue et l’article 111(5) de la loi limiterait l’interdiction de saisir les avoirs à des actifs qui sont dans le système.
Les PARTIES APPELANTES versent à l’appui de leur argumentation un avis juridique du professeur Robert Wtterwulghe du 13 juillet 2016 ainsi qu’un avis juridique de l’avocate Marie-Paule Gillen du 16 janvier 2017.
La société SOCIETE3.) verse de son côté un avis juridique du professeur Ph.-E. Partsch précisant que la loi modifiée de 2009 n’est pas uniquement une transposition de la « Directive Finalité », laquelle serait une directive qui ne serait pas d’harmonisation maximale, et qui permettrait aux Etats-membres de règlementer, à l’occasion de la transposition de cette directive, d’autres points de droit non réglés par celle-ci, mais que la loi de 2009 ajouterait trois volets non couverts par la Directive Finalité afin de renforcer la surveillance des systèmes et la fluidité des transactions.
Il convient de rappeler que les comptes saisis ne font actuellement plus l’objet de mesures de gel, dès lors qu’en application du Règlement (UE) 2015/1861 du Conseil du 18 octobre 2015, les sanctions économiques et financières touchant l’Etat X)ien et ses entités affiliées, dont la Banque Centrale, ont été levées.
Il en résulte que tous les développements des PARTIES APPELANTES relatifs à la nature des comptes bloqués devant nécessairement constituer des comptes « hors système », et partant non soumis au caractère insaisissable des comptes de règlement en raison du blocage des fonds sur base des mesures internationales, tombent à faux.
Ainsi le compte-espèces n°80726 dit « compte classique », de même que le compte n°13061 dit « frauduleux », ne faisant actuellement plus l’objet de mesures de gel, les parties appelantes sont mal venues d’arguer de la nature spécifique de ces comptes pour échapper à la qualification de comptes de règlement insaisissables.
En ce qui concerne le compte n°13675 dit « sundry blocked account » ou « compte bloqué », la société SOCIETE3.) ne conteste pas l’existence de ce compte, mais donne à considérer qu’il fait l’objet d’une mesure interne purement technique requise par ses systèmes informatiques, mais qui serait sans incidence sur la nature du compte et aurait pour seule finalité d’éviter qu’en raison d’une manipulation malheureuse d’un collaborateur, la société SOCIETE3.) puisse se libérer des avoirs en compte. Ce compte resterait toujours un compte client qui, comme tous les autres comptes-clients, serait soumis aux conditions générales de la société SOCIETE3.).
Les PARTIES APPELANTES invoquent dans ce contexte encore des circonstances factuelles établissant le caractère saisissable des fonds saisis, circonstances qui permettraient d’établir que les avoirs saisis ne sont pas destinés à constituer la contrepartie à des transactions de titre dans le système de règlement de la société SOCIETE3.).
A cet égard, elles soutiennent que la Banque Centrale ne serait pas autorisée à s’engager dans des transactions de titre dans des systèmes de règlement, que le fonctionnement du système SOCIETE3.), tel qu’il résulterait de son propre « handbook » distinguerait entre des comptes publics et des comptes non publics, qu’en application de l’article 39 du Règlement n°9090/2014 et des quatre premiers paragraphes de l’article 111 (5) de la LSP, les liquidités que la société SOCIETE3.) détient pour ses clients ne relèveraient pas du système de règlement par le seul fait qu’elle auraient été déposées sur un compte auprès de la société SOCIETE3.) , mais qu’elles devraient être liées à un ordre de transfert, qui lui-
même devrait être introduit dans le système de règlement de titres. Or, dans la mesure où les avoirs saisis ont été gelés, puis isolés et bloqués, ils ne sauraient faire l’objet d’un ordre de transfert et ils ne sauraient dès lors faire partie du système de règlement de la société SOCIETE3.). Dans ce contexte les PARTIES APPELANTES font encore valoir que les conditions générales de la société SOCIETE3.) prévoient aux articles 23 (2) et 49 (3) des « freezing ordres », qui équivaudraient à la phase conservatoire d’une saisie-arrêt.
Dans la mesure où il résulte des développements précédents que la société SOCIETE3.), de par son statut, ne peut tenir que des comptes de règlement, les PARTIES APPELANTES restent en défaut de rapporter la preuve que les circonstances factuelles invoquées ainsi que la mesure interne de blocage du compte auraient pour effet d’altérer la nature juridique du compte n°13675 dit « sundry blocked account ».
Il y a dès lors lieu de rejeter les demandes des PARTIES APPELANTES tendant à voir nommer un expert afin de clarifier l’organisation interne des comptes de la société SOCIETE3.) appliquée aux comptes saisis ainsi que celles tendant à recueillir des informations de la part de la société SOCIETE3.). Par ailleurs, de telles demandes tendant à recueillir des informations dans le but de permettre une analyse détaillée du fonctionnement du système SOCIETE3.) dépasseraient largement les pouvoirs du juge des référés, ces pouvoirs étant réservés au juge du fond.
A cet égard, il y a encore lieu de relever que l’article 107 (14) de la LSP définit le compte de règlement comme étant « un compte auprès d’une banque centrale, d’un organe de règlement ou d’une contrepartie centrale utilisé pour le dépôt de fonds ou de titres ainsi que pour le règlement de transactions entre participants d’un système ». Cette définition ne contient pas l’exigence, contrairement à l’affirmation des PARTIES APPELANTES, que le compte ne puisse être un compte de règlement que s’il est « dans le système » ou « en système ». Les termes de la loi modifiée de 2009 étant clairs et précis, il n’y a pas lieu à interprétation.
La prétention des PARTIES APPELANTES d’avoir rapporté la preuve d’une contestation sérieuse du trouble manifestement illicite constitué par la saisie-arrêt litigieuse est non fondée en ce qui concerne l’argumentation tirée de l’inapplicabilité de l’article 111 (5) de la LSP aux fonds saisis. » Il ressort de la lecture de ces motifs, que les juges d’appel ont analysé en détail l’argumentation des parties appelantes, y compris les avis juridiques versés à l’appui de leur argumentation et les circonstances factuelles invoquées pour établir le caractère saisissable des fonds saisis. La conclusion des juges d’appel que la preuve d’une contestation sérieuse du trouble manifestement illicite constitué par la saisie-arrêt n’est pas rapportée, repose partant sur une analyse en droit et en fait des arguments invoqués par les actuelles parties demanderesses en cassation.
La Cour d’appel a ainsi correctement appliqué la disposition visée au moyen et a légalement justifié sa décision de retenir l’existence d’un trouble manifestement illicite.
La première branche n’est pas fondée.
Subsidiairement :
Sous le couvert d’une violation de la disposition visée, la première branche ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine par les juges du fond des éléments de preuve leur soumis, appréciation qui échappe au contrôle de la Cour de cassation.
Le premier moyen de cassation, pris en sa première branche, ne saurait être accueilli.
La seconde branche est tirée de la violation de l’article 933, paragraphe 1er, du NCPC, en ce que la Cour d’appel a reçu « les appels, principal et incident » et a déclaré « l’appel principal des PARTIES APPELANTES non fondé »12 ;
aux motifs que « [l]a Cour d’appel de renvoi approuve le juge de première instance d’avoir retenu que l’analyse des manœuvres frauduleuses invoquées par les PARTIES APPELANTES dépasse le pouvoir d’appréciation du juge des référés »13 alors que, en admettant l’analyse des faits invoqués à l’appui du moyen de droit fondé sur le principe « fraus omnia corrumpit » dépasse le pouvoir d’appréciation du juge des référés, la Cour d’appel aurait dû se déclarer incompétente pour connaître de la présente affaire ou déclarer irrecevable la demande introduite par la défenderesse sub 1) sur base de l’article 933, alinéa 1er, du NCPC, puisque le moyen qui dépasse le pouvoir d’appréciation du juge 12 ibidem, dispositif 13 ibidem, page 35, avant-dernier paragraphe des référés constitue manifestement une contestation sérieuse du trouble manifestement illicite invoqué par la partie défenderesse sub 1), de sorte que le juge des référés n’a pas compétence pour statuer sur l’affaire qui lui est soumise.
Les parties demanderesses en cassation font grief à l’arrêt entrepris d’avoir approuvé le juge de première instance d’avoir retenu que l’analyse des manoeuvres frauduleuses invoquées par les parties appelantes dépasse le pouvoir d’appréciation du juge des référés, alors qu’il s’agirait d’une contestation sérieuse à l’égard du prétendu trouble manifestement illicite invoqué par la partie défenderesse en cassation sub 1) et que la Cour d’appel aurait dû se déclarer incompétente pour trancher le litige, sinon déclarer irrecevable le recours introduit par la partie défenderesse sub 1).
Il ressort de l’arrêt dont pourvoi14 que les actuelles parties demanderesses en cassation avaient invoqué en instance d’appel une collusion frauduleuse entre la Banque Centrale, la société SOCIETE3.) et la Banca SOCIETE4.) pour en conclure au caractère saisissable de tous les comptes litigieux:
« Les PARTIES APPELANTES soutiennent que cette fraude priverait la Banque Centrale et la société SOCIETE3.) du droit de se défendre contre la saisie-arrêt pratiquée par les PARTIES APPELANTES en invoquant l’article 111 (5) de la LSP comme moyen de défense.
Elles en déduisent qu’en raison de cette fraude tous les comptes litigieux pourraient être légalement saisis. » L’arrêt attaqué a répondu à ce moyen par les motifs suivants :
« L’adage « fraus omnia corrumpit » prohibe toute tromperie ou déloyauté dans le but de nuire ou de réaliser un gain.
Les PARTIES APPELANTES prétendent en l’espèce que la Banque Centrale aurait procédé à des manœuvres dolosives à leur égard en donnant instruction à la société SOCIETE3.) d’exécuter certains ordres de virement en faveur de la Banca SOCIETE4.) pour soustraire à leur emprise des avoirs appartenant à la Banque Centrale mais inscrits sur le compte dit « frauduleux » détenu auprès la société SOCIETE3.) pour compte de la Banca SOCIETE4.).
La Cour d’appel de renvoi approuve le juge de première instance d’avoir retenu que l’analyse des manœuvres frauduleuses invoquées par les PARTIES APPELANTES dépasse le pouvoir d’appréciation du juge des référés.» Se pose alors la question si les juges d’appel pouvaient se dispenser de l’analyse des manœuvres frauduleuses invoquées par les parties demanderesses en cassation tout en concluant à l’existence d’un trouble manifestement illicite et, donc, à l’absence de contestation sérieuse.
« […]la contestation sérieuse s'apprécie selon le caractère manifeste, l'évidence du droit revendiqué ( RTD civ. 1979, p. 655 . - RTD civ. 1980, p. 398 , Normand. - JCP G 1967, II, 15181 , Motulsky. - Gaz. Pal. Rec. 1972, 2, doctr. p. 539, Rousse. - Gaz. Pal. Rec. 1974, 2, 14 Arrêt attaqué, page 35: “4) Quant à la fraude” doctr. p. 898, Perrot. - Gaz. Pal. Rec. 1974, 2, doctr. p. 838, Rousse. - D. 1979, chron. p.
159, Martin).
Ce critère suppose une appréciation plus concrète du juge, qui doit analyser non seulement la question posée, sans pour autant la trancher, mais aussi les arguments développés par les parties et leur valeur respective. L'évidence est l'aune à laquelle l'intervention du juge des référés doit être mesurée pour l’exercice de certains de ses pouvoirs ( Gaz. Pal. 13 juill.
1991, doctr. p. 355 , Rondeau-Rivier : " l'absence de contestation sérieuse, c'est l'évidence du fond du droit ").
Une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision que pourrait éventuellement prendre les juges du fond s’ils étaient saisis de la demande. La contestation est sérieuse lorsqu’elle paraît susceptible de prospérer au fond ( Cass. 3e civ., 2 mars 2010, n° 09-13.696, F-D : JurisData n° 2010-
001232 ). Le juge des référés ne peut constater une incertitude en l’état des débats et la trancher comme le ferait un juge du fond. En revanche, si les moyens opposés en défense sont inopérants, mal fondés ou insuffisamment prouvés, aucune contestation sérieuse n’existe.
L'appréciation de l'existence d'une contestation sérieuse, de l'évidence du droit revendiqué, est donc nécessairement contradictoire et suppose la confrontation des moyens et preuves des parties, puisque c'est la vanité des moyens de défense, par rapport à la valeur de ceux du demandeur, qui s'oppose à l'existence d'une contestation sérieuse ( RTD civ. 1979, p.
655 , J. Normand. - M. Malaurie, Le référé-concurrence : JCP G 1993, I, 3637, n° 14 . -
Cass. 1re civ., 8 juill. 2009, n° 08-15.239 . - Cass. 3e civ., 2 mars 2010, n° 09-13.696 :
JurisData n° 2010-001232 . - Cass. 1re civ., 6 juill. 2016, n° 15-18.763 : JurisData n° 2016-
013667 ).
Affirmer qu'une contestation doit être sérieuse pour faire échec à certains pouvoirs du juge des référés exclut que les allégations artificielles. Le juge des référés peut donc, et même doit, passer outre une contestation superficielle ou dilatoire ( Cass. 1re civ., 19 déc. 1989 : Bull. civ. I, n° 394 : application de clauses claires d'un contrat. - Cass. 1re civ., 26 nov.
1991 : Bull. civ. I, n° 329 . - Cass. 2e civ., 25 mars 2010, n° 08-13.812 , absence de contestation sérieuse lorsque les pièces opposées en défense sont douteuses pour émaner du défendeur lui-même), ce qui lui assure une efficacité minimale, à défaut de laquelle son intervention pourrait être artificiellement entravée. Il ne peut pas se contenter de leur seule apparence et doit préciser ce caractère aux termes d'une analyse rigoureuse.
Cette volonté s'est également manifestée sur le fondement de l'article 835, alinéa 1er, du CPC , que le décret de 1987 - reprenant la jurisprudence de la Cour de cassation - a modifié, pour préciser que le juge devait intervenir " même en présence d'une contestation sérieuse ", pour ainsi exiger de lui plus d'audace et lui interdire de s'en tenir à la surface du litige pour apprécier l'illicéité d'un acte (V. n° 38 ). »15 15 Jurisclasseur Fasc. 1200-95 : Référés : Conditions générales des pouvoirs du juge des référés- Fonctions du juge des référés, §23 Certes, il pourrait être déduit de ce que certains pouvoirs du juge des référés sont subordonnés à une absence de contestation sérieuse, que le juge ne serait pas autorisé à approfondir l’analyse et à creuser le dossier et devrait se contenter d’une approche superficielle de ce qui lui est soumis. Il n’en est rien, puisque le juge des référés est même autorisé à ordonner une mesure d’instruction pour s’éclairer ( Cass. 1re civ., 30 juin 1993 : Bull civ., I, n° 237 ; RTD civ. 1994, p. 162 , obs. R. Perrot).
En réalité, d’une part, le juge des référés n’est pas tant limité dans la profondeur de l’analyse qu’il peut mener, que dans l’exigence que celle-ci soit compatible avec la durée attendue de l’instance en référé. Il doit examiner les moyens et preuves qui lui sont présentés et peut poursuivre ses recherches et investigations jusqu’à ce qu’il se trouve en présence de deux thèses aussi apparemment légitimes l’une que l’autre en l’état des éléments dont il dispose, dans la limite du temps relativement bref qui doit être celui de son intervention. Au-delà, il ne peut appartenir qu’aux juges du fond de trancher la contestation, selon la procédure, les moyens et le temps qui sont les leurs ( Cass. 2e civ., 15 avr. 2021, n° 20-10.966, impl . : JurisData n° 2021-005416 ). C’est en ce sens que la jurisprudence a pu faire état de " l’évidence requise devant le juge des référés " ( Cass. 2e civ., 18 janv. 2018, n° 17-10.636 : JurisData n° 2018-000297 ).
D’autre part, l’évidence dépend le plus souvent de ce qui est soumis au juge. Il appartient au demandeur de prouver que sa demande, aussi compliquée soit ses fondements, est manifestement bien-fondée, en clarifiant les explications de telle manière que le juge n’ait pas effectué de recherches lui-même pour s’en convaincre. Ce qui est complexe peut être non-sérieusement contestable, pourvu que cela soit présenté comme tel au juge.
S'agissant de la question pratiquement déterminante de la charge de la preuve, il appartient donc au demandeur de prouver l'existence de l'obligation (et son étendue), puis au défendeur de démontrer qu'il existe une contestation sérieuse susceptible de faire échec à la demande, en tout ou partie (V. par ex., Cass. 1re civ., 25 mars 2010, n° 09-13.382 ). Le défendeur n’a pas à prouver que la demande est mal fondée, ni que sa défense l’est, mais doit simplement créer un doute sérieux dans l’esprit du juge sur leur bien-fondé respectif.
Le doute profite au défendeur.
La notion de contestation sérieuse est essentiellement casuelle. Le juge des référés est tenu de se reconnaître dépourvu de pouvoirs lorsqu'il lui est demandé de prendre une mesure qui supposerait un droit reconnu avec certitude, alors que celui-ci n’apparaît pas incontestable ou évident en l’état du dossier qu’il a devant lui ( Cass. 1re civ., 26 nov. 1991 : Bull. civ. I, n° 329 . - Cass. 3e civ., 10 nov. 1992 : Bull. civ. III, n° 293 , l'absence de contestation sérieuse résulte de la clarté des conventions soumises. - Cass. 1re civ., 19 mars 1991 : Bull. civ. I, n° 96 . - Cass. 1re civ., 30 juin 1992 : Bull. civ. I, n° 213 ). »16 L’article 835, alinéa 1er, du Code de procédure civile français dispose:
" Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, 16 ibidem, § 24-26, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ".
Cet article dont la teneur est très proche de celle de l’article 933, alinéa 1er, du NCPC, a été commenté comme suit :
« Ce texte pourrait paraître échapper à la condition d'absence de contestation sérieuse, puisque le décret n° 87-434 du 17 juin 1987 , entérinant une jurisprudence antérieure bien établie (par ex., Cass. com., 2 oct. 1984 : Bull. civ. IV, n° 251, p. 206 . - Cass. 2e civ., 21 juin 1986 : Bull. civ. II, n° 119 ), a précisé que le juge des référés pouvait intervenir sur ce fondement " même en présence d'une contestation sérieuse ". Il n’en est rien.
Cet ajout est trompeur, dès lors que l'indifférence de l'existence d'une contestation sérieuse sur ce fondement n'est que relative. Même si certains arrêts se contentent d'affirmer sans plus de précisions que l'existence d'une contestation sérieuse ne fait pas obstacle à ce que le juge des référés intervienne, il est inévitable de considérer que l'existence d'une contestation sérieuse peut, malgré la formule à l'emporte-pièce du décret, faire obstacle à l’exercice par le juge des référés de certains de ses pouvoirs dans certains cas.
Le décret, s'il a entendu inviter à une plus grande intervention du juge, n'a en effet, pas souhaité remettre en cause les conditions de l'octroi de pouvoirs au juge des référés (P.
Estoup, La pratique des procédures rapides : Dalloz 1990, n° 90). Or, lorsqu'il est saisi pour faire cesser un trouble manifestement illicite, le juge des référés, qui intervient dans le cadre de sa fonction d'anticipation, est appelé à préjuger de ce que diront les juges du fond s'ils sont conduits un jour à connaître du litige et le raisonnement qu’il doit mener est donc le même que celui que devrait mener le juge du fond ( Cass. 2e civ., 20 mai 2020, n° 19-12.780 : JurisData n° 2020-006955 ; Resp. civ. et assur. 2020, comm. 135 , obs. L.
Bloch. - Cass. soc., 1er févr. 2023, n° 21-24.271 : JurisData n° 2023-000914 ; JCP G 2023, act. 475 , note X. Vuitton).
Pour autant, une différence majeure existe, il n’en a pas le temps de sorte que ses pouvoirs d'anticipation du juge du provisoire sont subordonnés à une condition requise par la rapidité de son intervention, celle de l'évidence du droit fondant la demande. Un trouble doit être " manifestement illicite " pour qu'un terme puisse y être mis en référé. Il n'est dès lors pas envisageable que la contestation sérieuse à laquelle l'article 835, alinéa 1er, du CPC se réfère puisse porter sur l'existence ou le caractère manifestement illicite du trouble ( Cass. 1re civ., 3 juin 1986 : Bull. civ. I, n° 153 . - Cass. 1re civ., 31 mars 1987 : Bull. civ.
I, n° 117 . - Cass. 3e civ., 13 juill. 2010, n° 09-15.115 . - Cass. com., 28 sept. 2010, n° 09-
16.413 , a contrario). Dans ce cas, comme en cas de dommage imminent, la contestation sérieuse n'empêchera pas son intervention, mais ne permettra au juge des référés que de prendre des mesures d'attente ou conservatoires. La contestation sérieuse le prive de pouvoir d’anticipation. Ainsi, saisie d’un moyen critiquant une décision d’appel qui avait refusé de faire droit à une demande, motif pris de l’existence d’" un conflit de normes juridiques d’égale valeur constituant une contestation sérieuse que la jurisprudence n’a[vait] apparemment pas encore tranché ", la deuxième chambre de la Cour de cassation a approuvé les juges du fait en retenant que le droit prétendument affecté d’un trouble manifestement illicite " n’apparaissait pas avec l’évidence requise devant le juge des référés " (V. Cass. 2e civ., 18 janv. 2018, n° 17-10.636 : JurisData n° 2018-000297 ;
Procédures 2018, comm. 84 , obs. A. Bugada ; JCP S 2018, 1119 , note M. d'Allende et M.
Buso. - Cass. com., 7 juill. 2015, n° 14-18.890 . - Cass. 2e civ., 3 mars 2022, n° 21-13.892 : JurisData n° 2022-002846 ; RD rur. 2022, comm. 95 , obs. S. Crevel ; Dalloz actualité, 29 mars 2022, note N. Hoffschir).
En d’autres termes, une contestation sérieuse sur l’existence du trouble ou sur son caractère illicite ou sur l'existence du dommage imminent fait nécessairement obstacle à ce que le juge des référés puisse prendre une mesure d’anticipation ( Cass. 1re civ., 8 févr.
2017, n° 15-26.760 . - Cass. 2e civ., 18 janv. 2018 , préc. - Cass. 1re civ., 5 juill. 2018, n° 18-12.809 : JurisData n° 2018-011976 ). »17 En instance d’appel, les contestations des parties appelantes portaient sur l’insaisissabilité des comptes saisis et affectaient partant l’existence-même du trouble qui doit être « manifestement illicite » pour que le juge des référés dispose du pouvoir de le faire cesser.
Etant précisé que le caractère manifeste doit s’apprécier « au seul regard de l’illicéité du trouble invoqué »18.
« Dans l'exercice de sa fonction d'anticipation,[…], le juge des référés est saisi d'une demande tendant à faire cesser un trouble manifestement illicite et l'existence d'une contestation sérieuse sur le fond n'est pas indifférente. Lorsque le demandeur veut obtenir la cessation d'un comportement ou d'une situation portant atteinte à un droit qu'il estime incontestable (en demandant sa réintégration, l’exécution d’un contrat ou la cessation d'une activité illicite, par exemple), une contestation sérieuse a pour conséquence de priver l'illicéité du trouble de tout caractère manifeste et même de toute certitude.
Réciproquement, les prétentions du défendeur ne sont pas nécessairement infondées.
Partant, au-delà de simples mesures conservatoires, le droit fondant la demande ne peut être affirmés et protégés au détriment des ceux, potentiellement fondés, de l’adversaire sans que les juges du fond aient tranchés la contestation. La formule du décret de 1987 ne peut faire échapper le référé de l'article 835, alinéa 1er, à cette contestation sérieuse ( Cass. 2e civ., 18 janv. 2018, n° 17-10.636 : JurisData n° 2018-000297 . - Cass. 1re civ., 5 juill. 2018, n° 18-12.809 : JurisData n° 2018-011976 . - Cass. com., 11 janv. 2023, n° 21-21.846 :
JurisData n° 2023-000112 ). En d’autres termes, en présence d’une contestation sérieuse sur un droit, il ne peut pas exister de trouble manifestement illicite pris de sa violation ( Cass. soc., 15 nov. 2017, n° 16-25.066 : JurisData n° 2017-022907 ).
Ainsi, le juge, qui constate que la licéité d’une clause de non-concurrence n'apparaît pas avec l'évidence requise en référé, et qu’elle est donc sérieusement contestée, doit rejeter des demandes d’anticipation tendant à en assurer le respect, le caractère manifestement illicite du trouble invoqué n’étant pas avéré (V. Cass. com., 7 juill. 2015, n° 14-18.890 ). »19 Concernant l’insertion de la formule « même en présence d’une contestation sérieuse » dans le texte de l’article 809, devenu 835, du Code de procédure civile français, les commentateurs écrivent :
17 ibidem, § 37 18 Cass. Civ. 3e, 21 fév. 2019, n°17-31.847, AJDI 2019.303 19 Jurisclasseuir précité, § 38 « L’objectif du décret tient certainement dans la volonté d’empêcher les juges des référés de se dispenser trop facilement d’avoir à statuer ( RTD civ. 1988, p. 170 , obs. J. Normand.
- En ce sens, Drai, in Acte du colloque " le CPC 20 ans après ", 11/12 déc. 1997 : Doc. fr., p. 211. - Cass. com., 7 juin 2006, n° 05-19.633 : JurisData n° 2006-034096 ).
D’une part, compte tenu de la situation grave dont il est saisi (trouble manifestement illicite ou dommage imminent), le juge des référés doit chercher à intervenir même en présence d’une contestation sérieuse, ne serait-ce que pour stabiliser la situation ou aider à trancher cette contestation par une mesure d’instruction, et s’attacher à vérifier, avant de pouvoir rejeter la demande, que la situation dont il est saisi ne correspondrait pas à l’un des cas où son intervention est autorisée, quand bien même les parties n’auraient pas pensé à lui soumettre cet éclairage et quand bien même elle ne lui permettrait d’intervenir qu’à titre préparatoire ou conservatoire.
D’autre part, la Cour de cassation attend visiblement de l'audace du juge des référés, qui ne peut se contenter d'apprécier la surface du litige ou son apparence pour apprécier l'existence d'une illicéité manifeste.
Il doit rechercher activement l’éventuelle illicéité du comportement dénoncé par le demandeur au référé. Même si l’ampleur des investigations attendues du juge des référés semble varier selon les chambres de la Cour de cassation, il doit néanmoins toujours " creuser " suffisamment le dossier sans qu’un nuage de fumée artificiellement créée par le défendeur ne puisse faire obstacle à son intervention ( RTD civ. 1997, p. 222-223 , obs.
Normand. - Cass. com., 27 oct. 1992 : Bull. civ. IV, n° 330 ; D. 1992, p. 505, obs. Bénabent ; JCP G 1994, II, 22213 , note Lévy. - Cass. soc., 17 mai 1995 : Dr. sociétés 1995, p. 570 , concl. P. Lyon-Caen, imposant au juge des référés de vérifier la conformité d'un plan social aux exigences de la loi. - Cass. soc., 22 mai 1995 : JCP G 1995, II, 22433 , concl. Chauvy ; D. 1995, somm. p. 366, obs. Launay-Gallot. - Cass. com., 17 nov. 1998 : Bull. civ. IV, n° 275 . - Cass. soc., 12 janv. 1999, n° 98-40.020 : JurisData n° 1999-000089 ; Bull. civ. V, n° 8 ; JCP G 1999, IV, 1399 . - Sur le caractère plus approfondi des recherches attendues du juge des référés en matière prud’homale qu’en droit commun, V. X. Vuitton, Du trouble manifestement illicite en référé selon la chambre sociale de la Cour de cassation : JCP G 2023, act. 475 ).
En réalité, le juge doit pousser ses recherches jusqu’à ce qu’il rencontre une difficulté dont la solution exigerait de lui qu’il prenne parti entre deux thèses susceptibles de se défendre légitimement, alors qu’aucun élément ne permet en l’état d’en privilégier une sur l’autre.
Telles sont les limites de son office, qui ne sauraient être abusivement restreintes. Les pouvoirs d’anticipation du juge des référés tendent à apporter la solution rapide que requiert une situation d’illégalité rapidement identifiable, car toute illégalité mise en lumière doit cesser aussi vite que possible. Ce n’est dès lors pas le degré d’approfondissement permis au juge, qui doit être la mesure de ses pouvoirs, pas plus que l’évidence de ce qui peut ressortir de la simple lecture du dossier initial, mais uniquement la certitude, l’incontestabilité, de l’illicéité découverte par le juge dans le bref délai de la rapide instance en référé. »20 20 ibidem, § 39 Dans ce contexte, il faut relever que la Cour de cassation française se montre exigeante en matière de motivation et que son Assemblée plénière impose au juge des référés de préciser les éléments de nature à établir l’évidence des droits retenus à l’appui de la décision21 Concernant la fonction d’anticipation du juge des référés en présence d’un trouble manifestement illicite, J. Normand souligne que « ce dont on discute, et qui doit être recherché en référé, c’est de savoir si le comportement à l’origine du trouble était illicite ou s’il ne l’était pas. Lorsqu’il l’est, on affirme qu’il l’est manifestement, et on satisfait aux exigences du texte. Lorsque l’application de celui-ci est écartée, c’est que d’illicéité, il n’y a pas. On ne trouve pas de censure pour défaut d’évidence »22 Autrement dit : « Dans tous les cas la contestation sérieuse consiste à anéantir la certitude du droit invoqué par le demandeur et l’absence de contestation sérieuse, c’est l’évidence du fond du droit. »23 Ce que doit en tout cas faire le juge des référés à qui il est demandé de faire cesser un trouble sur la base de l’article 933, alinéa 1er, du NCPC, c’est de se prononcer sur l’illicéité du trouble.
Dans ce contexte, il peut sembler utile de rappeler les observations de H. Motulsky qui énonçait que « le simple fait par le juge des référés, de préjuger le fond (…), ne constitue pas un préjudice au principal »,lequel ajoutait que « lorsque la jurisprudence met en avant, comme critère des pouvoirs du juge des référés, l’absence d’une contestation sérieuse, elle permet précisément à cette juridiction de se prononcer provisoirement sur le fond, à la seule condition de ne point trancher des difficultés sérieuses ».24 Dans sa thèse « Le juge des référés, juge du provisoire »25, Y. Strickler a très bien décrit la problématique :
« Il apparaît alors que la contestation est sérieuse dès que le juge des référés doit résoudre un problème difficile, relevant du juge du fond. Le magistrat chargé des référés va prendre en considération tous les éléments nécessaires pour arriver à la conclusion qu’objectivement, le droit en cause n’est pas sérieusement contestable. Par rapport à l’ancienne interdiction de préjudicier au principal, on constate désormais la nécessité d’une analyse des motifs. La contestation sérieuse n’est pas celle qui touche au fond du droit, mais « celle que le juge des référés ne peut, sans hésitation, rejeter en quelques mots ».
Si la solution du problème conduit le juge des référés à une appréciation juridique motivée qui fait la part entre la thèse de l’un et celle de l’autre, il excède ses pouvoirs dans la mesure où il est obligé de discuter juridiquement pour écarter l’une de ces thèses qui est forcément sérieuse. Lorsque le juge des référés, pour repousser une contestation, est obligé de bâtir 21 Cass, rapport annuel 2001 à propos de l’arrêt du 16 novembre 2001, Bull. n°13 22 J. Normand, Référé, « Le contrôle de l’illicéité manifeste du trouble par la Cour de cassation » RTDC 1997.222 23 article précité de Marie-Laure Dufresne-Castets, page 254 24 Cité dans l’article précité de Marie-Laure Dufresne-Castets, (31), page 254, qui renvoie au JCP 1967 II 15181 25 Yves Strickler. Le juge des référés, juge du provisoire. Droit. Université Robert Schuman-Strasbourg III,1993.Français.NNT: tel-00169851 un raisonnement juridique que ne dénierait pas un juge du fond, il va au-delà de ses pouvoirs. Or, il doit laisser intact le pouvoir de décision du tribunal. C’est pourquoi il n’est pas habilité à trancher une question de fond.
On s’accorde ainsi à dire qu’on est en présence d’une contestation sérieuse dès l’instant où « elle fait naître un doute sur le sens dans lequel trancherait le juge du fond s’il venait à être saisi ». « Si la demande pose question au juge des référés, alors il doit s’abstenir. Il n’est en effet nullement nécessaire que le droit invoqué par le défendeur au référé soit indiscutable.[…] La contestation sérieuse étant celle qui amène les juge des référés au doute, ce doute doit bénéficier au défendeur.[… ] Il suffit qu’il y ait « une incertitude, si faible soit-elle, sur le sens dans lequel trancherait le juge du fond. ».26 Concernant la détermination du caractère sérieux de la contestation par le juge des référés, Y. Strickler observe:
« L’appréciation de la contestation soumise au juge variera nécessairement avec la personnalité du magistrat saisi et en particulier en fonction de son esprit de décision et de la conception qu’il a de sa fonction, de sa mission.
Selon la timidité ou l’audace des magistrats, on peut penser que la question « la contestation est-elle sérieuse ? » revient à ce que le juge s’estime capable ou non de résoudre à lui seul le problème posé. S’il s’en estime incapable, la contestation lui paraîtra sérieuse. S’il s’en estime capable, il jugera immédiatement l’affaire ».27 Dans sa thèse « Le sérieux et le manifeste en droit judiciaire privé »,28 C. Clovis évoque le critère de l’évidence, auquel se réfèrent très souvent la doctrine et les juridictions :
« Si l’on adopte une telle définition, le moyen non sérieux est celui que l’on peut écarter immédiatement sans avoir besoin d’avancer aucune justification : son inanité est telle qu’elle s’impose d’elle-même à l’entendement du juge. À l’inverse, le moyen sérieux serait celui que l’on ne peut rejeter sans une analyse juridique préalable. Le moyen sérieux correspond donc à une notion complexe qui se divise en deux sous-catégories : le moyen que l’on ne peut rejeter parce qu’il est évidemment recevable, opérant et bien fondé, et le moyen que l’on ne peut rejeter parce qu’il existe un doute sur sa recevabilité ou son bien-
fondé. De même, une question ne soulève de difficulté sérieuse que dans la mesure où sa résolution implique un investissement intellectuel témoignant de ce que la réponse ne va pas de soi et suppose une démonstration. La difficulté sérieuse est donc caractérisée par le caractère non évident de la réponse à un problème juridique.
Quant au caractère manifeste d’une solution ou d’une appréciation déterminée, il sera constitué par le fait que ladite solution ou appréciation peut être regardée pour vraie sans le soutien d’aucune argumentation.
26 ibidem, pages 96-98 27 ibidem, page 101 28 Clovis Callet. Le sérieux et le manifeste en droit judiciaire privé. Droit. Aix-Marseille Université (AMU), 2015. Français. NNT : . tel-01933566v2 Ainsi, les caractères sérieux et manifeste sont des notions qui se recouvrent partiellement.
D’abord, la difficulté sérieuse, excluant l’évidence d’une solution déterminée, exclut nécessairement que l’on puisse qualifier cette solution de manifeste. Ensuite, le moyen non sérieux, étant évidemment infondé ou irrecevable, appelle une appréciation manifeste : la demande qui n’est fondée sur aucun moyen sérieux est manifestement infondée. Quant au moyen sérieux, il peut appeler une appréciation manifeste ou, au contraire, l’exclure selon le type de moyen sérieux dont il est question. »29 Le même auteur fait une analyse légèrement différente en préférant le critère de certitude pour définir les caractères sérieux et manifeste :
« Dans cette perspective, la difficulté sérieuse est constatée par le juge au terme de l’analyse de la cause et consiste en l’existence d’un obstacle insurmontable dans la résolution du litige. Elle existe lorsque le juge fait face à un dilemme. Un moyen sera sérieux s’il peut être démontré avec certitude qu’il est recevable et bien fondé ou qu’il apparaît absolument impossible de déterminer ce qu’il en est. Quant au moyen non sérieux, il s’agit de celui que l’on sait devoir écarter. »30 Peu importe que l’on préfère le critère de l’évidence ou celui de la certitude, C. Callet constate que le juge des référés intervient au terme d’une analyse approfondie du droit et de la cause :
« La doctrine constate généralement que le juge des référés saisi d’une demande de provision ou d’une demande tendant à la cessation d’un trouble manifestement illicite est appelé à procéder à une analyse minutieuse du litige. Xavier Vuitton, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, note ainsi : « cette conception de la contestation sérieuse permet au juge des référés d’intervenir plus avant dans le débat et lui impose, sous le contrôle effectif de la Cour de cassation, de ne pas se contenter d’un examen superficiel ou de la seule existence d’une défense pour décliner toute possibilité d’intervention, en évitant ainsi qu’il ne se déclare dépourvu de pouvoirs avec trop d’empressement ou artificiellement […]. Le juge des référés peut donc, et même doit, passer outre une contestation superficielle ou dilatoire […], ce qui lui assure une efficacité minimale, à défaut de laquelle son intervention pourrait être artificiellement entravée. Il ne peut pas se contenter de leur seule apparence et doit préciser ce caractère aux termes d’une analyse rigoureuse ». Dans le même sens, Jacques Normand explique : « La Cour de cassation ne tolère pas que le juge se réfugie derrière l’alibi commode du défaut d’évidence[…]. Elle l’oblige, en tout cas, dans la recherche de la licéité ou de l’illicéité, à creuser profond.
[…] Citons aussi les propos de Laurent Lévy : « dès lors que le demandeur fournit au juge les éléments de fait et de droit qui lui permettent de qualifier d’illicite le trouble qu’il subit, celui-ci ne peut se retrancher derrière la nécessité d’une analyse juridique de ces éléments pour écarter la demande. […] On objectera que le trouble allégué ne doit pas simplement être illicite, mais qu’il doit l’être manifestement. Mais justement : cela ne signifie pas que cette illicéité doive nécessairement être d’une absolue transparence ; les exigences de 29 ibidem, n°9, pages 5 et 6 30 ibidem, n°12, pages 7 et 8 l’article 809 (873) du Nouveau Code de procédure civile n’ont pas pour fonction d’inciter les juges à la paresse intellectuelle ».
[…] La nécessité pour le juge des référés de procéder à un examen approfondi des éléments de preuve produits par le défendeur n’implique pas nécessairement que la contestation qu’il soulève soit sérieuse. L’appréciation du caractère sérieux des contestations se fait donc au terme de l’étude de la cause par le juge. De sorte que l’on ne saurait lui reprocher d’avoir été trop loin dans l’examen des pièces et dans l’analyse des moyens. »31 La Cour de cassation française ne permet pas aux juges des référés appelés à statuer sur l’existence d’un trouble manifestement illicite32 de simplement renvoyer à la compétence des juges du fond pour un examen approfondi du bien-fondé des moyens invoqués par les parties, mais elle les oblige à examiner eux-mêmes les moyens des parties et à en apprécier la valeur :
« Attendu que pour dire n'y avoir lieu à référé, l'arrêt énonce que les quarante-cinq pages de conclusions récapitulatives que la société Concurrence a cru devoir déposer devant la Cour démontrent que le caractère prétendument illicite des pratiques de la société Kelkoo ne présente pas le caractère manifeste exigé par l'article 809, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile, mais que son appréciation, qui nécessite l'examen approfondi de leur bien-fondé auquel ces écritures appellent, relève exclusivement du juge du fond ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il était de son office d'examiner les moyens et arguments soutenus par la société Concurrence dans ses conclusions, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; »33 ou encore :
« qu'il appartient au juge des référés de mettre un terme à une telle manoeuvre frauduleuse, dès lors que celle-ci est manifeste, et qu'en se refusant à apprécier la légitimité des motifs qui avaient pu dicter à Mme X… son interdiction de révéler son adresse, la cour d'appel a violé les textes susvisés par fausse application ».34 Si tel est le principe et que le juge des référés doit lui-même examiner les moyens des parties, la jurisprudence de la Cour de cassation française se montre néanmoins compréhensive vis-à-vis des juges des référés moins audacieux ou plus timides35. En effet, elle accepte qu’un juge des référés, qui a examiné un moyen, et qui vient à la conclusion qu’il se trouve face à une difficulté qui justifie un débat devant le juge du fond, d’en déduire que le droit invoqué n’apparaît pas avec l’évidence requise devant le juge des référés et que le trouble manifestement illicite n’est pas caractérisé :
31 ibidem, n°84, pages 67 et 68 32 Sur la base de l’ancien article 809, alinéa 1er (actuel article 835, alinéa 1er) du nouveau Code de procédure civile français 33 Cass. Civ. 2e du 8 février 2006, n° 05-13.087 34 Cass. civ. 1e du 19 mars 1991, n° 89-19.960, publié au bulletin 35 cf. supra, Y. Strickler « Selon l'article 809, alinéa 1, du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, applicable au litige, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Ayant constaté, d'une part, que la société Avi-Pôle Réunion n'avait qu'une obligation de moyens à l'égard de la société La Ferme du Piton et que sa décision de suspendre ses interventions faisait suite à un arrêté municipal interdisant la circulation des véhicules de plus de 3.5 tonnes sur le chemin d'accès vers l'exploitation, d'autre part, que l'interprétation des obligations contractuelles mises à la charge de chacun justifiait un débat devant le juge du fond s'agissant de l'obligation de s'adapter aux difficultés d'accès à l'élevage, la cour d'appel a pu en déduire que le droit à la poursuite des relations commerciales n'apparaissait pas avec l'évidence requise devant le juge des référés et que le trouble manifestement illicite invoqué n'était pas caractérisé.
Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. »36 En l’espèce, l’arrêt attaqué est motivé comme suit :
« La Cour d’appel de renvoi approuve le juge de première instance d’avoir retenu que l’analyse des manœuvres frauduleuses invoquées par les PARTIES APPELANTES dépasse le pouvoir d’appréciation du juge des référés.» Après avoir énoncé le moyen invoqué par les parties appelantes, les juges d’appel ne se livrent à aucun examen de la contestation soulevée, alors que leur intervention est subordonnée à l’existence d’un trouble manifestement illicite. Or, tel que nous l’avons exposé ci-dessus, soit le juge des référés s’estime incapable de statuer sur le moyen et la contestation lui paraîtra sérieuse, soit il s’en estime capable et il jugera immédiatement l’affaire en écartant la contestation soulevée par le défendeur. S’il juge que les moyens opposés en défense sont inopérants, mal fondés ou insuffisamment prouvés, aucune contestation sérieuse n’existe. En revanche, la contestation sérieuse étant celle qui amène les juge des référés au doute, ce doute doit bénéficier au défendeur.
Les juges d’appel étaient donc appelés à se prononcer sur la contestation invoquée par les parties appelantes et à l’écarter, le cas échéant. En retenant que « l’analyse des manœuvres frauduleuses invoquées par les PARTIES APPELANTES dépasse le pouvoir d’appréciation du juge des référés », sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la fraude invoquée empêchait les parties saisissantes d’invoquer l’article 111 (5) de la LSP comme moyen de défense, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision et a violé l’article 933, paragraphe 1er, du NCPC.
L’arrêt encourt la cassation.
36 Cass. civ. 2e du 3 mars 2022, n°21-13.892, publié au bulletin Sur le deuxième moyen :
Le deuxième moyen est tiré de la violation de la loi, in specie de la mauvaise application des dispositions de l’article 111, paragraphe 5, de la loi du 10 novembre 2009 relative aux services de paiement, à l’activité d’établissement de monnaie électronique et au caractère définitif de règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations de titres, telle que modifiée (ci-après la LSP), en ce que la Cour d’appel a jugé que « ….] la demande de la Banque Centrale est à déclarer fondée sur la base de l’article 933 alinéa 1er du NCPC et que l’ordonnance est à confirmer », aux motifs que « [a]u vu du libellé clair et précis de l’article 111 (5) de la LSP, toute saisie pratiquée entre les mains de la société SOCIETE3.) constitue donc un trouble manifestement illicite au sens de l’article 933 alinéa premier du nouveau code de procédure civile, que le juge des référés est appelé à faire cesser »37 alors que le libellé de l’article 111, paragraphe 5, de la LSP ne serait ni clair ni précis et ne saurait, en aucun cas, mener à la conclusion que toute saisie pratiquée sur un compte de règlement constitue un trouble manifestement illicite au sens de l’article 933, alinéa 1er, du Nouveau code de procédure civile.
L’article 111, paragraphe 5, de la LSP dispose :
« Tout compte de règlement auprès d’un opérateur de système ou d’un organe de règlement, de même que tout transfert, via un établissement de crédit de droit luxembourgeois ou étranger, à porter à un tel compte de règlement, ne peut être saisi, mis sous séquestre ou bloqué d’une manière quelconque par un participant (autre que l’opérateur du système ou l’organe de règlement), une contrepartie ou un tiers. » Selon les parties demanderesses en cassation, cette disposition légale renverrait à plusieurs notions et hypothèses qui laissent une grande marge à l’interprétation.
« [L]e juge des référés doit pouvoir apprécier la clarté d’une loi, c’est-à-dire procéder à l’analyse de son texte, ainsi que de la quantité et de la qualité de la jurisprudence qui l’accompagne, afin de savoir si l’interprétation en a déjà ou non été donnée et paraît s’imposer (Cass. com. 5 juillet 1994 : Bull. civ. IV, n° 257) Le juge des référés doit, comme pour toute contestation sérieuse, apprécier la valeur des thèses en présence avant de se reconnaître privé de pouvoir. »38 Or, votre Cour a jugé dans son arrêt n° 99/2023 rendu en date du 28 septembre 202339 :
37 Arrêt attaqué, page 35, deuxième paragraphe 38 Jurisclasseur précité, §29 39 Cass. n°99/2023 du 28.09.2023, n° CAS-2022-00111 du registre « En retenant que le caractère absolu et général de l’insaisissabilité de tout compte de règlement instituée par l’article 111, paragraphe 5, de la loi modifiée du 10 novembre 2009 ne ressort pas avec évidence du contexte juridique, les juges d’appel ont violé la disposition visée au moyen. » Non seulement vous avez ainsi décidé que le caractère absolu et général de l’insaisissabilité de tout compte de règlement ressort de l’article 111, paragraphe 5, de la LSP, mais vous avez également déjà eu l’occasion de vous prononcer sur la charge de la preuve en ce qui concerne la nature des comptes tenus par SOCIETE3.) :
« Dès lors que la société SOCIETE3.) n’est légalement autorisée à ne tenir que des comptes de règlement, respectivement des comptes autres que de règlement qu’à titre d’accessoires à de tels comptes de règlement, la demanderesse en cassation est en droit d’arguer du caractère insaisissable de tels comptes et partant du trouble manifestement illicite découlant de la saisie-arrêt pratiquée sur les avoirs détenus sur le compte y ouvert en son nom, et il incombe à la partie saisissante d’établir que la saisie-arrêt porte sur un compte autre que ceux mentionnés ci-dessus ».40 Vous avez également déjà décidé que la notion de « compte de règlement » s’entend de manière large et ne dépend pas de l’exigence que le compte en question soit « dans le système » ou « en système » :
« En retenant que « L’interdiction de saisie s’applique à la double condition que le compte soit tenu auprès d’un opérateur de système ou d’un organe de règlement, et que le compte soit un compte de règlement », après avoir dit que « (…) l’article 107, (14) de la loi de 2009 définit le compte de règlement comme étant "un compte auprès d’une banque centrale, d’un organe de règlement ou d’une contrepartie centrale utilisé pour le dépôt de fonds ou de titres ainsi que pour le règlement de transactions entre participants d’un système". Cette définition ne contient pas l’exigence, contrairement à l’affirmation des parties saisissantes, que le compte ne puisse être un compte de règlement que s’il est "dans le système " ou " en système " », les juges d’appel se sont limités à constater que la définition du compte de règlement prévue à l’article 107, paragraphe 14 de la loi de 2009 ne fait pas formellement référence à l’exigence que le compte, pour valoir compte de règlement, doit se trouver en système ou dans le système et à énumérer les conditions de la règle d’insaisissabilité de l’article 111, paragraphe 5, de la loi de 2009 et ils ne se sont pas prononcés sur la question de savoir si ledit compte, pour valoir compte de règlement, devait alternativement ou cumulativement remplir les deux dernières conditions visées par l’article 107, paragraphe 14, de la loi de 2009 »41.
Les parties demanderesses en cassation reprochent aux juges d’appel d’avoir omis de déterminer si les comptes visés par la saisie constituent des comptes de règlement au sens des articles 107, point 14, et 111, paragraphe 5, de la LSP. Elles font encore valoir que la solution retenue comme quoi il y aurait une interdiction absolue de saisir-arrêter auprès de SOCIETE3.) est erronée.
40 Cass. n° 98/2023 du 28.09.2023, n° CAS-2022-00074 du registre 41 Cass. n° 87/2021 du 20.05.2021, n° CAS-2020-00068 du registre (nous soulignons) Compte tenu des jurisprudences précitées de votre Cour, les juges d’appel n’avaient pas à rechercher si les comptes saisis auprès de SOCIETE3.) étaient effectivement des comptes de règlement. SOCIETE3.) n’est légalement autorisée à ne tenir que des comptes de règlement, respectivement des comptes autres que de règlement qu’à titre d’accessoires à de tels comptes de règlement. Il appartient alors à la partie saisissante de prouver que la saisie-arrêt pour sur un compte autre, qui n’est pas soumis à l’insaisissabilité générale et absolue des comptes de règlement.
Les juges d’appel n’avaient pas non plus à rechercher le moment où les titres ont été introduits dans le système de compensation (pour devenir alors insaisissables, selon les parties demanderesses en cassation), car votre Cour a déjà jugé que la définition du compte de règlement est indépendante de l’introduction « dans le système ». Dans la même logique, la circonstance qu’un compte ait été bloqué et n’aurait jamais fait partie du système de règlement (« sundry blocked account ») ou aurait été sorti du système, est sans incidence.
En décidant qu’« [a]u vu du libellé clair et précis de l’article 111 (5) de la LSP, toute saisie pratiquée entre les mains de la société SOCIETE3.) constitue donc un trouble manifestement illicite au sens de l’article 933 alinéa premier du nouveau code de procédure civile, que le juge des référés est appelé à faire cesser », l’arrêt entrepris a fait une correcte application de la disposition visée.
Le moyen n’est pas fondé.
Sur le troisième moyen de cassation :
Le troisième moyen de cassation est tiré de la violation de la loi, in specie du refus d’appliquer les dispositions de l’article 107, paragraphe 14, de la loi LSP, et il s’articule en deux branches :
La première branche, en ce que les juges d’appel ont jugé qu’« [a]u vu de l’arrêt n°98 de la Cour de cassation, il y a lieu de retenir que la détermination de la notion exacte de « compte de règlement », outre le fait qu’elle dépasse les pouvoirs du juge des référés, n’est, relatif à cette argumentation, pas déterminante pour la solution du litige », aux motifs « que la société SOCIETE3.) n’est légalement autorisée à tenir que des comptes de règlement, respectivement des comptes autres que de règlement qu’à titre d’accessoires à de tels comptes de règlement », alors que, en donnant une définition du compte de règlement, l’article 107, paragraphe 14, de la loi LSP est indispensable pour déterminer le champ d’application de l’article 111, paragraphe 5, de cette même loi ;
La seconde branche, en ce que les juges d’appel ont jugé qu’« [a]u vu de l’arrêt n°98 de la Cour de cassation, il y a lieu de retenir que la détermination de la notion exacte de « compte de règlement », outre le fait qu’elle dépasse les pouvoirs du juge des référés, n’est, relatif à cette argumentation, pas déterminante pour la solution du litige », aux motifs « que la société SOCIETE3.) n’est légalement autorisée à tenir que des comptes de règlement, respectivement des comptes autres que de règlement qu’à titre d’accessoires à de tels comptes de règlement », alors que la définition légale du compte de règlement fixe trois conditions afin qu’un compte puisse être considéré comme un compte de règlement et qu’il découle de cette définition légale du compte de règlement qu’il doit être utilisé « pour le dépôt de fonds ou de titres ainsi que pour le règlement de transactions entre participants du système » afin de pouvoir être considéré comme un compte de règlement au sens de la loi LSP.
Le moyen, dans ses deux branches, reproche à l’arrêt dont pourvoi d’avoir ignoré les conditions légales prévues à l’article 107, paragraphe 14, de la loi LSP afin de déterminer le champ d’application de la loi LSP, alors qu’aucun des comptes litigieux ne remplirait les conditions fixées par l’article 107, paragraphe 14, de la loi LSP.
Or, l’arrêt entrepris s’est référé à la jurisprudence de votre Cour dans les motifs suivants :
« La Cour de cassation a retenu dans son arrêt n°98/2023 que « Dès lors que la société SOCIETE3.) n’est légalement autorisée à ne tenir que des comptes de règlement, respectivement des comptes autres que de règlement qu’à titre d’accessoires à de tels comptes de règlement, la demanderesse en cassation est en droit d’arguer du caractère insaisissable de tels comptes et partant du trouble manifestement illicite découlant de la saisie-arrêt pratiquée sur les avoirs détenus sur le compte y ouvert en son nom, et il incombe à la partie saisissante d’établir que la saisie-arrêt porte sur un compte autre que ceux mentionnés ci-dessus.
Les PARTIES APPELANTES en déduisent que la société SOCIETE3.) serait légalement autorisée à tenir des comptes autres que des comptes de règlement ou des comptes accessoires à des comptes de règlement, du moins dans certains cas. Elles estiment que la nature des fonds saisis, lesquels se trouveraient bloqués et gelés depuis 2009, soit isolés et séparés du système de règlement des titres par la société SOCIETE3.) elle-même depuis 2012, ferait en sorte que ces fonds ne se trouveraient plus sur un compte participant au système de paiement visé par l’interdiction de saisie.
Toutefois, il y a lieu de relever que la Cour de cassation ne s’est prononcée que sur la question de savoir quelle partie à l’instance a la charge de la preuve de prouver l’existence auprès de la société SOCIETE3.) de comptes autres qui ne seraient ni des comptes de règlement, ni des comptes accessoires à un compte de règlement, en présence d’une disposition d’ordre public n’autorisant la société SOCIETE3.) à détenir que des comptes de règlement. »42 En retenant que la société SOCIETE3.) n’est légalement autorisée à ne tenir que des comptes de règlement, respectivement des comptes autres que de règlement qu’à titre d’accessoires à de tels comptes de règlement, et qu’il incombe aux parties saisissantes d’établir que la saisie-arrêt porte sur un compte autre que ceux prémentionnés, l’arrêt attaqué a correctement appliqué la jurisprudence de votre Cour.
42 Arrêt attaqué, page 27 En considérant dès lors que, jusqu’à preuve du contraire, tous les comptes tenus par SOCIETE3.) sont considérés comme étant des comptes de règlement, respectivement des comptes autres que de règlement qui sont tenus à titre d’accessoires à de tels comptes de règlement, l’arrêt dont pourvoi n’a fait que tirer les conséquences logiques de ce qui précède.
En retenant qu’ « [a]u vu de l’arrêt n°98 de la Cour de cassation, il y a lieu de retenir que la détermination de la notion exacte de « compte de règlement », outre le fait qu’elle dépasse les pouvoirs du juge des référés, n’est, relatif à cette argumentation, pas déterminante pour la solution du litige, étant donné que la société SOCIETE3.) n’est légalement autorisée à tenir que des comptes de règlement, respectivement des comptes autres que de règlement qu’à titre d’accessoires à de tels comptes de règlement »43, l’arrêt entrepris n’a pas violé l’article 107, paragraphe 14, de la loi LSP.
Le troisième moyen, pris dans ses deux branches, n’est pas fondé.
Sur le quatrième moyen de cassation :
Le quatrième moyen de cassation est tiré de la violation du droit de l’Union européenne, in specie de la mauvaise application des dispositions de l’article 54 du Règlement (UE) n° 909/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 concernant l’amélioration di règlement de titres dans l’Union européenne et les dépositaires centraux de titres, modifiant les directives 98/26/CE et 2014/65/UE ainsi que le règlement (UE) n° 236/2012 (ci-après le Règlement n°909/2014), en ce que la Cour d’appel a décidé que « [b]ien qu’ayant le statut d’une banque, la société SOCIETE3.) ne peut donc tenir que des comptes de règlement en raison des exigences du prédit Règlement », aux motifs que « [l]’article 54(3) (a) du Règlement (UE) du Parlement Européen et du Conseil du 23 juillet 2014 concernant l’amélioration du règlement de titres dans l’Union Européenne et les dépositaires centraux de titres, et modifiant la directive 98/26/CE, exige en effet que tout dépositaire central de titres qui offre à ses participants la tenue d’un compte-espèces ait une licence bancaire », que « [c]eci n’implique cependant pas automatiquement que la société SOCIETE3.) détienne des comptes autres que des comptes de règlement » et que « [l]’article 18.1 du Règlement précité dispose que :« Les activités d’un DCT (dépositaire central de titres) agréé sont limitées à la prestation des services couverts par son agrément (…) » interdit en effet à la société SOCIETE3.) d’exercer une quelconque autre activité que celle de dépositaire central de titres ».
Les parties demanderesses en cassation font valoir que l’article 54 du Règlement (UE) n° 909/2014 ne permet pas de dire qu’un dépositaire central de titres ne peut tenir que des comptes de règlement, de sorte que l’arrêt entrepris aurait mal interprété ladite disposition règlementaire.
43 ibidem, page 28 L’arrêt dont pourvoi a correctement constaté que l’article 54 (3) (a) du Règlement n° 909/2024 exige que tout dépositaire central de titres qui offre à ses participants la tenue d’un compte-espèces doit avoir une licence bancaire et qu’il ne saurait être déduit du fait que SOCIETE3.) dispose d’une licence bancaire qu’elle détiendrait des comptes autres que des comptes de règlement.
L’arrêt cite ensuite l’article 18.1 du même Règlement, qui limite les activités d’un DCT (dépositaire central de titres) à la prestation des services couverts par son agrément, pour conclure que SOCIETE3.) ne saurait dès lors exercer une quelconque autre activité que celle de dépositaire central de titres.
Le moyen reproche à la Cour d’appel d’avoir décidé que « [b]ien qu’ayant le statut d’une banque, la société SOCIETE3.) ne peut donc tenir que des comptes de règlement en raison des exigences du prédit Règlement ». Les exigences en question sont celles prévues à l’article 18.1 du Règlement, à savoir l’exigence de disposer d’un agrément spécifique pour fournir des prestations de services autres que celles de dépositaire central de titres.
L’article 54 du Règlement n° 909/2024 invoqué au moyen est partant étranger au grief formulé.
Le moyen est irrecevable.
Sur le cinquième moyen de cassation :
Le cinquième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 5 du Code civil, qui dispose qu’«[i]l est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et règlementaire sur les causes qui leur sont soumises », et il est subdivisé en quatre branches que nous allons examiner en deux étapes:
La première branche, en ce que l’arrêt attaqué a décidé que « [l]a demande des PARTIES APPELANTES tendant à voir poser à la CJCE la première question préjudicielle (telle que précitée à la page 17 du présent arrêt) est partant à rejeter »44, aux motifs qu’« [a]u vu de l’arrêt n°98 de la Cour de cassation, il y a lieu de retenir que la détermination de la notion exacte de « compte de règlement », outre le fait qu’elle dépasse les pouvoirs du juge des référés, n’est, relatif à cette argumentation, pas déterminante pour la solution du litige, étant donné que la société SOCIETE3.) n’est légalement autorisée à tenir que des comptes de règlement, respectivement des comptes autres que de règlement qu’à titre d’accessoires à de tels comptes de règlement »45, alors qu’il découle de ce qui précède que la Cour d’appel a statué par voie de règlement, en énonçant une règle juridique de manière abstraite, en dehors de son application au litige concret qui lui est soumis, dans la mesure où elle n’a pas examiné la situation concrète qui 44 Arrêt attaqué, page 28, troisième paragraphe 45ibidem, page 28, deuxième paragraphe lui a été présentée par les parties demanderesses en cassation et n’a pas fondé sa décision en vue des éléments de fait lui soumis pour déterminer la nature des comptes saisis ;
La deuxième branche, en ce que l’arrêt attaqué a décidé qu’«[a]u vu de l’arrêt n°98 de la Cour de cassation, il y a lieu de retenir que la détermination de la notion exacte de « compte de règlement », outre le fait qu’elle dépasse les pouvoirs du juge des référés, n’est, relatif à cette argumentation, pas déterminante pour la solution du litige » aux motifs que « […] la société SOCIETE3.) n’est légalement autorisée à tenir que des comptes de règlement, respectivement des comptes autres que de règlement qu’à titre d’accessoires à de tels comptes de règlement »46, alors que, en statuant ainsi, la Cour d’appel aurait énoncé une règle juridique générale selon laquelle un opérateur de système ou un organe de règlement ne peut détenir que des comptes de règlement et selon laquelle il n’existe aucune exception à cette considération, de sorte que la Cour d’appel a écarté, en statuant par voie de règlement, les moyens de droit des parties demanderesses en cassation, qui constituent d’ailleurs des contestations sérieuses du trouble manifestement illicite, ce que la Cour d’appel aurait, elle-même, reconnu.
La quatrième branche, en ce que la Cour d’appel a décidé que « […] la demande de la Banque Centrale est à déclarer fondée sur la base de l’article 933 alinéa 1er du NCPC et que l’ordonnance est à confirmer », aux motifs qu’ «[a]u vu du libellé clair et précis de l’article 111 (5) de la LSP, toute saisie pratiquée entre les mains de la société SOCIETE3.) constitue donc un trouble manifestement illicite au sens de l’article 933 alinéa premier du nouveau code de procédure civile, que le juge des référés est appelé à faire cesser »47, alors que, en statuant ainsi, la Cour d’appel s’est prononcée par voie de disposition générale et règlementaire sur la cause qui lui a été soumise, puisqu’elle ne prévoit aucune exception à la décision suivant laquelle toute saisie pratiquée entre les mains de SOCIETE3.) constitue un trouble manifestement illicite, sans avoir tenu compte des faits et circonstances spécifiques de l’espèce et sans avoir pris en considération l’article 107, point 14, de la LSP afin de déterminer si l’article 111, paragraphe 5, de la même loi s’applique aux comptes litigieux.
Les trois branches prémentionnées font grief à l’arrêt attaqué de ne pas avoir tenu compte des circonstances concrètes du cas d’espèce soumis à la Cour d’appel et de s’être contenté d’énoncer une règle juridique générale et abstraite.
Or, il ressort de la motivation citée dans le cadre des quatrième et cinquième moyens de cassation que les juges d’appel ont analysé la situation concrète de la société SOCIETE3.), et notamment la circonstance qu’elle dispose d’une licence bancaire et quelles sont les prestations de services couvertes par son agrément, et ils ont analysé les avis juridiques et les circonstances factuelles qui ont été invoqués par les parties demanderesses en cassation 46ibidem, page 28, deuxième paragraphe 47 ibidem, page 35, deuxième paragraphe en faveur de la saisissabilité des comptes saisis. Sans faire œuvre législative, les juges d’appel ont statué en considération des circonstances de la cause et ne se sont donc pas prononcés par voie de disposition générale et réglementaire.
Le cinquième moyen, pris dans ses première, deuxième et quatrième branches, n’est pas fondé.
La troisième branche, en ce que la Cour d’appel a décidé qu’«[…] il y a lieu de retenir que la mainlevée de la saisie-arrêt litigieuse pratiquée par les PARTIES APPELANTES doit avoir un caractère général, et non pas partiel », aux motifs qu’ « [i]l résulte des développements qui précèdent que la Cour d’appel de renvoi est venue à la conclusion qu’en raison de l’interdiction absolue et générale de saisir des comptes de règlement édictée par l’article 111 (5) de la LSP et qu’en raison du fait que la société SOCIETE3.) ne peut détenir que des comptes de règlements »,48 alors que, en statuant ainsi, la Cour d’appel s’est prononcée statuant par voie générale et réglementaire sur la saisie-arrêt litigieuse, sans procéder à une analyse spécifique des faits et circonstances de l’espèce, étant donné que la demande initiale, formant un contrat judiciaire, a été introduite par la seule partie défenderesse sub 1), qui, en application du principe suivant lequel nul ne plaide par procureur, ne pouvait formuler qu’une demande en mainlevée de la saisie-arrêt par rapport aux comptes inscrits en son nom propre et qu’aucune disposition légale ne permettait à la Cour d’appel de statuer d’office sur une question de fait et de droit qui ne lui était pas soumise, en l’occurrence la question de savoir si la saisie-arrêt pratiquée sur les comptes de Banca SOCIETE4.) S.p.A. auprès de SOCIETE3.) constitue un trouble manifestement illicite qui justifierait la mainlevée de cette saisie-arrêt.
Dans l’arrêt n° 98/2023 précité49, votre Cour a déjà eu à statuer sur un moyen ayant trait à la demande de mainlevée de la BANQUE CENTRALE D’X) (actuellement la Banque Centrale) et portant sur la saisie-arrêt pratiquée sur les comptes de Banca SOCIETE4.) S.p.A auprès de SOCIETE3.).
Vous avez précisé que l’appréciation, par les juges d’appel, du caractère sérieux de la contestation élevée par les actuelles parties demanderesses en cassation à l’encontre de l’allégation des actuelles parties défenderesses en cassation sub 1) et 16) que la saisie-arrêt serait constitutive d’une voie de fait pour avoir été pratiquée sur des avoirs appartenant à un tiers et non pas à la partie défenderesse en cassation sub 1), relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de votre Cour.
Au vu de la demande de mainlevée de la saisie-arrêt présentée par les parties défenderesses en cassation sub 1) et 16), il ne saurait être reproché à l’arrêt dont pourvoi d’avoir statué par voie générale et réglementaire sur une question de fait et de droit qui ne lui était pas soumise.
48 ibidem, page 36, pénultième paragraphe 49 réponse au septième moyen Sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition visée au moyen, la troisième branche ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges d’appel, du caractère sérieux de la contestation élevée par les actuelles parties demanderesses en cassation à l’encontre de l’allégation des actuelles parties défenderesses en cassation sub 1) et 16) que la saisie-arrêt serait constitutive d’une voie de fait pour avoir été pratiquée sur des avoirs appartenant à un tiers et non pas à la partie défenderesse en cassation sub 1), appréciation qui relève de leur pouvoir souverain.
Le cinquième moyen, pris dans sa troisième branche, ne saurait être accueilli.
Sur le sixième moyen :
Le sixième moyen est tiré de la violation de la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après CEDH), in specie de la mauvaise application des dispositions de l’article 6, paragraphe 1er, et il s’articule en deux branches :
La première branche, tirée de la mauvaise application des dispositions de l’article 6, paragraphe 1er de la CEDH, en ce que la Cour d’appel a jugé que « [l’]argumentation [des parties demanderesses en cassation] [au] sujet [du fait que chaque créancier dispose d’un droit de poursuite général sur tout le patrimoine de son débiteur] est dès lors à rejeter », aux motifs que « le régime d’insaisissabilité prévu par les articles 111 (5) de la LSP est une disposition d’ordre public essentielle pour le bon fonctionnement des systèmes de règlement de titres et aux fins de réduction des risques que de tels systèmes peuvent créer au niveau individuel pour ses participants et au niveau collectif pour les marchés financiers dans leur ensemble en raison des liens étroits entre les systèmes » et que « […]le droit à l’accès à un tribunal, découlant du droit à un procès équitable, n’est pas un droit absolu, qu’il connaît des limites et des exceptions et que notamment il ne peut pas remettre en cause une disposition d’ordre public », 50 alors que le droit de poursuite général du créancier sur tout le patrimoine de son débiteur, tel qu’il découle de l’article 6, paragraphe 1er, de la CEDH, ne saurait être compromis par des dispositions d’ordre public inapplicables en l’espèce et en absence d’une analyse détaillée, notamment de l’ensemble des faits et circonstances pertinents applicables au cas d’espèce, de tous les moyens invoqués par le créancier.
Il ressort de l’arrêt entrepris que les parties demanderesses en cassation avaient invoqué en instance d’appel une violation du principe de proportionnalité et un droit de pouvoir exécuter un jour la décision américaine de condamnation, le tout sur la base l’article 6, paragraphe 1er, de la CEDH51 :
« En ce qui concerne la portée de l’article 111 (5) de la LSP au regard du droit international, notamment de l’article 6 paragraphe 1er la Convention EDH, les PARTIES APPELANTES font valoir qu’une « mainlevée de la saisie dans une procédure de référé, 50 Arrêt attaqué, page 34, troisième paragraphe 51 L’arrêt dont pourvoi utilisera effectivement une formule beaucoup plus neutre pour rejeter l’argumentation des parties demanderesses en cassation que celle « citée » dans la première branche du moyen :
« Leur argumentation à ce sujet est dès lors à rejeter» (page 34, 5e paragraphe).
sans que les parties saisissantes n’aient un jour la possibilité que des questions juridiques fondamentales soient tranchées par les juges du fond, constituerait une violation manifeste du principe de proportionnalité et dès lors de l’article 6, paragraphe 1er, de la Convention européenne des droits de l’homme ».
La Cour d’appel de renvoi, à l’instar de la société SOCIETE3.), estime que cette affirmation revient à revendiquer sur base de la Convention EDH non seulement d’un droit d’accès à un tribunal, mais encore un droit de pouvoir exécuter un jour la décision américaine de condamnation dit « Final Order and Judgment on Compensatory Damages », rendu par défaut le 26 février 2018 par le Tribunal de District des États-Unis du District du Sud de New York («United States District Court Southern District of New York. »52 Par contre, il ne ressort nullement de la décision attaquée que les parties demanderesses en cassation aient invoqué en instance d’appel un droit de poursuite général du créancier sur tout le patrimoine de son débiteur.
Le sixième moyen, dans sa première branche, constitue dès lors un moyen nouveau qui est irrecevable pour être mélangé de fait et de droit.
La seconde branche, tirée de la mauvaise application des dispositions de l’article 6, paragraphe 1er, de la CEDH, en ce que la Cour d’appel a décidé que « […] la demande de la Banque Centrale est à déclarer fondée sur la base de l’article 933 alinéa premier du NCPC et que l’ordonnance entreprise est à confirmer »53 aux motifs que « [a]u vu du libellé clair et précis de l’article 111 (5) de la LSP, toute saisie pratiquée entre les mains de la société SOCIETE3.) constitue donc un trouble manifestement illicite au sens de l’article 933 alinéa premier du nouveau code de procédure civile, que le juge des référés est appelé à faire cesser »54 et que « [a]fin de justifier une contestation sérieuse par rapport au trouble illicite invoqué par la société SOCIETE3.), les PARTIES APPELANTES doivent rapporter la preuve que la société SOCIETE3.) détiendrait d’autres comptes, qui ne seraient pas des comptes de règlement, et notamment que les comptes saisis ne soient pas des « comptes de règlement », seuls visés par l’interdiction », 55 et que « […] les PARTIES APPELANTES restent en défaut de rapporter la preuve que les circonstances factuelles invoquées ainsi que la mesure interne de blocage du compte auraient pour effet d’altérer la nature juridique du compte n°13675 dit « sundry blocked account »56, alors que, en statuant de cette manière, la Cour d’appel a violé le droit à un procès équitable, puisque, tout en se fondant sur une considération générale et abstraite, elle n’a pas procédé à une analyse in concreto de l’ensemble des pièces communiquées par les parties 52 Arrêt attaqué, page 33, quatrième paragraphe 53 Arrêt attaqué, page 35, troisième paragraphe 54 ibidem, page 35, deuxième paragraphe 55 ibidem, page 29, dernier paragraphe 56 ibidem, page 31, pénultième paragraphe demanderesses en cassation afin d’établir que les comptes saisis ne sont pas utilisés pour le règlement de transactions entre participants d’un système, tout en compromettant le principe de sécurité juridique.
Tel que nous l’avons déjà exposé dans le cadre du deuxième moyen, votre Cour a jugé que « Cette définition [de compte de règlement ] ne contient pas l’exigence, contrairement à l’affirmation des parties saisissantes, que le compte ne puisse être un compte de règlement que s’il est "dans le système " ou " en système " »57. de sorte que les juges d’appel n’avaient pas à procéder à la recherche préconisée par les parties demanderesses en cassation.
Le sixième moyen, en sa seconde branche, est inopérant.
Subsidiairement :
Tel qu’il a déjà été exposé ci-dessus, il ressort de la motivation citée dans le cadre des quatrième et cinquième moyens de cassation que les juges d’appel ont analysé la situation concrète de la société SOCIETE3.), et notamment la circonstance qu’elle dispose d’une licence bancaire et quelles prestations de services sont couvertes par son agrément, et ils ont analysé les avis juridiques et les circonstances factuelles qui ont été invoqués par les parties demanderesses en cassation en faveur de la saisissabilité des comptes saisis. Les juges d’appel ont statué en considération des circonstances de la cause.
Sous le couvert du grief tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 1er, de la CEDH, les parties demanderesses en cassation ne tendent qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine par les juges du fond des éléments de preuve leur soumis, appréciation qui échappe au contrôle de la Cour de cassation.
Le sixième moyen de cassation, pris en sa seconde branche, ne saurait être accueilli.
Sur le septième moyen de cassation :
Le septième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 109 de la Constitution pour contradiction de motifs valant absence de motifs, et il est subdivisé en deux branches :
La première branche, en ce que la Cour d’appel a jugé qu’« [i]l y a lieu de relever d’emblée que cette argumentation [qu’il résulterait de l’arrêt n°98/2023 que la Cour de cassation leur aurait accordé le droit de démontrer que la saisie-arrêt porte sur des avoirs qui ne se trouvent ni sur un compte de règlement, ni sur un compte accessoire à un compte de règlement] ne saurait être retenue par la Cour d’appel de renvoi, le libellé de l’arrêt n°98/2023 n’impliquant nullement la conséquence juridique invoquée »58.
et que « [a]fin de justifier une contestation sérieuse par rapport au trouble illicite invoqué par la société SOCIETE3.), les PARTIES APPELANTES doivent rapporter la preuve que la société SOCIETE3.) détiendrait d’autres comptes, qui ne seraient pas des comptes de 57 Cass. n° 87/2021 du 20.05.2021, n° CAS-2020-00068 du registre 58 Arrêt attaqué, page 28, quatrième et cinquième paragraphes règlement, et notamment que les comptes saisis ne soient pas des « comptes de règlement », seuls visés par l’interdiction », 59 et que « […] les PARTIES APPELANTES restent en défaut de rapporter la preuve que les circonstances factuelles invoquées ainsi que la mesure interne de blocage du compte auraient pour effet d’altérer la nature juridique du compte n°13675 dit « sundry blocked account »60, aux motifs que « [b]ien qu’ayant le statut d’une banque, la société SOCIETE3.) ne peut donc tenir que des comptes de règlement en raison des exigences du prédit Règlement »61.
et que « [a]fin de justifier une contestation sérieuse par rapport au trouble illicite invoqué par la société SOCIETE3.), les PARTIES APPELANTES doivent rapporter la preuve que la société SOCIETE3.) détiendrait d’autres comptes, qui ne seraient pas des comptes de règlement, et notamment que les comptes saisis ne soient pas des « comptes de règlement », seuls visés par l’interdiction »62.
alors que la Cour d’appel ne pouvait, sans se contredire, considérer, d’un côté, que les comptes saisis constituent irréfutablement des comptes de règlement en application de la législation applicable et que la partie défenderesse en cassation sub 16) ne peut détenir que des comptes de règlement, ce qui équivaut à dire que la Cour d’appel n’admet aucune preuve relative à la nature des comptes saisis, et, de l’autre côté, dire que les parties demanderesses en cassation doivent apporter la preuve que les comptes saisi ne sont pas des comptes de règlement au sens de la législation applicable, ainsi que reprocher aux parties demanderesses en cassation de n’avois pas rapporté aucune preuve afin de démontrer que les comptes saisis ne constituent pas des comptes de règlement au sens de la législation applicable- en particulier lorsque la Cour d’appel a ignoré et n’a pas pris en considération les documents prouvant que les comptes en question ne sont pas des comptes de règlement.
Pour que votre Cour puisse retenir le grief fondé sur la contradiction de motifs, il faut une contradiction entre motifs de fait :
« Le grief tiré de la contradiction de motifs, équivalant à un défaut de motifs, ne peut être retenu que si les motifs incriminés sont des motifs de fait. La contradiction entre motifs de droit ou entre un motif de droit et un motif de fait, ne relève pas du grief de contradiction de motifs. »63 En l’espèce, les parties demanderesses en cassation semblent reprocher à l’arrêt attaqué d’avoir considéré, d’un côté, qu’en vertu de la législation applicable SOCIETE3.) ne peut 59 ibidem, page 29, dernier paragraphe 60 ibidem, page 31, pénultième paragraphe 61 ibidem, page 29, huitième paragraphe 62 ibidem, page 29, dernier paragraphe 63 Cass. 17.10.2024, n°CAS-2023-00188 du registre détenir légalement que des comtes de règlement, et, de l’autre côté, qu’ils n’auraient pas rapporté la preuve que les comptes saisis ne constituent pas des comptes de règlement.
A supposer qu’il y ait une véritable contradiction, il s’agirait d’une contradiction entre un motif de droit et un motif de fait, qui n’est pas censurée sur la base de l’article 109 de la Constitution.
Le septième moyen, dans sa première branche, est irrecevable.
Subsidiairement :
Le grief allégué requiert une véritable incompatibilité entre les motifs incriminés :
D’après J. et L. Boré, « la contradiction de motifs ne vicie l’arrêt que si elle est réelle et profonde, c’est-à-dire s’il existe entre les deux motifs incriminés une véritable incompatibilité »64.
Cela suppose que les motifs incriminés soient désignés de manière précise.
« Le moyen doit préciser les termes de l’arrêt qui seraient en contradiction. En résumé, la contradiction de motifs n’est censurée par la Cour de cassation que si elle saute aux yeux à la lecture de l’arrêt ».65 En l’espèce, les parties demanderesses en cassation citent cinq extraits des motifs de l’arrêt entrepris : Les motifs cités dans le premier extrait constituent des motifs surabondants, sans incidence sur le litige. Ces motifs semblent exclure la possibilité pour les parties appelantes de prouver que la saisie-arrêt porte sur des avoirs qui ne se trouvent ni sur un compte de règlement, ni sur un compte accessoire à un compte de règlement. Or, l’arrêt attaqué a retenu par la suite que « les PARTIES APPELANTES doivent rapporter la preuve que la société SOCIETE3.) détiendrait d’autres comptes, qui ne seraient pas des comptes de règlement ».
Il n’existe aucune incompatibilité entre les autres motifs cités qui, d’un côté, ont trait aux comptes que SOCIETE3.) est autorisée à détenir en application de la législation applicable et qui, de l’autre côté, rappellent que ce sont les parties appelantes (les actuelles parties demanderesses en cassation) qui ont la charge de la preuve et doivent rapporter la preuve que les comptes saisis ne seraient pas des comptes de règlement.
Le septième moyen, dans sa première branche, n’est pas fondé.
La seconde branche, tirée de la violation de l’article 109 de la Constitution pour contradiction de motifs, en ce que la Cour d’appel a reçu « les appels, principal et incident » et a déclaré « l’appel principal des PARTIES APPELANTES non fondé » et a confirmé « l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a déclaré irrecevable la saisie-arrêt pratiquée le 27 mars 2020 », 64 Jacques et Louis BORÉ, La cassation en matière civile, Dalloz, 6e édition, 2023/2024, n° 77.112 65ibidem, n° 77.113 aux motifs que « La Cour d’appel de renvoi approuve le juge de première instance d’avoir retenu que l’analyse des manœuvres frauduleuses invoquées par les PARTIES APPELANTES dépasse le pouvoir d’appréciation du juge des référés»66, alors que la Cour d’appel a admis que les parties demanderesses en cassation avaient invoqué un moyen de droit, fondé sur le principe fraus omnia corrumpit, qui met en échec l’intégralité de l’argumentation adverse et qui constitue une contestation sérieuse dépassant la compétence des juridictions siégeant en matière de référés, de sorte que la Cour d’appel ne pouvait, sans se contredire, recevoir les appels, principal et incident et confirmer l’ordonnance entreprise.
Tel qu’exposé dans le cadre de la première branche de ce moyen, le grief invoqué suppose l’existence d’une contradiction entre motifs de fait. Or, les motifs critiqués constituent des motifs de droit. La contradiction invoquée relève de la censure pour violation de la loi.67 Le septième moyen, dans sa seconde branche, est irrecevable.
Sur le huitième moyen de cassation :
Le huitième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 53 du NCPC qui dispose :
« L’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l’acte introductif d’instance et par les conclusions en défense. Toutefois l’objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. » Le moyen s’articule en trois branches :
La première branche, en ce que la Cour d’appel a décidé qu’«[…] il y a lieu de retenir que la mainlevée de la saisie-arrêt litigieuse pratiquée par les PARTIES APPELANTES doit avoir un caractère général, et non pas partiel », aux motifs qu’ « [i]l résulte des développements qui précèdent que la Cour d’appel de renvoi est venue à la conclusion qu’en raison de l’interdiction absolue et générale de saisir des comptes de règlement édictée par l’article 111 (5) de la LSP et qu’en raison du fait que la société SOCIETE3.) ne peut détenir que des comptes de règlements 68», alors que le juge ne saurait se départir de l’objet du litige pour statuer sur une affaire, étant précisé que la demande initiale formant le contrat judiciaire, a été introduite par la seule partie défenderesse sub 1) qui, en application du principe suivant lequel nul ne plaide par procureur, ne pouvait formuler qu’une demande en mainlevée de la saisie-arrêt par rapport aux comptes inscrits en son nom propre et qu’aucune disposition légale ne permettait à la Cour d’appel de statuer d’office sur une question de fait et de droit qui ne lui était pas soumise, en l’occurrence la question de savoir si la saisie-arrêt pratiquée sur les comptes de 66 Arrêt attaqué, page 35, pénultième paragraphe 67 cf. seconde branche du premier moyen 68 Arrêt attaqué, page 36, pénultième paragraphe Banca SOCIETE4.) S.p.A. auprès de SOCIETE3.) constitue un trouble manifestement illicite qui justifierait la mainlevée de cette saisie.
La première branche du huitième moyen appelle les mêmes observations que la troisième branche du cinquième moyen.
Dans l’arrêt n° 98/2023 précité, votre Cour a déjà eu à statuer sur un moyen ayant trait à la demande de mainlevée de la BANQUE CENTRALE D’X) (actuellement la Banque Centrale) et portant sur la saisie-arrêt pratiquée sur les comptes de Banca SOCIETE4.) S.p.A auprès de SOCIETE3.) Vous avez précisé que l’appréciation, par les juges d’appel, du caractère sérieux de la contestation élevée par les actuelles parties demanderesses en cassation à l’encontre de l’allégation des actuelles parties défenderesses en cassation sub 1) et 16) que la saisie-arrêt serait constitutive d’une voie de fait pour avoir été pratiquée sur des avoirs appartenant à un tiers et non pas à la partie défenderesse en cassation sub 1), relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de votre Cour.
Au vu de la demande de mainlevée de la saisie-arrêt présentée par les parties défenderesses en cassation sub 1) et 16), il ne saurait être reproché à l’arrêt dont pourvoi d’avoir statué sur une question de fait et de droit qui ne lui était pas soumise.
Sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition visée au moyen, la troisième branche ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges d’appel, du caractère sérieux de la contestation élevée par les actuelles parties demanderesses en cassation à l’encontre de l’allégation des actuelles parties défenderesses en cassation sub 1) et 16) que la saisie-arrêt serait constitutive d’une voie de fait pour avoir été pratiquée sur des avoirs appartenant à un tiers et non pas à la partie défenderesse en cassation sub 1), appréciation qui relève de leur pouvoir souverain.
Le huitième moyen, dans sa première branche ne saurait être accueilli.
La deuxième branche, tirée de la violation de l’article 53 du NCPC, en ce que la Cour d’appel a décidé qu’ « est à rejeter » la prétention des parties demanderesses en cassation suivant laquelle « le juge de première instance n’aurait pas statué sur » leur demande «en ce qu’ »[…] elles ont saisi non seulement les comptes litigieux, mais aussi les droits qui peuvent être exercés à l’égard de ces comptes, droits qui échapperaient à une éventuelle insaisissabilité pour ne pas constituer la contrepartie à des transactions dans le système de règlement et qui ne pourraient de toute façon pas être caractérisés comme titres ou fonds déposés sur un compte de règlement au sens de l’article 107 (14) de la LSP »69 aux motifs que « dans la mesure où le juge de première instance était venu à la conclusion du bienfondé de la demande principale de la Banque Centrale basée sur l’article 111 (5) de la LSP, il n’avait pas besoin d’analyser la demande subsidiaire de la Banque Centrale fondée sur les dispositions de la loi modifiée du 1er août 2001 » et que « [l]es PARTIES 69 Arrêt attaqué, page 36, dernier paragraphe APPELANTES ne sauraient dès lors pas reprocher d’ omission à statuer au juge de première instance »,70 alors que la Cour d’appel aurait dû statuer sur la demande des parties demanderesses en cassation, étant donné que cette demande était indépendante de la demande de la partie défenderesse sub 1) fondée sur la loi modifiée du 1er août 2001.
Les parties demanderesses en cassation font valoir que le juge de première instance aurait omis de statuer sur une demande qu’elles auraient fondée sur la loi modifiée du 1er août 2001 et elles reprochent à la Cour d’appel de ne pas avoir constaté d’omission à statuer dans le chef du premier juge.
Les parties demanderesses en cassation ne reproduisent pas dans leur mémoire en cassation le libellé exact de la demande qu’elles auraient formulée en première instance et ne mettent dès lors pas votre Cour en mesure de statuer sur le grief soulevé.
En tout état de cause, étant donné que les parties demanderesses an cassation étaient défenderesses en première instance, la « demande » sur laquelle le premier juge aurait omis de statuer constitue plutôt un moyen de défense, de sorte que le grief devrait s’analyser en un défaut de réponse à conclusions plutôt qu’en une omission de statuer.
La disposition visée au moyen est partant étrangère au grief invoqué.
Le huitième moyen, dans sa deuxième branche, est irrecevable.
La troisième branche, tirée de la violation de l’article 53 du NCPC, en ce que la Cour d’appel a dénaturé le moyen des parties demanderesses en cassation suivant lequel les comptes saisis sont bloqués et ne peuvent être utilisés « pour le règlement de transactions entre participants d’un système ».
Cette branche reproche à l’arrêt dont pourvoi d’avoir dit qu’ »[i]l convient de rappeler que les comptes saisis ne font actuellement plus l’objet de mesures de gel, dès lors qu’en application du Règlement (UE) 2015/1861 du Conseil du 18 octobre 2015, les sanctions économiques et financières touchant l’Etat X) et ses entités affiliées, dont la Banque Centrale, ont été levées »71 pour en déduire que « […]tous les développements des PARTIES APPELANTES relatifs à la nature des comptes bloqués devant nécessairement constituer des comptes « hors système », et partant non soumis au caractère insaisissable des comptes de règlement en raison du blocage des fonds sur base des mesures internationales, tombent à faux ».72 Plus précisément cette branche fait grief à la décision entreprise d’avoir omis de dire que les comptes saisis étaient consécutivement bloqués par différentes mesures, sans interruption, depuis 2008, et feraient encore actuellement l’objet d’une mesure de blocage instaurée par la partie défenderesse en cassation sub 16). En ne tenant pas compte de l’intégralité des arguments des parties demanderesses en cassation, l’arrêt dont pourvoi se 70 ibidem, page 37, quatrième paragraphe 71ibidem, page 30, antépénultième paragraphe 72 ibidem, page 30, pénultième paragraphe serait éloigné de l’objet du litige déterminé par l’acte introductif d’instance et les conclusions en défense.
En substance, le grief porte dès lors exclusivement sur la façon dont les arguments des parties demanderesses en cassation ont été pris en compte par les juges d’appel, et non pas sur une éventuelle méconnaissance de l’objet du litige.
La disposition visée au moyen est étrangère au grief invoqué.
Le huitième moyen, pris dans sa troisième branche, est irrecevable.
Subsidiairement :
Les juges d’appel étaient appelés à statuer sur la demande de mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée par les parties demanderesses en cassation, de sorte que, par les motifs visés dans la troisième branche, ils n’ont pas méconnu l’objet du litige.
Le huitième moyen, pris dans sa troisième branche, n’est pas fondé.
Sur le neuvième moyen de cassation :
Le neuvième moyen de cassation est tiré de la mauvaise application de l’article 18, paragraphe 1, du Règlement n° 909/2014 précité73 , en vertu duquel :« Les activités d’un DCT (dépositaire central de titres) agréé sont limitées à la prestation des services couverts par son agrément ou par une notification conformément à l’article 19, paragraphe 8»74, en ce que la Cour d’appel a décidé que « [b]ien qu’ayant le statut d’une banque, la société SOCIETE3.) ne peut donc tenir que des comptes de règlement […]»75, aux motifs que les exigences dudit Règlement seraient telles qu’un dépositaire seraient telles qu’un dépositaire central de titres ne peut tenir que des comptes de règlement, alors que la disposition règlementaire sous analyse se limite à préciser que les activités d’un DCT agréé sont limitées à la prestation des services couverts par son agrément sans déterminer la nature des comptes mis à disposition par un DCT à ses clients, de sorte que cette disposition ne permet pas d’établir que tout compte tenu par un DCT constitue inévitablement un compte de règlement.
Or, en retenant que SOCIETE3.) ne peut légalement tenir que des comptes de règlement, l’arrêt dont pourvoi n’a fait que reprendre les constatations faites par votre Cour dans son arrêt n° 98/2023 du 28 septembre 2023 :
« Dès lors que la société SOCIETE3.) n’est légalement autorisée à ne tenir que des comptes de règlement, respectivement des comptes autres que de règlement qu’à titre d’accessoires 73 cf. quatrième moyen 74 Arrêt attaqué, page 29, septième paragraphe 75 ibidem, page 29, antépénultième paragraphe à de tels comptes de règlement, la demanderesse en cassation est en droit d’arguer du caractère insaisissable de tels comptes et partant du trouble manifestement illicite découlant de la saisie-arrêt pratiquée sur les avoirs détenus sur le compte y ouvert en son nom, et il incombe à la partie saisissante d’établir que la saisie-arrêt porte sur un compte autre que ceux mentionnés ci-dessus. » Les parties demanderesses en cassation sont partant malvenues à vouloir remettre en discussion la même question litigieuse dans le cadre d’un nouveau pourvoi.
S’y ajoute que le moyen procède d’une lecture incomplète de l’arrêt attaqué. Celui-ci part effectivement du principe que SOCIETE3.) ne peut légalement tenir que des comptes de règlement, mais il a néanmoins nuancé ce constat en permettant aux parties demanderesses en cassation de rapporter la preuve que SOCIETE3.) disposerait d’autres comptes :
« […] les PARTIES APPELANTES doivent rapporter la preuve que la société SOCIETE3.) détiendrait d’autres comptes, qui ne seraient pas des comptes de règlement, et notamment que les comptes saisis ne soient pas des «comptes de règlement», seuls visés par l’interdiction ». 76 Le moyen manque dès lors en fait.
En ce qui concerne la question préjudicielle que les demanderesses en cassation voudraient voir soumettre à la Cour de Justice de l’Union européenne (ci-après la CJUE), celle-ci est basée sur la prémisse erronée que l’arrêt attaqué aurait considéré qu’un DCT ne peut « en aucune hypothèse » tenir des comptes autres que de règlement, alors que les demanderesses en cassation ont été invitées à rapporter la preuve que la société SOCIETE3.) détiendrait d’autres comptes, qui ne seraient pas des comptes de règlement, et notamment que les comptes saisis ne soient pas des « comptes de règlement ».
A cela s’ajoute justement que, faute par les parties demanderesses en cassation d’avoir rapporté la preuve que les comptes saisis ne sont pas des « comptes de règlement », l’interprétation de l’article 18, paragraphe 1, du Règlement n° 909/2014 est sans aucune pertinence pour la solution du litige.
Or, la CJUE a rappelé dans son arrêt « CILFIT II » que le règlement de procédure de la CJUE exige, sous peine d’irrecevabilité de la question préjudicielle, que la décision de renvoi contienne une explication quant à la pertinence de l’interprétation demandée pour la solution du litige au principal. 77 Etant donné que la réponse à la question préjudicielle proposée n’est pas utile, votre Cour n’est pas tenue de la soumettre à la CJUE. La demande afférente est à rejeter.
Sur le dixième moyen de cassation :
76 ibidem, page 29, dernier paragraphe 77 CJUE arrêt du 19 avril 2018 dans l’affaire C-152/17 Consorzio Italian Management, Catania Multiservizi SpA c. Rete Ferroviaria Italiana SpA, points 22-24 Le dixième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 1350 du Code civil qui dispose :
« La présomption légale est celle qui est attachée par une loi spéciale à certains actes ou à certains faits: tels sont:
1° les actes que la loi déclare nuls, comme présumés faits en fraude de ses dispositions, d'après leur seule qualité;
2° les cas dans lesquels la loi déclare la propriété ou la libération résulter de certaines circonstances déterminées;
3° l'autorité que la loi attribue à la chose jugée;
4° la force que la loi attache à l'aveu de la partie ou à son serment », en ce que la Cour d’appel a jugé que « […] la société SOCIETE3.) n’est légalement autorisée à ne tenir que des comptes de règlement, respectivement des comptes autres que de règlement qu’à titre d’accessoires à de tels comptes de règlement »78 et que « [b]ien qu’ayant le statut d’une banque, la société SOCIETE3.) ne peut donc tenir que des comptes de règlement en raison des exigences du prédit Règlement »79, aux motifs que « [l]’article 18.1 du Règlement précité dispose que :« Les activités d’un DCT (dépositaire central de titres) agréé sont limitées à la prestation des services couverts par son agrément (…) » interdit en effet à la société SOCIETE3.) d’exercer une quelconque autre activité que celle de dépositaire central de titres »80, alors que, en statuant ainsi, la Cour d’appel a créé la présomption suivant laquelle tout compte détenu par SOCIETE3.) constitue un compte de règlement au sens de l’article 107, paragraphe 14, de la loi modifiée du 10 novembre 2009, bien que la législation en vigueur ne prévoie aucune présomption suivant laquelle tout compte détenu par un dépositaire central de titres constitue un compte de règlement.
Pour retenir que SOCIETE3.) n’était légalement autorisée à ne tenir que des comptes de règlement, respectivement des comptes autres que de règlement qu’à titre d’accessoires à de tels comptes de règlement, les juges d’appel n’ont pas créé une présomption légale, mais ils n’ont fait qu’appliquer la législation en vigueur telle qu’interprétée par votre Cour.
Après avoir constaté qu’en principe SOCIETE3.) ne pouvait détenir que des comptes de règlement, la Cour d’appel a souverainement constaté que les parties demanderesses en cassation n’avaient pas réussi à rapporter la preuve que les comptes saisis seraient des comptes autres que des comptes de règlement.
78 Arrêt attaqué, page 27, quatrième paragraphe (il s’agit en fait d’une citation de l’arrêt n°98/2023 de votre Cour) 79 ibidem, page 29, antépénultième paragraphe 80 ibidem, page 29, septième paragraphe Le moyen manque en fait.
Subsidiairement :
Les parties demanderesses reprochent à la Cour d’appel d’avoir écarté tout débat sur la nature des comptes et les éléments de preuve présentés par eux et ils tentent, sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition visée au moyen, de remettre en cause l’appréciation souveraine par les juges du fond des éléments de preuve leur soumis, appréciation qui échappe au contrôle de la Cour de cassation.
Le dixième moyen de cassation ne saurait être accueilli.
Conclusion Le pourvoi est recevable ;
Le premier moyen, pris dans sa seconde branche, est fondé ;
L’arrêt entrepris encourt la cassation.
Pour le Procureur Général d’Etat, Le Procureur Général d’Etat adjoint Marie-Jeanne Kappweiler 85