N° 46 / 2025 pénal du 20.03.2025 Not. 31308/22/CD Numéro CAS-2024-00140 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, vingt mars deux mille vingt-cinq, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.), actuellement détenu au Centre pénitentiaire de Luxembourg, prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Eric SAYS, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :
Vu l’arrêt attaqué rendu le 20 août 2024 sous le numéro 281/24 Vac. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, chambre des vacations, siégeant en matière correctionnelle ;
Vu le pourvoi en cassation au pénal formé par Maître Eric SAYS, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, au nom de PERSONNE1.), suivant déclaration du 17 septembre 2024 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;
Vu le mémoire en cassation déposé le 7 octobre 2024 au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions de l’avocat général Joëlle NEIS.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, statuant par jugement réputé contradictoire, avait condamné le demandeur en cassation du chef d’infractions aux articles 8.1.a), 8.1.b) et 8-1 de la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie à une peine d’emprisonnement ferme et à une amende. La Cour d’appel a déclaré l’appel du demandeur en cassation irrecevable.
Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l’article 118 du code de procédure pénale, En ce qu’en se basant sur l’article 393bis du code de procédure pénale, la Cour d’appel a dit que l’élection de domicile imposée par l’article 118 du code de procédure pénale conserve sa valeur à défaut d’une nouvelle élection de domicile, nonobstant un dépôt de mandat postérieur du mandataire, Alors que contrairement à d’autres articles du code de procédure pénale, tel l’article 136-51, l’article 118 du code de procédure pénale ne prévoit pas expressément que l’élection de domicile imposée par la loi produit ses effets aussi longtemps qu’il n’y aura pas eu de nouvelle élection de domicile, Que l’élection de domicile prévu à l’article 118 du code de procédure pénale ne produit d’effets que pour l’instance de mise en liberté, Que cette élection de domicile ne conserve pas ses effets pour l’audience au fond, Que l’arrêt entrepris encourt la cassation. ».
Réponse de la Cour En retenant « En l’espèce, l’élection de domicile ayant été faite à l’occasion de la mise en liberté de la personne intéressée, elle est imposée par la loi, plus précisément par l'article 118 du Code de procédure pénale qui prévoit ce qui suit :
demandeur doit, par acte reçu au greffe, élire domicile, s’il est inculpé, dans le lieu où siège le juge d’instruction ; s’il est prévenu, dans celui où siège la juridiction saisie du fond de l’affaire.
2 Les personnes détenues dans un établissement pénitentiaire ou placées dans un établissement de rééducation ou un établissement disciplinaire peuvent faire élection de domicile entre les mains des membres du personnel d’administration ou de garde de ces établissements.
L’acte d’élection de domicile est consigné sur un registre spécial. Il est daté et signé par le fonctionnaire qui l’a reçu et signé par l’intéressé. Si ce dernier ne veut ou ne peut pas signer, il en est fait mention dans l’acte.
Copie de l’acte est immédiatement transmise au procureur d’Etat pour être jointe au dossier ».
Le document sous examen est conforme aux dispositions précitées en ce qu’il est daté et signé par l’appelant et par le fonctionnaire qui l’a reçu. Ces dispositions n’exigent pas le concours du mandataire auprès duquel domicile est élu.
Au regard de ce qui précède, la Cour retient que l’élection de domicile faite par l’appelant suivant acte du 16 novembre 2022 est valable.
De plus, elle a conservé sa valeur à défaut d’une nouvelle élection de domicile, nonobstant un dépôt de mandat postérieur du mandataire, en application de l’article 393bis du Code de procédure pénale. », les juges d’appel ont fait l’exacte application de la disposition visée au moyen.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l’article 3-3 du code de procédure pénale, En ce que la Cour d’appel a dit que la notification du jugement du 9 novembre 2023 à PERSONNE1.) est régulièrement intervenue le 15 novembre 2023 au domicile élu de l’appelant, Alors que s’il apparaît que la personne ne comprend pas la langue de procédure, ce qui est le cas en l’espèce, Monsieur PERSONNE1.) ayant déposé en langue anglaise devant la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de et Luxembourg, sont à traduire d’office : la décision statuant sur l’action publique et portant condamnation, y compris l’ordonnance pénale, Qu’une copie du jugement réputé contradictoire n° 2209 rendu en date du 9 novembre 2023 par la chambre correctionnelle du Tribunal d’arrondissement de 3 Luxembourg a été notifiée en date du 15 novembre 2023 au prétendu domicile élu de Monsieur PERSONNE1.) en langue française, Qu’une traduction de la décision statuant sur l’action publique et portant condamnation, aurait d’office due être notifiée à Monsieur PERSONNE1.), alors qu’il n’a pas été dûment informée sur la teneur du droit à la traduction et sur les conséquences éventuelles d’une renonciation, Qu’il ne résulte d’aucun document du dossier répressif que les conséquences éventuelles d’une renonciation à la traduction aient été expliquées à Monsieur PERSONNE1.), Que la notification de la décision statuant sur l’action publique et portant condamnation dans une langue de procédure que la personne concernée ne comprend pas, ne constitue pas une notification régulière, Que l’arrêt entrepris encourt la cassation. ».
Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé la disposition visée au moyen en ayant retenu que la notification du jugement avait été valablement faite, alors qu’il ne maîtrisait pas le français et que le jugement n’avait pas été traduit en langue anglaise.
Il résulte des pièces et actes de procédure auxquels la Cour peut avoir égard que le demandeur en cassation ainsi que son mandataire ont, suivant actes du 16 novembre 2022, renoncé à la traduction des pièces essentielles du dossier.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, En ce que la Cour d’appel a dit que l’appel relevé par PERSONNE1.) le 28 février 2024 contre le jugement réputé contradictoire du 9 novembre 2023, soit plus de 40 jours après la notification à domicile [élu], est partant irrecevable pour être tardif, Au motif que l’élection de domicile conserve sa valeur à défaut d’une nouvelle élection de domicile, nonobstant un dépôt de mandat postérieur du mandataire, de sorte que la notification du jugement du 9 novembre 2023 à PERSONNE1.) est régulièrement intervenue le 15 novembre 2023 au domicile élu du demandeur en cassation, 4 Alors que la notification d’un acte de procédure pénale à l’ancien mandataire n’étant plus en contact avec son client n’est procéduralement pas valable et ne saurait faire courir un quelconque délai de recours sous peine de priver le client de cette voie de recours et porte ainsi atteinte aux droits de la défense de la partie concernée, Que s’il est loisible à un État membre d’adopter un système de signification des décisions en matière pénale à un mandataire et de fixer un délai à compter de cette signification, à l’issue duquel de telles décisions sont exécutoires, un tel système ne doit pas, en revanche, avoir pour effet de priver les personnes poursuivies de la possibilité d’exercer leur recours, dans le délai légal prévu par la législation de cet État, à partir du moment où elles sont informées de ces décisions, Qu’une telle décision notifiée à un mandataire peut certes être exécutoire, mais ne saurait être définitif, sous peine de violation des droits de la défense, Que l’arrêt entrepris encourt la cassation. ».
Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel de l’avoir privé d’une voie de recours et d’avoir violé ses droits de la défense en déclarant son appel irrecevable pour avoir été introduit plus de quarante jours après la notification du jugement à son domicile élu.
En retenant, conformément aux règles applicables, que l’appel relevé plus de quarante jours après la notification du jugement au domicile élu du demandeur en cassation était irrecevable en application des articles 118, 203 et 393bis du Code de procédure pénale, les juges d’appel n’ont ni privé le demandeur en cassation de son droit de recours ni violé ses droits de la défense.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation des articles 8 et 9 de la directive (UE) 2016/343 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales, En ce que la Cour d’appel a dit que l’appel relevé par PERSONNE1.) le 28 février 2024 contre le jugement réputé contradictoire du 9 novembre 2023, soit plus de 40 jours après la notification à domicile [élu], est partant irrecevable pour être tardif, 5 Au motif que la notification du jugement du 9 novembre 2023 à PERSONNE1.) est régulièrement intervenue le 15 novembre 2023 au domicile élu du demandeur en cassation, Alors que suivant l’article 8 1. Les États membres veillent à ce que les suspects et les personnes poursuivies aient le droit d'assister à leur procès.
2. Les États membres peuvent prévoir qu'un procès pouvant donner lieu à une décision statuant sur la culpabilité ou l'innocence du suspect ou de la personne poursuivie peut se tenir en son absence, pour autant que :
a) le suspect ou la personne poursuivie ait été informé, en temps utile, de la tenue du procès et des conséquences d'un défaut de comparution ; ou b) le suspect ou la personne poursuivie, ayant été informé de la tenue du procès, soit représenté par un avocat mandaté, qui a été désigné soit par le suspect ou la personne poursuivie, soit par l'État.
3. Une décision prise conformément au paragraphe 2 peut être exécutée à l'encontre du suspect ou de la personne poursuivie concerné.
Lorsque les États membres prévoient la possibilité que des procès se tiennent en l'absence du suspect ou de la personne poursuivie, mais qu'il n'est pas possible de respecter les conditions fixées au paragraphe 2 du présent article parce que le suspect ou la personne poursuivie ne peut être localisé en dépit des efforts raisonnables consentis à cet effet, les États membres peuvent prévoir qu'une décision peut néanmoins être prise et exécutée.
Dans de tels cas, les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies, lorsqu'ils sont informés de la décision, en particulier au moment de leur arrestation, soient également informés de la possibilité de contester cette décision et de leur droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit, conformément à l'article 9.
5. Le présent article s'entend sans préjudice des règles nationales qui prévoient que le juge ou la juridiction compétente peut exclure temporairement du procès un suspect ou une personne poursuivie si nécessaire dans l'intérêt du bon déroulement de la procédure pénale, pour autant que les droits de la défense soient respectés.
6. Le présent article s'entend sans préjudice des règles nationales qui prévoient que la procédure ou certaines parties de celles-ci sont menées par écrit, pour autant que le droit à un procès équitable soit respecté. » Et Suivant l’article 9 Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies, lorsqu'ils n'ont pas assisté à leur procès et que les conditions prévues à l'article 8, paragraphe 2, n'étaient pas réunies, aient droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit, permettant une nouvelle appréciation du fond de 6 l'affaire, y compris l'examen de nouveaux éléments de preuve, et pouvant aboutir à une infirmation de la décision initiale. À cet égard, les États membres veillent à ce que lesdits suspects et personnes poursuivies aient le droit d'être présents, de participer effectivement, conformément aux procédures prévues par le droit national, et d'exercer les droits de la défense. » Que Monsieur PERSONNE1.) avait droit à un nouveau procès ;
Qu’en déclarant l’appel de Monsieur PERSONNE1.) irrecevable, pour être tardif, la Cour d’appel a violé les dispositions précitées, Que l’arrêt entrepris encourt la cassation. ».
Réponse de la Cour Le moyen est uniquement basé sur les articles 8 et 9 de la directive (UE) 2016/343 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales. Le demandeur en cassation ne conteste pas que cette directive a été correctement transposée en droit luxembourgeois.
Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne relative à l’effet des directives en général, « dans tous les cas où une directive est correctement mise en œuvre, ses effets atteignent les particuliers par l’intermédiaire des mesures d’application prises par l’Etat membre concerné » (arrêt du 19 janvier 1982, affaire 8/81) et « il découle de l’article 189, alinéa 3, [du Traité CEE] que l’exécution des directives communautaires doit être assurée par des mesures d’application appropriées, prises par les Etats membres. Ce n’est que dans des circonstances particulières, notamment dans les cas où un Etat membre aurait omis de prendre les mesures d’exécution requises, ou adopté des mesures non conformes à une directive, que la Cour a reconnu le droit, pour les justiciables, d’invoquer en justice une directive à l’encontre d’un Etat membre défaillant » (arrêt du 6 mai 1980, affaire 102/79).
Dès lors, le demandeur en cassation ne peut pas invoquer devant la Cour de cassation la violation d’une directive correctement transposée en droit national.
Il s’ensuit que le moyen, en ce qu’il est tiré de la violation des articles 8 et 9 de la directive (UE) 2016/343 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales, est irrecevable.
Sur le cinquième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l’article 6 de la directive 7 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales, En ce que la Cour d’appel a dit que l’appel relevé par PERSONNE1.) le 28 février 2024 contre le jugement réputé contradictoire du 9 novembre 2023, soit plus de 40 jours après la notification à domicile [élu], est partant irrecevable pour être tardif, Au motif que la notification du jugement du 9 novembre 2023 à PERSONNE1.) est régulièrement intervenue le 15 novembre 2023 au domicile élu du demandeur en cassation, Alors que le législateur de l’Union européenne a clairement prévu l’application de la directive 2012/13 tout au long de la procédure pénale, depuis les premières suspicions jusqu’au prononcé du jugement, le cas échéant après épuisement des voies de recours, Qu’il convient de considérer que le droit d’être informé de l’accusation portée contre soi, prévu à l’article 6, paragraphes 1 et 3, de ladite directive, comporte le droit pour la personne poursuivie d’être informée d’une décision portant condamnation pénale contre elle avant et aux fins de l’introduction éventuelle d’un recours contre une telle décision, Que s’il est loisible à un État membre d’adopter un système de signification des décisions en matière pénale à un mandataire et de fixer un délai à compter de cette signification, à l’issue duquel de telles décisions sont exécutoires, un tel système ne doit pas, en revanche, avoir pour effet de priver les personnes poursuivies de la possibilité d’exercer leur recours, dans le délai légal prévu par la législation de cet État, à partir du moment où elles sont informées de ces décisions, Que l’arrêt entrepris encourt la cassation. ».
Réponse de la Cour Le moyen est uniquement basé sur l’article 6 de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales. Le demandeur en cassation ne conteste pas que cette directive a été correctement transposée en droit luxembourgeois.
Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne relative à l’effet des directives en général, « dans tous les cas où une directive est correctement mise en œuvre, ses effets atteignent les particuliers par l’intermédiaire des mesures d’application prises par l’Etat membre concerné » (arrêt du 19 janvier 1982, affaire 8/81) et « il découle de l’article 189, alinéa 3, [du Traité CEE] que l’exécution des directives communautaires doit être assurée par des mesures d’application appropriées, prises par les Etats membres. Ce n’est que dans des circonstances particulières, notamment dans les cas où un Etat membre aurait omis de prendre les mesures d’exécution requises, ou adopté des mesures non conformes à une directive, que la Cour a reconnu le droit, pour les justiciables, d’invoquer en 8 justice une directive à l’encontre d’un Etat membre défaillant » (arrêt du 6 mai 1980, affaire 102/79).
Dès lors, le demandeur en cassation ne peut pas invoquer devant la Cour de cassation la violation d’une directive correctement transposée en droit national.
Il s’ensuit que le moyen, en ce qu’il est tiré de la violation de l’article 6 de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales, est irrecevable.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;
condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 3,75 euros.
Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, vingt mars deux mille vingt-cinq, à la Cité judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :
Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Gilles HERRMANN, conseiller à la Cour de cassation, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence de l’avocat général Joëlle NEIS et du greffier Daniel SCHROEDER.
Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) contre Ministère Public (No CAS-2024-00140 du registre) Par déclaration faite le 17 septembre 2024 au greffe de la Cour supérieure de justice du Grand-Duché de Luxembourg, Maître Eric SAYS, avocat à la Cour, a formé au nom et pour le compte de PERSONNE1.) un recours en cassation contre l’arrêt n° 281/24 Vac rendu le 20 août 2024 par la Cour d’appel, chambre des vacations, siégeant en matière correctionnelle.
Cette déclaration de recours a été suivie le 7 octobre 2024 par le dépôt du mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, signé par Maître Eric SAYS, avocat à la Cour.
Le pourvoi, dirigé contre un arrêt qui a statué de façon définitive sur l’action publique, a été déclaré dans la forme et le délai de la loi. De même, le mémoire en cassation a été déposé dans la forme et le délai y imposés.
Le pourvoi est partant recevable.
Faits et rétroactes Par jugement n° 2209, réputé contradictoire, rendu le 9 novembre 2023 par la chambre correctionnelle du Tribunal d'arrondissement de Luxembourg, le demandeur en cassation a été condamné à une peine d’emprisonnement de 18 mois, ainsi qu’à une amende de 1500 euros pour des infractions à la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie.
Le demandeur en cassation avait lors de sa mise en liberté, au cours de l’instruction et conformément à l’article 118 du Code de procédure pénale, signé en date du 16 novembre 2022 une élection de domicile auprès de son mandataire, Maître Eric SAYS. Par courrier du 9 octobre 2023, Maître SAYS avait informé le Parquet du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg de son dépôt de mandat. Le jugement du 9 novembre 2023 a été notifié au domicile élu du prévenu en date du 15 novembre 2023. Le prévenu a interjeté appel contre ce jugement en date du 28 février 2024.
La Cour d'appel, statuant contradictoirement, a jugé que la notification du jugement du 9 novembre 2023, effectuée au domicile élu du prévenu en date du 15 novembre 2023, était régulière et a déclaré l’appel du demandeur en cassation irrecevable pour cause de tardivité.
Le présent pourvoi est dirigé contre cet arrêt.
10 Quant au premier moyen de cassation :
Le premier moyen est tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l'article 118 du Code de procédure pénale, en ce qu'en se basant sur l'article 393bis du Code de procédure pénale, la Cour d'appel a dit que l'élection de domicile imposée par l'article 118 du Code de procédure pénale conserve sa valeur à défaut d'une nouvelle élection de domicile, nonobstant un dépôt de mandat postérieur du mandataire, alors que contrairement à d'autres articles du Code de procédure pénale, tel l'article 136-51, l'article 118 du Code de procédure pénale ne prévoit pas expressément que l'élection de domicile imposée par la loi produit ses effets aussi longtemps qu'il n'y aura pas eu de nouvelle élection de domicile.
Le moyen fait grief à la Cour d’appel d’avoir, sur base de l’article 393bis du Code de procédure pénale, maintenu la validité de l’élection de domicile auprès de son mandataire, signée par le demandeur en cassation en date du 16 novembre 2022, et ce malgré le fait que le mandataire du demandeur en cassation avait déposé son mandat précédemment et alors que l’article 118 du Code de procédure pénale ne prévoit pas que l’élection de domicile soit valable jusqu’à nouvelle élection de domicile. Suivant les développements du demandeur en cassation sous le premier moyen de cassation, l’élection de domicile faite au moment de la mise en liberté du prévenu ne conserverait sa validité que pour l’instance de mise en liberté et non pour l’instance au fond.
L’article 118 du Code de procédure pénale luxembourgeois dispose comme suit : « Préalablement à la mise en liberté avec ou sans cautionnement, le demandeur doit, par acte reçu au greffe, élire domicile, s’il est inculpé, dans le lieu où siège le juge d’instruction ; s’il est prévenu, dans celui où siège la juridiction saisie du fond de l’affaire. Les personnes détenues dans un établissement pénitentiaire ou placées dans un établissement de rééducation ou un établissement disciplinaire peuvent faire élection de domicile entre les mains des membres du personnel d’administration ou de garde de ces établissements. L’acte d’élection de domicile est consigné sur un registre spécial. Il est daté et signé par le fonctionnaire qui l’a reçu et signé par l’intéressé. Si ce dernier ne veut ou ne peut pas signer, il en est fait mention dans l’acte. Copie de l’acte est immédiatement transmise au procureur d’Etat pour être jointe au dossier (…) » L’article 393bis du Code de procédure pénale luxembourgeois1 dispose que « Toute élection de domicile est valable jusqu’à nouvelle élection de domicile. » Il résulte des documents parlementaires relatifs au projet de loi 7320 ayant introduit l’article 393bis du Code de procédure pénale2 et du commentaire des articles y relatifs qu’il est institué un article 393bis nouveau du Code de procédure pénale prévoyant « qu’une élection de domicile est réputée valable jusqu’à la nouvelle élection de domicile » et ce « afin d’adresser des problèmes qui se sont révélés en pratique notamment lorsqu’il est mis fin unilatéralement à une élection de domicile auprès d’un cabinet d’avocat.» L’intention du législateur était que l’élection de domicile effectuée sur base de l’article 118 du Code de procédure pénale, conserve sa valeur pour l'ensemble de la procédure, et partant pour l'audience au fond et ce à défaut de nouvelle élection de domicile.
1 repris sous le Titre II-3 du Code de procédure pénale relatif aux citations, significations et notifications 2 Projet de loi 7320 portant : 1) transposition de la directive 2016/343 du Parlement et du Conseil du 09/03/2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence, 2) modification du Code pénal, 3) modification du Code de procédure pénale, et 4) modification de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire * * * Ad point 22 – Article 393bis nouveau du Code de procédure pénale « Afin d’adresser des problèmes qui se sont révélés en pratique notamment lorsqu’il est mis fin unilatéralement à une élection de domicile auprès d’un cabinet d’avocat, il est proposé de prévoir qu’une élection de domicile est réputée valable jusqu’à la nouvelle élection de domicile. »Dès lors, si l'article 118 impose l’élection de domicile pour la procédure de mise en liberté, et s’il est vrai qu’il ne se prononce pas sur la validité de ladite élection de domicile, c’est précisément en raison des dispositions de l’article 393bis du Code de procédure pénale, article qui est applicable aux citations et notifications en matière pénale, et partant à mettre en lien avec les élections de domicile effectuées durant l’instance de mise en liberté. Une élection de domicile faite dans le cadre de la procédure de mise en liberté n’a de sens que si elle valable pour l’ensemble de la procédure et pour les voies de recours exercées contre les décisions subséquentes et ce, pour toutes les instances (lorsqu’il n’apparaît pas qu’une nouvelle élection de domicile a été signée). Dès lors, en l'absence d’une nouvelle élection de domicile, celle précédemment signée conserve ses effets, et ce, dans un souci de garantir la stabilité et la continuité de la procédure.
Dans cet ordre d’idées, un dépôt de mandat par le mandataire de l’intéressé ne porte pas à conséquence et ne vient pas énerver ces raisonnements. Le dépôt de mandat, qui est une décision unilatérale et discrétionnaire du mandataire, ne saurait avoir un quelconque effet sur la validité de l’élection de domicile imposée par la loi.
L’article 136-51 du Code de procédure pénale, auquel il est fait référence dans le moyen de cassation et qui est repris sous le sous-chapitre II « du pouvoir du procureur européen délégué », concerne la procédure d’instruction spécifique au procureur européen et relative à la demande en restitution d’objets saisis dans le cadre d’une enquête transfrontalière et ne saurait dès lors être pris en compte en l’espèce respectivement avoir une quelconque incidence.
Ainsi, la Cour d'appel n'a pas violé l'article 118 du Code de procédure pénale en considérant que l'élection de domicile continuait à produire ses effets jusqu'à une nouvelle élection, ce qui est parfaitement conforme à l'objectif du législateur et il s’ensuit que le premier moyen de cassation n’est pas fondé.
Quant au deuxième moyen de cassation :
Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l'article 3-3 du Code de procédure pénale, en ce que la Cour d'appel a dit que la notification du jugement du 9 novembre 2023 au demandeur en cassation est régulièrement intervenue le 15 novembre 2023 au domicile élu de l'appelant, alors que s'il apparaît que la personne ne comprend pas la langue de procédure, ce qui est le cas en l'espèce, le demandeur en cassation ayant déposé en langue anglaise devant la chambre du conseil du tribunal d'arrondissement de et Luxembourg, sont à traduire d'office notamment la décision statuant sur l'action publique et portant condamnation, y compris l'ordonnance pénale.
Le moyen invoque la violation du droit à la traduction d'office dans une langue que le prévenu comprend (en l'occurrence l'anglais) du jugement de première instance, soulignant que la notification du jugement en français, une langue qu'il ne comprend pas, rend la notification dudit jugement irrégulière et ne fait pas courir le délai d’appel.
L’article 3-3 du Code de procédure pénale luxembourgeois dispose que « (1) Une personne qui ne comprend pas la langue de procédure a droit à la traduction gratuite, dans un délai raisonnable, dans une langue qu’elle comprend, de tous documents lui notifiés ou signifiés ou auxquels elle est en droit d’accéder qui sont essentiels pour lui permettre d’exercer ses droits de défense et pour garantir le caractère équitable de la procédure dès qu’elle est interrogée à titre de personne susceptible d’avoir commis une infraction, dans le cadre de l’enquête, de l’instruction préparatoire ou citée comme prévenue devant la juridiction de fond et jusqu’au terme de la poursuite pénale. (2) S’il existe un doute sur sa capacité à comprendre la langue de procédure, l’autorité qui procède à son interrogatoire ou devant laquelle elle comparaît vérifie qu’elle comprend cette langue. (3) S’il apparaît que la personne ne comprend pas la langue de procédure, 12 sont à traduire d’office: (…) 8. la décision statuant sur l’action publique et portant condamnation, y compris l’ordonnance pénale. (4) La personne qui ne comprend pas la langue de procédure peut, par demande motivée à présenter auprès des autorités désignées au deuxième alinéa du paragraphe 5, solliciter la traduction de tout autre document auquel elle a droit d’accéder qui est essentiel pour lui permettre d’exercer ses droits de défense et pour garantir le caractère équitable de la procédure. Cette traduction peut également être décidée d’office par ces autorités (…) (8) La personne qui conteste le défaut, le refus ou le délai de traduction ou la qualité de celle-ci peut, sans préjudice notamment, des recours prévus par les articles 48-2 et 126, de l’appel, d’une demande de remise de l’affaire ou d’une demande en relevé de la déchéance résultant de l’expiration d’un délai imparti pour agir en justice, faire des observations qui sont mentionnées dans le procès-verbal d’interrogatoire ou versées au dossier. » Principalement, ce moyen est irrecevable pour être nouveau. Si au cours des débats devant la Cour d’appel, le mandataire du demandeur en cassation a soulevé l’absence de traduction du document de l’élection de domicile proprement dite et signée le 16 novembre 2022, il n’a pas soulevé l’absence de traduction du jugement de première instance.
En l’occurrence, le demandeur en cassation n'a pas soulevé de manière formelle la question de la compréhension du jugement en langue française lors des débats devant la Cour d’appel, ce qui indique qu’il a pu prendre connaissance de la décision et y répondre de manière adéquate en faisant assurer sa défense par son mandataire. Il s’ensuit que le moyen est à déclarer irrecevable.
Subsidiairement, il convient de soulever que l'article 3-3 du Code de procédure pénale concerne les cas où la personne concernée ne comprend effectivement pas la langue de la procédure et où la traduction est nécessaire et ne subordonne pas la régularité des actes ou décisions devant, en application de l’article 3-3, paragraphe 3, faire l’objet d’une traduction d’office lorsqu’il apparaît que leur destinataire ne comprend pas la langue de procédure, à l’existence de cette traduction.
La traduction a pour but de permettre à la personne poursuivie d’exercer ses droits de la défense et de garantir le caractère équitable de la procédure. Le défaut de traduction n’établit cependant pas en soi que la personne n’a pas été en mesure d’exercer ses droits de la défense. Ce grief est à établir de façon concrète au regard des circonstances de l’espèce et en prenant en considération la procédure dans son ensemble. Or, un tel grief n’est, en l’espèce, pas rapporté.
Suivant les dispositions de l’article 203 du Code de procédure pénale, le délai d’appel courra « à l’égard du prévenu (…) à partir (…) de sa notification à personne, à domicile, au domicile élu, à résidence ou au lieu de travail s’il est réputé contradictoire. » La notification s’étant faite au domicile élu du demandeur en cassation, soit auprès de son mandataire, ce qui n’est pas contesté, et ce conformément à l’article 203 du Code de procédure pénale, celle-ci est à considérer comme régulière à cet égard. Une éventuelle absence de traduction n’entache pas la régularité de la notification.
Le demandeur en cassation avait la possibilité de se concerter par l’intermédiaire d’un interprète avec son avocat, qui disposait d’une copie du jugement et avait partant connaissance des motifs de la décision, sur l’opportunité de relever appel. Le demandeur en cassation reste en défaut de préciser en quoi, dans les circonstances données, la décision de la Cour d’appel d’avoir dit la notification du jugement de première instance régulière, lui aurait concrètement fait grief, le demandeur en cassation ayant pu faire valoir son droit à une traduction écrite devant la Cour d’appel et ayant pu exposer tous ses moyens de défense.
De surcroit, l’article 3-3 du Code de procédure pénale prévoit que le demandeur en cassation invoquant l’absence de traduction peut présenter une demande en relevé de la déchéance résultant de l’expiration dudélai d’appel3. L’article 1er de la loi du 22 décembre 1986 relative au relevé de la déchéance résultant de l’expiration d’un délai imparti pour agir en justice dispose que « Si une personne n’a pas agi en justice dans le délai imparti, elle peut, en toutes matières, être relevée de la forclusion résultant de l’expiration du délai si, sans qu’il y ait eu faute de sa part, elle n’a pas eu, en temps utile, connaissance de l’acte qui a fait courir le délai ou si elle s’est trouvée dans l’impossibilité d’agir ».
En l’espèce, le demandeur en cassation a demandé à la Cour d’appel de déclarer recevable son appel interjeté après l’expiration du délai légal au lieu de présenter une demande en relevé de déchéance devant le tribunal d’arrondissement en temps utile.
Il s’ensuit que le moyen est à rejeter.
Quant au troisième moyen de cassation :
Le troisième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce que la Cour d'appel a dit que l'appel relevé par le prévenu le 28 février 2024 contre le jugement réputé contradictoire du 9 novembre 2023, soit plus de 40 jours après la notification à domicile [élu], est partant irrecevable pour être tardif, au motif que l'élection de domicile conserve sa valeur à défaut d'une nouvelle élection de domicile, nonobstant un dépôt de mandat postérieur du mandataire, de sorte que la notification du jugement du 9 novembre 2023 à prévenu est régulièrement intervenue le 15 novembre 2023 au domicile élu du demandeur en cassation, alors que la notification d'un acte de procédure pénale à l'ancien mandataire n'étant plus en contact avec son client n'est procéduralement pas valable et ne saurait faire courir un quelconque délai de recours sous peine de priver le client de cette voie de recours et porte ainsi atteinte aux droits de la défense de la partie concernée.
L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme (relatif au droit à un procès équitable) (ci-
après CEDH): « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bienfondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (…) 3. Tout accusé a droit notamment à : a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ; b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ; c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ; d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; e) se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience. » Le moyen fait grief à la Cour d’appel d’avoir retenu que la notification du jugement de première instance au domicile élu est régulière, malgré le fait que le mandataire du demandeur en cassation avait déposé son mandat avant ladite notification, ce constat portant atteinte aux droits de la défense en empêchant le demandeur en cassation d'exercer une voie de recours, ce qui constitue une violation de l’article 6 de la CEDH.
3 article 3-3 (8) du Code de procédure pénaleL’article 6 de la CEDH invoqué assure aux justiciables un droit d’accès à un tribunal. Il est considéré que le droit d’accès à un tribunal doit être « concret et effectif »4, mais qu’il n’est cependant pas absolu. Les Etats peuvent édicter des prescriptions destinées à réglementer les recours qu’ils organisent et en fixer les conditions d’exercice, pourvu que ces réglementations aient pour but d’assurer une bonne administration de la justice. Les limitations au droit d’accès peuvent résulter de règles procédurales tenant aux conditions de recevabilité d’un recours. Suivant la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, afin de garantir le droit d’accès au juge, un justiciable doit être informé de façon claire et précise des délais et voies de recours à exercer contre un jugement rendu en son absence.
En l’espèce, il n’est pas contesté que le jugement réputé contradictoire, ensemble avec une notice d’information sur les voies de recours, a été notifié au domicile élu du demandeur en cassation conformément aux prescriptions du Code de procédure pénale, l’article 203 du Code de procédure pénale, disposant que le délai d’appel courra « à l’égard du prévenu (…) à partir (…) de sa notification à personne, à domicile, au domicile élu, à résidence ou au lieu de travail s’il est réputé contradictoire », et à l’article 393bis du Code de procédure pénale disposant que l’élection de domicile conserve sa validité aussi longtemps qu’une nouvelle élection de domicile n’a pas été faite. La notification au domicile élu est dès lors régulière.
Dans cet ordre d’idées, il est renvoyé aux développements repris sous le premier moyen de cassation relatif à la durée de validité de l’élection de domicile. Le dépôt de mandat n’a aucune incidence sur l’élection de domicile faite et si le prévenu change de mandataire, il doit en informer les autorités compétentes pour éviter toute confusion sur le domicile élu. De même, si le mandataire dépose son mandat, il doit en informer son mandant. La jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l'homme indique que, dans un système où les notifications sont effectuées à un mandataire, il revient au prévenu d’assurer que son mandataire soit bien informé de son mandat et vice-versa5. Il appartient au prévenu et au mandataire de veiller à ce que l’élection de domicile soit mise à jour notamment en cas de changement de mandataire.
Force est en outre de constater que le destinataire de la lettre recommandée a accepté la lettre recommandée notifiant le jugement du 9 novembre 2023 et que le mandataire a signé l’avis de réception et ce malgré le fait qu’il soutient avoir déposé son mandat le 9 octobre 2023. De surcroît, tant dans la déclaration du pourvoi en cassation que dans le mémoire en cassation, le demandeur en cassation indique avoir élu domicile en l’étude de son mandataire, Maître SAYS. Aucune nouvelle élection de domicile n’étant versée, cette indication repose dès lors a fortiori sur l’élection de domicile signée en date du 16 novembre 2022.
En statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel n’a pas violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Quant au quatrième moyen de cassation Le quatrième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation des articles 8 et 9 de la directive (UE) 2016/343 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence et du droit d'assister à son procès dans le cadre des procédures pénales, en ce que la Cour d'appel a dit que l'appel relevé par prévenu le 28 février 2024 contre le jugement réputé contradictoire du 9 novembre 2023, soit plus de 40 jours après la notification à domicile [élu], est partant irrecevable pour être tardif, au motif que la notification du jugement du 9 novembre 2023 à prévenu est 4 CEDH, Bellet c. France, § 38 5 Kimmel c. Italie (déc.), n° 32823/02, 2 septembre 2004 ; à contrario, Petyo Popov c. Bulgarie, n° 75022/01, § 71, 22 janvier 2009 et TEDESCHI c. Italie (req), n° 25685/06 28 septembre 2010 régulièrement intervenue le 15 novembre 2023 au domicile élu du demandeur en cassation, alors que suivant l'article 8 « les Etats membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies, lorsqu'ils sont informés de la décision, en particulier au moment de leur arrestation, soient également informés de la possibilité de contester cette décision et de leur droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit » et suivant l'article 9 « les Etats membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies, lorsqu'ils n'ont pas assisté à leur procès et que les conditions prévues à l'article 8, paragraphe 2, n'étaient pas réunies, aient droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit, permettant une nouvelle appréciation du fond de l'affaire, y compris l'examen de nouveaux éléments de preuve, et pouvant aboutir à une infirmation de la décision initiale. » L’article 8 de la directive (UE) 2016/343 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence et du droit d'assister à son procès dans le cadre des procédures pénales dispose comme suit : « Les États membres veillent à ce que les suspects et les personnes poursuivies aient le droit d'assister à leur procès. […] Un procès peut se tenir en l'absence de la personne poursuivie sous certaines conditions, à savoir : elle a été informée de la tenue du procès et des conséquences de son absence ou elle est représentée par un avocat. » et l’article 9 de la directive (UE) 2016/343 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 retient que « Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies, lorsqu'ils n'ont pas assisté à leur procès et que les conditions fixées à l'article 8, paragraphe 2, n'étaient pas réunies, aient droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit permettant une nouvelle appréciation du fond de l'affaire. » Le moyen soutient qu’en décidant que le délai d’appel contre le jugement réputé contradictoire de première instance, qui l’a condamné en son absence, courrait à partir de la notification de ce jugement à son domicile élu et en déclarant l’appel irrecevable sur ce fondement, il aurait été privé, en tant que personne poursuivie, qui n’a pas assisté à son procès, du droit à un nouveau procès.
Principalement, ce moyen est irrecevable pour être nouveau. Le moyen est présenté pour la première fois devant votre Cour et n’a pas été présenté devant la Cour d’appel.
Subsidiairement, les articles invoqués au moyen portent spécifiquement sur le droit d’assister à son procès et les conditions de son absence légale. En l’espèce, la question centrale est la régularité de la notification, non la question de l’absence du prévenu au procès de première instance. La directive n’implique pas qu'un accusé ait toujours droit à une nouvelle procédure ou à une nouvelle évaluation dès lors que les décisions de justice lui ont été régulièrement notifiées.
Le droit d’une personne poursuivie, qui n’a pas assisté à son procès, d’avoir droit à un nouveau procès permettant une nouvelle appréciation du fond de l’affaire et pouvant aboutir à une infirmation de la décision initiale, n’est garanti que pour autant que les conditions alternatives prévues à l’article 8, paragraphe 2 ne sont pas réunies.
Tant en première instance, que dans le cadre du procès en appel, le demandeur en cassation a reçu les notifications des actes d’accusation contenant l’indication concrète des faits lui reprochés ainsi que leur qualification juridique et il a disposé d’un délai adéquat pour la préparation de sa défense. Le demandeur en cassation avait l’occasion de s’expliquer tant devant les juges de première instance que devant les juges d’appel. Or, il ne s’est pas présenté devant les juges dans le cadre du procès de première instance. En appel, un avocat mandaté par lui l’a valablement représenté et a été en mesure de prendre position sur la recevabilité de l’appel. Le jugement de première instance, tel que relaté sous le premier et troisième moyen de cassation, développements auxquels il est renvoyé, a été conformément aux articles 203 et 393bis du Code de procédure pénale notifié au domicile élu du demandeur en cassation. Il aurait appartenu au demandeur en cassation de procéder au changement du domicile élu. La violation alléguée lui estentièrement imputable et les juges d’appel, en déclarant irrecevable l’appel introduit par le demandeur en cassation contre le jugement de condamnation de première instance, n’ont pas violé les articles 8 et 9 de la directive (UE) 2016/343.
Le moyen n’est donc pas fondé.
Quant au cinquième moyen de cassation Le cinquième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l'article 6 de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales, en ce que la Cour d'appel a dit que l'appel relevé par le demandeur en cassation le 28 février 2024 contre le jugement réputé contradictoire du 9 novembre 2023, soit plus de 40 jours après la notification à domicile [élu], est partant irrecevable pour être tardif, au motif que la notification du jugement du 9 novembre 2023 à prévenu est régulièrement intervenue le 15 novembre 2023 au domicile élu du demandeur en cassation, alors que le législateur de l'Union européenne a clairement prévu l'application de la directive 2012/13 tout au long de la procédure pénale, depuis les premières suspicions jusqu’au prononcé du jugement, le cas échéant après épuisement des voies de recours.
Le cinquième moyen invoque la violation de l’article 6 de la directive 2012/13/UE, relatif au droit d’être informé de l’accusation portée contre soi et qui stipule ce qui suit : « 1. Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies soient informés de l’acte pénalement sanctionné qu’ils sont soupçonnés ou accusés d’avoir commis. Ces informations sont communiquées rapidement et de manière suffisamment détaillée pour garantir le caractère équitable de la procédure et permettre l’exercice effectif des droits de la défense. 2. Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies qui sont arrêtés ou détenus soient informés des motifs de leur arrestation ou de leur détention, y compris de l’acte pénalement sanctionné qu’ils sont soupçonnés ou accusés d’avoir commis. 3. Les États membres veillent à ce que des informations détaillées sur l’accusation, y compris sur la nature et la qualification juridique de l’infraction pénale, ainsi que sur la nature de la participation de la personne poursuivie, soient communiquées au plus tard au moment où la juridiction est appelée à se prononcer sur le bien-fondé de l’accusation. 4. Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies soient rapidement informés de tout changement dans les informations fournies en vertu du présent article, lorsque cela est nécessaire pour garantir le caractère équitable de la procédure. » Le moyen soutient qu’en décidant que le délai d’appel contre le jugement réputé contradictoire de première instance, qui l’a condamné en son absence, courrait à partir de la notification de ce jugement à son domicile élu et en déclarant l’appel irrecevable sur ce fondement, il aurait été privé de la possibilité d’exercer les voies de recours prévues, n’ayant pas été informé de la décision de condamnation à son encontre.
La directive en question a été transposée au Luxembourg par la loi du 8 mars 2017 renforçant les garanties procédurales en matière pénale portant : (…) transposition de la directive 2012/13/UE du 22 mai 2012 relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales ; (…) modification : du Code de procédure pénale ; du Code pénal (…).
Principalement, ce moyen est irrecevable pour être nouveau. Il ne résulte ni de l’arrêt entrepris, ni des autres pièces auxquelles la soussignée peut avoir égard, que le demandeur en cassation ait soulevé devant les juges du fond le moyen de la violation de l'article 6 de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012. Le moyen est dès lors nouveau et partant irrecevable.
Subsidiairement, il est renvoyé aux développements sous les premier, deuxième et troisième moyens de cassation. La notification du jugement de première instance a été effectuée conformément à la procédure prescrite pas les dispositions légales en vigueur. Le demandeur en cassation ne conteste pas que la décision de première instance ait été notifiée à son domicile élu.
Il appartient au justiciable de veiller à prendre toutes les dispositions utiles, afin de respecter les règles de procédure fixées par la législation nationale pour faire valoir ses droits en justice. Il doit dès lors faire preuve de diligence et doit notamment prendre toutes les mesures nécessaires pour recevoir sa correspondance.6 Il s’ensuit que le moyen est à rejeter.
Conclusion :
Le pourvoi en cassation est recevable, mais est à rejeter.
Pour le Procureur général d’Etat avocat général Joëlle NEIS 6 Justice pénale et procès équitable, Notions générales, Volume I, Franklin KUTY Idem no 486 18