La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/03/2025 | LUXEMBOURG | N°51642C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 06 mars 2025, 51642C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 51642C ECLI:LU:CADM:2025:51642 Inscrit le 28 octobre 2024 Audience publique du 6 mars 2025 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 17 septembre 2024 (no 47568 du rôle) ayant statué sur son recours contre deux décisions du ministre de la Fonction publique en matière de cotisations de sécurité sociale Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 51642C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 28 octobre 2024 par Maître Barbara KOOPS, avocat à la Cour, i

nscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 51642C ECLI:LU:CADM:2025:51642 Inscrit le 28 octobre 2024 Audience publique du 6 mars 2025 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 17 septembre 2024 (no 47568 du rôle) ayant statué sur son recours contre deux décisions du ministre de la Fonction publique en matière de cotisations de sécurité sociale Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 51642C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 28 octobre 2024 par Maître Barbara KOOPS, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), demeurant à L-…, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 17 septembre 2024 (no 47568 du rôle), par lequel ledit tribunal l’a débouté de son recours tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Fonction publique du 22 novembre 2021 portant refus de la prise en charge par l’Etat de ses cotisations sociales pour l’assurance maladie avec effet au 1er janvier 2018, ainsi que de la décision confirmative du même ministre du 15 mars 2022 prise sur recours gracieux;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 8 novembre 2024;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 9 décembre 2024 par Maître Barbara KOOPS au nom de l’appelant;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 19 décembre 2024;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 21 janvier 2025.

Par contrat de travail à durée indéterminée conclu le 28 décembre 2017, Monsieur (A) fut engagé à partir du 1er janvier 2018 en qualité d’employé de l’Etat auprès de la Police grand-ducale (ci-après « la Police »).

Par arrêté du 11 janvier 2018 du ministre de la Fonction publique (ci-après « le ministre »), Monsieur (A) fut classé au groupe d’indemnité A1, sous-groupe d’indemnité administratif, grade 15, onzième échelon, augmenté d’un supplément personnel d’indemnité de 30 points indiciaires.

Par arrêté du ministre de la Sécurité intérieure du 21 novembre 2018, Monsieur (A) fut nommé conseiller au groupe de traitement A1, grade 15, onzième échelon, auprès du cadre civil de la Police, avec effet au 1er janvier 2019.

Par courrier du 14 octobre 2021, Monsieur (A) s’adressa au ministre et au ministre de la Sécurité sociale pour solliciter « la prise en charge par l’Etat de l’entièreté de [s]es cotisations pour l’assurance maladie avec effet au 1er janvier 2018 et par conséquent le remboursement du montant de … EUR qui a été prélevé à ce jour sur [s]es traitements à titre de cotisation pour l’assurance maladie », en faisant valoir qu’en sa qualité d’enquêteur de la Police, il exercerait « les mêmes tâches et [serait] exposé aux mêmes contraintes et dangers que [s]es collègues enquêteurs du cadre policier », de sorte à demander à se voir appliquer les dispositions de l’article 32, 3e tiret, du Code de la sécurité sociale, sans faire de « distinction entre membres du cadre policier et ceux du cadre civil ».

Par décision du 22 novembre 2021, le ministre refusa de faire droit à cette demande, libellée en ces termes:

« (…) J’ai l’honneur d’accuser bonne réception de votre courrier émargé.

Vous m’y informez que vous êtes employé du groupe d’indemnité A1 du cadre civil de la Police grand-ducale et que vous souhaitez bénéficier, tout comme vos collègues du cadre policier de la Police grand-ducale, de la prise en charge par l’Etat de la part « assuré » des cotisations sociales telle qu’elle est prévue par l’article 32, troisième tiret du Code de la sécurité sociale.

L’article 32 actuellement en vigueur dispose qu’ « En dehors de l’intervention de l’État conformément à l’article qui précède, la charge des cotisations à supporter par les assurés incombe: (…) entièrement à charge de l’employeur en ce qui concerne les membres de l’Armée, le personnel du cadre policier de la Police, l’inspecteur général de la Police, l’inspecteur général adjoint de la Police et le personnel du cadre policier de l’inspection générale de la Police, ainsi que le personnel des établissements pénitentiaires et le personnel du Centre de rétention. (…) » Dans sa version initiale, l’article 32, tel qu’il a été introduit par la loi modifiée du 27 juillet 1992 portant réforme de l’assurance maladie et du secteur de la santé, se présentait comme suit : « En dehors de l’intervention de l’Etat conformément à l’article qui précède, la charge des cotisations à supporter par les assurés incombe: (…) entièrement à charge de l’employeur en ce qui concerne les membres de l’armée, de la gendarmerie, de la police, ainsi que le personnel des établissements pénitentiaires et le personnel infirmier de l’hôpital neuropsychiatrique de l’Etat (…) ».

Le commentaire des travaux parlementaires précisait à ce sujet que «, les membres de la force publique (armée, gendarmerie, police, établissement pénitentiaire) bénéficiaient dans une large mesure de la prise en charge par l’Etat des soins de santé (gratuité médicale). La loi du 29 août 1951 a formellement maintenu cet avantage dont les modalités sont réglées par l’arrêté grand-ducal du 18 juin 1953 et peuvent être résumées comme suit : l’Etat prend en charge la part de l’assuré des cotisations, à l’exclusion d’un montant de 166 francs au nombre indice 473,15 par mois. De plus, les intéressés bénéficient de la prise en charge intégrale des prestations. En d’autres termes, ils n’ont à supporter aucune participation personnelle au financement des soins de santé, étant entendu que la charge supplémentaire résultant pour l’union des caisses est remboursée à celle-ci par l’Etat. Ce régime spécial a été étendu en 1965 au personnel infirmier de l’hôpital neuropsychiatrique de l’Etat. Le présent projet de loi entend maintenir cet avantage tout en adaptant ses modalités aux objectifs de la réforme. Dorénavant les gestionnaires de l’assurance maladie pourront fixer librement la participation des assurés, en vue notamment de responsabiliser ces derniers et de les inciter à une consommation raisonnable. Il n’y a aucune raison pour exclure une partie de la population de cette mesure.

Aussi les assurés en cause devront-ils à l’avenir participer financièrement aux soins de santé dans la mesure prévue pour l’ensemble des assurés. En contrepartie, l’Etat payera l’intégralité de la part assurée des cotisations pour les fonctionnaires en cause ».

Ces avantages, communément appelés « gratuité médicale », sont vieux de plus de trois cents ans et trouvent leur source dans l’Édit signé par le Roi de France, Louis XIV, le 17 janvier 1708 et qui créa les charges de médecins et de chirurgiens dans les armées et officialisa une organisation étatique visant à assurer la cohérence du système de prise en charge des blessés et des malades militaires. L’intention a ainsi toujours été de limiter le champ d’application de la « gratuité médicale » aux militaires et agents de la force publique par opposition aux agents civils. Cette distinction a d’ailleurs été reprise par l’arrêté grand-ducal du 18 juin 1953 cité ci-avant.

L’intention du législateur me paraît ainsi solidement établie depuis trois siècles. Par ailleurs, le texte actuel - qui ne vise que le cadre policier de la Police grand-ducale - est clair et sans équivoques, de sorte qu’il ne permet pas d’interprétations extensives.

En tant qu’agent du cadre civil de la Police grand-ducale, vous ne saurez donc bénéficier de ces avantages.

Vous comprendrez par conséquent qu’il me sera impossible de réserver des suites favorables à votre demande. Votre argumentation sur base du principe constitutionnel d’égalité devant la loi n’y change rien dans ce contexte. Je me permets de vous rappeler que le principe constitutionnel d’égalité devant la loi, édicté par l’article 10bis (1) de la Constitution, appelle une analyse à deux degrés : dans un premier stade, il y a lieu, de façon préalable, de vérifier la comparabilité des deux catégories de personnes par rapport auxquelles le principe est invoqué. Ce n’est que si cette comparabilité est vérifiée que, dans un deuxième stade, il convient d’analyser si la différenciation qui existe par hypothèse entre ces deux catégories de personnes est objectivement justifiée ou non. Ainsi, l’interdiction de discrimination ne signifie pas l’interdiction des différences de traitement. Seules les différences de traitement entre situations similaires sont des discriminations interdites. En l’espèce, les agents du cadre policier et les agents du cadre civil se trouvent dans des situations tout à fait différentes, de sorte qu’une différence de traitement est parfaitement possible.

La présente est susceptible d’un recours devant le tribunal administratif, à exercer par ministère d’avocat à la Cour endéans les trois mois à partir du jour de la notification de la présente. (…) ».

Par décision du 15 mars 2022, le ministre rejeta le recours gracieux formé le 15 février 2022 par Monsieur (A) à l’encontre de cette décision du 22 novembre 2021 faute d’éléments nouveaux.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 15 juin 2022, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision de refus du ministre du 22 novembre 2021, ainsi que de la décision confirmative du ministre du 15 mars 2022 prise sur recours gracieux, tout en demandant au tribunal de condamner l’Etat à lui rembourser les montants prélevés sur ses traitements au titre de cotisations pour l’assurance maladie depuis le 1er janvier 2018. Il sollicita, en outre, l’allocation d’une indemnité de procédure de 3.500 euros.

Par jugement du 17 septembre 2024, le tribunal administratif, après s’être déclaré incompétent pour statuer sur la demande de Monsieur (A) tendant à voir condamner l’Etat à lui rembourser les cotisations sociales prélevées depuis le 1er janvier 2018 sur ses indemnités, respectivement ses traitements, reçut en la forme le recours principal en réformation dirigé contre les décisions litigieuses pour le surplus, au fond le déclara non justifié et en débouta, tout en disant qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation. Il rejeta encore la demande de Monsieur (A) en allocation d’une indemnité de procédure et le condamna aux frais et dépens de l’instance.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 28 octobre 2024, Monsieur (A) a régulièrement relevé appel limité de ce jugement en ce qu’il l’a débouté de son recours principal en réformation dirigé contre les décisions litigieuses ainsi que de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure et l’a condamné aux frais et dépens de l’instance.

Le jugement n’est pas entrepris en ce que le tribunal s’est déclaré incompétent pour connaître de la demande de Monsieur (A) tendant à voir condamner l’Etat à lui rembourser les cotisations sociales prélevées depuis le 1er janvier 2018 sur ses indemnités, respectivement ses traitements, de sorte que la Cour ne saurait en connaître, ce volet du jugement ne lui étant pas dévolu.

A l’appui de son appel et en fait, l’appelant expose qu’il aurait intégré la Police le 1er janvier 2018 en tant qu’employé de l’Etat et qu’il aurait été affecté en qualité d’enquêteur au département Eco-Fin du service de police judiciaire, avec la mission de mener des enquêtes judiciaires dans les domaines de compétence de la section infractions économiques et financières. Il précise qu’il aurait dirigé un groupe spécial d’enquêteurs, le groupe « parties civiles », du département Eco-Fin, depuis sa création le 8 février 2018 jusqu’au 1er septembre 2024, date à laquelle il aurait été nommé chef adjoint de la section infractions économiques et financières du département Eco-Fin. Il aurait été assermenté en tant qu’agent de police judiciaire le 8 février 2018 et, avec effet au 1er janvier 2019, il serait devenu fonctionnaire de l’Etat et aurait été nommé conseiller. Le 1er janvier 2020, il aurait obtenu la qualité d’officier de police judiciaire.

Ayant appris que depuis son affectation au service de police judiciaire, les cotisations pour l’assurance maladie de ses collègues enquêteurs du cadre policier de la Police étaient entièrement prises en charge par l’Etat, il aurait demandé à pouvoir bénéficier du même avantage, tout en sollicitant le remboursement des montants d’ores et déjà prélevés sur ses traitements au titre de cotisations pour l’assurance maladie.

En droit, l’appelant réitère ses moyens de première instance.

En premier lieu, il conclut à une violation de l’article 32, 3e tiret, du Code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur au 1er janvier 2018, date de son entrée en fonction, en faisant valoir que cette disposition aurait expressément visé les membres de la Police sans distinguer entre les membres du cadre policier et ceux du cadre civil, de sorte à devoir être appliquée à tous les membres de la Police, et donc également à lui. Il estime dès lors être en droit de prétendre au bénéfice de la prise en charge par l’Etat de l’entièreté de ses cotisations sociales pour l’assurance maladie dès le 1er janvier 2018.

Comme en première instance, il soutient que le refus du ministre procèderait d’une mauvaise interprétation dudit article 32, 3e tiret, car fondée sur une interprétation elle-même erronée, d’une part, des travaux parlementaires de la loi modifiée du 27 juillet 1992 portant réforme de l’assurance maladie et du secteur de la santé, ci-après « la loi du 27 juillet 1992 », et, d’autre part, de l’arrêté grand-ducal du 18 juin 1953 portant exécution de l’article 1er de la loi du 29 août 1951 concernant l’assurance-maladie des fonctionnaires et employés. Ainsi, dans le commentaire du projet de loi du 27 juillet 1992, il serait question de « membres de la force publique (armée, gendarmerie, police, établissement pénitentiaire) », sans que ce commentaire ne fasse de distinction entre les différents membres de la Police. De même, à l’article 1er de l’arrêté grand-ducal du 18 juin 1953 précité, il serait question des membres de la Gendarmerie, sans qu’il n’y soit fait de distinction.

Il en déduit qu’il ne saurait être question d’une distinction opérée par les textes « des agents de la force publique par opposition aux agents civils ». En refusant de lui appliquer l’article 32, 3e tiret, du Code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur au 1er janvier 2018, le ministre aurait opéré une distinction entre les membres de la Police qui ne serait pourtant pas prévue par la loi.

L’appelant souligne encore qu’en tout état de cause, il aurait fait partie de la force publique du simple fait d’être membre du corps de la Police, laquelle ferait, en vertu de l’article 1er de la loi modifiée du 31 mai 1999 portant création d’un corps de police grand-ducale et d’une inspection générale de la police, ci-après « la loi du 31 mai 1999 », avec l’Inspection générale de la police, partie de la force publique, de sorte à devoir être considéré comme agent de la force publique.

De plus, l’article 18 de la loi du 31 mai 1999 aurait disposé que la Police se compose d’un cadre policier, composé de personnel policier, et d’un cadre administratif et technique, composé de personnel à statut civil, tel que défini par la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après « le statut général », avec comme mission d’exécuter des tâches non policières. Or, en raison des missions de police judiciaire qu’il aurait effectuées depuis son entrée en fonction, il estime ne pas pouvoir être considéré comme faisant partie du personnel civil exécutant des tâches non policières au sens dudit article 18.

Ce serait dès lors à tort que le ministre l’aurait qualifié d’agent civil et non d’agent de la force publique pour écarter l’application dans son chef de l’article 32, 3e tiret, du Code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur au 1er janvier 2018.

L’appelant conteste encore la conclusion des premiers juges selon laquelle l’article 32, 3e tiret, du Code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur au 1er janvier 2018, s’il ne distinguait pas entre le cadre policier et le cadre civil, cela serait dû au fait que cette distinction n’existait pas encore en tant que telle à ce moment-là. Cette conclusion serait contredite par le fait que la gendarmerie aurait déjà employé du personnel civil depuis au moins le 1er janvier 1989, l’appelant se référant à cet égard à la loi abrogée du 29 mai 1992 relative au Service de Police Judiciaire et modifiant 1. la loi modifiée du 23 juillet 1952 concernant l’organisation militaire, 2. le code d’instruction criminelle, 3. la loi du 16 avril 1979 ayant pour objet la discipline dans la Force publique.

Il en déduit que si, au moment de l’introduction de l’article 32, 3e tiret, du Code de la sécurité sociale par la loi précitée du 27 juillet 1992, le législateur avait voulu exclure le personnel civil du bénéfice de la « gratuité médicale », il n’aurait pas manqué de le faire, comme il l’aurait d’ailleurs fait en 2018.

Or, en précisant dans la loi du 27 juillet 1992 que « (…) la charge des cotisations à supporter par les assurés incombe (…) entièrement à charge de l’employeur en ce qui concerne les membres (…) de la gendarmerie, de la police (…) », le législateur aurait nécessairement accordé la gratuité médicale à tout le personnel de la gendarmerie et de la police, y compris le personnel civil.

En conclusion, il estime avoir droit à la gratuité médicale depuis son entrée dans la Police à la date du 1er janvier 2018.

En deuxième lieu, l’appelant conclut à une violation de l’article 32, 3e tiret, du Code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur à partir du 1er août 2018 et issue de la loi modifiée du 18 juillet 2018 sur l’Inspection générale de la Police, ci-après « la loi du 18 juillet 2018 (IGP) », qui prévoirait désormais que la charge des cotisations à supporter par les assurés incombe à l’Etat en ce qui concerne le seul personnel du cadre policier de la Police, tout en signalant que les travaux parlementaires afférents n’auraient pas donné de justification à cette modification.

Il critique ainsi le ministre d’avoir estimé que cette modification législative ne traduirait pas un changement de l’intention du législateur, mais plutôt une confirmation de la volonté solidement établie depuis trois siècles de limiter le champ d’application de la « gratuité médicale » aux militaires et agents de la force publique par opposition aux agents civils, tout en reprochant au ministre de faire totalement abstraction du fait qu’il serait un agent de la force publique.

En troisième lieu, l’appelant réitère son moyen tiré d’une violation des principes d’intangibilité des droits acquis et de légitime confiance, en soutenant que le bénéfice de la « gratuité médicale » lui serait acquis depuis le 1er janvier 2018 sur la base de l’article 32, 3e tiret, du Code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur au 1er janvier 2018, et qu’il devrait pouvoir en bénéficier au-delà de la date du 1er août 2018.

En quatrième lieu, l’appelant conclut à une erreur manifeste d’appréciation dans le chef du ministre, en faisant valoir qu’il serait incontestable au vu des éléments de la cause, et notamment en raison de sa fonction d’enquêteur exerçant une mission de police judiciaire, qu’il serait à considérer comme un agent de la force publique pouvant prétendre à l’avantage de la « gratuité médicale ».

En cinquième et dernier lieu, l’appelant soutient que l’article 32, 3e tiret, du Code de la sécurité sociale, tant dans sa version en vigueur au 1er janvier 2018 que dans celle applicable à partir du 1er août 2018, sinon leur interprétation qui retiendrait que seuls les enquêteurs issus du cadre policier, à l’exclusion des enquêteurs issus du cadre civil, pourraient bénéficier de la « gratuité médicale », violerait l’article 10bis de la Constitution.

Il rappelle, dans ce contexte, que selon la jurisprudence, le législateur ne pourrait, sans violer le principe constitutionnel de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents qu’à condition que la différence instituée procède de disparités objectives, qu’elle soit rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but, ce qui ne serait manifestement pas le cas en l’espèce.

Il estime que les premiers juges auraient dû comparer les missions et les tâches exécutées par les enquêteurs relevant du cadre policier de la Police avec celles des enquêteurs relevant du cadre civil, lesquelles seraient pourtant identiques et dont la dangerosité serait la même pour les membres des deux cadres.

Ensuite, les premiers juges auraient dû vérifier si les conditions posées par la jurisprudence étaient remplies en l’espèce. Ce faisant, ils auraient dû arriver à la conclusion que la différence de traitement, instituée par le ministre entre les agents de la force publique exerçant des fonctions identiques, ne procèderait manifestement pas de disparités objectives, rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but.

Pour autant que de besoin, l’appelant demande à la Cour de saisir la Cour constitutionnelle d’une question préjudicielle portant sur la conformité de l’article 32, 3e tiret, du Code de la sécurité sociale, tant dans sa version en vigueur au 1er janvier 2018 que dans celle en vigueur depuis le 1er août 2018, sinon de celle de leur interprétation faite par le ministre, par rapport à l’article 10bis de la Constitution, au regard de la différence de traitement entre des agents de la force publique exerçant des fonctions identiques au sein du département Eco-Fin du service de police judiciaire de la Police, mais issus les uns du cadre policier et les autres du cadre civil.

Le délégué du gouvernement déclare tout d’abord relever appel incident du jugement a quo en ce que les premiers juges se sont déclarés compétents pour connaître du recours et qu’ils l’ont déclaré recevable.

A cet effet, il réitère que le tribunal administratif ne serait pas matériellement compétent pour connaître du recours, en faisant valoir que la répartition de la charge des cotisations sociales serait réglée par les articles 31 et 32 du Code de la sécurité sociale, dont l’article 83 prévoirait un recours contre les décisions à portée individuelle prises en matière d’assurance maladie-maternité par les comités directeurs de la Caisse nationale de santé ou des caisses de maladie visées à l’article 48 du Code de la sécurité sociale, conformément aux articles 454 et 455 du Code de la sécurité sociale, devant le Conseil arbitral de la sécurité sociale. Il en déduit que l’appelant aurait dû adresser sa demande au Centre commun de la sécurité sociale, dont la décision aurait pu être attaquée devant le Conseil arbitral de la sécurité sociale. Selon le délégué, il n’appartiendrait pas au tribunal administratif de trancher des contestations relatives aux cotisations sociales, dès lors que celles-ci relèveraient exclusivement de la compétence du Conseil arbitral.

Le délégué du gouvernement reproche ensuite aux premiers juges de s’être fondés sur l’article « 24 » du statut général, en vertu duquel les contestations concernant la fixation du traitement seraient de la compétence du tribunal administratif statuant comme juge du fond, alors que cette disposition ne régirait que les contestations ayant trait au traitement brut et non celles relatives au montant net que l’agent touche en fin de compte. Les premiers juges seraient également à critiquer en ce qu’ils ont retenu que c’est l’Etat qui procède à l’affiliation de ses agents en fixant le régime applicable, ainsi qu’au prélèvement des cotisations sociales sur les traitements de ses agents, et qu’ils en ont déduit qu’en refusant l’application du régime de l’article 32, 3e tiret, du Code de la sécurité sociale, le ministre aurait pris une décision susceptible de faire l’objet d’un recours devant le tribunal administratif. Tout en admettant que l’Etat employeur a l’obligation de faire la déclaration auprès du Centre commun de la sécurité sociale, le délégué précise que ce dernier aurait toutefois le pouvoir de rejeter les déclarations non conformes, sous le contrôle des juridictions sociales. Selon le délégué, l’approche erronée des premiers juges empiéterait sur cette compétence des juridictions sociales et risquerait de causer une insécurité juridique.

Le délégué fait encore valoir, en termes de duplique, que ce serait le Centre de gestion du personnel et de l’organisation de l’Etat (ci-après « CGPO ») qui calculerait la rémunération de l’appelant et que ce faisant, il devrait appliquer la loi, soit en l’occurrence l’article 32 du Code de la sécurité sociale. Il explique que sur base des déclarations des rémunérations brutes faites par l’employeur, le Centre commun de la sécurité sociale calculerait mensuellement le montant des cotisations sociales et transmettrait à l’employeur le montant total des cotisations sociales à payer, lequel montant inclurait tant les cotisations à charge du travailleur que celles à charge de l’employeur. Les cotisations sociales seraient directement prélevées sur la rémunération par l’employeur qui serait responsable de leur versement global au vu de la facture mensuelle que lui adresserait le Centre commun. Le CGPO n’aurait partant aucune marge de manœuvre pour répondre aux revendications de l’appelant. Il n’appartiendrait ni au CGPO, ni au ministre de décider sur l’octroi de la gratuité médicale, sous peine de ne pas voir leur décision exécuter par le Centre commun.

Enfin, le délégué du gouvernement conclut au rejet de l’appel pour manquer de fondement.

Appréciation de la Cour En ce qui concerne de prime abord l’appel incident formé par la partie étatique, il convient de relever que celui-ci est irrecevable comme tel, étant donné qu’une partie intimée ne peut valablement prétendre à interjeter appel incident contre un jugement aux termes du dispositif duquel elle a obtenu gain de cause, comme c’est le cas en l’espèce. Cette irrecevabilité n’empêche cependant pas que la Cour tienne compte de l’argumentaire sous-tendant l’appel incident en tant que moyen de défense de la partie intimée en question.

Le moyen en question étant par ailleurs préalable, il convient de l’examiner en premier lieu.

Il échet de relever que par courrier du 14 octobre 2021, l’appelant a demandé notamment au ministre à ce que l’Etat prenne entièrement en charge, avec effet rétroactif au 1er janvier 2018, date de son entrée en fonction auprès de la Police comme employé de l'Etat, les cotisations pour l’assurance maladie lui incombant, à l’instar de ce qui se passe pour les agents relevant du cadre policier de la Police, revendiquant ainsi dans son chef l’application de l’article 32, 3e tiret, du Code de la sécurité sociale.

Le ministre a rejeté cette demande, par une première décision du 22 novembre 2021, puis par une décision confirmative du 15 mars 2022 prise sur recours gracieux, tout en indiquant par ailleurs dans sa décision de refus initiale qu’un recours devant le tribunal administratif était possible contre cette décision.

Indépendamment de toutes autres questions de compétence en matière de sécurité sociale, la demande de l’appelant est à analyser essentiellement comme une contestation portant sur la fixation de sa rémunération, laquelle est de la compétence du tribunal administratif statuant comme juge de fond conformément aux termes de l’article 26 (et non l’article 24 comme l’ont erronément indiqué les premiers juges) du statut général, applicable au présent litige, dès lors que l’appelant était fonctionnaire de l'Etat au moment d’introduire son recours.

Le moyen d’incompétence sinon d’irrecevabilité soulevé par la partie intimée est partant à rejeter.

Quant à l’appel principal, l’appelant se prévaut en substance d’une violation de l’article 32, 3e tiret, du Code de la sécurité sociale, en soutenant qu’en tant qu’agent de la force publique, il devrait pouvoir bénéficier de la prise en charge par l’Etat de l’entièreté des cotisations sociales lui incombant et ce rétroactivement à la date de son entrée en fonction à la date du 1er janvier 2018.

L’article 32, 3e tiret, du Code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur à la date d’entrée en service de l’appelant sous le statut d’employé de l’Etat, soit le 1er janvier 2018, disposait que « (…) la charge des cotisations à supporter par les assurés incombe :

(…) - entièrement à charge de l’employeur en ce qui concerne les membres (…) de la police grand-ducale (…) ».

Ladite disposition a été modifiée par l’article 26 de la loi du 18 juillet 2018 (IGP), entrée en vigueur le 1er août 2018, en ce qu’elle prévoit désormais que « (…) la charge des cotisations à supporter par les assurés incombe : (…) - entièrement à charge de l’employeur en ce qui concerne (…) le personnel du cadre policier de la Police (…) ».

Il est constant en cause que l’appelant a été engagé sous les prévisions de l’article 2, paragraphe (5), du statut général, qui permet le recrutement de personnes pouvant se prévaloir d’une expérience professionnelle d’au moins douze années et disposant de qualifications particulières requises pour un emploi déclaré vacant, et ce sans examen-concours et sans devoir passer de stage. Il a ainsi été engagé d’abord comme employé de l'Etat à partir du 1er janvier 2018, puis nommé comme fonctionnaire de l'Etat à partir du 1er janvier 2019.

Il est également constant que l’appelant a perçu, en tant qu’employé de l'Etat, une indemnité fixée selon le tableau « I. Administration générale » figurant en annexe de la loi modifiée du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l’Etat, puis un traitement fixé selon le tableau « I. Administration générale » figurant à l’annexe B de la loi modifiée du 25 mars 2015 fixant le régime des traitements et les conditions et modalités d’avancement des fonctionnaires de l’Etat, ci-après « la loi du 25 mars 2015 ».

Les premiers juges sont dès lors à confirmer en ce qu’ils ont retenu que l’appelant a été engagé dans une carrière civile auprès de la Police et qu’il n’a pas la qualité de policier au sens de l’article 14 de la loi du 25 mars 2015, étant donné que les policiers sont rémunérés selon le tableau « II. Armée, Police et Inspection générale de la Police » de l’annexe B de la même loi.

Comme l’appelant fait partie du personnel du cadre civil de la Police, il est clair que conformément aux termes précités de l’article 32, 3e tiret, du Code de la sécurité sociale, dans sa version actuelle applicable à partir du 1er août 2018, il n’a pas droit à la prise en charge intégrale par l’Etat des cotisations lui incombant, cette prise en charge étant réservée au seul personnel du cadre policier de la Police.

S’agissant de la période se situant avant la modification de l’article 32, 3e tiret, du Code de la sécurité sociale par la loi du 18 juillet 2018 (IGP), soit la période allant du 1er janvier 2018, date d’entrée en fonction de l’appelant, au 1er août 2018, date d’entrée en vigueur de ladite loi, les parties sont en désaccord sur ce qu’il faut entendre par les termes « membres de la police grand-ducale » employés dans la version initiale susvisée dudit article 32, 3e tiret, l’appelant soutenant que ce texte viserait indistinctement tous les membres de la Police et qu’il devrait par conséquent pouvoir bénéficier de l’avantage de la gratuité médicale, la partie étatique se basant, pour sa part, sur les différentes modifications législatives visant la Police et sur les origines historiques de l’avantage de la « gratuité médicale ».

L’article 32, 3e tiret, a été introduit dans le Code de la sécurité sociale par la loi modifiée du 27 juillet 1992 portant réforme de l’assurance maladie et du secteur de la santé, et qui disposait que « la charge des cotisations à supporter par les assurés incombe :

(…) - entièrement à charge de l’employeur en ce qui concerne les membres de l’armée, de la gendarmerie, de la police, ainsi que le personnel des établissements pénitentiaires et le personnel infirmier de l’hôpital neuropsychiatrique de l’Etat ».

Cette disposition a ensuite été modifiée par la loi du 13 mai 2008 portant introduction d’un statut unique pour tenir compte de la fusion de la Gendarmerie et de la Police en un corps unique dans le sens que les charges sociales étaient « entièrement à charge de l’employeur en ce qui concerne les membres de l’armée, de la police grand-ducale ainsi que le personnel des établissements pénitentiaires et le personnel infirmier du Centre hospitalier neuropsychiatrique ».

La disposition a encore été modifiée par la loi du 17 décembre 2010 portant réforme du système de soins de santé dans le sens que les charges sociales étaient « entièrement à charge de l’employeur en ce qui concerne les membres de l’armée, de la police grand-ducale, ainsi que le personnel des établissements pénitentiaires et le personnel du Centre de rétention ».

C’est cette dernière version qui était en vigueur lors de l’engagement de l’appelant.

A la lumière de ces modifications législatives successives et compte tenu de l’origine historique de l’avantage de la gratuité médicale, telle que rappelée par le ministre dans sa décision litigieuse et reprise par le délégué du gouvernement, il convient de retenir que cet avantage a été et reste réservé aux seuls policiers, à l’exclusion du personnel civil de la Police, qui n’est aucunement mentionné par les versions successives dudit article 32, 3e tiret.

Dans ce contexte, les premiers juges ne sont pas critiquables en ce qu’ils ont relevé que l’article 32, 3e tiret, du Code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au 1er janvier 2018, ne pouvait pas encore distinguer entre le cadre policier et le cadre civil au sein de la Police, étant donné que ces notions n’existaient pas encore en tant que telles, celles-ci n’ayant été introduites que par la loi du 18 juillet 2018 sur la Police grand-ducale, ci-après « la loi du 18 juillet 2018 ». D’où la nécessité pour le législateur en 2018 de réserver le bénéfice de la gratuité médicale au seul cadre policier à travers la loi du 18 juillet 2018 (IGP) qui a modifié l’article 32, 3e tiret, du Code de la sécurité sociale pour lui donner la teneur actuelle.

S’il est certes vrai que la loi abrogée du 31 mai 1999, sous l’empire de laquelle l’appelant a été engagé, prévoyait en son article 18 que « [l]a Police est composée d’un cadre policier et d’un cadre administratif et technique. Le cadre policier est composé de personnel policier. Le cadre administratif et technique est composé de personnel à statut civil, tel que défini par la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat.

Ce personnel civil a comme mission d’exécuter des tâches non policières », ce cadre administratif et technique n’est pas comparable au cadre civil de la Police, tel que prévu sous la loi du 18 juillet 2018.

Par ailleurs, les premiers juges ont pointé à juste titre le critère de différenciation entre le personnel du cadre policier et celui du cadre administratif et technique, et partant de membre de la Police au sens de l’article 32, 3e tiret, du Code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au jour de l’engagement de l’appelant, qui réside dans leur classification en ce qui concerne la loi applicable à leur régime statutaire, à savoir la loi du 31 mai 1999 ainsi que la loi modifiée du 16 avril 1979 ayant pour objet la discipline dans la Force Publique pour le personnel policier, d’une part, et le statut général pour le personnel administratif et technique, d’autre part.

De plus, lorsque la loi du 31 mai 1999 utilise le terme de membre de la Police grand-ducale, elle l’utilise par référence au seul cadre policier et non pas par rapport à l’ensemble des personnes travaillant auprès de la Police.

L’appelant ne saurait dès lors être suivi en ce qu’il soutient que le bénéfice de la gratuité médicale devrait revenir tant au cadre policier qu’au personnel civil de la Police.

Cette conclusion n’est pas non plus énervée par l’affirmation de l’appelant selon laquelle il ne ferait pas partie du personnel civil exécutant des tâches non policières au sens de l’article 18 de la loi abrogée du 31 mai 1999, dès lors qu’il exécuterait des missions de police judiciaire.

En effet, s’il n’est pas contesté en cause que l’appelant exerce des missions de police judiciaire, force est toutefois de relever que la loi abrogée du 29 mai 1999 relative au Service de police judiciaire, qui a inséré un nouvel article 62 dans la loi du 23 juillet 1957 sur l’organisation militaire, prévoyait que le service de police judiciaire était composé de membres de la gendarmerie, de membres de la police et de fonctionnaires civils et que le cadre du personnel civil comprenait dans la carrière supérieure de l’administration des commissaires-enquêteurs ayant la qualité d’officier de police judiciaire. Cette disposition a été reprise par l’article 17 de la loi du 18 juillet 2018, qui prévoit que les missions de police judiciaire sont exercées par les officiers de police judiciaire et les agents de police judiciaire et qu’ont la qualité d’officier de police judiciaire, entre autres, « les fonctionnaires de la catégorie de traitement A, groupes de traitement A1 et A2, (…) tels que prévus par la loi modifiée du 25 mars 2015 fixant le régime des traitements et les conditions et modalités d’avancement des fonctionnaires de l’État, ainsi que les employés de la catégorie d’indemnité A, groupe d’indemnité A1 et A2, (…), tels que prévus par la loi modifiée du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l’État, qui ne relèvent pas du cadre policier, affectés depuis deux années au Service de police judiciaire et appelés à exercer des missions de police judiciaire, nominativement désignés par un arrêté du ministre ayant la Justice dans ses attributions après avoir suivi une formation professionnelle spécifique portant sur la recherche et la constatation des infractions ainsi que sur les dispositions pénales relatives à leur domaine de compétences spécifique ». (…). Ont la qualité d’agent de police judiciaire, les membres du cadre policier et les membres du cadre civil du Service de police judiciaire remplissant des missions de police judiciaire qui n’ont pas la qualité d’officier de police judiciaire ».

Dans ce contexte, les premiers juges se sont encore référés à bon escient aux travaux parlementaires ayant mené à la loi du 18 juillet 2018, dont il ressort que le fait de conférer la qualité d’officier de police judiciaire également à des membres du cadre civil de la Police ne leur confère pas le statut de policier (cf. doc. parl. n° 7045, commentaire des articles, ad.

art. 23).

L’appelant ne saurait dès lors tirer argument du fait qu’il effectue des missions de police judiciaire pour soutenir en substance qu’il serait à considérer sinon à assimiler aux membres du cadre policier.

Quant à l’argument de l’appelant fondé sur l’article 2 de la loi du 18 juillet 2018 (IGP) en ce qu’il affirme que les membres du cadre civil seraient des membres de la Police grand-ducale au sens de l’article 32, 3e tiret, du Code de la sécurité sociale, il ne saurait valoir.

En effet, si ledit article 2 dispose certes qu’on entend par « membre de la Police » : « le personnel du cadre policier et du cadre civil de la Police grand-ducale (…), y compris les fonctionnaires stagiaires, il convient toutefois de relever que cette définition de « membre de la Police » ne vaut que pour l’application de cette loi, le législateur ayant voulu préciser que l’Inspection générale de la Police est compétente pour mener des enquêtes à propos de faits commis tant par un policier que par un membre du cadre administratif et technique de la Police ou par un policier en cours de formation (cf. doc. parl. n° 7044, commentaire des articles, ad article 2, p. 17). En outre, c’est cette même loi qui, en son article 26 modifie l’article 32, 3e tiret, du Code de la sécurité sociale, en apportant la précision que les cotisations sont entièrement à charge de l’employeur en ce qui concerne le personnel du cadre policier de la Police.

Il s’ensuit que les membres du cadre civil de la Police ne sauraient être considérés comme des membres de la Police au sens de l’article 32, 3e tiret, du Code de la sécurité sociale.

Dans la mesure où les moyens tenant à une violation de l’article 32, 3e tiret, du Code de la sécurité sociale tant dans sa version applicable au 1er janvier 2018, que dans sa version applicable au 1er janvier 2019, ne sont pas fondés, ainsi que la Cour vient de le retenir ci-dessus, les moyens réitérés en instance d’appel tenant à une violation d’un prétendu droit acquis, respectivement d’une éventuelle confiance légitime y relative, ne peuvent qu’être rejetés.

Quant au moyen réitéré en appel et tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement, tel que prévu par l’article 10bis de la Constitution (l’actuel article 15 de la Constitution révisée), l’appelant soutient en substance qu’en tant qu’enquêteur du cadre civil de la Police, il ne serait pas traité de la même manière que les enquêteurs issus du cadre policier de la Police, alors qu’ils accompliraient les mêmes missions et tâches et que la dangerosité serait la même pour les membres des deux cadres.

Il convient de rappeler en premier lieu que la règle constitutionnelle de l’égalité devant la loi est interprétée d’une manière générale par la jurisprudence pertinente de la Cour constitutionnelle en ce sens que sa mise en œuvre suppose que les catégories de personnes entre lesquelles une discrimination est alléguée se trouvent dans une situation comparable et que le législateur peut, sans violer le principe constitutionnel de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à la condition que la différence instituée procède de disparités objectives et qu’elle soit rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but (cf. Cour const. 13 novembre 2020, n° 00159 du registre).

La Cour, à l’instar des premiers juges, se doit cependant de relever le caractère non comparable des situations ainsi invoquées par l’appelant, étant donné que s’il n’est pas contesté en cause qu’en tant qu’enquêteur du cadre civil de la Police, il effectue les mêmes missions et tâches que les enquêteurs issus du cadre policier, le statut des membres de ces deux cadres sont toutefois tout à fait différents.

A cet égard, c’est à bon droit que les premiers juges se sont référés à l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 26 novembre 2021 (n° 00168 du registre) qui a dit que « la situation du cadre policier de la Police grand-ducale est spécifique à tel point qu’elle doit être analysée à part et n’est pas comparable à celle des fonctionnaires de l’État en général ».

Il en découle que la situation de l’appelant, fonctionnaire de l’Etat et membre du cadre civil de la Police, n’est pas suffisamment comparable à celle du membre du cadre policier, de sorte que l’application du principe d’égalité de traitement ne saurait être utilement mise en œuvre.

Le moyen tiré d’une violation de l’article 15 de la Constitution laisse partant d’être fondé, sans qu’il n’y ait lieu de soumettre la question préjudicielle suggérée à la Cour constitutionnelle qui est dénuée de tout fondement au sens de l’article 6, alinéa 2, point b), de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel n’est pas fondé et que le jugement est à confirmer dans la mesure où il est entrepris.

Au vu de l’issue du litige, les demandes en allocation d’une indemnité de procédure de 3.500 euros pour la première instance et de 3.500 euros pour l’instance d’appel, telles que formulées par l’appelant, sont à rejeter.

S’agissant de la demande en distraction des frais telle que formulée par le mandataire de l’appelant, affirmant en avoir fait l’avance, il n’y pas lieu d’y donner suite, étant donné qu’aucune distraction des frais et dépens n’est prévue en matière de procédure devant les juridictions administratives.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause;

déclare l’appel principal recevable;

déclare l’appel incident irrecevable;

au fond, dit l’appel principal non justifié et en déboute l’appelant;

partant, confirme le jugement dont appel dans la mesure où il a été entrepris;

déboute l’appelant de ses demandes en allocation d’une indemnité de procédure pour chacune des deux instances;

rejette la demande en distraction des frais telle que formulée par le mandataire de l’appelant;

condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.

s. SCHINTGEN s. CAMPILL 14


Synthèse
Numéro d'arrêt : 51642C
Date de la décision : 06/03/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2025-03-06;51642c ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award