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04/03/2025 | LUXEMBOURG | N°52173C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 04 mars 2025, 52173C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 52173C ECLI:LU:CADM:2025:52173 Inscrit le 27 décembre 2024 Audience publique du 4 mars 2025 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 25 novembre 2024 (n° 48439 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel inscrit sous le numéro 52173C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 27 décembre 2024 par Maître Edévi AMEGANDJI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom Monsieur de (A), déclarant être

né le … à … (Cameroun) et être de nationalité camerounaise, demeurant à L...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 52173C ECLI:LU:CADM:2025:52173 Inscrit le 27 décembre 2024 Audience publique du 4 mars 2025 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 25 novembre 2024 (n° 48439 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel inscrit sous le numéro 52173C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 27 décembre 2024 par Maître Edévi AMEGANDJI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom Monsieur de (A), déclarant être né le … à … (Cameroun) et être de nationalité camerounaise, demeurant à L-…, dirigé contre le jugement du 25 novembre 2024 (n° 48439 du rôle), par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg l’a débouté de son recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 20 décembre 2022 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 23 janvier 2025;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités;

Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 11 février 2025.

Le 26 octobre 2020, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent du service de police judiciaire de la police grand-ducale, section criminalité organisée – police des étrangers, dans un rapport du même jour.

Le 27 octobre 2020, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dit « règlement Dublin III ».

En date des 21 mai 2021 et 2 mars 2022, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs gisant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 20 décembre 2022, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur (A) que sa demande de protection internationale avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, ladite décision étant libellée comme suit :

« (…) J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite le 26 octobre 2020 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 26 octobre 2020, le rapport d’entretien « Dublin III » du 27 octobre 2020, le rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 21 mai 2021 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, le rapport d’entretien complémentaire du 2 mars 2022 ainsi que les documents versés à l’appui de votre demande de protection internationale.

Il ressort de vos déclarations que vous êtes né le … à …, que vous êtes de nationalité camerounaise, célibataire, de confession …, d’ethnie … et que vous auriez depuis toujours vécu à … ensemble avec votre père.

Vous expliquez que votre vie serait en danger en cas de retour dans votre pays d’origine en raison de votre orientation sexuelle alors que vous affirmez être homosexuel respectivement bisexuel.

Quant aux évènements qui se seraient déroulés dans votre pays d’origine avant votre départ vous expliquez que vous auriez pris conscience de votre orientation sexuelle vers l’âge de treize ans lorsque vous auriez ressenti une attirance pour votre voisin, un dénommé (B).

Vous affirmez d’ailleurs en ce qui concerne cette relation « qu’au début on a pris ça comme un jeu et au final on s’est mis ensemble » (page 5 du rapport d’entretien). Quelques années plus tard, la découverte de cette relation vous aurait causé des soucis au sein de votre village, de sorte que vous auriez été contraint d’arrêter de côtoyer votre voisin (page 8 du rapport d’entretien).

En 2015, vous auriez fait la connaissance d’un autre garçon, un dénommé (C), qui aurait partagé la même classe que vous au sein du collège « (DD) » à …. Vous vous seriez fréquentés pendant plusieurs années avant de rompre en raison d’un incident, qui serait survenu dans ledit établissement. En effet, vous auriez été surpris alors que vous auriez été en plein acte sexuel aux toilettes lors d’une soirée culturelle organisée par l’établissement scolaire. Le surveillant général vous aurait humilié et dénigré devant tous les autres élèves présents à la soirée et vous auriez été exclus du collège (page 5 et 6 du rapport d’entretien).

Par la suite, vous n’auriez pas réussi à retrouver un autre établissement pour terminer vos années scolaires, étant donné que le motif de votre exclusion aurait été mentionné sur votre bulletin scolaire. Selon vos dires, les établissements auraient systématiquement refusé de vous accueillir en affirmant « qu’il ne s’agit pas d’une école pour pédés » (page 9 du rapport d’entretien). Votre relation avec (C) se serait alors également terminée, puisqu’après vos renvois respectifs, (C) aurait été contraint de quitter le Cameroun pour partir vivre au Gabon.

Depuis, les gens vous auraient insulté à de nombreuses reprises et vous auraient considéré comme étant un « enfant du diable » (page 7 du rapport d’entretien).

En 2018, lors d’une soirée, vous auriez finalement rencontré votre future petite-amie, une dénommée (E), qui selon vos dires aurait été la seule à venir vous parler. Vous auriez commencé à passer du temps ensemble et elle aurait même dit « qu’elle [allait vous] faire changer parce que [vous seriez] quelqu’un de bien » (page 7 du rapport d’entretien). Vous vous seriez mis en couple avec elle malgré le fait que vous vous voyez « plus avec les garçons qu’avec les femmes » et cela dans le but d’être accepté par la société et de ne plus avoir de problèmes avec votre entourage (page 10 et 11 du rapport d’entretien).

Cependant, selon vos dires, la famille de (E) n’aurait pas accepté cette relation au motif que vous auriez eu des relations sexuelles avec des hommes auparavant et que vous seriez, selon leurs dires, un « Man of Satan » (page 4 du rapport d’entretien). Elle n’aurait pas non plus accepté la grossesse de (E), raison pour laquelle vous auriez décidé à deux de prendre la fuite pour partir le plus loin possible. Pour ce faire vous seriez monté sur une mototaxi, mais malencontreusement vous auriez eu un accident de circulation. Le jour même, votre petite-amie aurait succombé à ses blessures, alors que vous n’auriez subi que quelques égratignures (pages 4 et 10 du rapport d’entretien).

Le lendemain du prédit accident, vous vous seriez fait agressé par plusieurs individus.

Vous prétendez qu’il s’agirait d’un des frères de votre petite-amie décédée et des membres d’un groupe que vous supposez appartenir à une organisation criminelle appelée « les microbes ».

Selon vos affirmations, le frère de (E) aurait demandé de l’aide à ces individus pour se venger de la mort de (E) étant donné qu’il vous en tiendrait pour responsable. Ces individus vous auraient poignardé et laissé pour mort (pages 4 et 11 du rapport d’entretien) et vous vous seriez réveillé à l’hôpital où vous seriez resté pendant une dizaine de jours.

Après votre hospitalisation votre père vous aurait conseillé de quitter le Cameroun pour votre sécurité, conseil que vous avez suivi, alors que vous auriez décidé de quitter votre pays d’origine aux alentours du 29 avril 2018 (page 11 du rapport d’entretien).

Par ailleurs, vous ajoutez encore des faits qui seraient survenus en Libye après que vous ayez quitté votre pays d’origine. Ainsi, vous auriez été vendu dans une prison où vous auriez pendant approximativement sept mois durement travaillé et où vous auriez été maltraité. Vous vous seriez ensuite enfui grâce à l’aide d’un de vos compagnons.

Le 16 juillet 2021, vous avez présenté plusieurs documents originaux à l’appui de votre demande de protection internationale, à savoir :

- Deux bulletins de notes de l’année scolaire 2014/2015 du collège « (DD)» à … - Un carnet de consultation de l’hôpital « (FF) » à … de 2018 2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Avant tout progrès en cause, notons que suivant l’article 2 point p) de la Loi de 2015, une demande de protection internationale est à analyser par rapport au pays d’origine du demandeur, c’est-à-dire le pays dont vous possédez la nationalité, ce qui dans votre cas est le Cameroun. Les faits qui se seraient déroulés en Libye, respectivement qui ont un lien avec la Libye ne sont dès lors pas pris en compte dans l’évaluation de votre demande de protection internationale.

Il y a lieu de rappeler tout d’abord qu’il incombe au demandeur de protection internationale de rapporter, dans toute la mesure du possible, la preuve des faits, craintes et persécutions par lui alléguées, sur base d’un récit crédible et cohérent et en soumettant aux autorités compétentes le cas échéant les documents, rapports, écrits et attestations nécessaires afin de soutenir ses affirmations. Il appartient donc au demandeur de protection internationale de mettre l’administration en mesure de saisir l’intégralité de sa situation personnelle. Il y a lieu de préciser également dans ce contexte que l’analyse d’une demande de protection internationale ne se limite pas à la pertinence des faits allégués par un demandeur de protection internationale, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations, la crédibilité du récit constituant en effet un élément d’évaluation fondamental dans l’appréciation du bien-fondé d’une demande de protection internationale, et plus particulièrement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.

Or, la question de crédibilité se pose avec acuité dans votre cas alors qu’il y a lieu de constater que vous ne faites pas état de manière crédible qu’il existerait des raisons sérieuses de croire que vous encourriez, en cas de retour dans votre pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des persécutions ou des atteintes graves au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015. En effet, la sincérité de vos propos et par conséquent la gravité de votre situation dans votre pays d’origine doit être réfutée au vue de vos déclarations incohérentes et contradictoires.

Premièrement, il convient de réfuter votre prétendue homosexualité alors que vous avez du mal à garder une version unique concernant votre prétendue orientation sexuelle et que vos déclarations y afférentes sont très générales, vagues et impersonnelles, ce qui ne saurait refléter l’état d’une personne qui est réellement homosexuelle.

En effet, en ce qui concerne la découverte de votre orientation sexuelle, vous expliquez que vous auriez pris conscience de votre orientation sexuelle vers l’âge de treize ans lorsque vous auriez ressenti une attirance pour votre voisin, un dénommé (B). Vous affirmez que vous auriez été « attiré l’un de l’autre » et « qu’au début on a pris ça comme un jeu » (page 5 du rapport d’entretien).

Or, vos propos restent ici très généraux et ne sont soutenus par aucun détail spécifique et personnel susceptible d’illustrer dans votre chef le cheminement intérieur de la prise de conscience de votre attirance pour les hommes. De plus, il convient de relever que vous ne savez manifestement pas vous-même quel est réellement votre orientation sexuelle, alors que vous affirmez d’une part que vous préfèreriez être en couple avec des hommes (page 5 du rapport d’entretien complémentaire), alors que d’autre part vous aviez une relation avec (E), qui est d’ailleurs tombée enceinte et avec laquelle vous étiez prêt à vous enfuir pour entamer une nouvelle vie.

Pareil constat s’impose lorsque vous parlez de vos deux relations homosexuelles, la première avec un dénommé (B) et la deuxième avec un dénommé (C), alors que vos phrases sont impersonnelles et que vous êtes manifestement dans l’incapacité de donner des informations que toute personne ayant prétendument entretenu une relation secrète et interdite serait en mesure de donner.

En effet, en ce qui concerne votre relation avec (B), je constate que vous avez du mal à donner des informations respectivement à décrire des détails sur votre prétendue première relation homosexuelle (page 6 du rapport d’entretien complémentaire). Il sied de constater que vous restez imprécis concernant votre ressenti et vos sentiments et que vous relatez uniquement le fait que cela aurait été un jeu pour vous, du moins au début. A cet égard, il convient de noter que vous n’êtes pas non plus en mesure de me décrire une quelconque anecdote ou histoire personnelle que vous auriez vécu et partagé avec ce dernier lors de vos trois années de relation, comme par exemple un bon souvenir que vous garderiez de cette période. En effet, hormis le fait que vous auriez « une passion » commune car vous auriez tous les deux été « bon au foot » et que vous auriez « rêver de jouer dans l’équipe nationale » ou encore le fait que « la seule voix pour [vous] était de devenir célèbres pour ensuite [vous] afficher ensemble » (page 7 du rapport d’entretien complémentaire), ne saurait emporter conviction, alors qu’une telle explication banale et impersonnel et qui pourrait être le rêve de la majorité des personnes sur terre ne correspond manifestement pas à une anecdote dotée d’éléments sentimentaux qu’une personne pourrait avoir au quotidien de sa relation, notamment lorsque ces deux personnes se voient « tout le temps » (page 5 du rapport d’entretien et page 7 du rapport d’entretien complémentaire) comme vous avez pu le prétendre.

Il en va de même en ce qui concerne votre relation avec (C), où ici encore, vous êtes incapable de faire une description claire et transparente de ce dernier ou de votre relation avec ce dernier, alors que cette relation aurait également duré pendant trois ans (pages 7 et 8 du rapport d’entretien complémentaire).

A cela s’ajoute que vous n’êtes pas en mesure de nous présenter une photo, un courriel, un SMS ou tout autre document qui permettrait d’établir l’une de vos deux relations ou encore que ces deux hommes existent vraiment et que vos prétendues relations de plusieurs années ne proviennent pas de votre pure imagination. Au contraire, vous expliquez uniquement de manière non constructive que vous n’auriez aucune preuve à fournir concernant vos relations.

Or, de nos jours, on peut s’attendre à ce que ce genre d’éléments soient faciles à apporter alors qu’il est aisé d’établir l’existence d’une relation de surcroît lorsqu’elle a existé pendant de nombreuses années comme vous le laissez entendre.

Il sied également de relever que vous vous adonnez à d’autres incohérences et contradictions dans votre récit qui renforce le fait que votre prétendue homosexualité est inventée de toute pièce.

En effet, vous affirmez ne pas être accepté par votre entourage et les gens de votre quartier en raison de votre prétendue orientation sexuelle, lesquels vous auraient fait subir à de nombreuses reprises des injures et des insultes, alors que vous affirmez également que votre père aurait été au courant depuis votre première relation et qu’il vous aurait toujours soutenu à sa manière (page 3, 6 et 9 du rapport d’entretien).

Toujours à ce titre, vous expliquez, d’une part, que votre entourage aurait découvert votre prétendue orientation sexuelle en 2015 lorsque vous auriez été exclu de votre collège à cause d’un incident survenu avec (C), votre deuxième petit-ami (page 5 du rapport d’entretien), alors que, d’autre part, il ressort clairement de votre récit et des éléments prédits que votre chef de village ainsi que tous les membres de votre quartier à … auraient déjà été au courant de votre orientation sexuelle lors de votre première relation avec (B) (page 8 du rapport d’entretien).

Vous déclarez encore que vous auriez vécu l’enfer à cause de votre prétendue orientation sexuelle (page 3 et 11 du rapport d’entretien), mais cela ne vous a manifestement pas empêché de profiter de la vie en allant à des soirées, soirées où vous auriez d’ailleurs rencontré (E) votre future petite-amie (page 7 du rapport d’entretien).

Encore et toujours dans cette même lignée, force est de constater que vous ne relatez aucun fait qui vous serait arrivé personnellement et individuellement en raison de votre prétendue orientation sexuelle entre 2015 et 2018, alors que vous auriez fait votre « comming-out » bien avant 2015, de sorte qu’il convient d’en conclure que vous n’aviez manifestement pas de problèmes d’une gravité suffisante au Cameroun durant toute cette période vous empêchant de mener une vie tranquille et paisible.

Votre comportement ne correspond de surcroît pas non plus au comportement que pourrait adopter une personne homosexuelle, qui aurait vécu toutes ses relations en cachette et qui aurait eu peur d’être persécutée par les autorités de son pays, comme vous l’avez laissé entendre. En effet, une telle personne ne se serait jamais permise d’avoir des rapports sexuels dans un lieu public et qui plus est dans les toilettes de son collège lors d’une soirée culturelle qui réunissait de nombreuses personnes (page 8 du rapport d’entretien complémentaire), alors qu’il y aurait eu ne serait-ce qu’un minime risque d’être attrapé, puis dénoncé auprès des autorités.

Ce constat est encore renforcé par le fait que, selon vos dires, vous auriez ensuite été licencié de votre collège « directement » (p.6 du rapport d’entretien), alors que vous précisez que la soirée culturelle aurait eu lieu lors de la « mi-décembre 2015 » et que vous auriez « arrêté l’année solaire [que] en mars 2016 » (p.5 du rapport d’entretien complémentaire). Or, cela ne correspond définitivement pas à la réalité que vous souhaitez nous faire entendre, puisqu’une personne réellement homosexuelle au Cameroun et qui aurait été attrapée lors d’un rapport sexuel avec une autre personne de même sexe dans les toilettes de son collège aurait manifestement subi des sanctions immédiates et plus lourdes, alors que le pays réprime encore fortement l’homosexualité.

Au vu de tous les éléments qui précèdent, il découle clairement de vos déclarations que vous n’êtes pas homosexuel contrairement à ce que vous tentez de faire croire aux autorités luxembourgeoises, de sorte qu’il est évident que vous avez inventé cette histoire de toute pièce dans le but d’augmenter vos chances d’obtenir une protection internationale au Luxembourg.

Force est encore de souligner que les affirmations étayées ci-dessus sont confortées par le fait que vous avez uniquement des connaissances très vagues et générales du cadre légal et des personnes LGBTQI dans votre pays d’origine.

En effet, en ce qui concerne les organisations ou associations de défenses présentes au Cameroun, vous expliquez « qu’il y en a » mais que vous ne pourriez pas vous présenter « là-bas » (p.5 du rapport d’entretien). Or, cela n’est pas en accord avec le COI Focus sur l’homosexualité au Cameroun qui explique que « de nombreuses organisations apportent leur soutien et de l’assistance aux personnes homosexuelles. (…) la société civile [étant également] de plus en plus nombreuses en matière des droits LGBT [et qu’il] existe de plus en plus d’organisations thématiques ». Le rapport continue en expliquant que « si ces différentes organisations sont de plus en plus nombreuses, elles sont également de plus en plus visibles » et « des activités de sensibilisation menées par les associations LGBT auprès des journalistes tendent à déconstruire certaines idées sur l’homosexualité ». De plus « les personnes homosexuelles ont la possibilité de se rencontrer à l’occasion des activités organisées par les associations LGBT ou dans des lieux de loisirs propres, notamment les centres communautaires et certains bars ou snacks. Ces lieux sont à 90% exclusivement réservés aux homosexuels bien que certains hétérosexuels s’y rendent. Internet s’est également développé comme un espace important de sociabilités pour les personnes homosexuelles ».

Dès lors, force est de constater que vous n’avez à aucun moment rechercher (sic) ou ne serait-ce tenter (sic) d’entrer en contact avec lesdites associations au Cameroun, ce qu’une personne réellement homosexuelle aurait assurément fait ou du moins essayé de faire. A cela s’ajoute également que depuis votre arrivée au Luxembourg vous n’avez à aucun moment recherché à nouer contact avec la communauté LGBTQI au Luxembourg, que vous ne connaissez aucune personne publique homosexuelle emblématique au Luxembourg et que vous n’avez eu, depuis, aucune autre relation homosexuelle (p.6 du rapport d’entretien).

Eu égard à tout ce qui précède, force est donc de réitérer que vous n’êtes manifestement pas homosexuel et que votre récit ayant trait à votre prétendue homosexualité est inventé de toute pièce et n’est manifestement pas crédible.

Deuxièmement, force est encore de contester l’ensemble de la crédibilité de vos affirmations, alors que vos incohérences ne s’arrêtent pas à votre prétendue orientation sexuelle, mais au contraire touchent également à votre récit général.

En effet, force est de constater que vous n’êtes pas cohérent dans vos propos, alors que vous affirmez, d’une part, que votre mère vous aurait quitté quand vous aviez cinq ans et que ce serait votre père qui vous aurait élevé tout seul comblant ainsi l’absence de l’amour maternel (pages 3 et 5 du rapport d’entretien), alors que d’autre part, vous parlez à plusieurs reprises de vos « parents » (pages 4, 5 et 8 du rapport d’entretien), de sorte qu’il convient sérieusement de s’interroger sur la véracité de votre situation familiale et de l’absence de votre mère.

Pareil constat s’impose lorsque vous expliquez à l’agent ministériel que vous auriez été en possession d’un acte de naissance, qui serait resté au Cameroun, alors que, lors de la relecture de votre entretien individuel, vous changez de version et expliquez que vous auriez perdu votre acte de naissance en Libye (page 2 du rapport d’entretien).

Continuons alors que vous expliquez n’avoir « personne au Cameroun » (page 7 du rapport d’entretien), mais, vous dites ensuite avoir une connaissance qui se trouve au Cameroun (page 3 du rapport d’entretien complémentaire) et que vous alliez essayer de « contacter [votre] ami » pour qu’il vous transmette des documents (page 12 du rapport d’entretien).

Vous vous contredisez une nouvelle fois lorsque vous affirmez avoir utilisé « une cabine téléphonique » (page 4 du rapport d’entretien) pour contacter votre père, alors que vous étiez manifestement en possession d’un téléphone portable (page 2 du rapport d’entretien complémentaire) ou encore lorsque vous avez expliquez qu’il « n’y avait pas de télé chez moi » (page 9 du rapport d’entretien), mais que « votre père était en train de visionner (…) », ce pourquoi vous avez « coupé l’électricité pour que [votre] père se lève » (page 10 du rapport d’entretien).

Vous n’êtes à nouveau pas logique lorsqu’il s’agit d’expliquer la prise de conscience de la mort de votre père, puisque vous expliquez à deux reprises que vous auriez appris la « nouvelle que mon père est décédé » par « le compte Facebook d’un ami » (page 2 du rapport d’entretien et page 3 du rapport d’entretien complémentaire). Or, bien que le fait que le décès de votre père aurait été publié sur le compte Facebook de votre ami que vous avez rencontré en Libye me paraît assez curieux, voire même inconcevable, il convient de relever que vous dites connaître Facebook que depuis votre arrivée au Luxembourg (page 2 du rapport d’entretien complémentaire), ce qui accentue manifestement le fait que vos propos ne sont pas réalistes et impossibles.

Force est encore de constater que votre récit, concernant votre fuite est totalement rocambolesque et ébouriffant, alors que selon vos propos vous vous seriez « cachés dans la forêt derrière [votre] maison » en précisant que vous vous seriez cachés « derrière les arbres » et qu’« après 8 à 10 minutes » vous auriez emprunté une mototaxi (pages 4 et 10 du rapport d’entretien ; page 9 du rapport d’entretien complémentaire). Or, Monsieur, force est de constater que ces propos ne se recoupent manifestement pas avec le point de votre résidence que vous avez indiqué sur la carte de Google Maps, alors qu’il est flagrant qu’aucune forêt ne se trouve à proximité du lieu que vous avez indiqué, notamment « … » (page 2 du rapport d’entretien complémentaire). Force est encore de relever qu’il n’y a pas de forêt aux alentours où vous auriez pu vous cacher, alors que la verdure la plus proche sur Google Maps se trouve à 20-30 minutes à pied.

Ainsi, il est manifeste que vous mentez aux autorités luxembourgeoises et que vous tentez d’inventer voire même d’amplifier votre récit pour lui donner une forme plus grave.

A noter que ce constat est également conforté par le fait que vous avez également expliqué ne pas savoir vers où aller lors de votre fuite (page 9 du rapport d’entretien complémentaire). Or, il paraît improbable que vous ayez décidé de fuir sans ne serait-ce que d’avoir une idée de destination en tête.

Le même constat s’impose concernant votre agression où il découle de manière claire et non-équivoque qu’un conflit de vengeance personnelle est à l’origine de votre demande de protection internationale et non comme vous le prétendez vos prétendues relations homosexuelles passées.

En effet, il ressort de votre récit que ces individus vous auraient agressé le lendemain de la mort de (E), alors qu’ils ne vous auraient encore jamais agressé auparavant et que cela faisait déjà plusieurs mois que vous étiez en couple avec (E). Ainsi, il est plus que clair que ces personnes n’en avaient pas particulièrement après vous en raison de vos prétendues relations homosexuelles passées, mais à cause du décès de leur proche, (E), dont ils vous tiennent pour responsable. Vous avez d’ailleurs vous-même précisé que ces derniers suivaient la règle du proverbe « œil pour œil dent pour dent » (page 11 du rapport d’entretien) et qu’ils voulaient se venger de la mort de (E). En ce qui concerne d’ailleurs ces individus que vous dénommez « les microbes » (p.10 du rapport d’entretien), il convient également de soulever que vous n’apportez aucun élément concret permettant de corroborer vos dires ou encore permettant de prouver que les auteurs de votre agression auraient été des membres de ce groupe criminel et qu’ils auraient aidé le frère de (E) à vous poignarder, de sorte que ces affirmations ne sauraient être qualifiées de fiables sans autre élément concret. Ce constat est renforcé par le fait que toutes les informations en notre possession qui ont attrait avec le groupe criminelle des microbes à … datent d’octobre 2020 et parlent de « phénomène nouveau » au Cameroun, de sorte qu’il apparaît étonnant que ces individus vous auraient agressé déjà en 2018.

Dans cette même lignée, il convient de s’interroger sérieusement sur le fait de savoir comment ces individus auraient pu vous retrouver dès le lendemain de votre accident, alors que vous avez vous-même expliqué à l’agent du Ministère que vous auriez été transporté dans un autre centre de santé que celui de (E), étant donné que vos blessures auraient été moins graves (page 4 du rapport d’entretien). Ainsi, il me paraît plus qu’invraisemblable que ces individus vous auraient retrouvé aussi facilement et aussi rapidement alors que vous n’étiez en contact avec aucune de ces personnes, que ces dernières n’auraient pas su où vous trouver, et ce d’autant plus que … est une des deux plus grandes villes du Cameroun avec plus de 3 millions d’habitants, de nombreux hôpitaux et centres de santé différents.

Pareillement, il convient de remettre en doute les documents que vous avez remis pour appuyer ladite agression, alors que ceux-ci discordent avec ce que vous affirmez. En effet, il convient de relever que selon votre carnet de consultation médical, deux personnes se seraient occupés de vous pendant votre hospitalisation, ce que vous confirmez d’ailleurs lors de votre entretien complémentaire et qui est clairement identifiable grâce aux deux différents tampons utilisés par les médecins dans votre carnet de santé. Or, une interrogation à cet égard subsiste, alors qu’il s’agit de la même écriture pour les deux médecins. L’agent ministérielle vous a d’ailleurs confronté à cette interrogation à laquelle vous répondez tout simplement « Je ne sais pas comment ça s’est passé pour les médecins » (page 4 du rapport d’entretien).

Toujours concernant votre carnet de santé et votre séjour à l’hôpital, vous expliquez que vous seriez resté à l’hôpital du « 16 avril 2018 au 28 avril 2018 » (page 4 du rapport d’entretien complémentaire). Or, les dates inscrites dans votre carnet de consultation ne correspondent manifestement pas avec vos affirmations, alors qu’il y figure en date du 19 avril 2018 « vu ce jour : pansement à faire puis sortie autorisée, RDV dans 3 jours pour prochain PST » (page 3 du carnet de consultation). Dès lors, permettez-moi, Monsieur, de soulever qu’il y a une énième incohérence dans votre récit, alors que vous expliquez être resté à l’hôpital jusqu’au 28 avril 2018 et que votre carnet de consultation affirme que votre sortie aurait été autorisée le 19 avril 2018, contradiction à laquelle vous avez répondu que vous seriez resté caché dans une salle à l’hôpital parce que votre père vous aurait dit de ne pas rentrer à la maison et qu’il aurait convenu avec le médecin que vous pourriez resté caché à l’hôpital (page 4 du rapport d’entretien complémentaire).

Or, non seulement votre explication est non croyable, mais encore, il convient fortement de s’interroger pourquoi vous ne vous seriez alors pas présenté à votre rendez-vous trois jours plus tard comme inscrit dans votre carnet le 19 avril 2019, mais au contraire, que vous vous seriez uniquement à nouveau présenté pour l’ablation de vos points de sutures et une PST le 27 avril 2019, soit huit jours plus tard et non pas trois.

Il convient une énième fois de s’interroger sérieusement sur votre défaut de plainte après avoir subi votre prétendue agression, défaut que vous justifiez en expliquant que les autorités policières auraient alors forcément découvert votre prétendue orientation sexuelle (page 11 du rapport d’entretien).

Or, force est de relever que l’agression que vous auriez subie n’a aucun lien avec votre prétendue homosexualité et que votre justification de ne pas porter plainte pour cette raison ne tient pas la route, alors que vous auriez tout simplement porté plainte contre une agression physique, agression qui est sanctionnée par la législation pénale camerounaise.

Ce constat est d’ailleurs renforcé par le fait que vous n’auriez, lors du dépôt de votre plainte, certainement pas dû mentionner votre prétendue orientation sexuelle à l’égard des forces de l’ordre, car vous auriez été à ce moment-là de toute manière en couple avec une femme et que les forces de l’ordre ne vous auraient certainement pas non plus interrogé sur vos relations précédentes mais au contraire plus particulièrement sur l’agression physique en question que vous veniez de subir et pour laquelle vous auriez été hospitalisée.

Ainsi, il convient sérieusement de remettre en question la sincérité de votre récit et de vos explications.

A toutes fins utiles, il convient de mentionner que vous avez séjourné deux mois en Italie et quelques jours en France avant de vous rendre au Luxembourg et que vous n’avez à aucun moment entrepris la moindre démarche en vue de l’introduction d’une demande de protection internationale ni en Italie ni en France. Vous avez également expliqué auprès du Service de la Police Judiciaire que vous seriez venu au Luxembourg car il s’agirait de votre pays préféré depuis votre plus jeune âge (page 2 du rapport du Service de Police Judiciaire).

Or, on ne saurait considérer qu’un demandeur de protection international puisse introduire sa demande dans le pays de son choix et ce par pure convenance personnelle. Au contraire, on peut s’attendre d’une personne qui se prétend être réellement persécutée dans son pays d’origine, qu’elle introduise une demande dans le premier pays sûr rencontré et dans les plus brefs délais, ce qui n’a manifestement pas été votre cas. Ainsi, le fait que vous avez pris votre temps pour venir spécifiquement au Luxembourg pour introduire votre demande de protection internationale démontre clairement que vous n’êtes aucunement persécuté ou recherché par les autorités camerounaises en raison de votre histoire ou encore votre orientation sexuelle.

Partant, aucune protection internationale ne vous est accordée.

Votre demande en obtention d’une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée.

Suivant les dispositions de l’article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination du Cameroun, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 23 janvier 2023, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle du 20 décembre 2022 portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Par jugement du 25 novembre 2024, le tribunal administratif reçut le recours en réformation en la forme, au fond, le déclara non justifié et en débouta le demandeur, tout en le condamnant aux frais de l’instance.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 27 décembre 2024, Monsieur (A) a régulièrement relevé appel de ce jugement.

A l’appui de son appel, il réitère en substance l’exposé des faits qui l’auraient poussé à quitter le Cameroun, son pays d’origine. Il soutient qu’il craint d’être persécuté en raison de son homosexualité. A l’âge de … ans, il aurait pris conscience de son attirance pour son voisin et dit avoir entretenu deux relations sentimentales avec des hommes au Cameroun. Il aurait dû rompre sa première relation, lorsque les habitants de son village auraient pris connaissance de son orientation sexuelle, par peur de représailles. Il aurait ensuite entamé une relation avec un étudiant de son collège. Ils auraient été surpris ensemble dans les toilettes du collège lors d’une soirée culturelle, ce qui leur aurait valu d’être exclus de l’école. En désespoir de cause, il aurait alors pris une petite amie qui serait tombée enceinte de lui. Face à l’opposition de la famille de sa copine, ils auraient décidé de s’enfuir, mais auraient eu un accident de mototaxi des suites desquelles sa copine serait morte. La famille de celle-ci s’en serait alors prise à lui et, craignant pour sa vie, il aurait quitté le Cameroun, en passant par la Libye, pour rejoindre l’Europe.

En droit, l’appelant reproche aux premiers juges d’avoir retenu un manque de crédibilité au niveau de son récit et d’avoir considéré à tort et sans examiner plus en avant que les conditions d’octroi d’une protection internationale ne seraient pas remplies dans son chef.

En effet, s’agissant de son orientation sexuelle, l’appelant reproche aux premiers juges d’avoir retenu que ses déclarations au sujet de ses relations sentimentales n’étaient pas appuyées par des pièces et qu’elles étaient vagues et générales, voire évasives et non circonstanciées. Il estime, au contraire, avoir donné des détails suffisants sur ses relations et regrette de ne pas avoir été questionné davantage par l’agent en charge de l’entretien afin d’obtenir des réponses satisfaisantes. Il fait valoir, dans ce contexte, que « l’africain, et plus spécifiquement le Camerounais, culturellement, ne sait être exhaustif, sinon ouvertement expressif sur ce qui relève de l’intimité ».

Il lui semble, par ailleurs, exagéré de la part des premiers juges de remettre en doute son orientation sexuelle du fait de ne pas connaître l’existence d’organisations LGBTI au Cameroun. Il explique que dans le contexte social homophobe au Cameroun, le fait de fréquenter de telles organisations ne serait pas évident pour un homosexuel, tout en rappelant que si, dans son pays, l’homosexualité serait une infraction, la sentence serait surtout sociale.

Il déplore ensuite que les premiers juges se soient focalisés sur ses déclarations en lien avec son hospitalisation pour conforter leur conclusion quant au défaut de crédibilité, alors que les faits relatés ne souffriraient d’aucune ambiguïté.

En conclusion, il fait grief aux premiers juges de ne pas avoir correctement évalué le bien-fondé de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.

En ordre subsidiaire, l’appelant soutient que les mêmes faits justifieraient une mesure de protection subsidiaire, au motif qu’il risquerait, en cas de retour au Cameroun, de subir des atteintes graves.

Enfin, l’ordre de quitter le territoire serait à réformer, alors que son éloignement vers son pays d’origine serait suivi d’une atteinte à sa vie.

Le délégué du gouvernement, pour sa part, conclut en substance à la confirmation intégrale du jugement entrepris.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Il se dégage de la lecture combinée des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

L’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Dans le cadre de l’examen au fond d’une demande de protection internationale, l’évaluation de la situation personnelle d’un demandeur d’asile ne se limite point à la pertinence des faits allégués, mais elle implique un examen et une appréciation de la valeur des éléments de preuve et de la crédibilité des déclarations du demandeur d’asile. La crédibilité du récit de ce dernier constitue en effet un élément d’appréciation fondamental dans l’appréciation du bien-fondé de sa demande de protection internationale, spécialement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.

Ceci étant dit, la Cour rejoint et fait sienne l’analyse détaillée et pertinente du ministre d’abord et des premiers juges par la suite qui a amené tant l’autorité ministérielle que les premiers juges à la conclusion que le récit de l’appelant manquait de crédibilité.

En l’espèce, à l’appui de sa demande de protection internationale, l’appelant invoque, en substance, sa crainte d’être exposé, en cas de retour dans son pays d’origine, à des persécutions en raison de son homosexualité.

En ce qui concerne l’orientation sexuelle de l’appelant, la Cour constate que celui-ci a déclaré avoir pris conscience de son homosexualité à l’âge de … ans et avoir entretenu deux relations sentimentales, à savoir avec un garçon qui était son voisin, relation à laquelle il aurait dû mettre fin, lorsque les habitants de son village l’auraient découverte, puis avec un garçon de sa classe au collège, avec qui il aurait rompu à la suite de leur découverte dans les toilettes du collège lors d’une soirée culturelle organisée par l’école. Il a encore déclaré qu’en 2018, il aurait fait la connaissance d’une dénommée (E) avec qui il se serait mis en couple et qui serait tombée enceinte de lui, cette relation ayant été rejetée par la famille de la jeune femme.

La Cour estime que l’appelant ne s’est pas montré convaincant quant à l’orientation sexuelle qu’il allègue. A l’instar du ministre et des premiers juges, la Cour note que les déclarations de l’appelant relatives à la découverte de son homosexualité et à ses deux relations sentimentales qu’il aurait eues sont générales, peu circonstanciées et stéréotypées. S’y ajoute que l’appelant n’a versé aucune pièce pour établir ces deux relations.

La Cour constate également, à la suite des premiers juges, que malgré l’invitation de l’agent en charge de l’entretien, de décrire davantage sa première relation avec son voisin, il n’a invoqué que des généralités. Or, il convient de relever que l’appelant a été longuement auditionné par l’agent du ministère qui l’a interrogé de manière approfondie pendant presque quatre heures et qu’il a été assisté de son avocat.

Si la Cour est bien consciente de la nécessité de placer dans leur contexte les déclarations d’un demandeur de protection internationale, en tenant compte notamment de son jeune âge, des différences culturelles ou encore du stress d’une audition, elle considère toutefois que ces explications ne sont pas suffisantes pour justifier, en l’espèce, les défaillances pointées par l’autorité ministérielle dans le récit de l’appelant.

Par ailleurs, la Cour n’observe aucune indication que l’appelant aurait été affecté, pendant ces entretiens, par une gêne ou un stress à évoquer son orientation sexuelle alléguée, et qu’il aurait éprouvé au cours de ceux-ci des difficultés d’expression telles qu’elles pourraient justifier les insuffisances de son récit.

Quant au reproche de l’appelant de ne pas avoir été questionné davantage par l’agent du ministère, si ce dernier estimait ses réponses non satisfaisantes, il convient de rappeler qu’en vertu de l’article 37, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, il appartient au demandeur de présenter, aussi rapidement que possible, tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande de protection internationale, tandis qu’il appartient au ministre d’évaluer, en coopération avec le demandeur, les éléments pertinents de la demande. Le ministre n’est toutefois pas contraint de confronter le demandeur aux éléments sur lesquels repose éventuellement la décision.

La Cour n’observe pas non plus d’indice qui permettrait de retenir que l’entretien mené au sein du ministère sur les motifs à la base de sa demande de protection internationale ait été conduit dans des conditions n’ayant pas permis à l’appelant d’exprimer ouvertement son orientation sexuelle, l’agent l’ayant au contraire averti en introduction de l’entretien qu’il est important de n’omettre aucun élément de son récit et l’ayant rassuré qu’il pouvait parler sans crainte et que la confidentialité de son récit était assuré.

En conséquence, la Cour arrive à la conclusion que la réalité de l’orientation sexuelle alléguée de l’appelant, pas plus a fortiori que celle de ses relations ainsi que des craintes alléguées qui y sont directement liées ne sont pas établies.

S’agissant ensuite du motif de fuite lié à l’agression à l’arme blanche par les frères de sa copine décédée qui tiendraient l’appelant pour responsable de la mort de celle-ci, la Cour rejoint l’analyse des premiers juges selon laquelle la réalité de cette prétendue agression de 2018 laisse également d’être établie, les déclarations afférentes de l’appelant selon lesquelles les frères de sa copine décédée auraient été accompagnés par des personnes appartenant au groupe des « microbes », étant contredites par des articles de presse dont il ressort que le phénomène de ce groupe n’est apparu au Cameroun qu’en 2020. Par ailleurs, le récit de l’appelant quant à son hospitalisation est invalidé par son carnet de consultation de l’hôpital, ainsi que les premiers juges l’ont adéquatement relevé.

Au vu de tous ces éléments, la Cour arrive à la conclusion que c’est à juste titre que le ministre d’abord, puis les premiers juges, ont remis en cause la crédibilité du récit de l’appelant et qu’ils ont, en conséquence, pu retenir l’absence de craintes fondées de persécutions dans son chef, en cas de retour dans son pays d’origine.

Concernant la demande d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire, la Cour constate que l’appelant ne fonde pas cette demande sur des faits ou des motifs différents de ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugié. Dans la mesure où il a été retenu ci-dessus, dans le cadre de l’examen de la demande du statut de réfugié, que ces faits ou motifs manquent de crédibilité ou de fondement, la Cour estime qu’il n’existe pas davantage d’éléments susceptibles d’établir, sur la base des mêmes événements ou motifs, qu’il existerait de sérieuses raisons de croire qu’en cas de retour dans son pays d’origine, l’appelant encourrait un risque réel de subir des atteintes graves visées à l’article 48, points a) et b), de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants.

Enfin, la Cour constate qu’il n’est pas soutenu, et il ne ressort pas non plus des pièces du dossier, que la situation dans le pays d’origine de l’appelant correspondrait actuellement à un contexte de violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé interne ou international au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015.

C’est dès lors à bon droit que le ministre d’abord, puis les premiers juges, ont rejeté la demande de protection internationale de l’appelant, prise en son volet principal et subsidiaire.

Quant à l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision refus de protection internationale, comme le jugement entrepris est à confirmer en tant qu’il a rejeté la demande d’octroi du statut de la protection internationale de l’appelant et que le refus dudit statut entraîne automatiquement l’ordre de quitter le territoire, l’appel dirigé contre le volet de la décision des premiers juges ayant refusé de réformer cet ordre est encore à rejeter.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelant et de confirmer le jugement entrepris.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel en la forme, au fond, déclare l’appel non justifié et en déboute, partant, confirme le jugement entrepris du 25 novembre 2024, donne acte à l’appelant de ce qu’il déclare bénéficier de l’assistance judiciaire, condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.

s. SCHINTGEN s. SPIELMANN 16


Synthèse
Numéro d'arrêt : 52173C
Date de la décision : 04/03/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2025-03-04;52173c ?

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