La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/03/2025 | LUXEMBOURG | N°52171C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 04 mars 2025, 52171C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 52171C ECLI:LU:CADM:2025:52171 Inscrit le 27 décembre 2024

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Audience publique du 4 mars 2025 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 26 novembre 2024 (n° 49775 du rôle) en matière de protection internationale

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu la requête d'appel,

inscrite sous le numéro 52171C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrat...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 52171C ECLI:LU:CADM:2025:52171 Inscrit le 27 décembre 2024

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Audience publique du 4 mars 2025 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 26 novembre 2024 (n° 49775 du rôle) en matière de protection internationale

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 52171C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 27 décembre 2024 par Maître Nour E. HELLAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Yémen), de nationalité yéménite, demeurant à L-…, dirigée contre le jugement rendu le 26 novembre 2024 (n° 49775 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg l’a débouté de son recours tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 27 octobre 2023 portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et ordre de quitter le territoire;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 24 janvier 2025;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Nour E. HELLAL et Monsieur le délégué du gouvernement Yannick GENOT entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 février 2025.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Le 2 juin 2022, Monsieur (A) se présenta auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après le « ministère », afin d’introduire une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après la « loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent du service de police judiciaire de la police 1grand-ducale, service criminalité organisée / police des étrangers, dans un rapport du même jour.

En dates des 27 juillet et 19 août 2022, il fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 27 octobre 2023, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé le 3 novembre 2023, le ministre l’informa que sa demande de protection internationale avait été refusée comme non fondée. La décision, qui comporte encore un ordre de quitter le territoire dans un délai de trente jours à son égard, est libellée de la façon suivante:

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 2 juin 2022 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos motifs de fuite En mains votre fiche des motifs remplie lors de l'introduction de votre demande de protection internationale, le rapport du Service de Police Judiciaire du 2 juin 2022 (ci-après dénommé « le rapport de police »), le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 22 juillet 2022 et 19 août 2022 (ci-après dénommé « le rapport d'entretien ») sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l'appui de votre demande.

Monsieur, vous déclarez être de nationalité yéménite, d'ethnie …, de confession … et avoir vécu à (A) dans la région d'… au Yémen.

Concernant les raisons pour lesquelles vous auriez décidé d'introduire une demande de protection internationale auprès des autorités luxembourgeoises, vous expliquez sur votre fiche des motifs que vous auriez quitté votre pays d'origine en raison de la « guerre », explication que vous avancez également auprès de l'agent du Service de la Police Judiciaire.

Lors de votre entretien sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, vous changez de version en indiquant que vous seriez « menacé de mort » (p.5/10 du rapport d'entretien) par les « Houthis ».

Vous expliquez plus particulièrement que votre famille aurait été en possession d'un terrain agricole convoité par les « Houthis ». A cet égard, vous avancez que les « Houthis sont venus 2 ou 3 mois avant ma blessure. Ils ont commencé à prendre nos moutons. Ils venaient nous déranger, intimider et prenaient nos moutons sans payer la valeur du mouton » (p.5/10 de votre rapport d'entretien). Par la suite, ils auraient voulu s'approprier le terrain de votre famille et vous auraient donné un délai d'une semaine pour le quitter « sinon ils allaient « finir » avec nous (sic) » (p.5/10 de votre rapport d'entretien). Cinq jours après cette mise en garde, à savoir le 4 mars 2015, ils vous auraient tiré dessus, suite à quoi vous vous seriez évanoui et vous vous seriez réveillé à l'hôpital à ….

2Trois ans après ce premier incident, ils auraient « recommencé à nous intimider et à nous menacer » (p.6/10 de votre rapport d'entretien). Dans ce contexte vous invoquez un deuxième incident, à savoir le meurtre de votre frère par les « Houthis » qui selon vous aurait « peut-être » (p.6/10 de votre rapport d'entretien) eu lieu en 2020, sinon en 2021 et suite auquel vous auriez quitté votre village étant donné que vous auriez également été dans la ligne de mire des « Houthis ».

A l'appui de votre demande de protection internationale, vous présentez un passeport yéménite en cours de validité qui a été soumis pour authentification à l'Unité de Police à l'Aéroport le 7 juillet 2022. En date du 10 novembre 2022, votre passeport a été déclaré comme étant authentique.

Vous avez également remis les documents suivants :

Une copie d'un document intitulé « MEDICAL REPORT » en langue arabe, une copie de la première page d'un rapport médical établi en date du 15 juillet 2022 au Centre Hospitalier du Nord (Luxembourg) en langue française.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Il y a lieu de rappeler qu'il incombe au demandeur de protection internationale de rapporter, dans toute la mesure du possible, la preuve des faits, craintes et persécutions par lui alléguées, sur base d'un récit crédible et cohérent et en soumettant aux autorités compétentes le cas échéant les documents, rapports, écrits et attestations nécessaires afin de soutenir ses affirmations. Il appartient donc au demandeur de protection internationale de mettre l'administration en mesure de saisir l'intégralité de sa situation personnelle. Il y a lieu de préciser également dans ce contexte que l'analyse d'une demande de protection internationale ne se limite pas à la pertinence des faits allégués par un demandeur de protection internationale, mais il s'agit également d'apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations, la crédibilité du récit constituant en effet un élément d'évaluation fondamental dans l'appréciation du bien-fondé d'une demande de protection internationale, et plus particulièrement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.

Or, la question de crédibilité se pose avec acuité dans votre cas alors qu'il y a lieu de constater que vous ne faites pas état de manière crédible qu'il existerait des raisons sérieuses de croire que vous encourriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des persécutions ou des atteintes graves au sens de la Loi de 2015.

Dès lors, la sincérité de vos propos et par conséquent la gravité de votre situation dans votre pays d'origine doit être réfutée pour les raisons suivantes :

Premièrement, il y a lieu de constater que vous mentionnez des motifs de fuite, notamment sur votre fiche des motifs et lors de votre entretien avec l'agent du Service de la Police Judiciaire, différents de ceux invoqués lors de votre entretien avec l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes sur les motifs à la base de votre demande de protection internationale.

Vous expliquez en effet lors de l'introduction de votre demande de protection internationale que vous auriez quitté votre pays d'origine à cause de la « guerre », tandis que lors de votre entretien avec l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes, vous 3décidez soudainement de changer de version en déclarant que vous auriez quitté votre pays d'origine parce que vous seriez menacé de mort par les « Houthis » pour une affaire de terrain, sans faire état de la « guerre ».

Monsieur, si bien que les motifs indiqués par un demandeur de protection internationale sur la fiche des motifs, ainsi que les déclarations fournies lors de l'entretien avec l'agent du Service de la Police Judiciaire sont de caractère sommaire, les déclarations du demandeur de protection internationale doivent tout de même répondre à une certaine logique et par conséquent être cohérentes avec celles fournies par la suite lors de l'entretien avec l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce.

Si lors de l'entretien avec l'agent du Service de Police Judicaire vous expliquez certes que vous auriez été blessé à la tête, force est de constater que vous liez cette prétendue blessure à nouveau à la « guerre » sans faire état d'une quelconque affaire de terrain et d'une agression afférente par les « Houthis » comme vous le prétendez par la suite lors de votre entretien avec l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes. Vous ne faites pas non plus état, ni au moment de l'introduction de votre demande, ni au moment de l'entretien avec la Police Judiciaire que votre frère aurait été tué, évènement qui vous aurait néanmoins poussé à quitter votre pays d'origine.

Si vous aviez effectivement connu des soucis avec les « Houthis » en raison d'un terrain et si ces derniers vous auraient tiré dessus et auraient tué votre frère, vous y auriez évidemment fait référence, si ce n'est que de manière sommaire, le premier jour de l'introduction de votre demande.

Partant, il est légitime de conclure que vous avez inventé une histoire taillée à votre mesure ultérieurement durant votre entretien avec l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes afin d'augmenter vos chances d'obtenir une protection internationale.

Deuxièmement, il échet de relever que vous n'êtes pas en mesure d'établir à quel moment de votre vie vous auriez vécu à quel endroit.

Force est en effet de constater que vous êtes en possession d'un passeport yéménite qui a été délivré en date du 16 décembre 2019 dans la province de …, ce qui est en parfaite contradiction avec vos déclarations selon lesquelles vous auriez fui votre village en direction de … dans la région du Hadramaout après le présumé assassinat de votre frère « (B) » en 2020, respectivement en 2021. Vous ne faites en effet aucune référence, tout au long de votre entretien, à un quelconque séjour dans la province de …. D'autre part, le fait que votre passeport aurait été délivré en 2019 est en contradiction avec vos déclarations selon lesquelles vous auriez fui votre village après le prétendu meurtre de votre frère en 2020, sinon en 2021, selon la version retenue.

A cela s'ajoute que vous échouez d'expliquer comment vous avez pu voyager en avion à deux reprises au sein de l'espace Schengen, à savoir de … vers … et de … vers … muni uniquement de votre passeport yéménite lequel est démuni d'un visa Schengen.

Il semble donc évident que vous n'êtes pas honnête, ni par rapport à votre prétendu séjour dans votre pays d'origine, ni par rapport à vos déplacements en Europe, ce qui laisse conclure que vous cachez vos réelles intentions en Europe et ce qui par conséquent permet évidemment de remettre en cause les déclarations quant à votre vécu dans votre pays d'origine.

4 Troisièmement, le constat que vos déclarations sont inventées de toutes pièces est conforté par le fait que vous n'êtes pas en mesure de fournir des dates précises, ou du moins approximatives, des éléments clés de votre récit. En effet, dès que l'agent en charge de votre entretien vous pose des questions détaillées, vous déviez et répondez par des généralités.

Ainsi, vous avez indiqué sur votre fiche de « données personnelles déclarées » du 2 juin 2022 que vous auriez quitté votre pays d'origine en 2020, ce qui est clairement en contradiction avec la date du tampon de sortie de votre passeport, à savoir le 25 mars 2021. Questionné au sujet du décalage d'une année entre les deux dates, vous répondez tout simplement qu'il « il y a un tampon dans mon passeport » (p.5/10 du rapport d'entretien) sans néanmoins expliquer pourquoi vous avez indiqué l'année 2020 au lieu de l'année 2021.

Le même constat s'applique quant à votre récit concernant l'incident de 2015, lors duquel vous auriez été touché par une balle à la tête. Convié à dater l'événement, vous répondez « C'est marqué dans le rapport médical de (sic) Yémen » (p.5/10 du rapport d'entretien). Au vu de l'envergure d'un tel incident et du fait que vous auriez été hospitalisé durant deux à trois mois, il est raisonnable d'attendre de votre part que vous soyez en mesure de dater un événement qui aurait marqué votre vie de manière significative.

Ceci vaut également pour le supposé meurtre de votre frère « (B) » alors que vous expliquez qu'« il a été assassiné en 2020 ou 2021. C'était 5 ans après ma blessure. Je ne connais pas les dates » (p.3/10 du rapport d'entretien) ou encore « en 2020, peut-être » (p.6/10 du rapport d'entretien). Encore une fois, il est raisonnable d'attendre de votre part que vous soyez en mesure de dater l'année du décès de votre frère.

Monsieur, si vous aviez vécu ces faits, vous seriez en mesure de les dater.

Quatrièmement, et mis à part le fait que vous restez en défaut de fournir des données temporelles non contradictoires, vous échouez également d'expliquer de manière cohérente pourquoi vous auriez été la réelle cible des « Houthis ».

Ainsi, vous déclarez que les « Houthis » « voulaient terminer avec toutes personnes qui pouvaient réclamer le terrain » (p.7/10 de votre rapport d'entretien). Suivant votre ligne de réflexion, vous, ainsi que votre père et vos frères « (C) » et « (B) » auraient donc tous dû être dans le collimateur des « Houthis » lors de l'incident survenu en 2015 étant donné que vous n'auriez pas été l'unique propriétaire du terrain puisque vous déclarez à ce sujet : « ma famille avait un terrain agricole et des moutons » (p.5/10 de votre rapport d'entretien).

Or, vous échouez d'expliquer la raison pour laquelle les « Houthis » auraient uniquement tiré sur vous lors de l'incident de 2015 et non pas sur les autres membres de votre famille, en particulier sur le propriétaire du terrain, à savoir votre père. En effet, vous ne mentionnez pas que votre famille aurait dû se cacher ou aurait dû fuir les « Houthis » après que vous auriez été touché par une balle. Vous déclarez même que les « Houthis » et votre famille auraient été présents à l'hôpital : « Les Houthis sont venus à l'hôpital. Ils voulaient rentrer, mais les gens dehors les ont arrêtés. Les Houthis criaient à ma famille qu'ils allaient nous tuer » (p.5/10 de votre rapport d'entretien).

En admettant que les « Houthis », « voulaient terminer avec toutes personnes qui pouvaient réclamer le terrain » (p.7/10 de votre rapport d'entretien), il aurait été dans la 5logique des choses que les « Houthis » en auraient également profité pour s'en prendre à toute votre famille et non uniquement à vous.

Ce constat vaut d'autant plus que vous situez le lieu où vous auriez été touché par une balle, à savoir votre village …, « près de … » (p.2/10 de votre rapport d'entretien). Or, la distance entre la ville de … et la ville de … où vous auriez été transporté à l'hôpital, s'élève à presque 200km.

Il est dès lors pas du tout crédible que les « Houthis » auraient entrepris un si long voyage pour ne finalement pas passer à l'acte afin de s'approprier du tant convoité terrain de votre famille.

Vous expliquez encore dans ce contexte que votre famille n'aurait : « pas vraiment empêché les Houthis [physiquement]. A l'hôpital, les personnes sages ont demandé aux Houthis de partir et ils leur ont dit que j'étais maintenant handicapé et que certainement j'allais mourir. Ils leur ont dit que je ne pouvais plus rien faire [contre eux] » (p.7/10 de votre rapport d'entretien). Convié à expliquer si les « Houthis » étaient simplement partis après cet épisode, vous déclarez : « A l'hôpital, les Houthis sont arrivés jusqu'à ma porte. Ma mère a crié et s'est jetée sur moi pour me protéger. Les médecins ont aussi expliqué aux Houthis que je me trouvais dans un état grave, que j'étais handicapé et que ça ne servait à rien de me tuer » (p.7/10 de votre rapport d'entretien). En admettant que les « Houthis » se seraient effectivement contentés de votre état de santé critique et auraient par la suite décidé de ne pas vous tuer, force est toutefois de constater que vous échouez d'expliquer premièrement pourquoi ils n'auraient pas par la suite simplement confisqué le terrain appartenant à votre famille étant donné que ce même terrain aurait été à l'origine de leur attaque envers votre personne et deuxièmement pourquoi ils n'auraient pas attaqué les autres membres de votre famille étant donné qu'eux aussi auraient été légitimes de réclamer le terrain en cause.

Par ailleurs, vous déclarez que suite à votre hospitalisation les « Houthis » vous auraient « laissé tranquille pendant 2-3 ans, car ils étaient occupés dans des combats » (p.7/10 du rapport d'entretien) avant qu'ils recommencent « à nous intimider et à nous menacer » (p.6/10 du rapport d'entretien). Vous datez cette partie de votre récit « 3 ans après » (p.6/10 du rapport d'entretien) ou encore « 2-3 ans » (p.7/10 du rapport d'entretien) après l'incident de 2015, à savoir en 2017 ou en 2018. Vous continuez en déclarant : « Ils voulaient toujours me tuer et ils voulaient prendre notre terrain. Mon frère a parlé aux personnes sages du village comme témoin de ce que les Houthis voulaient faire. En 2020 peut-être, ils ont tué mon frère. Ils nous ont menacé qu'ils allaient me tuer aussi. Finalement, ils ont pris notre terre » (p.6/10 du rapport d'entretien).

Force est de constater qu'entre le deuxième épisode des intimidations de la part des « Houthis », à savoir en 2017, respectivement en 2018 et le présumé meurtre de votre frère « (B) » en 2020, respectivement en 2021, il existe un intervalle de deux ans pour lequel vous ne mentionnez aucun incident. Il n'est dès lors pas compréhensible, pour quelles raisons les « Houthis » vous auraient laissé tranquille pendant deux ans, pour soudainement, sans la moindre raison apparente se remettre à vous intimider en raison du terrain de votre famille.

Eu égard à ce qui précède, il échet de retenir que vos déclarations quant à votre vécu dans votre pays d'origine ne sont pas crédibles.

6Ce constat ne saurait d'ailleurs pas être infirmé par les pièces que vous remettez à l'appui de votre demande. En effet, la copie d'un document intitulé « MEDICAL REPORT » en langue arabe et la copie d'une première page d'un rapport médical établi en date du 15 juillet 2022 au Centre Hospitalier du Nord en langue française n'ont aucune force probante.

En ce qui concerne la copie d'un document intitulé « MEDICAL REPORT » en langue arabe, il y a lieu de retenir que ladite copie est démunie d'une quelconque traduction de sorte qu'elle ne peut évidemment pas être prise en compte dans le cadre de l'analyse de votre demande de protection internationale. En effet, en application de l'article 10 (5) de la Loi de 2015, à l'exception des documents d'identité, tout document remis au ministre rédigé dans une autre langue que l'allemand, le français ou l'anglais doit être accompagné d'une traduction dans une de ces langues, afin d'être pris en considération dans l'examen de la demande de protection internationale. Par ailleurs, il y a lieu de souligner qu'il ne s'agit que d'une copie dont l'authenticité ne saurait être vérifiée.

Quant au rapport médical du Centre hospitalier du Nord, il échet de relever que vous ne versez que la première page dudit rapport. Par ailleurs, ce rapport ne prouve nullement que vous auriez été dans le collimateur des « Houthis » en raison d'un conflit foncier, respectivement que ces derniers auraient tenté de vous tuer.

Enfin, il y a lieu de soulever que votre comportement ne correspond manifestement pas à celui d'une personne persécutée à la recherche d'une protection internationale alors qu'une personne persécutée aurait introduit une demande de protection internationale dans le premier pays sûr, et ne choisit pas l'Etat par lequel elle souhaite sa demande analysée suivant des considérations de convenance personnelle. Or, vous n'avez pas introduit une demande de protection internationale en Espagne par option propre : « Arrivés, la police nous a arrêté et m'a demandé si je veux demander asile. J'ai refusé parce que je voulais arriver au Luxembourg » (rapport de police).

Vous n'avez non plus introduit une demande de protection internationale aux Pays-Bas, mais vous avez opté pour le Luxembourg de manière consciente. En effet, vous déclarez : « J'ai entendu du Luxembourg et j'ai fait des recherches sur YouTube. J'ai bien aimé ce pays » (p.4/10 de votre rapport d'entretien).

Monsieur, il est en effet de principe que « les demandeurs de protection internationale ne sont ni censés, ni autorisés à opérer un choix par rapport au pays d'introduction de leurs demandes pour s'installer là où les meilleures prestations sociales et les meilleures conditions matérielles sont garanties », ce qui vous avez en l'occurrence manifestement fait.

A toutes fins utiles, force est encore de noter que le Yémen ne se trouve actuellement pas dans le cadre d'un conflit armé interne ou internationale caractérisé par un degré de violence aveugle d'une telle gravité que chaque civil y risquerait sa vie de par sa seule présence sur ledit territoire. Vous ne rapportez pas non plus d'éléments personnels permettant d'établir que vous seriez à risque de subir une atteinte grave en raison de la situation sécuritaire dans votre pays d'origine.

Eu égard à ce qui précède, il convient de conclure que vous restez en défaut de faire état d'un récit cohérent et crédible. A cela s'ajoute que vous vous perdez dans vos mensonges et vos contradictions, ce qui prouve que vous avez inventé un récit de toutes pièces afin d'augmenter vos chances de vous voir octroyer une protection internationale.

7 Partant, votre récit n'étant pas crédible, aucune protection internationale ne vous est accordée.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée.

Suivant les dispositions de l'article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination du Yémen ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 décembre 2023, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 27 octobre 2023 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Par jugement du 26 novembre 2024, le tribunal administratif déclara non fondé ce recours en réformation en ses deux volets, partant en débouta, le tout en condamnant le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 27 décembre 2024, Monsieur (A) a régulièrement fait entreprendre le jugement du 26 novembre 2024.

L’appelant reproche aux premiers juges d’avoir retenu qu’il n’avait pas pris position de manière circonstanciée par rapport aux contradictions et incohérences pointées par le ministre et, de la sorte, non invalidé la conclusion que son récit n’était pas crédible, d’une part, et conclu qu’il n’existait pas de situation de guerre au Yémen, d’autre part.

Il conteste ces considérations et soutient avoir été « blessé dans sa chair, par les rebelles Houthis », précisant être hémiplégique en conséquence de blessures par balles au niveau de la tête, de sorte à devoir être considéré comme une « personne hautement vulnérable » et à mériter la reconnaissance d’une protection internationale rien que de ce fait.

Sur ce, l’appelant réexpose avoir quitté son pays d’origine, le Yémen, en raison de la situation de violence généralisée qui y règnerait et en raison des persécutions personnelles y subies, dont il conserverait les « stigmates ».

La situation de guerre sévissant au Yémen serait d’ailleurs reconnue par les autorités belges, lesquelles déconseilleraient de s’y rendre. Il en serait de même d’autres autorités, dont celles canadiennes, suisses et françaises.

La guerre civile yéménite constituerait bien un conflit armé qui opposerait depuis 2014 les forces armées à des rebelles chiites Houthis et qui se serait internationalisé en mars 2015 avec l'intervention d'une coalition internationale menée par l'Arabie saoudite contre les Houthis, soutenus par l'Iran.

Cette situation persisterait jusqu’à ce jour et le pays serait dans un état catastrophique, avec des systèmes socio-économiques « au bord de la rupture ».

8Sur ce, l’appelant déclare maintenir son récit des faits tel que présenté à l’appui de sa demande de protection internationale et en insistant sur sa peur à l’égard des Houthis armés qui contrôleraient une grande partie du territoire yéménite.

Reprochant ainsi au ministre de ne pas avoir pris l'exacte mesure de sa situation individuelle par rapport à la situation de son pays d'origine, il demande à la Cour de retenir une situation consternante des droits de l'Homme au Yémen appelée à perdurer dans le futur et de retenir qu’au vu de « son récit, tout à fait cohérent », il constituerait une victime des crimes de guerre, commis par les Houthis, ces derniers ayant procédé à une confiscation arbitraire des biens de sa famille et l’ayant blessé de façon irréversible.

Dans ce contexte, l’appelant estime que contrairement à l’analyse ministérielle, son récit serait tout à fait cohérent et s’enchaînerait logiquement et en parfaite parallèle de l’évolution de la situation que le Yémen aurait connue depuis 2014-2015.

L’on ne saurait pas non plus lui reprocher le fait de ne pas avoir été en mesure de préciser le déroulement exact et les dates exactes de son périple à l'intérieur de son pays, « compte tenu de son état de santé, et de l'état catastrophique du Yémen induit par la guerre, c'est une posture tout à fait normale, tout en soulignant que l'agent en charge de l'audition est maître de la tournure des questions ».

L’appelant demande donc à la Cour de réinterpréter ses déclarations au regard de son état de santé et de sa vulnérabilité et de conclure qu’il s’en dégage une situation individuelle de victime de guerre, laquelle, considérée dans le contexte de la situation générale de son pays d’origine, manifestement en proie à une guerre, justifierait sa demande de protection, principale sinon pour le moins subsidiaire.

Il demande en conséquence la réformation du jugement entrepris et l’octroi d’une protection internationale, principale ou subsidiaire, ainsi que la réformation conséquente de l’ordre de quitter le territoire.

De son côté, le délégué du gouvernement conclut en substance à la confirmation intégrale du jugement entrepris et de la décision ministérielle litigieuse, les deux tablant sur des appréciations justes tant en droit qu’en fait.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 sub f), de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Il se dégage de la lecture combinée des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes 9privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d'origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l'article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L'octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Il s’y ajoute que la définition du réfugié contenue à l’article 2 sub f), de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2 sub g), de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur de protection internationale ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du juge devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

L’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

C’est plus particulièrement à bon droit que les premiers juges ont relevé dans ce contexte, que l’évaluation de la situation personnelle du demandeur de protection se fait au regard de la 10situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance et lors de l’examen le juge ne doit pas se limiter à la pertinence des faits allégués, mais il doit encore apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

Ledit examen de la crédibilité du récit d'un demandeur d'asile constitue une étape nécessaire pour pouvoir répondre à la question si l’intéressé présente ou non des raisons pertinentes de craindre d'être persécuté du fait de l'un des motifs prévus par la Convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951. Il s’ensuit qu’il appartient au juge de se prononcer en premier lieu sur la question de la crédibilité du récit, d’autant plus qu’en l’espèce, la crédibilité générale de l’appelant a été remise en doute, influant nécessairement sur l’appréciation du bien-fondé de ses demandes et recours. Il y a encore lieu de relever plus particulièrement qu’en l’absence d’éléments de preuve de nature à étayer les déclarations du demandeur de protection, celui-ci bénéficie du doute en application de l’article 37, paragraphe (5), de la loi du 18 décembre 2015, à condition que, de manière générale, son récit est crédible et qu’il s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, en livrant tous les éléments dont il disposait et que ses déclarations sont cohérentes et non contredites par les informations générales et spécifiques disponibles.

Ceci dit, en l’espèce, la Cour rejoint et fait sienne l’analyse pertinente et exhaustive des premiers juges qui les a amenés à confirmer le ministre en ce qu’il a dégagé d’un nombre certain d’incohérences et de contradictions truffant le récit de l’intéressé, un manque général de crédibilité dans le chef de l’appelant.

En effet, s’il est vrai que l’appelant n’appert pas critiquable en ce qu’à l’occasion de son entretien avec un agent du ministère, il a apporté des précisions par rapport à ses déclarations initiales, lors de son arrivée au pays, devant la police, il n’en reste pas moins qu’en général, le ministre a pu valablement pointer des incohérences patentes et des zones d’ombre manifestes au niveau de son récit, que les arguments avancés par l’intéressé par la suite ne sont pas de nature à énerver fondamentalement.

En tout cas, la Cour constate que l’appelant est resté et reste toujours en défaut de ne serait-ce que de tenter d’expliquer les incohérences et d’invalider les doutes apparents valablement pointés par le ministre, voire de combler des lacunes flagrantes dans son récit, pareil manque n’étant pas utilement compensé par la mise en balance de son mauvais état de santé et de troubles de mémoire en relation avec son vécu.

Dans ce contexte, la Cour renvoie et fait sienne les analyses et conclusions détaillées des premiers juges au sujet du défaut de prise de position de l’appelant quant aux incongruités marquant son prétendu périple à l’intérieur du Yémen avant sa fuite et l’absence de toute explication quant à ses voyages aériens à l’aide de son passeport yéménite non muni d’un visa, d’une part, et son défaut de rencontrer l’apparente invraisemblance de son récit concernant l’agissements des rebelles, d’autre part.

Ainsi, au vu de cet état des choses, la Cour est, à son tour, amenée à conclure que le ministre a valablement pu remettre en question la crédibilité du récit de l’appelant dans sa globalité et, en conséquence, pu retenir l’absence de motifs sérieux et avérés de croire qu’il encourrait ou encourt, en cas de retour dans son pays d’origine, une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève et l’octroi du statut de réfugié n’est partant pas de mise.

11La même conclusion s’impose encore au niveau de la demande de protection subsidiaire en tout cas au regard des points a) et b) de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, le défaut de crédibilité du récit de l’appelant entraînant l’absence de raisons sérieuses crédibles de croire qu’il encourrait ou encourt, en cas de retour dans son pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, voire une peine de mort ou l’exécution.

Ceci dit, sous le rapport d’une demande de protection internationale subsidiaire, il convient cependant encore de procéder à une analyse allant au-delà de l'analyse globale de crédibilité du récit à la base de la demande de protection internationale au cas et dans la mesure où une demande de protection subsidiaire, certes caractérisée par un récit non-crédible, véhicule une demande de protection sur base de la situation sécuritaire du pays d'origine telle que visée au point c) de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, c’est-à-dire lorsque le demandeur invoque un contexte de violence aveugle dans le cadre d'un conflit armé interne ou international au sens de ladite disposition.

Il se pose donc la question de savoir si l’appelant, du seul fait de se retrouver au Yémen, risque d’être la cible d’une violence aveugle, au regard de la situation politique et militaire y régnant à l’heure actuelle.

Or, à l’instar des premiers juges, la Cour arrive à la conclusion qu’il ne se dégage pas à suffisance de droit des éléments d’informations fournies en cause que le Yémen se trouve actuellement dans le cadre d'un conflit armé interne ou international caractérisé par un degré de violence aveugle d'une telle gravité que chaque civil y risquerait sa vie de par sa seule présence sur ledit territoire.

Ainsi, la situation sécuritaire existant au Yémen n’ayant pas sensiblement évolué depuis le prononcé du jugement a quo, la Cour rejoint encore les premiers juges en leur constat que la situation sécuritaire s’y est nettement améliorée depuis la trêve initiée le 2 avril 2022, étant relevé que les combats généralisés n’ont plus repris même après la fin de la période négociée de trêve.

Concernant les éléments prétendument nouveaux mis en balance par la partie appelante, à savoir des frappes aériennes au Yémen contre les Houthis et des opérations militaires menées par ces derniers, il y a lieu de conclure que les actions de la coalition internationale qui s'est formée à la fin de l’année 2023 en réaction notamment à des attaques en mer Rouge menées par les Houthis contre des navires de commerce ne ciblent que les territoires occupés par les Houthis et ne touchent pas l’entièreté du territoire ou la totalité de la population yéménite.

Il s’y ajoute qu’au-delà même du fait que le doute persiste au niveau de la région exacte dont l'appelant est originaire, de sorte qu’il n’est pas établi qu'un retour dans sa région d’origine l’expose à un risque concret, l'appelant pourrait s'installer dans une des régions moins marquées par les conflits, tel que le gouvernorat de l'Hadramaout, invoqué par le représentant étatique.

Dans ces circonstances, le ministre d’abord, les premiers juges par la suite ont valablement pu retenir que les éléments de la cause ne sont pas de nature à établir l’existence, dans le chef de l’appelant, ni d’une crainte fondée de persécutions, ni d’un risque réel et avéré de subir des atteintes graves, en cas de retour dans son pays d’origine, de sorte à ne pas justifier l’octroi d’un statut de protection internationale.

12Il suit de ce qui précède que c’est à bon droit que le ministre, puis les premiers juges, ont rejeté la demande de protection internationale prise en son double volet et le jugement est à confirmer sous ce rapport.

Enfin, concernant l’ordre de quitter le territoire, dès lors que l’article 34 paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 dispose qu’« une décision du ministre vaut décision de retour.

(…) » et qu’en vertu de l’article 2 sub q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire », l’ordre de quitter est à considérer comme constituant la conséquence automatique du refus de protection internationale, avec comme conséquence pour le cas d’espèce, où le rejet ministériel de la demande de protection internationale vient d’être déclaré justifié dans ses deux volets, que l’ordre de quitter n’est pas sérieusement critiquable ni critiqué.

Il s’ensuit que le jugement est encore à confirmer en ce qu’il a refusé de réformer cet ordre.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelant.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause;

reçoit l’appel en la forme;

au fond, déclare l’appel non justifié et en déboute;

partant, confirme le jugement entrepris du 26 novembre 2024;

condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.

s. SCHINTGEN s. CAMPILL 13


Synthèse
Numéro d'arrêt : 52171C
Date de la décision : 04/03/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2025-03-04;52171c ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award