GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 52169C ECLI:LU:CADM:2025:52169 Inscrit le 27 décembre 2024
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Audience publique du 4 mars 2025 Appel formé par Madame (A) et consorts, …, contre un jugement du tribunal administratif du 25 novembre 2024 (n° 49756 du rôle) en matière de protection internationale
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Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 52169C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 27 décembre 2024 par Maître Cora MAGLO, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A), née le … à … (Venezuela), agissant tant en son nom personnel qu’au nom et pour le compte de son enfant mineur (A2), né le … à …, et de son époux, Monsieur (A1), né le … à …, tous les trois de nationalité vénézuélienne, demeurant ensemble à L-…, …, dirigée contre le jugement rendu le 25 novembre 2024 (n° 49756 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg les a déboutés de leur recours tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du du 24 octobre 2023 portant refus de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 22 janvier 2025;
Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;
Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 11 février 2025.
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Le 20 janvier 2022, Madame (A), accompagnée de son enfant mineur (A2), introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de 1l’Immigration, ci-après le « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après la « loi du 18 décembre 2015 », tandis que son époux, Monsieur (A1) introduisit à son tour une demande de protection internationale en date du 17 février 2022.
Les déclarations de Madame (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent du service de police judiciaire de la police grand-ducale, section criminalité organisée - police des étrangers, dans un rapport du 20 janvier 2022 et celles de son époux furent actées dans un rapport du 17 février 2022.
Les 25 juillet et 2 août 2022, Madame (A) fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs gisant à la base de sa demande de protection internationale, tandis que Monsieur (A1) fut entendu le 28 juillet 2022 aux mêmes fins.
Par décision du 24 octobre 2023, notifiée aux intéressés par courrier recommandé expédié le 26 octobre 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après le « ministre », informa Madame (A) et Monsieur (A1), ci-après les « consorts (A) », que leurs demandes de protection internationale avaient été refusées comme non fondées, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, ladite décision étant libellée comme suit :
« (…) J’ai l’honneur de me référer à vos demandes en obtention d’une protection internationale que vous avez introduites Madame, le 20 janvier 2022 et Monsieur, le 17 février 2022 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 ») pour vous, ainsi que, Madame, pour le compte de votre enfant mineur (A2), né le … à … dans l’Etat de Zulia au Vénézuela, de nationalité vénézuélienne.
Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes pour les raisons énoncées ci-après.
1. Quant à vos motifs de fuite En mains les rapports du Service de Police Judiciaire, le vôtre Madame, du 20 janvier 2021 et le vôtre Monsieur, du 17 février 2022, et les rapports de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes de vos entretiens respectifs, Madame, du 25 juillet et 2 août 2022, et Monsieur, du 28 juillet 2022 sur les motifs sous-tendant vos demandes de protection internationale, ainsi que les documents versés à l’appui de vos demandes de protection internationale.
Vous déclarez être tous deux de nationalité vénézuélienne, de confession …, être en couple depuis le 16 novembre 2018, mariés depuis le … juillet 2021, ainsi que d’être nés et avoir vécu à …, municipalité de la région métropolitaine de … dans l’Etat du Zulia au Vénézuela. Madame, vous y auriez habité ensemble avec votre fils unique (A2), votre mère, votre sœur, votre beau-frère, votre beau-père et votre nièce puis vous seriez allés vivre chez Monsieur, à partir du 11 mai 2021 jusqu’à votre départ du Vénézuela. Monsieur, vous y auriez vécu avec toute votre famille sur trois maisons adjacentes jusqu’au 4 août 2021, avant de partir rejoindre Madame en Colombie puis vous seriez retourné y vivre à compter du … novembre 2021 jusqu’à votre départ du Vénézuela.
2Madame, en cas de retour au Vénézuela, vous craindriez d’être sanctionnée, d’être emprisonnée voire « pour ma propre vie » (p.6/15 de votre rapport d’entretien, Madame) en raison d’une enquête administrative laquelle aurait été ouverte à la demande de votre ancien responsable en raison de votre abandon de poste de fonctionnaire. Vous craindriez également que votre affiliation politique puisse aggraver votre situation alors que ledit ancien responsable vous aurait insultée « pour être une opposante » (p.7/15 de votre rapport d’entretien, Madame).
Vous explicitiez plus particulièrement que vous auriez travaillé dès 2007 en tant que fonctionnaire dans l’administration de l’hôpital « (BB) à … » (p.2/15 de votre rapport d’entretien, Madame) pistonnée par votre oncle, lequel aurait connu la commissaire de la santé de l’époque, Madame Janina Peroso. Parallèlement, vous auriez soutenu Monsieur « Manuel Rosales et son parti Un Nuevo Tiempo » (p.3/15 de votre rapport d’entretien, Madame). En 2019, votre nouveau chef, un médecin angiologue, d’origine cubaine, Monsieur (C), aurait été nommé par le gouvernement de … et soutenu par Omar Prieto, gouverneur de l’Etat de Zulia de l’époque, également membre du parti du gouvernement PSUV. A partir de 2020, votre responsable vous aurait poussée à commettre des fraudes et vous aurait menacée « d’ouvrir un dossier administratif » (p.7/15 de votre rapport d’entretien, Madame) à votre encontre, si vous aviez refusé de coopérer. Alors que vous vous seriez opposée plusieurs fois à signer des documents pour valider des transactions frauduleuses, vous auriez reçu trois appels début 2021 que vous auriez considérés comme menaçants car « on » vous aurait dit « qu’on savait où se trouvait » votre « frère au Chili » (p.7/15 de votre rapport d’entretien, Madame). Le soir du 11 mai 2021, vous auriez été sur le point de rentrer chez vous avec votre oncle, lorsque deux fourgons se seraient arrêtés, puis trois hommes cagoulés en seraient descendus et auraient tiré en l’air. Ces derniers auraient frappé votre oncle, beau-père et beau-frère, et vous auraient poussé contre l’un des véhicules, avant d’exiger que vous signiez les « documents nécessaires » (p.7/15 de votre rapport d’entretien, Madame) ainsi que vous suiviez les instructions données à votre travail. Suite à cet incident, vous auriez décidé de quitter le Vénézuela.
Madame, vous déclarez ne pas avoir cherché à porter plainte contre votre chef, car vous auriez eu « peur en raison de ce qui était arrivé » (p.8/15 de votre rapport d’entretien, Madame) et êtes d’avis que « rien n’allait se passer » (p.8/15 de votre rapport d’entretien, Madame) surtout en raison des connexions de votre ancien responsable avec le gouverneur Omar Pietro.
Madame, vous affirmez ne pas avoir cherché à vous installer dans une autre région du Vénézuela puisque vous seriez « une employée publique (…) et vous auriez « dû continuer à exercer (votre) fonction » (p.12/15 de votre rapport d’entretien, Madame), d’autant plus que vous ne seriez pas autorisée à démissionner en tant que fonctionnaire au Vénézuéla.
Madame, vous expliquez que le … juillet 2021, vous auriez quitté le Vénézuéla avec votre fils (A2) en voiture puis auriez rejoint en bus …, en Colombie. En raison de la pandémie de la COVID-19, vous n’auriez pas pu prendre votre vol initialement prévu en août 2021 et auriez dû attendre en Colombie pour prendre un vol le … octobre 2021 pour …, en Espagne. Sur conseil d’une amie, vous auriez tenté d’y introduire des demandes de protection internationale, mais vous n’auriez jamais obtenu de rendez-vous. Le 18 janvier 2022, vous seriez arrivés au Luxembourg en covoiturage.
3Monsieur, vous affirmez avoir introduit cette demande de protection internationale uniquement sur base des motifs invoqués par votre conjointe. Vous n’exprimez aucune autre crainte liée à votre situation personnelle. Vous précisez que votre « femme est en danger. C’est un risque pour toute la famille » (p.5/9, de votre rapport d’entretien, Monsieur).
Monsieur, vous expliquez que vous auriez quitté le Vénézuela, une première fois le … août 2021, puis une deuxième fois le … février 2022, afin de vous rendre au Luxembourg en transitant par la Colombie et l’Espagne. Vous n’auriez rencontré aucun problème aux frontières traversées.
A l’appui de vos demandes, vous remettez les documents suivants :
- Une copie d’une attestation de travail pour le compte de l’unité cardio-métabolique de l’Etat de Zulia, à votre nom Madame, du … mars 2007 ;
- votre carte d’identité, Madame, émise le … février 2009 et expirée en février 2019 ;
- le passeport vénézuélien, Madame, de votre fils (A2), délivré le … décembre 2012, prolongé le … février 2020 et expirant le … février 2022 ;
- votre passeport vénézuélien, Madame, délivré le … avril 2014, prolongé le … novembre 2019 et ayant expiré le … novembre 2021 ;
- une farde de quatre pièces remise par votre avocat le 22 août 2022 contenant une copie d’un extrait d’un registre fiscal vénézuélien d’une entreprise commerciale expirant le … décembre 2021, une copie d’un certificat à votre nom Madame, de militance au parti politique Un nuevo tiempo, de 2018 à juin 2021, une copie d’une preuve d’embauche à votre nom Madame, en tant qu’assistante administrative au niveau de la Coordination de la tuberculose et des maladies pulmonaires, sous la tutelle du Ministère de la Santé vénézuélien, du … mars 2007 au … décembre 2007, et une copie d’une réservation de deux billets d’avion pour vous Madame et votre fils (A2) du … août 2021 pour un vol de … à … puis du … août 2021 pour un vol de … à … ;
- une copie de votre extrait de mariage du … juillet 2021 ;
- une copie d’un extrait de vos cotisations sociales de l’institut vénézuélien de la sécurité sociale, à votre nom Madame, actualisées au … juillet 2022 ;
- votre passeport vénézuélien, Monsieur, délivré le … juillet 2016, ayant été prolongé le … décembre 2021 et expirant le … décembre 2026 ;
- votre carte d’identité, Monsieur, délivré le … septembre 2017 et expirant en septembre 2027.
2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale • Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.
Aux termes de l’article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour 4les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».
L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils n’émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.
Madame, il ressort de l’évaluation de votre unique motif de fuite que vos craintes de persécution ne sont pas liées à l’un des motifs de fond définis par la Convention de Genève respectivement par la Loi de 2015.
Force est en effet de constater que vos problèmes et votre sentiment d’insécurité découlent de votre refus d’être impliquée dans des activités illégales et notamment du fait que vous auriez été obligée de signer des documents pour valider des transactions frauduleuses sur injonction de votre ancien responsable. Or, il se dégage de vos déclarations que votre ancien chef Monsieur (C) a uniquement agi dans son seul intérêt privé. En effet, vous expliquez que le « gouvernement nous attribué des fonds pour ces travaux et mon chef voulait que je paye directement l’entreprise sans que les travaux ne soient exécutés » (p.11/15, de votre rapport d’entretien, Madame). Vous précisez qu’il aurait été non seulement corrompu puisqu’ « qu’il prenait des commissions sur ces commandes » (p.11/15, de votre rapport d’entretien, Madame) mais aussi corrupteur alors que votre « chef a même essayé de (vous) offrir une commission pour que (vous signez) » (p.11/15, de votre rapport d’entretien, Madame).
Vous tentez certes de donner une connotation politique à vos déclarations en expliquant que vous auriez été affilié au parti Un Nuevo Tiempo et que vous auriez soutenue Monsieur Rosales politiquement. Pourtant, cette tentative ne saurait convaincre. En effet, hormis des remarques insultantes de votre ancien chef, aucun autre fait invoqué ne permettrait de conclure que vous seriez considérée comme une opposante politique risquant d’avoir des problèmes en cas de retour au Vénézuéla. Or, en l’espèce, toutes les insultes que votre ancien chef aurait proférées, s’inscrivent dans un contexte de fraudes et irrégularités dont vous auriez été témoin, et non pas dans un contexte politique et d’élections. Quand bien même votre ancien responsable aurait été en relation avec le gouverneur de l’époque Monsieur Omar Prieto et le parti majoritaire du gouvernement vénézuélien PSUV, rien n’indique que vos craintes soient liées à une persécution politique, mais en l’espèce, il s’agit clairement de manœuvres frauduleuses et de pression psychologique commises par votre Monsieur (C) dans le but unique de son enrichissement personnel.
Madame, quand bien même vos craintes mises en avant seraient susceptibles d’être rattachées à l’un des critères de persécution prévus à l’article 2 sub f) de la Loi de 2015, ce qui n’est manifestement pas avéré, les faits invoqués à la base de ces craintes n’atteignent pas un niveau de gravité tel qu’ils seraient assimilables, de par leur nature ou de leur caractère répété, à des actes de persécution au sens de la Convention de Genève, et de la Loi du 2015.
En effet, force est de constater que le harcèlement au travail et les menaces de votre ancien employeur d’ouvrir une enquête administrative à votre encontre ne revêtent pas un degré de gravité tel à pouvoir être qualifié d’actes de persécution au sens des textes précités puisque vous risquez seulement, tant bien que cela soit fâcheux, de recevoir un blâme ou dans 5le pire des cas, d’être licenciée ainsi que le prévoit la loi vénézuélienne sur le statut de la fonction publique.
Quant à votre crainte d’être sanctionnée du fait de votre abandon de poste, force est tout d’abord de constater que vous ne présentez aucun document pouvant attester votre fonction d’administratrice dans l’unité cardio-métabolique depuis 2013 tel que vous l’affirmez. En outre, vous affirmez avoir vu « qu’il y avait marqué abandon de poste » (p.7/15, de votre rapport d’entretien, Madame) au moment où vous auriez voulu « demander un certificat de travail » (p.7/15, de votre rapport d’entretien, Madame). Pourtant, vous déclarez aussi ne pas avoir entrepris vous-même les démarches mais votre mère, laquelle aurait fait la demande en « janvier ou février 2022. Fin février 2022 ». Cette dernière aurait appris à ce moment que votre « dossier était à … pour abandon de poste » (p.7/15, de votre rapport d’entretien, Madame). A cela s’ajoute que, vous admettez ne pas avoir de preuve formelle de votre abandon de poste, mais que vous auriez encore touché votre salaire jusqu’en octobre 2021 et que vous seriez encore active à la sécurité sociale à ce jour. Enfin, hormis un certificat datant de 2007, vous ne présentez aucune preuve quant à votre travail auprès de l’Etat après 2007. Vos déclarations quant au risque d’être sanctionnée du fait de votre abandon de poste restent, dès lors, à l’état de pure allégation et ne sont corroborées par aucun élément de preuve.
Quand bien même vos déclarations concernant le fait d’avoir occupé un poste de fonctionnaire après 2007 jusqu’à votre départ et de risquer d’être sanctionnée pour abandon de poste, seraient avérées, seul ce risque encouru ne saurait être perçu comme étant un risque de persécution suffisamment grave au sens de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.
En effet, il échet de noter qu’il s’agit uniquement d’un risque, de vous voir infliger une admonestation voire tout au plus d’être licenciée. En outre, ce risque est hypothétique, alors que vous déclarez vous-même ne pas être sûre de la situation, n’ayant pas récupéré votre dossier. Dès lors, une admonestation voire un licenciement ne revêtent clairement pas d’un degré de gravité suffisante au point de valoir comme actes de persécution.
Quant à vos craintes d’être à nouveau agressée et intimidée comme vous l’auriez été par des hommes cagoulés le soir du 11 mai 2021, force est de constater que vous auriez seulement été poussée contre votre voiture puis intimidée pour vous contraindre à signer les « documents nécessaires » (p.7/15 de votre rapport d’entretien, Madame) et suivre les instructions de travail données par votre ancien responsable. En effet, vous êtes catégorique quant aux motivations de vos agresseurs présumés qui seraient ainsi uniquement en lien avec votre ancien chef et dans le contexte de manœuvres frauduleuses. Dès lors, il y a lieu d’en conclure qu’il s’agit d’un incident isolé ne revêtant pas un degré de gravité tel à pouvoir être définis comme des actes de persécutions au sens des textes précités.
Partant aucun des faits invoqués à la base de vos craintes n’atteignent un niveau de gravité tel qu’ils seraient assimilables, de par leur nature ou de leur caractère répété, à des actes de persécution au sens de la Convention de Genève, et de la Loi du 2015.
Madame, en cas de licenciement suite à une enquête administrative, qui aurait été ouverte par votre chef, force est de constater que la loi vénézuélienne prévoit que la désobéissance à un supérieur hiérarchique n’est pas sanctionnée, lorsque l’ordre donné est une violation manifeste, claire et stricte d’un précepte constitutionnel ou légal. Or, un détournement de fonds publics est illégal et condamnable au Vénézuéla. Le Bureau du Contrôleur général de la République est l’organe chargé de superviser et de contrôler l’utilisation des ressources publiques. Rien n’indique que vous n’auriez pas pu saisir votre administration pour dénoncer 6votre ancien chef ou aller porter plainte à la police. Vous justifiez votre inaction uniquement du fait que votre ancien chef aurait été soutenu par le gouverneur de l’époque sans pour autant faire état d’une réelle crainte envers les autorités. Votre seule supposition que les autorités ne feraient rien, ne permet pas de conclure que les autorités de votre pays d’origine ne sont pas capables ou non disposées à vous fournir une protection suffisante. Ainsi, votre inaction a nécessairement mis les autorités compétentes dans l’impossibilité d’accomplir leurs missions.
Aucune défaillance ou inefficacité ne saurait, dès lors, leur être reprochée.
Quant à votre risque d’être sanctionnée pour abandon de poste, il y a lieu de constater que si cette sanction était prononcée, ce qui n’est pas une certitude en l’espèce, celle-ci serait toutefois contestable devant votre administration voire un recours contentieux contre votre administration pour demander une réintégration serait envisageable. A cet égard, il échet de citer par exemple un arrêt de la Première Haute Cour en matière civile et administrative vénézuélienne, laquelle rappelle que le pouvoir de sanction que possède une administration a ses limites dans les règles qui la régissent, afin d’éviter un usage déviant ou abusif desdits pouvoirs par celle-ci, au profit de l’impartialité et en faveur des garanties dont jouit l’agent public, l’un d’entre eux étant, la nécessité d’une procédure disciplinaire conforme à la loi.
Dans cette affaire citée, la requérante a eu gain de cause et a pu réintégrer son administration.
Partant, non seulement vous ne risquez pas d’être licencié arbitrairement, mais vous avez en plus la possibilité de vous défendre devant la justice voire d’obtenir gain de cause et de réintégrer votre administration.
Quant à vos craintes d’être à nouveau agressée et intimidée comme vous l’auriez été par des hommes cagoulés le soir du 11 mai 2021, il échet de relever qu’il s’agirait d’une infraction de droit commun punissable selon la législation vénézuélienne en vigueur. De même, ces individus non identifiés auraient clairement agi dans le cadre de manœuvres frauduleuses condamnables en vertu de la loi vénézuélienne. Or, il appert que vous n’auriez pas cherché à porter plainte mais n’auriez pas non plus fait état de votre crainte de contacter les autorités.
Partant, votre inaction a nécessairement mis les autorités compétentes dans l’impossibilité d’accomplir leurs missions. Aucune défaillance ou inefficacité ne saurait dès lors leur être reprochée.
Quant à vos allégations d’être poursuivi par les autorités vénézuéliennes du fait que votre ancien chef aurait été nommé par …, force est de constater que les autorités vénézuéliennes n’auraient aucun intérêt à vous avoir dans leur collimateur, alors qu’au contraire vous vous seriez opposée au détournement de fonds publics vénézuéliens. Vous êtes dès lors libre de vous installer où bon vous semble au Vénézuéla, y compris retourner vivre dans votre maison à … dans l’Etat de Zulia. En effet, quand bien même votre ancien employeur aurait été soutenu par Monsieur Omar Prieto, ce dernier n’est plus le gouverneur de Zulia. Ayant perdu les élections régionales de novembre 2021, Monsieur Prieto a été remplacé Monsieur Manuel Rosales au poste de gouverneur de Zulia. Ce dernier est toujours en poste et il est par ailleurs le fondateur d’un parti politique d’opposition Un Nuevo Tiempo que vous affirmez avoir soutenu par le passé.
A toutes fins utiles, quant à votre déclaration de ne pas pouvoir démissionner de votre poste en tant que fonctionnaire, ceci s’avère inexacte, alors que la loi prévoit que tout agent public peut présenter sa démission par écrit. Or, en tant que jeune femme diplômée, capable de travailler, vous êtes en mesure d’assurer un niveau de subsistance équivalent dans d’autres régions de votre pays d’origine. En guise d’exemple, vous pourriez vous installer, sans craindre avec raison, dans une grande ville comme …, qui compte plus de deux millions 7d’habitants et demi ou …, qui a un meilleur rapport du coût de la vie avec une population de plus de 400 000 habitants.
Eu égard à ce qui précède, vous auriez donc la possibilité, soit de réintégrer votre emploi et ce même si un licenciement avait été prononcé en votre absence, soit de démissionner de votre poste et vous installer au lieu de votre choix au Vénézuéla.
Monsieur, il ressort de votre dossier administratif que vos craintes seraient uniquement basées sur celles invoquées par votre conjointe. Or, des faits non-personnels vécus par un autre membre de la famille, en l’occurrence votre conjointe, sont susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève et de la Loi de 2015 uniquement si le demandeur de protection internationale établit dans son chef un risque réel d’être victime d’actes similaires en raison de circonstances particulières, ce qui n’est clairement pas le cas en l’espèce. En effet, les craintes de votre conjointe, comme susmentionnées, n’étant pas fondées, vous ne pouvez affirmer craindre avec raison d’être une victime collatérale.
Madame, Monsieur, la même constatation est à formuler quant à la demande de votre fils (A2), lequel n’exprime aucune autre crainte que celle basée sur vos soucis au Vénézuéla.
Or, tel qu’expliqué ci-dessus, vos problèmes passés dans votre pays d’origine ne sauraient justifier l’octroi du statut de réfugié dans votre chef, de sorte que ces mêmes problèmes ne sauraient pas non plus justifier l’octroi du statut de réfugié dans le chef de votre fils.
Eu égard à tout ce qui précède, Madame, Monsieur, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.
• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.
L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi.
L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Madame, Monsieur, il y a lieu de souligner qu’à l’appui de vos demandes de protection subsidiaire respectives, vous invoquez en substance les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de vos demandes de reconnaissance du statut de réfugié.
8Au vu des conclusions ci-dessus, il y a de même, lieu de retenir qu’il n’existe manifestement pas davantage d’éléments susceptibles d’établir, sur la base des mêmes faits que ceux exposés en vue de vous voir reconnaître le statut de réfugié, qu’il existerait des motifs sérieux et avérés de croire que vous courriez, en cas de retour au Vénézuéla, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi de 2015, respectivement que les autorités vénézuéliennes ne seraient pas en mesure de vous protéger.
En effet, vous omettez d’établir qu’en cas de retour au Vénézuéla, vous risqueriez la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre vos vies ou vos personnes en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.
Vos demandes en obtention d’une protection internationale sont dès lors rejetées comme non fondées.
Suivant les dispositions de l’article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination du Vénézuéla, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisés à séjourner (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 novembre 2023, Madame (A), déclarant agir tant en son nom personnel qu’en nom et pour compte de son enfant mineur (A2), et son époux, Monsieur (A1), firent introduire un recours tendant à la réformation, d’une part, de la décision ministérielle du 24 octobre 2023 portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale et, d’autre part, de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
Par jugement du 25 novembre 2024, le tribunal administratif reçut le recours en réformation en la forme et, au fond, après avoir donné acte à Monsieur (A1) qu’il renonçait au volet de sa demande de protection internationale tendant à l’octroi du statut de réfugié, déclara ce recours non justifié dans ses deux branches et en débouta les demandeurs, le tout en condamnant ces derniers aux frais et dépens de l’instance.
Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 27 décembre 2024, Madame (A), agissant tant pour elle-même que pour compte de son fils mineur, et Monsieur (A1) ont régulièrement fait entreprendre le jugement du 25 novembre 2024.
Après un réexposé des motifs à la base de leur demande de protection internationale, axés autour des déboires que Madame (A) aurait dû subir en tant que fonctionnaire d’Etat, active politiquement pour le surplus, de la part de son supérieur hiérarchique qui cherchait à l’entraîner dans des activités frauduleuses afin de s’enrichir personnellement, les appelants apparaissent en substance soutenir que le refus d’octroi de la protection internationale à Madame (A) ne serait pas légalement justifié.
En effet, l'évaluation du risque de persécution encouru par Madame (A) et sa famille, en cas de retour dans leur pays d'origine, montrerait, au regard des faits qu'elle a exposés, qu’un risque de persécution pèserait sur elle.
9Ainsi, les premiers juges auraient à tort retenu une absence d’un risque de persécution politique, au motif que les problèmes rencontrés par Madame (A) auraient été liés à des activités frauduleuses de son ancien supérieur hiérarchique, motivées par des intérêts financiers personnels, et que son appartenance politique à un parti d’opposition aurait « indéniablement joué un rôle dans la persécution subie par ledit supérieur hiérarchique ».
Ainsi, il conviendrait de constater que les faits invoqués, en l’occurrence un harcèlement au travail et des menaces d'enquête administrative seraient suffisamment graves pour constituer des actes de persécution au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés.
Dans ce contexte, les appelants contestent que les autorités vénézuéliennes seraient en mesure de fournir une protection adéquate à Madame (A) contre les agissements illégaux de son supérieur hiérarchique et ils font valoir avoir démontré que lesdites autorités ne pouvaient ou ne voulaient pas lui offrir de protection. En effet, en tant que fonctionnaire, elle serait bien placée pour savoir comment les autorités de son pays agissent dans des cas comme le sien et pour estimer que toute démarche contre une personne soutenue par le gouvernement local resterait vaine.
En ordre subsidiaire, les appelants estiment que la situation sécuritaire problématique existant au Venezuela, justifie l’octroi d’une « protection subsidiaire pour tous les ressortissants vénézuéliens ».
Ils font valoir que les éléments de preuve fournis par eux dépeindraient que depuis les élections présidentielles contestées du 28 juillet 2024, les conditions dans le pays se seraient détériorées, avec l'arrestation de manifestants et de membres de l'opposition. Ainsi, « certaines personnes originaires du Venezuela pourraient être en danger si elles devaient retourner dans leur pays de nationalité ». Cette mauvaise situation serait d’ailleurs reconnue par différents pays dont les Etats Unis d’Amérique. Différents dirigeants européens auraient aussi condamné les actions du gouvernement vénézuélien et demandé à voir garantir la transparence du processus électoral, tout en exprimant leur inquiétude face à la répression croissante et aux violations des droits de l'homme.
Les exactions des forces de sécurité vénézuéliennes et des groupes armés pro-gouvernementaux, qui auraient systématiquement réprimé les opposants politiques par la violence, y compris par des meurtres, des détentions arbitraires et des disparitions forcées, seraient patentes.
Il conviendrait partant pour le moins de constater que les appelants remplissent les conditions requises pour bénéficier de la protection subsidiaire, « car ils courent un risque réel de subir des atteintes graves en cas de retour au Venezuela. L'aggravation de la crise politique et sociale, couplée à l'absence de protection étatique, justifie l'octroi de cette protection au sens de la loi de 2015 ».
Sur ce, les appelants demandent à la Cour de reconnaître qu’ils ont droit de se voir reconnaître le statut de réfugié, sinon la protection subsidiaire et de réformer le jugement entrepris en conséquence.
10Concernant l’ordre de quitter le territoire, les appelants demandent à le voir réformer à son tour, le bénéfice d’une mesure de protection, principale ou subsidiaire, appelant cette sanction de pareil ordre injuste.
De son côté, le délégué du gouvernement conclut en substance à la confirmation intégrale du jugement entrepris et de la décision ministérielle litigieuse, les deux tablant sur des appréciations justes tant en droit qu’en fait.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».
Il se dégage de la lecture combinée des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d'origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l'article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L'octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.
Il s’y ajoute que la définition du réfugié contenue à l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2 sub g), de la même loi définit la personne pouvant bénéficier 11du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur de protection internationale ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du juge devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.
L’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.
Ceci étant rappelé, la Cour, à l’instar des premiers juges, arrive à la conclusion que le motif de persécution essentiellement mis en avant par les appelants, à savoir des pressions, harcèlements et risques de poursuites et d’emprisonnement émanant du supérieur hiérarchique de Madame (A), qu’elle aurait refusé de suivre dans des manœuvres frauduleuses tendant à s’enrichir personnellement et qui lui imputerait en outre des opinions politiques opposantes au pouvoir en place, ne sont pas de nature à justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.
Ainsi, c’est à bon droit que les premiers juges ont dégagé des déclarations de l’intéressée que les faits reprochés au supérieur hiérarchique de Madame (A) n’apparaissent pas être liés aux opinions politiques qu’il lui imputerait et l’appelante tente en vain de leur conférer pareille connotation. En effet, il se dégage du récit de l’intéressée que son supérieur hiérarchique a agi dans un contexte de fraudes et d’irrégularités et qu’il était manifestement mû par la volonté de s’enrichir, mais non pas par une quelconque motivation politique. Or, de la sorte, ses faits et gestes et les problèmes s’en dégageant ne relèvent en tant que tels pas du champ d’application de la Convention de Genève.
Les premiers juges sont encore à confirmer en ce qu’ils ont considéré à propos de la procédure d’abandon de poste qui aurait été ouverte à l’encontre de Madame (A), qu’il ne se dégage point des éléments de la cause que tout fonctionnaire ayant abandonné son poste risquerait de subir des persécutions au Venezuela sur le fondement de l’un des critères prévus dans la Convention de Genève, d’une part, et que les consorts (A) restent en défaut de démontrer que les sanctions qu’elle risquerait d’encourir du chef de cet abandon de poste constitueraient des persécutions au sens de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 ou que les éventuelles sanctions ou absence de réintégration à son ancien poste ou à un autre poste dans la fonction publique seraient d’une gravité suffisante pour être considérées comme une persécution, d’autre part.
12Le délégué du gouvernement avance par ailleurs à juste titre le fait que les autorités vénézuéliennes apparaissent avoir été et être en mesure de fournir à Madame (A) et à sa famille une protection adéquate contre les agissements illégaux de son supérieur hiérarchique. En effet, en tant que fonctionnaire ou ancien fonctionnaire, l'appelante appert avoir été et être utilement placée en une situation lui permettant de s’adresser aux autorités de son pays pour la protéger contre les exactions frauduleuses de son supérieur hiérarchique. En tout cas, les simples affirmations et contestations afférentes de l’appelante ne sont pas suffisantes pour retenir que les autorités vénézuéliennes n’auraient pas été ou ne seraient pas capables ou disposées à fournir aux appelants une protection suffisante. S’il y a eu un défaut de protection, la raison appert être l'inaction de l'appelante, laquelle a mis les autorités compétentes dans l'impossibilité d'accomplir leur mission de protection.
Concernant la demande en obtention d’une protection subsidiaire, où en instance d’appel, les appelants n’insistent plus que sur la mauvaise situation sécuritaire problématique qui existerait au Venezuela, la Cour entend de prime abord remarquer que c’est à juste titre que les premiers juges ont conclu que les motifs de fuite invoqués dans le cadre de la demande principale tendant à la reconnaissance du statut de réfugié et, plus particulièrement, les agissements du supérieur hiérarchique de Madame (A) ne s’analysent pas non plus en des atteintes graves au sens des points a) et b) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, au motif principal que l’intéressée n’a, à aucun moment, cherché à le dénoncer ou à requérir une protection des autorités vénézuéliennes contre celui-ci, alors que de par son profil et dans le contexte dépeint, l’intéressée était a priori susceptible de pouvoir bénéficier de la protection des autorités publiques vénézuéliennes. Sous ce rapport, la Cour se rapporte et fait siennes les considérations pertinentes des premiers juges qui les ont amenés à retenir l’absence d’un quelconque élément concret que l’Etat vénézuélien n’aurait pas été disposé ou aurait été dans l’incapacité de lui ou de leur fournir une protection, les prétendus liens du supérieur hiérarchique avec le gouverneur en place à l’époque, déchu de ses fonctions suite aux élections régionales de novembre 2021, n’étant plus d’actualité.
Au-delà, concernant la situation sécuritaire en général au Venezuela, s’il ne peut être nié que le Venezuela a connu et connaît une situation sécuritaire problématique, notamment en raison de la violence criminelle de droit commun qui y est très répandue, il n’en reste pas moins qu’il ne se dégage pas des éléments du dossier que cette situation serait telle que tout ressortissant vénézuélien a une crainte fondée de subir des actes de persécution ou des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, du seul fait de sa présence sur le territoire, le Venezuela ne pouvant par ailleurs pas non plus être considéré comme faisant face à une situation de conflit armé interne au sens de ladite disposition légale.
Il s’ensuit que les appelants ne justifient pas non plus l’existence d’un risque concret de faire l’objet d’actes de persécution ou d’atteintes graves en raison de la situation sécuritaire prévalant au Venezuela.
Enfin, concernant l’ordre de quitter le territoire, dès lors que l’article 34 paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 dispose qu’« une décision du ministre vaut décision de retour.
(…) » et qu’en vertu de l’article 2 sub q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire », l’ordre de quitter est à considérer comme constituant la conséquence automatique du refus de protection internationale, avec comme conséquence pour le cas d’espèce, où le rejet ministériel de la demande de protection internationale vient d’être déclaré justifié dans ses deux volets, que l’ordre de quitter n’est pas sérieusement 13critiquable ni critiqué, étant relevé qu’il vient d’être retenu ci-avant que les craintes invoquées par les appelants ne véhiculent pas un risque réel et actuel de subir des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants.
L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter les appelantes et de confirmer le jugement entrepris.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause;
reçoit l’appel en la forme;
au fond, déclare l’appel non justifié et en déboute;
partant, confirme le jugement entrepris du 25 novembre 2024;
donne acte aux appelants de ce qu’ils déclarent bénéficier de l’assistance judiciaire;
condamne les appelants aux dépens de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par :
Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.
s. SCHINTGEN s. CAMPILL 14