La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/03/2025 | LUXEMBOURG | N°51799C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 04 mars 2025, 51799C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 51799C ECLI:LU:CADM:2025:51799 Inscrit le 11 novembre 2024 Audience publique du 4 mars 2025 Appel formé par la société civile immobilière (AA), …, contre un jugement du tribunal administratif du 1er octobre 2024 (n° 47028 du rôle) ayant statué sur son recours contre une décision du conseil communal de la Ville d’Esch-sur-Alzette et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement général (refonte) Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 51799C du rôle et déposée au greffe

de la Cour administrative le 11 novembre 2024 par la société à responsabilité...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 51799C ECLI:LU:CADM:2025:51799 Inscrit le 11 novembre 2024 Audience publique du 4 mars 2025 Appel formé par la société civile immobilière (AA), …, contre un jugement du tribunal administratif du 1er octobre 2024 (n° 47028 du rôle) ayant statué sur son recours contre une décision du conseil communal de la Ville d’Esch-sur-Alzette et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement général (refonte) Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 51799C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 11 novembre 2024 par la société à responsabilité limitée ELVINGER DESSOY MARX SARL, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1461 Luxembourg, 31, rue d’Eich, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 251584, représentée aux fins de la présente instance d’appel par Maître Serge MARX, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de la société civile immobilière (AA), établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant en fonction, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 1er octobre 2024 ayant déclaré recevable, mais non fondé son recours en annulation de la décision du conseil communal de la Ville d’Esch-sur-Alzette du 5 février 2021 portant adoption du projet de refonte du plan d’aménagement général de la Ville d’Esch-sur-Alzette, ains que de la décision d’approbation afférente du ministre de l’Intérieur du 29 octobre 2021 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Laura GEIGER, demeurant à Luxembourg, immatriculée près le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, du 13 novembre 2024 portant signification de cette requête d’appel à l’administration communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette, représentée par son collège des bourgmestre et échevins en fonctions, ayant sa maison communale à L-4138 Esch-sur-Alzette, Place de l’Hôtel de Ville ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 11 décembre 2024 par la société anonyme ELVINGER HOSS PRUSSEN S.A., établie et ayant son siège social àL-1340 Luxembourg, 2, place Winston Churchill, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 209469, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure d’appel par Maître Nathalie PRUM-CARRE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 11 décembre 2024 par Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 10 janvier 2025 par Maître Serge MARX au nom de l’appelante ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 10 février 2025 par Maître Nathalie PRUM-CARRE au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le même 10 février 2025 par Maître Steve HELMINGER au nom de l’administration communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maîtres Serge MARX, Inès GOEMINNE, en remplacement de Maître Nathalie PRUM-CARRE, et Steve HELMINGER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 février 2025.

______________________________________________________________________________

Lors de sa séance publique du 8 mars 2019, le conseil communal de la Ville d’Esch-sur-Alzette, ci-après « le conseil communal », fut saisi par le collège des bourgmestre et échevins de la même commune, ci-après « le collège échevinal », en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après « la loi du 19 juillet 2004 », d’un projet de refonte complète du plan d’aménagement général de la Ville d’Esch-sur-Alzette qu’il mit sur orbite en conséquence à travers un vote positif, de sorte que le collège échevinal put procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi du 19 juillet 2004.

Par courrier de son mandataire du 8 avril 2019, la société civile immobilière (AA), ci-après « la société (AA) », agissant en sa qualité de propriétaire d’une parcelle inscrite au cadastre de la Ville d’Esch-sur-Alzette, section A d’Esch-Nord, portant le numéro (P1), soumit ses objections à l’encontre dudit projet d’aménagement général.

Suite à ses objections, la société (AA) fut entendue lors d’une réunion d’aplanissement des différends qui eut lieu le 27 mai 2019.

La commission d’aménagement émit son avis quant au projet d’aménagement général dans sa séance du 7 octobre 2019.

Lors de sa séance publique du 5 février 2021, le conseil communal, d’une part, statua sur les objections dirigées à l’encontre du projet d’aménagement général et, d’autre part, adopta ledit projet en conséquence.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 25 février 2021 de son mandataire, la société (AA) introduisit une réclamation auprès du ministre de l’Intérieur, ci-après « le ministre », à l’encontre de la délibération du conseil communal du 5 février 2021 précitée.

Lors de sa séance du 27 septembre 2021, la commission d’aménagement émit son avis sur les réclamations introduites auprès du ministre tout en proposant de déclarer la réclamation de la société (AA) non fondée.

Par décision du 29 octobre 2021, le ministre approuva la délibération précitée du conseil communal du 5 février 2021, tout en statuant sur les réclamations lui soumises, dont celle introduite par la société (AA). Les passages de ladite décision ministérielle se rapportant à cette réclamation sont libellés comme suit :

« (…) Par la présente, j’ai l’honneur de vous informer que j’approuve la délibération du conseil communal du 5 janvier 2021 portant adoption du projet de la refonte du plan d’aménagement général (dénommé ci-après « PAG ») de la Ville d’Esch-sur-Alzette, présenté par les autorités communales.

La procédure d’adoption du projet d'aménagement général s’est déroulée conformément aux exigences des articles 10 et suivants de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.

La Commission d’aménagement a donné son avis sur les réclamations introduites auprès du ministre de l’Intérieur en date du 27 septembre 2021.

Le conseil communal a donné son avis sur les réclamations introduites auprès du ministre de l'Intérieur en date du 11 juin 2021.

Conformément à l'article 18 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, j’ai fait droit à certaines objections et observations formulées par les réclamants à l’encontre du projet d’aménagement.

Les modifications ainsi apportées à la partie graphique sont illustrées dans la présente décision et en font partie intégrante. Les autorités communales sont tenues de me faire parvenir les plans modifiés suite aux réclamations déclarées fondées par la présente décision, pour signature, ainsi que le schéma directeur.

Il est statué sur les réclamations émanant de (…) Maître Serge MARX au nom et pour le compte de la société civile immobilière (AA).

(…) Ad réclamation SCI (AA) (rec 28) La réclamante conteste le classement de la parcelle cadastrale n°(P1), sise à Esch-sur-

Alzette, en « zone mixte urbaine [MIX-u] » superposée d’un « secteur protégé de type "environnement construit" [C] » alors qu’elle estime qu’aucun critère de sauvegarde n’est caractérisé.

Or le classement en « secteur protégé de type "environnement construit" [C] » est cohérent et opportun du fait que l’immeuble visé est une façade d’ensemble de la maison jumelée qui remplit les critères de l’article 32, alinéa 2, du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d’aménagement général d’une commune à savoir l’authenticité de la substance bâtie et l’exemplarité du type de bâtiment.

La réclamation est donc non fondée. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 février 2022, la société (AA) fit introduire un recours tendant à l’annulation de la délibération du conseil communal de la Ville d’Esch-sur-Alzette du 5 février 2021, précitée, et de la décision d’approbation afférente du ministre du 29 octobre 2021.

Par jugement du 1er octobre 2024, le tribunal déclara ce recours recevable mais non fondé et en débouta la demanderesse avec charge des frais et dépens de l’instance.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 11 novembre 2024, la société (AA) a relevé appel de ce jugement du 1er octobre 2024 dont elle sollicite la réformation dans le sens de voire annuler les décisions critiquées du conseil communal de la Ville d’Esch-sur-Alzette du 5 février 2021 et du ministre du 29 octobre 2021.

Dans leurs réponses respectives, les parties publiques se rapportent à prudence de justice quant à la recevabilité de l’appel en la forme, quant au délai et quant à l’intérêt à agir de l’appelante.

Dans sa duplique, la partie étatique invoque une insuffisance de la demande en réformation de la partie appelante par rapport au jugement entrepris au regard de l’article 41 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après « la loi du 21 juin 1999 ». Elle indique que la partie appelante ne ferait que reprendre, dans sa requête d’appel, les moyens développés en première instance pour en solliciter une nouvelle analyse par la Cour administrative et qu’elle ne prendrait pas position par rapport à l’analyse des premiers juges qui pourtant auraient relaté plusieurs extraits de travaux parlementaires à la base de la loi du 19 juillet 2004, de même que certaines références jurisprudentielles.

L’appelante ne ferait qu’indiquer dans sa requête d’appel que les premiers juges ont eu « tort », sans même démontrer en quoi leur raisonnement serait erroné. Cette démarche seraitcritiquable puisque l’argumentation prise par la partie appelante ne se confronterait pas réellement au fondement même du jugement entrepris.

Tout d’abord, l’appel a été introduit dans le délai de la loi.

L’intérêt de l’appelante est patent en ce qu’elle est propriétaire de l’immeuble dont le classement est fixé à travers les décisions d’adoption et d’approbation du projet de refonte du PAG, dont elle critique le contenu.

En outre, le moyen tiré d’une non-conformité à l’article 41 de la loi du 21 juin 1999 manque en fait.

Si certes la partie appelante reprend pour l’essentiel son argumentaire de première instance en ce que, précisément, celui-ci n’a pas été accueilli favorablement par le tribunal, il n’en reste pas moins que de manière expresse selle se place par rapport à l’argumentaire retenu par les premiers juges.

Ainsi, le point 24 de sa requête d’appel débute par ce que l’appelante énonce que « c’est dès lors à tort que le tribunal administratif a retenu que « le collège échevinal n’a pas adopté une attitude purement passive envers la société défenderesse (…) » ».

Pour le surplus, c’est avec toute la clarté requise que l’appelante critique la confirmation par le tribunal du classement de l’ensemble de son immeuble sis à … en « secteur protégé de type « environnement construit [C] » », tout en concluant en ordre subsidiaire, pour le cas où le principe d’un classement serait retenu, de voir limiter celui-ci à la seule façade principale de l’immeuble en question.

Ici encore, de manière patente, l’appelante rencontre les exigences de l’article 41 de la loi du 21 juin 1999 tant en ce qui concerne la relatation des faits énoncés que celui des moyens à l’appui de son appel.

L’appel est partant recevable pour avoir été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi.

En ordre principal, la partie appelante conclut à l’annulation de la délibération communale et de la décision ministérielle attaquées en raison du non-respect par elle alléguée de la procédure d’adoption du PAG. Elle estime que la réunion d’aplanissement des différends avec le collège échevinal n’aurait pas porté ses fruits en ce que le collège échevinal serait resté simplement passif en ne participant pas à la conversation et en ne tentant pas, activement, à aplanir les divergences d’opinions existant entre parties.

Les parties publiques concluent à la confirmation du jugement dont appel sur ce point.

La Cour voudrait mettre en exergue d’emblée que le principe même du classement de la façade de l’immeuble litigieux, à la fois eu égard à ses caractéristiques propres et, surtout, en tant que jumelle de celle de l’immeuble adjacent avec lequel elle fait corps, ensemble les devantures de toitures, n’est pas sérieusement contestable et doit être regardé comme étant acquis en cause.

Ainsi, concrètement seule une discussion autour d’une limitation de la protection de la seule façade côté rue aurait pu utilement être menée.

Sans que la Cour ne puisse entrevoir clairement à partir des éléments versés en cause dans quelle mesure pareille discussion a été initiée par la partie appelante, il serait parfaitement compréhensible et retraçable que la partie communale soit restée sur une position de principe d’un classement de l’intégralité de l’immeuble visé compte tenu des éléments disponibles à l’époque.

Dans ces conditions, aucune marge de discussion ne se présentait véritablement devant le collège échevinal.

Pour le surplus, une annulation de la procédure avec retour à la case départ de l’aplanissement des difficultés devant le collège échevinal ne ferait aucun sens et se réduirait à une procédure stérile, tous les arguments entre parties ayant été entre-temps utilement échangés en cause.

Par conséquent, il y a lieu de rejeter le moyen pour ne pas être justifié.

En premier ordre de subsidiarité, l’appelante conclut à une annulation de la délibération communale et de la décision ministérielle critiquée en raison de l’absence de motifs sous-tendant la mesure de protection individuelle de sa maison. Ainsi, pareille justification de classement aurait fait défaut en ce que dès le départ et au plus tard au moment de la mise sur orbite du projet de PAG, elle aurait dû apparaître au dossier déposé à la commune. L’appelante estime encore que l’étude préparatoire ayant dû faire partie du dossier exigerait l’analyse textuelle, graphique, qualitative et quantitative d’ensemble et de chaque élément isolé, ainsi que la publication de cette analyse.

Ainsi, chaque étude préparatoire sur base de laquelle le projet de PAG est à élaborer devrait impérativement comporter l’analyse de la situation urbanistique existante des ensembles voire des éléments isolés, protégés et dignes de protection. Ces exigences n’auraient pas été utilement rencontrées au niveau de l’étude préparatoire en question.

Ici encore, les parties publiques sollicitent la confirmation du jugement dont appel et le rejet du moyen sous analyse.

Il est constant que déjà sous l’ancien PAG l’immeuble litigieux a été soumis à une protection en raison de ses qualités architecturales. Celles-ci sautent aux yeux, du moins pour les éléments de façade considérés vers le haut à partir du premier étage, le rez-de-chaussée ayantcertes été réaménagé en local commercial et sa façade étant occupée en large partie par une enseigne lumineuse ne correspondant pas en termes stylistiques aux éléments d’architecture originaux encore en place. Ces éléments sous-tendent le principe d’un classement afférent ensemble ceux de l’immeuble jumeau avec lequel il fait corps, les deux façades se présentant en ensemble revêtant une unité stylistique et esthétique d’origine toujours en place sauf les éléments au niveau du rez-de-chaussée.

Par confirmation du jugement dont appel, le moyen est dès lors à rejeter.

En deuxième ordre de subsidiarité, l’appelante conclut à l’annulation de la délibération communale et de la décision ministérielle critiquée en ce qu’une mesure individuelle de classement et de protection ne serait pas justifiée, étant donné que l’immeuble en cause ne présenterait aucune authenticité particulière, ni d’importance ou d’exemplarité architecturale ou historique.

D’après les éléments énoncés ci-avant, ce moyen manque en fait et, par confirmation du jugement dont appel, est à son tour à écarter.

En troisième et dernier ordre de subsidiarité, à supposer que l’immeuble litigieux présente un quelconque intérêt justifiant la mesure critiquée, l’appelante conclut au caractère disproportionné et excessif de ce classement dans la mesure où le PAG protégerait la construction à conserver dans son intégralité, pareille mesure n’étant nullement justifiée. Le cas échéant, la mesure de protection serait à limiter à la seule façade, en raison plus particulièrement de l’interprétation restrictive des limites à porter aux atteintes au droit de propriété.

Les parties publiques sollicitent ici encore la confirmation du jugement dont appel en ce qu’il entérine le classement opéré à travers les délibération communale et décision ministérielle critiquées et rejette le moyen afférent de l’appelante en première instance.

La commune estime tout d’abord que la manière d’opérer de l’appelante manifesterait une particulière mauvaise foi. Pour le surplus, elle insiste sur le fait que ce serait l’intégralité de la construction, y compris sa disposition, sa hauteur, son aspect atypique et sa présentation générale dans laquelle les éléments décoratifs viennent s’intégrer qu’il conviendrait de préserver afin de conserver l’harmonie de l’ensemble du bâtiment et d’ainsi préserver également son authenticité et son exemplarité. Ce bâtiment serait tout simplement tout sauf banal et se trouverait encore essentiellement dans sa substance d’origine.

La commune énonce que les servitudes du classement retenu s’appliqueraient uniquement à l’enveloppe extérieure du bâtiment et en particulier à sa façade et à sa toiture sur rue, la commune ne comprenant dès lors pas l’intérêt de la demande de la partie appelante, étant donné que le résultat serait, in fine, identique.

L’article 32.2 du PAG refondu dispose comme suit en ses parties pertinentes pour le présent litige : « « (…) Avant tout projet de travaux, l’élément protégé inscrit en tant que « construction 7 à conserver », (…) est confirmé par un levé établissant précisément l’emplacement, l’alignement, la profondeur, les hauteurs à la corniche et au faîtage et par reportage photographique (extérieur voire intérieur). Le levé et le reportage photographique accompagnent toute demande d’autorisation de construire.

Toute modification, transformation, agrandissement ou rénovation d’un élément protégé peut faire l’objet d’un avis à la Commission de femmes et d’hommes de métier.

Constructions à conserver :

Les constructions à conserver sont des bâtiments ou ensembles de bâtiments qui répondent à un ou plusieurs des critères suivants : authenticité de la substance bâtie, de son aménagement, rareté, exemplarité du type de bâtiment, importance architecturale, témoignage de l’immeuble pour l’histoire nationale, locale, sociale, politique, religieuse, militaire, technique ou industrielle.

Ces bâtiments, y compris l’entourage qui les encadre, sont à conserver respectivement à restaurer dans leur état originel.

La démolition d’une construction à conserver est interdite et ne peut être autorisée uniquement pour des raisons de sécurité, de stabilité et de salubrité dûment constatées par un homme de l’art. La reconstruction doit respecter les servitudes relatives au secteur protégé de type environnement construit.

Des transformations et des agrandissements peuvent être admis à condition de s’intégrer harmonieusement dans le site et la structure urbaine et de ne pas nuire à la valeur artistique, historique, esthétique, archéologique ou à l’aspect architectural de la construction à conserver ».

(…) ».

Il est constant que la délibération communale d’adoption du PAG refondu, actuellement critiquée, retient la servitude « construction à conserver » pour l’ensemble de l’immeuble litigieux.

Le ministre en rejetant la réclamation et en approuvant la délibération communale d’adoption du projet de PAG refondu a épousé la même analyse.

Le juge administratif saisi d’un recours en annulation, lorsque l’autorité administrative dispose d’une marge d’appréciation certaine, tel le cas de l’espèce, est appelé à analyser la situation dans le sens de l’existence éventuelle d’un dépassement de la marge d’appréciation en opérant un contrôle de proportionnalité.

La Cour constitutionnelle a consacré dès son arrêt 152 du 22 janvier 2021 le principe de proportionnalité en tant que principe général à valeur constitutionnelle.

Ce principe s’impose donc, dans la hiérarchie des normes, non seulement aux lois, mais également aux dispositions réglementaires.

La Cour constate d’ailleurs que l’article 32.2 du PAG refondu vise « l’élément protégé inscrit en tant que construction à conserver », de sorte à admettre implicitement, mais nécessairement que cet « élément » n’équivaut pas nécessairement à la « construction à conserver » mais peut en constituer un sous-ensemble.

La même conclusion s’impose à partir de l’alinéa 2 dudit article qui vise « toute modification, transformation, agrandissement ou rénovation d’un élément protégé ».

En retenant que nécessairement le texte réglementaire sous analyse de l’article 32.2 du PAG refondu doit se lire sur la toile de fond de sa conformité au principe constitutionnel de proportionnalité, la Cour est amenée à admettre que la servitude d’une « construction à conserver » ne vise pas nécessairement une construction dans son entièreté, mais doit être ventilée suivant les éléments de la construction dignes d’être conservés au regard des critères architecturaux historiques, esthétiques et autres prévus par la règlementation pertinente justifiant pareil classement.

Par voie de conséquence, la Cour vient à la conclusion que seule l’enveloppe de l’immeuble litigieux côté rue mérite effectivement protection au niveau communal, aucune indication précise sur des éléments à conserver n’ayant été mise en avant par ailleurs, ni par rapport au côté postérieur de l’immeuble, pour ce qui est de son enveloppe, ni par rapport aux éléments intérieurs de celui-ci.

Au contraire, le fait que l’immeuble en question se trouve encore « dans son jus » y compris les châssis de fenêtres, laisse présager une nécessité de rénovation importante au-delà de la façade se trouvant dans un état passablement remis à neuf ensemble la toiture côté rue.

Un objectif de la conservation au regard de l’article 32.2 PAG doit être celui de conserver un immeuble vivant et de garantir ainsi sa pérennité, sans que des contraintes supplémentaires pour les intéressés, au-delà de la façade et de la toiture côté rue, ne doivent être mises en place, dans l’hypothèse précise où aucun élément digne de protection n’a été désigné comme tel y relativement par les parties publiques.

Dès lors, il convient d’accueillir le moyen de l’appelante et de réformer le jugement dont appel dans le sens qu’il y a lieu d’annuler les délibération communale et décision ministérielle critiquées, en ce qu’elles portent sur l’ensemble du bâtiment sis …, alors que seule la façade et la toiture côté rue se trouvent être dignes de protection.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l'égard de toutes les parties en cause ;

reçoit l’appel en la forme ;

au fond, le dit justifié ;

réformant, annule la délibération du conseil communal d’Esch-sur-Alzette du 5 février 2021 portant adoption du projet de refonte du PAG et de la décision d’approbation afférente du ministre de l’Intérieur du 29 octobre 2021 dans la limite du classement de l’immeuble de l’appelante sis à L-…, en tant que construction à conserver dans sa globalité et renvoie l’affaire en prosécution de cause devant le conseil communal de la Ville d’Esch-sur-Alzette ;

condamne la Ville d’Esch-sur-Alzette et l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux dépens des deux instances.

Ainsi délibéré et jugé par :

Francis DELAPORTE, président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier Jean-Nicolas SCHINTGEN.

s. SCHINTGEN s. DELAPORTE 10


Synthèse
Numéro d'arrêt : 51799C
Date de la décision : 04/03/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2025-03-04;51799c ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award