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04/03/2025 | LUXEMBOURG | N°49950

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 04 mars 2025, 49950


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 52133C ECLI:LU:CADM:2025:52133 Inscrit le 20 décembre 2024 Audience publique du 4 mars 2025 Appel formé par Monsieur (A) et consorts, …, contre un jugement du tribunal administratif du 25 novembre 2024 (n° 49950 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 52133C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 20 décembre 2024 par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le …

à … (Algérie), et de son épouse, Madame (A1), née le … à … (Algérie), agi...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 52133C ECLI:LU:CADM:2025:52133 Inscrit le 20 décembre 2024 Audience publique du 4 mars 2025 Appel formé par Monsieur (A) et consorts, …, contre un jugement du tribunal administratif du 25 novembre 2024 (n° 49950 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 52133C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 20 décembre 2024 par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Algérie), et de son épouse, Madame (A1), née le … à … (Algérie), agissant en leur nom personnel ainsi qu’au nom et pour le compte de leurs enfants mineurs communs, (A2), née le … à … (Algérie), (A3), née le … à …, (A4), né le … à …, et (A5), née le … à …, tous de nationalité algérienne et demeurant ensemble à L-…, c/o …, dirigé contre un jugement du 25 novembre 2024 (n° 49950 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg les a déboutés de leur recours en réformation sinon en annulation formé contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 20 décembre 2023 portant refus de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 20 janvier 2025;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités;

Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 11 février 2025.

Le 11 août 2022, Monsieur (A) et son épouse, Madame (A1), accompagnés de leurs enfants mineurs communs (A2), (A3), (A4) et (A5), ci-après désignés ensemble par « les consorts (A) », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères 1et européennes, direction de l’Immigration, entretemps devenu le ministère des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministère », des demandes de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur (A) fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée - police des étrangers, de la police grand-ducale, sur son identité et celle de sa famille, ainsi que sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Une recherche effectuée à la même date dans la base de données du système d’information sur les visas (VIS) révéla que l’Espagne avait délivré le … mai 2022 aux consorts (A) des visas court séjour, valables du … juin au … septembre 2022.

Le 16 août 2022, Monsieur (A) et Madame (A1) furent entendus séparément par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de leurs demandes de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dit « règlement Dublin III ».

Le 26 août 2022, les autorités luxembourgeoises adressèrent à leurs homologues espagnols une demande de prise en charge des consorts (A) sur base de l’article 12, paragraphe (2), du règlement Dublin III, demande qui fut acceptée par les autorités espagnoles le 6 septembre 2022.

Par décision du 22 septembre 2022, le ministre de l’Immigration et de l’Asile informa les consorts (A) que le Grand-Duché de Luxembourg avait pris la décision de ne pas examiner leurs demandes de protection internationale et de les transférer dans les meilleurs délais vers l’Espagne sur base de l’article 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 et des dispositions de l’article 12, paragraphe (2), du règlement Dublin III.

Par courrier de leur mandataire du 2 novembre 2022, les consorts (A) introduisirent auprès du ministère une demande de sursis à l’éloignement au sens des articles 130 à 132 de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 ». Cette demande fut refusée par décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 18 novembre 2022.

Par décision du 28 décembre 2022, le même ministre refusa encore de faire droit à la demande en obtention d’une autorisation de séjour pour des motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité au sens de l’article 78, paragraphe (3), de la loi du 29 août 2008, respectivement pour des raisons médicales au sens de l’article 131, paragraphe (2), de la même loi, introduites par les consorts (A) par courrier de leur mandataire du 16 décembre 2022.

Par courrier du 10 mars 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile informa les consorts (A) que le Grand-Duché de Luxembourg était devenu responsable pour l’examen de leurs demandes de protection internationale introduites le 11 août 2022, en vertu des dispositions de l’article 29, paragraphe (2), du règlement Dublin III.

2En date des 4 et 11 avril 2023, Monsieur (A) passa un entretien auprès du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale, tandis que Madame (A1) fut entendue pour les mêmes raisons le 21 avril 2023.

Par décision du 20 décembre 2023, le ministre des Affaires intérieures, entre-temps en charge du dossier, ci-après désigné par « le ministre », rejeta les demandes de protection internationale des consorts (A), tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Cette décision est formulée comme suit :

« (…) J’ai l’honneur de me référer à vos demandes en obtention d’une protection internationale que vous avez introduites le 11 août 2022 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 ») pour votre propre compte ainsi que pour le compte de vos enfants (A2), née le … à …/Algérie, (A3), née le … à …/Algérie, (A4), né le … à …/Algérie et (A5), née le … à …/Algérie, tous de nationalité algérienne.

Avant tout autre développement en cause, il s’agit de noter qu’il ressort de vos rapports d’entretien Dublin III qu’en janvier 2020, vous auriez voyagé à …, puis vers le Luxembourg pour vous enregistrer à la commune et que vous auriez laissé vos enfants en Algérie. Vous seriez par la suite retournés en Algérie. Deux semaines plus tard, vous seriez repartis en famille pour gagner …, puis le Luxembourg, où vous seriez restés pendant une vingtaine de jours avant de retourner en Algérie. Après une vingtaine de jours passés en Algérie, vous seriez reparti seul du pays et vous seriez revenu au Luxembourg en mars 2021, où vous seriez alors resté pendant deux jours, avant de supposément rentrer en Algérie.

Il y a ensuite lieu de rappeler qu’en date du 22 septembre 2022, vous avez été informés que le Luxembourg ne procédera pas à l’examen de vos demandes de protection internationale et que vous serez transférés en Espagne, pays responsable de l’examen de celles-ci sur base du règlement « Dublin III ». Le 2 novembre 2022, vous avez introduit une demande d’un sursis à l’éloignement, qui a été refusée par décision du 18 novembre 2022. Le 7 décembre 2022, une première tentative de vous transférer en Espagne a échoué alors que, lorsque la police est venue vous récupérer dans votre foyer, vous avez refusé de préparer vos valises tout en faisant part de votre désaccord avec la décision ministérielle ordonnant votre transfert en Espagne.

Par ailleurs, vous, Madame, avez en plus apparemment simulé une crise tout en vous époumonant contre les policiers. En l’absence de médecins, les policiers présents n’étaient pas en mesure d’évaluer si vous, Madame, tenteriez en plus d’abuser de médicaments dans le cadre de votre crise. En outre, personne n’a voulu révéler à la police quelle école vos enfants fréquenteraient, lesquels avaient déjà quitté le foyer, de sorte que votre transfert en Espagne a dû être annulé.

Le 16 décembre 2022, votre mandataire avait introduit une demande en obtention d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires sinon pour raisons médicales, demande ayant été refusée par décision du 28 décembre 2022. Le 5 janvier 2023, vous avez été informés que vous seriez transférés en Espagne le 12 janvier 2023. Ce transfert a encore dû être annulé alors que vous, Madame, étiez hospitalisée depuis début novembre 2022. Le 31 janvier 2023, vous avez été informés de la nouvelle date de votre transfert vers l’Espagne prévu pour le 8 février 2023. Ce transfert a encore une fois été annulé alors que vous, Madame, étiez toujours hospitalisée. Le 10 mars 2023, vous avez été informés que le Luxembourg est devenu responsable de l’examen de vos demandes de protection internationale alors que le délai prévu par la loi pour votre transfert vers l’Espagne avait expiré.

3 Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 11 août 2022, vos rapports d’entretien « Dublin III » du 16 août 2022, votre rapport d’entretien, Monsieur, des 4 et 11 avril 2023, et le vôtre, Madame, du 21 avril 2023, sur les motifs sous-tendant vos demandes de protection internationale, ainsi que les documents versés à l’appui de vos demandes.

Monsieur, vous déclarez être de nationalité algérienne, d’ethnie …, être marié et être originaire de …/Algérie. Entre 1992 et 2018 vous auriez été militaire et vous auriez dernièrement occupé le grade de lieutenant-colonel et travaillé comme « chef du bureau plan et budget et chef bureau de gestion de contrats auprès de la direction du service technique au commandement des forces de défenses (sic) aérienne » (p. 2 de votre rapport d’entretien).

Depuis … 2018, vous seriez retraité avec le statut d’officier supérieur retraité en réserve. Vous avez introduit une demande de protection internationale parce qu’un dénommé (B), qui serait général de l’armée, aurait proféré des menaces contre vous. En cas d’un retour en Algérie, vous craindriez qu’il ne vous tue, qu’il ne vous emprisonne ou encore des représailles contre votre famille.

Vous expliquez vous trouver en situation de conflit avec cette personne alors qu’en 2016, vous auriez acheté un appartement grâce à un quota auquel aurait droit les membres du ministère de la défense dans le cadre de l’Entreprise Nationale de Promotion Immobilière. En 2021, vous auriez déposé une plainte contre cette entreprise afin qu’elle ne vous donne les clés de l’appartement. Le 27 décembre 2021, un tribunal aurait retenu que l’entreprise aurait fait son travail correctement et que la remise des clés reviendrait au ministère de la défense. Le 16 mars 2022, le juge aurait finalement rejeté votre plainte. Vous parlez dans ce contexte de trafic d’influence et de corruption en accusant ledit général (B) d’être intervenu auprès du juge. Le 4 avril 2022, vous auriez toutefois reçu par le président du tribunal une ordonnance pour ouvrir cet appartement en compagnie d’un huissier.

Vous expliquez dans ce contexte que les clés de l’appartement auraient été en possession du général alors qu’il aurait falsifié des documents avec la complicité d’une dénommée (C) qui serait directrice de gestion d’immobilier au sein de ladite entreprise. Vous auriez du coup fait ouvrir l’appartement en compagnie d’un huissier de justice et vous vous y seriez installé avec votre famille le 20 avril 2022. Depuis, vous auriez été « harcelé par les hommes du Général » (p. 5 de votre rapport d’entretien). Le 21 avril 2022, (B), accompagné de deux gendarmes, aurait frappé à votre porte. Vous lui auriez demandé les papiers de la maison et auriez appelé la police. Ils seraient repartis avant l’arrivée des policiers qui vous auraient conseillé de déposer plainte, mais auraient abandonné l’idée en apprenant que la personne visée serait le général. Le 25 avril 2022, un huissier de justice serait passé chez vous pour vous transmettre une convocation pour vous présenter à son bureau où il vous aurait demandé les papiers de la maison en vous expliquant que les documents du général informant que l’appartement serait à lui, seraient plus anciens. Il vous aurait par conséquent conseillé de quitter les lieux pour éviter un procès. Ledit huissier de justice aurait en outre dressé des procès-verbaux « en complicité avec le Général » (p. 5 du rapport d’entretien) dans lesquels il vous aurait accusé d’occupation illégale de l’appartement et d’atteinte au « caractère sacré 4d’autrui » (p. 5 de votre rapport d’entretien). Le … mai 2022, le général aurait déposé plainte contre vous moyennant lesdits procès-verbaux. Le 11 mai 2022, vous auriez été convoqué chez l’huissier de justice et une audience aurait été fixée au 30 mai 2022. Le 17 mai 2022, vous auriez reçu une convocation pour vous présenter à la police, où on vous aurait expliqué qu’une plainte aurait été déposée contre vous et qu’une enquête serait ouverte. Le 19 mai 2022, vous auriez été convoqué chez un autre huissier de justice qui vous aurait à nouveau demandé les documents de l’appartement et qui aurait dressé un nouveau procès-verbal. Le 30 mai 2022, dans le cadre d’une audience, le juge vous aurait transmis les documents remis par le (B) ensemble avec sa plainte. Vous auriez soigneusement analysé ces documents et découvert qu’il les aurait falsifiés. Vous auriez découvert cela en introduisant les codes de ces documents dans la « plateforme de l’entreprise » (p. 5 de votre rapport d’entretien) qui vous aurait alors donné le mot de passe et d’utilisateur du général et accès à son profil. Pendant tout ce temps, vous auriez continué à séjourner dans l’appartement en précisant que les harcèlements auraient continué. Après avoir donné vos preuves de falsification à votre avocat, ce dernier aurait déposé plainte le … juin 2022 et le … juillet 2022, vous auriez été entendu par un juge d’instruction.

Le 29 juillet 2022, à cause de votre plainte, le général vous aurait appelé en menaçant votre famille de représailles, de vous tuer ou de vous emprisonner si vous ne quittiez pas l’appartement. Le lendemain, vous auriez découvert que vos compteurs de gaz et d’électricité auraient été enlevés par la « bande du Général » (p. 6 du rapport d’entretien). Vous auriez en outre voulu déposer plainte « verbalement » (p. 6 de votre rapport d’entretien) contre le général mais les policiers n’auraient pas voulu l’enregistrer en vous répondant que l’affaire serait pendante devant la justice. Craignant pour votre sécurité, vous auriez alors immédiatement quitté l’appartement avec votre famille et vous vous seriez installés chez votre beau-frère jusqu’au 9 août 2022. La plainte déposée par le général aurait été classée alors que vous auriez pu prouver que ses documents seraient des faux et que vous seriez en possession des documents originaux. Vous ne risqueriez du coup plus de peine d’emprisonnement. En octobre 2022, votre avocat aurait expliqué à votre beau-frère que le juge d’instruction aurait classé l’affaire liée à votre plainte alors qu’il n’y aurait pas eu falsification de documents selon lui. Vous dites toutefois aussi qu’il n’y aurait pas encore eu de jugement parce que votre avocat reporterait l’audience dans le but de récolter des preuves de falsification de documents.

Le … août 2022, vous et votre famille avez quitté l’Algérie en voyageant vers l’Espagne munis de visas émis par les autorités espagnoles le … mai 2022, valables du … juin 2022 au … septembre 2022. Vous auriez ensuite pris un bus pour gagner …, puis …, où vous auriez pris un train pour venir au Luxembourg. Il ressort dans ce contexte du rapport d’entretien Dublin III que vous n’auriez pas voulu introduire une demande de protection internationale en Espagne parce que la langue et la culture seraient très différentes. En plus, vous n’auriez pas réussi à communiquer avec l’hôpital dans le cadre d’une hospitalisation de votre fille. Vous n’auriez en outre pas voulu rechercher une protection en France parce que les autorités françaises vous auraient refusé une demande de visa en 2022. Vous ajoutez, dans le cadre de votre entretien visant vos motifs de fuite, que l’Espagne ne serait pas un pays sûr dans votre chef puisque les autorités espagnoles auraient déjà renvoyé des militaires en Algérie. Dans ce contexte, vous affirmez également avoir introduit une demande de protection internationale parce que vous seriez désormais considéré comme déserteur alors qu’en tant que réserviste, vous auriez l’obligation pendant cinq ans de notifier tout changement d’adresse ou déplacement à l’étranger. Vous ne sauriez pas quelles sanctions vous risqueriez « mais c’est automatiquement la prison » (p. 4 de votre rapport d’entretien).

5 Madame, vous confirmez les dires de votre époux. Vous craindriez pour votre sécurité parce qu’en date du 29 juillet 2022, (B) aurait appelé votre époux pour proférer des menaces contre votre famille. Vous précisez notamment que votre fille aurait remarqué que des personnes l’auraient filmée sur le balcon et, lorsque vous seriez sortie, vous auriez remarqué des personnes en train de vous prendre en photo. Vous auriez en outre aperçu deux personnes filmer votre porte d’entrée. Vous n’auriez pas voulu rechercher de protection en Espagne alors que les gens y seraient « différents » (p. 4 de votre rapport d’entretien Dublin III) et à cause des problèmes de langue. En plus, l’Espagne aurait déjà renvoyé des militaires en Algérie et ne serait du coup pas un pays sûr pour vous.

A l’appui de vos demandes de protection internationale, vous présentez les documents suivants :

- vos passeports algériens et ceux de vos enfants, ainsi qu’une copie de votre acte de mariage ;

- des copies de documents de votre déclaration d’arrivée à Luxembourg-Ville le 2 décembre 2019 et de votre changement de résidence ;

- des documents de votre hospitalisation au Luxembourg, Madame ;

- votre plainte contre « (B) » du … juin 2022 et un « procès-verbal d’audition » du … juillet 2022, Monsieur, concernant cette plainte déposée contre « (B) » ;

- un « extrait d’avis de fin de service » du Ministère de la Défense informant de votre mise en retraite sur demande à partir d’… 2018, Monsieur, ainsi qu’un « état descriptif et services » de votre parcours militaire ;

- la copie non datée d’une « attestation d’affectation » de la part de l’Entreprise Nationale de Promotion Immobilière (ENPI) devant permettre l’octroi d’un prêt bancaire ;

- la copie d’une « demande d’établissement d’acte d’hypothèque » datée au 2 février 2021, la copie d’une notification de remboursement d’un prêt, ainsi que la copie d’une attestation que vous êtes bénéficiaire d’un crédit hypothécaire, Monsieur ;

- le jugement du … mars 2022, ayant notamment retenu que votre demande de vous voir remettre les clés par ladite entreprise aurait été précoce « puisqu’il n’a présenté aucune constatation d’achèvement des procédures de vente et l’élaboration de l’acte de vente entre lui et la demanderesse » ;

- une « requête introductive d’instance » introduite par « (B) » dans le cadre de l’audience du tribunal de … du … mai 2022, informant notamment que l’ENPI aurait constaté une erreur dans le cadre de la distribution des appartements et que « lorsqu’elle s’en est rendue compte, elle a annulé la décision d’attribution temporaire pour le défendeur et l’a remplacé par une autre décision liée au logement qui devait être accordé au défendeur depuis le début, qui est situé (…), cependant le défendeur est toujours insiste et s’accroche à la première décision de pré-affectation, et ce malgré le fait que la dernière décision annule toutes les décisions précédentes, comme il est prévu par la loi » ;

2. Quant à la motivation du refus de vos demandes de protection internationale Suivant l’article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d’une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

6• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l’article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.

Il échet de constater que vos demandes de protection internationale reposent essentiellement sur le fait, que vous, Monsieur, vous estimeriez lésé dans le cadre d’un achat d’appartement, en reprochant à la partie adverse d’avoir falsifié des documents pour s’approprier la propriété de cet immeuble. Vous supposez avoir été victime de cette prétendue injustice alors que la corruption règnerait en Algérie, respectivement entre des employés de l’ENPI et ledit général et que ce dernier aurait ainsi voulu s’enrichir sur votre dos. Or, votre supposé conflit vous opposant à (B) ou (B1), pour autant qu’il soit avéré, ne repose ainsi nullement sur votre race, votre nationalité, votre religion, vos opinions politiques ou votre appartenance à un certain groupe social, mais il s’agit clairement d’un conflit concernant la propriété d’un immeuble relevant du droit privé algérien. Il s’ensuit que le motif principal à la base de vos demandes de protection internationale ne rentre donc clairement pas dans le champ d’application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015 et ne saurait par conséquent pas non plus justifier dans vos chefs l’octroi du statut de réfugié.

A cela s’ajoute qu’il ne saurait pas non plus être retenu que les faits mentionnés revêtiraient un degré de gravité suffisant au point de pouvoir être définis comme étant des actes de persécutions au sens des textes précités. En effet, il ressort uniquement de vos dires que vous vous trouveriez en désaccord avec (B) ou (B1) depuis l’emménagement dans ledit appartement en avril 2022, suite auquel il serait une fois venu frapper à votre porte et vous aurait une fois appelé pour proférer des menaces envers vous et votre famille. A cela s’ajoute que des inconnus auraient démonté vos compteurs de gaz et d’électricité. Le reste de votre récit se résume à des déclarations en lien avec les plaintes et les procédures légales qui auraient été lancées de part et d’autre afin que les tribunaux algériens se prononcent sur la question de la propriété dudit appartement. De tels faits ne sauraient néanmoins pas être considérés comme des actes de persécution au sens de la Convention de Genève.

Ce constat vaut encore davantage qu’il ne saurait pas non plus être retenu que vous n’ayez pas pu compter sur la protection des autorités algériennes, voire, que celles-ci aient été 7dans l’incapacité de vous aider et de vous permettre de faire valoir vos droits en Algérie. Vous avez en effet eu accès à la police et à la justice, vous avez pu déposer plainte contre (B) ou (B1) et vous avez pu être défendu par votre avocat dans le cadre de vos procès. Si vous estimez certes que vous n’auriez pas eu gain de cause à cause d’une prétendue corruption au sein de différentes institutions algériennes, cette seule allégation nullement prouvée ou ne serait-ce qu’appuyée par des quelconques pièces, ne saurait suffire pour contrebalancer ce constat, ce d’autant plus que vous confirmez par ailleurs qu’en date du 4 avril 2022, le président d’un tribunal vous aurait donné gain de cause grâce à cette ordonnance qui vous aurait permis d’ouvrir la porte dudit appartement en présence d’un huissier de justice. De même, vous prétendez qu’un huissier de justice vous aurait initialement informé que les documents du général concernant la possession dudit appartement seraient plus anciens que les vôtres et que vous devriez par conséquent quitter les lieux, mais que vous auriez par la suite porté plainte et eu gain de cause alors que vous auriez pu prouver que les documents en question seraient des faux. Vous affirmez dans ce même contexte que la plainte du général déposée contre vous, aurait été classée et que vous ne risqueriez par conséquent plus de peine de prison.

On peut encore ajouter, Monsieur, que vous êtes, tel que déjà relevé par le jugement susmentionné du … mars 2022, resté en défaut de corroborer vos dires par des pièces concrètes. Si vous versez certes des documents qui prouvent que vous auriez pu bénéficier d’un prêt immobilier et que vous vous êtes trouvé en procès avec (B) ou (B1), vous ne versez pas de preuve certifiant que vous auriez bien été le propriétaire de l’appartement en question, tel un acte de vente ou de propriété ou de possession. Le constat qu’un juge aurait notamment retenu que votre demande de vous voir remettre les clés par ladite entreprise aurait été précoce « puisqu’il n’a présenté aucune constatation d’achèvement des procédures de vente et l’élaboration de l’acte de vente entre lui et la demanderesse » ne suffit en tout cas manifestement pas pour conclure à un jugement arbitraire dont vous auriez été victime à cause d’un prétendu acte de corruption.

Force est en effet de constater que vous confirmez ne pas posséder d’acte notarié attestant que vous seriez à percevoir comme propriétaire de l’appartement alors qu’« il n’y a pas encore d’acte notarié car le dossier administratif n’est pas encore terminé » (p. 12 de votre rapport d’entretien). A cela s’ajoute que vous confirmez en plus que vous ne sauriez en fait pas qui serait désormais perçu comme propriétaire de l’appartement par les autorités algériennes, « je ne sais pas. Je l’ai fermé et je suis parti parce que c’était impossible d’y vivre à cause des menaces de la part du Général » (p. 8 de votre rapport d’entretien).

Il ressort en outre de la « requête introductive d’instance » susmentionnée que l’ENPI vous aurait en fait informé à une date inconnue et par une nouvelle décision qu’une erreur se serait produite de leur côté dans le cadre de l’« attribution temporaire » et que vous seriez en fait propriétaire d’un autre appartement que celui en question et « qui devait être accordé au défendeur depuis le début ». A part le fait que vous ne perdez mot sur cet élément dans le cadre de votre récit, il y a encore lieu de soulever qu’au vu de cette requête, vous ne voudriez toutefois pas accepter cette nouvelle décision de l’ENPI en vous accrochant « à la première décision de pré-affectation, et ce malgré le fait que la dernière décision annule toutes les décisions précédentes, comme il est prévu par la loi ».

Au vu de tout ce qui précède, il ne saurait en tout cas manifestement pas être retenu que vous ayez été traité de façon injuste par les autorités algériennes, ni qu’il ne vous serait pas possible de faire valoir vos droits chez vous, le fait que vous n’approuveriez pas les décisions juridictionnelles des autorités algériennes n’étant manifestement pas concluant dans 8ce contexte. Ce constat vaut d’autant plus qu’il ne ressort pas de vos explications où s’en trouverait l’affaire actuellement alors que vous prétendez d’un côté que vous ne le sauriez pas, que vous auriez tout simplement fermé votre appartement avant de partir vivre chez votre frère puis de partir pour l’Europe, mais de l’autre côté, qu’en octobre 2022, votre avocat aurait expliqué à votre beau-frère que le juge d’instruction aurait « fermé » (p. 9 de votre rapport d’entretien) le dossier lié à votre plainte alors qu’il n’y aurait pas eu falsification de documents selon lui. Vous prétendez toutefois aussi qu’il n’y aurait pas encore eu de jugement concernant la question de de la propriété dudit appartement parce que votre avocat reporterait l’audience dans le but de récolter des preuves de falsification de documents, de sorte à manifestement mettre les autorités luxembourgeoises dans l’impossibilité de voir plus clair dans cette affaire.

Sur base de tous ces constats, il faut en tout cas conclure que vos prétendues craintes de vous faire tuer par ledit général en cas d’un retour en Algérie, de vous faire emprisonner ou de voir votre famille subir des représailles, doivent être définies comme étant totalement hypothétiques et infondées. D’autant plus que ce général se donnerait donc apparemment la peine de recourir à des démarches officielles et légales pour faire valoir ses propres droits.

Enfin, que votre situation en Algérie n’est nullement si grave au point de pouvoir être définie comme une persécution au sens de la Convention de Genève et de la Loi de 2015 se trouve davantage confirmé par votre comportement adopté en Algérie, de même que depuis votre départ pour l’Europe. Ainsi, vous prétendez craindre pour votre vie depuis que (B) ou (B1) vous aurait menacés en date du 29 juillet 2022. Or, force est de constater que vous bénéficiez de visas émis par l’Espagne, valable dès le … juin 2022, mais que vous n’avez finalement quitté votre pays qu’en date du … août 2022, en préférant inexplicablement et incompréhensiblement de continuer à vivre pendant des mois chez votre (beau-)frère plutôt que de tout simplement quitter le pays. En plus, pendant tout ce temps d’attente inutile, vous ne faites pas état d’une quelconque menace proférée contre vous, d’une agression ou ne serait-ce que d’un incident concret dans lequel vous auriez été impliqué.

A cela s’ajoute que votre comportement adopté en Europe ne correspond pas non plus à celui de personnes réellement persécutées ou à risque d’être persécutées alors qu’on doit pouvoir attendre de telles personnes qu’elles introduisent leurs demandes de protection internationale dans le premier pays sûr rencontré et dans les plus brefs délais. Il ressort toutefois de vos dires qu’après votre départ officiel à destination de l’Espagne, vous n’y auriez recherché aucune forme de protection, avant de vous décider de gagner la France, où à nouveau, le réflexe de rechercher une protection ne vous est pas venu.

Pour être complet on peut encore ajouter que vos tentatives de justification de votre choix de ne pas introduire une demande de protection internationale, notamment en Espagne, ne tiennent pas non plus la route. En effet, à part les arguments plus que superficiels concernant une prétendue « différence » des Espagnols et des problèmes de langue, vous tentez de justifier cette absence de recherche d’une protection par le fait que des militaires algériens auraient déjà été renvoyés en Algérie par les autorités espagnoles. Or, hormis le constat que vous n’êtes, depuis 2018, plus à considérer comme un militaire mais bien un réserviste, il échet surtout de relever que dans le cas d’une réponse négative à une demande de protection internationale, le ressortissant de pays tiers est toujours sous l’obligation de quitter le territoire de l’Union européenne et de retourner dans son pays d’origine et ceci indépendamment du fait que le demandeur débouté ait la qualité de militaire ou non et peu importe l’Etat européen qui aurait analysé sa demande de protection internationale.

9Enfin, Madame, Monsieur, pour être complet concernant votre comportement en Europe, on peut encore noter qu’il est totalement incompréhensible pourquoi vous avez déjà entrepris en 2019 des démarches pour vous inscrire dans une commune au Luxembourg alors que vos prétendus problèmes en Algérie n’auraient donc commencé que vers 2021, suivis de la prétendue menace de juillet 2022, qui vous aurait alors fait prendre le choix de quitter l’Algérie pour venir vous installer au Luxembourg.

Quant à votre allégation, Monsieur, selon laquelle vous seriez désormais à considérer comme étant un déserteur alors que vous n’auriez pas informé les autorités algériennes de votre départ du pays et que vous risqueriez par conséquent une peine d’emprisonnement en Algérie, il y a en premier lieu de soulever que vous ne semblez même pas vous être informé quant aux peines que vous risqueriez encourir. En effet, invité à expliquer ce que vous risqueriez en tant que militaire retraité en cas d’un retour en Algérie, vous dites « des sanctions. (Quelles sanctions ?) Je ne sais pas exactement mais c’est automatiquement la prison » (p. 4 de votre rapport d’entretien), de sorte que la gravité de votre prétendue situation et de vos prétendues craintes ne saurait nullement être retenue dans ce contexte.

A cela s’ajoute qu’un Etat a évidemment le droit de se constituer une armée et de recruter des citoyens, respectivement de se constituer une réserve militaire, tout comme il a le droit d’imposer des sanctions à ses citoyens qui refuseraient de suivre les règles liées à leur engagement au sein de l’armée. Dans ce contexte, il s’agirait donc en premier lieu de noter que vous auriez été parfaitement au courant des règles applicables alors que vous précisez qu’en tant que réserviste, vous auriez l’obligation pendant cinq ans de notifier tout changement d’adresse ou déplacement à l’étranger, ce que vous auriez donc volontairement - à supposer vos dires avérés - omis de faire. En ayant pris votre retraite le … 2018, vous auriez donc été considéré comme faisant partie de la réserve militaire jusqu’en juillet 2023. Pour des raisons qui vous sont propres, vous n’auriez toutefois prétendument pas informé les autorités algériennes de votre départ officiel du pays, muni d’un visa pour l’Espagne, en août 2022.

Quoi qu’il en soit et hormis le fait que vous auriez donc officiellement quitté le pays de sorte que les autorités algériennes sont de toute façon au courant de votre départ, respectivement, qu’il n’est nullement établi que vous n’ayez informé personne de votre départ, le fait de risquer une sanction dans son pays pour ne pas respecter la loi concernant la réserve militaire ne constitue nullement une persécution mais bien une démarche légale de la part des autorités de votre pays d’origine. Il ressort dans ce contexte des informations en mains que « la durée de la réserve pour les militaires issus du service national est fixée à vingt-cinq années, à compter de la date de cessation définitive d’activité. (…) Art. 8. La réserve est étalée sur trois périodes : - la réserve disponible ; - la première réserve ; - la deuxième réserve. Art. 9.

- La réserve disponible est fixée à cinq ans. Elle est consécutive à la cessation définitive d’activité pour les militaires de carrière et les militaires contractuels et les militaires du service national, versés dans la réserve.

Art. 10. - La première réserve est fixée à dix ans. Elle est consécutive à la réserve disponible à laquelle sont soumis les militaires de la réserve ayant accompli leur temps dans la réserve disponible. Art. 11. - La deuxième réserve est fixée à dix ans. Elle est consécutive à la première réserve à laquelle sont soumis les militaires de la réserve ayant accompli leur temps dans la première réserve. Art. 12 Les limites d’âge pour la cessation définitive de servir dans la réserve, applicables aux militaires de carrière et aux militaires contractuels versés dans la réserve, sont arrêtées comme suit : - officiers généraux : 70 ans ; - officiers supérieurs :

65 ans; (…) », de sorte qu’en tant que lieutenant-colonel en retraite vous feriez officiellement 10partie de la réserve jusqu’à vos 65 ans et que vous avez par ailleurs l’obligation de signaler tout changement de résidence sur base de l’article 50 de la même loi relative à la réserve militaire.

Il y a en outre lieu de noter que dans le cas où vous auriez vraiment omis d’informer les autorités algériennes de votre départ à l’étranger, vous ne seriez pas perçu comme un déserteur en cas de retour au pays, mais un tel acte serait tout au plus défini comme un acte d’insoumission et non pas de désertion. En effet, « est considéré insoumis et poursuivi devant le tribunal militaire territorialement compétent, le militaire de la réserve qui : - n’a pas rejoint son lieu d’affectation, dans le cadre de la formation et de l’entretien de la réserve, après avoir été rappelé et avoir reçu l’ordre de rappel à deux reprises, sauf en cas de force majeure dûment justifié; - n’a pas rejoint son lieu d’affectation, dans le cadre de la mobilisation, après avoir été rappelé et avoir reçu l’ordre de rappel, sauf en cas de force majeure dûment justifié ; - a refusé la réception de l’ordre de rappel qui lui est remis par la brigade territoriale de la gendarmerie nationale de son lieu de résidence ou par la représentation diplomatique ou consulaire algérienne pour le résident à l’étranger; - a fait l’objet d’une recherche infructueuse à cause du défaut de déclaration de changement de son lieu de résidence. Art. 28.

- L’Etat d’insoumission du militaire de la réserve cesse, notamment dans les cas suivants :

- présentation volontaire ; - déclaration d’insoumission par erreur ; - arrestation; - décès.

(…) ».

Ainsi, vous risqueriez tout au plus d’être accusé d’une telle insoumission et uniquement dans le cas hypothétique que, pendant votre séjour en Europe, les autorités algériennes vous aient infructueusement recherché pour ne pas avoir répondu à un hypothétique rappel au service. De plus, il s’agit de soulever que cet état d’insoumission prendrait fin dès votre présentation volontaire aux autorités algériennes, de sorte qu’absolument rien ne permet de retenir que vous risqueriez effectivement des sanctions en Algérie liées à une prétendue insoumission.

Quoi qu’il en soit, même à supposer que vous soyez effectivement accusé d’un tel acte d’insoumission, une telle accusation ne saurait pas être perçue comme un acte de persécution mais bien comme une démarche légale de la part des autorités de votre pays d’origine. Il ressort dans ce contexte des informations en mains que selon l’article 254 du code de justice militaire algérien « Tout individu coupable d’insoumission aux termes des lois sur le recrutement dans l’armée, est puni, en temps de paix, d’un emprisonnement de trois mois à cinq ans ».

Or, hormis le constat que des peines qu’un soldat ou un réserviste risque de subir pour une infraction commise ne tombent nullement dans le champ d’application de la Convention de Genève, on peut encore ajouter que sur base des seules informations qui précèdent, il ne saurait pas non plus être retenu qu’en cas d’un retour en Algérie et dans le cas d’une hypothétique accusation pour insoumission, vous seriez condamné à une peine disproportionnée. Vous ne faites d’ailleurs pas non plus part d’une telle crainte dans le cadre de votre demande de protection internationale qui repose dans ce contexte sur votre seul motif que vous risqueriez une sanction pour ne pas avoir informé les autorités algériennes de votre départ du pays.

Il suit des conclusions ci-dessus que le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

11• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi. Or, en l’espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.

En effet, vous omettez d’établir qu’en cas d’un retour en Algérie, vous risqueriez la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre votre vie ou votre personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Vos demandes en obtention d’une protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées.

Suivant les dispositions de l’article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de l’Algérie, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisés à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 janvier 2024, les consorts (A) firent introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée du ministre du 20 décembre 2023 refusant de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Par jugement du 25 novembre 2024, le tribunal déclara non fondé le recours en réformation en ses deux volets, partant en débouta, dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation, le tout en condamnant les demandeurs aux frais et dépens de l’instance.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 20 décembre 2024, les consorts (A) ont régulièrement fait entreprendre ce jugement.

12 Les appelants réitèrent en substance leur exposé des faits qui les auraient amenés à quitter leur pays d’origine, l’Algérie, à savoir un litige lié à l’achat d’un appartement par l’intermédiaire de l’Entreprise nationale de promotion immobilière (ENPI) dans le cadre d’un quota réservé aux militaires, Monsieur (A) étant un ancien officier supérieur de l’armée algérienne, conflit qui les opposerait à un général, un certain (B) et à qui ils reprocheraient d’avoir falsifié des documents pour s’approprier leur appartement. Ils soutiennent ainsi avoir été victimes d’une injustice, tant au niveau de l’ENPI qu’au niveau judiciaire, estimant ne pas pouvoir bénéficier d’une protection effective en Algérie, tout en insistant sur la corruption sévissant dans leur pays d'origine. Ils expliquent qu’ils craindraient, en cas de retour dans leur pays d'origine, d’être tués, emprisonnés ou de subir d’autres représailles de la part de ce général. Ils ajoutent que Monsieur (A), en tant qu’ancien officier, aurait eu accès à des informations classifiées, ce qui ferait de lui une cible des autorités militaires algériennes.

En droit, les appelants reprochent au ministre de ne pas avoir procédé à une évaluation individuelle de leurs demandes de protection internationale, en méconnaissance de l’article 37, paragraphe (5), de la loi du 18 décembre 2015, en faisant valoir que le ministre leur reprocherait à tort d’avoir fait obstruction à leur transfert vers l’Espagne, au motif que ce dernier se serait trompé de date concernant le retour de Monsieur (A) au Luxembourg et n’aurait pas tenu compte des certificats médicaux établissant l’hospitalisation psychiatrique temporaire de Madame (A1) à la date prévue pour le transfert vers l’Espagne.

Ils reprochent ensuite au ministre d’avoir minimisé les faits invoqués à l’appui de leurs demandes de protection internationale, en réduisant leurs demandes à un simple différend lié à l’achat d’un appartement, alors que le différend concernerait une fraude documentée, ce qui exposerait Monsieur (A) à un risque sérieux de représailles de la part de personnes influentes, dont le général (B), compte tenu aussi de son statut d’officier supérieur à la retraite et de réserviste. Ils reprochent ainsi au ministre de ne pas avoir tenu compte de la gravité des faits, ni des preuves matérielles fournies par eux, ce qui irait à l’encontre d’une évaluation impartiale de leurs demandes.

Ils insistent encore sur le fait que les problèmes qu’ils auraient rencontrés dans leur pays d'origine iraient au-delà d’un simple différend immobilier, alors qu’ils auraient subi des menaces graves, des persécutions et des harcèlements répétés orchestrés par un général algérien influent. S’ils admettent avoir eu accès à la police et à la justice en Algérie, ce soutien aurait été inefficace, au vu de l’influence exercée par ce général sur les institutions et au phénomène de corruption généralisée.

Ils en déduisent que leur problème ne pourrait pas être réduit à un simple conflit immobilier, mais s’inscrirait « dans un contexte de persécutions orchestrées par un haut représentant de l’armée », de sorte que leur situation serait de nature à relever du champ d’application de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », sans qu’ils puissent se prévaloir de la protection de leurs autorités nationales au vu de la corruption généralisée sévissant en Algérie.

Les appelants réitèrent encore leur moyen de première instance tiré d’une violation de l’article 37, paragraphe (3), point a), de la loi du 18 décembre 2015 en ce que le ministre n’aurait pas procédé à une évaluation individuelle de leurs demandes de protection internationale en ne tenant pas compte de tous les faits pertinents concernant leur pays d’origine au moment de statuer sur leurs demandes.

13 Ils affirment ensuite être victimes d’un système judiciaire algérien abusif en violation de l’article 33 de la Convention de Genève.

Ils font encore valoir que leur risque de persécutions serait aggravé par le fait que l’appelant serait considéré comme déserteur pour ne pas avoir respecté ses obligations de notification en tant que réserviste.

Sur ce, ils critiquent le tribunal pour avoir retenu que les problèmes rencontrés ne relèveraient pas du champ d’application de la Convention pour ne pas se rapporter aux critères de rattachement y prévus, alors que les persécutions subies seraient pourtant clairement liées à une opposition implicite à un système corrompu, ce qui constituerait l’expression d’une opinion politique. De plus, l’Etat algérien, par son inaction, aurait montré qu’il était incapable de garantir leur sécurité.

En conclusion, ils reprochent au ministre d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en ne procédant pas à un examen approprié de leur demande de protection internationale.

Sur ce, les appelants sollicitent, à titre principal, de leur reconnaître le statut de réfugié et, à titre subsidiaire, de leur accorder le statut de protection subsidiaire.

En dernier lieu, les appelants sollicitent la réformation de l’ordre de quitter le territoire, en faisant valoir qu’un retour dans leur pays d'origine ne serait pas sans danger, alors qu’ils risqueraient d’y être victimes de traitements inhumains et dégradants.

Le délégué du gouvernement, pour sa part, conclut au rejet de l’appel et à la confirmation du jugement a quo.

Par rapport au premier reproche des appelants selon lequel le ministre n’aurait pas procédé à un examen individuel de leur situation en méconnaissance de l’article 37, paragraphe (5), de la loi du 18 décembre 2015, en ce que la décision ministérielle contiendrait des inexactitudes, la Cour note que celles-ci sont relatives au transfert des appelants vers l’Espagne. Or, indépendamment de la question d’une éventuelle obstruction par les appelants à leur transfert pour l’Espagne, la Cour constate, à l’instar des premiers juges, qu’alors même que le ministre leur a reproché de ne pas avoir apporté des éléments de preuve à l’appui de leurs récits, il n’a pas autrement remis en cause la crédibilité générale desdits récits, de sorte que les développements y afférents sont à rejeter pour manquer de fondement.

S’agissant encore du reproche adressé au ministre de ne pas avoir pris en compte à suffisance la situation en Algérie conformément à l’article 37, paragraphe (3), point a), de la loi du 18 décembre 2015, la Cour constate au regard des termes de la décision litigieuse, tels que repris ci-dessus, que le ministre y a pris position de façon détaillée par rapport aux différents éléments du récit des appelants et les a mis en balance avec la situation générale en Algérie, de sorte qu’une violation de l’article 37, paragraphe (3), point a), de la loi du 18 décembre 2015, ne saurait être retenu en l’espèce, cette conclusion s’imposant indépendamment de la question du bien-fondé des conclusions tirées par le ministre de cet examen.

14Quant au fond, la notion de « réfugié » est définie par l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Il se dégage de la lecture combinée des articles 2, sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

En ce qui concerne le bien-fondé du refus de reconnaissance du statut de réfugié, l’examen des éléments du dossier à sa disposition ainsi que des explications fournies par les parties à l’instance amène la Cour à confirmer les premiers juges dans leur conclusion selon laquelle le conflit immobilier dont font état les appelants ne se rattache à aucun des critères repris dans la Convention de Genève, à savoir une crainte en raison de la race, de la religion, de la nationalité, de l’appartenance à un certain groupe social ou du fait des opinions politiques, mais relève exclusivement d’un conflit de droit commun.

Cette conclusion n’est point énervée par l’argument des appelants selon lequel la personne à l’origine des menaces serait une personne influente, à savoir un général de l’armée algérienne, étant donné que si les appelants essaient certes de donner à ce litige une connotation politique, rien dans les éléments du dossier ne permet toutefois de conforter cette thèse.

La Cour rejoint partant les premiers juges en leur conclusion que ce litige privé n’est pas de nature à relever du champ d’application de la Convention de Genève et qu’il ne saurait partant justifier dans le chef des appelants la reconnaissance du statut de réfugié.

Quant au motif invoqué par les appelants tenant à leur crainte de voir Monsieur (A) emprisonné pour désertion au motif qu’en tant que réserviste, il aurait eu l’obligation de notifier son départ à la gendarmerie avant de quitter l’Algérie, c’est à bon droit que les premiers juges ont rappelé qu’il est de jurisprudence constante que la désertion ou l’insoumission ne constitue pas, à elle seule, un motif valable de reconnaissance du statut de réfugié. En effet, les Etats ont le droit d’organiser leur défense et peuvent à ce titre exiger que leurs nationaux accomplissent le service militaire sans que les droits de ces derniers soient violés de ce fait, tout comme les Etats ont le droit de sanctionner, de façon proportionnée, les citoyens qui refusent d’effectuer le service militaire sans pouvoir se prévaloir d’objections de conscience valables.

15 Il convient par ailleurs de rappeler, dans ce contexte, que la crainte de poursuites et d’un châtiment pour désertion ou insoumission ne peut servir de base à l’octroi du statut de réfugié que s’il est démontré que l’appelant se verrait infliger pour l’infraction militaire commise une peine d’une sévérité disproportionnée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques.

Or, les appelants, pas plus qu’en première instance, ne démontrent que Monsieur (A) risquerait de se voir infliger une peine disproportionnée de ce fait, étant relevé que l’appelant ignorait quelles peines il encourrait exactement du fait, en tant que réserviste, de ne pas avoir informé les autorités algériennes de son départ d’Algérie, d’une part, et qu’il ressort des informations fournies par le délégué du gouvernement en première instance, non utilement contestées, que l’appelant pourrait tout au plus être considéré comme insoumis, mais non comme déserteur, pour le cas où les autorités algériennes auraient cherché à le contacter pendant son séjour en Europe, ce qui au demeurant laisse d’être établi.

Pour le surplus, c’est encore à bon droit que les premiers juges ont relevé que les procédures visant à obtenir une protection internationale n’ont pas pour finalité de permettre aux appelants de se soustraire à la justice de leur pays d’origine, étant donné qu’ils n’ont pas contesté que suivant les articles 8 à 12 de la loi n° 22-30 du 1er août 2022 relative à la réserve militaire, cités par le ministre dans sa décision, Monsieur (A) ferait officiellement partie de la réserve militaire jusqu’à ses 65 ans et qu’il est, par conséquent, tenu de signaler tout changement de résidence, ce qu’il aurait, selon lui, omis de faire.

Il s’ensuit que les craintes de Monsieur (A) liées à son omission d’avoir déclaré son départ de son pays d’origine ne sauraient pas non plus être assimilées à des craintes fondées de persécution au sens de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que c’est également à bon droit que le ministre lui a refusé l’octroi du statut de réfugié dans ce contexte.

Les premiers juges sont dès lors à confirmer en ce qu’ils ont retenu que c’est à juste titre que le ministre est arrivé à la conclusion que les conditions d’octroi du statut de réfugié ne sont pas remplies en l’espèce.

En ce qui concerne la demande en obtention du statut conféré par la protection subsidiaire, la loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d'origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l'article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L'octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

16La Cour constate d’emblée que les appelants ne se prévalent pas de la protection subsidiaire sous l’angle des atteintes graves visées à l’article 48, point a), de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la peine de mort ou l’exécution.

S’agissant des atteintes graves énumérées à l’article 48, point b), de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, les appelants fondent leur demande de protection subsidiaire sur les mêmes faits et craintes que ceux qui sont à la base de leur demande de reconnaissance de la qualité de réfugié.

En ce qui concerne tout d’abord le risque mis en avant par les appelants en relation avec le litige immobilier qui les opposerait à un général de l’armée algérienne, les deux parties se disputant les droits de propriété sur un appartement, la Cour rejoint en substance les premiers juges en ce qu’ils ont constaté que les faits subis ne sont pas suffisamment graves pour qu’ils puissent être considérés comme des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants au sens de l’article 48, point b), de la loi du 18 décembre 2015. A l’instar des premiers juges, la Cour considère que ni les actes du général (B), ni le démontage des compteurs de gaz et d’électricité ou encore la prise en photo de la fille des appelants par des inconnus ne permettent de retenir que ceux-ci auraient effectivement été victimes d’atteintes graves en Algérie, étant encore relevé que les menaces de la part du général (B) se limitent à des simples menaces verbales non suivies d’actes concrets.

Quant au risque allégué de représailles de la part du général qui serait une personne influente, dans un contexte de corruption généralisée en Algérie et d’un système judiciaire défaillant, la Cour, à l’instar des premiers juges, arrive à la conclusion que le risque que Monsieur (A) se fasse tuer, en cas de retour en Algérie, ou que sa famille subisse des représailles, reste à l’état de simple allégation pour ne pas être appuyé par un quelconque élément concret. De même, les craintes invoquées par les appelants que le général (B) utilise le statut de réserviste de Monsieur (A) pour engager des poursuites arbitraires contre ce dernier restent à l’état de simple allégation. En définitive, les craintes afférentes des appelants doivent être considérées comme purement hypothétiques.

S’agissant du prétendu défaut de protection des autorités algériennes, la Cour fait sienne l’analyse exhaustive et pertinente des premiers juges, selon laquelle il ne saurait être retenu que les appelants n’auraient pas pu compter sur la protection des autorités algériennes ou que celles-ci auraient été dans l’incapacité de les aider et de leur permettre de faire valoir leurs droits en Algérie, dès lors qu’il appert que Monsieur (A) a eu accès à la police et à la justice et qu’il a pu déposer une plainte contre le dénommé (B), tout en se faisant représenter par un avocat dans le cadre de différentes procédures judiciaires.

Ainsi, il ne ressort ni des allégations des appelants, ni des pièces versées en cause, que les appelants auraient été injustement traités par les autorités algériennes dans le cadre du litige relatif à la propriété de l’appartement que Monsieur (A) aurait acheté grâce à son inscription à l’ENPI. Il n’est toujours pas démontré que cet appartement lui appartiendrait effectivement, étant donné que les pièces versées en cause prouvent seulement qu’il aurait bénéficié d’un prêt immobilier ou qu’il aurait été en procès avec le général (B) pour revendiquer la propriété de cet appartement.

Quant à la nouvelle pièce versée en appel, à savoir un jugement du 10 juillet 2023 de la « Cour d’Alger - Tribunal de … -Section : Foncière », il s’en dégage que la plainte pour délit de faux et usage de faux, déposée par Monsieur (A) et visant des documents versés par la 17contrepartie pour prouver son droit de propriété, n’a pas été retenue et que ce dernier a été condamné à évacuer l’appartement.

Ainsi, et à défaut d’autres éléments probants et concluants, il ne saurait être retenu à partir du seul fait que les consorts (A) n’ont jusqu’à présent pas obtenu gain de cause en justice, qu’ils auraient été traités de façon injuste par les autorités algériennes, ni qu’il ne leur serait pas possible de faire valoir utilement leurs droits dans leur pays d’origine. L’existence de corruption en Algérie, invoquée dans ce contexte, ne peut en l’espèce suffire pour démontrer que l’Algérie ne dispose pas d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, poursuivre et sanctionner des actes tels que ceux invoqués par les appelants.

En ce qui concerne encore le risque pour Monsieur (A) de se faire emprisonner pour infraction à la loi relative à la réserve militaire, il convient de relever que non seulement, ainsi que les premiers juges l’ont relevé à juste titre, les procédures visant à obtenir une protection internationale n’ont pas pour finalité de permettre aux demandeurs de se soustraire à la justice de leur pays d’origine, d’une part, mais en plus, il n’est pas contesté que le fait de ne pas informer les autorités compétentes algériennes de son départ d’Algérie pourra tout au plus être défini comme un acte d’insoumission et non pas comme désertion conformément à la loi algérienne n° 22-30 du 1er août 2022 relative à la réserve militaire et uniquement dans le cas où, pendant son séjour en Europe, les autorités algériennes l’auraient infructueusement recherché pour ne pas avoir répondu à un rappel au service, ce qui laisse d’être établi. A cela s’ajoute qu’il n’est pas non plus établi que l’appelant se verrait infliger, pour l’infraction militaire commise, une peine d’une sévérité disproportionnée, de sorte qu’il n’existe, en l’espèce, pas non plus de risque de traitements ou de sanctions inhumains ou dégradants au sens de l’article 48, point b), de la loi du 18 décembre 2015, dans le chef de Monsieur (A) en cas de retour dans son pays d’origine.

La Cour est partant amenée à conclure que les faits invoqués à la base de leurs demandes de protection internationale ne permettent de retenir ni que les appelants risqueraient, en cas de retour dans leur pays d’origine, de subir de la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ni qu’ils ne pourraient pas se prévaloir de la protection de leur pays.

Enfin, la Cour constate qu’il n’est pas soutenu, et il ne ressort pas non plus de l’ensemble des pièces du dossier, que la situation dans le pays d'origine des appelants correspondrait actuellement à un contexte de violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé interne ou international au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015.

C’est dès lors également à bon droit que les premiers juges ont rejeté comme étant non fondé le recours en ce qu’il est dirigé contre le refus d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.

Enfin, concernant l’ordre de quitter le territoire, dès lors que l’article 34 paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 dispose qu’« une décision du ministre vaut décision de retour (…) » et qu’en vertu de l’article 2 sub q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » est définie comme étant « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire », l’ordre de quitter est à considérer comme constituant la conséquence automatique du refus de protection internationale, avec comme conséquence pour le cas d’espèce, où le rejet ministériel de la demande de protection internationale vient d’être déclaré justifié dans ses deux volets, que l’ordre de quitter n’est pas sérieusement critiquable ni critiqué, étant relevé qu’il vient d’être retenu ci-avant que les 18craintes invoquées par les appelants ne véhiculent pas un risque réel et avéré de subir des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants.

Il s’ensuit que le jugement est encore à confirmer en ce qu’il a refusé de réformer cet ordre.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter les appelants et de confirmer le jugement entrepris.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel en la forme, au fond, déclare l’appel non justifié et en déboute, partant, confirme le jugement entrepris du 25 novembre 2024, donne acte aux appelants de ce qu’ils déclarent bénéficier de l’assistance judiciaire, condamne les appelants aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.

s. SCHINTGEN s. CAMPILL 19


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49950
Date de la décision : 04/03/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2025-03-04;49950 ?

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