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04/03/2025 | LUXEMBOURG | N°49033

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 04 mars 2025, 49033


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 52148C ECLI:LU:CADM:2025:52148 Inscrit le 24 décembre 2024 Audience publique du 4 mars 2025 Appel formé par Madame (A), … contre un jugement du tribunal administratif du 27 novembre 2024 (n° 49033 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 52148 du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 24 décembre 2024 par la société à responsabilité limitée WH AVOCATS SARL, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, établie et ayan

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 52148C ECLI:LU:CADM:2025:52148 Inscrit le 24 décembre 2024 Audience publique du 4 mars 2025 Appel formé par Madame (A), … contre un jugement du tribunal administratif du 27 novembre 2024 (n° 49033 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 52148 du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 24 décembre 2024 par la société à responsabilité limitée WH AVOCATS SARL, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1630 Luxembourg, 46, rue Glesener, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro B 265326, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A), née le … à … (Cameroun), de nationalité camerounaise, demeurant à L-…, …, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 27 novembre 2024 (n° 49033 du rôle), par lequel ledit tribunal a déclaré non fondé son recours tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 12 mai 2023 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 22 janvier 2025 par le délégué du gouvernement pour compte de l’Etat ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 11 février 2025.

Le 16 avril 2021, Madame (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Madame (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, service criminalité organisée-police des étrangers, dans un rapport du même jour.

En date des 2 mars 2021 et 19 avril 2022, Madame (A) fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs gisant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 12 mai 2023, notifiée à l’intéressée par courrier recommandé expédié le 15 mai 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après « le ministre », informa Madame (A) que sa demande de protection internationale avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, ladite décision étant libellée comme suit :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 16 avril 2021 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains votre fiche de données personnelles et votre fiche des motifs, les deux établies lors de l'introduction de votre demande de protection internationale, le rapport du Service de Police Judiciaire du 16 avril 2021, le rapport d'entretien « Dublin III » du 16 avril 2021, la requête aux fins de votre reprise en charge sur la base de l'article 18 paragraphe 1 point d) du Règlement (UE) n°604/2013 adressée aux autorités italiennes le 22 avril 2021, les réponses des autorités italiennes des 4 mai, 21 mai et 11 juin 2021, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 2 mars et 19 avril 2022 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l'appui de votre demande de protection internationale.

Madame, vous déclarez vous nommer (A), être née le … à … au Cameroun, être de nationalité camerounaise, d'ethnie … et de confession … Vous précisez avoir vécu principalement au domicile familial de votre oncle à … (p.12 du rapport d'entretien). Ensuite vous auriez vécu pendant deux ans chez une amie à … et finalement les six derniers mois à … auprès d'un prêtre avant de définitivement quitter votre pays d'origine en 2014 (p.2 du rapport d'entretien).

Vous expliquez avoir vécu en Italie depuis 2015 et y avoir introduit une demande de protection internationale, qui aurait été rejetée. Vous vous seriez également mariée avec un 2 dénommé (A1) en …, mais auriez finalement décidé de quitter ledit pays en 2021 pour gagner le Luxembourg en passant par la France.

Auprès du Service de Police Judiciaire vous expliquez avoir introduit une demande de protection internationale au Luxembourg étant donné que votre oncle aurait voulu que vous deveniez la sixième femme d'un autre homme et que vous auriez dû quitter le pays pour cette raison (p.2 du rapport du Service de Police Judiciaire).

Lors de votre entretien individuel sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, vous expliquez qu'en cas de retour au Cameroun vous craindriez d'être suivie, respectivement « massacrer » (p.19 du rapport d'entretien) par votre oncle, « (B) » (p.3 et 7 du rapport d'entretien), alors que vous auriez souhaité dénoncer un « viol » qu'il aurait commis à votre égard quand vous auriez été plus jeune et pour le fait qu'il vous aurait « mis enceinte » (p. 19 du rapport d'entretien).

Vous précisez à cet égard que votre oncle serait « quelqu'un qui travaille au Gouvernement » (p.13 et 15 du rapport d'entretien), sans réellement savoir ce qu'il y fait, mais tout en précisant que vous l'auriez entendu parler du « Sénat » (p.15 et 20 du rapport d'entretien).

Vous avancez encore que votre oncle vous aurait menacé à plusieurs reprises depuis que vous auriez exprimé votre volonté de ne plus garder le silence au sujet de votre fille, laquelle serait le fruit du viol commis par votre oncle. Il vous aurait alors suivi et recherché lorsque vous auriez quitté le domicile familial et vous aurait « tabassé » lorsqu'il vous aurait retrouvé (p.11 et 12 du rapport d'entretien).

A l'appui de votre demande de protection internationale, vous présentez les documents suivants :

− Un compte-rendu médical établi par le Dr. (C) en date du … février 2022 ;

− Un certificat médical établi par le Dr. (F) en date du … mars 2022 ;

− Une copie d'une photo de votre acte de naissance ;

− Une copie de votre acte de naissance ;

− Une copie de votre acte de mariage en langue italienne sans traduction ;

− Plusieurs photos témoignant de votre mariage ;

− Une copie d'un acte de procuration pour la célébration du mariage en langue italienne sans traduction ;

− Une copie d'un contrat de travail signé avec la société de nettoyage italienne (DD) en date du …/09/2017 en langue italienne sans traduction ;

− Une copie d'un certificat des commissions et autres revenus du travail en langue italienne sans traduction ;

− Une copie d'un contrat de bail du 29 juillet 2017 entre vous et le bailleur en langue italienne sans traduction ;

− Une copie d'un compte-rendu d'un procès-verbal dressé contre X pour vol simple le … avril 2021 par le commissariat subdivisionnaire … ;

− Une copie d'un récépissé de déclaration émis le … avril 2021 par le commissariat subdivisionnaire ….

3 2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Avant tout progrès en cause, il convient de noter que suivant l'article 2 point p) de la Loi de 2015, une demande de protection internationale est à analyser par rapport au pays d'origine du demandeur, c'est-à-dire le pays dont vous possédez la nationalité, ce qui dans votre cas est le Cameroun. Les faits qui se seraient déroulés en Italie ou respectivement dans d'autres pays lors de votre parcours vers l'Europe ne sont dès lors pas pris en compte dans l'évaluation de votre demande de protection internationale.

Il convient encore de mentionner que l'article 10 paragraphe (5) de la Loi de 2015 dispose qu': «A l'exception des documents d'identité, tout document remis au ministre rédigé dans une autre langue que l'allemand, le français ou l'anglais doit être accompagné d'une traduction dans une de ces langues, afin d'être pris en considération dans l'examen de la demande de protection internationale ».

Les documents non traduits ne seront donc pas pris en compte dans le cadre de l'examen de votre demande de protection internationale, à savoir tous les documents remis en langue italienne.

Il y a lieu de rappeler qu'il incombe au demandeur de protection internationale de rapporter, dans toute la mesure du possible, la preuve des faits, craintes et persécutions par lui alléguées, sur base d'un récit crédible et cohérent et en soumettant aux autorités compétentes le cas échéant les documents, rapports, écrits et attestations nécessaires afin de soutenir ses affirmations. Il appartient donc au demandeur de protection internationale de mettre l'administration en mesure de saisir l'intégralité de sa situation personnelle.

Il y a lieu de préciser dans ce contexte que l'analyse d'une demande de protection internationale ne se limite pas à la pertinence des faits allégués par un demandeur de protection internationale, mais il s'agit également d'apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations, la crédibilité du récit constituant en effet un élément d'évaluation fondamental dans l'appréciation du bien-fondé d'une demande de protection internationale, et plus particulièrement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.

Madame, il y a lieu de soulever qu'il se dégage de la lecture de votre entretien que vos réponses sont de manière générale sens dessus dessous, de sorte qu'il est difficilement compréhensible de se faire une idée concrète de votre vécu. En effet, force est de souligner que nombreuses de vos réponses sont très vagues et imprécises, alors que vous avancez à de nombreuses reprises ne pas savoir, penser ou encore ne plus vous rappeler (p.2,5,9,10,12,13,14,15,17 du rapport d'entretien). Par conséquent, vous émettez donc la majorité du temps de simples suppositions.

Vos déclarations sont également contradictoires, ce qui ne saurait jouer en faveur de la crédibilité de votre récit, de sorte qu'il convient de remettre en cause votre histoire et les craintes y afférentes.

En effet, il convient d'emblée de constater qu'il ressort des informations contenues dans la base de données « Eurodac » que vous avez introduit une demande de protection internationale en Italie le 15 octobre 2015 et que vous y êtes connue sous deux alias différents, notamment (Aa), née le … au Cameroun et (A), née le … également au Cameroun. Or, ces informations ne correspondent nullement avec les informations que vous avez renseignées 4 auprès de la Direction de l'immigration lors de l'introduction de votre demande de protection internationale, alors que vous y avez indiqué un autre nom et une autre date de naissance, à savoir (A), … à … au Cameroun. A cet égard, il convient d'ailleurs de relever que vous n'êtes pas en mesure de présenter un quelconque document d'identité, qui permettrait de corroborer vos propos concernant l'identité que vous avez renseignée auprès des autorités luxembourgeoises. En effet, vous expliquez qu'on vous aurait volé vos documents d'identité à la gare de …, ce qui n'est pas contesté en l'espèce, étant donné que vous avez remis une copie de votre plainte déposée au commissariat de police en France. Or, ce qui est contesté c'est le fait que vous ne présentez aucun autre document officiel original, lisible et clair, qui permettrait de prouver votre identité. En effet, les deux copies d'actes de naissance de mauvaises qualités que vous avez remises ne sont aucunement des documents d'identité ou encore des documents qui permettraient d'être authentifiés, de sorte qu'il reste impossible de déterminer votre identité.

Dans cette même lignée, force est de relever que votre état civil doit considérablement être remis en cause, alors que vous expliquez être mariée au dénommé (A1), ressortissant italien, depuis 2018, mariage pour lequel vous présentez d'ailleurs une copie d'un acte de célébration du mariage en langue italienne, tout comme un acte de mariage italien et des photos. Or, il convient de relever qu'après des informations obtenues par les autorités italiennes, ces dernières ont affirmé n'avoir aucune trace de votre mariage en mairie avec votre dénommé mari. Par conséquent, il est évident de s'interroger à cet égard, alors qu'au même titre force est de relever que la date de mariage que vous avez mentionné à deux reprises lors de votre entretien « Dublin III » et lors de votre entretien sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, notamment le 5 novembre 2018, ne correspond pas avec les dates qui figurent sur les documents que vous avez remis, à savoir d'une part, le 13 septembre 2018 et d'autre part le 6 octobre 2018. Votre état civil est donc fortement contesté alors que lesdits documents ne peuvent d'ailleurs pas être authentifiés étant donné qu'il s'agit uniquement de copies non probantes.

Toujours à ce titre et plus précisément en ce qui concerne votre situation familiale, vous expliquez cette fois-ci, avoir uniquement un enfant, notamment une fille, qui se nommerait (A1).

Or, lors de l'analyse des documents que vous avez remis et plus précisément le compte-rendu du procès-verbal dressé par le commissariat subdivisionnaire …, force est de constater qu'il y est fait mention que vous demeureriez au « … chez son fils ». Par conséquent, il est évident de questionner votre sincérité envers les autorités luxembourgeoises et françaises à cet égard, votre justification auprès de l'agent ministériel selon laquelle il s'agissait d'un fils du quartier avec lequel vous auriez grandi (p.20 du rapport d'entretien) ne saurait contrebalancer ce constat, alors que dans tous les cas il est manifeste que vous avez menti à l'une des deux autorités en question.

En outre, force est de relever que votre récit est encore parsemé d'autres incohérences qui, prises dans leur globalité, ne font que réduire la crédibilité qui est accordée à votre récit.

En effet, vous ne maintenez clairement pas une version unique concernant la date de départ de votre pays d'origine, tout comme pour le trajet que vous avez parcouru, puisque d'une part, lors de votre arrivée au Luxembourg, vous dites avoir quitté votre pays d'origine en 2015 (p.3 de la fiche de données personnelles), pour ensuite changer de version et affirmer, d'autre part, que vous l'auriez quitté un an auparavant, c'est-à-dire en 2014 (p.4 du rapport « Dublin III » et p. 10 du rapport d'entretien). La même conclusion s'impose concernant votre trajet depuis votre pays d'origine vers l'Europe, alors que vous n'êtes pas à même de retracer un parcours uniforme et cohérent. En effet, vous mentionnez dans un premier temps auprès de 5 l'unité Dublin que vous auriez rejoint le Nigéria en voiture, puis le Togo à pied, pour ensuite reprendre la voiture et regagner le Mali, puis l'Algérie et finalement la Libye, de nouveau à pied. Vous y seriez restée pendant une semaine avant de prendre une embarcation vers l'Italie (p.4 du rapport « Dublin III »). Or, dans un deuxième temps, vous mentionnez auprès de l'agent ministériel que vous auriez quitté « … vers le Nigéria en voiture (…) Ensuite, je suis partie au Togo. Après je suis partie, je crois… au Mali. Ensuite, je suis passée par le Burkina Faso pour arriver au Sénégal, toujours en voiture. Du Sénégal, je suis passée par la Tunisie. Puis je suis entrée en Libye. (…) J'y était deux semaines (…) je suis passé par le bateau pour entrer en Italie » (p.10 du rapport d'entretien). Par conséquent, il semble incontestable que vous affirmez tout et son contraire dans le but de convaincre les autorités desquelles vous souhaitez obtenir une protection internationale et omettez de dire la vérité à cet égard.

Force est également de noter que vous indiquez ne pas savoir écrire sur votre fiche des motifs lors de l'introduction de votre demande de protection internationale. Or, il convient de soulever qu'il s'agit d'un énième mensonge de votre part, étant donné que des publications sur vos différents comptes Facebook ont été retrouvées et ont révélées que malgré les fautes d'orthographes il s'avère que vous savez bel et bien écrire. Au même titre, il convient de noter que vous expliquez, ne pas avoir été à l'école, mais au contraire avoir participé pendant « trois mois [à des] cours de médecine à …, comme infirmière » (p.3 du rapport d'entretien). Or, cela accentue vraisemblablement le fait qu'il est peu crédible que vous ne sachiez pas écrire comme vous le laisser croire.

Vous expliquez ensuite avoir quitté l'Italie pour des raisons purement économiques parce qu'il n'y aurait « pas de boulot » (p.6 du rapport « Dublin III »). Or, vos affirmations interpellent étant donné que vous expliquez avoir été engagé pour un contrat de travail à durée indéterminée par la société italienne « (DD) » et avoir eu un contrat de bail en Italie, ce qui par conséquent démontre que vous auriez eu une situation stable et régulière. Ainsi, force est de constater que vous avez manifestement introduit votre demande de protection internationale au Luxembourg dans un but personnel et économique et ce dans le pays qui vous convient le mieux personnellement, chose que vous confirmez en affirmant « Le Luxembourg parle le français, et moi aussi, je parle le français. J'ai vu que c'est le seul pays qui peut me protéger » (p.11 du rapport d'entretien).

Finalement, et pas des moindres, force est de constater que vos motifs de fuite sont changeants, alors que vous ne semblez pas unanime sur la question. En effet, vous expliquez lors de votre entrevue avec la Police du Service Judiciaire que vous auriez quitté le Cameroun parce que votre oncle aurait souhaité vous marier de force (p.2 du rapport du Service de Police Judiciaire). Or, il convient de noter que vous n'avez à aucune reprise jugé nécessaire de mentionner ces faits lors de votre entretien individuel sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale. Au contraire, vous avancez une tout autre histoire, notamment le fait que votre oncle pourrait s'en prendre à vous parce que vous pourriez dire la vérité au sujet du viol, des menaces et des violences qu'il aurait commis à votre égard. Par conséquent, force est de constater qu'à aucun moment vous craignez de subir un mariage forcé comme vous avez pu le prétendre auprès des autorités policières luxembourgeoises, de sorte qu'il convient sérieusement de s'interroger sur vos réels motifs de fuite et par conséquent également sur la sincérité de votre histoire, alors que les motifs de fuite sont le pilier central de votre demande de protection internationale.

Pareil constat s'impose au sujet des supposées craintes qui ont trait à votre oncle et que vous développez lors de votre entretien individuel, alors qu'il s'agit d'une histoire inventée de 6 toutes pièces dans le but d'aggraver votre situation et d'augmenter vos chances d'obtenir une protection internationale.

En effet, force est de constater que vous ne prouvez d'aucune manière que votre oncle serait effectivement le président du Sénat, le dénommé (G). Au contraire, il convient de relever que vous expliquez que votre oncle se nommerait « (B)» (p.3 et 7 du rapport d'entretien). Or, même si ce nom a une consonance similaire, il ne correspond pas au véritable nom du président du Sénat, de sorte qu'il est manifeste que le président du Sénat n'est pas votre oncle. Ces propos sont encore soutenus par le fait que vous expliquez que votre oncle serait marié à la dénommée « (B1) » (p.12 du rapport d'entretien) et serait, vous croyez, le père de quatre enfants dont vous connaissez que les prénoms, à savoir « (B2), (B3), (B4) et (B5) » (p.12 du rapport d'entretien).

Or, force est de relever que vos propos sont ici totalement remis en cause, alors que le président du Sénat camerounais « est marié à (G1) née [(G1)] … depuis le …. Ils ont quatre enfants :

(G2), (G3), (G4) et (G5) ». Ces informations sont encore confirmées par de nombreux autres articles de presse, comme par exemple l'un qui mentionne que le fils cadet, (G5), du président du Sénat se serait également lancé dans une carrière politique similaire. Toujours au même titre et concernant le fait que le président du Sénat n'est pas votre oncle, il convient de noter que vous ne dites explicitement à aucun moment de votre entretien individuel que votre oncle serait le président du Sénat, au contraire, vous avancez uniquement que votre oncle serait « quelqu'un qui travaille au Gouvernement » sans savoir ce qu'il y ferait concrètement (p.15 du rapport d'entretien). Ce constat est encore accentué par le fait que c'est votre mandataire qui mentionne auprès de l'agent ministériel à la fin de votre entretien individuel que « l'oncle de madame est le président du Sénat » (p.20 du rapport d'entretien).

Or, Madame, force est de constater qu'il est improbable que vous ne connaissiez pas toutes ces informations au sujet de votre soi-disant oncle et de sa famille, alors que vous auriez vécu avec ces personnes depuis votre plus jeune âge étant donné que vos parents seraient morts dans un accident de voiture (p.8 et 12 du rapport d'entretien). Ainsi, vos affirmations selon lesquelles votre oncle serait le président du Sénat sont clairement remises en cause, alors qu'elles sont contradictoires aux informations retrouvées. Par conséquent, il peut logiquement être déduit que votre histoire est inventée de toutes pièces et que votre oncle n'est clairement pas la personne que vous laissez entendre, mais au contraire, qu'il s'agit d'un simple ressortissant camerounais ordinaire et que vous avez utilisé la position politique importante du président du Sénat, afin d'accentuer la gravité de votre récit.

A titre complémentaire, nombreux des éléments qui ont trait à l'histoire de votre oncle mettent encore en doute la crédibilité de celle-ci. En effet, force est de relever que vous n'auriez jamais jugé nécessaire de quitter le domicile familial de votre oncle, alors que vous y auriez encore vécu à l'âge de … ans (p.12 du rapport d'entretien). Ainsi, vous auriez gardé le silence au sujet du viol depuis vos … ans (p.13 du rapport d'entretien) et sans que rien ne vous arrive depuis, de sorte qu'il convient donc de s'interroger pour quelles raisons vous auriez décidé d'un seul coup de ne plus garder le silence. Force est encore de noter que vous n'auriez également jamais véritablement dénoncé les faits que vous avancez à propos de votre oncle, de sorte qu'il est totalement improbable que ce dernier en aurait eu après vous et que les menaces et l'agression soient fondées.

La crédibilité de votre histoire est encore remise en cause par le fait que lorsque vous auriez finalement décidé de quitter le domicile de votre oncle, vous vous seriez réfugié auprès d'une amie pendant deux ans puis pendant six mois auprès d'un prêtre sans que rien ne vous arrive concrètement, de sorte qu'il est évident que vous n'auriez pas été dans le collimateur de 7 votre oncle (p.15 et 16 du rapport d'entretien), auquel cas ce dernier s'en serait pris à vous beaucoup plus tôt et n'aurait très certainement pas attendu plus de deux ans et demi. Ainsi, les représailles de votre oncle et notamment l'agression que vous dites avoir subie ne sauraient être fondées. Au titre de cette supposée agression, il convient d'ailleurs de noter que selon vos propos votre corps aurait été dans un très mauvais état, à tel point que le prêtre vous aurait prêté de l'argent pour que vous alliez vous faire soigner à l'hôpital (p.18 du rapport d'entretien).

Pour autant vous n'y avez pas mis les pieds, mais au contraire vous avez pris une voiture pour quitter définitivement votre pays d'origine (p.19 du rapport d'entretien). Or, Madame, permettez-moi de vous dire qu'une personne qui aurait réellement été blessée et dans un tel état, celle-ci n'aurait très certainement pas été capable de prendre le volant pour s'enfuir immédiatement après.

Le certificat médical que vous remettez de la part du Dr. (F) pour attester des coups et blessures que votre oncle vous aurait infligé lors de cette agression ne saurait valoir force probante ou encore accentuer la crédibilité de cette agression. En effet, force est de souligner qu'il s'agit d'un certificat médical qui a été établi plus de 8 ans après la supposée agression et qu'il n'existe aucun lien certain entre les cicatrices mentionnées et ladite agression. Force est encore de noter, que les cicatrices mentionnées dans le certificat médical peuvent résulter, selon le Dr. (F), d'une lésion par objet tranchant ou encore par des brûlures. Or, à aucun moment vous expliquez avoir été victime de brûlures ou encore avoir été agressé avec un objet tranchant, de sorte que votre supposée agression doit être réfutée. Le certificat médical établi par le Dr. (C) ne saurait contrebalancer les constats effectués ci-dessus, alors qu'il n'y est fait mention d'aucune agression.

Force est de conclure que la crédibilité générale de votre récit et de vos craintes est par conséquent totalement remise en cause, alors que votre histoire est rocambolesque et inventée de toutes pièces. Vous avez sciemment aggravé votre situation afin d'obtenir une protection internationale par tous les moyens dans votre pays de prédilection.

A toutes fins utiles, il convient de souligner que vous avez fait une demande de passeport à l'ambassade du Cameroun à … en Italie et que votre passeport était disponible au retrait en octobre 2020. Ainsi, le fait que vous ayez fait une telle demande auprès des autorités de votre pays d'origine ne saurait définitivement pas appuyer la crédibilité de vos craintes et vos motifs de fuite, alors qu'une personne qui aurait réellement été persécutée par son gouvernement et par son oncle, président du Sénat, n'aurait manifestement pas entrepris des démarches auprès des mêmes autorités desquelles elle craindrait d'être persécuté.

Partant, aucune protection internationale ne vous est accordée.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée.

Suivant les dispositions de l'article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination du Cameroun, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisée à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 juin 2023, Madame (A) fit introduire un recours tendant à la réformation, d’une part, de la décision ministérielle du 12 mai2023 portant refus d’octroi du statut conféré par la protection internationale et, d’autre part, de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Par jugement du 27 novembre 2024, le tribunal débouta l’appelante de son recours dirigé contre le refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire et la condamna aux frais et dépens de l’instance.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 24 décembre 2024, Madame (A) a régulièrement relevé appel de ce jugement du 27 novembre 2024.

Arguments des parties A l’appui de sa requête d’appel, l’appelante déclare être orpheline depuis son enfance et avoir toujours vécu à … au domicile de son oncle, (G), qui serait le président du Sénat camerounais depuis le 12 juin 2013.

Durant son enfance qu’elle aurait passée auprès de son oncle, elle aurait dû travailler, n’aurait pas toujours eu à manger, n’aurait jamais eu l'occasion d'être scolarisée et aurait régulièrement été violée par son oncle dès l’âge de … ans, sans aucune possibilité pour elle de quitter le domicile face aux menaces de mort et de représailles de la part de son oncle pour éviter qu’elle ne dévoile les viols.

A l’âge de … ans, elle serait tombée enceinte à la suite d’un de ces viols. Son oncle lui aurait enjoint de garder l'enfant, mais de ne pas dévoiler l’identité de son géniteur, de sorte que sa fille aurait été élevée chez son oncle, ensemble avec la femme et les enfants de celui-ci.

Elle aurait été isolée du reste de la famille et se serait trouvée, entre autres, en charge du nettoyage de la maison, de l'aide en cuisine avec les servantes et de la préparation des vêtements de son oncle.

Avec le temps, le secret sur le géniteur de sa fille serait devenu si lourd à porter que son oncle aurait lui-même compris que l’éclatement de la vérité était imminent.

L’appelante ajoute que son oncle aurait également eu pour objectif de la marier de force avec un de ses contacts haut placés, pour qu’elle devienne la 6ième femme de celui-ci.

Face à sa réticence, son oncle aurait commencé à la suivre dans tous les lieux où elle se rendait, pour s’assurer que son silence soit gardé.

Ce serait dans ces conditions et lorsqu’une possibilité de vivre chez une amie se serait offerte qu’elle aurait fui le domicile de son oncle. Elle serait restée chez son amie pendant deux années, tout en étant constamment suivie, à son insu, par son oncle.

Ayant appris qu'elle était en constante observation, elle se serait ensuite réfugiée durant six mois à … auprès d'un prêtre, période durant laquelle son oncle aurait continué à prendre des informations sur elle pour finalement se rendre un jour chez le prêtre, accompagné de deux personnes en tenue de police, qui l’auraient frappée et brûlée sur l'intégralité du corps avec du plastique.

Suite à cet incident, qui lui aurait fait comprendre qu’elle n’avait aucune possibilité d’être aidée à échapper à son bourreau, elle aurait décidé de quitter le Cameroun au cours de l'année 2014 pour se rendre en Italie.

Ayant fait l’objet d’un refus de sa demande de protection internationale sollicitée auprès des autorités italiennes, elle serait arrivée au Luxembourg en 2021 après être passée par la France.

En droit, l’appelante reproche au ministre et aux premiers juges d’avoir commis une erreur manifeste d'appréciation en omettant de procéder à une évaluation approfondie de sa situation personnelle au regard des conditions d'octroi de la protection internationale et fait valoir que le remède à ce qu’elle qualifie d’absence flagrante d'analyse du caractère fondé de ses craintes de subir des persécutions ou des atteintes graves, devrait consister en la réformation du jugement a quo et de la décision ministérielle du 12 mai 2023 et le renvoi devant le Ministre des affaires intérieures.

Par rapport aux critiques relevées par les premiers juges au sujet de la crédibilité de son récit et, en l’occurrence, les indications fournies lors de son entretien auprès du service de police judiciaire, l’appelante donne à considérer que lors de son arrivée au Luxembourg, elle aurait « très vite » fait mention de son illettrisme. Elle n’aurait toutefois pas été empêchée de suivre un cursus par le fait de ne pas savoir écrire, étant donné qu'elle aurait poursuivi une formation purement pratique au Cameroun.

Son analphabétisme aurait toutefois pour conséquence de lui causer des difficultés de repérage spatio-temporel, ce qui serait facilement constaté dans ses réponses fournies aux questions lui posées par l’agent ministériel lors de son entretien.

Dès lors, ce ne serait pas parce qu’elle avait fait preuve de réponses ou d’éléments parfois imprécis en termes de repères chronologiques qu'il devrait en être conclu à un doute sur ses dires.

S’agissant de ses explications au sujet de son parcours de fuite, dont les premiers juges ont déduit un défaut de crédibilité, l’appelante rappelle que l’exercice consistant à raconter son récit aurait été bien lourd pour elle, en donnant à considérer que ses troubles physiques et psychiques se ressentiraient dans son discours, l’appelante voulant pour preuve de son état psychologique une mention faite par l’agent ayant mené l’entretien dit « Dublin III » du 16 avril 2021 et le fait qu’elle serait suivie par une psychologue, dont elle cite le rapport du 5 juin 2023.

L’appelante donne à considérer que malgré sa situation difficile, elle se serait efforcée de répondre aux questions posées de la meilleure façon possible, sans hésiter à dire qu'elle ignorait les réponses lorsqu'elle ne savait pas, plutôt que d’inventer un récit qui n’est pas le sien.

A ces difficultés se serait ajouté un stress intense occasionné par l’entretien, de sorte qu’elle aurait perdu même le fil de son récit.

L’appelante conclut qu’au vu des évènements traumatisants qu’elle aurait subis et de son état de santé, il serait légitime qu’elle ne se souvienne pas des dates avec précision, tout en soulignant que lors de la relecture de son rapport d'entretien, elle aurait rectifié les dates les plus importantes.

Elle fait valoir que les différences relevées sur le jour et le mois de naissance seraient à attribuer au fait qu’elle ne maîtriserait ni la lecture, ni l’écriture, ni le calcul.

Elle fait valoir qu’il ressortirait clairement de son récit qu’elle n’aurait pas quitté son pays si sa vie n’avait pas été en danger.

Par rapport aux reproches du ministre, confirmés par les premiers juges, selon lesquels son récit serait parsemé de nombreuses contradictions, qui, prises dans leur globalité, ne feraient qu'accentuer le manque de cohérence de son histoire, l’appelante fait valoir que son récit ne serait que l’image des souffrances et des traumatismes qu’elle aurait subis.

Elle aurait exposé à suffisance lors des différents entretiens avec l’agent ministériel qu’elle perdait la mémoire du fait des nombreux évènements traumatisants qu’elle aurait subis, ainsi que de ses problèmes de santé et qu’elle ne se souvenait plus des dates exactes ou de certains éléments même importants, tout en soulignant que le stress et la douleur occasionnés par les souvenirs ressassés, combinés au stress de l'entretien avec l'agent ministériel, auraient conduit à une confusion dans les dates.

De manière plus générale, l’appelante se réfère au guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié et principes directeurs sur la protection internationale de février 2019 et concernant l’établissement des faits du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), dont elle déduit qu’il ne pourrait être exigé de sa part d’apporter une preuve documentaire de ses dires, en soulignant qu’elle aurait dû fuir le Cameroun sans avoir eu la présence d’esprit de se procurer des preuves en amont et que son départ serait la conséquence d’années de sévices, seul son instinct de survie lui ayant permis de saisir la première opportunité de quitter son pays d'origine.

Par rapport à la conclusion des premiers juges sur l’absence de risque pour elle en relation avec la situation générale existant au Cameroun, l’appelante fait valoir qu’elle courrait un risque réel en restant au Cameroun, « pays dans lequel la corruption gouvernementale ne saurait être contestée, et dans lequel aucune limite ni sanction ne saurait être envisagée envers leur auteur ».

Enfin, l’appelante prend position sur les conditions d’octroi d’une protection internationale dans son chef.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de l’appel et à la confirmation du jugement a quo ayant retenu un défaut de crédibilité du récit de l’appelante, tout en soulignant que les éléments additionnels produits par l’appelante en instance d’appel, à savoir un certificat d’un médecin généraliste du 23 décembre 2024, une attestation de présence d’un psychologue et une demande de transfert médical du 18 novembre 2024, n’infirmeraient pas les conclusions tirées par les premiers juges.

Analyse de la Cour La Cour relève que la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 sub f), de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la 11 protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Il se dégage de la lecture combinée des articles 2 sub f), 2 sub h), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que doit être considérée comme réfugié toute personne qui a une crainte fondée d’être persécutée et que la reconnaissance du statut de réfugié est notamment soumise aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d'origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l'article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L'octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Il s’y ajoute que la définition du réfugié contenue à l’article 2 sub f), de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2 sub g), de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur de protection internationale ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analysedu juge devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

Dans le cadre de l’examen au fond d’une demande de protection internationale, l’évaluation de la situation personnelle d’un demandeur d’asile ne se limite point à la pertinence des faits allégués, mais elle implique un examen et une appréciation de la valeur des éléments de preuve et de la crédibilité des déclarations du demandeur d’asile, la crédibilité du récit de ce dernier constituant, en effet, un élément d’appréciation fondamental dans l’appréciation du bien-fondé de sa demande de protection internationale, spécialement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.

Sous cet aspect, les premiers juges se sont référés de façon pertinente à l’article 37, paragraphe (5), de la loi du 18 décembre 2015, dont il se dégage que le demandeur de protection internationale bénéficie du doute, à condition que son récit peut être considéré comme crédible, s’il s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, s’il a livré tous les éléments dont il disposait et si ses déclarations sont cohérentes et ne sont pas en contradiction avec l’information générale et spécifique disponible, étant relevé que le principe du bénéfice du doute est, en droit des réfugiés, d’une très grande importance, alors qu’il est souvent impossible pour les réfugiés d’apporter des preuves formelles à l’appui de leur demande de protection internationale et de leur crainte de persécutions ou d’atteintes graves.

La Cour constate que le ministre s’est limité à examiner la crédibilité du récit de l’appelante, et lui a, sur base du constat que le récit manque de crédibilité, refusé la protection internationale.

Cette approche n’est pas critiquable en soi, sous réserve de l’examen du bien-fondé de cette conclusion à opérer par la juridiction saisie d’un recours, étant relevé que si le tribunal, dans l’affaire invoquée par l’appelante, a renvoyé le dossier devant le ministre, il l’a fait en raison du seul fait qu’il a estimé que, contrairement à l’analyse du ministre, le récit était à considérer comme crédible.

En l’espèce, la Cour partage entièrement et fait sienne l’analyse détaillée du récit de l’appelante telle que faite par les premiers juges, ayant relevé (i) des versions divergentes s’agissant des motifs de fuite exposés devant le service de police judiciaire (risque d’un mariage forcé lui imposé par son oncle), sur la fiche des motifs de persécutions (absence d’indication d’une quelconque crainte) et lors des entretiens au sein du ministère (craintes de représailles de la part de son oncle qui voudrait la faire taire au sujet de viols dont elle aurait été victime et de la paternité de sa fille), (ii) des versions contradictoires au sujet de son trajet depuis le départ de son pays d’origine et (iii) des contradictions et incohérences, telles que l’utilisation d’identités différentes, en l’occurrence de noms et de dates de naissance divergents, et le fait que les informations fournies par elle au sujet de son oncle, qui serait le président du Sénat camerounais, et de sa famille non seulement ne correspondent pas aux connaissances que devrait avoir une personne ayant vécu jusqu’à l’âge de … ans dans le même foyer, mais de plus ne concordent absolument pas avec les informations générales disponibles au sujet du président du Sénat, cette analyse ayant abouti à la conclusion d’un défaut crédibilité du récit de l’appelante dans sa globalité et n’étant pas remise en cause par les explications et pièces produites en instance d’appel.

Si l’appelante tente d’expliquer, tant en première instance qu’en instance d’appel, les incohérences et invraisemblances, telles que relevées par le ministre et confirmées par les premiers juges, par des troubles psychologiques dus au traumatismes subis et par la considération qu’elle n’aurait pas été scolarisée, ce qui impacterait sur ses facultés de donner un récit ordonné dans l’espace et dans le temps, et si effectivement, tel que cela se dégage du guide précité du HCR, des traumatismes vécus sont susceptibles d’avoir des répercussions sur les capacités de l’intéressé de fournir un récit structuré, la Cour est toutefois amenée à retenir, à l’instar des premiers juges, que dans les circonstances de l’espèce, ces considérations ne permettent pas d’expliquer les contradictions, invraisemblances et incohérences relevées, notamment en ce qui concerne des éléments essentiels du récit, tels que son manque de connaissances flagrant, voire des indications ne correspondant pas aux informations générales disponibles au sujet de son oncle, avec lequel elle a portant vécu jusqu’à l’âge de … ans et qui, selon ses dires, est à la base de ses craintes de persécutions.

Dans la mesure où l’appelante n’a pas fourni un récit crédible et cohérent, elle ne saurait pas non plus bénéficier du bénéfice du doute invoqué par elle.

La Cour confirme, par ailleurs, le constat des premiers juges selon lequel il ne se dégage d’aucun élément du dossier qu’à l’heure actuelle, la situation au Cameroun serait telle que tout ressortissant camerounais courrait, indépendamment de sa situation personnelle et du seul fait de sa présence sur le territoire du Cameroun, un risque réel de subir des actes de persécution ou des atteintes graves, étant relevé qu’à l’appui de son appel, l’appelante s’est limitée à affirmer de façon succincte et péremptoire qu’elle courrait un risque réel et constant au Cameroun, en invoquant la corruption et une absence de protection contre son oncle.

Il suit des considérations qui précèdent que les premiers juges ont à bon droit rejeté le recours dirigé contre le refus d’octroi d’une protection internationale, prise en son double volet.

Quant à l'ordre de quitter le territoire contenu dans la décision de refus de protection internationale, force est de constater que dès lors que le jugement entrepris est à confirmer en ce qu’il a refusé à l’appelante le statut de la protection internationale - statut de réfugié et protection subsidiaire - et que le refus d’octroi de pareil statut est automatiquement assorti d’un ordre de quitter le territoire par le ministre, le jugement est à confirmer en ce qu’il a refusé de réformer ledit ordre.

En ce qui concerne le moyen fondé sur une violation du principe de non-refoulement, la Cour relève qu’au regard de ce qui vient d’être retenu par rapport au sérieux des craintes de l’appelante en cas de retour dans son pays d’origine, qui tablent sur un récit considéré comme non crédible, et à défaut d’autres éléments, le moyen afférent est à rejeter.

Il suit de l'ensemble des considérations qui précèdent que le jugement du 27 novembre 2024 est à confirmer et que l’appelante est à débouter de son appel.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 24 décembre 2024 en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute l’appelante,partant, confirme le jugement entrepris du 27 novembre 2024, donne acte à l’appelante qu’elle déclare bénéficier de l'assistance judiciaire, condamne l’appelante aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.

s. SCHINTGEN s. SPIELMANN 15


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49033
Date de la décision : 04/03/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2025-03-04;49033 ?

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