GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 50936C ECLI:LU:CADM:2025:50936 Inscrit le 16 août 2024
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Audience publique du 11 février 2025 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 15 juillet 2024 (n° 47860 du rôle) dans un litige l’opposant à une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de statut de protection internationale
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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 50936C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 16 août 2024 par Maître Marcel MARIGO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Guinée), de nationalité guinéenne, demeurant à L-…, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 15 juillet 2024 (n° 47860 du rôle), par lequel ledit tribunal l’a débouté de son recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 20 juillet 2022 portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et ordre de quitter le territoire ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 1er octobre 2024 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;
Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marcel MARIGO et Madame le délégué du gouvernement Charline RADERMECKER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 novembre 2024.
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Le 22 juin 2020, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après le « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après la « loi du 18 décembre 2015 ».
Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent du service de police judiciaire de la police grand-ducale, section criminalité organisée – police des étrangers, dans un rapport du même jour.
En dates des 25 novembre 2020, 7 et 26 janvier, ainsi que le 19 février 2021, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs gisant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 20 juillet 2022, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le 22 juillet 2022, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après le « ministre », informa Monsieur (A) que sa demande de protection internationale avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, ladite décision étant libellée comme suit :
« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 22 juin 2020 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la loi de 2015 »).
Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.
1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 22 juin 2020, votre fiche manuscrite du 22 juin 2020, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 25 novembre 2020, du 7 et 26 janvier et du 19 février 2021 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.
Monsieur, vous déclarez être de nationalité guinéenne, d'ethnie Peul, de confession … et être originaire du quartier de … à … en Guinée où vous auriez vécu seul et partiellement chez votre oncle. Vous seriez détenteur d'une licence de droit que vous auriez obtenue après avoir étudié d'octobre 2016 à juin 2019 à l'Université Générale de …. En parallèle à vos études, vous auriez possédé un commerce d'alimentation et vous auriez soutenu l'activité commerciale de votre beau-frère, vendeur de cosmétique, au marché de Madina.
Vous expliquez avoir quitté la Guinée le … octobre 2019 car vous auriez été menacé par les forces de l'ordre et auriez craint pour votre vie en raison de vos opinions antigouvernementales et de votre activisme politique ; votre appartenance à l'ethnie Peul étant un facteur aggravant. En cas de retour dans votre pays d'origine, vous redoutez de vous faire tuer ou emprisonner.
Dans ce contexte, vous expliquez d'abord que lors des élections présidentielles de 2015, tout comme durant celles de 2010, le parti « Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) » aurait fructueusement instrumentalisé en sa faveur les divers groupes ethniques guinéens. Alpha Condé - candidat du RPG et Président de la Guinée - aurait par exemple galvanisé son groupe ethnique, les Malinkés, en proférant selon vous des accusations mensongères contre les Peuls. Suite à ces diffamations calomnieuses, sans que vous auriez personnellement subi des représailles, vous indiquez que des commerces de Peuls auraient été sabotés.
Pour lutter contre ce sentiment d'injustice, vous auriez décidé d'entamer des études de droit en juin 2016 à … afin d'être en mesure de lutter pour vos droits, une alternative que vous auriez jugée plus sécurisée que votre participation à des manifestations. En dépit du risque, car « si on manifeste on nous tue » (p. 9 du rapport d'entretien), vous auriez néanmoins décidé de participer à votre première manifestation en août 2016 suite à un appel des partis d'opposition, respectivement de l'« Union des forces démocratiques de Guinée (UFGD) », du « Bloc Libéral (BL) », de la « Génération pour la Réconciliation, l'Union et la Prospérité (GRUP) » et de la « Nouvelle Force Démocratique (NFD) ». Vous réclamant de l'opposition, mais n'étant « pas un militant mais plutôt un sympathisant (…) un activiste de la société civile » (p. 9 du rapport d'entretien), vous déclarez que vous auriez participé à d'autres manifestations pour exprimer votre « ras-le-bol » (p.10 du rapport d'entretien).
En octobre 2018, alors que le gouvernement d'Alpha Condé aurait « remis en cause notre Constitution » (p.6 du rapport d'entretien) dès 2017, vous auriez créé un mouvement étudiant dont vous auriez été le « cerveau » et que vous auriez financé personnellement.
Jusqu'en mars 2019, vous auriez mené avec les six autres membres une dizaine d'actions au sein de votre Université, en collant des affiches et distribuant des flyers, afin de « sensibiliser », « d'informer le maximum de personnes sur la fausseté du pouvoir en place » (p. 10 du rapport d'entretien) et sur l'illégalité du changement constitutionnelle promu par le gouvernement. Vous précisez par ailleurs que le chef du département de droit vous aurait averti verbalement à plusieurs reprises que vous devriez cesser vos activités.
Vous auriez ensuite appris qu'en mars 2019, Alpha Condé visiterait votre Université pour se voir décerner un titre. À cette occasion, vous auriez préalablement distribué aux étudiants universitaires des flyers indiquant que le Président était invité à s'exprimer sur « l'illégalité du changement de Constitution » (p. 6 du rapport d'entretien), respectivement briguer un troisième mandat, alors qu'en tant qu'étudiants en droit, nous n'accepterions pas un tel changement » (p.6 du rapport d'entretien).
Toutefois, une semaine avant sa visite, vous auriez été arrêté par des membres des forces de l'ordre. En rentrant chez vous, vous auriez croisé une patrouille des forces de l'ordre dont les membres armés et en uniforme se seraient exclamés en soussous en vous voyant « c'est lui ! » (p. 6 du rapport d'entretien). Vous auriez ensuite été « kidnappé » (p. 6 du rapport d'entretien), cagoule, frappé et piétiné puis embarqué vers une destination inconnue pendant qu'ils auraient parlé en malinké entre eux.
Arrivé dans une maison, vos ravisseurs - des inconnus cagoulés - vous auraient retiré votre cagoule et fait asseoir sur un siège. Alors que votre copine aurait essayé de vous joindre par téléphone, ils se seraient emparés de vos appareils électroniques, respectivement votre ordinateur et vos deux téléphones portables. Puis, vos ravisseurs se seraient mis à vous insulter et à vous intimider. Ils vous auraient interrogé sur vos intentions dans le cadre de la visite d'Alpha Condé à votre Université et vous auraient demandé qui vous aurait recruté, insinuant que vous l'auriez été « par la communauté Peul » (p.6 du rapport d'entretien), car le principal opposant politique guinéen est Peul comme vous, « ou par l'UFDG » (p.6 du rapport d'entretien), car vos ravisseurs soupçonnaient ce parti d'avoir mobilisé des opposants pour créer un mouvement étudiant visant à déstabiliser le régime. Vous auriez réfuté ces allégations et répondu que vous aviez entamé toutes vos actions de votre propre chef.
Insatisfaits et agacés, ils vous auraient frappé, menacé que « j'allais mourir, qu'ils allaient me tuer » (p.6 du rapport d'entretien) et intimidé pour « m'appeler à cesser mes activités » (p.13 du rapport d'entretien).
Entre-temps, vous indiquez qu'un des ravisseurs aurait eu une conversation téléphonique avec un dénommé (B) dont vous auriez reconnu la voix. Il s'agirait du chef de classe de votre Université, un militant du RPG avec qui vous auriez souvent été en contradiction. Vous supposez que (B) aurait probablement cherché à connaître l'identité des membres de votre mouvement afin d'identifier les personnes hostiles au gouvernement au sein de votre Université. Par ailleurs, un des ravisseurs aurait également consulté vos affaires personnelles. Il vous aurait montré vos propres vidéos filmées entre 2017 et 2019, et publiées sur Facebook, dans lesquelles vous auriez sévèrement critiqué le gouvernement, dénoncé les atrocités commises contre les Peuls, déploré la répression violente des forces de l'ordre pour empêcher le déploiement de manifestations et accusé les assassinats et les arrestations arbitraires depuis l'arrivée au pouvoir d'Alpha Condé. Puis, il vous aurait demandé de déverrouiller vos appareils électroniques afin d'en analyser le contenu et répertorier vos contacts. Il vous aurait demandé l'identifiant de votre compte Facebook et aurait modifié votre mot de passe, chose dont vous auriez uniquement pris connaissance plus tard, après avoir essayé de vous reconnecter.
Vos ravisseurs vous auraient ensuite demandé de signer un document attestant que vous êtes « contre le pouvoir et que je suis financé par l'UFGD » (p. 6 du rapport d'entretien).
Vous auriez d'abord refusé de signer ce document puis, sous la menace, vous auriez été contraint de le faire. Le lendemain, ils vous auraient à nouveau interrogé et vous auraient autorisé à contacter les personnes pouvant s'inquiéter de votre absence, au motif que vous seriez occupé à cause de travaux universitaires, tout en vous braquant avec une arme. Vous seriez encore resté détenu pendant une semaine entière, respectivement jusqu'à la visite d'Alpha Condé à votre Université. Après celle-ci et avant de vous libérer, vos ravisseurs vous auraient informé que votre ami (C), membre de votre mouvement universitaire et producteur des flyers, serait décédé dans un accident de voiture. Ils vous auraient aussi averti qu'ils contrôleraient tout votre mouvement et qu'il serait voué à disparaître car tous vos projets seraient empêchés. Vous précisez que vos ravisseurs auraient été « des gens qui travaillent pour l'Etat (…) Puisqu'ils m'ont arrêté dans le cadre de mes activités critiques par rapport au gouvernement. Également les questions qu'ils me posaient laisser (sic) entendre qu'ils travaillent pour l'Etat » (p.14 du rapport d'entretien).
Après votre libération, vous auriez culpabilisé d'avoir signé le document et vous auriez jugé que la mort de (C) n'était pas anodine, soupçonnant vos ravisseurs d'en être les responsables « le but c'était de m'effrayer pour que je stoppe ce mouvement (…) ils voulaient me faire passer un message » (p.18 du rapport d'entretien). Vous ne seriez pas retourné à l'Université pour suivre vos cours car vos ravisseurs vous l'auraient interdit mais vous y seriez cependant retourné pour consulter des responsables du département de droit. Ceux-ci auraient reçu l'ordre d'interdire votre présence lors des cours et vous auraient expliqué que votre présence à l'Université n'était plus désirable. Vous auriez toutefois été autorisé à y retourner pour effectuer vos évaluations entre avril et juin 2019.
Ensuite, en mai 2019, (D1) alias (D2) - un ami de votre ami - aurait cofondé le « Front National de Défense de la Constitution (FNDC) ». Chargé de la mobilisation citoyenne, il aurait sillonné les quartiers de … pour recruter de nouveaux adhérents. Il vous aurait demandé si vous souhaitiez être le représentant local du FNDC, offre que vous auriez refusée après réflexion en raison des avertissements reçus en mars 2019. Plus tard, vous auriez toutefois décidé de faire conjointement avec le représentant local du FNDC des campagnes de sensibilisation auprès des habitants de votre quartier et d'organiser des réunions au domicile de votre oncle durant les mois de juin et juillet 2019.
Puis, en septembre 2019, Alpha Condé aurait fait une déclaration à partir des État-Unis pour inviter les Guinéens à participer à un référendum. Vous auriez par conséquent publié des vidéos, dont une le … septembre 2019 pour critiquer cette déclaration et les motivations anticonstitutionnelles d'Alpha Condé. Le jour suivant, un pick-up de la Gendarmerie se serait arrêté devant votre domicile en votre absence et les gendarmes auraient demandé des renseignements à votre égard à vos voisins. Ceux-ci vous en auraient averti et vous auraient conseillé de vous cacher. Vous seriez parti vous abriter pendant un mois chez votre ami nommé (E) dans la banlieue de …, à …. Vous précisez que vos anciens ravisseurs, en possession de votre liste de contacts, auraient appelé vos connaissances pour tenter de vous débusquer et se seraient présentés au commerce de votre beau-frère. Par conséquent, vous auriez décidé de fuir votre pays d'origine que vous auriez quitté le … octobre 2019.
Vous ne présentez pas de documents à l'appui de votre demande de protection internationale, vous partagez uniquement le lien d'une vidéo publiée par vous-même sur YouTube, dans laquelle vous critiquez le gouvernement de Condé, ainsi que les identifiants de vos comptes Facebook et Twitter.
2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale • Quant à la crédibilité de votre récit Avant tout autre développement en cause, il y a lieu de relever qu'il se dégage de la lecture de votre entretien ainsi que des éléments de votre dossier une série d'éléments pour le moins incohérents, contradictoires, et manifestement non plausibles mettant à mal votre crédibilité.
Premièrement, il y a lieu de mentionner que vous avez, à quelques reprises, répondu de manière erronée lorsque vous avez été interrogé sur la politique guinéenne. Vous avez par exemple affirmé que le parti au pouvoir, le RPG, aurait changé son nom en « RPG Arc-en-ciel » à partir de 2015. Or, il ressort des recherches du Ministère que le RPG aurait modifié son nom en 2012, soit trois ans auparavant, dans le cadre d'une fusion du RPG avec d'autres partis politiques - à savoir un évènement majeur et important dans l'histoire de ce parti politique - issue d'une alliance du même nom, « Alliance Arc-en-Ciel », ayant joué un rôle crucial lors de la victoire d'Alpha Condé à l'élection présidentielle de 2010. À cela s'ajoute que vous avancez que l'UFDG aurait été fondée en 2007 (p. 13 du rapport d'entretien) alors qu'en réalité, le site officiel du parti rapporte que sa création remonte à 1991 et que sa dénomination actuelle date de 1997. Finalement, concernant le FNDC, mouvement et regroupement civique dont vous prétendez avoir été « militant » (p. 20 du rapport d'entretien), vous déclarez que « De sa création au mois d'avril 2019 jusqu'au mois d'octobre 2019, il n'y a pas eu de manifestation de la part du FNDC. Les manifestations ont commencé au mois d'octobre 2019 » (p. 21 du rapport d'entretien). Or, selon les recherches du Ministère, le FNDC aurait déjà effectué une série de manifestations dès juin 2019, voir mai 2019. Ainsi, Monsieur, au vu de ces erreurs notables et notamment la dernière susmentionnée, il convient de s'interroger du degré réel de votre engagement politique alors que « Je me réclamais de l'opposition » (p. 9 du rapport d'entretien) et que vous vous qualifiez d’ « activiste de la société civile » (p. 9 du rapport d'entretien) et militant du FNDC.
Deuxièmement, il s'avère que vous n'avez déposé aucun élément en mesure de prouver vos dires en dehors d'une vidéo futile, publiée sur YouTube en février 2017, n'ayant accumulé que 43 vues, dans laquelle vous critiquez la volonté d'Alpha Condé de modifier la Constitution guinéenne. La même conclusion s'impose en ce qui concerne votre supposé compte Twitter -
dont l'inscription date de décembre 2020 soit deux mois après votre prétendu départ de Guinée - et Facebook, alors qu'aucun élément ne permet de prouver que vous en êtes le détenteur. Or ces trois sources ne permettent en rien de réellement confirmer vos dires, respectivement que vous auriez participé à des manifestations, que vous auriez publié plusieurs vidéos sur Facebook critiquant la politique guinéenne, que vous auriez été le fondateur d'un mouvement universitaire ou que vous auriez été militant auprès du FNDC.
Dans ce contexte, il convient également d'ajouter que vous restez imprécis dans votre récit et que vous répondez de manière peu détaillée et souvent abstraite. Concernant votre participation à des manifestations par exemple, vous êtes uniquement en mesure de citer celle d'août 2016 et vous prétendez ne pas vous rappeler à quelles autres manifestations vous auriez participé (p. 10 du rapport d'entretien) ; fait déconcertant pour un supposé « activiste de la société civile » (p. 9 du rapport d'entretien) alors que l'on aurait raisonnablement pu s'attendre à plus de détails de votre part quant aux dates, lieux ou motifs de ces autres manifestations. Ensuite, par rapport à votre mouvement étudiant, vous restez taciturne quant au contenu des différents flyers que vous auriez distribué au sein de votre Université, fait paradoxal alors que vous en auriez apparemment été le concepteur. De plus, vous expliquez que votre mouvement n'aurait étrangement pas porté de nom, qu'il aurait survécu à votre départ de Guinée alors que vous en auriez été le « cerveau », et qu'il disposerait d'un compte Facebook dont « Je ne me rappelle plus, il faudrait que je demande à certaines personnes le nom exact » (p. 12 du rapport d'entretien) ; réponse étonnante au vu de vos propos susmentionnés. Il y a lieu d'en conclure que vos déclarations imprécises et laconiques ne sont vraisemblablement qu'une stratégie que vous avez adoptée afin de ne permettre aucune démarche de vérification de la part du Ministère et de camoufler au mieux le caractère probablement fictif et inventé de votre récit.
Troisièmement, en ce qui concerne les faits relatifs à votre arrestation et détention, il est déconcertant que vous ne soyez pas en mesure de déterminer précisément par quels représentants des forces de l'ordre vous auriez été « kidnappé ». Vous évoquez dans un premier temps avoir été embarqué par un « pick-up de gendarmes » (p. 6 du rapport d'entretien) pour ensuite dans un deuxième temps préciser que « je ne fais pas trop la distinction entre gendarmes et autre gens en tenue, ça peut-être la brigade anticriminelle ou quelqu'un d'autre » (p. 6 du rapport d'entretien). Or, Monsieur, les uniformes et « code couleur » utilisés par les représentants des forces de l'ordre en Guinée ne permettent pas de laisser planer le doute aux citoyens guinéens quant à leur appartenance. En effet, les pickups de la gendarmerie sont généralement bleus, ont y retrouvent visiblement l'inscription « gendarmerie » en majuscule sur les côtés et le logo sur le capot avec les initiales « GN ».
Inversement, les véhicules de la brigade anticriminelle sont blancs avec les initiales « BAC » sur les côtés et sur le capot.
À cela s'ajoute que, pendant votre détention, vous expliquez tout d'abord que vos ravisseurs auraient « pris mon sac avec mon ordinateur et mes deux téléphones » (p. 6 du rapport d'entretien), puis que vous auriez été insulté et intimidé avant que votre copine tente de vous appeler sur votre téléphone : « Ma copine essayait de m'appeler. C'était marqué « Ti cœur » sur l'appel » (p. 6 du rapport d'entretien). L'agent en charge de votre entretien s'est alors logiquement interrogé sur la façon dont vous auriez pu savoir que quelqu'un vous appelait et que cet appel provenait de votre copine étant donné que vos téléphones auraient déjà été saisis par vos ravisseurs. Par conséquent, vous rectifiez votre version abruptement afin d'apporter de la cohérence au déroulement chronologique de votre récit en répondant que : « C'est une erreur de ma part. Ces deux téléphones étaient dans ma poche et un d'entre eux a vibré. L'un des ravisseurs a sorti mes téléphones de ma poche et c'est à ce moment-là que j'ai vu que ma copine appelait » (p. 13 du rapport d'entretien). Or Monsieur, la nécessité d'une telle correction - uniquement motivée par le questionnement de l'agent en charge de votre entretien - ne permet pas d'accorder de la crédibilité à vos dires et bouleverse le déroulement de votre détention de sorte que l'authenticité de celle-ci est à remettre en doute.
Ce constat est corroboré par le fait que vous mentionnez d'abord qu'un des ravisseurs serait « venu avec des vidéos que je postais sur Facebook dans lesquelles je m'adressais très mal à propos du gouvernement » (p. 6 du rapport d'entretien). Puis plus tardivement, vous rapportez que ce dernier vous aurait « demandé mon compte Facebook. Il a récupéré le compte, il a modifié le mot de passe » (p. 6 du rapport d'entretien). Or, il est étrange de constater que d'une part, ce ravisseur aurait connu votre compte Facebook, respectivement votre nom sur le réseau social, puisqu'il vous aurait montré les vidéos que vous auriez publiées dessus et que d'autre part, il aurait eu besoin de vous demander votre compte Facebook pour le récupérer et modifier le mot de passe. Il s'agit donc là de deux parties contrastantes de votre récit qui ne sauraient se chevaucher logiquement et qui renforcent les doutes précédemment émis quant à l'authenticité de votre récit.
À cet égard, il convient également de souligner le fait que vos déclarations sur votre vécu se trouvent contredites et qu'elles ne concordent pas entièrement lorsque l'on compare votre rapport d'entretien et votre fiche manuscrite du … juin 2020.
En effet, vous avez indiqué dans votre fiche manuscrite que vous auriez été « à maintes reprises arrêté et des fois, emprisonné et torturé par les forces de l'ordres (sic) de mon pays ».
Or, après analyse de votre rapport d'entretien, il appert que vous ne faites état que d'une seule arrestation ayant découlé sur une unique détention d'une semaine, et non d'éventuelles expériences similaires et multiples contrairement à ce que vous relayez dans votre fiche manuscrite en employant les termes « maintes reprises » et « des fois ». Vous évoquez également dans votre fiche manuscrite que vous auriez été « torturé » alors que, paradoxalement, vous n'avez jamais employé ce terme dans le cadre de votre entretien auprès du Ministère. Force est de constater que vous mentionnez dans votre rapport d'entretien que vous n'auriez été frappé qu’« une seule fois » (p.14 du rapport d'entretien), que vous auriez été blessé « superficiellement » (p. 14 du rapport d'entretien), sous-entendant en réalité que le degré de violence n'était pas d'une gravité élevée, que vous n'auriez pas demandé des soins après votre libération et que vous n'en auriez pas gardé des séquelles. Or, de tels propos et une telle attitude ne sont clairement pas comparables à ceux d'une personne ayant réellement été victime d'actes de torture. Partant, le défaut de convenance entre votre fiche manuscrite et votre rapport d'entretien, alors que vous avez drastiquement réduit le nombre de fois où vous auriez été arrêté et emprisonné par les forces de l'ordre guinéenne et le degré de gravité des faits de violences dont vous auriez été victime, conduit irrémédiablement à douter de votre sincérité.
Quatrièmement, en ce qui concerne votre ami (C), il n'est pas crédible et logique que d'une part les forces de l'ordre soient responsables de sa mort dans le cadre de son accident de voiture - comme vous le sous-entendez clairement en évoquant que « J'ai pensé que la mort de (C) n'était pas anodine et qu'ils l'avaient tué » (p.7 du rapport d'entretien) - alors que ce dernier s'occupait de la confection de vos flyers pour votre mouvement étudiant, et que d'autre part, les forces de l'ordre vous aient relâché alors que vous auriez été le « cerveau » de ce mouvement - en dépit du fait qu'ils vous auraient cependant menacé de mort à plusieurs reprises : « ils m'ont dit que j'allais mourir, qu'ils allaient me tuer » (p. 6 du rapport d'entretien). Il est également suspicieux que vous ayez répondu par la négative (p. 10 du rapport d'entretien) lorsque l'agent en charge de votre entretien vous demande si d'autres membres de votre mouvement auraient rencontré des difficultés avec les autorités guinéennes alors que ce fut prétendument le cas de (C).
De plus, vous faites état de plusieurs versions sur la manière dont sa mort vous aurait été apprise puis confirmée. À cet égard, il convient tout d'abord de relever le fait qu'avant de vous libérer, vos ravisseurs vous auraient informé de son décès et qu'ils vous auraient laissé consulter votre compte Facebook sur votre téléphone pour que vous puissiez vous renseigner.
Or ces informations contredisent le fait que vos ravisseurs auraient modifié le mot de passe de votre compte et que vous n'en auriez plus eu accès étant donné qu'ils vous auraient relâché directement après et que vous ne mentionnez pas leur avoir à nouveau remis votre téléphone portable. À cela s'ajoute que vous expliquez qu'après votre libération, vous auriez eu confirmation de la mort de (C) lorsque vous seriez allé voir sa famille (p.18 du rapport d'entretien) et que vous vous seriez ensuite rendu à votre Université pour « m'assurer que (C) était vraiment décédé. J'ai parlé avec des amis et ils m'ont dit qu'il était effectivement décédé » (p. 19 du rapport d'entretien). Or, il convient de souligner qu'il est aberrant que vous ayez ressenti le besoin de vous « assurer » à une deuxième reprise auprès de vos amis universitaires que (C) serait réellement mort alors que sa famille, source la plus fiable, vous l'aurait déjà confirmée précédemment.
Finalement, au vu des prétendues menaces que vous auriez reçues, il n'est pas cohérent que vous soyez retourné « plein de fois » (p. 19 du rapport d'entretien) à votre Université, et ce dès quelques jours après votre libération, alors que vos ravisseurs « m'ont dit que j'arrête d'aller à l'Université » (p. 18 du rapport d'entretien). Tout comme il n'est pas crédible que les responsables du département de droit vous auraient « fait comprendre que je devais arrêter les cours, que ma présence à l'université n'est plus souhaitée et que j'étais devenu un fardeau » (p. 7 du rapport d'entretien) et qu'en même temps, ils vous auraient tout de même autorisé à revenir pour effectuer vos évaluations.
Votre récit n'étant pas crédible, aucune protection internationale ne vous sera accordée.
Quand bien même votre récit devrait être retenu comme étant crédible, une suite positive à votre demande de protection internationale ne saurait tout de même pas être envisagée pour le(s) raisons suivantes.
• Quant au refus du statut de réfugié Aux termes de l'article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».
L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils n'émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.
Monsieur, vous déclarez avoir quitté votre pays d'origine car vous y auriez été « kidnappé », intimidé et menacé de mort par les forces de l'ordre guinéenne en raison de votre engagement politique en faveur des partis de l'opposition et contre la perspective d'une modification de la Constitution guinéenne motivée par Alpha Condé et le RPG. Votre appartenance à l'ethnie Peul aurait été un facteur aggravant puisque le principal opposant guinéen le serait également et que cette ethnie aurait été sujette à des accusations mensongères de la part du RPG en vue d'instrumentaliser la division ethnique à des fins politiques. En cas de retour dans votre pays d'origine, vous craindriez de vous faire tuer ou emprisonner.
Il appert que ces faits pourraient a priori entrer dans le champ d'application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015 étant donné que vous avancez des motifs politiques.
Cependant, il convient de souligner que tous les incidents dont vous faites état sont en lien avec le régime d'Alpha Condé et de son parti le RPG, étant donné que vous êtes persuadé d'avoir été « kidnappé », intimidé et menacé par « des gens qui travaillent pour l'État » (p. 14 du rapport d'entretien) en raison de vos « activités critiques par rapport au gouvernement » (p. 14 du rapport d'entretien).
Or, depuis votre départ de votre pays d'origine en date du … octobre 2019, il s'avère que la nouvelle Constitution proposée par Alpha Condé a été approuvée lors d'un référendum en date du 22 mars 2020. Malgré le fait que le résultat du scrutin n'a pas été reconnu par une partie significative de l'opposition, Alpha Condé disposait des coudées franches pour effectuer un troisième mandat présidentiel consécutif et il a bien été réélu dès le premier tour en novembre 2020. Après cette réélection contestée et ayant terni son image, les tensions déjà présentes pendant les mois précédant le vote se sont intensifiées. De nombreuses villes guinéennes ont ainsi été en proie à des affrontements meurtriers entre manifestants et les forces de l'ordre, la Guinée s'enlisant ainsi dans une crise post-électorale. L'apparent épilogue d'une dizaine d'année de régime Condé s'est ensuite dénoué en septembre 2021 par un coup État militaire dirigé par Mamadi Doumbouya. Depuis, la Guinée est dans une phase dont l'enjeu est d'organiser une transition pacifique et de remettre le pouvoir aux civils le plus rapidement possible.
Ainsi, il convient de noter que les éléments que vous rapportez dans votre récit sont en l'occurrence des faits isolés qui ont eu lieu dans une situation bien spécifique, à savoir sous le régime d'Alpha Condé et de son parti le RPG. Or, à ce jour la situation en Guinée n'est plus comparable à celle d'avant votre départ en date du 29 octobre 2019, étant donné le RPG n'est plus au pouvoir et qu'Alpha Condé n'est plus Président suite à sa destitution par Mamadi Doumbouya, Président de la Transition, de sorte que vos propos à ce sujet doivent désormais être perçus comme obsolètes.
Ce constat est d'autant plus renforcé par le fait que vous avez déploré dans le cadre de votre entretien que (D2), responsable de la mobilisation du FNDC au sein duquel votre adhésion en tant que militant aurait été le motif principal « qui a fait que je quitte la Guinée » (p.7 du rapport d'entretien), avait été emprisonné. Or, depuis le coup d'État de septembre 2021, ce dernier a été libéré après 16 mois d'emprisonnement par les militaires au pouvoir, tout comme 79 autres opposants politiques.
Partant, étant donné que le contexte politique et social guinéen n'est plus le même depuis votre départ de votre pays d'origine, il y a lieu d'en conclure que vous n'encourez pas, en cas de retour, d'être sujet à des actes de persécutions.
En ce qui concerne les faits que vous évoquez par rapport à votre appartenance à l'ethnie Peul, il appert que ces faits pourraient a priori entrer dans le champ d'application de la Convention de Genève, alors que ceux-ci sont liés à votre ethnie.
Cependant, il ressort de vos déclarations que vous n'auriez jamais rencontré personnellement un quelconque problème à cause de votre appartenance à l'ethnie Peul. En effet, lors des représailles qu'auraient subi les Peuls suite aux accusations mensongères d'Alpha Condé dans le cadre des élections présidentielles de 2010 et 2015 pour manipuler les ethnies à des fins politiques, vous affirmez que vous n'auriez jamais subi personnellement des répercussions mais que la situation vous aurait simplement « marqué » (p. 9 du rapport d'entretien).
Vous indiquez aussi brièvement que vos ravisseurs vous auraient soupçonné d'être engagé politiquement et d'avoir été recruté par les Peuls car « le principal opposant ou pouvoir est Peul également » (p.13 du rapport d'entretien), en faisant allusion à Cellou Dalein Diallo. Force est de constater que leurs interrogations, que vous auriez réfutées, n'auraient pas eu des conséquences néfastes à votre égard.
A cet égard, il convient de rappeler que le gouvernement d'Alpha Condé avait contribué à l'accroissement des tensions ethniques en Guinée plutôt qu'à leur apaisement.
Alpha Condé avait clairement fait preuve de favoritisme envers les Malinkés au détriment des Peuls et avait instrumentalisé les diverses ethnies pour garder le pouvoir. Or, depuis sa destitution et la prise de pouvoir de Mamadi Doumbouya, il s'avère que les Peuls ne seraient plus visés d'une quelconque manière néfaste et que « la junte veille à respecter les équilibres entre peuls, soussous, mandingues et forestiers » pour l'établissement d'un gouvernement de transition qui compose « un gouvernement représentatif, inclusif, qui évite l'ethnicisation ».
On ne saurait dès lors conclure à l'existence dans votre chef d'une crainte fondée de persécution.
Il convient d'ajouter à titre d'information que concernant la situation générale en Guinée, il se dégage des enseignements de l'arrêt de la Cour Administrative du 20 octobre 2020 (n° 44720C du rôle) que les Peuls vivent librement en Guinée et plus particulièrement dans la région de …, d'où vous proviendriez, la majorité de la population, soit environ 40,9 %, est d'ethnie peule. Il n'y existe donc pas de persécution systématique des Peuls par les autorités guinéennes.
Il appert dès lors que vous échouez à mettre suffisamment en évidence une quelconque crainte avérée de persécution dans votre chef. En effet, des craintes non circonstanciées et purement hypothétiques, à elles seules, sont insuffisantes pour établir dans votre chef une crainte fondée de persécution. Ainsi, votre simple appartenance à une ethnie spécifique ne saurait suffire pour bénéficier de la reconnaissance du statut de réfugié.
Finalement, vous déclarez que vous auriez quitté la Guinée le … octobre 2019 en prenant un vol pour vous rendre à … au Maroc avec un faux passeport. Ensuite, vous auriez traversé la Méditerranée en bateau pour vous rendre à … aux Iles Canaries avant de vous rendre en bateau à … en Espagne puis à … en voiture pour rejoindre un cousin pendant une semaine. Celui-ci vous aurait conseillé de vous rendre en France, à …, étant donné que vous parlez le français. Vous auriez donc traversé la frontière hispano-française avec un groupe de migrants et seriez resté en France de décembre 2019 à juin 2020. Pendant ces six mois, vous auriez pensé qu'une personne tierce, allait introduire une demande de protection internationale en votre nom en France au motif que « j'ai souvent entendu des gens dire qu'ils avaient été aidé par quelqu'un d'autre pour déposer une demande d'asile. Donc, j'ai fait de même » (p. 5 du rapport d'entretien). Vous concluez en disant que cette personne tierce n'aurait cependant jamais entrepris une telle démarche pour vous et que vous auriez par conséquent rejoint le Luxembourg, pensant être en Belgique.
Or, Monsieur, ce comportement est incompatible avec celui d'une personne vraiment persécutée respectivement en danger et qui serait réellement à la recherche d'une protection internationale. En effet, l'on est en droit d'attendre qu'une personne persécutée dans son pays d'origine respectivement qui est à risque de subir des atteintes graves demande une protection dès son arrivée dans le premier pays sûr, respectivement pour vous l'Espagne, puis la France, ce qui n'a manifestement pas été le cas en l'espèce. Votre attitude passive lors de votre séjour de six mois en France est également incompatible avec celle d'une personne persécutée. A cet égard, votre excuse que « Je n'ai pas cherché à me renseigner si je pouvais déposer une demande par mes soins » (p. 5 du rapport d'entretien) n'emporte pas conviction, d'autant plus que vous prétendez être diplômé en droit et que l'on peut s'attendre avec un tel bagage académique que vous auriez été en mesure de vous renseigner au préalable un minimum sur les procédures de protection internationale et de ne pas dépendre des dires d'une personne tierce inconnue.
Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.
• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.
L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.
L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Monsieur, il y a lieu de souligner qu'à l'appui de votre demande de protection subsidiaire, vous invoquez en substance les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de votre demande de reconnaissance du statut de réfugié. Or, sur base des développements et conclusions retenues qui précèdent dans le cadre du rejet du statut de réfugié, vous n'invoquez aucun autre élément additionnel susceptible de rentrer dans le champ d'application de l'article 48 précité, et vous restez en défaut de faire état d'un risque réel de faire l'objet, en cas de retour dans votre pays d'origine, d'atteintes graves, notamment de traitements inhumains ou dégradants.
En effet, force est de constater que les faits dont vous faites état et les craintes mentionnées ne revêtent pas un degré de gravité tel qu'ils puissent être assimilés à une atteinte grave au sens du prédit texte, respectivement comme des craintes fondées d'être victimes d'une atteinte grave en cas d'un retour en Guinée.
Il s'avère également de vos déclarations que vous ne risquez pas une condamnation à la peine de mort, respectivement l'exécution découlant d'une telle condamnation par les autorités de votre pays d'origine.
De plus, il appert que la situation sécuritaire ou générale dans laquelle se trouve la Guinée n'équivaut manifestement pas à celle d'un pays dans lequel se déroulent systématiquement des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle et ne tombe donc pas dans le champ d'application de l'article 48, point c) de la loi de 2015, d'autant plus que vous n'établissez aucunement que vous seriez à risque d'être personnellement visé.
Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.
Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la Loi de 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.
Suivant les dispositions de l'article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de la Guinée, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 août 2022, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à la réformation, d’une part, de la décision ministérielle du 20 juillet 2022 portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale et, d’autre part, de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
Par jugement du 15 juillet 2024, le tribunal reçut en la forme le recours en réformation en ses deux branches, au fond, le dit non justifié et en débouta le demandeur, tout en le condamnant encore aux frais de l’instance.
Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 16 août 2024, Monsieur (A) a régulièrement relevé appel de ce jugement.
Le juge administratif n’étant pas tenu de suivre l’ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie mais, dans l’intérêt de l’administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, pouvant les traiter suivant un ordre différent, la Cour constate que l’appelant soulève notamment un moyen concernant le délai dans lequel la décision ministérielle a été rendue et qui relève de la légalité externe de ladite décision. Dans le respect d’une bonne logique juridique, il y a lieu en conséquence d’examiner en premier le moyen relatif à la légalité externe avant d’examiner les moyens visant la légalité interne de ladite décision.
Quant à la légalité externe L’appelant reproche au ministre d’avoir rendu sa décision en dehors du délai prévu à l’article 26, paragraphe (3), point b), de la loi du 18 décembre 2015. Selon l’appelant, la conséquence du non-respect de ce délai serait l’annulation de la décision ministérielle.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen et demande la confirmation du jugement sur ce point.
L’article 26 de la loi du 18 décembre 2015 dispose comme suit :
« (1) Le ministre procède à un examen individuel de la demande de protection internationale dans le respect des garanties procédurales prévues à la section 1. Il veille à ce que la procédure soit menée à terme dans les meilleurs délais et au plus tard dans les six mois à compter de l’introduction de la demande, sans préjudice d’un examen approprié et exhaustif.
Lorsqu’une demande est soumise à la procédure définie par le règlement (UE) n° 604/2013, le délai de six mois commence à courir à partir du moment où conformément à ce règlement, il a été déterminé que l’examen de la demande relève de la compétence du Grand-Duché de Luxembourg et où le demandeur se trouve sur le territoire et a été pris en charge par le ministre.
Lorsqu’une décision ne peut pas être prise dans un délai de six mois, le demandeur concerné est informé du retard et reçoit, lorsqu’il en fait la demande, des informations concernant les raisons du retard et le délai dans lequel sa demande est susceptible de faire l’objet d’une décision.
(2) Le délai de six mois prévu au paragraphe (1) peut être prolongé d’une durée ne pouvant excéder neuf mois supplémentaires lorsque :
a) des questions factuelles ou juridiques complexes entrent en jeu ;
b) du fait qu’un grand nombre de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides demandent simultanément une protection internationale, il est très difficile, en pratique, de conclure la procédure dans le délai de six mois ;
c) le retard peut être clairement imputé au non-respect, par le demandeur, des obligations qui lui incombent au titre de l’article 12.
Exceptionnellement, les délais prescrits peuvent, dans des circonstances dûment justifiées, être dépassés de trois mois au maximum lorsque cela est nécessaire pour assurer un examen approprié et exhaustif de la demande de protection internationale.
(3) Sans préjudice des articles 46 et 51, la conclusion de la procédure d’examen peut être différée lorsque l’on ne peut raisonnablement s’attendre à ce que le ministre se prononce dans les délais prévus aux paragraphes (1) et (2), en raison d’une situation incertaine dans le pays d’origine qui devrait être temporaire. En pareil cas, le ministre :
a) procède, au moins tous les six mois, à l’examen de la situation dans ce pays d’origine ;
b) informe les demandeurs concernés, dans un délai raisonnable, des raisons du report.
En tout état de cause, la procédure d’examen est conclue dans un délai maximal de vingt et un mois à partir de l’introduction de la demande. (…) ».
Les premiers juges ont correctement analysé cette disposition en ce sens qu’elle établit un calendrier à charge du ministre dans le cadre de la procédure d’un examen individuel d’une demande de protection internationale. Ainsi, il incombe au ministre de veiller à ce que la procédure soit menée à terme dans les meilleurs délais et au plus tard dans les six mois à compter de l’introduction de la demande, sans préjudice d’un examen approprié et exhaustif.
Si ce délai ne peut pas être respecté, le ministre informe le demandeur concerné du retard, et fournit, lorsque le demandeur en fait la demande, des informations concernant les raisons de ce retard et le délai dans lequel sa demande est susceptible de faire l’objet d’une décision. Si les conditions énumérées à l’article 26, paragraphe (2), précité, sont remplies, le délai peut être prolongé d’une durée ne dépassant pas neuf mois. Exceptionnellement, les délais prescrits peuvent, dans des circonstances dûment justifiées, être dépassés de trois mois au maximum lorsque cela est nécessaire pour assurer un examen approprié et exhaustif de la demande de protection internationale. Finalement, si une décision ne peut pas être prise dans les délais prévus aux paragraphes (1) et (2) de l’article 26, précité, en raison d’une situation incertaine dans le pays d’origine, la durée de la procédure d’examen peut être prorogée jusqu’à un maximum de vingt-et-un mois à partir de l’introduction de la demande.
En l’espèce, il est vrai que l’appelant a déposé sa demande de protection internationale le 22 juin 2020 et qu’elle a fait l’objet d’une décision ministérielle de rejet en date du 20 juillet 2022, soit plus de vingt-et-un mois après la date du dépôt.
Si le ministre a effectivement informé l’appelant, par courrier du 14 janvier 2021, qu’aucune décision concernant sa demande de protection internationale n’avait pu être prise endéans le délai d’examen de six mois et que ledit délai était prolongé, il ne ressort d’aucune pièce ni d’aucun autre élément versé au dossier administratif que les conditions du paragraphe (2) de l’article 26 de la loi du 18 décembre 2015, permettant une prolongation du délai de neuf mois, étaient remplies, ni a fortiori que l’appelant ait été informé des circonstances justifiant un dépassement de trois mois des délais précités par application du paragraphe (3) de l’article 26 de ladite loi et que la procédure d’examen de sa demande de protection internationale n’ait pas pu être conclue dans un délai maximal de vingt-et-un mois.
Les premiers juges ont souligné à juste titre d’une part, que le législateur n’a assorti d’aucune sanction le non-respect par le ministre du délai légal maximal de continuation de la procédure d’examen d’une demande de protection internationale et d’autre part, que le dépassement dudit délai ne saurait justifier à lui seul la reconnaissance du statut de réfugié ou de celui de la protection subsidiaire sans un examen de la situation particulière du demandeur de protection internationale au regard des conditions pour l’octroi d’un de ces deux statuts ni, par ailleurs, l’annulation de la décision litigieuse, pareille sanction impliquant, tel que les premiers juges l’ont relevé à juste titre, encore plus de retard dans l’analyse des décision de protection internationale. Ledit délai doit partant être qualifié de délai d’ordre dont le non-respect n’emporte pas l’annulation automatique de la décision ministérielle prise après son expiration.
En outre, il est certes compréhensible que la durée de la procédure d’examen de la demande de protection internationale au-delà des délais prévus par l’article 26 de la loi du 18 décembre 2015 puisse être ressentie comme préjudiciable par le demandeur de protection internationale concerné dont le sort est précaire et incertain et qui vit pendant une période prolongée de plus de vingt-et-un mois, d’une part, dans l’illusion d’un établissement potentiel au Luxembourg et, d’autre part, dans la crainte d’un retour vers son pays d’origine. Cependant, ladite durée n’est pas de nature à lui causer un véritable préjudice pouvant affecter la validité de la décision ministérielle prise après l’expiration du délai maximal, étant donné qu’il bénéficie toujours du droit à un examen de sa demande de protection internationale dans le cadre duquel le ministre doit également tenir compte de la situation existant dans son pays d’origine au moment où il statue.
Il s’ensuit, comme les premiers juges ont jugé à bon escient, que le non-respect par le ministre des délais prévus par l’article 26 de la loi du 18 décembre 2015 demeure sans incidence sur la légalité de la décision déférée. Le moyen afférent de l’appelant est partant à rejeter.
Quant à la légalité interne Moyens des parties En fait, l’appelant affirme qu’il serait ressortissant guinéen et qu’il aurait été contraint de quitter son pays d’origine après y avoir subi des actes de persécution du fait, d’une part, de son appartenance ethnique et, d’autre part, de ses prises de position contre le président guinéen alors au pouvoir, Monsieur Alpha CONDE. L’appelant affirme qu’il aurait été torturé, séquestré et menacé de mort par les forces de l’ordre « au solde » du régime de Monsieur Alpha CONDE.
L’appelant reproche au ministre d’avoir retenu que la junte militaire actuellement au pouvoir en Guinée, aurait mis fin aux actes de persécution et de discrimination visant notamment les Peuls. Il affirme qu’au contraire l’arrivée au pouvoir des militaires aurait aggravé les persécutions à l’encontre des opposants politiques. L’appelant invoque notamment une vidéo qu’il aurait versée au dossier et qui concernerait l’enlèvement des militants du Front national pour la défense de la constitution, ci-après le « FNDC », à savoir des dénommés (F) et (D2). D’après lui, il s’agirait d’une disparition forcée d’opposants, perpétrée par les forces de défense et sécurité guinéennes, c’est à dire les mêmes personnes que celles qui auraient perpétré les répressions sous le régime de Monsieur Alpha CONDE. Conséquemment, l’appelant affirme que le régime de la junte militaire actuellement au pouvoir n’aurait rien changé s’agissant des répressions, contrairement aux affirmations ministérielles.
En droit, l’appelant affirme qu’à aucun moment les premiers juges n’auraient remis en cause la crédibilité de son récit. Il en conclut que la réalité de son récit serait établie et notamment le fait qu’il aurait été enlevé, séquestré, torturé et menacé de mort. La seule chose que les premiers juges auraient remise en cause serait l’actualité de ses craintes. L’appelant affirme que les premiers juges auraient, en effet, retenu que le changement de régime civil en régime militaire constituerait la fin de la répression des opposants politiques et que, par conséquent, ses craintes du fait des répressions subies sous le régime du président Alpha CONDE ne seraient plus d’actualité. L’appelant réfute ces conclusions des premiers juges et se réfère à un article publié le 12 juillet 2024, intitulé « En Guinée, des opposants disparus de force auraient été torturés ». D’après lui, cet article, prouverait que le pouvoir actuellement en place en Guinée serait encore pire que celui d’Alpha CONDE s’agissant de la répression des opposants politiques.
Il ajoute que les ressortissants d’ethnie Peul seraient particulièrement visés par la junte militaire et surtout s’il s’agit d’activistes ou d’opposants et que par conséquent, ce serait à tort que les premiers juges auraient retenu qu’il n’aurait pas subi des persécutions du fait de son appartenance à cette ethnie.
L’appelant affirme qu’il remplirait donc les critères de fond de l’article 2, point f), de la loi du 18 décembre 2015.
Concernant l’octroi de la protection subsidiaire, il affirme que ce serait à tort que les premiers juges avaient retenu qu’il n’y aurait pas de violence aveugle en Guinée … au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015. Il affirme qu’au contraire, la Guinée … serait en proie à une violence aveugle qui serait perpétrée par la junte militaire au pouvoir.
L’appelant se réfère notamment à un article publié sur le site internet de l’organisation non gouvernementale Amnesty International qui ferait état de repressions et de violences aveugles de la part des forces de sécurité guinéennes.
La partie étatique, pour sa part, demande la confirmation du jugement. D’après le délégué du gouvernement l’appelant n’aurait apporté aucun élément nouveau dans sa requête d’appel et aurait soulevé les mêmes arguments qu’en première instance.
Il affirme également que les premiers juges n’auraient pas pris position concernant la crédibilité du récit de l’appelant. Or, d’après lui le récit de l’appelant ne serait manifestement pas crédible.
Ensuite, la partie étatique affirme que l’appelant n’aurait toujours pas rapporté la preuve qu’il serait encore dans le collimateur des autorités guinéennes, alors que le président Alpha CONDE, contre lequel l’appelant affirme s’être opposé, ne serait plus au pouvoir depuis septembre 2021. Ainsi, le contexte politique ne serait plus le même depuis que l’appelant a quitté son pays d’origine. Le délégué du gouvernement affirme que l’appelant n’encourrait pas de risque de persécutions en cas de retour dans son pays d’origine et demande de confirmer l’analyse des premiers juges sur ce point.
Les craintes de l’appelant du fait de son appartenance à l’ethnie Peul, sont qualifiés par la partie étatique comme non circonstanciées et comme étant purement hypothétiques. Le délégué du gouvernement demande donc également la confirmation de l’analyse des premiers juges sur ce point.
Enfin, il demande de confirmer le refus de l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire et affirme que l’appelant aurait invoqué uniquement le point c) de l’article 48 de la loi modifiée du 18 décembre 2015, mais n’apporterait pas la preuve que toute personne se trouvant sur le territoire guinéen risquerait de subir des atteintes graves au sens cette même disposition et que, par conséquent, le jugement devrait être confirmé sur ce point tout comme l’ordre de quitter le territoire.
Analyse de la Cour Il se dégage de la combinaison des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe 1er, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.
Il s’y ajoute que la définition du réfugié contenue à l’article 2 sub f), de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2 sub g), de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur de protection internationale ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du juge devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.
Cela dit, sur le vu des faits de la cause qui sont les mêmes que ceux soumis aux juges de première instance, la Cour arrive à la conclusion que les premiers juges les ont appréciés à leur juste valeur et en ont tiré des conclusions juridiques exactes et ce indépendamment de la question de la crédibilité du récit, non examinée par les premiers juges.
Les craintes invoquées par l’appelant sont liées (i) à son opposition au régime de l’ancien président de la Guinée, Alpha CONDE et (ii) à son appartenance à l’ethnie Peul.
Tout d’abord, concernant ses craintes liées à son opposition au régime de l’ancien président de la Guinée, Alpha CONDE, et tel que relevé par la partie étatique et retenu à bon droit par les premiers juges, le pouvoir par rapport auquel l’appelant déclare avoir été dans l’opposition n’est plus en place actuellement de sorte qu’il n’a plus à craindre des persécutions de ce même pouvoir. De plus, l’appelant ne rapporte aucun élément qui prouverait qu’il serait encore dans un mouvement d’opposition au pouvoir actuellement en place. Par conséquent, le vécu de l’appelant du fait d’une activité d’opposition telle qu’il déclare avoir eu face au pouvoir d’Alpha CONDE et des persécutons qu’il aurait subi ne sont pas transposables ipso facto à la nouvelle situation politique qui a cours en Guinée.
La Cour constate, à cet égard, qu’à la suite du coup d’Etat qui a eu lieu le 5 septembre 2021, c’est un pouvoir militaire qui s’est installé et que la transmission du pouvoir à un gouvernement civil ou le referendum sur une nouvelle constitution n’a pas encore eu lieu. Il ressort certes des différentes publications soumises à la Cour que le régime actuellement en place a fortement limité un certain nombre de libertés telles que la liberté de manifester ou la liberté d’expression. La Cour constate également qu’il existe des soupçons que des figures importantes du FNDC auraient été enlevées et que les responsables de ces enlèvements seraient des personnes liées aux autorités actuellement au pouvoir. Toutefois, il y a lieu de retenir que ces personnes ont ouvertement pris position contre le pouvoir en place et ont notamment défié l’interdiction de manifester. Par conséquent, il ne saurait être fait un parallèle entre leur situation et celle de l’appelant qui a quitté la Guinée en 2019 et n’a point participé à l’opposition au pouvoir actuellement en place.
De plus, il n’y a aucun élément qui permettrait de conclure qu’actuellement toute personne appartenant ou ayant appartenu au mouvement du FNDC serait réprimée par les autorités guinéennes.
Ainsi, c’est à bon droit que les premiers juges ont retenu que les craintes de persécution exprimées par l’appelant étant liés uniquement au régime de l’ancien président Alpha CONDE, celles-ci ne sont plus d’actualité et que ses craintes mises en avant par rapport au régime politique actuellement en place revêtent essentiellement un caractère hypothétique.
Ensuite, quant aux affirmations de l’appelant selon lesquelles il risquerait de subir des persécutions en raison de son appartenance à l’ethnie Peul, la Cour partage le même constat que les premiers juges et d’après lequel il ressort des déclarations de l’appelant qu’il n’a jamais subi des persécutions concrètes ou des traitements discriminatoires en raison de son ethnie.
C’est donc encore à bon droit que les premiers juges ont conclu qu’aucun élément du dossier ne permet de retenir qu’en cas de retour dans son pays d’origine, l’appelant risque de subir des persécutions du fait de son appartenance à l’ethnie Peul.
En outre, les premiers juges ont correctement retenu qu’il ressort des documents versés par le délégué du gouvernement et plus précisément de l’article publié par le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides belges le 23 mars 2023, intitulé « la situation ethnique », que les Peuls représentent 40% de la population guinéenne. Ils se sont référés de manière pertinente à l’arrêt de la Cour du 20 octobre 2020, n°44720C du rôle, tel qu’invoqué par le délégué du gouvernement, que « les Peuls vivent librement en Guinée et que plus particulièrement dans la région […] dont Monsieur … est originaire, la majorité de la population, soit environ 40,9%, est d’ethnie peule. S’il y a des tensions inter-ethniques en Guinée, cela est le plus souvent l’œuvre des hommes politiques, particulièrement en période électorale, qui alimentent les clivages entre les différentes communautés ethniques et la violence dans le pays. » Or, l’appelant n’a apporté aucun élément probant qui permet de conclure que ce constat ne serait plus d’actualité.
C’est partant à bon droit que les premiers juges ont approuvé le refus de l’octroi du statut de réfugié politique à l’appelant.
Concernant la demande tendant à l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire, ledit octroi est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire. La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 48 ».
Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejoindre les premiers juges et de retenir qu’il n’existe pas davantage d’éléments susceptibles d’établir, sur la base des mêmes faits que ceux exposés en vue de se voir reconnaître le statut de réfugié, qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que l’appelant courrait, en cas de retour dans son pays d’origine, un risque réel et avéré de subir, à raison de ces mêmes faits, des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, l’intéressé omettant d’établir qu’en cas de retour en Guinée, il risquerait la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. En effet, la Cour fait sienne l’analyse des premiers juges des affirmations de l’appelant selon lesquelles il y aurait une violence aveugle en Guinée. C’est à bon droit que les premiers juges se sont référés à la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne concernant l’interprétation de la notion de violence aveugle et de conflit armé pour arriver à la conclusion qu’actuellement, au vu des éléments dont dispose également la Cour, la situation sécuritaire en Guinée ne correspond pas à un contexte de violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé interne ou international au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015.
Partant, il y a également lieu de déclarer non fondée la demande de protection subsidiaire de l’appelant et de confirmer le jugement a quoi sur ce point.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre, puis les premiers juges, ont rejeté la demande de protection internationale prise en son double volet et que le jugement est à confirmer sous ce rapport.
L’appelant sollicite encore la réformation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision de refus de la protection internationale, comme conséquence de l’octroi d’une protection internationale.
Dans la mesure où le jugement entrepris est à confirmer en ce qu’il a refusé à l’appelant le statut de protection internationale – statut de réfugié et protection subsidiaire – et que le refus d’octroi de pareil statut est automatiquement assorti d’un ordre de quitter le territoire par le ministre, la demande de réformation de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter à son tour et le jugement est à confirmer en ce qu’il a refusé de réformer ledit ordre.
PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 16 août 2024 en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute l’appelant, partant, confirme le jugement entrepris du 15 juillet 2024, condamne l’appelant aux dépens de l’instance de l’appel.
Ainsi délibéré et jugé par:
Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu à l’audience publique du 11 février 2025 au local ordinaire des audiences de la Cour par le premier conseiller Lynn SPIELMANN, délégué à ces fins, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.
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