La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/01/2025 | LUXEMBOURG | N°51811C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 28 janvier 2025, 51811C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 51811C ECLI:LU:CADM:2025:51811 Inscrit le 12 novembre 2024 Audience publique du 28 janvier 2025 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 15 octobre 2024 (n° 48178 du rôle) en matière de police des étrangers Vu l’acte d’appel inscrit sous le numéro 51811C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 12 novembre 2024 par Maître Patrice Rudatinya MBONYUMUTWA, avocat à la Cour, assisté de Maître Marie MALDAGUE, avocat à la Cour, tous deux inscrits au tableau de lâ

€™Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 51811C ECLI:LU:CADM:2025:51811 Inscrit le 12 novembre 2024 Audience publique du 28 janvier 2025 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 15 octobre 2024 (n° 48178 du rôle) en matière de police des étrangers Vu l’acte d’appel inscrit sous le numéro 51811C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 12 novembre 2024 par Maître Patrice Rudatinya MBONYUMUTWA, avocat à la Cour, assisté de Maître Marie MALDAGUE, avocat à la Cour, tous deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Albanie), de nationalité albanaise, demeurant à L-…, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 15 octobre 2024 (n° 48178 du rôle) par lequel ledit tribunal l’a débouté de son recours tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 19 mai 2022 portant retrait de son droit de séjour de membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne, déclarant son séjour sur le territoire luxembourgeois irrégulier et portant ordre de quitter le territoire, ainsi que d’une décision confirmative de refus du même ministre du 8 août 2022, intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 14 novembre 2024 pour compte de l’Etat ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 14 janvier 2025.

En date du … 2018, Monsieur (A), de nationalité albanaise, contracta mariage avec Madame (B), de nationalité italienne, à Luxembourg.

1Le lendemain, il demanda une carte de séjour de membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, ci-après « le ministère », carte qui lui fut délivrée le 19 juillet 2018, valable jusqu’au 21 juin 2023.

Par jugement du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du … 2020, le divorce fut prononcé entre Monsieur (A) et Madame (B).

Par courriers des 4 mai et 12 août 2021, celui daté du 12 août 2021 ayant été notifié à l’intéressé en mains propres le 15 avril 2022, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après « le ministre », informa Monsieur (A) de son intention de lui retirer son droit de séjour en application de l’article 17, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après « la loi du 29 août 2008 », et l’invita à présenter ses observations y relatives endéans un mois.

Par courrier daté du 18 mai 2022, réceptionné par la direction de l’Immigration le 20 mai 2022, Monsieur (A), par l’intermédiaire de (CC) ASBL, ci-après « (CC) », présenta ses observations par rapport à la décision ministérielle envisagée.

Par décision du 19 mai 2022, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée avec accusé de réception le 21 mai 2022, le ministre retira à Monsieur (A) son droit de séjour de membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne, déclara son séjour irrégulier et lui ordonna de quitter le territoire luxembourgeois dans un délai de trente jours. Cette décision est libellée comme suit :

« (…) En date du 12 août 2021, je vous ai informé que vous étiez susceptible de perdre le droit de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union en application de l'article 17, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration.

Suite à un réexamen de votre dossier, je regrette de devoir constater qu'aucune observation ne m'a été communiquée suite au courrier précité.

Vous avez donc perdu votre droit de séjour de membre de famille d'un citoyen de l'Union en raison de votre divorce avec Madame (B), conformément à l'article 17 (3) précité et votre carte de séjour de membre de famille d'un citoyen de l'Union vous est retirée conformément à l'article 25 (1) de la même loi.

Etant donné que vous ne disposez d'aucune autorisation de séjour pour une durée supérieure à trois mois, votre séjour est considéré comme irrégulier, conformément à l'article 100, paragraphe (1), point c) de la loi du 29 août 2008 précitée.

Au vu des développements qui précèdent et en application de l'article 111, paragraphes (1) et (2) de la même loi, vous êtes obligé de quitter le territoire endéans un délai de trente jours à partir de la notification de la présente, soit à destination du pays dont vous avez la nationalité, l'Albanie, soit à destination du pays qui vous a délivré un document de voyage en cours de validité, soit à destination d'un autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner.

A défaut de quitter le territoire volontairement, l'ordre de quitter sera exécuté d'office et vous serez éloigné par la contrainte. (…) ».

2 Par courrier de son mandataire du 15 juin 2022, réceptionné par le ministère le 20 juin 2022, Monsieur (A) fit introduire un recours gracieux contre la décision ministérielle du 19 mai 2022.

Par courrier du 1er juillet 2022, le ministre prit position par rapport aux observations de Monsieur (A) lui parvenues par le courrier de (CC) du 18 mai 2022.

Par courrier du 20 juillet 2022, (CC) présenta de nouvelles observations au ministre et sollicita le réexamen du dossier de Monsieur (A).

Par courrier du 28 juillet 2022, réceptionné par le ministère le 8 août 2022, Monsieur (A) s’adressa au ministre pour solliciter « le droit de séjour qui [lui] permettrait de poursuivre le projet de vie personnelle et professionnelle (…) entamé ».

Par décision du 8 août 2022, notifiée au mandataire de l’intéressé par lettre recommandée avec accusé de réception le 10 août 2022, le ministre rejeta le recours gracieux de Monsieur (A) dans les termes suivants :

« (…) J'accuse réception de votre recours gracieux du 15 juin 2022, qui m'est parvenu le 20 juin 2022.

Monsieur (A) s'est vu notifier en date du 21 mai 2022 une décision du 19 mai 2022 l'informant de la perte de son droit de séjour de membre de famille d'un citoyen de l'Union, du retrait de sa carte de séjour et lui ordonnant de quitter le territoire endéans un délai de trente jours.

Je suis au regret de vous informer que vos observations ne sont pas de nature à justifier le maintien du droit de séjour de membre de famille d'un citoyen de l'Union de Monsieur (A) et n'ont partant pas d'incidence sur la décision du 19 mai 2022 susmentionnée, que je maintiens.

Monsieur (A) se trouvant en séjour irrégulier sur le territoire, il est obligé de quitter le pays conformément à la décision intervenue.

Je précise que le fait qu'au moment de la prise de décision, Monsieur (A) participait à une mesure d'activation et touchait une allocation d'activation, mesure d'assistance sociale à charge de l'Etat, n'est pas suffisant au vu des conditions légales exigées pour entrer dans le bénéfice d'une des catégories d'autorisation de séjour prévues par l'article 38 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration.

Enfin, j'ajoute par acquis de conscience que le contrat de travail du 4 juillet 2022 que Monsieur (A) a envoyé à la Direction de l'immigration par l'intermédiaire de (CC) a.s.b.l. par courrier du 20 juillet 2022 a été conclu tardivement, à un moment où Monsieur (A) aurait déjà dû avoir quitté le territoire, de sorte qu'il ne saurait être pris en considération sous peine d'avaliser un détournement de la législation en vigueur en matière d'immigration. Il y a lieu de rappeler que conformément à l'article 39 de la loi du 29 août 2008 susmentionnée, la demande en obtention d'une autorisation de séjour est à faire avant l'entrée sur le territoire. (…) ».

Par courrier du 19 août 2022, Monsieur (A) fut convoqué à un entretien au ministère pour le 25 août 2022 en vue de l’organisation d’un retour volontaire dans son pays d’origine.

3 Par courrier électronique du 22 août 2022, le mandataire de Monsieur (A) informa les services ministériels de la décision du concerné « d’exécuter volontairement la décision en quittant le territoire de Luxembourg en date du 20 août 2022 à destination de l’Albanie, son pays d’origine ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 novembre 2022, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à l’annulation des décisions des 19 mai 2022 et 8 août 2022.

Par un jugement du 15 octobre 2024, le tribunal administratif rejeta ce recours comme étant non fondé.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 12 novembre 2024, Monsieur (A) a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Arguments des parties A l’appui de son appel, l’appelant fait valoir qu’il aurait toujours travaillé, qu’il aurait bénéficié d’une mesure d’activation ONIS en mai 2022 et d’un contrat de travail à durée indéterminée depuis le 1er juillet 2022, ce dont le ministre aurait eu connaissance. Le tribunal aurait dès lors à tort retenu que l’article 26 de la loi du 29 août 2008 n’était pas applicable.

Comme au moment de la prise des décisions de retrait du titre de séjour, il aurait encore été un membre de famille puisqu'il disposait de ce titre et comme il aurait travaillé au moment du retrait de son titre de séjour de membre de famille, le ministre aurait dû le considérer comme un travailleur au sens de l’article 26 de la loi du 29 août 2008, de sorte qu’il ne pouvait pas être éloigné et que le tribunal aurait à tort retenu que ledit article 26 ne lui était pas applicable.

Ce serait d’ailleurs parce qu’il était bien un travailleur qu’il avait introduit en décembre 2022 une demande de titre de séjour en tant que travailleur salarié, estimant en remplir les conditions légales.

Ce serait, par ailleurs, à tort que le tribunal a estimé que la considération que son mariage n’était pas frauduleux n’était pas pertinente, dans la mesure où la ratio legis de l’article 17, paragraphe (3), point 1, de la loi du 29 août 2008 était justement la lutte contre les mariages frauduleux, dits mariages « blancs ».

L’appelant donne à considérer que le principe même de la fixation d’un seuil de trois ans serait discutable, puisqu’il impliquerait une présomption selon laquelle un mariage ayant duré moins de trois ans serait frauduleux. Cette prémisse ne serait pas adéquate et même « perverse », puisque ceux ayant contracté un mariage blanc afin de régulariser leur séjour seraient de toute façon attentifs aux prescriptions légales et plus particulièrement à la durée du mariage.

Le ministre aurait dû prendre en compte le fait que son mariage aurait duré 2,5 ans et qu’il n’aurait pas été contracté de manière frauduleuse.

Comme l’article 13, paragraphe (3), de la loi du 29 août 2008 ne prévoyait pas le retrait automatique du droit de séjour du ressortissant de pays tiers membre de famille du citoyen de 4l'Union, le ministre aurait dû s’abstenir de prendre la décision de retrait litigieuse. A défaut, il aurait commis un excès de pouvoir.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet de l’appel et à la confirmation du jugement a quo.

Analyse de la Cour La décision du 19 mai 2022, confirmée le 8 août 2022 sur recours gracieux, comporte deux volets, à savoir, d’une part, le retrait du droit de séjour d’un membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne et, d’autre part, une décision de retour consistant dans le constat du séjour irrégulier et de l’ordre de quitter le territoire.

Quant à la décision de retrait du droit de séjour d’un membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne La décision litigieuse est fondée sur les articles 17, paragraphe (3), point 1. et 25, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, étant relevé que le titre de séjour dont disposait l’appelant était fondé sur l’article 24 de la même loi.

L’article 24 de la loi du 29 août 2008 dispose que :

« (1) Le citoyen de l’Union et les membres de sa famille ont un droit de séjour tel que prévu aux articles 5 et 13 tant qu’ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale.

(2) Ils ont un droit de séjour d’une durée supérieure à trois mois tant qu’ils remplissent les conditions prévues aux articles 6, paragraphe (1) et 7 ou aux articles 14 et 16 à 18. (…) ».

L’article 25 de la même loi dispose que :

« (1) En cas de non-respect des conditions visées à l’article 24, paragraphes (1) et (2) ou en cas d’abus de droit ou de fraude, le citoyen de l’Union et les membres de sa famille peuvent faire l’objet d’une décision de refus de séjour, d’un refus de délivrance ou de renouvellement d’une carte de séjour ou d’un retrait de celle-ci et, le cas échéant d’une décision d’éloignement. (…) ».

Les premiers juges ont à juste titre déduit de ces dispositions légales que les membres de famille d’un citoyen de l’Union européenne ont un droit de séjour d’une durée supérieure à trois mois tant qu’ils remplissent les conditions prévues à l’article 17 de la loi du 29 août 2008 et qu’en cas de non-respect de ces conditions, ils peuvent faire l’objet d’une décision de retrait de leur carte de séjour.

L’article 17, paragraphe (3), de la loi du 29 août 2008 dispose ce qui suit :

« (3) Le divorce, l’annulation du mariage ou la rupture du partenariat du citoyen de l’Union n’entraîne pas la perte du droit de séjour des membres de sa famille ressortissants de pays tiers, si une des conditions suivantes est remplie :

51. le mariage ou le partenariat enregistré a duré au moins trois ans avant le début de la procédure judiciaire de divorce ou d’annulation ou la rupture, dont un an au moins au pays ;

2. la garde des enfants du citoyen de l’Union a été confiée, par accord entre les conjoints ou les partenaires ou par décision de justice, au conjoint ou au partenaire ressortissant de pays tiers ;

3. des situations particulièrement difficiles l’exigent, notamment lorsque la communauté de vie a été rompue en raison d’actes de violence domestique subis ;

4. le conjoint ou le partenaire ressortissant de pays tiers bénéficie, par accord entre les conjoints ou partenaires ou par décision de justice, d’un droit de visite à l’enfant mineur, à condition que le juge ait estimé que les visites devaient avoir lieu au pays et aussi longtemps qu’elles sont jugées nécessaires. ».

Il se dégage de cette disposition que si, en cas de divorce, le droit de séjour du membre de la famille du citoyen de l’Union européenne, ressortissant de pays tiers, ne se perd pas, tel n’est le cas que si l’une des conditions mentionnées aux points 1 à 4 de cette disposition est remplie. A contrario et tel que les premiers juges l’ont relevé à juste titre, le divorce entraîne la perte du droit de séjour du membre de la famille ressortissant de pays tiers si aucune des quatre conditions mentionnées aux points 1 à 4 de l’article de 17, paragraphe (3), de la loi du 29 août 2008 n’est remplie.

Tel que cela a été relevé par les premiers juges et tel que cela est admis par l’appelant, si, en tant que ressortissant de pays tiers, il était marié à une ressortissante de l’Union européenne et qu’en tant que tel il a pu bénéficier d’un titre de séjour, le constat s’impose que le mariage a duré moins de trois ans avant le début de la procédure judiciaire de divorce, celle-ci ayant, suivant un jugement du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du … 2020, débuté le … 2020 et le mariage ayant été contracté le … 2018, de sorte que l’appelant ne remplit pas la condition de durée minimale du mariage inscrite au point 1, de l’article 17, paragraphe (3), de la loi du 29 août 2008.

A l’instar des premiers juges, la Cour constate ensuite qu’il n’est par ailleurs pas contesté que Monsieur (A) ne remplit aucune des autres conditions prévues aux points 2 à 4 du paragraphe (3) de l’article 17, précité.

Il s’ensuit qu’à défaut pour l’appelant de remplir une quelconque des conditions inscrites aux points 1 à 4 de l’article 17, paragraphe (3), de la loi du 29 août 2008, le ministre avait le droit de lui retirer le droit de séjour en tant que membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne sur base des articles 17, paragraphe (1), 24 et 25 de la loi du 29 août 2008, l’article 25 de cette loi donnant au ministre la faculté de procéder au retrait du titre de séjour en cas de non-respect des conditions visées à l’article 24, paragraphes (1) et (2), de la même loi, parmi lesquelles figure celle inscrite à l’article 17, subordonnant le maintien du droit de séjour du membre de famille ressortissant de pays tiers au respect de l’une des conditions mentionnées aux points 1 à 4 de cette disposition.

C’est à tort que l’appelant conclut à un excès de pouvoir dans le chef du ministre au motif que la durée minimale du mariage, telle que prévue au point 1. de l’article 17, paragraphe (3), précité, serait inappropriée pour répondre à la ratio legis, à savoir la volonté de lutter contre les mariages blancs. La condition de durée de trois ans telle qu’inscrite dans la loi, correspondant d’ailleurs à celle prévue par l’article 13, alinéa 2, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats 6membres, étant claire et la loi ne prévoyant aucune exception, le ministre pouvait valablement se baser sur le seul constat objectif que le mariage avait duré moins de 3 ans, sans avoir eu à examiner concrètement la sincérité du mariage de l’appelant, voire sans avoir à prendre en compte, au risque de se voir reprocher un excès de pouvoir, des considérations tendant à établir l’absence de caractère frauduleux de ce mariage.

La Cour rejoint encore les premiers juges dans leur analyse selon laquelle l’article 26 de la loi du 29 août 2008, invoqué par l’appelant au motif qu’il serait à qualifier de « travailleur », ne s’applique pas en l’espèce. En effet, l’article 26 de la loi du 29 août 2008, qui dispose que : « Par dérogation à l'article 25, paragraphe (1), mais sans préjudice de l'article 27, le citoyen de l'Union et les membres de sa famille ne peuvent être éloignés du territoire lorsque le citoyen de l'Union est un travailleur, ou s'il est entré sur le territoire luxembourgeois pour chercher un emploi durant une période n'excédant pas six mois ou pour une période plus longue, s'il est en mesure de rapporter la preuve qu'il continue à chercher un emploi et qu'il a de réelles chances d'être engagé », vise l’hypothèse où c’est le citoyen de l’Union européenne qui est un « travailleur », et non pas celle où ses membres de famille, ressortissants de pays tiers, voire, comme en l’espèce, ses anciens membres de famille ressortissants de pays tiers, occupent un travail rémunéré. L’argumentation afférente de l’appelant, réitérée en instance d’appel, n’est dès lors pas de nature à mettre en échec la légalité de la décision litigieuse.

C’est encore en vain que l’appelant se réfère de manière plus générale à des perspectives d’un emploi rémunéré, respectivement à la procédure de demande d’autorisation afférente introduite par lui, dans la mesure où de telles considérations ne constituent pas un empêchement pour le ministre de retirer le titre de séjour au membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne, lui-même ressortissant de pays tiers si les conditions de ce retrait telles que sus-énoncées sont remplies, l’intéressé restant libre de faire les démarches nécessaires pour solliciter un titre de séjour à un autre titre s’il estime en remplir les conditions légales, cette question dépassant toutefois le cadre du présent litige.

En ce qui concerne finalement l’argumentation de l’appelant présentée en première instance et réitérée en appel selon laquelle le retrait du titre de séjour ne constituerait pas un automatisme et ne serait que facultatif, la Cour rejoint les premiers juges dans leur constat que, dans la mesure où toutes les conditions légales relatives au retrait du droit de séjour de membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne sont remplies, en l’occurrence celle tenant au constat objectif que le mariage n’a pas eu la durée requise par la loi pour permettre le maintien de ce droit, c’est sans dépasser sa marge d’appréciation ni commettre d’excès de pouvoir que le ministre a pu procéder au retrait du droit de séjour de Monsieur (A).

Il s’ensuit que les premiers juges ont à juste titre rejeté le recours en annulation en ce qu’il est dirigé contre le volet des décisions déférées portant retrait du titre de séjour, les développements présentés en appel n’étant pas de nature à énerver cette conclusion.

2. Quant au constat de l’irrégularité du séjour de l’appelant et quant à l’ordre de quitter le territoire L’article 100, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, sur lequel est fondé la décision de retour, dispose en sa version en vigueur au moment de la prise des décisions litigieuses ce qui suit :

7 « (1) Est considéré comme séjour irrégulier sur le territoire donnant lieu à une décision de retour, la présence d’un ressortissant de pays tiers :

a) qui ne remplit pas ou plus les conditions fixées à l’article 34 ;

b) qui se maintient sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, au-delà de la durée de trois mois à compter de son entrée sur le territoire ;

c) qui n’est pas en possession d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ou d’une autorisation de travail si cette dernière est requise ;

d) qui relève de l’article 117. ».

L’article 111, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 prévoit que : « (1) Les décisions de refus visées aux articles 100, 101 et 102, déclarant illégal le séjour d’un étranger, sont assorties d’une obligation de quitter le territoire pour l’étranger qui s’y trouve, comportant l’indication du délai imparti pour quitter volontairement le territoire, ainsi que le pays à destination duquel l’étranger sera renvoyé en cas d’exécution d’office. ».

Il se dégage des dispositions qui précèdent que les personnes visées à l’article 100, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 sont à considérer comme étant en séjour irrégulier sur le territoire, donnant lieu à une décision de retour. L’article 111, paragraphe (1) de la même loi précise que les décisions visées entre autres à l’article 100, précité, sont assorties d’une obligation de quitter le territoire et que l’intéressé dispose d’un délai pour satisfaire volontairement à cette obligation.

A l’instar des premiers juges, la Cour constate qu’au moment de la prise de la décision déférée du 19 mai 2022, Monsieur (A) n’était plus en possession d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, le titre de séjour dont il bénéficiait lui ayant valablement été retiré dans la mesure où, par suite de son divorce ayant mis fin à son mariage ayant duré moins de trois ans, il a perdu son droit de séjour en qualité de membre de famille d’un ressortissant de l’Union européenne, tel que cela a été retenu ci-avant, et l’appelant n’affirmant pas disposer d’un droit de séjour à un autre titre. En application de l’article 100, paragraphe (1), point c), de la loi du 29 août 2008, il doit être considéré comme ayant été en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois au moment de la prise de la décision litigieuse du 19 mai 2022, de sorte que le ministre pouvait valablement déclarer irrégulier son séjour et par suite lui ordonner de quitter le territoire sur le fondement de l’article 111, paragraphe (1), de la même loi, sa situation n’ayant pas changé au moment de la prise de la décision confirmative sur recours gracieux.

La signature le 4 juillet 2022 d’un contrat de travail à durée indéterminée avec la société (DD), à la disposition du ministre au moment de la prise de la décision confirmative sur recours gracieux, n’est pas de nature à énerver ce constat. D’une part et tel que relevé par les premiers juges, ledit contrat a été conclu après la décision ministérielle du 19 mai 2022, de sorte que de toute façon il n’est pas à prendre en compte par rapport à l’examen de la légalité de cette décision et, d’autre part, s’il était certes antérieur à la prise de la décision confirmative prise sur recours gracieux en date du 8 août 2022, il n’est en tout état de cause pas de nature à rendre le séjour de l’appelant régulier, celui-ci n’ayant toujours pas disposé de titre de séjour au moment où le ministre a statué sur le recours gracieux.

8C’est dès lors encore à bon droit que les premiers juges ont rejeté le recours en annulation en ce qu’il est dirigé contre ce volet des décisions déférées, les développements présentés à l’appui de l’appel n’énervant pas cette conclusion.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties;

reçoit l’appel en la forme ;

au fond, dit l’appel non justifié, partant en déboute ;

condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.

s. SCHINTGEN s. SPIELMANN 9


Synthèse
Numéro d'arrêt : 51811C
Date de la décision : 28/01/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2025-01-28;51811c ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award