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28/01/2025 | LUXEMBOURG | N°48341

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 28 janvier 2025, 48341


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 51742C ECLI:LU:CADM:2025:51742 Inscrit le 29 octobre 2024 Audience publique du 28 janvier 2025 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 1er octobre 2024 (n° 48341 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 51742C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 29 octobre 2024 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Irak

), de nationalité irakienne, demeurant à L-…, dirigé contre un jugement du...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 51742C ECLI:LU:CADM:2025:51742 Inscrit le 29 octobre 2024 Audience publique du 28 janvier 2025 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 1er octobre 2024 (n° 48341 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 51742C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 29 octobre 2024 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Irak), de nationalité irakienne, demeurant à L-…, dirigé contre un jugement du 1er octobre 2024 (n° 48341 du rôle), par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg l’a débouté de son recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 30 novembre 2022 portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et ordre de quitter le territoire;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 28 novembre 2024;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités;

Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 14 janvier 2025.

Le 7 octobre 2021, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 118 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur (A) fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée – police des étrangers, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

En date des 1er décembre 2021 et 24 janvier 2022, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 30 novembre 2023, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée le 2 décembre 2022, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé « le ministre », informa Monsieur (A) que sa demande de protection internationale avait été rejetée comme étant non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Cette décision est libellée comme suit :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 7 octobre 2021 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 7 octobre 2021, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 1er décembre 2021 et 24 janvier 2022 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale ainsi que les documents versés à l'appui de votre demande de protection internationale.

Il résulte de vos déclarations que vous seriez originaire de … en Irak, d'ethnie Kurde et de confession musulmane sunnite.

Monsieur, vous indiquez que votre père serait détenteur d'un magasin de textile dans le quartier … à … depuis vingt ans. Vous avancez qu'il serait entouré de commerçants ayant la foi musulmane chiite et que ces derniers auraient souvent tenté d'acquérir à bas prix le magasin de votre père, alors qu'ils auraient été jaloux de son commerce.

En date du 10 voire 11 août 2021, trois personnes, qui se seraient présentées en tant que membres de la milice Asa'ib Ahl al-Haqq, se seraient rendues dans le magasin de votre père et auraient sollicité de l'argent.

Dans ce contexte, vous mentionnez que votre père aurait l'habitude de se voir de temps à autre racketter … à … mille dinars irakiens, mais que cette fois-ci les individus en question auraient demandé … million de dinars. Votre père n'aurait pas été en mesure de payer une telle somme, raison pour laquelle les individus auraient alors indiqué à votre père de se présenter au bureau de la milice et de se rendre auprès de leur responsable dénommé (B).

2 Vous vous seriez alors rendus sur place ensemble le lendemain. Arrivés au bureau de la milice, vous auriez été dirigés vers le secrétaire et le responsable vous aurait rejoint quelques minutes plus tard. Il aurait d'abord demandé le motif de votre visite et aurait ensuite exigé la continuation des paiements en indiquant que ce serait de l'argent de protection étant donné que votre père serait d'ethnie Kurde.

Le dénommé (B) aurait en outre accusé de manière générale les Kurdes d'être des traîtres alors qu'ils n'auraient jamais combattu pour le compte de l'Irak selon ce dernier. Il se serait ensuite tourné vers vous et aurait exigé que vous rejoigniez la milice Asa'ib ahl al-Haqq en vous donnant un formulaire de recrutement à remplir par vos soins endéans les dix prochains jours.

Vous ajoutez également que vous auriez été obligé de laisser votre empreinte sur un document du nom de « Kompiala » [sic], qui serait un contrat de dette lequel vous engagerait à lui rembourser une créance de … millions de dinars irakiens. Vous auriez ensuite été libre de partir, cependant le dénommé (B) aurait exigé que votre père reste sur place.

Vous auriez attendu durant deux jours pour ensuite parler à un voisin, qui aurait conseillé de vous adresser à la police. Le 14 août 2021, vous vous seriez rendu au commissariat de police de … et vous auriez porté plainte. L'agent de police aurait pris votre déposition et vous aurait fait signer un document. Vous expliquez que quatre jours plus tard, vous auriez reçu un appel de la police vous demandant de venir au commissariat.

Vous vous seriez alors rendu sur place et vous auriez été reçu par le commissaire principal, qui aurait été accompagné par une autre personne en civil dont vous supposez qu'il se serait agi d'un membre de la milice. Le commissaire aurait demandé si vous aviez déjà retrouvé votre père, sur quoi vous auriez répondu que vous espéreriez que la police le retrouve. Il vous aurait ensuite demandé si vous étiez sûr que votre père serait détenu par des membres de la milice Asa'ib Ahl al-Haqq, information que vous auriez confirmée. Vous auriez réexpliqué l'incident en détail, mais la personne présente dans le bureau se serait agitée et se serait subitement dirigée vers vous. Le commissaire serait alors intervenu et vous aurait fait signe de quitter son bureau.

Vous auriez quitté le commissariat et vous aurait [sic] appelé votre épouse afin de l'informer que vous n'alliez pas rentrer à la maison. Vous seriez allé dans un hôtel situé dans le quartier « … », ensuite vous auriez changé d'hôtel tous les deux voire trois jours. Votre épouse et votre mère vous auraient rapporté que des personnes en civil seraient venues pour demander après vous et qu'elles auraient fouillé la maison. Vous auriez alors décidé d'installer votre famille dans le quartier « … », étant donné que vous n'auriez plus osé rentrer à la maison ou aller dans votre magasin après ces faits.

Une semaine plus tard, votre épouse vous aurait appelé pour vous informer que le « Mukthar » du quartier aurait demandé après vous alors qu'il aurait été accompagné par trois autres personnes. Vous auriez alors pris la décision de quitter l'Irak et vous auriez vendu votre maison ainsi que votre magasin, en location à un commerçant au moment de la vente. Ce dernier vous aurait informé que deux personnes se seraient rendues à votre magasin et qu'elles auraient posé des questions à votre sujet.

Vous auriez alors contacté un ami et vous l'auriez prié d'aller chercher votre passeport chez votre épouse. Vous auriez quitté votre pays d'origine seul en date du 8 septembre 2021 pour vous rendre en Europe.

3 Enfin, vous indiquez que votre père aurait finalement été relâché fin décembre 2021 respectivement début janvier 2022 après avoir accepté de vendre son magasin à bas prix. Il séjournerait actuellement en Irak de même que votre mère ainsi que votre épouse et vos enfants.

A l'appui de votre demande, vous présentez votre carte d'identité irakienne n°… établie le … 2011, votre certificat de nationalité n°… établi le … 2011/2, votre carte d'enregistrement n°… établie … 2021, votre acte de mariage n°… établi le … 2003 et votre carnet de ravitaillement n°… établi le … 2007.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

Avant tout progrès en cause, il convient de constater qu'il n'est pas crédible que des membres de la milice auraient exigé votre adhésion après le refus respectivement l'incapacité de votre père de donner suite à leur requête alors qu'ils l'auraient détenu dans leur bureau.

En effet, il convient de souligner que les recrutements au sein des milices en Irak se faisaient dans le but de combattre l'Etat islamique pour libérer le pays des mains des terroristes, objectif qui a été atteint fin 2017.

De plus, il découle clairement des informations à ma disposition que les Unités de mobilisation populaire, dont fait également partie la milice Asa'ib Ahl al-Haqq, ne procèdent plus du tout à des recrutements forcés : « The recruitment to the PMF is entirely on a voluntary basis. Many join the PMF for economic reasons, because the salaries are attractive, compared to the rest of Iraq.

The PMF are very influential and they are popular among the majority of the population for their effort to defeat ISIL ».

Force est dès lors de constater que l'adhésion se fait exclusivement sur une base contractuelle volontaire avec une rémunération.

Il convient dès lors de conclure que vos craintes par rapport au prétendu recrutement de force par les membres de la milice « Asa'ib Ahl al-Haqq » ne sont pas crédibles et sont à écarter de l'analyse de votre demande de protection internationale.

Je tiens encore à souligner qu'il est fort étonnant que votre père se serait vu racketter de petites sommes d'argent depuis des années dans le cadre de son commerce et que soudainement, après toutes ces années, des membres d'une milice auraient réclamé un million de dinars irakiens en août 2021 sans aucune raison apparente.

Vos déclarations dans ce contexte sont d'autant plus improbables du fait que vous ne mentionnez à aucun moment avoir été personnellement victime d'extorsion d'argent et ce, en dépit du fait d'être détenteur d'un commerce voire d'un magasin comme votre père, avec la seule différence que le vôtre aurait été loué à un autre commerçant.

4• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Monsieur, vous avancez que vous craigniez d'être arrêté voire recruté de force par des membres de la milice « Asa'ib Ahl al-Haqq » en cas de retour dans votre pays d'origine. Dans ce contexte, vous indiquez que le 10 ou 11 août 2021, des membres de la milice auraient réclamé une somme d'argent non négligeable à votre père, montant qu'il n'aurait pas été en mesure de payer. Son incapacité de paiement se serait soldé [sic] par sa détention dans un des bureaux de la milice et par le fait qu'ils auraient revendiqué que vous les rejoigniez afin de combattre pour leur compte. Vous auriez non seulement eu aucune intention d'adhérer au groupement, mais le fait que vous ayez porté plainte par la suite aurait corsé votre situation. En effet, vous expliquez à cet égard que des personnes en civil se seraient rendues à deux reprises auprès des membres de votre famille, notamment votre mère et votre épouse, pour demander après vous.

Force est de constater que les faits que vous relatez n'entrent pas dans le champ d'application de la Convention de Genève, étant donné qu'il ressort clairement de vos déclarations que les malfrats auraient agi dans un but de lucre et que les propos à connotation religieuse et ethnique ne sont qu'un prétexte.

Quand bien même ces faits entreraient dans le champ d'application de la Convention de Genève, force est de constater qu'ils ne sont pas d'une gravité suffisante pour être qualifiés d'actes de persécution.

En effet, concernant l'incident du 10 voire du 11 août 2021, date à laquelle vous vous seriez rendu au bureau de la milice dans le quartier « … » de …, vous avancez que le responsable de la milice vous aurait insulté. Or, suite à cet incident, vous seriez reparti le jour même sans qu'aucun autre fait personnel et concret ne soit survenu.

Il en va de même pour les quelques incidents dont vous faites état par après, à savoir le fait que des personnes en civil se seraient rendues auprès de votre mère et de votre épouse, respectivement dans votre magasin, afin de fouiller les lieux et demander après vous. En effet, le simple fait que des personnes non autrement identifiées, dont vous ne pouvez que supposer qu'elles appartiendraient à des milices alors que vous n'avancez pas la moindre preuve, s'adressent à une ou 5deux reprises à votre mère ainsi qu'à votre épouse et se rendent une fois dans votre magasin pour avoir des renseignements à votre sujet, est exempt d'une gravité particulière et suffisante pour être qualifié d'acte de persécution.

Il ressort ainsi de façon claire et non équivoque de vos déclarations qu'il ne vous est absolument rien arrivé dans le cadre des incidents dont vous faites état et ce, jusqu'au jour de votre départ d'Irak.

La gravité de la situation dans votre pays d'origine est encore à mettre en cause par le fait que vous ayez quitté l'Irak seul alors que vos parents ainsi que votre épouse et vos enfants séjournent encore actuellement sur place sans rencontrer de problèmes, ce qui prouve incontestablement que la gravité de la situation dans votre pays d'origine n'est manifestement pas celle que vous tentez de dépeindre. Le fait que votre père aurait été contraint de vendre son magasin comme vous l'avancez ne saurait infirmer cette conclusion.

Force est dès lors de conclure que votre situation est indéniablement exempte d'une gravité particulière et suffisante de sorte qu'on ne saurait retenir l'existence dans votre chef d'une persécution respectivement d'une crainte de persécution au sens des prédits textes.

Même à supposer que les incidents que vous relatez seraient à qualifier d'actes de persécution motivés par un des cinq motifs de fond de la Convention de Genève et la Loi de 2015, quod non, notons qu'une persécution commise par des acteurs non-étatiques peut être considérée comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce.

En effet, soulignons en premier lieu qu'il ne ressort pas clairement de vos propos contre qui respectivement quoi vous auriez concrètement porté plainte.

D'abord vous avancez que vous auriez déposé une plainte en indiquant à la police ce qui se serait déroulé le 10 ou 11 août 2021 dans le bureau de la milice et que votre père aurait été détenu sur place.

En effet, vous avancez que : « Ich ging zum Büro des Offiziers, er hatte einen Stern auf der Schulter. Er bat mich Platz zu nehmen und fragte mich wie er mir helfen könnte. Ich erklärte ihm, dass ich eine Anzeige stellen wolle: „Mein Vater ist seit 2 Tagen bei den Asaib eingesperrt." Der Offizier fragte mich: „Sind Sie sich dessen sicher, was sie mir erzählen?" Ich habe dies bejaht und erzählte ihm die Geschichte. Er erklärte mir daraufhin: „Hinterlassen Sie Ihre Kontaktdaten, wir melden uns bei Ihnen." Er hat meine Aussagen niedergeschrieben und bat mich dies zu unterschreiben » (p.7/19 de votre rapport d'entretien).

Ensuite, questionné si vous aviez officiellement déclaré l'enlèvement respectivement la disparition de votre père auprès de l'autorité de police, vous répondez que vous vous seriez uniquement contenté de déposer plainte sans être à même de donner une quelconque autre précision à ce sujet.

En effet : « Hatten Sie auch später eine Vermisstenanzeige gestellt? Nein, ich ging nur zur Polizei und stellte Anzeige » (p.13/19 de votre rapport d'entretien).

Monsieur, vous indiquez avoir déposé une plainte auprès de la police irakienne et vous affirmez que l'agent en charge de votre dossier aurait pris votre déposition et enregistré votre plainte.

6Le fait que vous auriez été convoqué par le commissaire principal quatre jours plus tard dans le cadre de votre plainte démontre que la police a fait son travail en enregistrant vos déclarations et en diligentant une enquête, de sorte qu'aucun reproche ne saurait être formulé à l'égard des autorités irakiennes.

Vos allégations selon lesquelles une personne en civil, dont vous ne pouvez que supposer qu'il s'agirait d'un membre de la milice alors que vous n'avancez pas la moindre preuve, aurait été présente et qu'elle se serait agitée sur vous suite à vos propos ne saurait infirmer cette conclusion.

Rappelons dans ce contexte que le maintien de l'ordre public en Irak relève de la compétence de la police irakienne et non des « Unités de mobilisation populaire » dont fait également partie la milice « Asa'ib Ahl al-Haqq ».

A cela s'ajoute que votre père aurait finalement été relâché sain et sauf et qu'il séjournerait actuellement en Irak.

Vous restez dès lors en défaut de démontrer concrètement que l'Etat ou d'autres organisations étatiques présentes sur le territoire de votre pays d'origine ne peuvent ou ne veulent pas vous accorder une protection adéquate.

Il y a lieu de rappeler que la notion de protection de la part du pays d'origine n'implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission d'actes de violences, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d'une efficacité suffisante pour maintenir un certain degré de dissuasion. Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d'un acte criminel, mais seulement dans l'hypothèse où les agressions commises par un groupe de population seraient encouragées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d'offrir une protection appropriée.

Pour ce qui est des faits qui seraient survenus à votre père, à savoir le fait qu'il aurait été victime de racket par des membres de la milice et le fait qu'il aurait été détenu dans leur bureau le 10 ou 11 août 2021, il importe de souligner qu'il s'agit de faits non personnels.

Notons que des faits non personnels mais vécus par d'autres personnes ne sont susceptibles de constituer une crainte fondée de persécution au sens des prédits textes que si le demandeur de protection internationale établit dans son chef un risque réel d'être victime d'actes similaires en raison de circonstances particulières. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce.

En effet, il convient de souligner que vous essayez de créer un lien artificiel avec votre personne et les prétendus faits que vous avez relatés au sujet de votre père. A cet égard, il importe de réitérer que votre père aurait eu des soucis avec des membres d'une milice étant donné que ces derniers auraient essayé de lui extorquer de l'argent. Il est cependant important de rappeler que contrairement à votre père, vous n'auriez jamais été victime de racket de la part des membres de milices. A cela s'ajoute que vous concédez que votre père aurait finalement été relâché par ses ravisseurs après avoir accepté de vendre son commerce, de sorte qu'aucun lien n'est établi en l'espèce entre le vécu de votre père et votre personne.

Enfin, il y a lieu de préciser qu'à la lecture de l'ensemble de votre dossier, il en découle que des raisons économiques et de convenance personnelle sont à la base de votre demande de protection internationale étant donné que vous indiquez avoir vendu tous vos biens en Irak. Ce constat est renforcé par le fait que vous mentionnez avoir contracté une dette avec des membres de la milice 7sans néanmoins être à même de donner des indications concrètes à ce sujet, fait que vous tentez d'utiliser pour essayer de faire croire que la milice procéderait de cette manière afin de vous obliger de les rejoindre.

Or, des motifs économiques et de convenance personnelle ne sauraient justifier l'octroi du statut de réfugié, alors qu'ils ne répondent à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et la Loi de 2015, garantissant une protection à toute personne persécutée ou qui risque d'être persécutée dans son pays d'origine à cause de sa race, de sa nationalité, de ses opinions politiques, de sa religion ou de son appartenance à un groupe social déterminé.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi. Or, en l'espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.

Il ressort de vos déclarations que vous basez votre demande en octroi du statut conféré par la protection subsidiaire sur les mêmes motifs invoqués dans le cadre de votre demande en obtention du statut de réfugié. Or, et tout en renvoyant aux arguments développés ci-dessus, force est de constater que vous ne risquez pas de devenir victime d'atteintes graves au sens des prédits textes dans le cas d'un retour dans votre pays d'origine.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

• Quant à la fuite interne En vertu de l'article 41 de la Loi de 2015, le Ministre peut estimer qu'un demandeur n'a pas besoin de protection internationale lorsque, dans une partie du pays d'origine, il n'y a aucune raison de craindre d'être persécuté ni aucun risque réel de subir des atteintes graves et qu'il est raisonnable d'estimer que le demandeur peut rester dans cette partie du pays.

Ainsi, la conséquence d'une fuite interne présume que le demandeur puisse mener, dans une autre partie de son pays d'origine, une existence conforme à la dignité humaine. Selon les lignes 8directrices de l'UNHCR, l'alternative de la fuite interne s'applique lorsque la zone de réinstallation est accessible sur le plan pratique, sur le plan juridique, ainsi qu'en termes de sécurité.

En l'espèce, il ressort à suffisance de vos dires que vous n'auriez pas tenté de vous réinstaller dans une autre ville ou région de votre pays d'origine, au motif que la milice « Asa'ib Ahl al-Haqq » pourrait vous retrouver partout en Irak.

Or, ce motif ne constitue pas un obstacle à une réinstallation dans votre pays d'origine. En effet, la région autonome du Kurdistan irakien est composée de trois grandes régions, dont notamment Arbil et Sulaymâniyah, parmi lesquelles les grands centres urbains comptent presque 900,000 habitants rien que pour la ville d'Arbil et plus de 700,000 habitants pour la ville de Sulaymâniyah sans compter les populations des régions rurales.

De plus, il ressort des informations en mes mains qu'une réinstallation dans les régions du Kurdistan irakien est actuellement tout à fait envisageable.

Soulignons dans ce contexte que les « Unités de mobilisation populaire », dont fait également partie la milice « Asa'ib Ahl al-Haqq », n'exercent aucun contrôle sur le territoire des régions du Kurdistan irakien étant donné que le maintien de la sécurité des régions autonomes relève de la compétence des autorités locales à savoir des Peshmerga, de la Police Municipale et des Asayish.

En effet : « In KRI, the Peshmerga, the municipal police and the Asayish are the main security actors of the KRG ».

De plus : « Selon deux sources interrogées par le DIS/Landinfo en 2018, les Kurdes en provenance du reste de l'Iraq « n'ont pas besoin d'une autorisation spéciale » et « peuvent entrer et séjourner dans la RKI sans aucun problème » ou sans avoir besoin d'un garant. Le DFAT a également observé que les personnes originaires de la RKI ou d'origine ethnique kurde devraient pouvoir entrer dans la RKI « relativement facilement »; toutefois, cela peut varier en fonction des cas ».

Ces constats sont également confirmés par l'UNHCR, en effet : « Individuals of minority groups who are of neither Arab nor Turkmen origin who originate from outside the KR-I can enter Erbil Governorate without restrictions by presenting their CSID/UNID.

(…) Iraqi Kurds from outside the KR-I are allowed to enter Sulaymaniyah Governorate without restrictions by presenting their CSID/UNID. In practice, Yazidis from outside the KR-I are treated similarly to Kurds and can enter Sulaymaniyah Governorate by showing their CSID/UNID ».

Monsieur, vous affirmez être d'origine kurde, ainsi vous auriez effectivement pu et pourriez d'ailleurs toujours vous installer avec votre famille dans une région du Kurdistan irakien, notamment à Arbil ou à Sulaymàniyah.

Vu la densité de la population dans les grandes villes de ces régions et le fait que votre souci était un cas local, il appert que vous ne soulevez aucune raison valable qui puisse justifier l'impossibilité d'une fuite interne.

Votre demande de protection internationale est dès lors refusée comme non fondée.

9Suivant les dispositions de l'article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de l'Irak, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisée à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 2 janvier 2023, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre du 30 novembre 2022 portant rejet de sa demande de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Par jugement du 1er octobre 2024, le tribunal administratif rejeta le recours comme non fondé en ses deux volets et en débouta le demandeur, tout en le condamnant aux frais de l’instance.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 29 octobre 2024, Monsieur (A) a régulièrement fait entreprendre ce jugement.

A l’appui de son appel, il expose à nouveau être de nationalité irakienne, de confession musulmane sunnite et appartenir à l’ethnie kurde. Il soutient avoir fui l’Irak en raison de problèmes rencontrés avec la milice chiite « Asa’ib Ahl al Haqq », ci-après « la milice AAH ».

Il explique que son père, qui aurait exploité un commerce, aurait de temps à temps été racketté par la milice AAH, mais qu’en août 2021, celle-ci aurait réclamé le paiement de la somme de (1) dinars irakiens. Incapable de payer une telle somme, son père aurait été convoqué avec lui devant un représentant de la milice AAH, un dénommé (B), qui leur aurait fait comprendre que comme ils seraient des Kurdes, ils devraient payer afin de bénéficier d’une protection et que les Kurdes seraient considérés comme des traîtres parce qu’ils n’auraient pas combattu pour la défense de l’Etat irakien. Cette entrevue se serait terminée par la séquestration de son père et lui-même aurait été prié de rejoindre les rangs de la milice AAH à travers un formulaire qu’il devrait remettre ultérieurement et de signer une reconnaissance de dette à hauteur de (1) dinars.

Le 14 août 2021, il aurait déposé plainte auprès de la police irakienne, à un moment où son père aurait toujours été retenu par la milice. Il aurait ensuite été convoqué auprès du commissaire principal, qui l’aurait reçu en présence d’une personne qu’il considérait comme un milicien et qui aurait affiché un comportement si agressif que le commissaire aurait dû interrompre l’entrevue. Par la suite, des personnes en civil se seraient présentées à son domicile pour le fouiller et le « Mukthar », accompagné de trois autres personnes, aurait été à sa recherche. De même, deux personnes se seraient rendues à son commerce après qu’il l’aurait vendu pour s’enquérir sur lui. Il ajoute que le 24 janvier 2023, alors qu’il se trouvait déjà au Luxembourg, une lettre de menace aurait été déposée en pleine nuit à son domicile par des inconnus.

Il dit ainsi craindre d’être tué par la milice AAH, sinon de devoir rejoindre les rangs de cette milice, en cas de retour dans son pays d'origine, nonobstant le fait que son père aurait été relâché fin décembre 2021, respectivement début janvier 2022.

En droit, l’appelant reproche aux premiers juges d’avoir, en retenant qu’il n’avait pas démontré le défaut de protection des autorités irakiennes, fait preuve à son égard d’une exigence excessive en matière de preuve, au regard de sa situation personnelle et au regard de la situation générale prévalant dans son pays d'origine. Dans ce contexte, il fait valoir que les membres de la milice AAH ne seraient pas condamnés par les autorités irakiennes, alors même que cette milice serait considérée depuis 2020 comme un groupe terroriste par la plupart des 10pays occidentaux. Il considère, en outre, légitime le fait de ne pas avoir attendu l’issue de sa plainte avant de quitter l’Irak, au vu des rapports étroits qui existeraient entre les autorités irakiennes et les milices. Son manque de confiance dans la capacité des autorités irakiennes à vouloir le protéger serait actuellement encore renforcé par la situation de guerre au Moyen-Orient, laquelle serait propice à une montée en puissance des milices, telles que la milice AAH. Il se prévaut encore d’un rapport de l’Agence de l’Union européenne pour l’asile (AUEA) de mai 2024, intitulé « Iraq-Security Situation », qui confirmerait la présence de la milice AAH dans la région de … dont il serait originaire.

Sur ce, l’appelant soutient qu’il remplirait les conditions pour se voir reconnaître le statut de réfugié. Les actes de persécution invoqués seraient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, plus précisément dans la mesure où il aurait fait l’objet de menaces graves de la part de la milice AAH. Les faits relatés entreraient également dans le champ d’application de l’article 42, paragraphe (2), point a), de la loi du 18 décembre 2015, puisqu’il risquerait de subir des violences physiques en cas de retour en Irak. Ces faits seraient en plus motivés par l’un des critères de fond définis à l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015, à savoir ses opinions politiques, dès lors qu’il se serait montré hostile envers le régime en place en déposant plainte contre la milice AAH, qui serait intégrée aux forces armées irakiennes, ce qui ne manquerait pas d’être interprété par les autorités comme l’expression d’une opinion politique contraire à leurs intérêts. Il en déduit encore que les persécutions subies seraient le fait des autorités en place, dès lors que la milice AAH serait intégrée aux forces armées irakiennes. Pour le cas où l’on considérerait que les persécutions subies seraient le fait de personnes privées, il soutient que celles-ci devraient être qualifiées d’acteurs au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après « la Convention de Genève », dès lors que les autorités irakiennes laisseraient agir la milice AAH en toute impunité et qu’elles n’auraient ni la volonté ni la possibilité de le protéger.

L’appelant se prévaut encore de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015 et soutient, dans ce contexte, qu’il n’existerait aucune « bonne raison » au sens dudit article de penser que les persécutions qu’il aurait d’ores et déjà subies en Irak ne se reproduiraient plus.

Il conteste, par ailleurs, l’existence dans son chef de toute possibilité de fuite interne, y compris dans la région du Kurdistan irakien.

Il insiste encore sur le fait que les faits subis par son père seraient étroitement liés à sa situation et que ce serait à tort que le ministre aurait considéré que ces faits ne lui seraient pas personnels.

Enfin, il conteste que des motifs économiques ou des considérations de convenance personnelle auraient motivé son départ d’Irak.

S’agissant de la protection subsidiaire, l’appelant se prévaut de l’article 48, point b), de la loi du 18 décembre 2015, en ce qu’il estime courir un risque de subir en Irak des traitements inhumains et dégradants, en se référant aux menaces subies, tout en faisant valoir que le fait de vivre dans la crainte permanente d’être arrêté par la milice AAH constituerait un traitement dégradant. Il cite à l’appui de ses affirmations diverses jurisprudences de la Cour européenne des droits de l’homme.

L’Etat conclut en substance à la confirmation du jugement dont appel.

11 En ce qui concerne la demande de reconnaissance du statut de réfugié, la Cour rappelle que la notion de « réfugié » est définie par l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Il se dégage de la lecture combinée des articles 2, sub h), 2, sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

En ce qui concerne la demande d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire, la loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d'origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l'article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L'octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Il s’y ajoute que la définition du réfugié contenue à l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2, sub g), de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que » si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures, sans qu’il y ait nécessairement besoin que le demandeur de protection internationale ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes 12graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du juge devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

L’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, l’appelant dit craindre d’être exposé à des persécutions ou à des atteintes graves, en cas de retour dans son pays d'origine du fait, d’une part, des menaces de mort proférées par la milice AAH, qui réclamerait à lui et à son père la somme de (1) dinars irakiens, tout en séquestrant son père et en le menaçant d’un recrutement de force dans ses rangs et, d’autre part, d’être considéré comme un opposant politique à cause de la plainte déposée contre la milice AAH, sans pouvoir bénéficier de la protection des autorités irakiennes.

Or, indépendamment de la question de la crédibilité du récit de l’appelant, la Cour est amenée à conclure que les craintes mises en avant par l’appelant en relation avec les demandes d’extorsion de fonds, dont son père aurait fait l’objet, ne relèvent d’aucun des critères de rattachement de la Convention de Genève, à savoir la race, la nationalité, les convictions politiques ou religieuses, l’appartenance à un groupe social. En effet, l’appelant essaie certes de lier ces agissements de la milice AAH envers son père et lui-même au fait qu’ils appartiendraient à l’ethnie kurde. La Cour observe toutefois que ces agissements s’analysent avant tout en une criminalité de droit commun, les milices chiites étant connues pour se financer par des activités illégales, telles des extorsions de fonds, des enlèvements ou de la contrebande, un motif politico-religieux ne jouant tout au plus qu’un rôle secondaire.

Il convient, par ailleurs, de noter que l’appelant n’a lui-même pas été victime de racket.

Il a, par contre, affirmé que la milice AAH aurait mis la pression sur lui pour amener son père à payer la somme réclamée, notamment en le forçant à signer une reconnaissance de dette et en lui enjoignant de rejoindre les rangs de cette milice, ce qu’il aurait refusé. La Cour note qu’il s’agit certes de méthodes d’intimidation, mais qui n’ont pas été suivies d’effet concret dans le chef de l’appelant, puisqu’il a été libre de s’en aller. Si le père de l’appelant a bien été retenu par la milice AAH faute de pouvoir payer la somme réclamée, l’appelant a toutefois déclaré que son père aurait été relâché fin décembre 2021, respectivement début janvier 2022, après avoir accepté de vendre son commerce à bas prix et qu’il continuerait de vivre en Irak avec la mère, l’épouse et les enfants de l’appelant, sans que l’appelant n’ait fait état du moindre problème auquel sa famille aurait été exposée depuis.

Quant aux déclarations de l’appelant selon lesquelles des personnes auraient été à sa recherche après l’incident au commissariat de police, il convient de relever que même à admettre que ces personnes soient les mêmes que celles qui étaient derrière la demande d’extorsion de fonds dont son père aurait fait l’objet, la Cour retient que dès lors que le père de 13l’appelant a fini par vendre son commerce à bas prix, ces personnes n’ont plus aucune raison de faire pression sur eux.

De même, en ce qui concerne la prétendue lettre de menace de la milice AAH qui aurait été déposée en pleine nuit au domicile de l’appelant le 24 janvier 2023, alors qu’il se trouvait déjà au Luxembourg, scène qui aurait prétendument été filmée par une caméra de surveillance et dont la vidéo serait contenue sur une clé USB versée en première instance, il convient de relever que cette lettre n’est ni datée, ni signée, ni tamponnée, de sorte qu’il y a lieu de remettre en cause son authenticité, étant encore relevé qu’il est peu plausible que l’appelant reçoive des menaces en janvier 2023, soit plus d’un an après son départ d’Irak. La force probante de ce document est dès lors très limitée et ne saurait suffire pour établir que l’appelant risque de subir des persécutions ou des atteintes graves en cas de retour dans son pays d'origine.

Au vu de tous ces éléments, la Cour arrive à la conclusion que les craintes mises en avant par l’appelant sont essentiellement hypothétiques.

Au-delà, en ce qui concerne la question du défaut de protection des autorités irakiennes, les appelants reprochant aux premiers juges d’avoir fait une analyse erronée y relativement, la Cour partage et fait sienne l’analyse afférente des premiers juges à cet égard. En effet, il convient de relever que l’appelant a pu déposer plainte contre la milice AAH à la police irakienne. Si l’appelant fait plaider que les forces de l’ordre irakiennes ne pourraient pas ou ne voudraient pas le protéger, en arguant que les milices chiites, et notamment la milice AAH, feraient partie de l’Etat irakien, qui ne ferait rien pour les empêcher de commettre des exactions, il ne ressort toutefois pas à suffisance de droit des éléments du dossier que l’appelant n’aurait pas pu obtenir une protection de la part des autorités irakiennes, sa seule affirmation, selon laquelle la personne présente lors de son entrevue auprès de la police aurait été un milicien, ne reposant que sur ses seules supputations. Cette conclusion n’est point invalidée par le rapport précité de l’AUEA de mai 2024, ni d’ailleurs par la situation actuelle au Moyen-

Orient invoquée par l’appelant en instance d’appel, à défaut de rattachement suffisant de ces éléments à sa situation personnelle.

La Cour rejoint partant les premiers juges en leur conclusion selon laquelle l’appelant n’a pas établi, pas plus qu’en appel, un défaut de protection de la part des autorités irakiennes.

Il s’ensuit que l’appelant n’avance pas suffisamment d’éléments permettant de retenir qu’il risque de subir des persécutions en cas de retour en Irak et sa demande de se voir accorder le statut de réfugié laisse partant d’être fondée.

Ceci dit, également sous l’optique du volet subsidiaire de la demande de protection internationale sous examen, où l’appelant invoque en substance les mêmes motifs factuels, les craintes de ce dernier envers les miliciens proches des autorités irakiennes en place apparaissent insuffisantes aussi pour justifier l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire, étant donné qu’il ne se dégage pas des éléments invoquées qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que l’appelant courrait, en cas de retour dans son pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 48, point b), de la loi du 18 décembre 2015 précité, en l’occurrence la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants.

Enfin, en ce qui concerne la situation sécuritaire qui prévaut actuellement en Irak, encore effleurée par l’appelant, la Cour n’est pas saisie d’éléments suffisants permettant de 14conclure à l’existence d’une situation de conflit interne au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015.

C’est dès lors également à bon droit que le ministre a rejeté comme étant non fondée la demande tendant à l’obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.

L’appelant sollicite encore, par réformation du jugement entrepris, la réformation de l’ordre de quitter le territoire comme conséquence de l’octroi d’une protection internationale en invoquant dans ce contexte le respect du principe de non-refoulement, tel qu’inscrit à l’article 54, paragraphe 1er, de la loi du 18 décembre 2015.

Comme le jugement entrepris est à confirmer en ce que le refus de la protection internationale – statut de réfugié et protection subsidiaire – est justifié et que le refus d’octroi de ce statut est automatiquement assorti d’un ordre de quitter le territoire par le ministre, la demande de reformation de l’ordre de quitter le territoire comme conséquence de la réformation du refus d’une protection internationale est à rejeter à son tour et le jugement est à confirmer sur ce point.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelant et de confirmer le jugement entrepris.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause;

reçoit l’appel en la forme;

au fond, le déclare non justifié et en déboute l’appelant;

partant, confirme le jugement entrepris du 1er octobre 2024;

condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.

s. SCHINTGEN s. SPIELMANN 15


Synthèse
Numéro d'arrêt : 48341
Date de la décision : 28/01/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2025-01-28;48341 ?

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