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23/01/2025 | LUXEMBOURG | N°14/25

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 23 janvier 2025, 14/25


N° 14 / 2025 pénal du 23.01.2025 Numéro CAS-2024-00137 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-trois janvier deux mille vingt-cinq, l'arrêt qui suit sur la demande en révision de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.), demeurant à L-ADRESSE2.), comparant par Maître François PRUM, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, demande dont la Cour a été saisie par le Procureur général d’Etat, en présence de la partie

civile PERSONNE2.), demeurant professionnellement à L-ADRESSE3.), compar...

N° 14 / 2025 pénal du 23.01.2025 Numéro CAS-2024-00137 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-trois janvier deux mille vingt-cinq, l'arrêt qui suit sur la demande en révision de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.), demeurant à L-ADRESSE2.), comparant par Maître François PRUM, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, demande dont la Cour a été saisie par le Procureur général d’Etat, en présence de la partie civile PERSONNE2.), demeurant professionnellement à L-ADRESSE3.), comparant par Maître Daniel CRAVATTE, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

___________________________________________________________________

Vu la requête en révision de PERSONNE1.) adressée le 11 juillet 2024 au Ministre de la Justice ;

Vu l’ordre exprès du Ministre de la Justice du 25 juillet 2024 au Procureur général d’Etat ;

Vu le réquisitoire du Procureur général d’Etat du 26 juillet 2024, complété par les réquisitoires rectificatifs des 1er août 2024 et 23 septembre 2024 ;Vu la sommation d’intervenir adressée à la partie civile PERSONNE2.) le 1er octobre 2024 ;

Vu la requête en intervention de PERSONNE2.) déposée le 22 octobre 2024 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu les pièces du procès ;

Ouï en audience publique :

1) Maître François PRUM et Maître Maximilien LEHNEN, avocats à la Cour, pour PERSONNE1.) ;

2) Maître Daniel CRAVATTE, avocat à la Cour, pour PERSONNE2.) ;

3) Madame le procureur général d’Etat adjoint Marie-Jeanne KAPPWEILER ;

Vu les articles 443, 444, 446, 447 et 447-1 du Code de procédure pénale et l’article 53 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Par jugement numéro 2871/2021 du 23 décembre 2021, le Tribunal d'arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, avait condamné PERSONNE1.) du chef d’outrage à magistrat à une amende de 2.000 euros et l’avait acquitté du chef d’intimidation de magistrat. Au civil, il l’avait condamné à payer à la partie civile PERSONNE2.) le montant de 1 euro symbolique à titre de dommage moral et une indemnité de procédure de 750 euros.

Par arrêt numéro 195/22 X. du 6 juillet 2022, la Cour d'appel a, par réformation, acquitté partiellement PERSONNE1.) de l’infraction d’outrage à magistrat, ramené la condamnation à une amende de 1.000 euros et condamné PERSONNE1.) au paiement d'une indemnité de procédure de 1.500 euros pour la première instance. Pour le surplus, elle a confirmé le jugement.

Par arrêt numéro 68/2023 pénal numéro CAS-2022-00085 du registre, du 8 juin 2023, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de PERSONNE1.) et a condamné ce dernier à payer à PERSONNE2.) une indemnité de procédure de 2.000 euros.

Par arrêt du 16 mai 2024, la Cour européenne des droits de l’homme a dit que la condamnation de PERSONNE1.) constituait une violation de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

L’article 443, point 5, du Code de procédure pénale dispose « La révision peut être demandée, quelle que soit la juridiction qui ait statué, au bénéfice de toute personne reconnue auteur d’un crime ou d’un délit par une décision définitive rendue en premier ou en dernier ressort.

(…) 5° lorsqu’il résulte d’un arrêt de la cour européenne des Droits de l’Homme rendu en application de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales qu’une condamnation pénale a été prononcée en violation de cette Convention. » La révision dans l’hypothèse de l’article 443, point 5, est de droit.

Il s’ensuit que la demande en révision de la condamnation pénale est recevable et fondée.

Il convient, par conséquent, de procéder à l’annulation du jugement du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 23 décembre 2021 et de l’arrêt de la Cour d’appel du 6 juillet 2022, sauf en ce qui concerne les acquittements intervenus.

La demande en révision d’un arrêt de la Cour de cassation n’entre pas dans les prévisions des articles 443 et suivants du Code de procédure pénale.

La décision de la Cour européenne des droits de l’homme est motivée comme suit :

« 72. (…) En l’espèce, la Cour se doit d’observer que les expressions utilisées par le requérant peuvent être qualifiées de parfaitement inappropriées ;

toutefois, dans le contexte de l’affaire, elles ne relèvent certainement pas du domaine pénal. La Cour rappelle que, même lorsque la sanction est la plus modérée possible, à l’instar d’une condamnation accompagnée d’une dispense de peine sur le plan pénal et à ne payer qu’un au titre des dommages-intérêts, elle n’en constitue pas moins une sanction pénale et, en tout état de cause, cela ne saurait suffire, en soi, à justifier l’ingérence dans le droit d’expression du requérant.

La Cour a maintes fois souligné qu’une atteinte à la liberté d’expression peut avoir un effet dissuasif quant à l’exercice de cette liberté, risque que le caractère relativement modéré des amendes ne saurait suffire à faire disparaître (…).

73. En l’espèce, le requérant a été condamné à une amende pénale de 1000 EUR, ainsi qu’au paiement d’un et d’une indemnité de procédure de 1 500 EUR au titre de la première instance (…).

74. La Cour estime que ces sanctions pénales ne sauraient trouver de justification. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, la Cour estime que les motifs avancés par les juridictions pénales ne sauraient passer pour une justification suffisante et pertinente de l’ingérence dans le droit du requérant à la liberté d’expression. Ces juridictions n’ont donc pas ménagé un juste équilibre entre la nécessité de garantir l’autorité du pouvoir judiciaire et celle de protéger la liberté d’expression du requérant en sa qualité d’avocat.

75. Dans ces conditions, la Cour considère que la condamnation du requérant n’était pas proportionnée au but légitime poursuivi et n’était, dès lors, pas .

76. Partant, il y a eu violation de l’article 10 de la Convention. » Au vu de la motivation de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme, l’annulation des décisions ne laisse rien subsister à charge de PERSONNE1.) qui puisse être pénalement qualifié et ne laisse rien à juger, de sortequ’il n’y a lieu ni à renvoi devant la Cour d’appel ni à acquittement, l’annulation sans renvoi de la condamnation pénale produisant les mêmes effets qu’une décision d’acquittement.

L’annulation des décisions fait naître une obligation de restitution dans le chef des personnes qui ont perçu des sommes en application des décisions annulées, que ce soit au pénal ou au civil.

Les pouvoirs de la Cour de cassation statuant en matière de révision étant limités par les articles 443 et suivants du Code de procédure pénale, la Cour n’est pas compétente pour se prononcer sur la demande de la partie civile à mettre à la charge de l’Etat les sommes dont la restitution est demandée par le requérant à la partie civile.

Le demandeur requiert, sur le fondement de l’article 447 du Code de procédure pénale, l’octroi du montant de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts du chef de préjudice moral et d’atteinte à sa réputation.

Au vu des éléments du dossier et des pièces versées par le requérant, la Cour de cassation dispose des éléments d’appréciation suffisants pour fixer ex aequo et bono les dommages et intérêts à allouer à PERSONNE1.) du chef du préjudice moral et de l’atteinte à sa réputation causés par la condamnation à la somme de 5.000 euros.

Conformément à la demande du requérant, le présent arrêt sera inséré au Journal officiel du Grand-Duché de Luxembourg, Mémorial A, et publié, par extraits, dans les journaux Luxemburger Wort et Tageblatt, aux frais de l’Etat.

En vertu de l’article 447-1 du Code de procédure pénale, les décisions de condamnation seront effacées du casier judiciaire d’PERSONNE1.).

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation reçoit la demande en révision en la forme ;

la dit fondée ;

partant annule, sans renvoi, sauf en ce qui concerne les acquittements intervenus, le jugement numéro 2871/2021 du 23 décembre 2021 du Tribunal d'arrondissement de Luxembourg et l’arrêt numéro 195/22 X. du 6 juillet 2022 de la Cour d'appel ;

dit qu’il y a lieu à restitution des sommes perçues en vertu des décisions annulées ;

4 se déclare incompétente pour statuer sur la demande de PERSONNE2.) tendant à voir mettre à la charge de l’Etat les sommes dont la restitution est demandée par le requérant à la partie civile ;

alloue à PERSONNE1.) la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et atteinte à sa réputation ;

ordonne qu’à la diligence du Procureur général d’Etat, le présent arrêt soit transcrit sur le registre du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg et sur le registre de la Cour d’appel et qu’une mention renvoyant à la transcription de cet arrêt soit consignée en marge de la minute des décisions annulées et que les mentions relatives aux condamnations annulées soient effacées du casier judiciaire de PERSONNE1.) ;

ordonne la publication du présent arrêt au Journal officiel du Grand-Duché de Luxembourg, Mémorial A, et, par extraits, aux journaux Luxemburger Wort et Tageblatt, ceci aux frais de l’Etat ;

met à charge de l’Etat les frais de l’instance en révision et des décisions annulées.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, vingt-trois janvier deux mille vingt-cinq, à la Cité judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, président, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Françoise WAGENER, premier conseiller à la Cour d’appel, Anne MOROCUTTI, conseiller à la Cour d’appel, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Monique HENTGEN en présence de l’avocat général Christian ENGEL et du greffier Daniel SCHROEDER.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 14/25
Date de la décision : 23/01/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2025-01-23;14.25 ?

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