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19/12/2024 | LUXEMBOURG | N°50906C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 19 décembre 2024, 50906C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 50906C ECLI:LU:CADM:2024:50906 Inscrit le 9 août 2024

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Audience publique du 19 décembre 2024 Appel formé par Monsieur (A) et Madame (B), …, contre un jugement du tribunal administratif du 8 juillet 2024 (n° 49283 du rôle) en matière de protection internationale

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Vu la requ

ête d'appel, inscrite sous le numéro 50906C du rôle, déposée au greffe de la Cour...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 50906C ECLI:LU:CADM:2024:50906 Inscrit le 9 août 2024

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Audience publique du 19 décembre 2024 Appel formé par Monsieur (A) et Madame (B), …, contre un jugement du tribunal administratif du 8 juillet 2024 (n° 49283 du rôle) en matière de protection internationale

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Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 50906C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 9 août 2024 par Maître Samira MABCHOUR, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Venezuela), et de Madame (B), née le … à … (Venezuela), tous deux de nationalité vénézuélienne, demeurant ensemble à L-…, dirigée contre le jugement rendu le 8 juillet 2024 (n° 49283 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg les a déboutés de leur recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 7 juillet 2023 portant refus de faire droit à leur demande de protection internationale et ordre de quitter le territoire;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 16 septembre 2024;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;

Le rapporteur entendu en son rapport et Maître Samuel BECHATA, en remplacement de Maître Samira MABCHOUR, et Madame le délégué du gouvernement Linda MANIEWSKI en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 22 octobre 2024;

Vu le mémoire supplémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 14 novembre 2024;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe de la Cour administrative le 4 décembre 2024 en nom et pour compte des appelants;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités;

1Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 12 décembre 2024.

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Le 27 octobre 2021, Monsieur (A) et sa compagne, Madame (B), ci-après les « consorts (A)-(B) », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après le « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après la « loi du 18 décembre 2015 ».

Leurs déclarations respectives sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent du service de police judiciaire de la police grand-ducale, section criminalité organisée - police des étrangers, dans un rapport du même jour.

Les 28 mars et 2 mai 2022, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs gisant à la base de sa demande de protection internationale, tandis que Madame (B) fut entendue les 2 et 16 mai 2022 pour les mêmes raisons.

Par décision du 7 juillet 2023, notifiée aux intéressés par courrier recommandé expédié le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après le « ministre », les informa que leurs demandes de protection internationale avaient été refusées comme étant non fondées, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, ladite décision étant libellée comme suit :

« (…) J’ai l’honneur de me référer à vos demandes en obtention d’une protection internationale que vous avez introduites le 27 octobre 2021 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos motifs de fuite En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 27 octobre 2021 et les rapports d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 28 mars, 2 mai et 16 mai 2022 sur les motifs sous-tendant vos demandes de protection internationale, ainsi que les documents versés à l’appui de vos demandes de protection internationale.

Vous déclarez être tous deux de nationalité vénézuélienne, de confession catholique, être en couple non marié depuis … ans et avoir vécu ensemble au Vénézuela respectivement à …, dans l’Etat d’Anzoátegui avec Madame, votre fille (C) et vos petits-enfants puis à …, dans l’Etat du Bolivar avec Madame, votre autre fille (D) et votre petite-fille jusqu’à votre départ du Vénézuela. Par ailleurs, vous mentionnez que votre fille (C) et vos deux petits-enfants vivraient au Luxembourg où le statut conféré par la protection subsidiaire leur a été octroyée le 21 juillet 2021.

2 Madame, en cas de retour au Vénézuela, vous affirmez premièrement craindre que les appels téléphoniques des personnes demandant des renseignements sur votre fille (C) ne cessent et que vous ne puissiez porter plainte auprès de la police car « cela ne sert à rien » (p.8/10, de votre rapport d’entretien, Madame).

Vous expliquez plus particulièrement que votre fille (C) aurait été obligée de quitter le Vénézuela suite à des problèmes rencontrés avec l’entreprise publique vénézuélienne (EE) pour laquelle elle aurait travaillé à ….

Personnellement, vous auriez reçu les premiers appels téléphoniques deux jours après le départ de votre fille en septembre 2019, et sur conseil de cette dernière, vous auriez déménagé à … endéans le mois de son départ. Au total, vous auriez reçu entre cinq et dix appels de personnes qui auraient souhaité connaître l’endroit où se trouve votre fille puis auraient raccroché sans décliner leurs identités. L’école aurait aussi demandé des nouvelles de vos petits-enfants peu après votre déménagement. En dehors de ces appels, vous mentionnez avoir eu l’impression que quelqu’un vous aurait suivie en admettant toutefois ne pas en avoir la certitude.

Ainsi, vous affirmez ne pas avoir connu « la dimension du problème » (p.7/10, de votre rapport d’entretien, Madame) de votre fille mais que ces appels vous auraient fait peur et que vous vous seriez sentie harcelée au point de vouloir quitter votre pays d’origine.

Madame, vous affirmez deuxièmement craindre les « Russes au Vénézuela » (p.6/10, de votre rapport d’entretien, Madame) surtout suite à l’invasion de l’Ukraine, sans cependant donner plus d’explications.

En outre, vous craindriez de manière générale l’insécurité au Vénézuela, car « les rues sont prises par les gangs de délinquants. Les prisons sont pleines de monde » (p.6/10, de votre rapport d’entretien, Madame), des personnes mourraient autour de vous, et vous seriez convaincue que les autorités gouvernementales seraient toutes corrompues et de ce fait ne pourraient vous protéger.

A cela s’ajoute que, depuis le départ de votre fille (C), laquelle aurait contribué aux dépenses quotidiennes, vous craindriez ne pas pouvoir subvenir à vos besoins économiques car le loyer que vous touchez pour votre local et la rente de votre compagnon ne suffiraient plus.

Monsieur, en cas de retour au Venezuela, vous affirmez premièrement craindre d’être emprisonné, voire d’être tué en raison des problèmes passés de votre belle-fille (C) avec l’entreprise publique vénézuélienne (EE) pour laquelle elle aurait travaillé.

Vous expliquez plus particulièrement que des personnes que vous ne connaitriez pas, probablement des collègues de travail de votre belle-fille ou des enseignants de vos beaux-petits-enfants, vous auraient accosté dans la rue pour vous demander pour quelles raisons ces derniers n’iraient pas à l’école tout en expliquant que comme vous les y emmeniez parfois, il aurait été su que vous auriez été leur grand-père.

3Personnellement, vous affirmez Monsieur, ne pas avoir reçu d’appels téléphoniques étant donné que vous ne posséderiez pas de téléphone portable, mais vous déclarez que votre femme aurait reçu des télémessages sans cependant pouvoir donner des détails quant à leur contenu.

Vous poursuivez en expliquant avoir déménagé à … pour tenter d’échapper au prétendu harcèlement dont vous vous sentiriez personnellement victime. Une fois installé à …, des inconnus vous auraient à nouveau interpellé « plusieurs fois » (p.9/12, de votre rapport d’entretien, Monsieur) dans la rue pour vous demander où se trouverait votre belle-fille.

Monsieur, vous affirmez deuxièmement craindre d’être suivi continuellement voire d’être emprisonné ou tué en raison de votre passé militaire et pour avoir des opinions politiques différentes du parti du gouvernement en place. Ainsi, vous auriez rejoint l’armée en 1980, vous auriez été affecté au commandement régional n°8 de la Garde nationale et y auriez occupé des fonctions administratives avec le titre de « Sumariador » (p.3/12, de votre rapport d’entretien, Monsieur) pendant vingt ans. Vous prétendez craindre d’être suivi continuellement ou emprisonné à cause de ce passé militaire, parce que vous connaitriez le fonctionnement interne de la Garde nationale, et que vous ne seriez pas en accord avec le parti du gouvernement.

Quant à vos prétendues opinions politiques, il ressort de vos dires que vous confirmez ne pas être membre d’aucun parti politique, mais que vous craindriez de vous faire emprisonner ou tuer parce que vous appartiendriez à l’opposition politique.

De manière générale, vous craindriez en cas de retour, de ne pas être en sécurité, alors que selon vous ces appels et interpellations dans la rue auraient été commandités par le gouvernement. Vous ne pourriez pas compter sur la protection des autorités vénézuéliennes.

Madame, Monsieur, vous expliquez que vous auriez quitté votre pays d’origine le 21 octobre 2021 en toute légalité, munis de vos passeports, en prenant un vol de Caracas vers Istanbul puis vers le Luxembourg en transitant par l’Espagne. Vous ne mentionnez aucun incident lors de votre trajet.

A l’appui de vos demandes, vous remettez les documents suivants :

- Vos passeports vénézuéliens respectifs, émis Monsieur, le … 2021, et Madame, le … 2021, en cours de validité ;

- vos cartes d’identité vénézuéliennes respectives, en cours de validité.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l’article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d’une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

4Aux termes de l’article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils n’émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.

Madame, Monsieur, force est en premier lieu de constater que vos craintes de persécution ne sont pas liées à l’un des motifs de fond définis par la Convention de Genève respectivement par la Loi de 2015. En effet, il ressort de l’évaluation des motifs de persécution que vous avez présentés, que vous craindriez, en cas de retour dans votre pays d’origine, de continuer à être harcelés par des appels téléphoniques demandant des renseignements sur votre fille (C), d’être interpellés dans la rue, ou d’être pris en filature. Vos prétendues craintes ne sont donc pas basées sur votre race, votre nationalité, votre religion, vos opinions politiques ou votre appartenance à un certain groupe social, tel que prévu par la Convention de Genève et la Loi de 2015.

Quand bien même ces craintes rentreraient dans le champ d’application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015, ce qui reste contesté, toujours est-il que seuls des interpellations et appels téléphoniques ne revêtent pas un degré de gravité tel à pouvoir être qualifiés d’actes de persécution au sens des textes précités.

En effet, Madame, vous affirmez que ces appels auraient été réitérés fréquemment pourtant vous ne donnez qu’une vague fourchette de cinq à dix appels qui auraient été passés sur une durée de douze mois, et à aucun moment vous expliquez avoir été menacée ou insultée.

Partant, vos appels ne peuvent pas être considérés comme intimidants et cherchant à vous nuire personnellement.

Il convient d’ajouter encore quant aux appels reçus de l’école demandant des renseignements au sujet de vos petits-enfants, qu’une obligation légale scolaire est en vigueur au Vénézuela, de sorte qu’il est tout à fait compréhensible que l’école cherche à s’informer au sujet de ces élèves absents, alors qu’à l’époque vos petits-enfants seraient partis subitement du Vénézuela avec votre fille.

Quoi qu’il en soit, ces prétendus appels ne vous concernent pas directement mais bien votre fille (C) et vos petits-enfants lesquels se trouvent à présent hors du pays. Or, il s’avère que vos craintes sont basées sur des faits non-personnels vécus par un autre membre de la famille et qu’ils sont susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève et de la Loi de 2015 uniquement si le demandeur de protection internationale établit dans son chef un risque réel d’être victime d’actes similaires en raison de circonstances particulières, ce qui n’est clairement pas votre cas en l’espèce, alors que vous restez en défaut 5d’étayer un lien entre ces faits et des éléments liés à votre personne vous exposant à des actes similaires.

Au demeurant, vous concédez vous-même, que vous ne connaitriez pas « la dimension du problème » (p.7/10 de votre rapport d’entretien, Madame) de votre fille (C) et aucun élément de votre dossier laisse présumer que vous auriez été la cible des mêmes auteurs de persécution de votre fille. En effet, hormis les prétendus appels reçus, aucun incident vous impliquant personnellement ne fait partie de vos déclarations et ce même pendant plus d’un an après le départ de votre fille (C).

Force est de constater que, vous ne présentez aucun indice permettant de conclure valablement à un risque de persécution dans vos chefs, en lien avec les prétendus incidents vécus par votre fille (C).

Partant, la crainte de vous voire harceler en raison du passé de votre fille n’est pas fondée.

Quant à votre prétendue crainte d’être prise en filature Madame, il convient d’ajouter encore que vous admettez vous-même que cela aurait pu être de la « paranoïa » (p.7/10 de votre rapport d’entretien, Madame) et que de toute façon vous restez en défaut de faire part d’incidents concrets qui permettraient d’établir l’existence d’une telle filature.

Partant, votre crainte selon laquelle tous vos mouvements auraient été observés, doit dès lors être perçue comme étant totalement hypothétique et infondée.

Par ailleurs, il appert que vous n’auriez pas cherché à porter plainte au seul motif que vous êtes d’avis que tous les agents de l’Etat vénézuélien seraient corrompus. Vous ne faites donc pas état de votre crainte de contacter les autorités, mais vous basez votre inaction uniquement sur une seule supposition de corruption. Ainsi, vous avez nécessairement mis les autorités compétentes dans l’impossibilité d’accomplir leurs missions. Aucune défaillance ou inefficacité ne saurait dès lors leur être reprochée.

Madame, quant à vos prétendues craintes liées à la présence de ressortissants russes sur le territoire vénézuélien, surtout depuis l’invasion de l’Ukraine, il appert de noter tout d’abord que vous restez entièrement en défaut d’avancer des quelconques détails ou informations supplémentaires censés expliquer cette crainte. Il ressort des recherches ministérielles effectuées que même si le Vénézuela est effectivement un allié historique de la Russie, ce fait ne vous concerne pas personnellement et n’a aucun lien avec votre vie et vos prétendus soucis au Vénézuela. La seule présence de personnes d’origine russe au Vénézuela ne saurait de tout évidence pas suffire à justifier l’octroi du statut de réfugié dans votre chef, de sorte que vos craintes à cet égard doivent être définies comme étant totalement hypothétiques ou infondées.

Quant à votre crainte de manière générale de l’insécurité au Vénézuela, vous expliquez que « les rues sont prises par les gangs de délinquants » (p.6/10 de votre rapport d’entretien, Madame), et que vous êtes convaincue que les autorités gouvernementales sont toutes corrompues et ne peuvent vous protéger.

Renseignements pris, il s’avère que, si le taux de criminalité est effectivement très élevé au Vénézuela, la police ne reste pas inactive face aux agissements de ces gangs. Dans ce contexte, votre seule allégation selon laquelle vous n’auriez pas porté plainte au motif que tous 6les agents de l’Etat vénézuélien seraient corrompus, ne saurait pas suffire pour justifier votre totale inaction dans ce domaine. La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève et la Loi de 2015. Or, vous restez en défaut de préciser en quoi la situation sécuritaire au Vénézuela liée à la présence de gangs, risquerait de vous faire subir personnellement des actes de persécution au sens desdits textes. En effet, vous n’évoquez aucun incident vous impliquant personnellement hormis la mention d’éléments vagues sans lien avec votre situation personnelle alors que vous déclarez avoir vu « des personnes mourir » (p.6/10 de votre rapport d’entretien, Madame) autour de vous sans fournir la moindre explication supplémentaire, ni préciser le contexte, le lieu ou donner une date de survenue d’un événement concret. Par ailleurs, vous n’invoquez pas non plus avoir été vous-même victime, même collatérale, d’un gang de délinquants, ou d’avoir été emprisonnée ou ne serait-ce qu’arrêtée et placée en garde à vue.

Partant vos seules craintes liées à la prétendue dégradation de la situation sécuritaire générale au Vénézuela ne sauraient pas suffire pour établir dans votre chef une crainte fondée de persécution au sens desdits textes.

Enfin, Madame, quant à vos préoccupations économiques en lien avec le départ de votre fille (C), laquelle aurait contribué aux dépenses quotidiennes et craintes de ne pas pouvoir subvenir à vos besoins car le loyer que vous toucheriez pour la location de votre bien, et la rente de votre compagnon ne suffiraient plus, il convient de rappeler que des motifs économiques et de convenance personnelle ne sauraient pas justifier l’octroi du statut de réfugié, alors qu’ils ne rentrent nullement dans le champ d’application de la Convention et de la Loi de 2015.

Monsieur, il ressort de vos déclarations que vous craindriez, en cas de retour dans votre pays d’origine d’être emprisonné, voire d’être tué en raison des problèmes passés de votre belle-fille (C) avec l’entreprise pour laquelle elle aurait travaillé. Vous justifiez cette crainte en évoquant le fait que des personnes que vous ne connaitriez pas, probablement des collègues de travail de votre belle-fille ou des enseignants de vos beaux-petits-enfants, vous auraient accosté dans la rue et demandé pour quelles raisons ces derniers n’iraient pas à l’école. Vous expliquez aussi qu’une fois avoir déménagé à …, des inconnus vous auraient interpellés « plusieurs fois » (p.9/12 de votre rapport d’entretien, Monsieur), dans la rue pour vous demander où votre belle-fille se serait trouvée.

Force est de constater que, vous tentez fort contestablement de lier les craintes passées de votre belle-fille aux vôtres alors que, d’une part, vous confessez vous-même ignorer les raisons pour lesquelles votre belle-fille a quitté le Vénézuela, d’autre part vous n’apportez aucun élément personnel autre que les échanges verbaux anodins, pouvant liées vos craintes à l’un des motifs prévus par la Convention et par la Loi de 2015.

Eu égard à ce qui précède, il s’avère que vos craintes sont basées sur des faits non-personnels vécus par un autre membre de la famille et qu’ils sont susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève et de la Loi de 2015 uniquement si le demandeur de protection internationale établit dans son chef un risque réel d’être victime d’actes similaires en raison de circonstances particulières, ce qui n’est clairement pas votre cas en l’espèce, alors que vous restez en défaut d’étayer un lien entre ces faits et des éléments 7liés à votre personne vous exposant à des actes similaires. Par ailleurs, les faits invoqués à la base de ces craintes ne revêtent pas un degré de gravité tel à pouvoir être qualifiés d’actes de persécution au sens des textes précités.

Au surplus, vous restez en défaut d’énumérer combien de fois l’on vous aurait interpellé dans la rue, et surtout vous prétendez craindre des personnes qui n’ont pas proféré des menaces ou injures à votre encontre ou votre famille mais seulement, d’après vos propres dires, demandé où se trouve actuellement votre belle-fille. Vous expliquez aussi que ces personnes seraient de parfaits inconnus, alors que vous concédez, qu’il pourrait s’agir d’anciens collègues de travail de votre fille ou d’enseignants de vos petits-enfants à ….

Par ailleurs, après avoir déménagé à …, vous expliquez que les personnes qui vous y auraient abordé ne pourraient être logiquement que des agents du gouvernement puisque celles-ci vous connaîtraient ainsi que votre belle-fille alors qu’elles vous seraient inconnues.

Force est cependant de constater, qu’il ressort de votre dossier, que vous-même avez vécu de nombreuses années à …, où vous avez d’ailleurs rencontré votre compagne laquelle aurait avec votre belle-mère tenu un restaurant de quartier pendant des années. Ainsi, l’on peut s’attendre à ce que vous soyez connu du voisinage ainsi que votre belle-fille, puisque vous déclarez « dans la maison où la petite a grandi » (p.8/12 de votre rapport d’entretien, Monsieur).

A cela s’ajoute que vous déclarez que votre femme aurait reçu des télémessages, cependant à aucun moment lors de ses entretiens, votre compagne ne mentionne avoir reçu des messages sous forme écrite. Pourtant, si tel avait été le cas, il aurait été dans vos intérêts de montrer ces messages comme élément de preuve supplémentaire à votre dossier. A supposer que de tels messages auraient été envoyés à votre compagne, vous déclarez ne pas pouvoir donner des détails quant à leur contenu et vous déclarez seulement « j’imagine que c’était la même chose que moi » (p.8/12 de votre rapport d’entretien, Monsieur). Or, si la nature de ces messages aurait eu pour effet de vous faire peur, l’on aurait pu s’attendre à ce que vous en discutiez avec votre compagne respectivement à ce que vous puissiez en décrire du moins un peu le contenu.

Il échet d’en conclure que, non seulement, les faits que vous invoquez ne caractérisent pas objectivement un danger ou un risque encouru pouvant conclure à une crainte fondée, mais même votre crainte subjective, votre peur des « inconnus » » (p.9/12 de votre rapport d’entretien, Monsieur), et votre peur d’être « harcelé » » (p.7/12 de votre rapport d’entretien, Monsieur), doivent être remises en question.

Partant, les craintes d’être emprisonné, voire d’être tué en raison des problèmes passés de votre belle-fille au Vénézuela ne sont pas fondées.

Monsieur, quant à vos craintes, d’être suivi continuellement voire d’être emprisonné ou tué en raison de votre passé militaire et pour avoir des opinions politiques différentes du parti du gouvernement en place, il appert que vous concédez vous-même n’être membre d’aucun parti politique et vous restez en défaut d’expliquer les raisons pour lesquelles vous seriez considéré comme opposant politique au régime. Vous restez également en défaut d’expliquer en quoi votre passé militaire risquerait de vous causer dans le futur des ennuis au Vénézuela et les recherches ministérielles n’ont pas non plus permis de trouver un risque de mauvais traitement auquel des militaires retraités seraient exposés au Vénézuela.

8Quant à votre allégation supplémentaire selon laquelle vous auriez été mis en pré-retraite en raison de votre soutien à l’opposition politique, il s’avère difficilement crédible d’associer votre pré-retraite à une mesure de représailles du gouvernement en raison de votre prétendu soutien à l’opposition politique.

En effet, il échet tout d’abord de rappeler que vous déclarez vous-même avoir fait votre carrière militaire dans la Garde nationale dont 9 ans sous le président Hugo Chavez, et le « MVR » (Mouvement Cinquième République) ainsi que le « PSUV » (Parti socialiste unifié du Venezuela), encore à ce jour parti du gouvernement en place.

Quand bien même vous auriez été envoyé en pré-retraite au bout de 27 ans de service en tant que sanction, vous indiquez avoir touché 99% de la pension due en cas de départ en retraite au bout de 30 ans en plus des bénéfices d’alimentation et ce pendant les quinze dernières années.

D’ailleurs, non seulement vous auriez touché votre pension pendant les quinze dernières années, mais en plus vous ne rapportez aucun incident pendant ces années, tel une arrestation voire même un échange verbal menaçant en raison de votre prétendue opposition politique ou votre passé militaire, de sorte que vous ne sauriez faire valoir un quelconque mauvais traitement auquel vous auriez été exposé.

En outre, au Vénézuela vous n’avez pas eu de difficulté à déménager et vous avez pu même quitter le pays, ce qui encore une fois, démontre que vous n’êtes pas considéré comme un opposant politique par le gouvernement puisque vous êtes tout à fait libre de vos mouvements aussi bien en interne qu’à l’international.

Au vu de ce qui précède, il est évident que vous vous présentez comme opposant politique sans fondement et que vos craintes de persécution liées ne sont par conséquent pas fondées.

Force est de conclure que la dimension politique de vos déclarations a été limpidement ajoutée pour augmenter vos chances d’obtenir une protection internationale, alors que vous restez en défaut de mentionner une quelconque difficulté en relation avec une prétendue qualité d’opposant politique.

Madame, Monsieur, à toutes fins utiles, il appert encore de relever que vous possédez tous les deux des passeports récents, émis en … 2021 respectivement en … 2021 et toujours en cours de validité, ainsi que vous avez quitté le Vénézuela en toute légalité en octobre 2021, ce qui est un élément de plus prouvant que vos craintes respectives des autorités vénézuéliennes ne sont pas fondées, puisque celles-ci ne vous ont manifestement pas dans leur collimateur.

Ce constat vaut d’autant plus que vos familles habiteraient encore au Vénézuela, et plus particulièrement votre autre fille (D) et petite-fille ainsi que l’une de vos sœur, Madame, continueraient en ce moment même, à vivre respectivement dans votre appartement à … et dans votre maison à …, sans que vous ne fassiez état de persécutions qu’elles auraient subis ou ne serait-ce que d’incidents concrets dans lesquels elles auraient été impliquées.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

9• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi.

L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Madame, Monsieur, il y a lieu de souligner qu’à l’appui de vos demandes de protection subsidiaire respectives, vous invoquez en substance les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de vos demandes de reconnaissance du statut de réfugié.

Au vu des conclusions ci-dessus, il y a de même, lieu de retenir qu’il n’existe manifestement pas davantage d’éléments susceptibles d’établir, sur la base des mêmes faits que ceux exposés en vue de vous voir reconnaître le statut de réfugié, qu’il existerait des motifs sérieux et avérés de croire que vous courriez, en cas de retour dans votre pays d’origine, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi de 2015.

En effet, vous rest[ez] en défaut d’établir qu’en cas de retour au Vénézuela, vous risqueriez la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre votre vie ou vôtre personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Vos demandes en obtention d’une protection internationale sont dès lors rejetées comme non fondées.

Suivant les dispositions de l’article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination du Vénézuela ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisés à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 août 2023, les consorts (A)-(B) firent introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée du ministre du 7 juillet 2023 portant rejet de leur demande de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

10 Par jugement du 8 juillet 2024, le tribunal administratif déclara non fondé le recours en réformation en ses deux volets, partant en débouta, dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation, le tout en condamnant les demandeurs aux frais et dépens de l’instance.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 9 août 2024, les consorts (A)-(B) ont régulièrement fait entreprendre le jugement du 8 juillet 2024.

A l’appui de leur appel, ils font valoir essentiellement craindre d'être persécutés et de subir des représailles en cas de retour au Venezuela, du fait que la fille (C) de Madame (B) aurait quitté le Venezuela en raison de problèmes qu’elle aurait rencontrés avec l'entreprise publique vénézuélienne (EE), notoirement connue pour être impliquée dans une vaste affaire de corruption.

Les intimidations, dont ils auraient été victimes (« appels intempestifs non identifiés, […] demandes d'explications sur la situation de leur fille (C) ainsi que des filatures ») constitueraient la preuve d’un risque imminent de persécution dans leur propre chef.

Ils précisent que les autorités de police, censées les protéger, seraient gangrenées par la corruption, de sorte que la moindre plainte serait susceptible d'alerter les personnes désireuses de leur porter atteinte.

Par ailleurs, une possibilité d'une fuite ou d'une réinstallation interne au Venezuela n’existerait pas, au motif qu’ils risqueraient d’être repérés où qu’ils aillent.

Au-delà, « pour les détails concernant les motifs à la base de [leur] (…) fuite », ils déclarent renvoyer à leurs rapports d'entretien respectifs.

Les appelants reprochent aux premiers juges d’avoir fait une appréciation erronée de leurs craintes de persécutions liées à leur appartenance à une famille, partant un groupe social, dont l'un des membres, à savoir (C), aurait été forcée de quitter le Venezuela du fait de son témoignage sur des faits de corruption impliquant des personnes politiques influentes et la compagnie nationale pétrolière au sein de laquelle elle aurait travaillé. Ils entendent documenter leurs dires par la production d’un article publié sur le site de « … » en date du … … 2023 exposant la problématique de corruption affectant cette compagnie pétrolière nationale et touchant les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire vénézuéliens depuis des années. Ils seraient partant en droit de craindre « les répercussions ou les représailles » pouvant les affecter à la suite du départ de leur fille et belle fille.

En effet, ils estiment remplir les conditions pour pouvoir bénéficier du statut de réfugié sinon une protection subsidiaire.

Au-delà, leur demande de protection internationale serait justifiée par « l'aggravation de la situation politique, socio-économique, des droits de l'homme et de la situation humanitaire au Venezuela ».

Ils demandent en conséquence la réformation du jugement entrepris et l’octroi d’une protection internationale, principale ou subsidiaire.

11Concernant le volet de leur recours dirigé contre l'ordre de quitter le territoire, les appelants soutiennent encore que même en cas de rejet de leur demande de protection internationale, les principes de respect des droits fondamentaux internationalement garantis s’opposeraient à leur refoulement vers le Venezuela au vu de la situation générale y existant, d’une part, et du fait que Monsieur (A) serait « diabétique et ne dispose plus que [de] 16% vision (conséquence du stress) de sorte qu'il ne peut plus circuler sans l'aide d'une canne », d’autre part, de sorte qu’il ne serait « pas certain qu'en cas de retour au Venezuela, les appelants ne soient pas exposés à des traitements inhumains et dégradants interdits par les articles 3 CEDH, 4 de la Charte et 19(2) de la Charte ».

De son côté, le délégué du gouvernement conclut en substance à la confirmation intégrale du jugement entrepris et de la décision ministérielle litigieuse, les deux tablant sur des appréciations justes tant en droit qu’en fait.

A travers son mémoire supplémentaire déposé, suite à la demande de précision de la Cour relativement à la situation juridique au Luxembourg de la fille de Madame (B), le délégué du gouvernement confirme que Madame (C), ainsi que ses deux enfants mineurs, ont bénéficié d’une mesure de protection subsidiaire en date du 12 juillet 2021, sur base de l’exposé de sa crainte d'être dans le collimateur de ses supérieurs hiérarchiques au sein de son employeur, la compagnie pétrolière (EE), en raison de son refus de participer à leurs manœuvres frauduleuses et à la corruption régnant au sein de ladite compagnie, le ministre considérant que si les risques émanaient de personnes privées, Madame (C) ne pouvait pas bénéficier d'une protection de l'Etat vénézuélien, considéré comme étant intimement lié aux dirigeants de ladite compagnie.

Le délégué précise cependant que la situation des appelants, c’est-à-dire les mère et beau-père de Madame (C), ne serait pas comparable à celle de leur fille/belle-fille et qu’ils n’établiraient pas un lien entre les craintes de la fille/belle-fille et des éléments liés à leur personne les exposant à des actes similaires, les prétendus appels téléphoniques ne constituant pas des actes suffisamment graves pour constituer une violation grave de leurs droits fondamentaux ou autrement un risque de persécution.

Dans leur prise de position additionnelle, les appelants réitèrent avoir quitté le Venezuela spécialement du fait des persécutions qu'ils auraient subies en raison du différend entre leur fille/belle-fille et son employeur, lequel aurait conduit des individus non identifiés à chercher à connaître leur lieu de résidence.

Ils estiment que le harcèlement psychologique qu’ils auraient dû souffrir du fait de ces appels téléphoniques est à qualifier de grave, étant soutenu qu’en tant que proches de la personne primairement persécutée, ils craindraient à raison d’être à leur tour exposés à des actes de persécution indirects et il ne saurait être question de faits « isolés ou anodins ».

En substance, selon les appelants, leur peur, analysée dans son contexte spécifique des risques de persécution de leur fille et belle-fille, serait justifiée et bien réelle, tout comme grave et persistante, surtout au regard du régime répressif en place au Venezuela, où les opposants au régime ou leurs familles seraient souvent la cible de harcèlements, d'intimidations et de violences.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques 12ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Il se dégage de la lecture combinée des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d'origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l'article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L'octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Il s’y ajoute que la définition du réfugié contenue à l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2 sub g), de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur de protection internationale ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse 13du juge devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

L’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Concernant le motif de persécution des appelants désormais prépondérant, à savoir l’incidence des différends de leur fille/belle-fille avec une entreprise publique pétrolière nationale, qui, après son départ, auraient amené des inconnus à les suivre et les contacter pour connaître son lieu de résidence, il convient de relever qu’au-delà de toutes considérations relativement à la question de savoir si une famille est à assimiler à un groupe social au sens de la Convention de Genève, il est incontestable que des persécutions pour une des raisons énoncées à l'article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève contre des proches parents peuvent, compte tenu des circonstances particulières, justifier une crainte légitime de subir le même sort.

Ceci étant, pour que des persécutions subies par une personne autre que le demandeur de protection internationale peuvent établir une crainte fondée de persécutions dans le chef de ce dernier, il faut que le demandeur puisse établir dans son chef l’existence d’un risque réel d’être victime d’actes similaires en raison de circonstances particulières.

Selon les appelants, la preuve de ce risque se dégagerait du fait de leur lien de parenté proche avec Madame (C) et du fait que des inconnus les auraient contactés par téléphone pour connaître son lieu de séjour, de sorte que le pire serait à craindre.

Le fait que les appelants ont pu être contactés à différentes reprises par des personnes cherchant à obtenir des informations sur le lieu de séjour de leur fille ou belle-fille, s’il appert être en relation avec la situation de persécution de la première visée, il n’en reste pas moins que dans les circonstances de la cause, les simples appels téléphoniques n’apparaissent pas comme étant suffisants pour légitimer leur crainte de persécution.

En effet, s’il est certes vrai que, tout comme des actes de violence physique, des menaces et des harcèlements psychologiques sont susceptibles de constituer une forme de persécution et de la sorte, justifier une demande de protection internationale, il n’en reste pas moins qu’en l’espèce, les simples appels téléphoniques, non autrement suivis d’actes concrets et non susceptibles d’être qualifiées de menaces concrètes -les premiers juges ayant relevé à bon escient qu’il ne ressort nullement des déclarations des intéressés qu’ils auraient fait l’objet d’une quelconque menace ou d’un acte malveillant, mais qu’ils se sont bornés à indiquer que des inconnus leur auraient téléphoné afin de connaître le lieu de séjour de leur fille et qu’ils auraient eu l’impression d’être suivis- n’atteignent pas à eux seuls le seuil de gravité requis pour pouvoir être qualifiées d’actes de persécution au sens de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015, à savoir des actes suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’Homme, ni d’ailleurs un incident correspondant à une atteinte grave au sens de l’article 48 de la même loi, c’est-à-dire qui pourrait entraîner l’application de la peine de mort, l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou même des menaces graves et 14individuelles contre leur vie ou leur personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international dans leur pays d’origine.

De même, lesdits appels téléphoniques que les appelants mettent essentiellement en balance ne suffisent pas non plus à eux-seuls pour constituer des éléments liés à leurs propres personnes les exposant à des actes similaires que risque leur fille et belle-fille.

En d’autres termes, les éléments de la cause restent insuffisants pour établir à suffisance de droit un schéma de persécution indirecte dans le chef des appelants, lesquels ne convainquent de la sorte pas en ce qu’ils soutiennent avoir été ou, en cas de retour au Venezuela, être concrètement placés dans une situation de peur constante d'être persécutés à l’instar de leur fille et belle-fille.

En dernière analyse, les craintes des appelants apparaissent fonder essentiellement sur de simples suppositions et les appelants ne sont ainsi pas mus par une crainte légitime de persécution, mais plutôt par un sentiment général d’insécurité.

Quant à la situation sécuritaire en général au Venezuela, s’il ne peut être nié que le Venezuela a connu et connaît une situation sécuritaire problématique, notamment en raison de la violence criminelle de droit commun qui y est très répandue, il n’en reste pas moins qu’il ne se dégage pas des éléments du dossier que cette situation serait telle que tout ressortissant vénézuélien a une crainte fondée de subir des actes de persécution ou des atteintes graves du seul fait de sa présence sur le territoire.

Il s’ensuit que les appelants n’ont pas non plus justifié l’existence d’un risque concret de faire l’objet d’actes de persécution ou d’atteintes graves en raison de la situation sécuritaire prévalant au Venezuela.

Ceci dit, les premiers juges sont encore à entériner en leur conclusion pertinente de ce que la crainte essentiellement générale des appelants vis-à-vis des Russes vivant au Venezuela, de même que leurs craintes vagues et non circonstanciées en raison du passé militaire de Monsieur (A) et de ses opinions politiques, qui n’ont plus été mis en discussion en instance d’appel, ne sont pas non plus suffisantes pour justifier l’octroi d’une mesure de protection internationale aux appelants.

Dans ces circonstances, le ministre d’abord, les premiers juges par la suite ont valablement pu retenir que les éléments de la cause ne sont pas de nature à établir l’existence, dans le chef des appelants, ni d’une crainte fondée de persécutions, ni d’un risque réel de subir des atteintes graves, en cas de retour dans leur pays d’origine, de sorte à ne pas justifier l’octroi d’un statut de protection internationale.

Il suit de ce qui précède que c’est à bon droit que le ministre, puis les premiers juges, ont rejeté la demande de protection internationale prise en son double volet et le jugement est à confirmer sous ce rapport.

Enfin, concernant l’ordre de quitter le territoire, dès lors que l’article 34 paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 dispose qu’« une décision du ministre vaut décision de retour.

(…) » et qu’en vertu de l’article 2 sub q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire », l’ordre de quitter est à considérer comme constituant 15la conséquence automatique du refus de protection internationale, avec comme conséquence pour le cas d’espèce, où le rejet ministériel de la demande de protection internationale vient d’être déclaré justifié dans ses deux volets, que l’ordre de quitter n’est pas sérieusement critiquable ni critiqué, étant relevé qu’il vient d’être retenu ci-avant que les craintes invoquées par les appelants ne véhiculent pas un risque réel et actuel de subir des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants. Cette conclusion n’est pas non plus ébranlée par la mise en balance des considérations relatives aux problèmes de santé de Monsieur (A), dès lors qu’il n’appert pas en quoi de par ces problèmes, un éloignement de l’intéressé placerait ce dernier dans une situation à qualifier d’inhumaine et dégradante.

Il s’ensuit que le jugement est encore à confirmer en ce qu’il a refusé de réformer cet ordre.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter les appelants.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause;

reçoit l’appel en la forme;

au fond, déclare l’appel non justifié et en déboute;

partant, confirme le jugement entrepris du 8 juillet 2024;

condamne les appelants aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.

s. SCHINTGEN s. CAMPILL 16


Synthèse
Numéro d'arrêt : 50906C
Date de la décision : 19/12/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-12-19;50906c ?

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