GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 50869C ECLI:LU:CADM:2024:50869 Inscrit le 5 août 2024 Audience publique du 19 décembre 2024 Appel formé par Madame (A), veuve (B), …, contre un jugement du tribunal administratif du 26 juin 2024 (n° 48130 du rôle) ayant statué sur son recours dirigé contre une décision du bourgmestre de la Ville d’Esch-sur-Alzette en matière de permis de construire Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 50869C du rôle et déposée le 5 août 2024 au greffe de la Cour administrative par Maître André HARPES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A), veuve (B), demeurant à L-…, dirigée contre le jugement du 26 juin 2024 (n° 48130 du rôle) rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché du Luxembourg sur le recours introduit par elle contre la décision du bourgmestre de la Ville d’Esch-sur-Alzette prise le 18 août 2022 portant refus d’octroi d’une autorisation pour le remplacement de fenêtres d’un immeuble sis à …, L-… ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Patrick KURDYBAN du 29 août 2024, demeurant à Luxembourg, immatriculé près du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, portant signification de cette requête d’appel à l’administration communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette, établie à L-4002 Esch-sur-Alzette, Place de l’Hôtel de Ville, représentée par son collège des bourgmestre et échevins en fonctions ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 9 octobre 2024 par Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 8 novembre 2024 par Maître André HARPES au nom de Madame (A), veuve (B), préqualifiée ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 2 décembre 2024 par Maître Steve HELMINGER au nom de l’administration communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette, préqualifiée ;
1Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris ;
Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;
Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 10 décembre 2024.
Par le biais d’un formulaire de demande daté du 8 juillet 2022, Madame (A), veuve (B) introduisit auprès de l’administration communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette, ci-après « la Ville d’Esch-sur-Alzette », une demande tendant à l’octroi d’une autorisation de construire pour le remplacement des fenêtres au premier étage de l’immeuble sis à L-…, à laquelle le bourgmestre de la Ville d’Esch-sur-Alzette, ci-après « le bourgmestre », refusa de faire droit par décision du 18 août 2022. Cette décision est libellée comme suit :
« (…) Par la présente j’ai l’honneur d’accuser bonne réception de votre demande pour le remplacement des fenêtres au premier étage de l’immeuble à usage mixte sis ….
Cependant, suite à l’examen des pièces nous soumises et considérant l’avis de la Commission des Hommes et des Femmes du Métier, nous avons le regret de ne pas pouvoir délivrer une autorisation de construire, car votre projet n’est pas conforme à l’art.2 du Plan d’Aménagement Particulier (PAP) Quartier Existant (QE) du 5 février 2021 qui dispose :
2.1 Bâtiments à conserver c) Toute transformation ou modification d’un « bâtiment à conserver » qui peut nuire à la valeur historique, artistique ou esthétique du bâtiment est interdite. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 3 novembre 2022, Madame (A) fit introduire un recours tendant à l’annulation de la décision, précitée, du bourgmestre du 18 août 2022.
Par un jugement du 26 juin 2024, inscrit sous le numéro 48130 du rôle, le tribunal administratif reçut en la forme le recours en annulation, au fond, le déclara non fondé, tout en condamnant la demanderesse au paiement des frais et dépens de l’instance.
Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 5 août 2024, Madame (A) a régulièrement relevé appel de ce jugement.
Arguments des parties Après avoir rappelé les faits et rétroactes tels que repris ci-avant, l’appelante invoque les moyens suivants :
2i) violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », en raison d’un défaut d’indication des motifs, ii) inadmissibilité de la motivation fournie en cours d’instance par la Ville d’Esch-sur-
Alzette et défaut par les premiers juges de vérifier l’applicabilité des dispositions ainsi invoquées, iii) défaut d’information sur la composition de la Commission d’hommes et femmes du métier.
Par rapport au premier moyen tiré d’un défaut d’indication des motifs, l’appelante explique qu’elle aurait prévu des fenêtres de remplacement identiques à celles existantes en termes de dimension, de forme et de position. Il serait toutefois impossible de maintenir la parisienne au vu de la profondeur des fenêtres à triple isolation et de leur emplacement dans une ouverture préexistante. Elle donne à considérer que, sans aucun doute, le remplacement d'un simple vitrage à capacité isolante quasi inexistante par un triple vitrage à capacité isolante maximale serait indispensable dans le contexte climatique et énergétique actuel.
Pour conclure à une violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, elle fait valoir que la décision litigieuse invoquerait une base légale inapplicable à son immeuble, à savoir l’article 2.1, point c) du plan d’aménagement particulier quartier existant (« PAP QE ») du 5 février 2021. Dès lors, appréciée à la date de la décision litigieuse, sa motivation aurait été erronée puisqu’elle se fondait sur le mauvais plan d'aménagement.
S’y ajouterait que la décision ne préciserait le moindre élément d'appréciation permettant le contrôle de son bien-fondé et en l’occurrence ne préciserait pas en quoi le remplacement des fenêtres de sa maison serait susceptible de nuire à la valeur historique, artistique ou esthétique du bâtiment.
L’appelante reproche ensuite aux premiers juges d’avoir admis la Ville d’Esch-sur-Alzette à procéder en cours de première instance à une substitution de la base légale, en invoquant dorénavant l’article 32.2 de la partie écrite du plan d’aménagement général, ci-après « la partie écrite du PAG », et ce sans vérifier plus spécifiquement l’applicabilité de cette disposition. Elle fait valoir que la partie écrite du PAG, dans sa version du 7 janvier 2022, ne pourrait être interprétée qu’à l’aune de la partie graphique du PAG, tout en relevant que l’article 32.2 de la partie écrite du PAG « correspondrait uniquement à la légende relative aux « constructions à conserver » ». Or, la Ville d’Esch-sur-Alzette n’aurait pas prouvé l’applicabilité de l’article 32.2 de la partie écrite du PAG à la maison litigieuse au jour de la décision du 18 août 2022, en relevant que l’intimée aurait versé parmi les pièces deux versions de la partie graphique du PAG, une première datée du 28 octobre 2022, donc postérieure à la décision attaquée, et une seconde ne portant pas de date.
A titre subsidiaire, l’appelante demande l’annulation de la décision litigieuse pour violation de l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, au motif qu’elle n’aurait pas pu vérifier l’indépendance et l’impartialité de la Commission d’hommes et femmes du métier ayant donné son avis du 5 août 2022 à défaut de communication de la composition de celle-ci.
3Selon le dispositif de la requête d’appel, l’appelante demande d’annuler la décision pour deux chefs à savoir, d’une part, pour violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 et, d’autre part, pour violation de l’article 4 de ce même règlement.
La Ville d’Esch-sur-Alzette conclut à la confirmation du jugement en se ralliant en substance à la motivation des premiers juges.
Elle reconnaît que le refus se fonderait non pas sur la disposition légale y invoquée, mais sur l’article 32.2 de la partie écrite du PAG concernant toutes les parcelles classées patrimonialement au niveau communal, y compris celles superposées d’une servitude « construction à préserver ».
Pour le surplus et par renvoi aux photos versées aux débats, la Ville d’Esch-sur-Alzette fait valoir que la transformation litigieuse porterait atteinte à la valeur patrimoniale de l’immeuble litigieux, dans la mesure où la suppression envisagée de l’intégralité des moulures des fenêtres du premier étage aurait un impact non négligeable sur l’aspect historique, esthétique et architectural de l’immeuble et serait de façon non contestée dommageable pour la valeur patrimoniale de celui-ci. Face à cette évidence, qui se dégagerait de la simple consultation des lieux, documentée en l’espèce par les photos versées aux débats, le bourgmestre n’aurait pas eu à motiver de manière plus circonstanciée son refus.
La Ville d’Esch-sur-Alzette poursuit qu’au regard de la compétence liée du bourgmestre en la présente matière, le gain énergétique que la bâtisse pourrait obtenir du fait des travaux envisagés, tel que mis en avant par l’appelante, ne pourrait pas être pris en compte pour justifier l’annulation de la décision litigieuse, tout en soulignant qu’à défaut de dispositions prévues dans la réglementation urbanistique, le bourgmestre ne pourrait pas déroger à l’article 32.2 de la partie écrite du PAG.
Pour le surplus, elle conteste l’allégation de l’appelante selon laquelle il serait impossible de remplacer les fenêtres par des nouvelles ayant la qualité souhaitée en préservant les moulures et fait valoir que l’absence de moulures au niveau des fenêtres du rez-de-chaussée rendrait la conservation de fenêtres du premier étage d’autant plus nécessaire afin de préserver des traces de l’apparence historique de la bâtisse, tout en soulignant que les erreurs du passé ne pourraient pas justifier les mêmes erreurs pour l’avenir.
S’agissant de l’applicabilité de l’article 32.2 de la partie écrite du PAG, la Ville d’Esch-sur-Alzette fait valoir qu’encore que le plan versé parmi les pièces porte la date du 28 octobre 2022, il se dégagerait des modifications y apportées que cette version du plan était applicable depuis le 7 janvier 2022, tout en relevant qu’en octobre 2022 seulement des erreurs matérielles auraient été redressées. En tout état de cause, l’appelante aurait été informée lors de la refonte du PAG que son immeuble était classé comme construction à préserver.
S’agissant du moyen fondé sur une violation de l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, la Ville d’Esch-sur-Alzette renvoie au compte-rendu de la réunion de la Commission d’hommes et femmes du métier du 5 août 2022 dont il se dégagerait que le projet avait été refusé à l’unanimité des voix, de sorte qu’il n’y avait pas lieu d’indiquer le nombre des voix exprimées.
4En tout état de cause, s’agissant d’un avis facultatif pour le bourgmestre, une irrégularité éventuelle à ce niveau n’emporterait pas l’annulation de la décision litigieuse.
Dans sa réplique, l’appelante insiste sur la considération qu’il appartiendrait au bourgmestre de motiver explicitement sa décision et fait valoir que la clarté et la transparence au sujet des motifs à la base du refus seraient requises par les exigences de bonne administration, permettant aux administrés de comprendre les motifs à la base d’une décision. Or, la Ville d’Esch-sur-Alzette serait en aveu d’un défaut de motivation circonstanciée dans la décision elle-même.
Par ailleurs, la Ville d’Esch-sur-Alzette n’aurait pas clairement exposé en quoi les travaux sollicités porteraient atteinte à la valeur patrimoniale de son bien ni quels éléments précis de cette transformation seraient jugés contraires à la préservation du patrimoine architectural ou culturel, alors qu’il appartiendrait au bourgmestre de préciser de façon détaillée et intelligible les motifs de son refus, notamment en indiquant les aspects de la transformation projetée qui contreviendraient aux critères patrimoniaux.
L’appelante continue ensuite à reprocher aux premiers juges d’avoir admis la Ville d’Esch-sur-Alzette à substituer en cours d’instance la motivation de la décision litigieuse sans procéder à une vérification approfondie quant à l’applicabilité de l’article 32.2 de la partie écrite du PAG. Le tribunal aurait ainsi omis de s’assurer que les pièces lui soumises reflètent fidèlement la situation réglementaire en vigueur et n’aurait pas exercé un contrôle suffisant sur les éléments matériels du dossier, ce qui compromettrait l’analyse juridique de la décision litigieuse.
Comme l’article 32.2 de la partie écrite du PAG se référerait uniquement à la légende relative aux « constructions à conserver », l’interprétation de la partie écrite du PAG en sa version au 7 janvier 2022 devrait impérativement être réalisée en tenant compte de la partie graphique dudit PAG. L’analyse des premiers juges aurait dès lors été erronée en raison des éléments factuels et juridiques non pris en compte et insuffisamment examinés, ce qui rendrait nécessaire un réexamen de la légalité de la décision.
Enfin, l’appelante insiste sur son moyen présenté à titre subsidiaire et fondé sur une violation de l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979. Selon elle, les avis visés par ledit article 4 devraient être motivés en détaillant les éléments de fait et de droit sur lesquels ils reposent et, lorsqu’il s’agit d’un organe collégial, devraient indiquer la composition de l’organe délibérant, indiquer les noms des membres ayant pris part à la délibération et préciser le nombre de voix exprimées en faveur de l’avis rendu, ces exigences constituant une garantie essentielle pour éviter le risque d’arbitraire.
Or, elle n’aurait pas eu la possibilité de vérifier l’indépendance et l’impartialité de l’organe consultatif puisqu’aucune information concernant sa composition n’aurait été communiquée. Les informations fournies par la Ville d’Esch-sur-Alzette à travers son mémoire en réponse seraient en tout cas tardives puisque la composition de l’organe consultatif devrait être fournie en même temps que la décision de refus. Ce défaut de transparence serait constitutif d’une atteinte à une garantie formelle de régularité procédurale ce qui rendrait la décision irrégulière et susceptible d’annulation.
5 La décision litigieuse serait dès lors à annuler pour violation de la loi, absence de motivation, sinon pour irrégularité formelle.
Dans son mémoire en duplique, la Ville d’Esch-sur-Alzette reprend en substance son argumentation développée dans sa réponse tout en soulignant qu’à la suite de la rénovation des menuiseries extérieures du rez-de-chaussée, le dernier témoin d’une architecture particulière caractérisant la bâtisse concernée et lui conférant une certaine valeur patrimoniale serait représenté par les moulures figurant au premier étage. Dès lors, le bourgmestre n’aurait pas pu, au risque de violer la réglementation urbanistique, accorder l’autorisation sollicitée.
S’agissant de la question de l’applicabilité de l’article 32.2 de la partie écrite du PAG, la Ville d’Esch-sur-Alzette donne à considérer qu’il se dégagerait à suffisance des pièces jointes au mémoire en réponse que le classement urbanistique attesté par la partie graphique du PAG d’octobre 2022 était déjà applicable en janvier 2022, tout en soulignant que l’appelante n’avait jamais contesté ce point en première instance et n’aurait, par ailleurs, jamais entrepris de recours contre les décisions d’approbation du PAG.
Analyse de la Cour A titre liminaire, la Cour constate que si en première instance, Madame (A) a présenté des contestations concrètes quant au bien-fondé du motif de refus invoqué en cours d’instance par la Ville d’Esch-sur-Alzette, que les premiers juges ont rejetées, son argumentation en instance d’appel, au-delà de l’affirmation qu’il serait impossible de maintenir les moulures litigieuses, se résume à des critiques de légalité externe, voire d’ordre procédural, en ce qu’elle remet en question l’admissibilité de la substitution des motifs opérée en cours de procédure contentieuse par la Ville d’Esch-sur-Alzette et le caractère suffisamment précis de la motivation fournie et reproche aux premiers juges d’avoir omis de vérifier l’applicabilité de la base légale dorénavant invoquée par la Ville d’Esch-sur-Alzette, de même qu’elle invoque une irrégularité de l’avis de la Commission d’hommes et femmes du métier. En revanche, elle n’a soulevé aucune critique concrète à l’égard de l’analyse faite par les premiers juges quant au bien-fondé du motif à la base du refus litigieux.
La Cour limitera dès lors son analyse aux moyens présentés par l’appelante, étant encore relevé qu’elle n’est pas tenue par l’ordre de présentation des moyens choisi par l’appelante, mais va les traiter suivant la logique juridique dans laquelle ils s’insèrent.
La Cour rejoint de prime abord entièrement l’analyse pertinente des premiers juges par rapport à l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, en ce qu’ils ont retenu que si, certes, la motivation figurant dans la décision litigieuse était succincte, ce constat ne porte pas à conséquence en l’espèce, étant donné que la jurisprudence constante retient, d’une part, que le défaut d’indication suffisante des motifs n’entraîne pas l’annulation de l’acte, mais uniquement la suspension des délais de recours, et, d’autre part, que l’administration peut de toute façon produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois pendant la procédure contentieuse1.
1 Cour adm 8 juillet 1997, n° 9918C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 90 et les autres références y citées.
6 A l’instar des premiers juges, la Cour retient encore que la faculté de fournir et de compléter les motifs en cours d’instance contentieuse, à condition que les motifs soient vérifiés comme ayant existé au moment de la prise de la décision litigieuse, comprend aussi la possibilité d’invoquer des motifs se substituant à des motifs erronément indiqués initialement. A cet égard, la Cour relève encore que, de toute façon, le juge administratif n'est pas obligé de réformer ou d’annuler une décision administrative entachée d’un défaut de motivation, mais a le pouvoir d’y substituer des motifs légaux qui se dégagent de la loi ou des éléments du dossier et qui justifient la décision2, de sorte que ce pouvoir dont dispose le juge administratif conforte la prise en compte d’une motivation substituée par l’auteur de l’acte lui-même.
A partir de ces principes, les premiers juges ont à bon droit déduit que si effectivement, et tel que cela est confirmé également en instance d’appel par la Ville d’Esch-sur-Alzette, l’article 2.1, point c) du PAP QE, invoqué comme base juridique dans la décision litigieuse, n’est pas applicable en l’espèce, la Ville d’Esch-sur-Alzette a néanmoins valablement pu indiquer une motivation suffisante en cours d’instance, qu’elle a substituée à celle initialement donnée, à savoir la considération qu’en application de l’article 32.2 de la partie écrite du PAG, en raison de du classement de l’immeuble comme « construction à conserver » au sein d’un « secteur protégé de type « environnement construit – C » », les travaux envisagés ne seraient pas autorisables, dans la mesure où le remplacement des fenêtres actuelles par des nouvelles fenêtres ne présentant plus les moulures existantes nuirait à la valeur patrimoniale de l’immeuble. Ils ont encore à juste titre constaté que la Ville d’Esch-sur-Alzette a souligné que les moulures constituent des éléments décoratifs dignes de protection, ce d’autant plus qu’il s’agit des seules moulures encore en place, leur conservation permettant de préserver les traces de l’identité historique du bâtiment et le cachet de la façade, motivation qui est en substance confirmée par la Ville d’Esch-sur-Alzette en instance d’appel.
A l’instar des premiers juges, la Cour retient que l’indication de ces motifs répond à suffisance aux exigences de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 en termes d’indication des motifs, étant relevé, d’une part, qu’aux termes de cette disposition, il suffit que l’indication des motifs soit sommaire et, d’autre part, que les exigences d’indication des motifs, critiquées par l’appelante, ne sont pas à confondre avec la question de leur bien-fondé.
Comme, par ailleurs, et tel que cela a été relevé ci-avant, l’indication d’une base légale erronée, voire la fourniture en cours d’instance d’une base légale s’y substituant, n’est pas de nature à conduire en l’espèce à l’annulation de la décision litigieuse, c’est à bon droit que les premiers juges ont rejeté ce moyen d’illégalité externe pris en ses différentes branches.
La Cour constate ensuite que l’appelante invoque un moyen de légalité externe nouveau en instance d’appel, à savoir un défaut d’information sur la composition de la Commission d’hommes et femmes du métier, en violation de l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, information qui, selon elle, aurait dû lui être fournie ensemble avec la notification de la décision attaquée.
2 Cour adm. 8 juillet 1999, n° 11102C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 105 et les autres références y citées.
7 L’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 dispose comme suit :
« Les avis des organismes consultatifs pris préalablement à une décision doivent être motivés et énoncer les éléments de fait et de droit sur lesquels ils se basent.
Lorsqu'il s'agit d'un organisme collégial, l'avis doit indiquer la composition de l'organisme, les noms des membres ayant assisté à la délibération et le nombre de voix exprimées en faveur de l'avis exprimé. Les avis séparés éventuels doivent être annexés, sans qu'ils puissent indiquer les noms de leurs auteurs. ».
Or, la Ville d’Esch-sur-Alzette a produit en cause le procès-verbal de la réunion de la Commission d’hommes et femmes du métier du 5 août 2022, sur lequel le bourgmestre s’est appuyé, dont se dégage l’identité des membres de ladite commission ayant été présents lors de cette réunion et ceux ayant été absents, de même que les conditions de vote, à savoir un vote à l’unanimité des voix, mentions qui permettent à suffisance d’identifier le nombre des votes exprimés en faveur de l’avis ainsi que la composition de la commission. A cet égard, le reproche de l’appelante selon lequel ces informations auraient dû lui être fournies ensemble avec la notification de la décision litigieuse, sous peine de l’empêcher de vérifier l’impartialité des membres de la commission, est à rejeter, dans la mesure où non seulement une telle exigence ne se dégage pas de l’article 4, précité, mais encore où l’information afférente a librement pu être discutée en cours d’instance et l’appelante ayant eu l’occasion de faire valoir des critiques par rapport à la composition de la commission, ce qu’elle n’a toutefois pas fait.
A défaut de toute autre contestation, le moyen afférent est à rejeter.
S’agissant ensuite du moyen tiré d’un défaut de base légale, voire du reproche à l’adresse des premiers juges de ne pas avoir vérifié l’applicabilité de la base légale invoquée en cours d’instance par la Ville d’Esch-sur-Alzette, la Cour constate qu’il est certes vrai que le tribunal n’a pas de façon spécifique pris position sur l’applicabilité de l’article 32.2 de la partie écrite du PAG, mais s’est penché sur l’examen de la légalité interne de la décision litigieuse au regard de cette même disposition.
Or, au-delà du constat que l’appelante actuelle n’avait invoqué aucune contestation à cet égard en première instance, mais s’est limitée à affirmer qu’une substitution de motivation serait inadmissible, la Cour relève que la Ville d’Esch-sur-Alzette a justifié à suffisance en instance d’appel l’applicabilité de cette disposition, dans la mesure où elle a produit en cause la version de la partie graphique du PAG applicable au jour de la prise de la décision litigieuse, dissipant ainsi à suffisance les interrogations soulevées par l’appelante quant à la version de la partie graphique du PAG, lue ensemble avec l’article 32.2 de la partie écrite du PAG, pertinent en l’espèce.
La Cour constate qu’il se dégage de la partie graphique du PAG que la propriété de l’appelante est située dans le « secteur protégé de type « environnement construit – C » » et que l’immeuble est identifié comme « construction à conserver », telle que définie à l’article 32.2 de la partie écrite du PAG, intitulé « éléments protégés- type « environnement construit », et qui 8indique que les constructions à conserver sont représentées dans la partie graphique du PAG par un hachurage bleu foncé sur la construction.
Il s’ensuit que la disposition légale invoquée par la Ville d’Esch-sur-Alzette trouve bien application à la maison litigieuse, de sorte que l’appelante conclut à tort à l’annulation de la décision litigieuse pour défaut de base légale.
Enfin, tel que relevé ci-avant, l’appelante n’a, en instance d’appel, pas repris ses contestations quant au bien-fondé du refus litigieux, mais se limite à faire état d’irrégularités formelles voire procédurales.
A défaut de toute contestation par l’appelante du bien-fondé de l’appréciation de la Ville d’Esch-sur-Alzette basé sur l’article 32.2 de la partie écrite du PAG, voire de l’analyse afférente faite par les premiers juges, la Cour ne dispose pas d’éléments suffisants permettant de remettre en cause ce volet du jugement, de sorte qu’elle partage l’analyse des premiers juges ayant retenu que le motif de refus - tenant au classement de l’immeuble litigieux comme construction à conserver et au constat que la suppression des moulures existantes au premier étage, effet non contesté de la mise en place des nouvelles fenêtres, nuit à la valeur esthétique et à l’aspect architectural de l’immeuble, puisque ces moulures, encore conservées au premier étage, constituent des éléments décoratifs marquant l’architecture de la façade de l’immeuble, ce d’autant plus qu’elles sont le seul témoin subsistant de la façade - est de nature à justifier valablement le refus litigieux au regard de l’article 32.2 de la partie écrite du PAG, aux termes duquel : « (…) Les constructions à conserver sont des bâtiments ou ensembles de bâtiments qui répondent à un ou plusieurs des critères suivants : authenticité de la substance bâtie, de son aménagement, rareté, exemplarité du type de bâtiment, importance architecturale, témoignage de l’immeuble pour l’histoire nationale, locale, sociale, politique, religieuse, militaire, technique ou industrielle. Ces bâtiments, y compris l’entourage qui les encadre, sont à conserver respectivement à restaurer dans leur état originel.
La démolition d’une construction à conserver est interdite et ne peut être autorisée uniquement pour des raisons de sécurité, de stabilité et de salubrité dûment constatées par un homme de l’art. La reconstruction doit respecter les servitudes relatives au secteur protégé de type environnement construit.
Des transformations et des agrandissements peuvent être admis à condition de s’intégrer harmonieusement dans le site et la structure urbaine et de ne pas nuire à la valeur artistique, historique, esthétique, archéologique ou à l’aspect architectural de la construction à conserver.
(…) ».
La Cour souligne qu’indépendamment de la question de savoir si le remplacement de fenêtres est à qualifier de transformation au sens de cette disposition, qui subordonne en l’occurrence les transformations à la condition que ces travaux ne nuisent pas « à la valeur artistique, historique, esthétique, archéologique ou à l’aspect architectural de la construction à conserver », ou plutôt de simple rénovation, en tout état de cause cette disposition requiert en son alinéa 1er que les bâtiments y visés « sont à conserver respectivement à restaurer dans leur état originel », de sorte que l’enlèvement de moulures est incompatible avec cette exigence.
9 Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel n’est fondé en aucun de ses moyens, de sorte que le jugement du 26 juin 2004 est à confirmer.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit l’appel en la forme ;
au fond, le dit non fondé, partant en déboute l’appelante et confirme le jugement du 26 juin 2024 ;
condamne l’appelante aux dépens de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par :
Francis DELAPORTE, président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier Jean-Nicolas SCHINTGEN.
s. SCHINTGEN s. DELAPORTE 10