GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 50699C ECLI:LU:CADM:2024:50699 Inscrit le 5 juillet 2024 Audience publique du 19 décembre 2024 Appel formé par Madame (A) et Monsieur (B), …, contre un jugement du tribunal administratif du 23 mai 2024 (n° 46857 du rôle) ayant statué sur leur recours contre une décision du ministre de l’Intérieur en présence de l’administration communale de Fischbach en matière de plan d’aménagement général (refonte) Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 50699C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 5 juillet 2024 par Maître (B), avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, agissant en son nom propre, ainsi qu’en celui de Madame (A), les deux déclarant « demeurer pour les besoins de la présente procédure ensemble à L-… …, …, rue …. », dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 23 mai 2024 (n° 46857 du rôle), à travers lequel le tribunal s’est déclaré incompétent pour connaître du recours principal en réformation tout en déclarant recevable, mais non fondé le recours subsidiaire en annulation de la décision du ministre de l’Intérieur rendue le 29 juillet 2021 portant approbation de la délibération du conseil communal de Fischbach du 23 novembre 2020 portant adoption du projet de refonte du plan d’aménagement général de la commune de Fischbach ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Geoffrey GALLÉ, demeurant à Luxembourg, immatriculé près le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, du 9 juillet 2024, portant signification de cette requête d’appel à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, ainsi qu’à l’administration communale de Fischbach, représentée par son collège des bourgmestre et échevins en fonctions, ayant sa mairie à L-7430 Fischbach, 1, rue de l’Eglise ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 7 octobre 2024 par la société à responsabilité RODESCH Avocats à la Cour, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1470 Luxembourg, 7-11, route d’Esch, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 265322, représentée aux fins de la présente procédure d’appel par Maître 1Stéphane SUNNEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 7 octobre 2024 par la société à responsabilité limitée ARENDT & MEDERNACH S.A., inscrite à la liste V du tableau des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2082 Luxembourg, 41A, avenue J.F. Kennedy, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 186371, représentée aux fins de la présente procédure d’appel par Maître Christian POINT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Fischbach ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel ;
Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maîtres (B), Stéphane SUNNEN et Gilles DAUPHIN, en remplacement de Maître Christian POINT, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 décembre 2024.
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Lors de sa séance publique du 15 décembre 2015, le conseil communal de Fischbach, ci-après « le conseil communal », émit un vote favorable, en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après « la loi du 19 juillet 2004 », sur le projet de refonte du plan d’aménagement général (« PAG ») et chargea le collège des bourgmestre et échevins, ci-après « le collège échevinal », de procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi du 19 juillet 2004.
En date du 28 avril 2016, la commission d’aménagement auprès du ministère de l’Intérieur, ci-après « la commission d’aménagement », communiqua son avis sur le projet de refonte du PAG, tel qu’émis lors de sa séance du 13 avril 2016, en application de l’article 11, alinéa 2, de la loi du 19 juillet 2004, étant relevé qu’un avis complémentaire fut émis par cette même commission lors de sa séance du 22 juin 2016 et communiqué le 4 juillet 2016.
En date du 2 mai 2016, le ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement, ci-après « le ministre de l’Environnement », délivra son avis relatif au projet d’aménagement général en application de l’article 5 de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles.
Il est constant en cause que lors de sa séance publique du 11 juillet 2016, le conseil communal adopta le projet de refonte du PAG et décida de classer une partie des parcelles inscrites au cadastre de la commune de Fischbach, section D de ….., sous les numéros …., …. et …., ci-après « les parcelles » dont Madame (A) et Monsieur (B), ci-après « les consorts (A-B) », sont les propriétaires, en zone d’habitation 1 [HAB-1], ci-après « zone [HAB-1] », soumise à un plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » (« PAP NQ »).
Parallèlement et lors de la même séance publique, le conseil communal adopta le projet d’aménagement particulier « quartier existant » (« PAP QE ») de la commune de Fischbach 2« (version 05.07.2016) remaniant la version 15/12/2015 conformément à l’article 30 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain ».
Par décisions respectives des 21 septembre et 21 décembre 2016, le ministre de l’Environnement et le ministre de l’Intérieur refusèrent l’approbation du projet de refonte du PAG tel qu’adopté par le conseil communal. Par décision du 21 décembre 2016, le ministre de l’Intérieur refusa également d’approuver la délibération du conseil communal du 11 juillet 2016 portant adoption des PAP QE, parties écrite et graphique.
Les recours contentieux introduits par la commune de Fischbach en dates respectivement des 21 décembre 2016 et 21 mars 2017 contre les décisions prévisées des ministres de l’Environnement et de l’Intérieur des 21 septembre et 21 décembre 2016 portant refus d’approbation du projet de refonte du PAG, aboutirent à deux arrêts de la Cour administrative du 13 juillet 2017, inscrits sous les numéros 38895C et 39294C du rôle, ayant partiellement accueilli les recours de la commune et renvoyé les dossiers en prosécution de cause devant le conseil communal. A travers ces mêmes arrêts, la Cour « dit que lors de la continuation de la procédure d’élaboration du PAG, il y a lieu d’informer les réclamants dont la réclamation avait été déclarée sans objet par le ministre de l’Intérieur et de traiter leurs réclamations comme des objections maintenues dans le cadre de l’itératif aplanissement des difficultés à venir ».
Le recours contentieux introduit le 21 mars 2017 par la commune contre le refus d’approbation du ministre de l’Intérieur des PAP QE fut, quant à lui, déclaré non fondé par arrêt du 13 juillet 2017, inscrit sous le numéro 39293C du rôle, la Cour ayant considéré que comme « le projet de refonte du PAG [était] appelé à rentrer en procédure et à être à nouveau présenté au conseil communal, du moins sur certains points toisés par la Cour dans ses deux arrêts parallèles de ce jour qui sont appelés à avoir un impact direct sur la légalité de la délibération communale du 11 juillet 2016 portant adoption du PAP-QE, voire du moins qui appellent des précisions complémentaires à son niveau », le refus d’approbation ministériel n’encourrait pas l’annulation, « pour des raisons purement structurelles sans que toutefois la légalité intrinsèque de ladite délibération communale […] n’ait pu être contrôlée. ».
Il se dégage des éléments du dossier que lors de sa séance publique du 23 novembre 2020, le conseil communal procéda à l’adoption d’un nouveau projet d’aménagement général. Lors du vote en question, il fut décidé notamment concernant les parcelles appartenant aux consorts (A-B) de les classer en zone agricole [AGR], ci-après « zone [AGR] », avec indication de l’existence de biotopes surfaciques.
Par courrier recommandé avec avis de réception du 7 décembre 2020, les consorts (A-B), déclarant agir en leur qualité de propriétaires des parcelles, introduisirent auprès du ministre de l’Intérieur une réclamation à l’encontre de la susdite délibération du conseil communal du 23 novembre 2020 portant adoption du nouveau projet d’aménagement général.
Par courrier recommandé avec avis de réception séparé du même jour, les consorts (A-B) introduisirent auprès du collège échevinal leurs observations et objections à l’encontre de la susdite délibération du conseil communal du 23 novembre 2020 portant adoption du nouveau projet d’aménagement général.
3 Aux termes d’une décision du 3 mars 2021, le ministre de l’Environnement approuva le projet d’aménagement général adopté par le conseil communal le 23 novembre 2020.
Lors de sa séance publique du 22 avril 2021, le conseil communal émit son avis concernant les réclamations introduites auprès du ministre de l’Intérieur.
En date du 15 juillet 2021, la commission d’aménagement communiqua, en application de l’article 17 de la loi du 19 juillet 2004, son avis émis lors de sa séance du 9 juin 2021 sur les réclamations introduites auprès du ministre de l’Intérieur contre le vote du conseil communal du 23 novembre 2020 portant adoption du projet de refonte complète du plan d’aménagement général (« PAG »).
Par décision du 29 juillet 2021, le ministre de l’Intérieur approuva la délibération, précitée, du conseil communal du 23 novembre 2020 portant adoption du projet d’aménagement général, tout en statuant sur les réclamations lui soumises, dont celle introduite par les consorts (A-B) qu’il déclara non fondée. Les passages de la décision ministérielle, précitée, se rapportant à cette réclamation sont libellés comme suit :
« (…) Ad réclamation (A-B) (rec 7) Les réclamants s’opposent au classement des parcelles cadastrales n°…. et …., sises à ….., en « zone agricole [AGR] » et sollicitent à ce qu’elles intègrent la zone destinée à être urbanisée.
Il convient de noter à titre liminaire que le Ministre de l’Environnement n’avait jamais approuvé la modification de la délimitation de la zone verte en raison du caractère tentaculaire et des effets négatifs sur la qualité paysagère du site.
Il en résulte que, contrairement à ce que les réclamants soutiennent, les parcelles en question n’avaient jamais été classées en zone constructible. De plus, tel que la Cour administrative l’a retenu à juste titre, il ne convient pas d’agrandir le périmètre d’agglomération en cet endroit (Cour administrative, 13 juillet 2017, n° du rôle 38895C, p.26).
La réclamation est partant non fondée. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 janvier 2022, les consorts (A-B) firent introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle d’approbation du 29 juillet 2021 précitée.
Par jugement du 23 mai 2024, le tribunal se déclara incompétent pour connaître du recours principal en réformation, tout en déclarant le recours subsidiaire en annulation recevable mais non fondé, en déboutant les demandeurs de leur demande en allocation d’une indemnité de procédure et en les condamnant aux frais et dépens de l’instance.
Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 5 juillet 2024, les consorts (A-B) ont fait entreprendre le jugement précité du 23 mai 2024 dont ils sollicitent la 4réformation dans le sens de voir annuler la décision critiquée du ministre de l’Intérieur du 29 juillet 2021 et de voir renvoyer le dossier en prosécution de cause devant le conseil communal de Fischbach, de voir ordonner tous autres devoirs de droit, de voir condamner « le ministre de l’Intérieur » au paiement en leur faveur d’une indemnité de procédure de …..- € pour la première instance et de …..- € pour la deuxième instance, de même que de voir condamner « le ministre de l’Intérieur » à tous les frais et dépens de l’instance.
Les parties publiques se rapportent à la prudence de la Cour quant à la recevabilité de l’appel en la forme et quant au délai.
L’appel ayant été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.
La commune s’érige contre la manière des appelants de vouloir reprendre dans son intégralité le contenu du recours en annulation du 3 janvier 2022 et du mémoire en réplique du 2 mai 2022, de sorte que ces documents « sont annexés aux présentes pour en faire parties intégrantes ».
Tout d’abord, les documents en question ne se trouvent pas en annexe, ni à l’original de la requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative, ni à la copie signifiée y également déposée résultant de l’exploit de l’huissier GALLÉ précité du 8 juin 2024.
Tel que la partie communale le fait relever à bon escient, l’appel est dirigé contre le jugement de première instance entrepris à travers lui, de sorte que le simple renvoi à des conclusions prises en première instance et par la force des choses non dirigées contre le jugement ayant précisément pour objet de toiser ces conclusions, ne soumet pas de manière valable à la juridiction d’appel l’argumentaire auquel il est ainsi simplement renvoyé en deuxième instance.
Cette conclusion s’impose d’autant plus que les pièces annexées annoncées ne le furent point.
Tel que la commune le fait encore valoir à bon escient, le chef du jugement dont appel suivant lequel le tribunal s’est déclaré incompétent pour connaître du recours principal en réformation n’a pas été soumis à l’appréciation de la Cour.
Il est constant, tel que la commune le soulève encore, à bon escient, que les moyens à la base de l’appel introduit visent uniquement le classement des parcelles litigieuses, d’une contenance respectivement de 9 ares 50 centiares, 29 ares 60 centiares et 27 ares 10 centiares, toutes attenantes.
Par rapport à ce classement, les parties appelantes développent dans leur requête d’appel cinq moyens qu’il appartient à la Cour de toiser.
5 En premier lieu, ils concluent à la violation de principe du respect du contradictoire et des droits de la défense des administrés en raison d’une mesure attentatoire à la sécurité juridique et au principe de la confiance légitime des administrés dans l’administration.
Ils relatent que le conseil communal, par sa délibération du 11 juillet 2016, avait classé une partie de leur terrain correspondant à environ 7 ares le long du chemin au lieu-dit « Hannert de Gaarden » en zone HAB-1 soumise à l’exigence d’un PAP NQ, cette délibération ayant été rencontrée par un double refus d’approbation successivement de la part du ministre de l’Environnement et du ministre de l’Intérieur tel que ci-avant exposé.
Les appelants reprochent alors à la Cour d’avoir, à travers ses arrêts précités du 13 juillet 2017, limité à l’endroit le périmètre d’agglomération de manière à inclure les parcelles d’ores et déjà construites, toute en gardant en dehors de la zone constructible leurs terrains, y compris la partie de parcelle antérieurement classée en zone HAB-1 soumis à un PAP NQ.
Ils affirment avoir été toujours dans la croyance que cette partie de parcelle était constructible et que dès lors l’on serait en présence d’une violation des principes généraux de sécurité juridique et de confiance légitime dans leur chef, principe qui, selon leur point de vue, est proche du principe du droit acquis. Ce serait ainsi également à tort que la Cour aurait statué sur visite des lieux à laquelle les propriétaires des parties de terrains visés par les refus d’approbation successifs du ministre de l’Environnement et du ministre de l’Intérieur n’auraient pas été présents.
Ils s’emparent encore du passage de l’arrêt du 13 juillet 2017 (n° 39294C du rôle) relatif à la suite à réserver aux réclamations portées en 2016 devant le ministre de l’Intérieur et que ce dernier avait déclarées sans objet, compte tenu de sa décision de refus d’approbation de la délibération du 11 juillet 2016 du conseil communal, tout en estimant que le principe du contradictoire n’aurait pas été respecté, faute de possibilité laissée, notamment aux appelants, de faire valoir leur position afin de mettre l’administration en mesure de prendre une décision à bon escient et soigneusement pesée.
A défaut d’agir de la sorte, la décision ministérielle du 29 juillet 2021 attaquée, ayant approuvé la délibération du conseil communal du 23 novembre 2020 portant adoption du projet de PAG, serait tout autant entachée d’une violation manifeste du principe du contradictoire.
Les parties publiques concluent, chacune en ce qui la concerne, à la confirmation du jugement dont appel en ce qu’il a rejeté le moyen en question, essentiellement et en substance sur base des motifs y énoncés.
Il convient tout d’abord de préciser que le recours des appelants est dirigé uniquement contre la décision ministérielle d’approbation du 29 juillet 2021 et ne vise pas la délibération du conseil communal du 23 novembre 2020 portant adoption du projet de refonte du PAG.
Il convient encore de préciser les prémisses de base dans la présente affaire concernant le bout de terrain des appelants dont ils réclament le classement en zone constructible.
6 Il est un fait, tel que le ministre de l’Intérieur le souligne clairement dans sa décision attaquée, que la partie du terrain des appelants actuellement litigieuse n’a jamais été incluse valablement dans le périmètre d’agglomération, étant donné que le ministre de l’Environnement n’avait jamais approuvé le changement de la zone verte à l’endroit ni a fortiori l’entrée de la partie de parcelle en question en zone constructible.
Tout d’abord, la décision du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et des Eaux et Forêts, compétent à l’époque en matière d’environnement, du 10 mai 1983 versée au dossier, refuse expressément d’approuver la délibération du conseil communal de Fischbach du 9 juillet 1982 ayant adopté provisoirement le PAG à l’époque en ce qui concerne plus particulièrement « à ….. les zones soumises à un plan d’aménagement particulier sises au lieu-dit « ….. » comprenant précisément la partie de terrain actuellement litigieuse.
Il est vrai, tel que relaté dans les arrêts précités du 13 juillet 2017, que la Cour a été témoin de ce que cette décision a été en quelque sorte révélée, notamment aux autorités communales, dans le cadre de la visite des lieux organisée par la Cour et sur demande de celle-ci par rapport aux deux affaires de recours de la commune de Fischbach contre les refus tutélaires des ministres de l’Environnement et de l’Intérieur à l’époque.
Il n’en reste pas moins que le PAP de 2010, partiellement mis en exécution à l’endroit « ….. », n’a jamais inclus la partie de terrain litigieuse des appelants, tel que leur mandataire a dû l’admettre à l’audience des plaidoiries, de même qu’il est constant en cause que pour cette partie des terrains visée par ce PAP, aucune approbation du ministre de l’Environnement n’est jamais non plus intervenue.
Les appelants reprochent ensuite à la Cour de ne pas avoir entendu les propriétaires de terrains dans le cadre des recours dirigés en 2017 par la commune de Fischbach contre les deux refus tutélaires du ministre de l’Environnement et du ministre de l’Intérieur.
Elles omettent de dire de la sorte qu’à l’époque elles ne figuraient pas comme parties au niveau de la procédure d’adoption et d’approbation du PAG de la commune de Fischbach initiée en 2016, faute de réclamation introduite devant le ministre de l’Intérieur, mais surtout que de par leur nature les recours de la commune contre les deux refus d’approbation s’inscrivent dans une relation d’une commune avec ses autorités tutélaires et visent d’abord à résorber les difficultés résultant non seulement des refus tutélaires exprimés, mais encore de la circonstance particulière qu’encore en début de visite des lieux tout contact entre l’administration communale et le ministère de l’Environnement se trouvait franchement rompu.
La tâche de la Cour était à l’époque de rapprocher à nouveau ces parties publiques et d’essayer de trouver des solutions valables pour les nombreuses situations visées par les refus tutélaires prononcés alors.
7 Concernant les terrains au lieu-dit « ….. », la donnée révélée était que strictement parlant tous ces terrains ayant fait partie de la zone soumise à PAP, y compris la partie de terrain litigieuse des appelants d’une contenance d’environ 7 ares, se trouvaient en zone verte en raison du refus tutélaire définitif du ministre compétent pour l’Environnement du 10 mai 1983, précité, et de l’absence d’approbation du PAP intervenu par ledit ministre, étant constant que la partie de terrain litigieuse des appelants ne fait pas partie de l’assiette de ce dernier PAP.
Tout en devant constater que ce dernier PAP concernant des terrains des deux côtés du chemin « Hannert de Gaarden » en ayant présenté d’ores et déjà un aspect tentaculaire, la Cour, dans une optique également de droit acquis, a pu mettre les responsables communaux et étatiques au diapason dans le sens d’admettre une nouvelle limite de la zone constructible en incluant les terrains dudit PAP d’ores et déjà construits et en s’arrêtant à l’endroit où le chemin en question commence à entamer une bifurcation au « Knacks ».
Dans le même arrêt, la Cour a pris soin de ce que pour les parties qui figuraient dans la procédure d’adoption et d’approbation du PAG de l’époque en ayant introduit une réclamation près du ministre de l’Intérieur que ce dernier avait déclarée sans objet, eu égard au refus d’approbation du ministre de l’Environnement de l’époque, il fût tenu compte de ces éléments de procédure sur renvoi.
Il n’appartenait pas à la Cour de statuer par rapport à des parties qui n’étaient pas incluses dans la procédure d’adoption et d’approbation du PAG en cours, étant entendu que sur renvoi il était patent qu’une nouvelle décision d’adoption du PAG devait être prise par le conseil communal et que c’était par rapport à celle-ci qu’un nouveau droit de réclamation s’est logiquement ouvert dans le chef de toute personne concernée ayant un intérêt vérifié.
C’est dans cette optique que les appelants actuels ont pu introduire leur réclamation auprès du ministre de l’Intérieur, laquelle est précisément à la base de leur démarche contentieuse ayant actuellement abouti à la Cour.
S’il est constant que tant le principe de confiance légitime que le principe de sécurité juridique ont été reconnus par la Cour constitutionnelle, à travers son arrêt n° 152 du 22 janvier 2021, en tant que principes généraux à valeur constitutionnelle, il n’en reste pas moins que la prémisse de base pour valablement ériger une confiance pouvant être regardée comme étant légitime est celle que cette confiance puisse se fonder sur des éléments conformes à l’ordonnancement juridique en place.
Or, tel que la Cour vient de le dégager ci-avant, la partie litigieuse du terrain des appelants n’a jamais pu faire légalement partie d’une zone constructible faute d’approbation en 1983, voire suite au PAP de 2010, de la part du ministre de l’Environnement en ce sens.
S’il est retraçable qu’au regard des apparences les appelants aient pu construire dans leur tête une espérance de constructibilité, il n’en reste pas moins qu’ils devaient être conscients qu’ils 8avaient acquis les terrains en question, y compris la parcelle actuellement litigieuse de 7 ares, en tant que simples terres labourables au prix de ….. € défiant toute concurrence et que d’après le libellé même de l’acte notarié translatif de propriété dans leur chef, aucune espérance légitime dans le sens d’une constructibilité vérifiée à l’époque – en 2006 – toutes choses étant restées constantes par la suite à ce sujet en termes d’approbation du ministre de l’Environnement – n’a pu être valablement établie, au-delà de toutes autres considérations entourant l’acquisition des terrains en question par les appelants.
Il s’ensuit que par confirmation du jugement dont appel, il y a lieu de rejeter le moyen comme n’étant pas justifié.
En second lieu, les appelants reprennent leur moyen tenant à une « absence de création en zone verte d’ilots déconnectés si la partie constructible des parcelles litigieuses devait être, de nouveau, consacrée ».
Les appelants contestent ainsi l’un des motifs du refus ministériel, qui, en approuvant la délibération communale favorable au classement de la partie litigieuse de leur parcelle en zone agricole, se fonde sur le refus d’agrandir le périmètre d’agglomération, de favoriser la création en zone verte d’ilots déconnectés et de favoriser un développement tentaculaire.
Les appelants proposent, dans ce contexte, de procéder à une visite des lieux afin d’apprécier la situation urbanistique actuelle. Ils estiment que cette visite permettrait de constater que les parcelles des parties appelantes se trouvent dans le périmètre « desservi » par les réseaux de communication et d’approvisionnement, qu’elles n’imposent pas une utilisation irrationnelle d’énergie, qu’elles ne nuisent pas à la qualité de vie de la population et qu’elles respectent l’environnement garantissant la sécurité, la salubrité et l’hygiène publiques, ceci en conformité avec l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004.
Elles concluent que l’exclusion de leur parcelle du périmètre d’agglomération ne pourrait pas se justifier par lesdits motifs, de sorte que le contrôle sur la réalité des motifs avancés à exercer par le juge de l’annulation devrait aboutir à la conclusion que la décision ministérielle est entachée d’illégalité.
Ici encore les parties publiques concluent au rejet du moyen, essentiellement par adoption des motifs des premiers juges.
Tout abord, il a pu être tiré au clair lors des plaidoiries à l’audience par le mandataire des appelants que les infrastructures, en termes de réseaux de communication et d’approvisionnement d’énergie, ne touchent pas d’ores et déjà la partie de terrain litigieuse en l’espèce, mais s’arrêtent au niveau des terrains construits du PAP précité de l’année 2010 en aval.
Une visite des lieux n’est pas nécessaire pour toiser le moyen, étant précisé que sur base de photographies versées par le mandataire des appelants, il s’avère certes que depuis la visite des 9lieux de 2017 une construction consistante plus en aval s’est ajoutée, mais que la situation de fait n’a pas autrement bougé, plus précisément par rapport à la limite tracée lors de la visite des lieux en 2017 et reprise dans les arrêts du 13 juillet 2017 pour arrêter la zone constructible à l’endroit, cette limite ayant été entérinée à travers la décision ministérielle critiquée portant approbation de la délibération communale ayant adopté le PAG en 2020 suite auxdits arrêts du 13 juillet 2017.
Tel qu’il a été relaté dans ces arrêts et repris par le ministre dans sa décision, la situation existante est d’ores et déjà tentaculaire le long du chemin « Hannert de Gaarden » se mouvant en ascendant par rapport à l’essentiel du noyau du village de ….., de nature à surplomber en plus celui-
ci. Ce caractère tentaculaire est constant en cause, une inclusion des terrains intermédiaires ne ferait qu’accentuer encore leur caractère.
Une inclusion de la partie litigieuse des terrains dans ledit périmètre d’agglomération, dans lequel elle n’a jamais figuré, ne ferait qu’accentuer cette situation. Pareille inclusion, sans prendre en considération les terrains intermédiaires séparant actuellement cette partie litigieuse de terrains des appelants de la limite de la zone constructible constituerait effectivement un ilot déconnecté ne faisant raisonnablement aucun sens urbanistique et accentuant d’autant plus le caractère tentaculaire d’ores et déjà mis en exergue, une inclusion des terrains intermédiaires ne ferait qu’accentuer encore ledit caractère.
Il s’ensuit que contrairement aux conclusions des appelants, il convient de confirmer le ministre en ce que la modification de la déviation de la zone verte à l’endroit ne se concevait pas en raison du caractère essentiellement tentaculaire de toute extension de la zone constructible.
Le moyen est dès lors à rejeter par confirmation du jugement a quo.
En troisième lieu, les appelants contestent « le motif ministériel de déclassement » tenant à la présence d’effets négatifs sur la qualité paysagère. Ils s’appuient sur des extraits des études environnementales stratégiques (Strategische Umweltprüfung) (SUP) du 8 décembre 2015, qu’ils interprètent dans le sens qu’une urbanisation de leur parcelle litigieuse n’aurait pas d’effets négatifs sur la qualité paysagère du site. Ils insistent que cette appréciation de 2015 devrait prévaloir sur celle du ministre ayant eu l’environnement dans son ressort en 1983.
Ainsi, le refus ministériel d’inclure leur parcelle litigieuse dans le périmètre d’agglomération ne reposerait point sur des motifs légaux vérifiés et devrait encourir l’annulation.
Ici encore, les parties publiques demandent la confirmation du jugement dont appel sur base essentiellement des motifs y émargés.
Tel que la Cour a pu se rendre compte lors de la visite des lieux en 2017, la situation existante est déjà amplement tentaculaire et les constructions des deux côtés du chemin « Hannert de Gaarden » en ascendance surplombent d’ores et déjà le noyau du village de ….., de sorte qu’une 10inclusion de la partie litigieuse des terrains des appelants ne ferait qu’accentuer cette situation de sorte à justifier l’appréciation ministérielle des effets négatifs sur la qualité paysagère du site.
Le moyen est dès lors à rejeter par confirmation également du jugement dont appel.
En quatrième lieu, les appelants invoquent une violation du principe d’égalité de traitement entre les administrés.
Ils insistent d’abord pour dire que leur volonté n’a jamais été de saisir le tribunal administratif « d’une sorte de procédure d’appel contre les arrêts du 13 juillet 2017 » et qu’ils entendent se prévaloir d’une violation de principe constitutionnel d’égalité devant la loi entachant à leur avis la décision ministérielle du 29 juillet 2021.
Ils opposent la situation de leurs terrains non encore construits quoiqu’ayant fait partie en apparence d’une zone soumise à PAP et ceux d’ores et déjà construits suite au PAP approuvé le 30 juillet 2010 par le ministre de l’Intérieur en ce que ces derniers feraient dorénavant partie de la zone constructible, tandis que les leurs en seraient, à tort, éjectés.
Ils se réfèrent notamment à un document ayant accompagné le PAP de 2010 suivant lequel leurs terrains étaient à considérer comme « künftig privates Bauland ». Ils estiment que leurs terrains, de même que ceux de l’assiette du PAP de 2010, se situent le long du même chemin et devraient être considérés les uns et les autres comme ayant été dans la même situation juridique d’une zone soumise à PAP adoptée par le conseil communal de Fischbach en 1982 et réitérée en 2016.
Force est de constater à la suite des premiers juges que la situation de la parcelle litigieuse des appelants n’est pas comparable à celle des terrains ayant fait partie de l’assiette du PAP de 2010 et dorénavant inclus en zone constructible, dans la mesure des constructions déjà érigées sur place en 2017.
La partie des terrains litigieuse n’a précisément pas fait partie de l’assiette du PAP de 2010.
Elle se trouve pour le surplus plus éloignée du noyau du village de …… Elle n’est pas attenante à l’assiette du PAP de 2010 et elle a été officiellement considérée, tel que l’acte notarié d’acquisition de 2006 le relève encore, en tant que simple terre labourable. Tous ces éléments convergent en vue d’une non-applicabilité du principe d’égalité entre la partie des terrains litigieuse des appelants et les terrains faisant partie de l’assiette du PAP de 2010 d’ores et déjà construits en 2017.
Il y a dès lors lieu de rejeter le moyen par confirmation du jugement dont appel.
En cinquième lieu, les appelants concluent à une violation de leur droit de propriété.
11 Ils concluent à une atteinte à leur droit de propriété telle qu’elle équivaudrait à une expropriation en ce que la partie de terrain litigieuse anciennement constructible d’après eux, « reléguée » en zone agricole aurait perdu massivement en valeur.
Ils énoncent à ce sujet le fait que suivant eux la valeur aréale de 7 ares constructibles avoisinerait les ….. € tandis que cette même superficie en zone agricole vaudrait approximativement …..-€, soit une somme amputée de 95%.
Ils invoquent à la base de leur moyen tant l’article 16 de la Constitution applicable jusqu’au 1er juillet 2023 que l’article 1er du Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme.
Ici encore les parties publiques concluent à la confirmation du jugement dont appel, essentiellement sur base des motifs y déployés.
Force est d’abord de constater qu’eu égard tant à la non-approbation du changement de la zone verte à l’endroit par le ministre de l’Environnement en 1983 que par rapport au PAP de 2010 n’incluant pas la partie de parcelle litigieuse des appelants, la mise en avant d’une valeur vénale en tant que terrain à construire avoisinant les …..- € se trouve être fantaisiste.
D’ailleurs, suivant l’acte d’acquisition de 2006 ledit terrain était qualifié de terre labourable et il est resté terrain agricole à travers la décision ministérielle critiquée dont l’annulation est actuellement sollicitée.
Par ailleurs, la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, plus concrètement l’arrêt 101 du 4 octobre 2023, permet à l’autorité administrative de déclasser un terrain anciennement constructible et de le classer en zone verte si des raisons urbanistiques valables d’intérêt général sous-tendent cette décision quitte à ce que, en cas de perte vérifiée de valeur de nature à être équivalente à une expropriation, le propriétaire concerné puisse saisir les juridictions judiciaires en dommages et intérêts sur base de l’article 16 de la Constitution de l’époque.
Il s’ensuit que le moyen laisse encore d’être justifié et que le jugement dont appel est à confirmer également sous ce volet.
En conclusion, il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel n’est fondé en aucun de ses moyens et qu’il convient d’en débouter les appelants, par confirmation du jugement dont appel.
Les appelants sollicitent l’allocation à charge de l’Etat d’une indemnité de procédure de ….-€ pour la première instance et du même montant pour l’instance d’appel.
Eu égard à l’issue du litige, cette demande est à rejeter.
12Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;
déclare l’appel recevable ;
au fond, le dit non justifié ;
partant en déboute les appelants ;
confirme le jugement dont appel ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure des appelants ;
condamne les appelants aux dépens de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par :
Francis DELAPORTE, président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, et lu par le président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.
s. SCHINTGEN s. DELAPORTE Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20 décembre 2024 Le greffier de la Cour administrative 13