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17/12/2024 | LUXEMBOURG | N°51643C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 17 décembre 2024, 51643C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 51643C ECLI:LU:CADM:2024:51643 Inscrit le 28 octobre 2024 Audience publique du 17 décembre 2024 Appel formé par Madame (A1) et consort, …, contre un jugement du tribunal administratif du 26 septembre 2024 (n° 49675 du rôle) en matière de protection internationale Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 51643C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 28 octobre 2024 par Maître Françoise NSAN-NWET, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A1

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 51643C ECLI:LU:CADM:2024:51643 Inscrit le 28 octobre 2024 Audience publique du 17 décembre 2024 Appel formé par Madame (A1) et consort, …, contre un jugement du tribunal administratif du 26 septembre 2024 (n° 49675 du rôle) en matière de protection internationale Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 51643C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 28 octobre 2024 par Maître Françoise NSAN-NWET, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A1), née le … à … (Venezuela), et de son fils, Monsieur (A2), né le … à …, tous les deux de nationalité vénézuélienne, demeurant à L-…, dirigée contre le jugement rendu le 26 septembre 2024 (n° 49675 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg les a déboutés de leur recours tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 10 octobre 2023 refusant de faire droit à leur demande en obtention d’une protection internationale et portant ordre de quitter le territoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 27 novembre 2024 ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 10 décembre 2024.

1Le 3 janvier 2022, Madame (A1) introduisit pour son compte ainsi qu’au nom et pour le compte de son fils Monsieur (A2), mineur à l’époque, ci-après « les consorts (A) », auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Madame (A1) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent du service de police judiciaire de la police grand-ducale, section criminalité organisée – police des étrangers, dans un rapport du même jour.

En date des 9 et 23 août, ainsi que 14 novembre 2022, Madame (A1) fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs gisant à la base de sa demande de protection internationale, tandis que Monsieur (A2), entretemps devenu majeur, fut entendu le 27 septembre 2023 pour les mêmes raisons.

Par décision du 10 octobre 2023, notifiée aux intéressés par courrier recommandé expédié le 13 octobre 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après « le ministre », informa les consorts (A) que leur demande de protection internationale avait été refusée comme non fondée, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, ladite décision étant libellée comme suit :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à vos demandes en obtention d'une protection internationale que vous avez introduites auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 3 janvier 2022 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains votre fiche manuscrite du 3 janvier 2022, le rapport du Service de Police Judiciaire du 3 janvier 2022, votre rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes sur les motifs sous-tendant vos demandes de protection internationale Madame du 9 et 23 août 2022 et 14 novembre 2022 et le vôtre Monsieur du 27 septembre 2023, ainsi que les documents versés à l'appui de vos demandes de protection internationale.

Madame, il ressort de votre dossier administratif que vous seriez née le 2 novembre 1968 à … dans l'Etat de Zulia au Venezuela, de nationalité vénézuélienne, de confession chrétienne et veuve. Vous auriez vécu à partir de 2013 à l'« Urbanisation Ciudadela Rafael Uldaneta » à … avec trois de vos quatre enfants, respectivement vos deux fils (A2) et (A3), votre unique fille (A4) ainsi que son époux et leurs enfants. Le 20 mai 2017, après l'incendie de votre domicile, vous vous seriez installée temporairement chez les beaux-parents de votre fille puis chez l'une de vos sœurs, avant de louer une maison dans le quartier d'… à … où vous auriez vécu avec votre fils cadet (A2) 2jusqu'à votre départ du Venezuela en décembre 2021. Dans le cadre de votre vie professionnelle, vous auriez exercé la fonction de secrétaire exécutif puis, en tant que cantatrice, vous auriez donné des cours de chant.

À l'appui de votre demande de protection internationale, vous avancez que vous auriez quitté le Venezuela avec votre fils (A2), alors âgé de … ans et demi, car vous auriez été persécutée par le gouvernement vénézuélien en raison de votre activisme politique et de celui de votre fille (A4). En cas de retour dans votre pays d'origine, vous craindriez qu'« ils s'en prennent encore à moi et à mon fils (…) La peur c'est de retomber dans la même situation » (p.14/19 du rapport d'entretien).

Interrogée sur les prémices de votre activisme politique, vous indiquez que vous auriez commencé à soutenir « tous les partis qui allaient contre le gouvernement » (p.11/19 du rapport d'entretien) dès l'âge de … ans, respectivement vers 1986. Vous seriez ensuite devenue ce que vous qualifiez être une « opposante-née » (p.11/19 du rapport d'entretien) à partir de l'âge de … ans, respectivement vers 2008, alors que vous auriez été influencée par l'engagement politique afféré de votre fille (A4). Dès lors, vous auriez participé activement avec elle, dans les diverses municipalités de …, à « toutes les concentrations, n'importe laquelle, on n'en ratait pas une » (p.11/19 du rapport d'entretien), en soutenant en l'occurrence le parti politique d'opposition Primera Justicia. Invitée à décrire les activités que vous auriez exercées, vous expliquez que vous suiviez votre fille car « elle était à l'intérieur de ce processus, je l'accompagnais » (p.14/19 du rapport d'entretien), et que vous auriez été chargée de la préparation de manifestations, de l'installation d'estrade, de la répartition de l'eau, de la distribution de flyers, du collage d'affiches ou du racolage de potentiels nouveaux membres pour « appuyer le parti » (p.11/19 du rapport d'entretien). Ces activités n'auraient néanmoins pas été sans risque puisqu'elles auraient parfois été perturbées violemment : « quand les chavistes arrivaient, il y avait du mouvement (…). Ils lançaient des pierres, ils tiraient dans l'air, ils nous blessaient avec des pierres ou du verre » (p.13/19 du rapport d'entretien).

Au cours du mois de mars ou avril 2017, vous indiquez que votre fille (A4) aurait été victime d'un « attentat chez elle avec des coups de feu » (p.10/19 du rapport d'entretien) en raison de son activisme politique. Il se serait agi d'un évènement pivot puisque vous déclarez que « c'est là que la guerre avec eux a commencé » (p.10/19 du rapport d'entretien). Par mesure de précaution, vous auriez pris la décision d'héberger votre fille ainsi que son époux et leurs enfants à votre domicile.

En date du 20 mai 2017, alors que vous auriez été à une manifestation avec votre fille (A4) et votre fils (A2), vous auriez reçu un appel téléphonique vous avertissant que votre domicile serait en feu et que les pompiers seraient déjà présents. Arrivée sur place, des témoins vous auraient rapporté que l'incendie était criminel puisqu'ils avaient aperçu huit motards cagoulés jeter des cocktails Molotov et des bombes lacrymogènes ; coupables que vous soupçonnez être « du gouvernement de Maduro, certainement du PSUV » (p.3/19 du rapport d'entretien). Invitée à décrire les raisons pour lesquelles ces derniers auraient décidé d'incendier votre domicile, vous répondez qu'ils auraient spécifiquement été à la recherche de votre fille « parce que ma fille était très, très impliquée dans ces questions d'opposition » (p.15/19 du rapport d'entretien), d'autant 3plus que les témoins vous auraient informé les avoir entendus faire référence à elle en criant « elle doit être là cette maudite Pitiyankee » (p.14/19 du rapport d'entretien).

Suite à cet incident criminel, vous seriez tombée « malade des nerfs » (p.10/19 du rapport d'entretien) et vous auriez commencé à consulter un psychologue alors que vous auriez eu l'impression d'avoir tout perdu. Votre fille serait allée déposer une plainte le 22 mai 2017 alors que vous-même, vous vous seriez rendue quelques jours plus tard à la préfecture … « pour voir si on pouvait des recherches, savoir quelque chose » (p.15/19 du rapport d'entretien). Toutefois, vous déplorez le fait qu'aucune démarche n'aurait été entreprise par les autorités puisque l'identité des coupables était inconnue et aucune preuve n'avait pu être récupérée.

Il en découle que les années suivantes, vous auriez pris des mesures de précaution et que vous auriez cessé de manifester, redoutant autrement qu'« ils vont s'en prendre à moi et à mes enfants » (p.13/19 du rapport d'entretien). Votre fille (A4) ayant quitté le Venezuela avec son époux et leurs enfants - et introduit une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 27 décembre 2019 (R18964) - vous auriez craint « qu'ils exercent des représailles contre moi et mon fils, parce que ma fille n'était plus là » (p.14/19 du rapport d'entretien), de sorte que « je ne sortais pas, je ne faisais pas la fête » (p.14/15 du rapport d'entretien). Dans ce contexte, vous mentionnez en guise d'exemple que vous ne seriez pas allée voter lors des élections régionales de novembre 2021 et que vous n'auriez pas été en mesure de célébrer la victoire au poste de gouverneur de l'opposant Manuel ROSALES car « dès qu'on fête, ils peuvent arriver et vous tirer dessus » (p.10/19 du rapport d'entretien).

Finalement, vous évoquez qu'en septembre 2021, vous vous seriez rendue dans un centre commercial avec votre fils cadet (A2). Un militaire présent sur les lieux aurait demandé l'âge de votre fils. Vous lui auriez répondu qu'il était âgé de … ans mais le militaire aurait exigé une preuve alors qu'il ne vous aurait pas cru car « mon fils est grand » (p.10/19 du rapport d'entretien). Alors qu'il aurait cherché à s'emparer de votre fils, vous vous seriez défendu et cela aurait engendré un attroupement de personnes mettant fin à la scène. À cet égard, vous ajoutez que votre fils aurait été déscolarisé pendant trois années « parce que les écoles ne fonctionnaient pas » (p.14/19 du rapport d'entretien) et car vous auriez exigé qu'il ne sorte pas dans la rue ou avec d'autres personnes.

Ambitionnant de quitter le Venezuela depuis l'exil de votre fille en 2019, vous auriez finalement pris l'initiative de traverser la frontière avec la Colombie en compagnie de votre fils (A2) le 8 décembre 2021 et vous auriez pris un vol le 15 décembre 2021 pour rejoindre l'Europe.

Votre fils (A5) aurait également rejoint le Luxembourg avec sa famille plus tardivement et aurait introduit une demande de protection internationale en date du 29 septembre 2022 (…).

Monsieur (A2), alors que vous êtes devenu majeur depuis l'introduction de votre demande de protection internationale, vous avez été invité à vous présenter à la Direction de l'immigration en date du 27 septembre 2023 pour procéder à un entretien. Il ressort de votre rapport d'entretien que vous confirmez partiellement les dires de votre mère, à savoir que votre domicile aurait été incendié volontairement, vraisemblablement en raison de l'activisme politique de votre sœur.

4À l'appui de vos demandes de protection internationale, vous présentez les documents suivants :

- Votre passeport vénézuélien, Madame, émis en date du 13 septembre 2021 et le vôtre, Monsieur, émis en date du 20 octobre 2021 ;

- une série de documents actant que votre père (B), Monsieur, a accordé son consentement parental vous permettant de quitter le territoire en compagnie de votre mère alors que vous étiez mineur, en langue espagnole sans traduction ;

- une série de photographies des dégâts de l'incendie occasionnés par l'incendie du 20 mai 2017 de votre domicile ;

- une photocopie de la plainte déposée par votre fille en date du 22 mai 2017, en langue espagnole sans sa traduction.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée la « Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils n'émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Madame, Monsieur, il ressort de l'évaluation de vos motifs de fuite que vous auriez décidé de quitter votre pays d'origine en raison des représailles que vous auriez craint de subir par le gouvernement de Maduro en raison de votre engagement politique en faveur de l'opposition, Madame, ainsi que celui de votre fille (A4).

Avant tout progrès en cause, il échet de relever que l'ensemble de vos déclarations concernant les motifs qui vous auraient poussé à fuir votre pays d'origine restent en l'état de pure allégation et ne sont corroborées par aucun élément de preuve. En effet, vous n'apportez aucune 5preuve quant à votre adhérence aux idéologies politiques du parti Primera Justicia, ou d'un quelconque autre parti, et de votre participation à des manifestations antigouvernementales.

De plus, alors que vous tentez de vous faire passer Madame pour une personne qui se serait démarquée par son grand intérêt pour la politique et son soutien à l'opposition, il y a lieu de sérieusement remettre en doute, ou du moins de relativiser, le degré de votre engagement politique compte tenu de vos déclarations générales et incohérentes. En effet, ce constat se base sur le fait que vous êtes dans l'incapacité de fournir une temporalité inchangée en ce qui concerne les prémices de votre activisme politique. Tout d'abord, vous prétendez que votre intérêt pour la politique aurait débuté à l'âge de … ans, respectivement en 1986, lorsque vous auriez soutenu « tous les partis qui allaient contre le gouvernement » (p.11/19 du rapport d'entretien). Plus tardivement dans l'entretien, vous raccordez erronément cette période à celle du « du président Choyez » (p.12/19 du rapport d'entretien) puisque ce dernier n'a en réalité entamé son premier mandat présidentiel qu'en 1999, de sorte qu'il aurait été impossible que vous puissiez déjà vous oppose[r] à celui-ci 13 années auparavant. Nonobstant de cette première incohérence compromettante, vous vous empêtrez dans la confusion en indiquant par la suite que vous auriez vraiment « commencé à être une opposante-né » (p.11/19 du rapport d'entretien) lorsque vous auriez été âgée de … ans, respectivement en 2008, et ce grâce à l'influence de votre fille (A4) qui « était plus active avant, elle était toujours impliquée dans ceci ou cela » (p.11/19 du rapport d'entretien). Puis, finalement, dans une énième version, vous rapportez que votre engagement aurait réellement atteint son paroxysme « quand il y a eu le premier attentat chez elle » (p.11/19 du rapport d'entretien), ce qui correspondrait à mars ou avril 2017, puisque vous auriez dès lors attribué une connotation personnelle à votre engagement. Or, paradoxalement, vous finirez par relever en même temps que « quand ma fille a eu l'attentat, je me suis calmée » (p.12/19 du rapport d'entretien) et que vous auriez cessé toutes activités politiques dès l'incendie de votre maison qui se serait déroulée deux mois plus tard, le 20 mai 2017. Madame, compte tenu de l'énorme confusion qui règne sur votre supposé parcours politique, chronologie sensée, il convient de remettre sérieusement en doute la crédibilité de votre récit à cet égard alors que vous avez manifestement tenté d'amplifier fortement le degré de votre engagement politique en vous accaparant toutes formes d'opposition politique possibles.

Ceci dit, en ce qui concerne vos craintes relatives au fait de subir des représailles par les autorités vénézuéliennes en raison de votre activisme politique et de celui de votre fille, à les supposer avérées, ce qui n'est pas établi, il y a lieu de relever qu'elles ne rentrent pas dans le champ d'application de la Convention de Genève et la Loi de 2015 alors qu'elles ne sont pas liées à votre race, votre religion, votre nationalité, vos opinions politiques ou votre appartenance à un groupe social.

Tout d'abord, même à admettre que vous auriez réellement été une opposante politique et que vous auriez participé à des manifestations antigouvernementales et des campagnes pour le compte du parti Primero Justicia, l'adoption d'opinions politiques en opposition à un régime politique en place n'est pas suffisante pour prétendre au statut de réfugié. Dans votre cas, il est plutôt établi que vous n'êtes pas à considérer comme une activiste politique au Venezuela et que vous n'y avez pas été menacée à cause de vos opinions politiques, mais que vous feriez plutôt partie de ces centaines de milliers de Vénézuéliens qui ont déjà exprimé leur mécontentement envers le gouvernement à travers différentes méthodes, sans que ceux-ci ne soient tous personnellement 6visés par les autorités vénézuéliennes. Par ailleurs, il appert que vous n'indiquez nullement faire partie formellement d'un parti politique d'opposition, ni occuper une quelconque fonction de leader au sein d'un groupe contestataire au Venezuela. Vous ne mentionnez que compendieusement que vous vous seriez aligné sur l'idéologie politique du parti Primera Justicia - sans toutefois posséder une carte de membre - car il se serait agi du parti politique que votre fille aurait soutenu et que vous auriez été influencée par cette dernière puisque vous confirmez vous-même que vos actions étaient liées à celle de votre fille (p.16/19 du rapport d'entretien).

Ensuite, il y a lieu de relever que, quand bien même vous soupçonnez que les coupables de l'incendie criminel du 20 mai 2017 auraient été « du gouvernement de Maduro, certainement du PSUV » (p.3/19 du rapport d'entretien) et que vous estimez donc être persécutée par les autorités vénézuéliennes, cela ne vous a visiblement pas empêché de vous rendre à la préfecture de …, à savoir une entité publique, pour obtenir des informations concernant les éventuelles recherches effectuées par les autorités vénézuéliennes, tout comme cela n'a pas empêché votre fille de se rendre à un commissariat de police dès le 22 mai 2017. Dans le même contexte, il appert que vous vous êtes vue délivrer, Madame, un nouveau passeport en date du 13 septembre 2021 et que vous vous seriez rendue personnellement dans les bureaux du SAIME pour le faire. Or, cela reviendrait à dire que les autorités vénézuéliennes, tout en vous ayant prétendument identifié comme un activiste antigouvernemental, ne se seraient pas opposées à vous délivrer un nouveau passeport.

Compte tenu de ces différentes informations, il est évident que vous ne vous trouveriez nullement dans leur collimateur.

Madame, il convient surtout de retenir que vous ne faites en réalité qu'état de faits non personnels. Or des faits non personnels mais vécus par d'autres membres de la famille, respectivement votre fille (A4), ne sont susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève que si le demandeur de protection internationale établit dans son chef un risque réel d'être victime d'actes similaires en raison de circonstances particulières. Or, tel n'est clairement pas le cas en l'espèce, alors que vous restez en défaut d'étayer un lien entre le prétendu traitement de votre fille et des éléments liés à votre personne vous exposant à des actes similaires. En effet, ce constat se base [sur] une série de vos déclarations alors que vous avancez que l'incendie criminel de votre domicile en date du 20 mai 2017 découlerait uniquement du fait que vous auriez hébergé votre fille chez vous. En guise d'exemple, l'on peut soulever que vous avez indiqué, lorsque l'agent ministériel vous interroge sur les raisons de cette incendie criminel, que « ma fille était dans l'opposition (…) je l'avais pris dans la maison et c'est pour cela qu'on a brûlé la maison » (p.4/19 du rapport d'entretien), « je pense que c'était parce qu'on était en train de la chercher » (p.14/19 du rapport d'entretien), que selon votre sermocination les coupables auraient évoqué « elle doit être là cette maudite Pitiyankee » (p.14/19 du rapport d'entretien) avant d'incendier votre maison, « je pense que c'était à cause d'elle » (p.14/19 du rapport d'entretien), en faisant à chaque fois référence à votre fille, ou encore « je pense que c'était parce que ma fille était très, très impliquée dans ces questions d'opposition » (p.15/19 du rapport d'entretien). Ce constat se trouve ensuite corroboré lorsque vous avancez que, après le départ de votre fille du Venezuela, vous auriez craint « qu'ils exercent des représailles contre moi et mon fils, parce qu'elle n'était plus là » (p.14/19 du rapport d'entretien). Or, à travers cette déclaration, vous reconnaissez en réalité que vous craindriez d'être une victime collatérale à cause de l'activisme politique de votre fille et non pas en raison du vôtre.

7Partant, alors que vos craintes sont basées en réalité sur celle de votre fille (A4), il convient de soulever que sa demande de protection internationale introduite en date du 27 décembre 2019 a été rejetée en mars 2022, de sorte que votre crainte d'être persécutée est pareillement non fondée.

On ne saurait dès lors conclure à l'existence dans votre chef d'une crainte fondée de persécution.

Quand bien même on retiendrait que vos craintes seraient liées à l'un des motifs énumérés par la Convention de Genève et que vous seriez personnellement à risque, ce qui n'est pas établi, il convient de souligner que les faits décrits ne sont manifestement pas d'une gravité suffisante pour constituer un acte de persécution. En effet vos craintes sont totalement hypothétiques. Cette observation découle de plusieurs constats.

En effet, il est évident que votre situation au Venezuela n'a nullement été aussi grave et urgente que vous cherchez à le faire croire puisque, entre l'incendie criminel de votre domicile en date du 20 mai 2017 et votre départ du Venezuela en date du 8 décembre 2021, c'est-à-dire pendant 4 ans et demi, vous n'auriez plus été inquiétée d'une quelconque manière par ces individus, ni même par les autorités vénézuéliennes. Dans la même mesure, bien que vous craigniez de subir des représailles en raison de l'absence de votre file suite à son exil en 2019, il appert que vous ne vous êtes aucunement faites importunés à cet égard en l'espace de plus de deux ans. Or, les actes considérés comme une persécution au sens de la Convention de Genève doivent être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l'homme, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Donc, en dépit de vouloir faire croire aux autorités luxembourgeoises qu'après l'incendie de votre domicile en mai 2017, ou après le départ de votre fille du Venezuela en 2019, vous auriez craint pour votre vie et celle de votre fils à tel point que vous ne seriez prétendument plus sortie de chez vous et que votre fils aurait été déscolarisé, il appert que vous auriez tout de même encore vécu plus de 4 ans et demi, ou deux ans, dans votre pays d'origine et que vous n'auriez pas hésité à vous rendre auprès des autorités vénézuéliennes pour vous voir délivrer un nouveau passeport afin de pouvoir quitter sereinement votre pays plutôt que de tout simplement fuir ou quitter le plus tôt possible le pays dans lequel vous prétendez craindre être victime de persécutions ou d'atteintes graves.

Finalement, il y a lieu de soulever que votre départ tardif du Venezuela a en réalité été motivé pour des motifs de convenance personnelle. Ce constat se base tout d'abord sur le fait que vous mentionnez à plusieurs reprises que vous souhaitez réserver un meilleur avenir pour votre fils (A2) alors que vous déplorez le fait qu'il aurait été déscolarisé au Venezuela : « la seule chose c'est que je veux un avenir pour mon fils, je veux qu'il devienne quelqu'un (…) Je fais tout cela pour lui. Moi, c'est égal (…) mais je veux pour lui une vie comme la vôtre » (p.10/19 du rapport d'entretien). À cela s'ajoute qu'en dépit d'avoir prétendu que vous auriez pris la décision de quitter le pays « quand elle est venue ici » (p.16/19 du rapport d'entretien), à savoir votre fille en 2019, vous seriez encore restée plus de deux années au Venezuela. L'agent ministériel vous interroge alors pour quelle raison vous auriez attendu si longtemps et qu'elle aurait été le fait déclencheur, ce à quoi vous répondez « parce que cela faisait trop longtemps que je les voyais plus » (p.16/19 du rapport d'entretien). En d'autres termes, la seule raison vous ayant poussé à quitter le pays 8n'est aucunement reliée à votre prétendue crainte d'être persécutée par les autorités vénézuéliennes mais plutôt par votre volonté de vous réunir avec votre famille.

Monsieur, avant tout autre développement, il convient de soulever qu'il existe des différences notables entre votre récit et celui de votre mère, notamment lorsque vous évoquez les différentes adresses où vous auriez résidé et la temporalité de vos déménagements. Toutefois, ces incohérences pourraient raisonnablement être justifiées par le fait que vous étiez mineur à cette époque, respectivement âgé de … à … ans. Il convient cependant de soulever que vous donnez des éléments de précisions en ce qui concerne les faits du 20 mai 2017, date de l'incendie criminel de votre domicile. Vous complétez le récit de votre mère en expliquant que vous vous seriez trouvé avec votre mère et votre sœur qui travaillaient pour une table de vote et que des individus agressifs seraient venus armés de passe-montagnes pour empêcher les gens de voter. Vous ajoutez que les mêmes individus seraient responsables de l'incendie criminel de votre domicile.

Ceci étant dit, il appert que vous craindriez en cas de retour dans votre pays d'origine d'être en danger en raison de l'activité politique de votre mère et de votre sœur. Or, étant donné que leurs demandes de protection internationale ont été rejetées, il convient de percevoir vos craintes comme étant pareillement non fondée.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Madame, Monsieur, il y a lieu de souligner qu'à l'appui de vos demandes de protection subsidiaire, vous invoquez en substance les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de vos demandes de reconnaissance du statut de réfugié.

9Au vu des conclusions ci-dessus, il y a de même, lieu de retenir qu'il n'existe manifestement pas davantage d'éléments susceptibles d'établir, sur la base des mêmes faits que ceux exposés en vue de vous voir reconnaître le statut de réfugié, qu'il existerait des motifs sérieux et avérés de croire que vous courriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 de la loi de 2015.

En effet, vous omettez d'établir qu'en cas de retour au Venezuela, vous risqueriez la peine de mort ou l'exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre votre vie ou vôtre personne en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Vos demandes en obtention d'une protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées au sens des articles 26 et 34 de la Loi de 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Suivant les dispositions de l'article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination du Venezuela, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 novembre 2023, les consorts (A) introduisirent un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle du 10 octobre 2023 portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Par un jugement du 26 septembre 2024, le tribunal déclara non fondé le recours en réformation dirigé contre le refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire et en débouta les demandeurs, tout en les condamnant aux frais et dépens de l’instance.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 28 octobre 2024, les consorts (A) ont régulièrement relevé appel de ce jugement du 26 septembre 2024.

Les appelants réitèrent en substance leur exposé des faits qui les auraient amenés à quitter leur pays d’origine tels que se dégageant du jugement de première instance. Les persécutions subies seraient liées au passé d’activiste politique de Madame (A1) et de sa fille Madame (A4) au sein du parti politique d’opposition dénommé « Primero Justicia ». En raison de son engagement politique, Madame (A4) aurait fait l’objet, au cours du mois de mars ou d’avril de l’année 2017, d’une agression, respectivement d’une tentative de meurtre à son domicile. En outre, le 20 mai 2017, un « incendie criminel » se serait déclenché au domicile familial, incendie qui aurait été causé par des membres du « PSUV, le parti au pouvoir » et leur plainte subséquente aurait été classée sans suite. Par la suite, Madame (A1) aurait décidé de réduire son engagement politique.

En septembre 2021, elle aurait de nouveau été ouvertement menacée par un militaire en se rendant dans un centre commercial et ce serait, dès lors, par crainte pour sa vie et celle de ses proches 10qu’elle aurait quitté le Venezuela, ensemble avec son fils (A2), en se rendant le 8 décembre 2021 en Colombie pour y prendre un vol le 15 décembre 2021 et rejoindre le sol européen.

En droit, les appelants insistent sur l’engagement politique de Madame (A1) qui devrait être considérée comme une militante politique. Ainsi, elle aurait participé à des manifestations, organisé des rassemblements et distribué respectivement collé des affiches pour les partis d’opposition au régime dictatorial en place, dont les exactions auraient été dénoncées notamment dans un rapport de l’organisation Amnesty International publié le 16 avril 2024. Les consorts (A) estiment que les persécutions subies revêtiraient à suffisance le niveau de gravité tel que requis par l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015. Les appelants insistent encore sur l’inaction des autorités vénézuéliennes qui n’auraient pas voulu leur apporter de protection contre les actes de persécution subis et qui auraient même, à certains moments, été la source des persécutions subies. Finalement, ils invoquent encore le rapport 2024 de l’organisation Human Rights Watch dénonçant des homicides, des disparitions forcées et des détentions arbitraires, des actes de torture et de mauvais traitements, ainsi que des violences sexuelles et sexistes à l’égard des opposants au gouvernement MADURO.

Partant, il y aurait lieu de réformer le jugement entrepris ainsi que le refus ministériel et de leur accorder une mesure de protection internationale, principale ou subsidiaire, et de réformer l’ordre de quitter le territoire prononcé à leur encontre.

De son côté, le délégué du gouvernement conclut en substance à la confirmation intégrale du jugement entrepris et de la décision ministérielle litigieuse, les deux tablant sur des appréciations justes tant en droit qu’en fait.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 sub f), de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Il se dégage de la lecture combinée des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que doit être considérée comme réfugié toute personne qui a une crainte fondée d’être persécutée et que la reconnaissance du statut de réfugié est notamment soumise aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

11La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d'origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l'article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L'octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Il s’y ajoute que la définition du réfugié contenue à l’article 2 sub f), de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2 sub g), de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur de protection internationale ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du juge devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

L’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

La Cour arrive à la conclusion, au vu des déclarations faites par les appelants au cours de leurs entretiens, ensemble les explications fournies par les parties à l’instance de part et d’autre, que les premiers juges sont à confirmer en ce qu’ils ont rejeté le recours des consorts (A), et ce indépendamment de la question des quelques incohérences mises en avant par le ministre au sujet du récit de Madame (A1).

12 La Cour note en premier lieu que les appelants déclarent en substance avoir quitté le Venezuela au motif qu’ils auraient été persécutés par le gouvernement vénézuélien en raison de l’activisme politique de Madame (A1) et de sa fille Madame (A4) ayant manifesté leur opposition au régime vénézuélien en place, invoquant plus précisément dans ce contexte deux faits concrets, à savoir que leur maison familiale aurait été incendiée en date du 20 mai 2017 et qu’ils auraient été ouvertement menacés par un militaire dans un centre commercial en septembre 2021.

A l’instar des premiers juges, la Cour conclut que si la crainte exposée par les appelants de faire l’objet de persécutions en raison de leur activisme politique tombe en principe dans le champ d’application de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après « la Convention de Genève », du fait de la toile de fond des opinions politiques des intéressés, il n’en reste pas moins qu’il ne se dégage pas à suffisance de droit des récits de ceux-ci, considérés ensemble les moyens, arguments et pièces apportés au cours de la procédure contentieuse, des raisons personnelles de nature à démontrer dans leur chef une crainte actuelle justifiée de subir des persécutions en cas de retour au Venezuela.

Concernant le prétendu incendie de leur domicile en date du 20 mai 2017, il se dégage en effet des déclarations respectives des appelants que ledit incendie a été perpétré par des inconnus et visait Madame (A4), apparemment en raison de l’engagement politique de celle-ci, qui était hébergée au domicile de sa mère au moment des faits. Ainsi, la crainte des appelants de subir des représailles de la part du gouvernement vénézuélien est directement dérivée de l’activisme politique affiché par Madame (A4) au sein du parti politique « Primera Justicia », laquelle a elle-même fui le Venezuela et introduit une demande de protection internationale au Luxembourg le 27 décembre 2019, demande de laquelle cette dernière fut déboutée en mars 2022, tel que cela se dégage de la décision ministérielle litigieuse du 10 octobre 2023. Il convient dès lors de constater que les consorts (A) n’apparaissent pas avoir été et ne pas être concrètement et personnellement exposés à des actes de persécutions émanant des autorités étatiques en cas de retour au Venezuela en raison de leur prétendu engagement politique, ceux-ci n’ayant plus été autrement inquiétés par les autorités vénézuéliennes pendant plus de 4 années après la survenance de l’incendie en cause ayant visé Madame (A4), mise à part une vague menace par un militaire au courant du mois de septembre 2021 dans un centre commercial.

Or, le constat que les appelants ne sont pas concrètement exposés à des actes de persécutions de la part des autorités étatiques vénézuéliennes est par ailleurs corroboré par le fait que Madame (A1), se qualifiant pourtant d’« opposante née » au pouvoir en place, s’est vu délivrer sans problème un nouveau passeport le 13 septembre 2021 et que celle-ci, munie de ce passeport, a pu quitter son pays d’origine sans rencontrer le moindre problème le 8 décembre 2021.

La Cour rejoint dès lors les premiers juges en leur conclusion que des faits non personnels mais vécus par d’autres personnes ne sont susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève que si le demandeur de protection internationale établit dans son propre chef un risque réel d’être victime d’actes similaires en raison de circonstances particulières, situation qui n’est manifestement pas donnée dans le cas d’espèce, de sorte que les craintes de persécution mises en avant par les appelants sont à qualifier de purement hypothétiques.

13Partant, la Cour arrive à la conclusion que, même si les consorts (A) appartiennent à la catégorie de la population vénézuélienne ayant exprimé ouvertement leur mécontentement envers le gouvernement en place, ceux-ci ne peuvent pas être considérés à l’heure actuelle comme étant des opposants politiques personnellement visés par des actes de persécution concrets par les autorités en place. Il appert plutôt que les appelants ont finalement quitté leur pays d’origine pour des raisons de convenance personnelle, étant relevé sur ce point que Madame (A1) a déclaré lors de son audition devant l’agent du ministère qu’elle souhaitait réserver un meilleur avenir pour son fils (A2) et vouloir se réunir avec d’autres membres de sa famille vivant déjà au Luxembourg.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que les conditions d’octroi du statut du réfugié au sens de l’article 2 sub f) de la loi du 18 décembre 2015, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire au sens des articles 2 sub g), et des points a) et b), de l’article 48 de la loi du 15 décembre 2015 ne sont pas remplies, de sorte que les premiers juges sont à confirmer en ce qu’ils ont rejeté le recours des appelants sur ces bases.

En ce qui concerne le point c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, la Cour est amenée à retenir que si certes, il ne peut être nié que le Venezuela connaît une situation sécuritaire problématique, notamment en raison de la violence criminelle de droit commun qui y est très répandue, et qu’il existe une grave crise sur l’ensemble du territoire en raison du régime politique en place, impliquant la répression d’opposants politiques, il n’en reste pas moins que les rapports produits en cause ne permettent pas de conclure à l’existence d’une situation où l’ampleur de la violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé est telle qu’il existerait des motifs sérieux de croire qu’un civil, du seul fait de sa présence sur place, court un risque réel d’être exposé à des atteintes graves au sens de l’article 48 sub c), de la loi du 18 décembre 2015, les consorts (A) n’ayant, par ailleurs, pas apporté des éléments qui permettraient de retenir qu’ils seraient personnellement exposés, en raison d’éléments propres à leur situation personnelle, à un risque réel découlant d’une violence aveugle au point qu’il faille admettre qu’en cas de retour dans leur pays d’origine, ils courraient un risque réel de menaces graves pour leur vie ou leur personne.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que les premiers juges ont confirmé le ministre pour avoir refusé de faire droit à la demande de protection internationale des appelants.

Enfin, concernant l’ordre de quitter le territoire, l’article 34, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 dispose qu’« une décision du ministre vaut décision de retour. (…) » et en vertu de l’article 2 sub q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire », de sorte que l’ordre de quitter est à considérer comme constituant la conséquence automatique du refus de protection internationale, avec comme conséquence pour le cas d’espèce, où le rejet ministériel de la demande de protection internationale, émanant d’un demandeur n'ayant à aucun moment fait état de manière crédible d'une crainte justifiée de persécutions ou d’un risque réel de subir des atteintes graves au sens de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015, vient d’être déclaré justifié, dans ses deux volets, que l’ordre de quitter n’est pas sérieusement critiquable ni critiqué.

14Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argumentation des consorts (A) que le Venezuela ne figure pas sur la liste des pays d’origine sûrs prévue par le règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d'origine sûrs au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, étant donné que pareille non-

inscription ne signifie pas qu’une personne originaire d’un pays ne figurant pas sur la liste des pays d'origine sûrs soit automatiquement sujette à des actes de persécution ou à un risque réel de subir des atteintes graves au sens de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015.

L’appel n’étant dès lors pas justifié, il y a lieu d’en débouter les appelants et de confirmer le jugement entrepris.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

reçoit l’appel du 28 octobre 2024 en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute les appelants ;

partant, confirme le jugement entrepris du 26 septembre 2024 ;

donne acte aux appelants de ce qu’ils déclarent bénéficier de l’assistance judiciaire ;

condamne les appelants aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.

s. SCHINTGEN s. CAMPILL 15


Synthèse
Numéro d'arrêt : 51643C
Date de la décision : 17/12/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-12-17;51643c ?

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