GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 50528C ECLI:LU:CADM:2024:50528 Inscrit le 31 mai 2024 Audience publique du 12 décembre 2024 Appel formé par Monsieur (A) et consorts, … et …., contre un jugement du tribunal administratif du 22 avril 2024 (n° 44899a du rôle) ayant statué sur leur recours dirigé contre une décision du ministre de l’Intérieur, en matière de plan d’aménagement général Vu la requête d'appel inscrite sous le numéro 50528C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 31 mai 2024 par la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES S.A., établie et ayant son siège social à L-2146 Luxembourg, 63-65, rue de Merl, immatriculée au registre de commerce et des sociétés sous le numéro B 240929, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1) Monsieur (A) et de son épouse, Madame (B), demeurant ensemble à L-… …, …, rue …, de 2) Monsieur (C), demeurant à L-… …, …, rue … et de 3) Madame (D), demeurant à L-… …, …, rue …, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 22 avril 2024 (numéro 44899a du rôle) à travers lequel ledit tribunal a, en vidant son jugement du 29 décembre 2022, inscrit sous le numéro 44899 du rôle, déclaré le recours en annulation dirigé contre une décision du ministre de l’Intérieur du 7 février 2020 recevable mais non fondé ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Patrick MULLER, demeurant à Diekirch, du 4 juin 2024, portant signification de cette requête d’appel à l’administration communale de Schieren, établie à L-9125 Schieren, 90, route de Luxembourg, représentée par son collège des bourgmestre et échevins en fonctions ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 1er juillet 2024 par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH S.A., inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Christian POINT, avocat à la Cour, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 2 juillet 2024 par Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Schieren, préqualifiée ;
1Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 1er octobre 2024 par la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES S.A. au nom des appelants, préqualifiés ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 31 octobre 2024 par Maître Steve HELMINGER au nom de l’administration communale de Schieren, préqualifiée ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 4 novembre 2024 par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH S.A. au nom de l’Etat du Grand-
Duché de Luxembourg ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel;
Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sébastien COUVREUR, en remplacement de Maître Georges KRIEGER, Maitre Steve HELMINGER, et Maître Martial BARBIAN, en remplacement de Maître Christian POINT, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 novembre 2024.
Lors de sa séance publique du 3 octobre 2018, le conseil communal de Schieren, ci-après « le conseil communal », en application de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après « la loi du 19 juillet 2004 », décida de « (…) marquer son accord quant à la mise en procédure du nouveau projet d’aménagement général (PAG) de la Commune de Schieren (…) » et de « (…) charger le collège échevinal de procéder aux consultations publiques prévues par la loi (…) ».
Le projet d’aménagement général prévoyait, dans sa version soumise au susdit vote du conseil communal, le classement du site dénommé « Rue …… – Sce04 », ci-après « la zone Sce04 », comprenant, notamment, une partie de la parcelle inscrite au cadastre de la commune de Schieren, section A de Schieren, sous le numéro …, portant actuellement le numéro …, ci-après « la parcelle … », appartenant à Monsieur (A) et à Madame (B), ci-après « les époux (A-B) », ainsi qu’une partie de la parcelle inscrite au cadastre de la commune de Schieren, section A de Schieren, sous le numéro …., appartenant à Monsieur (C) et à Madame (D), ci-après « les consorts (C-D) », en « zone d’habitation 1 [HAB-1] », superposée d’une « zone soumise à un plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » » et partiellement d’une « zone de servitude « urbanisation – corridor espèces protégées » ».
Le 11 janvier 2019, la commission d’aménagement auprès du ministre de l’Intérieur, ci-après « la commission d’aménagement », émit son avis quant à ce projet d’aménagement général. Dans cet avis, elle s’opposa au classement en zone aedificandi, notamment, de la zone Sce04, et ce pour les motifs suivants : « (…) De prime abord, la commission estime que toute extension du périmètre d’agglomération concernant des terrains situés à l’est de l’autoroute est impérativement à éviter alors qu’une telle mesure serait contraire aux objectifs a), b), d) et e), tels que fixés à l’article 2 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 précitée. En l’occurrence, la zone d’habitation-1 « Sce04 » au lieu-dit « rue …… » ainsi que l’extension projetée de la zone d’habitation-1 « Sc12 » au lieu-dit « Bach Aus » sont à maintenir en zone verte. (…). En effet, l’urbanisation des fonds concernés contribuerait sensiblement au développement tentaculaire de la localité et aurait des répercussions néfastes sur la cohérence éco-paysagère à cet endroit exposé, comprenant des structures écologiques de qualité. (…)».
2 Le 5 févier 2019, le ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, ci-après « le ministre de l’Environnement », émit son avis quant au projet d’aménagement général sur base de l’article 5 de la loi modifiée du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ci-après « la loi du 18 juillet 2018 ». Dans son avis, ledit ministre indiqua que ne pourrait être approuvée, notamment, la modification de la délimitation de la zone verte telle que projetée pour la zone Sce04, « (…) en raison de sa situation déconnectée du tissu urbain en bordure d’un tentacule défigurant le paysage, de sa situation paysagère exposée, de la topographie en pente dont l’urbanisation modifierait le caractère paysager le long de la vallée du Kiselbach (…) ».
Le même jour, le ministre de l’Environnement rendit son avis sur base de l’article 7, paragraphe (2), de la loi modifiée du 22 mai 2008 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, ci-après « la loi du 22 mai 2008 ».
Le 12 juin 2019, la commission d’aménagement émit un avis rectificatif quant au susdit projet d’aménagement général.
Lors de sa séance publique du 18 octobre 2019, le conseil communal adopta ledit projet d’aménagement général, sauf en ce qui concerne la zone Sce04, par rapport à laquelle le vote fut reporté à la séance suivante, en raison d’un partage des voix.
Lors de sa séance publique du 21 novembre 2019, le conseil communal procéda à un vote spécifique au sujet de la zone Sce04 et décida « (…) de donner son accord relatif au maintien de la zone Sce04 au lieu-dit « rue …… » dans le périmètre urbanisable du nouveau plan d’aménagement (PAG) de la commune de Schieren (…) », cette décision reposant, notamment, sur les considérations suivantes : « (…) Contrairement à l’avis de la commission d’aménagement, la commune est d’avis qu’une urbanisation de la zone Sce04 ne contribuerait pas sensiblement au développement tentaculaire, bien au contraire, l’urbanisation représenterait un arrondissement du périmètre et donnerait la possibilité de construire des maisons unifamiliales en deuxième ligne et contribuerait ainsi à atteindre les objectifs points a, b et c de l’article 2 de la loi modifiée du 19 juillet 2004. Lors de la décision d’intégrer les fonds en zone HAB-1 le conseil communal s’est laissé exclusivement guider par les résultats de la SUP (…) ».
A travers ce vote, le classement de la zone Sce04, tel qu’initialement prévu, fut maintenu, sauf qu’un classement superposé en « zone de servitude « urbanisation – intégration paysagère » » y fut ajouté.
Par courrier du 4 décembre 2019, Monsieur (C), déclarant agir « (…) [p]our les [c]onsorts (C-D) (…) », introduisit auprès du ministre de l’Intérieur une réclamation à l’encontre du projet d’aménagement général.
Par courrier du 9 décembre 2019, les époux (A-B) firent de même.
Par courrier du 5 février 2020, ces derniers prièrent le ministre de l’Intérieur de « (…) bien vouloir considérer comme nulle et non avenue [leur] réclamation datée du [9] décembre 2019 (…) ».
3Par courrier du 6 février 2020, le ministre de l’Environnement s’adressa à la commune de Schieren, ci-après « la commune », en les termes suivants :
« (…) Dans ses séances du 18.10.2019 et du 21.11.2019, le conseil communal de la commune de Schieren a adopté le projet d’aménagement général en vertu de l’article 14 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.
La délibération ad hoc ainsi que le dossier administratif s’y rapportant m’ont été remis le 29 novembre 2019 pour approbation au titre de l’article 5 de la loi du 18 juillet 2018 cité sous rubrique.
De l’analyse des documents me soumis pour approbation se dégage que le projet d’aménagement général fait droit dans une très large mesure aux recommandations développées dans mon avis du 5 février 2019.
Il s’en dégage toutefois également que le projet de PAG prévoit toujours de classer en zone HAB-1 la surface Sce04 sise à Schieren, rue ……, de même que d’agrandir la surface Sc12 au même endroit. Je considère le développement urbain de ces surfaces comme particulièrement préjudiciable d’un point de vue paysager et je vous en avais fait part lors de ma prédite prise de position. Il en est de même des extensions Sce01 et Sc59 au lieut-dit « Ee » situées dans la plaine alluviale de l’Alzette.
Par conséquent, je souhaite réitérer par la présente mon opposition à la modification de la délimitation de la zone verte à l’endroit précité et la nécessité de conserver la délimitation telle qu’elle découle du PAG en vigueur avant sa refonte.
Le maintien de la modification projetée par le PAG soumis pour approbation aurait comme conséquence un refus de toutes les modifications de la délimitation de la zone verte envisagées par la refonte du PAG, alors que mes compétences en la matière se limitent à une approbation pure et simple du projet de PAG soumis au vote du conseil communal, sans pouvoir y apporter des modifications par le biais d’une approbation partielle.
Plutôt que de rentrer dans une telle logique et de ne pas ainsi anéantir les efforts consentis tout au long du processus de la refonte du PAG, je vous inviterais dans l’esprit d’une bonne et pragmatique pratique administrative à procéder, par le biais d’un vote complémentaire au titre de l’article 14 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, à un redressement des limites du PAG au niveau de cette surface afin que le projet de PAG - en ce qui concerne les modifications de la délimitation de la zone verte - puisse trouver mon approbation.
Il convient ici de rappeler que les projets d’aménagement général peuvent être révisés et modifiés jusqu’au moment de leur approbation par le Ministre de tutelle (TA No 15435 du rôle) et qu’une telle mesure prise par le conseil communal devrait être considérée comme juste et proportionnelle par rapport à l’enjeu touchant l’ensemble du plan d’aménagement général et plus particulièrement les modifications de la délimitation de la zone verte se dégageant du projet d’aménagement soumis pour approbation.
4Les droits des citoyens concernés par le vote complémentaire resteraient bien évidemment intacts en ce qui concerne les droits de réclamation auprès du Ministre de l’Intérieur et de recours en annulation auprès des juridictions administratives.
Je vous prie donc de m’informer sur la décision du conseil communal dans les meilleurs délais et au plus tard jusqu’au 20 mars 2020 de manière à ce que je puisse statuer dans un délai rapproché au délai d’ordre qui m’est imposé par la loi et qui expire le 29 février 2020.
Mes services sont à votre disposition pour clarifier toute question relative au présent courrier. En cas d’incertitudes quant à la délimitation de la zone verte, je vous recommande de vous concerter avec mes services préalablement au vote complémentaire. (…) ».
Le 7 février 2020, le ministre de l’Intérieur s’adressa à la commune dans un courrier libellé comme suit :
« (…) Par la présente, je suis au regret de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure d’approuver la délibération du conseil communal du 21 novembre 2019 portant adoption du projet de la refonte du plan d’aménagement général (dénommé ci-après « PAG ») de la commune de Schieren, présenté par les autorités communales, et ce pour les raisons évoquées ci-dessous.
En effet, le classement de la zone dite « Sce04 » au lieu-dit « rue …… » en zone destinée à être urbanisée n’est pas en adéquation avec les exigences des objectifs énoncés à l’article 2 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain ainsi qu’à l’article 1er de la loi du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire.
Ainsi, l’article 2 précité dispose que :
« Les communes ont pour mission de garantir le respect de l’intérêt général en assurant à la population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal par:
(a) une utilisation rationnelle du sol et de l’espace tant urbain que rural en garantissant la complémentarité entre les objectifs économiques, écologiques et sociaux;
(b) un développement harmonieux des structures urbaines et rurales, y compris les réseaux de communication et d’approvisionnement compte tenu des spécificités respectives de ces structures, et en exécution des objectifs de l’aménagement général du territoire;
(…) (d) le développement, dans le cadre des structures urbaines et rurales, d’une mixité et d’une densification permettant d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités;
(e) le respect du patrimoine culturel et un niveau élevé de protection de l’environnement naturel et du paysage lors de la poursuite des objectifs définis ci-dessus;
(…)».
Or, les fonds litigieux se caractérisent par une situation déconnectée de la localité de Schieren, à un endroit qui a d’ores et déjà connu un développement tentaculaire. Un développement futur en ces lieux renforcerait ce caractère tentaculaire et d’îlot déconnecté.
Or, il y a lieu d’éviter d’aggraver des situations indésirables existantes et ce conformément aux enseignements jurisprudentiels en la matière (Cour administrative, 3 mai 2018, 40403C).
5Qui plus est, la situation topographique du site impliquera des travaux de viabilisation disproportionnés par rapport au nombre de logements y réalisables. En effet, la voirie projetée nécessitera d’une part des travaux de terrassement ainsi que des infrastructures de soubassement et de rebroussement substantiels pour, d’autre part, ne servir qu’à la viabilisation de constructions d’un seul côté de ladite voirie. Un tel développement, qui impliquera à terme des coûts récurrents excessifs pour la collectivité, ne saura être qualifié de rationnel. De plus il est susceptible de détériorer davantage l’impact paysager de l’urbanisation en ces lieux.
De même, les fonds en question se situent à proximité immédiate de la route « N7 », qui, en cas d’extension de la zone constructible en ces lieux, constitue une source de nuisances sonores susceptibles d’avoir un impact négatif sur la qualité de vie et la santé des futurs habitants. Dans ce contexte, il y a lieu de souligner que les fonds précités se situent à l’Est de cette route et partant sur un site dont non seulement la situation topographique, mais également le vent dominant renforceront les nuisances dues au trafic routier.
Qui plus est, l’article 1er de la loi précitée du 17 avril 2018, qui tombe également en vertu de l’article 18 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain dispose notamment que :
« La politique de l’aménagement du territoire vise à garantir le respect de l’intérêt général en assurant à l’ensemble de la population des conditions de vie optimales par une mise en valeur et un développement durable de toutes les parties du territoire national. » Partant, je vous invite à procéder à un nouveau vote du conseil communal prévu à l’article 14 de la loi précitée du 19 juillet 2004, portant sur les terrains litigieux en vue de leur classement en zone verte.
L’invitation adressée aux autorités communales de procéder à un nouveau vote alors que le projet d’aménagement général est susceptible d’être contraire à l’intérêt général pour les motifs précités constitue en vertu de la jurisprudence administrative en la matière « une façon régulière et efficace, voire même souhaitable dans le cadre d’une bonne administration ».
Cette décision est basée sur l’article 18 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.
En exécution de l’article 13 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, un recours en annulation devant les juridictions de l’ordre administratif peut être introduit contre la présente dans les trois mois qui suivent sa notification aux parties intéressées ou le jour où ces derniers ont pu en prendre connaissance.
Pour les autorités communales, un recours en annulation contre la présente décision est ouvert devant la Cour administrative en vertu de l’article 107 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988.
Finalement, je tiens à vous informer que la famille (A-B) a, par une lettre du 5 février 2020 adressée au Ministère de l’Intérieur (copie en annexe), retiré sa réclamation du 6 décembre 2019 à l’encontre du PAG de la commune de Schieren et que dès lors il n’est pas nécessaire pour l’administration communale de prendre position sur ladite réclamation. ».
6 Lors de sa séance publique du 11 mars 2020, le conseil communal décida « (…) d’approuver définitivement le projet d’aménagement général par le biais d’un vote complémentaire au titre de l’article 14 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain tout en se ralliant intégralement à l’avis no 81392 du Ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable du 6 février 2020 ainsi qu’au refus n°33/C/011/2018 du Ministère de l’Intérieur du 7 février 2020 et d’adopter par conséquent l’ensemble des redressements portant sur les zones portant sur les zones et terrains litigieux (SCe01, SCe04, SC12 et SC59) en vue de leur classement en zone verte du PAG (…) ».
Ainsi, à travers ce vote, le conseil communal décida de classer la zone Sce04 en zone non aedificandi.
Par décision du 12 mai 2020, le ministre de l’Environnement approuva le projet d’aménagement général « (…) tel qu’il a été adopté par le conseil communal de la commune de Schieren dans ses séances publiques du 18 octobre 2019 et du 21 novembre 2019 et tel qu’il a été amendé par le vote complémentaire du 11 mars 2020 visant le reclassement des zones Sce01 et Sc59 au lieu-dit « Ee » et de la zone Sce04 dans la rue …… en zone verte ainsi qu’une adaptation de la délimitation de la zone Sc12 également dans la rue …… (…) ».
Par courrier du 3 juillet 2020, les époux (A-B) soumirent au ministre de l’Intérieur une réclamation à l’encontre de la délibération, précitée, du conseil communal du 11 mars 2020 portant adoption du projet d’aménagement général par le biais d’un vote complémentaire.
Monsieur (C), déclarant agir « [p]our les [c]onsorts (C-D) », fit de même par courrier du 6 juillet 2020.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 août 2020, les époux (A-B), ainsi que Monsieur (C) et Madame (D) firent introduire un recours tendant, aux termes de son dispositif, à l’annulation de « (…) la décision de (…) Madame la ministre de l’Intérieur du 7 février 2020 invitant les autorités communales de procéder à un nouveau vote de [leur] projet de plan d’aménagement général (…) » et, aux termes du corps de la requête, à l’annulation, d’une part, de cet acte du ministre de l’Intérieur du 7 février 2020 et, d’autre part, de « (…) la décision du conseil communal du 11 mars 2020 par laquelle ce dernier a décidé de « l’approbation définitive du PAG par le biais d’un vote complémentaire » (…) ».
Par décision du 3 décembre 2020, le ministre de l’Intérieur approuva les délibérations, précitées, du conseil communal des 18 octobre 2019 et 11 mars 2020 portant adoption du projet d’aménagement général, tout en statuant sur les réclamations lui soumises.
Par un jugement du 29 décembre 2022 (numéro 44899 du rôle), le tribunal, après avoir délimité l’objet du recours en ce sens qu’il a retenu que le recours vise le courrier du ministre de l’Intérieur du 7 février 2020 et la délibération du conseil communal du 11 mars 2020, déclara le recours en annulation irrecevable en tous ses volets, au motif, d’une part, que le courrier du 7 février 2020 du ministre de l’Intérieur serait à qualifier d’acte préparatoire et en tant que tel non susceptible de recours, tout en relevant que sa régularité pourrait être contrôlée dans le cadre du recours dirigé contre l’acte final de la procédure d’adoption du plan d’aménagement général de la commune, ci-après « le PAG », et, d’autre part, que le recours dirigé contre la délibération du conseil communal du 11 mars 2020 était prématuré à défaut de prise, au moment 7de l’introduction du recours, de la décision d’approbation de l’autorité tutélaire, intervenue uniquement le 3 décembre 2020. Le tribunal rejeta encore la demande des demandeurs tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.000.- € et les condamna au paiement des frais et dépens de l’instance.
Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 7 février 2023, les époux (A-B) et les consorts (C-D) firent entreprendre ce jugement du 29 décembre 2022.
Dans son arrêt du 6 juillet 2023, inscrit sous le numéro 48500C du rôle, la Cour administrative déclara partiellement justifié cet appel. Après avoir confirmé le jugement du 29 décembre 2022 en ce qu’il a retenu que le recours en annulation portait tant sur le courrier du ministre de l’Intérieur du 7 février 2020 que sur la délibération du conseil communal du 11 mars 2020 et en ce qu’il a déclaré irrecevable le recours dirigé contre la délibération du conseil communal du 11 mars 2020, elle réforma ledit jugement en ce que le courrier du ministre de l’Intérieur du 7 février 2020 était à qualifier d’acte susceptible d’un recours contentieux et renvoya le dossier en prosécution de cause devant les premiers juges pour statuer sur les autres moyens d’irrecevabilité soulevés par rapport à la décision du ministre de l’Intérieur du 7 février 2020 et pour l’examen au fond du recours en ce qu’il vise cet acte.
Dans son jugement du 22 avril 2024, inscrit sous le numéro 44899a du rôle, après avoir relevé que son examen portait dorénavant uniquement sur le recours en annulation dirigé contre la décision du ministre de l’Intérieur du 7 février 2020, le tribunal se déclara compétent pour connaître du recours en annulation dirigé contre cette décision, tout en retenant que celle-ci devait être considérée comme participant au caractère réglementaire de la procédure d’élaboration du PAG.
Il écarta ensuite le moyen d’irrecevabilité omisso medio soulevé par l’Etat par rapport au recours introduit par Madame (D) à défaut d’avoir formulé des objections auprès du collège échevinal de la commune de Schieren à la suite de la mise en procédure du projet d’aménagement général, ni de réclamation auprès du ministre de l’Intérieur à la suite de la délibération du conseil communal du 11 mars 2020.
Il rejeta encore le moyen basé sur une violation du principe de l’autonomie locale, respectivement sur un outrepassement par le ministre de l’Intérieur de son pouvoir de tutelle. Il rappela la portée du principe de l’autonomie communale et souligna que le ministre de l’Intérieur devrait, en tant qu’autorité de tutelle et en application de l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, avant de statuer sur la question de l’approbation de la décision du conseil communal portant adoption du projet d’aménagement général, vérifier la conformité et la compatibilité des décisions de l’autorité communale avec les dispositions de la loi du 19 juillet 2004, ainsi qu’avec les objectifs énoncés à l’article 1er de la loi modifiée du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire, ci-après « la loi du 17 avril 2018 ». En l’espèce, il ne se serait pas immiscé dans la gestion de la commune ni ne se serait substitué à la décision de celle-ci, mais aurait exercé son autorité tutélaire, certes en dehors du cours normal de la procédure d’élaboration du PAG, en vérifiant si la décision de l’autorité communale était conforme et compatible avec les objectifs de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 et ne s’inscrivait pas en contrariété avec l’intérêt général, tout en rendant l’autorité communale attentive au fait qu’en l’état actuel, son projet d’aménagement général risquerait d’être considéré comme étant contraire à l’intérêt général. Le tribunal souligna encore qu’en application du principe de l’autonomie communale, les communes ne pourraient de toute façon se retrancher derrière une hypothétique décision de refus future de l’autorité de tutelle pour 8s’exonérer de leurs responsabilités et pour ne pas exercer leurs compétences en la matière. Par ailleurs, le conseil communal n’aurait pas été privé de ses pouvoirs d’appréciation ni de sa liberté de décider et de maintenir le projet d’aménagement général, tel que d’ores et déjà adopté, au risque certes de se voir opposer un refus d’approbation, mais contre lequel un recours contentieux serait possible.
Les premiers juges écartèrent ensuite le moyen fondé sur une violation de l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, au motif qu’aucune disposition de ladite loi, ni plus particulièrement son article 18, n’interdirait au ministre de l’Intérieur d’intervenir de la manière dont il l’avait fait ni l’empêcherait d’inviter la commune à un stade précoce de reprendre la procédure d’adoption en considérant l’inclusion de la zone Sce04 en zone destinée à être urbanisée comme étant incompatible avec les objectifs de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004. Une telle approche s’analyserait au contraire en une façon de procéder régulière et efficace voire même souhaitable dans le cadre d’une bonne administration, ce d’autant plus que dans le cadre de l’autonomie communale, le conseil communal n’aurait pas été privé de ses pouvoirs d’appréciation.
Il rejeta encore le moyen fondé sur l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004, en relevant que les demandeurs seraient restés en défaut d’invoquer une disposition légale interdisant de réviser ou de modifier le projet d’aménagement général, même adopté définitivement au niveau communal, jusqu’au moment de l’approbation définitive par l’autorité tutélaire, en soulignant que l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004 n’interdirait plus particulièrement pas au conseil communal d’adopter des modifications au projet d’aménagement général aussi longtemps qu’il n’a pas fait l’objet d’une approbation ministérielle. Il souligna que les modifications apportées en l’espèce au projet d’aménagement général l’auraient été en se ralliant aux avis exprimés par la commission d’aménagement le 11 janvier 2019 et par le ministre de l’Environnement le 5 février 2020, et partant par deux des trois sources pouvant émettre des propositions de modifications suivant l’article 14, alinéa 3, de la loi du 19 juillet 2004.
Enfin, le tribunal rejeta le moyen fondé sur une erreur d’appréciation dans le chef de l’autorité de tutelle sur la question du classement de la zone litigieuse en zone verte.
Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 31 mai 2024, les époux (A-B) et les consorts (C-D) firent régulièrement entreprendre le jugement précité du 22 avril 2024.
Arguments des parties A l’appui de leur requête d’appel et après avoir exposé les faits et rétroactes tels que repris ci-dessus et rappelé qu’ils avaient renoncé devant le tribunal au volet du recours dirigé contre la décision du conseil communal du 11 mars 2020, les appelants font état des moyens suivants à l’égard de la décision du ministre de l’Intérieur du 7 février 2020 :
- violation du principe de l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt du 6 juillet 2023, - violation du principe de l’autonomie locale et outrepassement par le ministre de l’Intérieur de son pouvoir de tutelle au motif que (i) les premiers juges se seraient basés sur des postulats erronés pour conclure à un défaut de violation de ce principe et (ii) ils se seraient basés de façon non pertinente sur le principe selon lequel « tout ce qui n’est pas interdit est permis », 9- commission d’une erreur d’appréciation en critiquant les motifs invoqués par le ministre de l’Intérieur pour s’opposer au classement des terrains litigieux en zone constructible, - violation de l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004 au motif que les premiers juges auraient à tort retenu que l’intervention critiquée du ministre ne serait pas interdite par la loi, - violation de l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004 en critiquant les premiers juges pour avoir retenu que le conseil communal aurait pu modifier le projet d’aménagement même adopté définitivement au niveau communal jusqu’au moment de l’approbation définitive par l’autorité de tutelle.
Pour ce qui est du moyen fondé sur une violation de l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt du 6 juillet 2023, précité, les appelants font valoir que dans cet arrêt, la Cour aurait reconnu que le ministre de l’Intérieur avait pris une véritable décision ayant influencé le conseil communal et ce à un stade où la loi ne lui permettait pas d’agir, de sorte qu’il ne s’agirait ni d’une simple démarche ni d’une simple invitation.
En considérant que le courrier du ministre de l’Intérieur du 7 février 2020 ne serait que l’expression d’un avis invitant la commune à reconsidérer sa position sans avoir en soi un caractère contraignant à l’égard de celle-ci, le tribunal serait resté dans sa logique à la base du jugement du 29 décembre 2022, pourtant réformé par la Cour et aurait ainsi violé le principe de l’autorité de la chose jugée. L’acte en question ne pourrait en effet pas en même temps être contraignant pour la commune et lui laisser sa marge de manœuvre.
S’agissant du moyen fondé sur une violation du principe de l’autonomie locale et de l’outrepassement par le ministre de l’Intérieur de son pouvoir de tutelle, les appelants font valoir que les premiers juges se seraient de façon erronée basés sur certaines prémisses pour conclure qu’au final, le conseil communal aurait eu toujours sa liberté de choix.
A cet égard, ils soulignent que les premiers juges auraient omis de prendre en considération le fait que le conseil communal s’était déjà exprimé définitivement en application de l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004 en décidant de maintenir les terrains litigieux en zone constructible.
La décision litigieuse du 7 février 2020 aurait imposé au conseil communal de revenir sur sa décision et ce tant sous la menace de la non-approbation du reclassement de la zone Sce04, que sous celle de la non-approbation de l’ensemble du PAG, de sorte que la commune n’aurait pas eu d’autre choix que d’obtempérer à un stade précoce de la procédure à la décision du ministre de l’Intérieur au risque de pénaliser ses citoyens et de devoir reprendre ab initio une procédure de refonte du PAG.
Outre de manquer de réalisme et de cohérence, la position des premiers juges ne tiendrait pas non plus compte de la position défendue par la commune elle-même dans l’instance ayant mené au premier jugement, en ce qu’elle aurait reconnu s’être pliée au souhait du ministre de l’Intérieur.
Les premiers juges auraient encore de façon non pertinente basé leur raisonnement sur le postulat selon lequel « tout ce qui n’est pas interdit est permis ». A cet égard, les appelants s’interrogent sur l’intérêt pour le législateur de prévoir une procédure, des délais et des rôles 10respectifs répartis entre l’autorité de tutelle et l’autorité soumise à tutelle, si des écarts par rapport à cette procédure étaient admis au seul motif que la loi ne les exclut pas expressément.
Ils déduisent des articles 18 de la loi du 19 juillet 2004 et 127 de la Constitution révisée le cadre des modalités de contrôle de l’action de la commune par l’autorité de tutelle. Or, la Constitution ne laisserait pas de place à l’intervention de l’autorité de tutelle dans des cas non prévus par la loi, voire contraires à la loi, ce qui serait toutefois manifestement le cas en l’espèce, puisque le ministre de l’Intérieur aurait décidé de refuser l’approbation du reclassement du site litigieux en dehors du cours normal de la procédure et ce sous la menace d’un refus d’approbation globale du PAG.
L’interprétation des premiers juges serait ainsi contraire à la Constitution et l’intervention du ministre de l’Intérieur se situerait en dehors des prévisions de la loi, ce qui violerait nécessairement le principe de l’autonomie communale.
Le tribunal aurait encore à tort conclu à la régularité de la décision du ministre de l’Intérieur du fait que le conseil communal a finalement décidé lui-même de se plier à la volonté dudit ministre. Comme la procédure serait viciée, la décision du 7 février 2020 devrait encourir l’annulation.
Les appelants insistent encore sur leur moyen fondé sur une erreur d’appréciation au niveau du classement des parcelles litigieuses en zone verte en discutant les diverses considérations avancées par le ministre de l’Intérieur à ce sujet.
Pour ce qui est du moyen fondé sur une violation de l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, ils reprochent aux premiers juges d’avoir retenu que cette disposition n’interdirait pas au ministre de l’Intérieur d’intervenir dans les conditions de l’espèce et soulignent que le ministre se serait erronément fondé sur ledit article 18.
Par ailleurs, en ne faisant état que d’une simple invitation par le ministre de l’Intérieur, les premiers juges auraient méconnu les enseignements de la Cour dans son arrêt du 6 juillet 2023.
La procédure serait clairement définie par la loi du 19 juillet 2004 et l’intervention du ministre de l’Intérieur circonscrite dans son article 18, en application du principe constitutionnel de l’autonomie communale, qui n’aurait pas été respecté en l’espèce.
Les premiers juges auraient encore à tort rejeté le moyen fondé sur la violation de l’article 14 de la même loi, en retenant qu’il n’existerait aucune disposition légale interdisant de réviser ou de modifier les projets d’aménagement, même adoptés définitivement au niveau communal, jusqu’au moment de l’approbation définitive par l’autorité de tutelle. Les appelants soulignent qu’aucune disposition légale n’admettrait un troisième vote du conseil communal, contredisant pour le surplus le premier, à la suite d’une décision de l’autorité de tutelle intervenant elle-même en dehors de toute prescription légale. En réalité, le conseil communal n’aurait plus eu la possibilité de revenir sur son vote antérieur valablement exprimé en application de l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004 puisque cette possibilité ne serait pas prévue par la loi.
Ce serait encore à tort que les premiers juges ont retenu que la modification opérée par l’autorité communale aurait consisté à se rallier aux avis exprimés par la commission 11d’aménagement et le ministre de l’Environnement. En réalité, la commune n’aurait jamais entendu se rallier à ces avis, mais aurait été au contraire d’un avis opposé à ces deux avis, puisque dans sa décision du 21 novembre 2019, le conseil communal aurait justement décidé de maintenir le reclassement en zone constructible et se serait par la suite senti forcé de se plier à la volonté étatique.
Ils insistent sur la considération que le conseil communal ne pourrait modifier le projet d’aménagement que dans trois cas de figure, à savoir soit si des modifications sont proposées par la commission d’aménagement, soit si elles répondent en tout ou en partie à l’avis émis par le ministre ayant l’environnement dans ses attributions, soit si elles prennent en compte en tout ou en partie les observations et objections présentées. Comme le projet aurait, en l’espèce, été modifié uniquement en raison de la décision litigieuse du 7 février 2020, la modification ne serait pas régulière et la procédure serait fondamentalement viciée.
L’Etat conclut au rejet de l’appel.
Il est de prime abord d’avis que la Cour n’aurait, dans son arrêt du 6 juillet 2023, pas décidé que l’acte ministériel du 7 février 2020 serait illégal ou encore qu’il aurait violé le principe de l’autonomie communale, respectivement vicié la procédure d’adoption du PAG. A défaut par la Cour de s’être prononcée sur la légalité de l’acte ministériel du 7 février 2020, aucune autorité de chose jugée sur ce point ne pourrait être dégagée de son arrêt.
S’agissant de la question du respect de l’autonomie communale et de l’outrepassement de ses pouvoirs par le ministre de l’Intérieur, l’Etat souligne de prime abord que l’acte ministériel du 7 février 2020 n’aurait porté que sur la surface Sce04 et n’aurait contenu aucune menace de non-approbation de l’ensemble du PAG, le ministre s’étant référé uniquement à la délibération du conseil communal du 21 novembre 2019 et ayant invité à procéder à un nouveau vote sur les terrains litigieux.
Par ailleurs, il ne ressortirait pas des éléments du dossier que l’acte ministériel du 7 février 2020 aurait privé le conseil communal de son pouvoir et de sa liberté d’appréciation et de décision en ce qui concerne le classement urbanistique de la surface Sce04.
Bien au contraire, en décidant de maintenir les terrains litigieux dans la zone destinée à rester libre, le conseil communal n’aurait ni procédé à un abandon volontaire de ses pouvoirs, ni manifesté une privation de ses pouvoirs qui lui auraient été imposés par l’acte du 7 février 2020. Cette conclusion se dégagerait des termes de la délibération communale du 11 mars 2020 puisque le conseil communal se serait référé à une jurisprudence des juridictions administratives selon laquelle les projets d’aménagement général peuvent être révisés ou modifiés jusqu’au moment de leur approbation par le ministre de tutelle et retenu qu’il se rallierait à l’avis du ministre de l’Environnement du 6 février 2020 et au refus du ministre de l’Intérieur du 7 février 2020. Loin de s’être senti dans une situation d’obligation ou de chantage, le conseil communal aurait pleinement conservé sa liberté de décision, puisqu’il aurait décidé, sur base des éléments du dossier à sa disposition, de se rallier volontairement et en toute connaissance de cause à la position du ministre de l’Intérieur, qu’il aurait fait sienne. Le conseil communal aurait pareillement conservé la possibilité de ne pas prendre un vote complémentaire et à maintenir le classement partiel en zone constructible quitte à risquer un refus d’approbation du ministre de l’Intérieur dans la mesure de la zone Sce04 et de devoir agir en justice contre ce refus le cas échéant. De plus, la commune aurait pu agir en justice contre l’acte ministériel du 7 février 2020.
12Selon la partie étatique, la seule circonstance que le conseil communal a choisi de ne pas privilégier la voie d’un classement de la surface Sce04 dans le périmètre constructible ne serait pas suffisant pour en déduire que l’acte ministériel du 7 février 2020 aurait violé l’autonomie communale ou dépassé les compétences du ministre.
En outre et contrairement à ce qui est soutenu par les appelants, la commune n’aurait pas laissé entendre durant la procédure contentieuse que l’acte ministériel aurait violé son autonomie.
Par rapport au moyen fondé sur une violation de l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, l’Etat donne à considérer que même si dans son arrêt du 6 juillet 2023, la Cour avait fait le constat que l’intervention du ministre de l’Intérieur du 7 février 2020 se situait en dehors du cours normal de la procédure d’adoption du PAG, ce constat serait dépourvu d’appréciation quant à la légalité de cet acte.
Conformément à l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, il appartiendrait au ministre de l’Intérieur de vérifier, avant de statuer sur les réclamations et sur l’approbation définitive du PAG, la conformité aux dispositions de la loi du 19 juillet 2004. S’il devait faire cette analyse avant de statuer sur les réclamations et avant d’approuver le PAG, il devrait également être en droit d’intervenir de manière précoce auprès d’une commune, dans un but d’efficacité de bonne administration, tel que retenu à bon escient par les premiers juges, dans les cas où il viendrait à faire le constat anticipé, dans le cadre de son contrôle de conformité préalable et avant toute prise de décision finale, qu’un classement retenu au niveau communal n’est pas susceptible de rencontrer son approbation.
Tel aurait précisément été l’objectif poursuivi par l’acte du 7 février 2020 en ce sens que dans le cadre de sa mission de tutelle et dans les limites de la surface litigieuse Sce04, il aurait estimé préférable d’intervenir dès cette époque auprès de la commune, afin d’éviter à celle-ci de devoir s’opposer à un refus d’approbation à propos de cette surface au terme de la procédure et de lui permettre de revoir sa position.
Tout en admettant que la démarche mise en œuvre en l’espèce n’était pas habituelle, l’Etat est toutefois d’avis qu’elle ne serait pas pour autant illégale voire contraire aux dispositions constitutionnelles ou au principe de proportionnalité.
En réalité, le ministre de l’Intérieur ne serait intervenu auprès de la commune en amont qu’afin de la maintenir dans les limites de la légalité, sans dépasser par cette démarche ses pouvoirs et tout en maintenant pleine et entière la liberté de décision du conseil communal.
La seule circonstance qu’au moment de son intervention, les avis prévus par la loi au sujet des réclamations précontentieuses n’avaient pas encore été délivrés, ne serait pas de nature à infirmer cette conclusion.
S’agissant du moyen fondé sur une violation de l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004, l’Etat fait valoir que les reproches afférents, qui porteraient exclusivement sur la délibération communale du 11 mars 2020, seraient dépourvus de pertinence dans le cadre du présent appel, dans la mesure où le présent litige ne porterait que sur l’acte ministériel du 7 février 2020.
13De toute façon, ce moyen serait à écarter, puisque l’article 14, précité, ne s’appliquerait qu’à la décision à prendre par le conseil communal sans interférer dans l’analyse de la légalité de l’acte ministériel du 7 février 2020.
Par ailleurs, aucune disposition de l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004 n’interdirait au conseil communal d’adopter son vote complémentaire du 11 mars 2020, en tenant compte de la position exprimée par la commission d’aménagement dans son avis du 11 janvier 2019 et de modifier le projet initial en se ralliant à la position ministérielle exprimée dans le courrier du 7 février 2020. Pour le surplus, l’Etat se rallie à la motivation du jugement attaqué sur ce point.
Enfin, l’Etat prend position sur le moyen fondé sur une erreur d’appréciation.
Dans sa réponse, la commune donne à considérer que dans la mesure où l’appel sous examen est dirigé exclusivement contre la décision du ministre de l’Intérieur du 7 février 2020, il ne lui appartiendrait pas de se prononcer sur les agissements critiqués du ministre de l’Intérieur. Néanmoins, dans la mesure où elle se sentirait visée par certains reproches, elle déclare prendre néanmoins position.
Par rapport aux moyens fondés sur une violation de l’autonomie communale, un outrepassement du pouvoir de tutelle et une erreur d’appréciation, elle souligne que si dans sa version originaire, l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004 avait prévu un simple pouvoir de tutelle dans le chef du ministre de l’Intérieur et une compétence pour analyser la seule légalité de la décision communale lui soumise, actuellement, le législateur aurait élargi les pouvoirs dudit ministre en lui permettant non seulement de vérifier la légalité de la décision soumise, mais encore sa conformité et sa compatibilité avec les dispositions de la loi du 19 juillet 2004 et, plus particulièrement, les objectifs énoncés à son article 2. La commune en déduit que l’article 18 en sa teneur actuelle permettrait au ministre de l’Intérieur de s’immiscer dans des considérations urbanistiques, sans se limiter à des considérations de pure légalité de la délibération lui soumise pour approbation.
S’agissant de la question de l’étendue de la faculté de s’immiscer dans des questions d’urbanisme, la commune se réfère à un arrêt de la Cour administrative du 11 décembre 2014 rendu suite à un arrêt la Cour constitutionnelle du 20 juillet 2014, numéro 00111 du registre.
Sur base de ces considérations, la commune estime qu’il ne pourrait pas être retenu que le ministre de l’Intérieur a outrepassé sa compétence du seul fait de s’être immiscé dans un choix urbanistique communal, mais il faudrait examiner au cas par cas s’il y a eu une ingérence non autorisée.
S’agissant du reproche à l’adresse du ministre de l’Intérieur de s’être immiscé dans l’autonomie communale pour avoir pris une décision avant d’avoir été amené à se prononcer en application de l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, la commune déclare ne pas vouloir se prononcer sur les raisons ayant amené ledit ministre à agir, mais donne à considérer qu’à l’époque, elle serait partie de la prémisse, qui actuellement se serait avérée comme étant erronée, que la compétence d’approbation et notamment celle conférée au ministre de l’Environnement serait une compétence d’approbation pure et simple sans permettre audit ministre de n’approuver un PAG que partiellement.
Elle se serait partant, dans le contexte de l’époque, vue sous la menace de voir refuser l’approbation de son projet d’aménagement général, ce d’autant plus que le ministre de l’Environnement était rejoint dans son opinion par le ministre de l’Intérieur.
14 En déclarant se rapporter à la sagesse de la Cour sur la question de savoir si les circonstances de l’espèce sont suffisantes pour caractériser une ingérence inadmissible dans l’autonomie communale, la commune donne à considérer qu’il appartiendrait toutefois à la Cour d’apprécier si la motivation de la décision litigieuse était en soi légale. En effet, une annulation pour ingérence inadmissible dans l’autonomie communale ne pourrait donner satisfaction si le ministre de l’Intérieur pourrait prendre, par la suite, dans la sphère de la compétence lui dévolue par l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, une décision identique dans le contexte de l’approbation du projet d’aménagement général sur base d’une argumentation urbanistique que la Cour jugerait le cas échéant justifiée.
Par rapport au moyen fondé sur violation de l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004, la commune fait valoir qu’encore que la décision litigieuse du ministre de l’Intérieur ait été reconnue comme étant une véritable décision administrative faisant grief, il ne s’agirait manifestement pas de la décision d’approbation telle que prévue par l’article 18 de la même loi.
Or, aucune disposition légale n’interdirait à une commune de réviser ou de modifier sa décision tant qu’une décision finale d’approbation définitive de l’autorité tutélaire n’est intervenue. En l’espèce, elle n’aurait fait que suivre l’avis des autorités tutélaires et aurait voté en conséquence pour ne pas risquer de voir bloquer le développement urbanistique général de son territoire, tout en se conformant aux dispositions de l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004.
Elle demande encore le rejet de la demande en allocation d’une indemnité de procédure à son égard dans la présente affaire, puisque le présent appel ne porte que sur une décision du ministre.
Dans leur réplique et dupliques, les appelants respectivement l’Etat et la commune réitèrent en substance leurs moyens.
La commune se prévaut plus particulièrement d’un arrêt de la Cour administrative du 18 janvier 2002, inscrit sous le numéro 13891C du rôle, et estime qu’il se dégagerait de cette jurisprudence qu’un vote complémentaire suite à des avis reposant sur des considérations d'ordre urbanistique ne serait pas contraire à la loi, respectivement aux principes démocratiques, et ce, tant qu'une approbation définitive de l'autorité de tutelle n'est pas intervenue.
L’Etat fait en l’occurrence valoir que, contrairement aux affirmations des parties appelantes, l'absence d'adoption par le conseil communal d'un nouveau vote, à la suite de l'acte ministériel du 7 février 2020, portant exclusivement sur la surface litigieuse Sce04, n'aurait pas placé la commune devant le risque de se voir opposer ultérieurement un refus d'approbation global de son PAG. De plus, la commune aurait gardé sa liberté d’appréciation, l’Etat réitérant que le ministre de l’Intérieur aurait souhaité intervenir de manière précoce et anticipée auprès de la commune de Schieren afin de lui permettre de revoir sa position initiale concernant le classement urbanistique de la surface Sce04 et de la maintenir de la sorte dans la légalité.
Bien que la loi du 19 juillet 2004 ne prévoie pas expressément la possibilité d'une telle intervention précoce de l'autorité de tutelle dans la procédure d'adoption d'un PAG, l’Etat fait valoir qu’aucun argument de texte ne permettrait de conclure à l'illégalité de la démarche ainsi mise en œuvre sur le fondement d'une violation de l'article 18 de la loi du 19 juillet 2004.
Enfin, l’Etat insiste sur la considération qu’une loi modificative du 17 avril 2018 avait ajouté un deuxième alinéa à l'article 18 de la loi du 19 juillet 2004 conférant au ministre de 15tutelle, avant de statuer sur les réclamations et d'approuver le PAG, le pouvoir de vérifier la conformité du PAG adopté par la commune notamment avec les dispositions de l'article 2 de cette loi.
Analyse de la Cour Remarques préliminaires A titre de remarque préliminaire et à l’instar des premiers juges, la Cour constate que le présent litige ne porte dorénavant plus que sur l’initiative du ministre de l’Intérieur du 7 février 2020, qu’elle a, à travers son arrêt du 6 juillet 2023 et au regard des circonstances particulières de cette espèce, qualifiée de décision susceptible de recours.
La Cour confirme ensuite l’analyse des premiers juges selon laquelle ils se sont déclarés compétents pour connaître d’un recours en annulation sur le fondement de l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif contre cette décision, comme étant intervenue dans le cadre de la procédure d’élaboration du PAG.
La Cour relève, par ailleurs, que la loi du 19 juillet 2004 a été modifiée à plusieurs reprises et dernièrement (i) par une loi du 28 juillet 2011 entrée en vigueur, en application de son article 45, en date du 1er août 2011, (ii) par la loi du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire, publiée au Mémorial A, n° 160 du 6 septembre 2013, (iii) par la loi du 14 juin 2015 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, publiée au Mémorial A, n° 113 du 17 juin 2015, (iv) par la loi du 3 mars 2017 dite « Omnibus », entrée en vigueur, en application de son article 76, le 1er avril 2017, (v) par la loi du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire, (vi) par la loi du 18 juillet 2018 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, (vii) par la loi du 30 juillet 2021 relative au Pacte logement 2.0, dont l’entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2021 par l’article 16 de la loi en question, (viii) par la loi du 7 août 2023 relative au logement abordable et (ix) par la loi du 4 novembre 2024, entrée en vigueur le 11 novembre 2024. Comme la Cour statue sur un recours en annulation dans le cadre duquel elle est amenée à apprécier la légalité de l’acte attaqué en considération de la situation de droit et de fait ayant prévalu au jour où il a été pris, la loi du 19 juillet 2004 en sa version en vigueur au 7 février 2020 trouve application en l’espèce.
La Cour constate encore que la partie étatique n’a plus réitéré son moyen d’irrecevabilité omisso medio du recours pour autant qu’il est introduit par Madame (D), de sorte qu’elle n’a pas à se prononcer sur ce volet du jugement a quo.
Force est, enfin, de constater que la décision litigieuse du ministre de l’Intérieur a porté exclusivement sur la question du classement de la zone Sce04 en zone destinée à être urbanisée, tel qu’adopté par le conseil communal dans sa délibération du 21 novembre 2019, zone qui comprend, notamment, les parcelles prévisées appartenant aux appelants. En effet, encore que ledit vote ait aussi porté sur d’autres parcelles, le ministre de l’Intérieur a invité le conseil communal à procéder à un nouveau vote complémentaire sur base de l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004 par rapport aux seuls terrains situés dans ladite zone Sce04 en vue de leur classement en zone verte, au motif que « le projet d’aménagement général est susceptible d’être contraire à l’intérêt général » pour les considérations exposées dans sa décision. Il n’a visé ni 16la délibération du 18 octobre 2019, ni les autres parcelles sur lesquelles a porté par ailleurs le vote complémentaire du 21 novembre 2019.
Quant à la légalité de la décision du ministre de l’Intérieur du 7 février 2020 La Cour n’est pas tenue d’examiner les moyens dans l’ordre dans lequel ils sont présentés par les parties appelantes, mais est amenée à procéder à une analyse globale de ces moyens, qui tous convergent en substance vers la question de savoir si la décision du ministre de l’Intérieur du 7 février 2020 repose sur une base légale suffisante.
La Cour relève de prime abord que dans son arrêt du 6 juillet 2023, elle ne s’est pas prononcée sur la question de la légalité de la décision du ministre de l’Intérieur du 7 février 2020, mais uniquement sur la question de savoir si celle-ci est à qualifier de décision susceptible de recours, tout en relevant certaines considérations qui sont susceptibles d’influer sur la légalité de la décision ministérielle litigieuse et qu’elle entend réitérer.
La Cour a, en effet, relevé que la décision litigieuse est intervenue (i) à un stade où l’ensemble des actes à prendre dans le cadre de la procédure d’élaboration du PAG n’avaient pas encore été posés - en l’occurrence ni le conseil communal ni la commission d’aménagement n’avaient émis leurs avis prévus par l’article 17 de la loi du 19 juillet 2004 sur la réclamation des consorts (C-D) (les consorts (A-B) ayant renoncé à leur réclamation) -, de sorte à ne pas pouvoir être qualifiée de décision rentrant dans le champ d’application de l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, et (ii) se situe en dehors du cadre de la procédure d’élaboration du PAG telle que prévue par la loi du 19 juillet 2004, et partant en dehors des actes de procédure envisagés par cette loi, dans la mesure où ladite loi n’accorde pas au ministre de l’Intérieur compétence décisionnelle, en tant qu’autorité de tutelle, pour donner en amont des instructions aux communes quant au sort à réserver au projet d’aménagement général, son pouvoir décisionnel étant, en effet, encadré par l’article 18 de cette loi, qui dispose que :
« Le ministre statue sur les réclamations dans les trois mois qui suivent le délai prévu à l’article 16 alinéa 1, respectivement dans les trois mois suivant la réception des avis de la commission d’aménagement et du conseil communal prévus à l’article qui précède, en même temps qu’il décide de l’approbation définitive du projet d’aménagement général, qui prend dès lors la désignation de plan d’aménagement général.
Avant de statuer, le ministre vérifie la conformité et la compatibilité du projet de plan d’aménagement général avec les dispositions de la loi, et notamment les objectifs énoncés à l’article 2, avec ses règlements d’exécution ainsi qu’avec les plans rendus obligatoires en vertu de la loi précitée du 17 avril 2018 et avec les objectifs énoncés à l’article 1er de la prédite loi. » En application de cette disposition, le ministre de l’Intérieur statue, d’une part, sur les réclamations introduites après réception des avis de la commission d’aménagement et du conseil communal au sujet de ces réclamations, et, d’autre part, sur l’approbation définitive du projet d’aménagement général1 et son intervention se situe à la fin de la procédure d’élaboration du PAG.
Si, tel que l’Etat le relève, l’alinéa 2 de l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004 prévoit qu’« avant de statuer » le ministre de l’Intérieur vérifie, notamment, la compatibilité du projet 1 « en même temps qu’il décide de l’approbation définitive du projet d’aménagement général » (article 18).
17avec les dispositions de la même loi, en l’occurrence avec les objectifs définis à son article 2, et avec ceux énoncés à la loi du 17 avril 2018, cet examen est nécessairement opéré en vue de la prise de la décision prévue à l’alinéa 1er de l’article 18, intervenant à la fin de la procédure, mais ne lui confère pas compétence, tel que l’Etat semble l’entendre, pour prendre des décisions en cours de procédure quant au sort à réserver par la commune au projet et en l’occurrence pour donner des instructions quant au vote à prendre par le conseil communal en application de l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004.
Tel que les premiers juges l’ont relevé, au vu du principe de l’autonomie communale, tel qu’inscrit notamment à l’article 107 de la Constitution et à la Charte européenne de l’autonomie locale faite à Strasbourg, le 15 octobre 1985, approuvée par la loi du 18 mars 1987, les communes sont non seulement compétentes, mais également responsables de l’aménagement et du développement de leurs territoires respectifs et bénéficient d’un droit d’appréciation très étendu en la matière2. En revanche, tel n’est pas le cas du ministre de l’Intérieur sous l’approbation duquel l’autorité communale exerce ses compétences, puisqu’en matière de PAG, ledit ministre doit se limiter, en tant qu’autorité de tutelle, à veiller à ce que les décisions de l’autorité communale ne violent aucune règle de droit et ne heurtent pas l’intérêt général3, son droit d’approuver la décision du conseil communal ayant comme corollaire celui de ne pas l’approuver4. Tel que cela a été relevé à juste titre par les premiers juges, l’autorité supérieure n’est pas autorisée à s’immiscer dans la gestion du service décentralisé et à substituer sa propre décision à celle des agents du service, ce principe découlant de la nature même de la tutelle qui est une action exercée par un pouvoir sur un autre pouvoir, non pas en vue de se substituer à lui, mais dans le seul but de se maintenir dans les limites de la légalité et d’assurer la conformité de son action avec les exigences de l’intérêt général, le rôle d’autorité de tutelle consistant à vérifier non pas que chaque décision soit prise exclusivement dans le seul intérêt général, mais que la décision ne soit pas contraire à celui-ci5.
La Cour est amenée à retenir qu’en l’espèce, par son intervention litigieuse du 7 février 2020, le ministre de l’Intérieur a méconnu le rôle lui attribué par la loi du 19 juillet 2004, qui ne prévoit son intervention décisionnelle qu’à la fin de la procédure à travers son article 18.
La Cour relève encore que si l’Etat fait plaider qu’au regard des considérations avancées par le ministre de l’Intérieur et qui rentreraient dans l’hypothèse du contrôle à opérer en application de l’alinéa 2 de l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, ledit ministre serait resté dans le cadre de son pouvoir de contrôle en tant qu’autorité tutélaire, force est toutefois de constater qu’en l’espèce, la question est moins celle de savoir quel a été l’objet de l’intervention du ministre de l’Intérieur du 7 février 2020, voire celle de savoir s’il est resté dans le cadre de ce que l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004 lui permet de contrôler dans les limites de l’autonomie communale - les premiers juges ayant en effet en substance retenu que celui-ci ne se serait pas immiscé dans l’autonomie communale puisque sa décision n’aurait que porté sur ce qu’il aurait de toute façon pu contrôler en application de l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004 puisqu’il aurait fait état de ce que l’adoption du PAG telle que résultant de la délibération 2 Cour adm., 1er avril 2021, n° 45328C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Tutelle administrative, n° 37.
3 Cour adm. 30 avril 2009, n° 24660C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Tutelle administrative, n° 69 et les autres références y citées et plus particulièrement Cour adm. 9 décembre 2021, n° 46176C du rôle.
4 En ce sens : Cour adm., 31 janvier 2008, n° 23478C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Tutelle administrative, n° 68 et les autres références y citées.
5 Cour adm. 30 avril 2009, n° 24660C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Tutelle administrative, n° 69 et autres références y citées et plus particulièrement Cour adm. 9 décembre 2021, n° 46176C du rôle.
18du 21 novembre 2019 en ce qui concerne la zone Sce04 serait contraire à l’intérêt général -, ou encore celle de savoir si les objections du ministre de l’Intérieur étaient fondées - les premiers juges ayant retenu que les considérations avancées par ledit ministre n’étaient empreintes d’aucune erreur d’appréciation, considération sur laquelle la commune insiste aussi plus particulièrement -, mais c’est celle de la forme employée par le ministre de l’Intérieur et le moment auquel il est intervenu.
En effet, en intervenant à travers une décision à un stade précoce de la procédure d’élaboration du PAG, alors que le législateur ne lui a accordé qu’un pouvoir décisionnel en fin de procédure, à savoir celui, outre de statuer sur les réclamations, d’approuver ou de ne pas approuver les décisions prises au niveau communal dans le cadre de l’autonomie communale, le ministre de l’Intérieur s’est, indépendamment de la question du caractère justifié de ses objections quant au fond, arrogé un rôle que le législateur ne lui a pas conféré et qui pourtant a, en l’espèce, eu une incidence sur la procédure dans la mesure où le conseil communal a opéré, dans son deuxième vote complémentaire, un revirement diamétral de position quant au classement de la zone Sce04, en déclarant expressément se rallier dorénavant « au refus n° …..
du Ministère de l’Intérieur du 7 février 2020 », alors que dans son premier vote complémentaire du 21 novembre 2019, il a expressément déclaré passer outre l’avis de la commission d’aménagement, ayant soulevé des objections tenant à un développement tentaculaire de la localité, à l’instar du ministre de l’Intérieur dans son courrier du 7 février 2020.
Si une information quant à un risque de refus d’approbation peut a priori apparaître utile, il n’en reste toutefois pas moins que le ministre de l’Intérieur ne saurait sous ce prétexte être admis à s’immiscer dans la procédure d’élaboration du PAG et à la réorienter, tel que cela a été le cas en l’espèce.
L’intervention du ministre de l’Intérieur en l’espèce est d’autant plus discutable qu’il s’est basé, à tort, sur l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004, envisageant toutefois uniquement l’hypothèse de son pouvoir d’approbation définitive du projet d’aménagement général, mais ne lui accorde aucun pouvoir décisionnel préalable à un stade où l’ensemble du dossier ne se trouve pas encore à sa disposition. Ce faisant, le ministre de l’Intérieur a foncièrement méconnu son rôle d’autorité de tutelle tel qu’instauré par la loi, qui ne prévoit pas son intervention à un stade précoce de la phase d’élaboration du PAG et a, de ce fait, par la forme choisie de son intervention, enfreint l’autonomie communale.
Dans ces conditions, la Cour ne peut que constater, contrairement à ce que les premiers juges ont retenu, que la décision du 7 février 2020 a été adoptée en violation de la procédure d’élaboration du PAG telle que prévue par les articles 10 et suivants de la loi du 19 juillet 2004, garante en l’occurrence de l’autonomie communale, de sorte qu’elle encourt de ce fait l’annulation, sans qu’il n’y ait lieu de statuer plus en avant sur les autres moyens présentés par les appelants, cet examen devenant surabondant.
Cette conclusion n’est pas énervée par l’argumentation de l’Etat qui, en substance, tend à dire que cette intervention ne serait pas interdite par la loi. En effet, du moment que le législateur a encadré la procédure d’adoption d’un PAG et a défini les rôles des différents intervenants respectifs aux différents stades de la procédure et que la Constitution encadre le pouvoir de l’autorité de tutelle dans les limites tracées par la loi, l’intervention du ministre de l’Intérieur, qui se situe en dehors de ce cadre et du rôle lui accordé par le législateur, est nécessairement contraire à la loi.
19Cette conclusion n’est pas non plus énervée par la considération avancée par la commune qui estime qu’il conviendrait de sanctionner cette irrégularité uniquement si l’intervention n’était pas justifiée quant au fond, étant donné qu’une telle façon de précéder laisserait lettre morte la procédure établie par le législateur en matière d’adoption et d’approbation des PAG.
S’agissant de l’indemnité de procédure de …. € réclamée par les appelants, celle-ci est à rejeter dans la mesure où les conditions légales n’en sont pas remplies.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit l’appel en la forme ;
au fond, le déclare justifié ;
partant, par réformation du jugement du 22 avril 2024, annule la décision du ministre de l’Intérieur du 7 février 2020 ;
rejette la demande en obtention d’une indemnité de procédure formulée par les appelants ;
condamne l’Etat aux frais et dépens des deux instances.
Ainsi délibéré et jugé par:
Francis DELAPORTE, président, Henri CAMPILL, vice-président, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier Jean-Nicolas SCHINTGEN.
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