GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 50629C ECLI:LU:CADM:2024:50629 Inscrit le 24 juin 2024 Audience publique du 3 décembre 2024 Appel formé par Monsieur (A) et consorts, …, contre un jugement du tribunal administratif du 21 mai 2024 (n° 47071 du rôle) en matière de police des étrangers Vu l’acte d’appel inscrit sous le numéro 50629C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 24 juin 2024 par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, assisté de Maître Elena FROLOVA, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Russie), et de son épouse, Madame (B), née le … à … (Russie), accompagnés de leur enfant mineur (C), née le … à … (Russie), et de leur nièce (D), née le … à …, tous de nationalité russe, demeurant actuellement ensemble à …, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 21 mai 2024 (n° 47071 du rôle) par lequel ledit tribunal les a déboutés de leur recours tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 26 novembre 2021 portant refus d’un report à l’éloignement ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 17 septembre 2024 pour compte de l’Etat ;
Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;
Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 19 novembre 2024.
En date du 13 juin 2018, Monsieur (A) et son épouse, Madame (B), accompagnés de leur fille mineure, (C), et de leur nièce, (D), introduisirent auprès du ministère des Affaires étrangères 1et européennes, direction de l’Immigration, ci-après « le ministère », des demandes de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après « la loi du 18 décembre 2015 ».
Par décision du 7 août 2019, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après « le ministre », refusa de faire droit à ces demandes et leur ordonna de quitter le territoire luxembourgeois dans un délai de trente jours.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 septembre 2019, inscrite sous le numéro 43537 du rôle, les époux (AB) firent déposer un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée du ministre du 7 août 2019, lequel fut rejeté comme étant non fondé par un jugement du tribunal administratif du 27 juillet 2021, confirmé par un arrêt de la Cour administrative du 19 octobre 2021, inscrit sous le numéro 46380C du rôle.
En date du 26 octobre 2021, Monsieur (A) fit introduire, par l’intermédiaire de son mandataire, une demande de report à l’éloignement au sens de l’article 125bis, paragraphe (1), de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après « la loi du 29 août 2008 », dans les termes suivants :
« (…) Je me réfère au jugement du 19 octobre 2021 par lequel mon mandant a définitivement été débouté de sa demande de protection internationale.
Par la présente, mon mandant formule une demande d'un report à l'éloignement sur base de l'article 125 bis de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et de l'immigration.
En effet, de nouveaux éléments sont à prendre en compte. Monsieur (A) a introduit une demande en obtention d'une Autorisation d'Occupation Temporaire (AOT) en date du …, car il dispose d'un contrat de travail CD1 signé le … par la société … à ….
La société … a confirmé la promesse d'embauche de Monsieur (A) dès la réception de son autorisation de travail ou de son autorisation de séjour, par un courrier du 25 octobre 2021.
Pour ces raisons je vous prie de bien vouloir permettre la délivrance d’un report à l’éloignement à mon client. (…) ».
Par décision du 26 novembre 2021, notifiée au mandataire de Monsieur (A) le même jour par téléfax, le ministre rejeta cette demande de report à l’éloignement sur base de la motivation suivante :
« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre courrier du 26 octobre 2021 par lequel vous sollicitez pour le compte de votre mandant une demande en obtention d'un report à l'éloignement conformément à l'article 125bis de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et de l'immigration.
2Par la même occasion, vous vous référez à la demande en obtention d'une autorisation d'occupation temporaire introduite par votre mandant. Je me permets de vous informer que ladite demande a été refusée en date du 16 novembre 2021 étant donné que votre mandant a été débouté définitivement de sa demande de protection internationale par un arrêt de la Cour administrative du 19 octobre 2021.
En réponse permettez-moi de vous informer que je ne suis malheureusement pas en mesure de donner une suite favorable à votre demande étant donné que votre mandant ne remplit pas les conditions à l'article 125bis de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration. En revanche, j'invite votre mandant à prendre contact avec Mme … de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) qui l'assistera lors de ses démarches auprès de son ambassade en vue d'un retour volontaire. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 février 2022, inscrite sous le numéro 47071 du rôle, les époux (AB), accompagnés de leur fille mineure (C) et de leur nièce (D), firent introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 26 novembre 2021.
Il ressort du dossier administratif que les époux (AB), accompagnés de leur fille mineure et de leur nièce, ont introduit au Luxembourg une nouvelle demande de protection internationale en date du 22 décembre 2021, qui fut déclarée irrecevable par une décision du 30 mai 2022 sur base de l’article 28, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015. Le recours contentieux introduit contre cette décision fut rejeté par jugement du tribunal administratif du 10 août 2022, inscrit sous le numéro 47572 du rôle.
Ils introduisirent encore le 13 septembre 2024 une troisième demande de protection internationale, qui fut déclarée irrecevable par décision ministérielle du 16 septembre 2024.
Par jugement du 21 mai 2024, le tribunal administratif reçut le recours en annulation dirigé contre la décision de refus d’octroi d’un report à l’éloignement en la forme, au fond, le déclara non justifié et en débouta les demandeurs tout en les condamnant aux frais de l’instance.
Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 24 juin 2024, les époux (AB), accompagnés de leur fille mineure (C) et de leur nièce (D), ont régulièrement fait entreprendre le jugement du 21 mai 2024.
Arguments des parties A l’appui de leur appel, les appelants reprennent en substance les faits et rétroactes tels que repris ci-avant.
Pour le surplus, ils insistent sur la considération que Monsieur (A) serait journaliste opposant aux autorités russes, fondateur et rédacteur en chef du journal internet « … », et qu’il aurait dénoncé quotidiennement des dérives des forces de l'ordre et des autorités locales et aurait sans cesse lutté contre la brutalité policière et l'arbitraire judiciaire dans son pays d'origine.
3Depuis son arrivée au Luxembourg en 2018, il aurait continué à dénoncer sur ses blogs et sites en Russie les décisions des autorités de son pays d'origine.
Madame (B), quant à elle, serait militaire de réserve dans l'armée russe qu'elle aurait quittée en 2017, et elle resterait mobilisable à tout moment depuis cette date.
Les appelants font encore état de la situation en Russie à la date de la décision ministérielle litigieuse, qui aurait laissé présager une intervention militaire russe en Ukraine, ce dont le ministre aurait dû tenir compte en procédant à un examen individuel de leur demande tenant compte des faits pertinents concernant leur pays d’origine, y compris les lois y applicables.
En droit, ils se prévalent de l’article 125bis, paragraphes (1) et (3), de la loi du 29 août 2008 en raison d’une impossibilité de les éloigner vers la Russie au regard de la situation y ayant régné en novembre 2021, qui serait caractérisée par des violations manifestes et récurrentes des droits de l’homme, leur éloignement les exposant à des traitements inhumains et dégradants. Dès lors, la situation politique et sécuritaire en Russie en 2021 correspondrait à un élément réel et objectif rendant matériellement impossible leur éloignement, les appelants soulignant que le ministre aurait à maintes fois été informé de l’activité de l’appelant en tant que défenseur des droits de l’homme en Russie, tout en se référant à des articles que celui-ci aurait publiés, à l’aide juridique qu’il aurait apportée à des citoyens russes et à des activités de militant pour la défense des droits de l’homme qu’il aurait entreprises, ces activités lui ayant valu d’ailleurs des poursuites judiciaires.
En tant que militant des droits de l’homme et journaliste d’opposition, il risquerait une arrestation arbitraire, à l’instar de ce qui est dénoncé par l’organisation Amnesty international dans son rapport de 2021 sur la Russie, et en tout cas des conséquences pour sa vie ou sa liberté, contraires à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH). Ce risque serait d’autant plus réel au regard de la situation actuelle à la suite de l’invasion russe en Ukraine. Dès lors, un retour de l’appelant en Russie, que ce soit en 2021 ou en 2024, serait en tout état de cause contraire aux articles 125bis et 129 de la loi du 29 août 2008.
En second lieu, les appelants font état de la qualité de militaire de réserve qu’aurait l’appelante et font valoir que celle-ci serait mobilisable à tout moment. Ils critiquent le motif de refus opposé par le ministre à l’égard de cet élément dans sa décision du 30 mai 2022 rendue par rapport à leur seconde demande de protection internationale. A cet égard, ils expliquent que l’appelante s’était engagée dans l'armée russe et avait obéi à l'époque à sa hiérarchie pour ne pas être traitée de déserteur. Ce serait en 2017/2018 qu’elle aurait quitté l’armée. Actuellement, elle aurait le droit de manifester son opposition au conflit avec l'Ukraine et de refuser de servir ou de participer à l'effort de guerre, ce qui pourrait entraîner, pour elle, des persécutions par les autorités russes du fait de son statut d'insoumission ou de désertion.
Enfin, les appelants invoquent le principe de primauté de l'intérêt supérieur de l'enfant en se prévalant de l'article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en relation avec les deux enfants mineurs, (C) et (D), dont le sort serait lié à celui des époux (AB). En tout état de cause, ils estiment que le report à l’éloignement accordé à l’appelant devrait être étendu à sa famille.
4 Le délégué du gouvernement demande la confirmation du jugement entrepris à partir des développements et conclusions du tribunal y contenus.
Analyse de la Cour Les premiers juges ont correctement rappelé le cadre légal pertinent en la matière par la référence aux articles 125bis, paragraphe (1), et 129 de la loi du 29 août 2008, qui disposent comme suit :
« (1) Si l’étranger justifie être dans l’impossibilité de quitter le territoire pour des raisons indépendantes de sa volonté ou s’il ne peut ni regagner son pays d’origine, ni se rendre dans aucun autre pays conformément à l’article 129, le ministre peut reporter l’éloignement de l’étranger pour une durée déterminée selon les circonstances propres à chaque cas et jusqu’à ce qu’existe une perspective raisonnable d’exécution de son obligation. L’étranger peut se maintenir provisoirement sur le territoire, sans y être autorisé à séjourner. (…) » (art. 125bis).
« L’étranger ne peut être éloigné ou expulsé à destination d’un pays s’il établit que sa vie ou sa liberté y sont gravement menacées ou s’il y est exposé à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ou à des traitements au sens des articles 1er et 3 de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » (art. 129).
Le paragraphe (3) de l’article 125bis de la loi du 29 août 2008, invoqué par ailleurs par les appelants, permet au ministre d’accorder une autorisation d’occupation temporaire pour la durée du report à l’éloignement.
Tel que retenu à juste titre par les premiers juges, la lecture combinée des articles 125bis, paragraphe (1), et 129 de la loi du 29 août 2008 permet de retenir que la loi envisage le report à l’éloignement dans deux cas de figure distincts, à savoir (i) si l’étranger justifie être dans l’impossibilité de quitter le territoire pour des raisons indépendantes de sa volonté et (ii) s’il ne peut ni regagner son pays d’origine, ni se rendre dans aucun autre pays parce que sa vie ou sa liberté y seraient gravement menacées ou qu’il y serait exposé à des traitements contraires notamment à l’article 3 de la CEDH. La Cour relève que dans le premier cas de figure, le ministre a la faculté d’accorder le report à l’éloignement, tandis que dans le deuxième cas de figure, il est, au regard des termes de l’article 129 de la loi du 29 août 2008 interdisant l’éloignement d’un étranger à destination d’un pays ou sa vie ou sa liberté sont gravement menacées respectivement où il est exposé à des traitements contraires à l’article 3 de la CEDH, dans l’obligation d’accorder le report à l’éloignement1.
La Cour constate de prime abord que les appelants ont présenté des explications variables en ce qui concerne le motif à la base de la demande de report à l’éloignement, qui d’ailleurs a été introduite au nom de Monsieur (A) seul.
1 Cour adm. 11 juillet 2013, n° 32294C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 798 et les autres références y citées.
5A cet égard, la Cour constate que la demande introduite le 26 octobre 2021 et à laquelle la décision litigieuse en l’espèce a répondu, était fondée exclusivement sur un motif, à savoir la circonstance que Monsieur (A) avait introduit une demande en obtention d’une autorisation d’occupation temporaire le … sur base d’une promesse d’embauche de la société … et c’est par rapport à ce motif unique à la base de la demande de report à l’éloignement que le ministre a pris position.
Ce n’est qu’à l’appui de la requête introductive de première instance que les appelants ont fait état de risques encourus en Russie du fait d’une activité journalistique de Monsieur (A), d’une impossibilité de quitter le territoire luxembourgeois en raison de la scolarisation de leurs fille et nièce et d’une potentielle nouvelle demande en obtention d’une autorisation d’occupation temporaire pour Monsieur (A) à la suite du refus de la première demande en ce sens entre-temps intervenue et, enfin, de l’existence d’un conflit armé entre la Russie et l’Ukraine, et n’ont plus mentionné le seul motif invoqué à l’appui de leur demande de report à l’éloignement, à savoir la promesse d’embauche de Monsieur (A) au sein de la société … et la demande en obtention d’une autorisation d’occupation temporaire introduite le ….
Ensuite, en instance d’appel, les appelants se prévalent, à côté des risques qu’encourrait l’appelant en raison d’une activité journalistique d’opposition et d’un militantisme pour les droits de l’homme et de la situation générale en Russie, d’un nouvel argument, à savoir la qualité de réserviste de l’appelante, sans mentionner la scolarisation de leur fille et nièce invoquée en première instance, ni le motif unique qui se trouvait à la base de leur demande de report à l’éloignement tiré d’une promesse d’embauche.
La Cour rappelle qu’elle statue dans le cadre d’un recours en annulation dirigé contre une décision de refus de report à l’éloignement et que, dans ce contexte, elle doit examiner la décision litigieuse au regard de la situation de fait et droit ayant existé au moment de la prise de la décision litigieuse et en l’occurrence au regard du dossier qu’avait en main le ministre à l’époque, étant relevé que la vérification de la matérialité des faits s’effectue, en principe, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, respectivement en fonction des éléments dont l’autorité a connaissance ou aurait dû avoir connaissance au moment où elle statue, puisqu’il ne saurait être reproché à l’autorité administrative de ne pas avoir tenu compte d’éléments qui ne lui ont pas été présentés en temps utile2.
Dans la mesure où l’appelant a fait introduire la demande de report à l’éloignement en son seul nom et s’est limité à faire état à l’appui de sa demande d’un seul motif, à savoir celui tiré d’une promesse d’embauche et d’une procédure de demande en obtention d’une autorisation de séjour temporaire en cours à la suite d’une demande afférente introduite le …, et que le ministre a répondu à ce seul motif, aucun reproche ne saurait être fait audit ministre pour ne pas avoir pris en compte les motifs invoqués par les appelants par la suite à l’appui de leur requête introductive de première instance, respectivement à l’appui de leur requête d’appel. Cette conclusion s’impose pour ce qui est des motifs ayant existé au moment de la prise de la décision attaquée, à défaut d’établissement d’un quelconque lien avec le seul motif invoqué à la demande dont était saisi le ministre, et surtout par rapport à ceux ayant trait à la situation ultérieure. Les développements des 2 Cour adm. 10 décembre 2013, n° 32970C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 24 et les autres références y citées.
6appelants à l’appui de leur appel et ayant trait à l’activité de militant des droits de l’homme et de journaliste d’opposition dans le chef de Monsieur (A), de la qualité de réserviste de l’appelante et de façon plus générale de la situation générale en Russie sont partant d’emblée à rejeter pour ne pas être pertinents, à défaut d’avoir un lien avec la demande sur laquelle le ministre a statué.
S’agissant de l’unique motif invoqué à la base de la demande de report à l’éloignement, à savoir la promesse d’embauche de la société … et d’une procédure d’autorisation en cours d’instruction, comme les appelants n’ont invoqué, ni en première instance, ni en instance d’appel un quelconque moyen ou explication par rapport à ce motif, la Cour n’a en principe pas à se prononcer sur la question. Toutefois, à titre surabondant, la Cour relève qu’elle ne peut que confirmer la conclusion du ministre selon laquelle ce motif ne rentre pas dans les conditions de l’article 125bis de la loi du 29 août 2008. En effet, l’impossibilité visée par l’article 125bis ne saurait être déduite du simple maintien, même prolongé, d’un étranger sur le territoire3 et, par ailleurs, au moment où le ministre a statué le 26 novembre 2021, la demande en obtention d’une autorisation d’occupation temporaire avait été refusée, en l’occurrence le 16 novembre 2021, de sorte qu’une potentielle obtention d’une telle autorisation ne pouvait, indépendamment de la question de la pertinence d’un tel motif, pas constituer un obstacle à un éloignement des appelants.
Enfin et afin d’être complet, la Cour relève encore que le motif fondé sur les activités alléguées de l’appelant en Russie et des risques qu’il encourrait de ce fait en cas de retour dans son pays d’origine et à admettre que le ministre ait dû en tenir compte nonobstant la circonstance que ces éléments n’avaient pas été invoqués devant lui à la base de la demande d’introduite le 26 octobre 2021, la Cour rejoint les premiers juges dans leur constat que ces éléments ont été examinés par le tribunal et par la Cour administrative dans le cadre du recours contentieux introduit contre le refus d’octroi d’une protection internationale du 7 août 2019, au regard de la question de l’existence d’un risque de subir des traitements contraires à l’article 3 de la CEDH, et que les appelants n’ont invoqué aucun changement au niveau de leur situation particulière ou de la situation générale en Russie entre le 19 octobre 2021, date de l’arrêt de la Cour administrative, et le 26 novembre 2021, date d’introduction de la demande en obtention d’un report à l’éloignement, qui plaiderait en faveur de l’octroi d’un report à l’éloignement.
S’agissant finalement de l’intérêt supérieur de l’enfant invoqué par les appelants, la Cour constate que ce principe avait été invoqué en première instance par rapport au moyen tiré de la scolarisation de leur fille et nièce, qui n’a pas été réitéré en instance d’appel, de sorte que la Cour n’a pas besoin d’y prendre position. En tout état cause, le constat s’impose que le moyen tel que présenté en instance d’appel n’est pas autrement soutenu et est en tant que tel à rejeter, étant relevé qu’il ne suffit pas d’affirmer qu’une disposition légale serait violée, mais il appartient au plaideur de préciser concrètement en quoi il estime que tel serait le cas, sans qu’il n’appartienne aux juridictions administratives de suppléer à la carence de celui-ci et de supposer le sens qu’un plaideur a entendu donner à ses déclarations au risque non seulement de dénaturer le moyen que le demandeur a entendu soulever, mais encore au risque d’une violation des droits de la défense.
Selon le dispositif de la requête d’appel, les appelants demandent encore à la Cour de retenir l’existence de motifs réels et avérés de croire que s’ils étaient renvoyés dans leur pays d’origine, ils courraient un risque réel de subir des menaces graves définies à l’article 48, points 3 Cour adm. 5 juin 2018, n° 40864C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 800.
7a) et b) de la loi du 18 décembre 2015. Cette demande est toutefois à rejeter dans la mesure où l’article 48, précité, n’est pas pertinent par rapport à une demande de report à l’éloignement.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le jugement du 21 mai 2024 ayant rejeté le recours dirigé contre le refus du ministre du 26 novembre 2021 est à confirmer encore que partiellement pour d’autres motifs.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;
reçoit l’appel du 24 juin 2024 en la forme ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute les appelants ;
partant, confirme le jugement entrepris du 21 mai 2024 ;
donne acte aux appelants qu’ils sont bénéficiaires de l’assistance judiciaire condamne les appelants aux dépens de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par :
Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Patrick WIES.
s. WIES s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 3 décembre 2024 Le greffier de la Cour administrative 8