N° 169 / 2024 du 21.11.2024 Numéro CAS-2024-00015 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-et-un novembre deux mille vingt-quatre.
Composition:
Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.
Entre la société en commandite spéciale SOCIETE1.) FP, établie et ayant son siège social à L-ADRESSE1.), représentée par le gérant, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), demanderesse en cassation, comparant par Maître Nicolas THIELTGEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et 1) la société en commandite spéciale SOCIETE2.) (anciennement SOCIETE1.) SCSp), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE2.), représentée par le gérant, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO2.), défenderesse en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée MOLITOR Avocats à la Cour, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Paulo LOPES DA SILVA, avocat à la Cour, 2) la société SOCIETE3.) PLC - SOCIETE4.) BRANCH, succursale luxembourgeoise de la société SOCIETE3.) PLC, établie et ayant son siège social à L-ADRESSE3.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO3.), 3) la société anonyme SOCIETE5.), établie et ayant son siège social à L-
ADRESSE4.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO4.), 4) la société anonyme SOCIETE6.), établie et ayant son siège social à L-
ADRESSE5.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO5.), 5) l’établissement public autonome SOCIETE7.), SOCIETE4.), établi et ayant son siège social à L-ADRESSE6.), représenté par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO6.), 6) la société à responsabilité limitée SOCIETE8.), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE2.), représentée par le conseil de gérance, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO7.), 7) la société à responsabilité limitée SOCIETE9.) (anciennement SOCIETE10.) sàrl), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE2.), représentée par le conseil de gérance, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO8.), 8) la société à responsabilité limitée SOCIETE11.), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE2.), représentée par le conseil de gérance, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO9.), 9) la société à responsabilité limitée, société d’investissement à capital variable - fonds d’investissement alternatif réservé SOCIETE12.), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE2.), représentée par le conseil de gérance, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO10.), 10) la société à responsabilité limitée SOCIETE13.) (anciennement SOCIETE14.) sàrl), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE2.), représentée par le conseil de gérance, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO11.), défendeurs en cassation.
Vu l’arrêt attaqué numéro 127/23-VII-CIV rendu le 15 novembre 2023 sous le numéro CAL-2022-01075 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, septième chambre, siégeant en matière civile ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 18 janvier 2024 par la société en commandite spéciale SOCIETE1.) FP (ci-après « la société SOCIETE1.) ») à la société en commandite simple SOCIETE2.) (ci-après « la société SOCIETE2.) » ou « le Fonds »), à la société SOCIETE3.) PLC (ci-après « la société SOCIETE3.) »), à la société anonyme SOCIETE5.) (ci-après « la société SOCIETE5.) »), à la société anonyme SOCIETE6.) (ci-après « la société SOCIETE6.) »), à l’établissement public autonome SOCIETE7.) (ci-après « la SOCIETE7.) »), à la société à responsabilité limitée SOCIETE8.) (ci-après « la société SOCIETE8.) »), à la société à responsabilité limitée SOCIETE9.) (ci-après « la société SOCIETE9.) »), à la société à responsabilité limitée SOCIETE11.) (ci-après « la société SOCIETE11.) »), à la société à responsabilité limitée d’investissement à capital variable-fonds d’investissement alternatif réservé SOCIETE12.) (ci-après « la société SOCIETE12.) ») et à la société à responsabilité limitée SOCIETE13.) (ci-après « la société SOCIETE13.) »), déposé le 19 janvier 2024 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 13 mars 2024 par la société SOCIETE2.) à la société SOCIETE1.), à la société SOCIETE3.), à la société SOCIETE5.), à la société SOCIETE6.), à la SOCIETE7.), à la société SOCIETE8.), à la société SOCIETE9.), à la société SOCIETE11.), à la société SOCIETE12.) et à la société SOCIETE13.), déposé le 15 mars 2024 au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions du premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER ;
Ecartant la note de plaidoiries versée par la demanderesse en cassation pour ne pas répondre, quant à son objet, aux prescriptions de l’article 17, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, les associés commanditaires de la société SOCIETE2.) avaient révoqué la société SOCIETE1.) sans motif de ses fonctions de gérant en application du contrat social du Fonds, dénommé « Limited Partnership Agreement » (ci-après « LPA »).
La société SOCIETE1.) avait été autorisée par le Président du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg à pratiquer saisie-arrêt entre les mains de plusieurs tiers sur les sommes que ceux-ci pourraient redevoir à la société SOCIETE2.) à concurrence du montant que la société SOCIETE1.) revendiquait au titre de « removal entitlement » en application du LPA.
La société SOCIETE2.) avait assigné la société SOCIETE1.) et les tiers saisis devant le Président du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant comme en matière de référé, aux fins de voir ordonner l’annulation, sinon la rétractation, de l’ordonnance présidentielle et la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée.
Le magistrat saisi avait déclaré la demande en annulation irrecevable, avait rétracté l’autorisation présidentielle de saisir-arrêter et avait ordonné la mainlevée de la saisie-arrêt.
La Cour d’appel a déclaré les appels principal et incident non fondés et a confirmé l’ordonnance.
Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation des articles 154, 264 et 934 du Nouveau Code de procédure civil (ci-après le ), lesquels disposent que pour comparaître, 3) les mentions prescrites par les articles 80, 193 et 585 le tout à peine de nullité.
Elle comprend aussi :
- en matière immobilière le numéro cadastral ou à défaut les indications utiles à la désignation des immeubles, - l’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée.
L’assignation vaut conclusions. » proposée avant toute défense ou exception autre que les exceptions d'incompétence.
Aucune nullité pour vice de forme des exploits ou des actes de procédure ne pourra être prononcée que s'il est justifié que l'inobservation de la formalité, même substantielle, aura pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie adverse. » au jour et heure habituelle des référés.
Si, néanmoins, le cas requiert célérité, le président, ou le juge qui le remplace peut permettre d'assigner, à heure indiquée, même les jours fériés ou habituellement chômés, soit à l'audience, soit à son domicile portes ouvertes.
L'assignation est dispensée des droits de timbre et d'enregistrement et de la formalité de l'enregistrement. » ;
en ce que, pour confirmer l’Ordonnance de Rétractation en ce qu’elle a rejeté le moyen de nullité de l’Assignation en Rétractation soulevé par SOCIETE15.), tiré du défaut de signification, avec l’Assignation en Rétractation, de la Requête en obtention de l’Autorisation d’assigner à bref délai, la Cour d’appel a retenu que le fait que ladite Requête n’ai pas été jointe à l’Assignation en Rétractation n’était pas de nature à invalider l’acte introductif ; aux motifs que :
octobre 2022. Même si les conditions posées par l'article 154 du Nouveau Code de procédure civile concernant les mentions que doit contenir un exploit introductif d'instance ont été respectées, toujours est-il que la signification de l'assignation du 4 octobre 2022 n'était pas complète, ce qui constitue une irrégularité formelle de l'acte en question laquelle n'est cependant sanctionnée par aucun texte de loi.
Aux termes de l'article 264, alinéa 2 du Nouveau Code de procédure civile, il appartient dès lors à SOCIETE16.) de justifier de l'existence d'un grief. Cette preuve n'’est pas rapportée en l’espèce dans la mesure où SOCIETE16.) a été invitée à se défendre par rapport à l’assignation en rétractation du 4 octobre 2022, motivée sur une vingtaine de pages, et non par rapport à une requête en fixation d’une audience extraordinaire de référé avec abréviation des délais d’assignation, ce qui est corroboré par le fait que la décision du 4 novembre 2022 a été rendue sur base des faits, moyens et prétentions développés dans l’assignation du 4 octobre 2022 et contradictoirement débattus aux audiences des plaidoiries des 11 et 17 octobre 2022.
Le fait que la requête en fixation d’une audience extraordinaire de référé avec abréviation des délais d’assignation n’était pas jointe à l’assignation du 4 octobre 2022 n’est dès lors pas de nature à invalider l’acte introductif d’instance. » alors que, dans la mesure où toute assignation doit, sous peine de nullité, contenir l’objet et un exposé sommaire des moyens, impliquant, dans le cas de l’assignation à brève échéance de l’article 934 du NCPC, les motifs justifiant que le cas requiert célérité, l’omission d’annexer la Requête en obtention de l’Autorisation d’assigner à bref délai à l’Assignation en Rétractartion a nécessairement causé un grief à la Partie Demanderesse, qui n’a pas pu préparer utilement sa défense sur ce point, de sorte qu’en statuant ainsi, la Cour a violé les dispositions légales visées au moyen. ».
Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir rejeté le moyen de nullité de l’assignation en rétractation tiré du défaut de signification, avec l’assignation, de la requête en obtention de l’autorisation d’assigner à bref délai.
La requête en obtention de l’autorisation d’assigner à bref délai ne constitue ni l’objet de la demande ni un moyen à l’appui de la demande tendant à l’annulation, sinon à la rétractation, de l’ordonnance présidentielle et à la mainlevée de la saisie-
arrêt pratiquée, au sens de l’article 154 du Nouveau Code de procédure civile.
Si une autorisation présidentielle rendue en application de l’article 934 du Nouveau Code de procédure civile constitue un prérequis pour pouvoir assigner à bref délai, aucun texte légal ne prévoit l’obligation pour une partie autorisée à assigner à bref délai conformément au prédit article de joindre à l’assignation, outre l’ordonnance présidentielle, une copie de la requête en obtention de l’autorisation d’assigner à bref délai. L’absence de signification de ce document ensemble avec l’assignation n’est pas sanctionnée de nullité.
Par ce motif de pur droit, substitué à celui, erroné, de la Cour d’appel, la décision déférée se trouve légalement justifiée.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 65 du NCPC, lequel dispose que le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir dans sa décision les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. » ;
en ce que, pour confirmer l’Ordonnance en ce qu’elle a ordonné la rétractation de l’Autorisation Présidentielle ainsi que la mainlevée de la Saisie-
Arrêt, et condamné la Demanderesse aux frais et dépens de l’appel principal, la Cour d’appel a relevé d’office, sans respecter le principe du contradictoire, que faute d’existence d’une du Fonds, la créance alléguée ne remplissait pas le caractère de certitude suffisant pour justifier l’octroi d’une autorisation de saisir-arrêter, aux motifs que l'autorisation de saisir-arrêter, SOCIETE16.) s'était basée sur le rapport SOCIETE17.) ainsi que sur le calcul fait subséquemment par la société SOCIETE18.) du Removal Entitlement.
Conccernant l'évaluation dressée par la société SOCIETE17.) que SOCIETE16.) qualifie d’évaluateur indépendant, force est de relever que la société SOCIETE17.) affirme avoir été chargée en date du 16 juillet 2021 par SOCIETE19.) et elle énonce que son rapport a été dressé "in the context of estimation of Fair Value of the Fund's portfolio of equity and fixed income investments ; Net Adjusted Book Value derivation as of the June 30th 2021 (" Valuation Date ").
[…] This Report was prepared on your specific instructions sole/y for the purpose of a Fund's financial reporting ".
Dans son rapport du 6 août 2021, la société SOCIETE17.) a émis des réserves, dont notamment les suivantes :
-
The contents of our Report have been reviewed by "Management", who have confirmed to us their factual accuracy.
We have based our analysis on the business plans ("SOCIETE20.)" or "Client SOCIETE20.)") provides by the Client[…].
-
Most of the inputs and assumptions in the SOCIETE20.) are highly technical in nature and are based on the Management's judgment.
-
Our work in connection with this assignment is of a different nature to that of an audit in accordance with generally accepted accounting principals and we therefore cannot and will not render an opinion of any financial information reported by us. All the information we have received is the responsibility of the Management. We have not sought to establish the reliability of the information given to us except as specifically stated in the Report. Consequently, we give no assurance on such information.
-
We were reliant on the accuracy and competences of the underlying information supplied to us. We did non audit or otherwise verify this information and therefore did not check the accuracy on the information or any explanation provided -
We were not provided with the financial statements as of Valuation Date for all entities within the valuation perimeter, hence the cash and debt amounts are based on the Management’s assumptions.
Au vu des réserves exprimées, la société SOCIETE17.) affirme avoir accompli son travail sur base des informations lui fournies par SOCIETE19.), informations pour lesquelles elle décline toute responsabilité quant à leur véracité.
Le rapport SOCIETE17.) ne saurait être considéré comme une évaluation neutre des actifs au sens de l’article 20.3.3 du LPA. Ce n’est donc pas seulement le montant de la créance qui dépendra du résultat d’un compte à établir par un évaluateur indépendant, mais l’existence même de la créance invoquée. » alors que la question de la nécessité d’une évaluation dite n’avait pas été soulevée par les parties à l’instance, de sorte que la Cour d’appel, qui a relevé d’office que la certitude de la créance dépendait de l’existence d’une évaluation des actifs du Fonds, sans avoir, au préalable, invité les parties à prendre position sur ce moyen, a violé le principe du contradictoire, et partant l’article 65 du NCPC. ».
Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé le principe du contradictoire en ayant relevé d’office que la certitude de la créance alléguée était soumise à l’existence d’une évaluation « neutre » des actifs du Fonds, sans inviter les parties à prendre position sur ce point.
Le moyen procède d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué.
En retenant « Il est constant en cause qu’il n’existe pas d’évaluation indépendante des actifs du Fonds pour des raisons fortement querellées entre parties. » et « Ce n’est donc pas seulement le montant de la créance qui dépendra du résultat d’un compte à établir par un évaluateur indépendant, mais l’existence même de la créance invoquée. », les juges d’appel ont motivé leur décision par rapport à l’exigence de certitude suffisante de la créance, sans imposer spécialement une évaluation « neutre » des actifs du Fonds.
Il s’ensuit que le moyen manque en fait.
Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 694 du NCPC, lequel dispose que domicile du tiers-saisi pourront, sur requête, permettre la saisie-arrêt et opposition. » en ce que, pour confirmer l’Ordonnance en ce qu’elle a ordonné la rétractation de l’Autorisation Présidentielle ainsi que la mainlevée de la Saisie-
Arrêt, et condamné la Demanderesse aux frais et dépens de l’appel principal, la Cour d’appel a retenu que l’existence même de la créance dépendait de la valeur des actifs du Fonds à la date de révocation de SOCIETE21.), imposant ainsi une condition de liquidité de la créance, aux motifs que :
Fonds son droit au paiement du Removal Entitlement tel que prévu aux articles 20.3.2 à 20.3.4 du LPA.
Comme la base de calcul du Removal Entitlement est litigieuse entre parties, tant l’existence que le quantum du Removal Entitlement sont contestés par le Fonds.
C’est à juste titre que le juge de première instance a décidé « qu’il ressort de l’article 20.3.3 du LPA que le Removal Entitlement correspondant au montant que SOCIETE22.) aurait touché s’il avait été mis fin au Fonds, tous les investissements avaient été vendus et les produits ainsi réalisés avaient été distribués conformément à l’article 9 du LPA au jour de la révocation du gérant (" […] the amount which the Carried Interest Partner would have received if the Partnership were terminated, the lnvestments sold at their Value, the proceeds received and then distributed by the Partnership in accordance with the clause 9 on the date on which […] the Special Consent (in the cas of clause 20.2) is passed. ") C’est encore à bon escient qu’il a retenu que le Removal Entitlement dépend directement de la valeur des actifs du Fonds, et plus particulièrement de l’existence d’un produit distribuable au sens de l’article 9 du LPA, de sorte que non seulement le quantum mais également l’existence même du Removal Entitlement dépend de l’évaluation des actifs du Fonds à la date de révocation de SOCIETE19.). » alors que, s’agissant d’une procédure en rétractation d’une autorisation de de saisie-arrêt rendue conformément à l’article 694 du NCPC, il appartenait au juge saisi de la demande en rétractation de vérifier que les conditions de la Requête Initiale (et uniquement celles-ci) étaient réunies, et partant de se contenter d’une apparence de certitude atténuée de la créance pour rejeter la demande en rétractation, de sorte qu’en imposant une condition de liquidité de la créance, condition non prévue par la loi, la Cour d’appel a violé la disposition légale visée au moyen. ».
Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 694 du Nouveau Code de procédure civile en ayant imposé une condition de liquidité de la créance dans le cadre d’une procédure en rétractation d’une autorisation de saisir-arrêter au lieu de se contenter d’une apparence de certitude de la créance invoquée.
Le moyen procède d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué.
En retenant « Ce n’est donc pas seulement le montant de la créance qui dépendra du résultat d’un compte à établir par un évaluateur indépendant, mais l’existence même de la créance invoquée. » et « Il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que SOCIETE16.) reste en défaut d’établir que la créance alléguée remplit le caractère de certitude suffisant pour justifier l’octroi d’une autorisation de saisir-arrêter (…). », les juges d’appel ont motivé leur décision par rapport à l’exigence de certitude suffisante de la créance, sans imposer une condition de liquidité de la créance invoquée.
Il s’ensuit que le moyen manque en fait.
Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 1134 du Code civil, qui dispose que :
faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi. » en ce que pour confirmer l’Ordonnance en ce qu’elle a ordonné la rétractation de l’Autorisation Présidentielle ainsi que la mainlevée de la Saisie-
Arrêt, et condamné la Demanderesse aux frais et dépens de l’appel principal, la Cour d’appel a retenu que le caractère certain de la créance dépendait de l’existence d’une évaluation des actifs du Fonds au sens de l’article 20.3.3 du Contrat, aux motifs que :
l’autorisation de saisir-arrêter, SOCIETE16.) s’était basée sur le rapport SOCIETE17.) ainsi que sur le calcul fait subséquemment par la société SOCIETE18.) du Removal Entitlement.
Conccernant l’évaluation dressée par la société SOCIETE17.) que SOCIETE16.) qualifie d’évaluateur indépendant, force est de relever que la société SOCIETE17.) affirme avoir été chargée en date du 16 juillet 2021 par SOCIETE19.) et elle énonce que son rapport a été dressé "in the context of estimation of Fair Value of the Fund’s portfolio of equity and fixed income investments ; Net Adjusted Book Value derivation as of the June 30th 2021 (" Valuation Date ").
[…] This Report was prepared on your specific instructions sole/y for the purpose of a Fund ‘s financial reporting".
Dans son rapport du 6 août 2021, la société SOCIETE17.) a émis des réserves, dont notamment les suivantes :
-
The contents of our Report have been reviewed by "Management", who have confirmed to us their factual accuracy.
We have based our analysis on the business plans ("SOCIETE20.)" or "Client SOCIETE20.)") provides by the Client […].
-
Most of the inputs and assumptions in the SOCIETE20.) are highly technical in nature and are based on the Management ‘s judgment.
-
Our work in connection with this assignment is of a different nature to that of an audit in accordance with generally accepted accounting principals and we therefore cannot and will not render an opinion of any financial information reported by us. All the information we have received is the responsibility of the Management. We have not sought to establish the reliability of the information given to us except as specifically stated in the Report. Consequently, we give no assurance on such information.
-
We were reliant on the accuracy and competences of the underlying information supplied to us. We did non audit or otherwise verify this information and therefore did not check the accuracy on the information or any explanation provided -
We were not provided with the financial statements as of Valuation Date for all entities within the valuation perimeter, hence the cash and debt amounts are based on the Management’s assumptions.
Au vu des réserves exprimées, la société SOCIETE17.) affirme avoir accompli son travail sur base des informations lui fournies par SOCIETE19.), informations pour lesquelles elle décline toute responsabilité quant à leur véracité.
Le rapport SOCIETE17.) ne saurait être considéré comme une évaluation neutre des actifs au sens de l’article 20.3.3 du LPA. », alors que, si l’interprétation d’une convention relève du pouvoir d’appréciation souverain du juge du fond, il ne peut dénaturer les clauses de celle-
ci en y ajoutant un élément ou une condition qu’elles ne contiennent pas ; qu’en retenant que la condition d’apparence de certitude n’était pas remplie au motif que le rapport SOCIETE17.) ne saurait être considéré comme une évaluation des actifs du Fonds au sens de l’article 20.3.3 du Contrat, quand le Contrat n’imposait pas la nécessité d’une évaluation pour déterminer le montant du Removal Entitlement, la Cour d’appel en en a dénaturé les termes clairs, et a ainsi violé l’article 1134 du Code civil. ».
Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir dénaturé les termes clairs de l’article 20.3.3. du LPA en retenant que la condition d’apparence de certitude n’était pas remplie au motif que le rapport SOCIETE17.) ne saurait être considéré comme une évaluation « neutre » des actifs du Fonds au sens de l’article 20.3.3 du LPA malgré le fait que ce dernier n’imposait pas la condition d’une évaluation neutre, mais uniquement une évaluation par un expert indépendant.
En retenant « Il est constant en cause qu’il n’existe pas d’évaluation indépendante des actifs du Fonds pour des raisons fortement querellées entre parties.
(…) Dès lors, le rapport SOCIETE17.) ne saurait être considéré comme une évaluation neutre des actifs au sens de l’article 20.3.3 du LPA.
Ce n’est donc pas seulement le montant de la créance qui dépendra du résultat d’un compte à établir par un évaluateur indépendant, mais l’existence même de la créance invoquée. », les juges d’appel ont, par une appréciation souveraine, hors toute dénaturation, conclu à l’absence de pertinence du rapport SOCIETE17.) pour établir l’apparence suffisante de certitude de la créance invoquée.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur le cinquième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 66 du NCPC lequel dispose que :
ordonnée à l’insu d’une partie, celle-ci dispose d’un recours approprié contre la décision qui lui fait grief. » en ce que pour confirmer l’Ordonnance en ce qu’elle a ordonné la rétractation de l’Autorisation Présidentielle ainsi que la mainlevée de la Saisie-
Arrêt, et condamné la Demanderesse aux frais et dépens de l’appel principal, la Cour d’appel a refusé de prendre en considération le Rapport Laplume du 13 avril 2023, qui confirmait l’évaluation des actifs du Fonds du Rapport SOCIETE17.) ;
aux motifs que :
apparence de certitude atténuée pour admettre ou non la rétractation, étant à préciser que cette apparence de certitude de créance doit être appréciée au jour de la requête initiale, et non pas au jour des plaidoiries de la demande en rétractation de l’ordonnance unilatérale. » et que société SOCIETE17.) est susceptible d’être confirmée par les conclusions de l’expert Laplume compte tenu du fait que la Cour est amenée à apprécier si une apparence de certitude de créance existait au jour de la requête en autorisation de saisir arrêter du 22 septembre 2022 et que le rapport Laplume, établi le 13 avril 2023, est bien postérieur à cette date. » alors que, le juge de la saisi de la demande en rétractation doit se placer au jour où il statue pour apprécier le bien-fondé de la Requête Initiale et non au jour de l’ordonnance querellée, en ce sens qu’il doit tenir compte des éléments survenus depuis la décision contestée ; de sorte qu’en écartant le Rapport Laplume au motif qu’il avait été établi postérieurement à la Requête Initiale, la Cour d’appel a violé la disposition légale visée au moyen. ».
Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir pris en considération, pour statuer sur la demande introduite sur base de l’article 66 du Nouveau Code de procédure civile en vue de la rétractation de l’ordonnance unilatérale d’autorisation de saisir-arrêter, des éléments d’appréciation postérieurs à l’ordonnance initiale.
L’article 66 du Nouveau Code de procédure civile requiert l’existence d’un recours contre toute décision unilatérale, sans en fixer le régime juridique. L’office du juge saisi d’une demande en rétractation sur base de cette disposition légale est identique à celui du juge ayant statué initialement de façon unilatérale.
La disposition légale invoquée au moyen, en ce qu’elle ne régit pas l’office du juge saisi de la demande en rétractation, est étrangère au moyen.
Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.
Sur le sixième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 6 §1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (ci-après la ) lequel dispose que publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. »;
en ce que pour confirmer l’Ordonnance en ce qu’elle a ordonné la rétractation de l’Autorisation Présidentielle ainsi que la mainlevée de la Saisie-
Arrêt, et condamné la Demanderesse aux frais et dépens de l’appel principal, la Cour d’appel a refusé de prendre en considération le Rapport Laplume du 13 avril 2023, qui confirmait l’évaluation des actifs du Fonds du Rapport SOCIETE17.) ;
aux motifs que :
apparence de certitude atténuée pour admettre ou non la rétractation, étant à préciser que cette apparence de certitude de créance doit être appréciée au jour de la requête initiale, et non pas au jour des plaidoiries de la demande en rétractation de l’ordonnance unilatérale. » et que société SOCIETE17.) est susceptible d’être confirmée par les conclusions de l’expert Laplume compte tenu du fait que la Cour est amenée à apprécier si une apparence de certitude de créance existait au jour de la requête en autorisation de saisir arrêter du 22 septembre 2022 et que le rapport Laplume, établi le 13 avril 2023, est bien postérieur à cette date. » alors que, le juge statuant dans l’instance en rétractation doit se placer au jour où il statue pour apprécier le bien-fondé de la Requête Initiale, et non au jour de l’ordonnance querellée, en ce sens qu’il doit tenir compte des éléments survenus depuis la décision contestée, de sorte qu’en écartant le Rapport Laplume au motif qu’il avait été établi postérieurement à la Requête du 22 septembre 2022, la Cour d’appel n’a pas respecté le droit de la Demanderesse à un procès équitable, et a partant violé la disposition légale visée au moyen. ».
Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé la disposition visée au moyen en n’ayant pas pris en considération, pour statuer sur la demande en rétractation de l’ordonnance unilatérale d’autorisation de saisir-arrêter, le rapport Laplume au motif qu’il avait été établi postérieurement à la requête initiale.
L’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne réglemente pas l’admissibilité des preuves ni leur appréciation par le juge et n’indique pas à quel moment le juge doit se placer pour apprécier le bien-fondé d’une demande.
La disposition invoquée au moyen, en ce qu’elle ne régit pas l’office du juge saisi de la demande en rétractation, est étrangère au moyen.
Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.
Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation sub 1) l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;
condamne la demanderesse en cassation à payer à la défenderesse en cassation sub 1) une indemnité de procédure de 2.500 euros ;
la condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de la société à responsabilité limitée MOLITOR Avocats à la Cour, sur ses affirmations de droit.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence du premier avocat général Marc HARPES et du greffier Daniel SCHROEDER.
Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation société en commandite spéciale SOCIETE1.) FP contre 1) la société en commandite spéciale SOCIETE2.) (anciennement SOCIETE1.) SCSp) 2) la société SOCIETE3.) PLC-Luxembourg BRANCH 3) la société anonyme SOCIETE23.) 4) la société anonyme SOCIETE6.) 5) l’établissement autonome créé selon la loi du 24 mars 1989 SOCIETE7.), Luxembourg 6) la société à responsabilité limitée SOCIETE8.) 7) la société à responsabilité limitée SOCIETE9.) 8) la société à responsabilité limitée SOCIETE11.) 9) la société à responsabilité limitée d’investissement à capital variable- Fonds d’investissement alternatif réservé SOCIETE12.) SICAV-RAIF 10) la société à responsabilité limitée SOCIETE13.) (CAS-2024-00015) Le pourvoi en cassation, introduit par la société en commandite spéciale SOCIETE1.) FP par un mémoire en cassation signifié le 18 janvier 2024 aux parties défenderesses en cassation et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 19 janvier 2024, est dirigé contre un arrêt n°127/23 rendu par la Cour d’appel, septième chambre, siégeant en matière civile, statuant contradictoirement, en date du 15 novembre 2023 (n° CAL-2022-01075 du rôle). Cet arrêt a été signifié à la demanderesse en cassation en date du 22 novembre 2023.
Le pourvoi en cassation a dès lors été interjeté dans les forme et délai prévus aux articles 7 et 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.
La partie défenderesse société en commandite spéciale SOCIETE2.) a signifié un mémoire en réponse le 13 mars 2024 et elle l’a déposé au greffe de la Cour le 15 mars 2024.
Ayant été signifié et déposé au greffe de la Cour dans le délai de deux mois à compter du jour de la signification du mémoire en cassation, conformément aux articles 15 et 16 de la loi précitée du 18 février 1885, ce mémoire est à considérer comme recevable.
Les autres parties défenderesses n’ont pas déposé de mémoire.
Les faits et antécédents La société en commandite spéciale SOCIETE2.), anciennement dénommée SOCIETE1.) SCSp (ci-après le Fonds ou SOCIETE2.)), est un fonds d’investissement, actif dans le domaine du private equity, qui a été constitué en 2017 à l’initiative de trois fondateurs, à savoir PERSONNE1.), PERSONNE2.) et PERSONNE3.).
Au moment de la constitution du Fonds, la société à responsabilité limitée SOCIETE25.) (ci-après SOCIETE19.)), qui est une filiale à 100 % de la société à responsabilité limitée SOCIETE26.) (ci-après GROUPE1.)), a été nommée gérant du Fonds.
Les associés commanditaires du Fonds (ci-après les investisseurs) sont des investisseurs institutionnels ou privés.
Le Fonds comporte un comité des investisseurs dénommé « Advisory Committee » (ci-après le SOCIETE27.)).
Les relations entre le gérant, le Fonds et les investisseurs sont régies par le contrat social du Fonds, dénommé « Limited Partnership Agreement » (ci-après le LPA), qui a été modifié à quatre reprises, à savoir le 15 novembre 2017, le 19 décembre 2018, le 5 août 2021 et le 27 août 2021.
D’après les définitions du LPA, à savoir selon l’article 1.2 de la troisième version du LPA, la société en commandite spéciale SOCIETE1.) FP (ci-après SOCIETE16.)) est le « Carried Interest Partner ».
En date du 9 juillet 2021, l’assemblée générale des investisseurs du Fonds a décidé de révoquer SOCIETE19.) sans motif (« without cause ») de ses fonctions de gérant du Fonds, en application de l’article 20.2.1 du LPA.
En date du 6 août 2021, les investisseurs du Fonds ont décidé par résolution circulaire de nommer la société à responsabilité limitée SOCIETE28.), actuellement dénommée SOCIETE29.) (ci-après SOCIETE29.)), comme nouveau gérant du Fonds.
D’après les dispositions de l’article 20.3 du LPA, la révocation du gérant du Fonds fait naître plusieurs droits, à savoir :
* le gérant révoqué (SOCIETE19.)) a droit au paiement d’une « Priority Profit Share » (article 20.3.1.1 du LPA), * le « Carried Interest Partner » (SOCIETE16.)) a droit au paiement d’un « Removal Entitlement » (articles 20.3.2 à 20.3.4 du LPA), et * le gérant révoqué a le droit de demander le rachat du « Sponsor Commitment » (article 20.3.5 du LPA).
Les articles 20.3.2 à 20.3.4 de la troisième version du LPA relatifs au « Removal Entitlement, » sont libellés comme suit :
« If Investors elect to remove the General Partner under clauses 20.1 or 20.2, the entitlement of the Carried Interest Partner to receive distributions from the Partnership in its capacity as Carried Interest Partner under clause 9 shall be varied so that it is entitled to receive: (i) if removed pursuant to clause 20.1, 50% of the Removal Entitlement; and (ii) if removed pursuant to clause 20.2, the Removal Entitlement.
The “Removal Entitlement” is the amount which the Carried Interest Partner would have received if the Partnership were terminated, the Investments sold at their Value, the proceeds received and then distributed by the Partnership in accordance with clause 9 on the date on which the Ordinary Consent (in the case of clause 20.1) or the Special Consent (in the case of clause 20.2) is passed. The General Partner shall reasonably promptly appoint an independent valuer whom the General Partner in good faith determines to have the requisite expertise in valuing assets of a type comparable to the Investments in question, provided such appointment has been approved by the Advisory Committee. The independent valuer shall be appointed to determine the Value of the Investments and the General Partner shall use all reasonable endeavours to: (i) procure that such valuation is provided within 30 Business Days of the appointment of the independent valuer; and (ii) to provide the independent valuer with such information and access to the Investments as it shall reasonably request to produce its valuation. The Independent valuer’s decision shall be final and binding and the Value at which the Investments are treated for the purposes of this clause 20.3.3. The fees and expenses of the independent valuer shall be borne by the Partnership.
The Removal Entitlement shall be payable as a priority distribution of the proceeds of the next Investment(s) to be realised (including an appropriate share of the associated profits arising) and clause 9.1 shall not apply (save in respect of the payment of Establishment Expenses, Operating Expenses and any other liabilities and obligations of the Partnership) until such time as all amounts of the Removal Entitlement owing under this clause 20.3 have been distributed to the Carried Interest Partner. […] ».
Par exploit d’huissier des 25 et 28 février, 1er et 4 mars 2022, SOCIETE19.), SOCIETE16.) et GROUPE1.) ont fait donner assignation au Fonds, à SOCIETE29.) et aux membres du SOCIETE27.) à comparaître devant le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière commerciale, selon la procédure applicable en matière civile, aux fins, entre autres, de les voir condamner à payer à SOCIETE16.) le montant du « Removal Entitlement ».
En vertu d’une autorisation présidentielle du 22 septembre 2022, SOCIETE1.) a fait pratiquer saisie-arrêt par exploit d’huissier du 27 septembre 2022 entre les mains de la société SOCIETE3.) PLC - Luxembourg BRANCH, la société anonyme SOCIETE5.) (ci-
après SOCIETE5.)), la société anonyme SOCIETE6.), l’établissement public autonome SOCIETE7.), SOCIETE4.), la société à responsabilité limitée SOCIETE8.), la société à responsabilité limitée SOCIETE9.), la société à responsabilité limitée SOCIETE11.), la société à responsabilité limitée d’investissement à capital variable - fonds d’investissement alternatif réservé SOCIETE12.) S.à r.l. SICAV-RAIF et la société à responsabilité limitée SOCIETE13.), ci-après les tiers saisis, sur toutes les sommes, deniers ou valeurs que ces derniers détiennent ou détiendront, doivent ou devront à quelque titre et pour quelque cause que ce soit au Fonds pour sûreté, conservation et parvenir au paiement de sa créance provisoirement évaluée à 282.925.127,- euros, sous réserve des intérêts et frais.
En vertu d’une autorisation présidentielle du 3 octobre 2022, rendue sur la base de l’article 934, alinéa 2 du Nouveau Code de procédure civile, et par exploit d’huissier du 4 octobre 2022, le Fonds a fait donner assignation à SOCIETE1.) et aux tiers saisis à comparaître devant le Président du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en tant que juge des saisies comme en matière de référé, aux fins de voir ordonner, sur base de l’article 66 du Nouveau Code de procédure civile, l’annulation sinon la rétractation de l’ordonnance présidentielle du 22 septembre 2022 ayant autorisé SOCIETE1.) à pratiquer saisie-arrêt, et partant la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée en date du 27 septembre 2022.
Par une ordonnance rendue le 4 novembre 2022, un premier juge du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant comme juge des saisies en la forme des référés, en remplacement du Président dudit tribunal :
* a reçu les demandes en la forme, * s’est déclaré compétent pour en connaître, * au principal, a renvoyé les parties à se pourvoir devant qui de droit, mais dès à présent et par provision, sur base de l’article 66 du Nouveau Code de procédure civile, * a déclaré la demande en annulation irrecevable, * a déclaré la demande en rétractation recevable et fondée, * a rétracté l’autorisation présidentielle de saisir-arrêter du 22 septembre 2022, * a ordonné la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée le 27 septembre 2022 en vertu de cette autorisation, * a rejeté la demande de SOCIETE1.) basée sur l’article 23, paragraphe 2 du Code de procédure pénale, * a déclaré l’ordonnance commune aux tiers saisis, * a rejeté les demandes respectives en allocation d’une indemnité de procédure sur base de l’article 240 du Nouveau Code de procédure civile, * a ordonné l’exécution provisoire de l’ordonnance intervenue nonobstant toute voie de recours et sans caution, * a condamné SOCIETE1.) aux frais de l’instance.
Par exploit d’huissier du 23 novembre 2022, SOCIETE1.) a relevé appel de l’ordonnance du 4 novembre 2022.
En date du 15 novembre 2023, la Cour d’appel a rendu un arrêt dont le dispositif se lit comme suit :
« reçoit les appels principal et incident ;
les dit non fondés ;
confirme l’ordonnance du 4 novembre 2022 en toute sa teneur ;
déboute la société en commandite spéciale SOCIETE2.) de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure sur base de l’article 240 du Nouveau Code de procédure civile ;
condamne la société en commandite spéciale SOCIETE1.) FP aux frais et dépens de l’appel principal ;
condamne la société en commandite spéciale SOCIETE2.) aux frais et dépens de l’appel incident. » Cet arrêt fait l’objet du présent pourvoi.
Sur le premier moyen de cassation:
Le premier moyen est tiré de la violation des articles 154, 264 et 934 du Nouveau code de procédure civile (ci-après NCPC).
L’article 154 du NCPC dispose :
« Outre les mentions de l’article 153, l’assignation doit contenir:
1) l’objet et un exposé sommaire des moyens, 2) l’indication de la juridiction qui doit connaître de la demande et du délai pour comparaître, 3) les mentions prescrites par les articles 80, 193 et 585 le tout à peine de nullité.
Elle comprend aussi:
-
en matière immobilière le numéro cadastral ou à défaut les indications utiles à la désignation des immeubles, -
l’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée.
L’assignation vaut conclusions. » L’article 264 du NCPC dispose :
« Toute nullité d'exploit ou d'acte de procédure est couverte si elle n'est proposée avant toute défense ou exception autre que les exceptions d'incompétence.
Aucune nullité pour vice de forme des exploits ou des actes de procédure ne pourra être prononcée que s'il est justifié que l'inobservation de la formalité, même substantielle, aura pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie adverse. » L’article 934 du NCPC dispose :
« La demande est portée par voie d'assignation à une audience tenue à cet effet au jour et heure habituelle des référés.
Si, néanmoins, le cas requiert célérité, le président, ou le juge qui le remplace peut permettre d'assigner, à heure indiquée, même les jours fériés ou habituellement chômés, soit à l'audience, soit à son domicile portes ouvertes.
L'assignation est dispensée des droits de timbre et d'enregistrement et de la formalité de l'enregistrement. » Le moyen fait grief à l’arrêt entrepris que, pour confirmer l’ordonnance de rétractation rendue en date du 4 novembre 2022, il a rejeté le moyen de nullité de l’assignation en rétractation tiré du défaut de signification, avec l’assignation en rétractation, de la requête en obtention de l’autorisation d’assigner à bref délai. L’arrêt dont pourvoi a décidé que le fait que ladite requête n’était pas jointe à l’assignation en rétractation n’était pas de nature à invalider l’acte introductif.
Principalement :
L’article 154 du NCPC précise que l’assignation doit contenir « l’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée ».
En l’espèce, l’assignation du 4 octobre 2022 tendait à obtenir l’annulation sinon la rétractation de l’ordonnance présidentielle du 22 septembre 2022 ayant autorisé SOCIETE1.) à pratiquer saisie-arrêt, et partant la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée en date du 27 septembre 2022. Tel était l’objet de la demande. L’autorisation présidentielle du 3 octobre 2022 constituait certes un prérequis procédural afin de pouvoir assigner à bref délai, mais en aucun cas la demande en annulation ou en rétractation n’était fondée sur la requête en obtention de ladite autorisation présidentielle. Celle-ci ne constitue partant pas une « pièce » invoquée à l’appui de la demande au sens de l’article 154 du NCPC, de sorte qu’elle ne devait pas être jointe à l’assignation.
C’est néanmoins à juste titre que l’arrêt attaqué a déclaré non fondé le volet de l’appel relatif au défaut de signification de la requête en obtention de l’autorisation d’assigner à bref délai.
Pareille signification n’est en effet exigée par aucun texte et ne saurait partant être sanctionnée.
Par ce motif de pur droit, substitué à ceux, erronés, de la Cour d’appel, et rendant le moyen de cassation sans objet, l’arrêt entrepris se trouve légalement justifié.
Le moyen est dès lors à déclarer non fondé par substitution de motifs.
Subsidiairement :
Le défaut d’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée semble également avoir occupé nos collègues français, car une question parlementaire a été posée à ce sujet à Madame la garde des sceaux en 1997.1 Sa réponse était la suivante :
« La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que si l'article 56 du nouveau code de procédure civile pose le principe que la citation en justice doit énoncer les pièces sur lesquelles la demande est fondée, la jurisprudence est divisée sur la question de la sanction encourue lorsque cette prescription n'est pas observée. Ainsi, si certaines juridictions estiment que le défaut d'indication des pièces invoquées à l'appui des prétentions constitue une irrégularité formelle de l'assignation, qui encourt la nullité lorsqu'il en résulte un grief pour le défendeur, d'autres considèrent que cette obligation n'est pas spécialement sanctionnée.2 Une partie de la jurisprudence française considère effectivement que le défaut d’indication de pièces dans l’assignation n’est pas sanctionné:
« [En revanche], l’alinéa suivant prévoit l’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée et leur énumération dans un bordereau, mais sans mentionner expressément la sanction de la nullité. Par conséquent, le juge d’instance a rappelé à bon droit selon la cour d’appel, que cette omission n’est pas sanctionnée. ».3 Dans le même sens :
Un premier arrêt de la deuxième chambre civile vint rappeler que seul le défaut de production des conclusions était susceptible d’entraîner la caducité de l’appel, et non le défaut de communication des pièces, et qu’il suffisait que celles-ci aient « été communiquées en temps utile » (Cass. 2e civ., 30 jan. 2014, no12-24.145). La Cour de cassation a ensuite « enfoncé le clou » par un arrêt rendu en assemblée plénière : seule compte la communication en temps utile (Cass. plén., 5 déc. 2014, no13-19.674).
1 A noter que l’article 56 du Nouveau code de procédure civile français est l’équivalent de notre article 154 du NCPC et exige « l’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée ».
2 Réponse de Madame la garde des sceaux à une question parlementaire n°4143, publiée au JO le 24/11/1997, page 4259 3 Bulletins des arrêts de la Cour d’appel de Lyon , BACALy, Equipe de recherche Louis Josserand, Juin-déc.
2013, Sur la nullité d’une assignation par Blandine Rolland, n° 3 Cette jurisprudence est désormais bien établie : Cass. 2e civ., 19 mars 2015, no14-
16.238, Inédit, Cass. 1re civ., 7 oct. 2015, no14-14.702, Cass. com., 15 déc. 2015, no13-
25.566.4 Même à supposer qu’il s’agisse effectivement d’une irrégularité formelle de l’assignation, l’acte de procédure n’encourt la nullité que s’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public et que celui qui l’invoque ait prouvé le grief que lui cause cette irrégularité :
« Il résulte en outre de l'article 114 du même code5 qu'aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public. »6 « Concernant la seconde condition tirée de la démonstration d’un grief, c’est bien souvent sur ce point que les plaideurs peinent à soutenir la nullité pour vice de forme qu’ils invoquent. Au titre d’un grief, le plaideur peut essayer de montrer que cette absence de motivation a désorganisé sa défense (Paris, 7 juillet 1987 : Bull. avoués, 1988, n° 1, p. 9). Mais en l’espèce, la cour d’appel souligne que le défendeur « ne soutient ni ne prouve, avoir subi un quelconque grief du fait des irrégularités dénoncées, ce qui est une des conditions préalables à tout prononcé de la nullité d'un acte de procédure » (en ce sens : Cass. civ. 1re, 6 janv. 2004, pourvoi n° 01-15668). La nullité de l’assignation n’est donc pas prononcée par la cour d’appel. »7 « Assigner à jour fixe suppose d’y avoir été autorisé ( CA Bordeaux, 1re ch., sect. B, 12 janv. 2010 : JurisData n° 2010-000922 ; JCP G 2010, 307 , obs. Y. Capdepon).
L'irrégularité tenant dans la délivrance d'une assignation à jour fixe sans autorisation préalable peut cependant être couverte lorsque le tribunal a ordonné la réassignation du défendeur (V. par ex., Cass. 1re civ., 12 déc. 2006, n° 04-19.537 ) ».8 Le défaut de signification de la requête en autorisation d’assigner à bref délai ensemble avec l’assignation constitue dès lors tout au plus une formalité qui peut être couverte et qui exige que celui qui invoque son inobservation prouve l’existence d’un grief.
4 Guillaume ISOULARD, La communication des pièces en appel (actualisé le 15 juin 2022) 5 L’article 114 du Nouveau code de procédure civile français constitue l’équivalent de l’article 264, alinéa 2, de notre NCPC 6 Cour d’appel de Versailles, 12e chambre, 23 janvier 2020 (code nac : 59B ; N° RG 18/06435- N° Portalis DBV3-V-B7C-SUWA) 7 Bulletins des arrêts de la Cour d’appel de Lyon , BACALy, Equipe de recherche Louis Josserand, Juin-déc.
2013, Sur la nullité d’une assignation par Blandine Rolland, n° 4 Dans le même sens : CA Grenoble, 16 juin 2020, n° 20/00213 (N° Lexbase :A67153NZ) concernant l’inobservation de l’obligation de communiquer les pièces dans la déclaration d’appel (articles 901et 57 du Code de procédure civile) 8 JurisClasseur Commissaires de Justice V° Demande en justice Fasc. 10 : Demande en justice §62 En vérifiant l’existence d’un grief dans le chef de SOCIETE16.) et en décidant que, faute de grief, l’acte introductif d’instance était valide, les juges d’appel n’ont partant pas violé les dispositions visées au moyen.
Le moyen n’est pas fondé.
Plus subsidiairement :
L’arrêt entrepris a constaté :
« Aux termes de l’article 264, alinéa 2 du Nouveau Code de procédure civile, il appartient dès lors à SOCIETE1.) de justifier de l’existence d’un grief.
Cette preuve n’est pas rapportée en l’espèce dans la mesure où SOCIETE1.) a été invitée à se défendre par rapport à l’assignation en rétractation du 4 octobre 2022, motivée sur une vingtaine de pages, et non par rapport à une requête en fixation d’une audience extraordinaire de référé avec abréviation des délais d’assignation, ce qui est corroboré par le fait que la décision du 4 novembre 2022 a été rendue sur base des faits, moyens et prétentions développés dans l’assignation du 4 octobre 2022 et contradictoirement débattus aux audiences des plaidoiries des 11 et 17 octobre 2022.
Le fait que la requête en fixation d’une audience extraordinaire de référé avec abréviation des délais d’assignation n’était pas jointe à l’assignation du 4 octobre 2022 n’est dès lors pas de nature à invalider l’acte introductif d’instance. » Sous le couvert du grief tiré de la violation des dispositions visées au moyen, la demanderesse en cassation cherche à remettre en cause la vérification de l’existence d’un grief par les juges du fond, qui relève de leur appréciation souveraine.
Le moyen ne saurait être accueilli.
Sur le deuxième moyen de cassation :
Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 65 du NCPC pour violation du principe du contradictoire.
Le moyen fait grief aux juges d’appel d’avoir relevé d’office, sans respecter le principe du contradictoire, que, faute d’existence d’une « évaluation neutre des actifs » du Fonds, la créance alléguée ne remplissait pas le caractère de certitude suffisant pour justifier l’octroi d’une autorisation de saisir-arrêter.
En ce qui concerne l’apparence de certitude, l’arrêt d’appel est motivé comme suit :
« En l’occurrence, SOCIETE1.) invoque comme créance à l’égard du Fonds son droit au paiement du Removal Entitlement tel que prévu aux articles 20.3.2 à 20.3.4 du LPA.
Comme la base de calcul du Removal Entitlement est litigieuse entre parties, tant l’existence que le quantum du Removal Entitlement sont contestés par le Fonds.
C’est à juste titre que le juge de première instance a décidé « qu’il ressort de l’article 20.3.3 du LPA que le Removal Entitlement correspondant au montant que SOCIETE1.) aurait touché s’il avait été mis fin au Fonds, tous les investissements avaient été vendus et les produits ainsi réalisés avaient été distribués conformément à l’article 9 du LPA au jour de la révocation du gérant (« […] the amount which the Carried Interest Partner would have received if the Partnership were terminated, the Investments sold at their Value, the proceeds received and then distributed by the Partnership in accordance with the clause 9 on the date on which […] the Special Consent (in the cas of clause 20.2) is passed. »).
C’est encore à bon escient qu’il a retenu que le Removal Entitlement dépend directement de la valeur des actifs du Fonds, et plus particulièrement de l’existence d’un produit distribuable au sens de l’article 9 du LPA, de sorte que non seulement le quantum mais également l’existence même du Removal Entitlement dépend de l’évaluation des actifs du Fonds à la date de révocation de SOCIETE19.).
Il est constant en cause qu’il n’existe pas d’évaluation indépendante des actifs du Fonds pour des raisons fortement querellées entre parties.
Pour justifier l’apparence de certitude de la créance invoquée et obtenir l’autorisation de saisir-arrêter, SOCIETE1.) s’était basée sur le rapport SOCIETE17.) ainsi que sur le calcul fait subséquemment par la société SOCIETE18.) du Removal Entitlement.
Concernant l’évaluation dressée par la société SOCIETE17.) que SOCIETE1.) qualifie d’évaluateur indépendant, force est de relever que la société SOCIETE17.) affirme avoir été chargée en date du 16 juillet 2021 par SOCIETE19.) et elle énonce que son rapport a été dressé « in the context of estimation of Fair Value of the Fund’s portfolio of equity and fixed income investments ; Net Adjusted Book Value derivation as of the June 30th 2021 (« Valuation Date »).
[…] This Report was prepared on your specific instructions solely for the purpose of a Fund’s financial reporting ».
Dans son rapport du 6 août 2021, la société SOCIETE17.) a émis des réserves, dont notamment les suivantes :
* The contents of our Report have been reviewed by “Management”, who have confirmed to us their factual accuracy.
* We have based our analysis on the business plans (“SOCIETE20.)” or “Client SOCIETE20.)”) provides by the Client […].
* Most of the inputs and assumptions in the SOCIETE20.) are highly technical in nature and are based on the Management’s judgment.
* Our work in connection with this assignment is of a different nature to that of an audit in accordance with generally accepted accounting principals and we therefore cannot and will not render an opinion of any financial information reported by us. All the information we have received is the responsibility of the Management. We have not sought to establish the reliability of the information given to us except as specifically stated in the Report. Consequently, we give no assurance on such information.
* We were reliant on the accuracy and competences of the underlying information supplied to us. We did non audit or otherwise verify this information and therefore did not check the accuracy on the information or any explanation provided.
* We were not provided with the financial statements as of Valuation Date for all entities within the valuation perimeter, hence the cash and debt amounts are based on the Management’s assumptions.
Au vu des réserves exprimées, la société SOCIETE17.) affirme avoir accompli son travail sur base des informations lui fournies par SOCIETE19.), informations pour lesquelles elle décline toute responsabilité quant à leur véracité.
Dès lors, le rapport SOCIETE17.) ne saurait être considéré comme une évaluation neutre des actifs au sens de l’article 20.3.3 du LPA.
Ce n’est donc pas seulement le montant de la créance qui dépendra du résultat d’un compte à établir par un évaluateur indépendant, mais l’existence même de la créance invoquée.
Il est superflu d’analyser la question de savoir si l’évaluation faite par la société SOCIETE17.) est susceptible d’être confirmée par les conclusions de l’expert Laplume compte tenu du fait que la Cour est amenée à apprécier si une apparence de certitude de créance existait au jour de la requête en autorisation de saisir-arrêter du 22 septembre 2022 et que le rapport Laplume, établi le 13 avril 2023, est bien postérieur à cette date.
A titre superfétatoire et juste pour être complet, concernant le calcul du Removal Entitlement prétendument calculé par la société SOCIETE18.), la Cour se doit de constater que la pièce numéro 5 versée par le mandataire de SOCIETE1.) et intitulée « Document établi par l’administrateur du Fonds déterminant sur base de l’évaluation du 30 juin 2021 la valeur du Carried Interest, à savoir le Removal Entitlement » n’est pas susceptible d’emporter sa conviction motifs pris que cette pièce se compose de trois pages qui semblent être un extrait d’une pièce non versée en son intégralité et que l’auteur de la pièce numéro 5 n’y est même pas renseigné.
Au 22 septembre 2022, la créance alléguée par SOCIETE1.) n’a pas fait l’objet d’une évaluation neutre et il n’existait aucune pièce probante concernant le calcul du Removal Entitlement, à supposer pour les besoins de la discussion qu’il soit dû en principe.
Il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que SOCIETE1.) reste en défaut d’établir que la créance alléguée remplit le caractère de certitude suffisant pour justifier l’octroi d’une autorisation de saisir-arrêter, de sorte que l’appel n’est pas fondé et que l’ordonnance du 4 novembre 2022 est à confirmer. » Il ressort clairement de cette motivation que la fiabilité des documents invoqués par SOCIETE1.) était au cœur des débats et que les parties étaient en total désaccord concernant l’existence d’une évaluation indépendante des actifs du Fonds.
La Cour d’appel a conclu que la créance alléguée ne remplissait pas le caractère de certitude suffisant pour justifier l’octroi d’une autorisation de saisir-arrêter en se basant exclusivement sur des éléments qui étaient dans les débats, sans relever un moyen d’office.
Le moyen manque en fait.
Subsidiairement :
Sous le couvert du grief tiré d’une violation de la disposition visée au moyen, le moyen tend à remettre en cause les conclusions des juges du fond concernant le caractère certain de la créance alléguée, qui relèvent de leur appréciation souveraine.
Le moyen ne saurait être accueilli.
Sur le troisième moyen de cassation :
Le troisième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 694 du NCPC, qui dispose que « s’il n’y a pas de titre, le juge du domicile du débiteur et même celui du domicile du tiers-
saisi pourront, sur requête, permettre la saisie-arrêt et opposition ».
Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir retenu que l’existence même de la créance dépendait de la valeur des actifs du Fonds à la date de révocation de SOCIETE19.), imposant ainsi une condition de liquidité de la créance.
Principalement :
La disposition visée au moyen désigne seulement le juge compétent pour autoriser une saisie-
arrêt en cas d’absence de titre, sans toutefois déterminer les conditions de pareille autorisation.
Au cas où la créance invoquée n’est pas liquide, c’est le paragraphe 2 de l’article 695 du NCPC qui est applicable. Il dispose que « si la créance pour laquelle on demande permission de saisie-arrêt n’est pas liquide, l’évaluation provisoire en sera faite par le juge. » Le grief invoqué est étranger à la disposition visée au moyen.
Le moyen est irrecevable.
Subsidiairement :
Le moyen procède d’une lecture erronée de l’arrêt dont pourvoi.
Lorsque les juges d’appel retiennent que « ce n’est donc pas seulement le montant de la créance qui dépendra du résultat d’un compte à établir par un évaluateur indépendant, mais l’existence même de la créance invoquée », ils se sont prononcés par rapport à l’exigence de certitude suffisante, sans imposer une condition de liquidité de la créance invoquée.
Le moyen manque en fait, sinon n’est pas fondé.
Sur le quatrième moyen de cassation :
Le quatrième moyen est tiré de la violation de l’article 1134 du Code civil et il est fait grief à l’arrêt dont pourvoi d’avoir dénaturé l’article 20.3.3 du Contrat en retenant que la condition d’apparence de certitude n’était pas remplie au motif que le rapport SOCIETE17.) ne saurait être considéré comme une évaluation « neutre » des actifs du Fonds au sens dudit article.
D’après une jurisprudence constante9, Votre Cour refuse de contrôler la prétendue dénaturation de stipulation contractuelles par les juges du fond.
Sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition visée, le moyen ne tend qu’à remettre en cause l’interprétation d’une clause contractuelle par les juges du fond, qui relève de leur pouvoir d’appréciation souverain.
Le moyen ne saurait être accueilli.
Sur le cinquième moyen :
Le cinquième moyen est tiré de la violation de l’article 66 du NCPC, qui dispose que « lorsque la loi permet ou la nécessité commande qu’une mesure soit ordonnée à l’insu d’une partie, celle-ci dispose d’un recours approprié contre la décision qui lui fait grief ».
Le moyen reproche à la Cour d’appel d’avoir refusé de prendre en considération le Rapport Laplume du 13 avril 2023, qui confirmait l’évaluation des actifs du Fonds du Rapport SOCIETE17.).
Sont plus particulièrement visés les motifs suivants de l’arrêt :
« Le juge saisi d’une demande en rétractation doit se contenter d’une apparence de certitude atténuée pour admettre ou non la rétractation, étant à préciser que cette apparence de certitude de créance doit être appréciée au jour de la requête initiale, et non pas au jour des plaidoiries de la demande en rétractation de l’ordonnance unilatérale. » 9 p.ex. Cass. n°21 / 2024 du 01.02.2024, n° CAS-2023-00095 du registre ; Cass. n° 104 / 2024 du 04.07.2024, n°CAS-2023-00141 du registre et « Il est superflu d’analyser la question de savoir si l’évaluation faite par la société SOCIETE17.) est susceptible d’être confirmée par les conclusions de l’expert Laplume compte tenu du fait que la Cour est amenée à apprécier si une apparence de certitude de créance existait au jour de la requête en autorisation de saisir-arrêter du 22 septembre 2022 et que le rapport Laplume, établi le 13 avril 2023, est bien postérieur à cette date. » La demanderesse en cassation fait valoir que le juge saisi de la demande en rétractation doit se placer au jour où il statue pour apprécier le bien-fondé de la requête initiale et non au jour de l’ordonnance querellée, en ce sens qu’il doit tenir compte des éléments survenus depuis la décision contestée. Ce serait à tort que le Rapport Laplume aurait été écarté au motif qu’il est postérieur à la requête en autorisation de saisir-arrêter.
Le grief soulevé a dès lors trait aux preuves qui ont été prises en compte par les juges du fond.
Or, l’article 66 du NCPC ne garantit que le droit de pouvoir exercer une voie de recours. Cette disposition ne comporte aucune indication quant au moment où le juge doit se placer pour apprécier le bien-fondé du recours ni d’obligation quant aux preuves à prendre en compte.
Dans le cadre d’un pourvoi dans une autre affaire ayant trait à une demande en annulation ou en rétractation d’une ordonnance de saisir-arrêter, Votre Cour a d’ailleurs récemment décidé que « l’article 66 du Nouveau Code de procédure civile requiert l’existence d’un recours contre toute décision unilatérale, sans en fixer le régime juridique. L’office du juge saisi d’une demande en rétractation sur base de cette disposition légale est identique à celui du juge ayant statué initialement de façon unilatérale. 10» Le grief soulevé est partant étranger à la disposition visée au moyen.
Le moyen est irrecevable.
Sur le sixième moyen de cassation :
Le sixième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’Homme (ci-après CEDH).
Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir refusé de prendre en considération le Rapport Laplume du 13 avril 2023. Les motifs visés sont les mêmes que dans le moyen précédent et la demanderesse en cassation fait valoir que le juge saisi de la demande en rétractation doit se placer au jour où il statue pour apprécier le bien-fondé de la requête initiale et non au jour de l’ordonnance querellée.
Principalement :
« Selon la jurisprudence de la Cour [européenne des droits de l’Homme], si la Convention garantit le droit à un procès équitable, elle ne règlemente ni la charge de la preuve, ni la 10 Cass. n° 13 / 2024 du 25.01.2024, n°CAS-2023-00062 du registre recevabilité, ni la force probante, ni l’appréciation de la fiabilité des éléments de preuve, ni l’appréciation en tant que telle des preuves recueillies, ou des faits de la cause, ni l’interprétation qu’il y a lieu de leur réserver, ni même la pertinence de celles dont le prévenu souhaite la production, questions qui relèvent au premier chef du droit interne et de la compétence des juridictions nationales. Fondamentalement, « la question de l’appréciation des preuves relève du pouvoir discrétionnaire des tribunaux indépendants et impartiaux », le juge ayant le pouvoir d’apprécier impartialement tous les éléments de droit ou de fait qui lui sont soumis eu égard aux questions qu’il est appelé à résoudre.
La tâche assignée à la Cour par la Convention ne consiste donc pas à se prononcer sur le point de savoir si des preuves ont été à bon droit admises comme preuves mais davantage à rechercher si la procédure considérée dans son ensemble, en ce compris la manière dont les preuves ont été recueillies et administrées en justice, a revêtu un caractère équitable.»11 L’article 6 § 1 de la CEDH n’impose dès lors aucune obligation spécifique au juge en qui concerne l’appréciation de la pertinence des éléments de preuve qui lui sont soumis, respectivement en ce qui concerne le moment où il doit se placer pour apprécier le bien-fondé d’une demande.
Le grief fait à la décision entreprise est partant étranger à la disposition visée au moyen.
Le moyen est irrecevable, sinon non fondé.
Subsidiairement :
L’arrêt entrepris n’a pas tout simplement refusé d’examiner le Rapport Laplume, mais il l’a examiné et l’a expressément écarté au motif qu’il était postérieur à la date à laquelle la Cour d’appel devait se placer pour apprécier l’apparence de certitude de la créance.
Ce faisant, les juges d’appel ont procédé à un examen effectif de ce Rapport.
Le moyen n’est pas fondé.
Conclusion Le pourvoi est recevable mais non fondé.
Pour le Procureur Général d’Etat, Le premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER 11 Justice pénale et procès équitable, volume I, PERSONNE9.), éditions Larcier 2006, n° 831, p.526 31