GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 50725C ECLI:LU:CADM:2024:50725 Inscrit le 11 juillet 2024 Audience publique du 7 novembre 2024 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 18 juin 2024 (n° 49384 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel inscrit sous le numéro 50725C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 11 juillet 2024 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Iran) et être de nationalité iranienne, demeurant à L-…, dirigé contre le jugement du 18 juin 2024 (n° 49384 du rôle), par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg l’a débouté de son recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 22 août 2023 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 8 août 2024;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;
Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du gouvernement Felipe LORENZO en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 octobre 2024.
Le 27 août 2020, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après « la loi du 18 décembre 2015 ».
Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée-
police des étrangers, dans un rapport du même jour.
En date des 13, 19 et 31 janvier 2022, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 22 août 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après « le ministre », rejeta la demande de protection internationale de Monsieur (A), tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Cette décision est formulée comme suit :
« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 27 août 2020, auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes, sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).
Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.
1. Quant à vos motifs de fuite En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 27 août 2020, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 13, 19 et 31 janvier 2022 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.
Il résulte de vos déclarations que vous seriez originaire de Téhéran en Iran, de confession musulmane et ferronnier de profession.
Vous avancez vous être marié en 2004 à … avec une dénommée (B), née le … en Iran, de nationalité iranienne et que vous […] une fille dénommée (A1), née le … à …, de nationalité iranienne.
Vous affirmez que vous auriez peur d'être « exécuté » en cas de retour dans votre pays d'origine.
Dans ce contexte, vous faites ensuite état d'un incident tragique qui aurait eu lieu le samedi, 4 février 2017. Vous déclarez que vous vous seriez disputé avec votre épouse au sujet d'un éventuel changement d'appartement et que vous en seriez « venu aux mains » en la poussant lors de votre altercation. Elle aurait alors « trébuché » et se serait en conséquence heurtée la tête contre le chauffage, respectivement le radiateur.
Vous indiquez que vous vous seriez immédiatement précipité vers elle et que vous lui auriez aspergée de l'eau sur le visage. Votre épouse serait revenue à elle-même mais aurait cependant parlé lentement, raison pour laquelle vous l'auriez emmenée à l'hôpital « … ».
Questionné par le personnel de l'hôpital sur ce qui serait survenu à votre épouse, vous auriez menti en allégeant qu'il se serait agi d'un accident. Les médecins vous auraient informé qu'elle tombait dans un coma, sur quoi vous auriez paniqué et appelé vos parents afin qu'ils se rendent à l'hôpital pour notamment payer les frais d'hospitalisation. Vous vous seriez ensuite échappé de l'hôpital sans même attendre l'arrivée de vos parents alors que vous auriez paniqué et votre épouse serait décédée à l'hôpital le jour même suite à ses blessures.
Vous seriez allé en bus chez un ami, qui résiderait dans la ville de … située dans la province de …, à environ six ou sept heures de …. Vous lui auriez avoué les faits et il vous aurait hébergé à son domicile durant deux semaines, jusqu'à ce que vous quittiez l'Iran avec l'aide de votre père.
Vous expliquez en outre que vos beaux-parents auraient porté plainte contre vous et vous mentionnez que votre domicile aurait été perquisitionné et mis sous scellé, raison pour laquelle vous n'auriez pas accès à vos documents.
Vous affirmez qu'il y aurait entre-temps eu un jugement, mais vous avancez que vous n'auriez aucune information sur son contenu et au sujet de la procédure judicaire engagée à votre encontre.
En effet, vous indiquez que: « Je ne suis absolument pas au courant de mon procès et je ne veux pas le savoir mais je sais que j'ai un avocat et qu'il y a eu un jugement mais je ne connais pas le jugement non plus car je n'ai pas demandé. Ecoutez, je suis responsable de cet acte ! (…) » (p.10/18 de votre rapport d'entretien).
Or, vous déclarez en même temps que: « J'ai été condamné pour le meurtre de ma femme car ma fuite était un élément qui a joué contre moi auprès du Tribunal. Tout le monde a dit que j'étais coupable et c'est pour cela que je me suis échappé du pays. Du coup la garde de mon enfant a été octroyée aux grands-parents maternels et ils interdisent à mes parents qu'ils voient leur petite-fille (…) » (p.4/18 de votre rapport d'entretien).
A cet égard, vous précisez qu'il s'agirait d'une supposition de votre part, étant donné que vous auriez fui votre pays d'origine après le décès de votre épouse et que par conséquent, les autorités iraniennes pourraient vous « (…) désigner en tant qu'assassin (…) » (p.5/18 de votre rapport d'entretien).
Vous précisez encore avoir quitté l'Iran en février 2017, muni d'un faux passeport français. Vous auriez vécu environ deux ans en Turquie, ainsi qu'un an et quelques mois en Grèce. Vous seriez ensuite passé par …, … et … pour vous rendre au Luxembourg. Enfin, vous vous seriez débarrassé de votre faux passeport, alors que vous seriez arrivé à destination.
Vous ajoutez en outre que vous n'auriez aucun contact avec votre fille depuis cinq ans et que vos parents vous auraient récemment prié de ne plus les contacter.
Vous ne présentez aucune pièce à l'appui de votre demande de protection internationale.
2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.
• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.
Aux termes de l'article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».
L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.
Force est toutefois de constater que vos craintes sont dénuées de tout lien avec les motifs énumérés par la Convention de Genève et la Loi de 2015, étant donné que vous ne craignez pas de subir des représailles de la part des autorités iraniennes à cause de votre race, de votre nationalité, de votre religion, de vos opinions politiques ou encore de votre appartenance à un groupe social déterminé.
En effet, il ressort clairement de votre récit que vous auriez peur d'être condamné par les autorités iraniennes du fait que votre épouse serait décédée en conséquence des blessures que vous lui auriez infligée après que vous en seriez venu aux mains lors d'une dispute conjugale au sujet d'un éventuel déménagement.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l'une d'entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que vous ne sauriez bénéficier du statut de réfugié.
Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.
• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.
L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi. Or, en l'espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.
Il sied de souligner qu'à l'appui de votre demande de protection subsidiaire, vous invoquez en substance les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de votre demande de reconnaissance du statut de réfugié.
En effet, il ressort de vos propres déclarations que vous vous seriez disputé avec votre épouse au sujet d'un éventuel changement d'appartement, respectivement, de domicile et que vous en seriez venu aux mains. Vous l'auriez poussée, votre épouse serait tombée et se serait heurtée la tête contre le radiateur. Elle aurait été gravement blessée et serait décédée le jour même à l'hôpital suite à ses blessures. Vous auriez alors quitté votre pays d'origine pour fuir les conséquences judiciaires.
Dans ce contexte, vous avancez que vos beaux-parents auraient porté plainte contre vous et que vos parents auraient fait recours à un avocat pour vous défendre. Vous avancez en outre que vous n'auriez jamais demandé des détails concernant la procédure judiciaire qui serait en cours à votre encontre dans le cadre du décès de votre épouse et que vous n'auriez accès à aucun document, étant donné que votre domicile en Iran serait sous scellés.
Ensuite, vous alléguez qu'il y aurait eu un jugement à votre encontre, mais que vous ne connaitriez pas son contenu en présumant que vous seriez certainement considéré comme le meurtrier de votre épouse. Dans ce contexte, vous mentionnez : « (…) c'est clair que quand ma femme est décédée et que j'ai fui l'Iran, leur décision ne pourrait être que de me désigner en tant qu'assassin de ma femme » (p.5/18 de votre rapport d'entretien).
Monsieur, il sied de noter que vous restez en défaut de prouver que vous risqueriez la peine de mort, respectivement que vous auriez été condamné à cette peine capitale.
Vous ne semblez à aucun moment lors de votre séjour en Europe, respectivement au Luxembourg, avoir eu le réflexe ou l'envie de vous procurer une quelconque preuve concrète qui permettrait d'appuyer vos déclarations, respectivement, de vous faire envoyer ces documents.
Or, fournir des pièces pouvant démontrer qu'une condamnation à la peine de mort aurait eu lieu, n'est pas quelque chose d'inaccessible, bien au contraire c'est un fait facile à prouver alors que vos parents s'occuperaient de votre affaire et vous auriez pour le surplus un avocat en Iran.
Monsieur, rien ne nous permet dès lors d'établir que vous feriez l'objet de la peine de mort, respectivement d'une condamnation disproportionnée, de sorte qu'on ne saurait retenir l'existence dans votre chef de devenir victime d'atteintes graves au sens des prédits textes dans le cas d'un retour dans votre pays d'origine.
Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 septembre 2023, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 22 août 2023 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
Par jugement du 18 juin 2024, le tribunal administratif, reçut le recours en réformation en la forme, au fond, le déclara non justifié et en débouta le demandeur, tout en le condamnant aux frais de l’instance.
Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 11 juillet 2024, Monsieur (A) a régulièrement relevé appel de ce jugement.
A l’appui de son appel, il invoque sa crainte d’être persécuté, en cas de retour en Iran, par les autorités iraniennes et par la famille de sa défunte épouse pour avoir causé la mort de cette dernière, décédée des suites d’une mauvaise chute causée par l’appelant lors d’une dispute conjugale. Il souligne le fait qu’il aurait, en toute transparence, avoué ce fait aux autorités luxembourgeoises, estimant ne pas pouvoir retourner dans son pays d'origine alors qu’il y risquerait de subir un procès et une sanction pénale disproportionnée pouvant être qualifiés de traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après « la CEDH ». Ce serait pour cette raison qu’il aurait fui l’Iran en 2017, cherchant d’abord refuge en Turquie durant deux ans avant de déposer sa demande d’asile au Luxembourg le 27 août 2020.
En droit, l’appelant déclare tout d’abord maintenir l’ensemble de ses moyens de première instance, tel que résultant de sa requête introductive de première instance.
Il soutient ensuite, sans vouloir contester sa culpabilité dans le décès de son épouse, risquer la peine de mort en cas de retour en Iran, pays où la législation relative aux violences conjugales serait extrêmement sévère. Il se prévaut à cet effet de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, selon laquelle l’expulsion ou l’extradition d’une personne vers un pays où elle risquerait de subir la peine de mort ou la torture serait constitutive d’une violation de l’article 3 de la CEDH. Il considère ainsi que le fait de le renvoyer en Iran méconnaitrait également son droit à un procès équitable, tel que garanti par les articles 6 et 13 de la CEDH.
Dans ce contexte, l’appelant réitère que le code pénal iranien prévoirait la peine de mort en représailles (« ghesas ») pour le meurtre d’une femme musulmane et que le pouvoir décisionnel quant à l’application de cette peine reviendrait aux héritiers de la victime, qui, en l’espèce, seraient ses beaux-parents. Or, son beau-père aurait annoncé aux autorités iraniennes qu’il aurait délibérément tué son épouse afin d’obtenir l’application de la sanction par représailles, à savoir la peine de mort, de sorte qu’il serait, en l’espèce, établi qu’il risquerait de subir une sanction disproportionnée dans son pays d’origine et que le statut de réfugié devrait lui dès lors être accordé.
Il se prévaut ensuite de deux rapports d’Amnesty International du 4 avril 2024 et du 29 mai 2024 et d’un rapport de Human Rights Watch du 12 mai 2023, d’après lesquels le nombre d’exécutions en Iran ne cesserait d’augmenter.
Il en déduit que son cas serait plus que préoccupant, alors qu’un homicide involontaire serait traité avec une sévérité disproportionnée par le système judiciaire iranien qui ne distinguerait pas entre un acte volontaire et un crime prémédité, d’autant qu’il risquerait la peine de mort en raison de la pression exercée par la famille de sa défunte épouse.
Il estime partant remplir les conditions pour se voir octroyer le statut de réfugié, ou à tout le moins, celui conféré par la protection subsidiaire.
Le délégué du gouvernement sollicite en substance la confirmation du jugement entrepris.
La Cour se doit de préciser itérativement que le fait pour une partie appelante de renvoyer, de manière générale, à ses moyens en droit exposés en première instance ne saurait suffire pour que la Cour soit appelée à réexaminer l’ensemble des conclusions de première instance, étant précisé que l’appel est nécessairement dirigé contre un jugement et les conclusions de première instance prises à l’encontre de la décision ministérielle au fond ne sauraient valoir ipso facto et ipso jure, par référence, comme moyens d’appel, étant donné que par essence elles ne sont pas formulées par rapport au jugement de première instance non encore intervenu au moment où elles ont été prises. Partant, la Cour limitera son examen aux moyens développés dans la requête d’appel.
Quant au fond, il se dégage de la combinaison des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, que doit être considérée comme réfugiée toute personne qui a une crainte fondée d’être persécutée et que la reconnaissance du statut de réfugié est notamment soumise aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
En ce qui concerne la demande d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire, celle-ci est définie par l’article 2 sub g) de la loi du 18 décembre 2015 qui dispose que peut bénéficier de la protection subsidiaire « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
L’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, à savoir « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international », et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.
Par ailleurs, l’octroi d’une protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.
L’appelant invoque en substance sa crainte d’être exposé, en cas de retour dans son pays d'origine, à des persécutions du fait des autorités iraniennes et de la famille de sa défunte épouse, laquelle revendiquerait l’application de la peine de mort à son encontre pour avoir causé la mort de son épouse.
En ce qui concerne la demande de reconnaissance du statut de réfugié, la Cour considère, à la suite du ministre, que la crainte de persécution afférente de l’appelant n’est pas liée à l’un des critères de rattachement de l’article 1er de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, à savoir la race, la nationalité, la religion, les opinions politiques ou l’appartenance à un groupe social, de sorte qu’elle ne relève pas du champ d’application de ladite convention et ne saurait partant justifier l’octroi du statut de réfugié.
Quant à la demande d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire, à l’appui de laquelle l’appelant invoque les mêmes faits que ceux qui sont à l’origine de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié, à savoir sa crainte d’être exposé à une sanction disproportionnée par représailles, et notamment d’être condamné à la peine de mort pour avoir causé la mort de son épouse, la Cour, à l’instar des premiers juges, est amenée à la conclusion que celle-ci doit s’analyser comme étant purement hypothétique.
En effet, à admettre que l’épouse de l’appelant soit décédée des suites des blessures causées par leur dispute conjugale, il convient de relever que l’appelant n’est toujours pas en mesure de démontrer qu’il aurait effectivement fait l’objet d’une condamnation en Iran, ni qu’il risquerait d’y subir une sanction disproportionnée. Il se borne à affirmer que ses beaux-parents auraient porté plainte contre lui et qu’il y aurait eu entretemps un jugement en son absence, sans toutefois fournir un quelconque élément probant à cet égard, malgré le fait qu’il a déclaré que ses parents auraient fait appel à un avocat pour sa défense, qui aurait donc en principe dû pouvoir obtenir un prétendu jugement de condamnation. Le seul fait que l’appelant a déclaré ne pas avoir demandé à connaître l’issue de son procès, affirmant ne rien vouloir en savoir, tout en déduisant, du fait que ses parents lui auraient conseillé de ne plus rentrer en Iran, qu’il aurait été condamné, n’est pas suffisant pour établir une quelconque condamnation dans son chef.
Quant aux dispositions du code pénal iranien citées par l’appelant, indépendamment du fait qu’il reste en défaut d’en verser une traduction certifiée par un traducteur assermenté, leur invocation, à elle seule, ne saurait suffire pour pouvoir retenir que l’appelant ait fait l’objet d’une condamnation en Iran pendant son absence ou qu’il ne pourrait pas bénéficier d’un procès équitable en cas de retour en Iran.
S’y ajoute que les déclarations de l’appelant à ce sujet ne sont pas cohérentes, ainsi que cela a été relevé par les premiers juges, alors qu’il a expliqué son incapacité à se procurer des éléments de preuve par la mise sous scellé de son domicile pour ensuite déclarer que des documents relatifs à son procès auraient été envoyés à ses parents en raison de son absence, sans pour autant tenter d’obtenir davantage d’informations relatives à la procédure engagée à son encontre.
Si l’appelant s’appuie encore sur les rapports précités d’organisations internationales pour appuyer son argumentation selon laquelle il risquerait une peine disproportionnée en cas de retour en Iran, la Cour observe que ces rapports font certes état d’une augmentation récente du nombre d’exécutions en Iran, la majorité de ces mises à mort sont cependant liées à des affaires de drogues, de terrorisme, de blasphème et de stupéfiants, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Il reste ainsi en défaut de fournir des éléments concrets et circonstanciés qui permettraient de retenir qu’il risquerait la peine de mort du fait de la mort accidentelle de son épouse. La Cour rappelle à cet égard que la simple invocation de rapports faisant état, de manière générale, de violations des droits de l’homme dans un pays, ne suffit pas à établir que tout ressortissant de ce pays y a une crainte fondée de persécution ou d’atteintes graves. Il incombe au demandeur de démontrer in concreto qu’il a personnellement des raisons de craindre d’être persécuté au regard des informations disponibles sur son pays.
La Cour rejoint dès lors les premiers juges en leur conclusion que le risque de l’appelant d’être condamné à la peine de mort, peine qui serait revendiquée par ses beaux-parents à titre de sanction par représailles en application de la loi iranienne, ne sont que purement hypothétiques, car non soutenues par un quelconque élément probant, et ne sauraient dès lors justifier l’octroi dans son chef du statut conféré par la protection subsidiaire, vu sous l’angle des points a) et b) de l’article 48, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants.
Enfin, la Cour constate qu’il n’est pas soutenu, et il ne ressort pas non plus des pièces du dossier, que la situation dans le pays d'origine de l’appelant correspondrait actuellement à un contexte de violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé interne ou international au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015.
C’est dès lors à bon droit que le ministre d’abord, puis les premiers juges, ont rejeté la demande de protection internationale de l’appelant, prise en son volet principal et subsidiaire.
L’appelant sollicite encore, par réformation du jugement, la réformation de l’ordre de quitter le territoire.
Or, comme le jugement entrepris est à confirmer en tant qu’il a rejeté la demande d’octroi du statut de la protection internationale de l’appelant et que le refus dudit statut entraîne automatiquement l’ordre de quitter le territoire, l’appel dirigé contre le volet de la décision des premiers juges ayant refusé de réformer cet ordre est encore à rejeter.
L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelant et de confirmer le jugement entrepris.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel en la forme, au fond, déclare l’appel non justifié et en déboute l’appelant, partant, confirme le jugement entrepris du 18 juin 2024, condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par:
Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.
s. SCHINTGEN s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 7 novembre 2024 Le greffier de la Cour administrative 10