GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 50356C ECLI:LU:CADM:2024:50356 Inscrit le 22 avril 2024
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Audience publique du 10 octobre 2024 Appel formé par la société à responsabilité limitée (AA), …., contre un jugement du tribunal administratif du 11 mars 2024 (n° 48872 du rôle) en matière de chômage partiel
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Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 50356C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 22 avril 2024 par la société à responsabilité limitée HARVEY, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1930 Luxembourg, 22, avenue de la Liberté, immatriculée au R.C.S. de Luxembourg sous le numéro B 245948, représentée aux fins de la présente instance par Maître Guy PERROT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée (AA), établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant actuellement en fonctions, dirigée contre le jugement rendu le 11 mars 2024 (n° 48872 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg a déclaré non fondé, partant rejeté son recours en annulation dirigé contre six décisions du ministre de l’Economie du 31 janvier 2023 refusant de lui accorder le bénéfice des aides prévues en matière de chômage partiel de source conjoncturelle respectivement pour les mois de septembre, octobre, novembre et décembre 2022, ainsi que les mois de janvier et février 2023;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 21 mai 2024;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 21 juin 2024 en nom et pour compte de la partie appelante;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 22 août 2024;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;
1Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Alev ACER, en remplacement de Maître Guy PERROT, et Monsieur le délégué du gouvernement Yannick GENOT entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 1er octobre 2024.
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Par le biais de six formulaires de demande signés électroniquement respectivement les 4 août 2022, 9 septembre 2022, 11 octobre 2022, 10 novembre 2022, 12 décembre 2022 et 12 janvier 2023, la société à responsabilité limitée (AA), ci-après la « société (AA) », introduisit auprès du ministère de l’Economie, ci-après le « ministère », des demandes d’octroi de chômage partiel de source conjoncturelle pour les mois de septembre 2022 à février 2023.
Lors de sa séance du 23 janvier 2023, le Comité de conjoncture avisa défavorablement ces six demandes en obtention du chômage partiel, l’extrait du procès-verbal de la réunion afférente de ce dernier, tel que figurant au dossier administratif, étant rédigé comme suit :
« (…) 2. Demandes de chômage partiel Au mois de janvier, 93 demandes de travail à horaire réduit ont été introduites en vue de bénéficier au mois de février 2023 des dispositions prévues au Titre 1er, Livre V, du Code du Travail.
Ces 93 demandes ont été avisées comme suit :
• 72 demandes de source conjoncturelle parmi lesquelles :
o 66 demandes favorables ;
o 6 demandes défavorables :
✓ 4 demandes rattachées à un secteur d’activités non-éligible ;
✓ (AA) Sàrl : Les conclusions des enquêtes confirment des abus significatifs en matière de déclarations des nombres effectifs d’heures chômées et de salariés aux chômages. Qui plus est, l’entreprise semblerait fonctionner davantage comme une société intérimaire ;
Pour rappel : Suspicion de fraude en matière d’heures réelles chômées et suite à plusieurs licenciements effectués durant la période de 03.2020 à 08.2022 alors que la société a bénéficié, durant cette même période, d’indemnités de chômage ; (…) ».
Il se dégage du dossier administratif que ledit avis défavorable fit suite à un premier avis émis par le Comité de conjoncture lors de sa séance du 23 août 2022, l’extrait du procès-verbal de ladite séance étant rédigé comme suit :
« (…) Demandes de chômage partiel Au mois d’août, 61 demandes de travail à horaire réduit ont été introduites en vue de bénéficier au mois de septembre 2022 des dispositions prévues au Titre 1er, Livre V, du Code du Travail.
Ces demandes ont été avisées comme suit :
2• 46 demandes de source conjoncturelle parmi lesquelles :
o 43 demandes favorables ;
o 2 demandes défavorables ;
o 1 demande en attente : (AA) Sàrl :
Un contrôle est en cours de la part de la CCSS et de l’ADEM, pour prendre connaissance des raisons de plusieurs licenciements effectués durant la période de 03.2020 à 08.2022 alors que la société a bénéficié, durant cette période, d’indemnités de chômage partiel (…) ».
Par le biais de six courriers tous datés du 31 janvier 2023, le ministre de l’Economie informa la société (AA) qu’il n’avait pas été fait droit à ses demandes d’octroi du chômage partiel en relation avec les mois de septembre 2022 à février 2023. Lesdits courriers, quoique portant chacun sur un mois différent, sont pour le reste motivés de la même manière, à savoir comme suit :
« (…) J’ai l’honneur de vous informer que, dans sa séance du 23 Janvier 2023, le Comité de conjoncture a examiné votre dossier sollicitant pour le mois de (…), le bénéfice des aides prévues en matière de chômage partiel à l’article L. 511-3 et suivants du Code du travail, et rendu l’avis légalement prévu.
Je vous informe que, sur base de cet avis, il ressort que la branche économique dont relève votre entreprise n’a pas été retenue par le Conseil de Gouvernement.
En conséquence, les ministres ayant l’emploi et l’économie dans leurs attributions n’ont pas pu retenir votre demande au titre des dispositions de l’article L. 511-4 (1) et (2) du Code précité.
Toutefois, si votre demande devait porter sur une mesure d’aide de chômage partiel structurel, je vous prie d’introduire via le site MyGuichet.lu un plan de redressement ou un plan de maintien dans l’emploi conforme aux dispositions de l’article 513-1 et suivants du Code du travail, en sélectionnant la démarche prévue à cette fin. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 avril 2023, la société (AA) fit introduire un recours tendant à l’annulation de ces six décisions ministérielles.
Par jugement du 11 mars 2024, inscrit sous le numéro 48872 du rôle, le tribunal administratif rejeta ce recours pour manquer de fondement.
Les premiers juges relevèrent que la partie étatique avait complété la motivation des décisions de refus litigieuses en ce sens que sans préjudice de ce que les entreprises du secteur de l’industrie manufacturière étaient admises au bénéfice du chômage partiel de source conjoncturel, l’activité principale réellement exercée par la société (AA) ne pouvait y être assimilée, mais relèverait de la prestation de services d’intérim, voire du prêt de main-d’œuvre.
Au-delà, elle ne remplirait pas non plus les conditions légales en matière d’octroi du chômage partiel de source conjoncturelle pour avoir licencié massivement et ensuite réembauché immédiatement après l’expiration de leurs périodes de préavis des salariés, le tout moyennant des contrats à durée déterminée (« CDD »), les premiers juges considérant ce complément de motivation légalement admissible.
3Au fond et au sujet de la question principale de savoir si la société demanderesse pouvait être considérée comme relevant du secteur d’activité pertinent de la production industrielle, les premiers juges estimèrent que la société (AA) ne pouvait pas s’appuyer sur le seul code NACE lui attribué par le STATEC, dès lors que le code en question ne correspondrait pas à son activité réellement exercée.
Pour arriver à cette conclusion, les premiers juges considérèrent qu’il se dégageait du dossier administratif, qu’après que le service en charge, auprès de l’ADEM, des aides financières pour employeurs ait constaté plusieurs irrégularités dans le dossier de la société demanderesse, ledit service avait demandé qu’un contrôle soit effectué au sein de ladite société afin de vérifier si les indemnités de chômage partiel touchées par celle-ci étaient justifiées.
Sur ce, ils pointèrent qu’il se dégagerait du rapport établi le 13 janvier 2023 par un contrôleur de l’ADEM à la suite de l’enquête en question, que :
« (…) La société qui occupe actuellement 47 salariés a fait plus de 260 déclarations d’entrée depuis 2019, dont 90 entre le 15 mars 2020 et 28 juillet 2022, période pour laquelle ils ont bénéficié des indemnités de chômage partiel.
De ces 90 nouvelles ent[r]ées, pendant une période pour laquelle ils bénéficiaient du chômage partiel, 73 salariés ont entretemps nouveau été désaffiliés, ce qui est énorme puisque le chômage partiel est censé être un outil destiné à aider l’employeur à garder son personnel concerné dans un emploi stable, ce qui est aussi la raison pour laquelle les emplois temporaires tels que le travail intérimaire et les prolongations/embauches en contrats à durée déterminée ne sont pas éligibles à cette aide.
Il y a plus d’une centaine de sorties/désaffiliations depuis le 15 mars 2020, et ce principalement pour les salariés qui avaient été embauchés après cette date.
Le nombre de dés- et ré-affiliations pour les mêmes salariés porte à penser que la société ne garde pas ses salariés dans des emplois stables mais jouerait éventuellement avec la forme des contrats en alternant contrats à durée indéterminée et à durée déterminée pour pouvoir continuer non-seulement à leur faire et refaire des contrats à durée déterminée au-delà des limites prévues par la loi, mais aussi de façon à ce qu’ils soient éligibles pour bénéficier du chômage partiel.
(Voir tableau fait par le service maintien en annexe où l’on voit bien l’alternance de contrats, qui restent souvent très courts, même pour les CDIs).
À vérifier donc les affiliations et désaffiliations des différents salariés et pourquoi ils ont à chaque fois changé de contrat (motifs des licenciements, démissions…).
À se demander si même en principe le chômage partiel aurait été dû puisque la société n’a pas arrêté d’embaucher du personnel. Il ne semblerait donc pas y avoir de réduction du travail mais plutôt un manque de main d’œuvre par rapport aux commandes. Embauches nouveau personnel pendant [le chômage] partiel.
À vérifier, dans la mesure du possible, si les salariés ont réellement chômé et pourquoi ils recrutaient du personnel supplémentaire alors qu’ils avaient du personnel en chômage partiel.
4 Autre point suspect est le fait que la société a son siège social au … à …. Ce ne seraient que de petits bureaux au 2ème étage d’une maison unifamiliale. La société n’aurait pas de réel accueil, d’entrepôt, d’atelier ou de parc automobile, pas l’infrastructure nécessaire pour une cinquantaine d’ouvriers et leur matériel.
La société n’a également pratiquement aucune présence commerciale sur le web.
À se demander si la société a une activité au Luxembourg ou juste des bureaux pour le siège, s’ils ont un atelier, un stock de marchandise/dépôt, garage/parc automobile et/ou des vestiaires autre-part (éventuellement à l’étranger, le gros de leur personnel étant frontalier).
La société a fait une perte de …€ en 2020, alors qu’ils ont perçu autour de …€ de chômage partiel et fait un chiffre d’affaire de …€.
La société a perçu plus de …€ d’indemnités de chômage partiel entre mars 2020 et juin 2022.
D’où autant de frais ? Surtout si l’on considère qu’ils ne devraient pas avoir trop de frais de fonctionnement autres que les frais de personnel (qui sont d’autant-plus en partie couverts par le CHP).
La société (AA) sàrl a comme objet social le travail de montage, de traitement et de construction métallique, les travaux d’installation électrique et les travaux de chaudronnerie, tels que la confection de citernes.
La société a deux associés à parts égales : (B) et (C) et deux administrateurs/gérants :
(D) (le mari de (B)) et Monsieur (E).
La société a des autorisations pour « … » ((D)) et pour « … » et « … » ((E)).
Selon les informations fournies par l’Administration de l’Enregistrement et des Domaines (AED), la société semble générer son chiffre d’affaire surtout à l’étranger (principalement en Allemagne) avec des prestations de service intercommunautaires.
Selon les informations reçues de la Direction départementale des finances publiques française par le biais de l’AED, Monsieur (E) est bien connu par leurs services et sévirait aussi dans plusieurs autres secteurs (textile, fitness, commerce de gros…avec une durée de vie très courte pour les sociétés) ainsi qu’au Luxembourg ((FF) Sàrl-s, siège social à la même adresse que (AA) ; pas d’affiliations/salariés).
Monsieur (D) quant à lui travaille, ou du moins travaillait aussi en 2017 comme …… pour la société (GG) à … en Allemagne (déclaration travailleur frontalier en Allemagne et résident en France. En annexe).
En 2014, la société (AA) sàrl avait été contrôlée par la douane luxembourgeoise sur le chantier d’une autre entreprise à ….. ((HH) -rapports et pièces en annexe) où un ouvrier faisait des travaux de soudure.
5Selon la dénonciation faite par l’avocat de la société (II) qui ayant déclenché le contrôle (copie en annexe), (AA) ferait bien de l’interim déguisé et du prêt (illégal) de main d’œuvre.
(AA) ne ferait pas de prestation de service pour un travail ou un chantier spécifique mais du prêt de main d’œuvre selon un tarif horaire.
Le client indiquerait à (AA) de combien d’ouvriers ils auraient besoin et (AA) leur mettrait alors à disposition le nombre voulu d’ouvriers, en recrutant si nécessaire du personnel, tel que le ferait une société intérimaire en leur facturant un forfait, apparemment sur base d’un tarif horaire.
Lors du contrôle fait par la douane, l’ouvrier en question a bien déclaré travailler pour (AA) (ce que les gérants ont plus tard confirmé), il n’avait pas de contrat de travail (1 semaine d’essai apparemment…un contrat de travail a suivi après le contrôle…) et la société n’avait pas non-plus l’autorisation nécessaire pour ce type de travaux (soudure).
Ce qui est intéressant dans ce rapport est que cet ouvrier avait toujours travaillé en interim pour le même type de travail. Pour (AA) il utilisait le matériel de soudure de la société (HH) et suivait les directives données par des employés de (HH) et ce dans les ateliers de (HH) et non une prestation pour un travail spécifique sous la direction de (AA) ; mais selon (AA) il s’agissait d’une prestation de services et non de prêt de main-d’œuvre.
À se demander si (AA) ne fait pas en fait que du prêt de main d’œuvre tel qu’une société d’interim tout en bénéficiant du chômage partiel alors que l’interim n’est pas éligible pour pouvoir bénéficier de cette aide. (…) ».
Ils ajoutèrent qu’il se dégagerait encore du rapport d’enquête qu’un premier contrôle sur place avait été effectué par l’ADEM à la fin du mois d’août 2022 au siège de la société demanderesse à ….. et que, par la suite, un nouveau contrôle sur place avait été effectué de manière inopinée audit siège en date du 26 septembre 2022, en compagnie de contrôleurs de l’Administration de l’Enregistrement et des Domaines (AED) et du Centre Commun de la Sécurité Sociale (CCSS), à la suite desquels, le contrôleur de l’ADEM était venu à la conclusion suivante :
« (…) La comptabilité semble être en ordre (svt analyse de Mme (J) de l’AED).
La société semble effectivement avoir beaucoup de roulement avec que peu de leurs salariés qui sont gardés en CDI à longue échelle.
Beaucoup de CDDs.
Pas mal de démissions pour les CDIs (certains sont allé retravailler chez un autre employeur (tel que (KK), ne semble pas y avoir de lien apparent. Peut-être un client/utilisateur.
D’autres n’ont pas d’autre affiliation au Luxembourg après ça).
Comme on peut le voir sur le tableau « calendrier », certains salariés ont profité bien plus du chômage partiel que d’autres.
Étonnant par exemple que Monsieur (D), le gérant administratif, ait demandé autant de CHP, alors qu’il est le seul gérant administratif, que la secrétaire, Mme (L), n’en a pas eu 6besoin et que la société a continué son activité (il ne semble pas y avoir de période où le gros de la société aurait dû chômer, mis-à-part les périodes autour des congés collectifs du bâtiment).
La société fonctionne un peu comme une agence intérimaire, leur prestation de service consistant, ce que Monsieur (D) a lui-même déclare lors de notre visite, principalement en la mise-à-disposition de personnel qualifié pour des travaux chez d’autres entreprises quand celles-ci manquent de personnel ou ne disposent pas de personnel avec les qualifications nécessaires.
Je laisse au service maintien le soin de juger, au vu de tous les documents fournis par la société et des tableaux établis sur base de ces données et des remarques y retenues, s’il était opportun ou non d’accorder le chômage partiel à la société. (…) ».
Les premiers juges relevèrent qu’ainsi, il ressortirait du relevé des mouvements d’entrées et de sorties d’affiliation des salariés auprès du CCSS -établi sur base des données fournies à l’ADEM par la société demanderesse elle-même- qu’au cours de la période de 2020 à fin 2022, il y avait eu une multitude d’entrées et de sorties d’affiliations auprès du CCSS de salariés engagés surtout sous CDD; que certains des CDD avaient été renouvelés à plusieurs reprises, de manière continue ou discontinue, respectivement que certaines personnes avaient été engagées de manière alternée sous CDD et contrats de travail à durée indéterminée (« CDI ») et que la durée des affiliations par personne au sein de la société demanderesse avait varié en allant de 1 semaine, 1 mois, 3 mois, 14 mois, 24 mois, voire 55 mois.
Selon les premiers juges, ces éléments seraient à mettre en combinaison avec le fait que les contrôles sur place auraient permis de constater (i) que le siège de la société (AA) n’est que de nature purement administrative, (ii) que le matériel, les outils et le lieu de travail sont en général fournis par le client auprès duquel les salariés de la société (AA) intervenaient et (iii) que le gérant a lui-même déclaré lors d’une des visites effectuées par le contrôleur de l’ADEM que l’activité de la société consistait principalement en la mise à disposition de personnel qualifié pour des travaux auprès d’autres entreprises lorsque celles-ci manquent de personnel ou ne disposent pas de personnel avec les qualifications nécessaires.
Sur base de ces considérations, les premiers juges retinrent l’existence d’éléments suffisants pour admettre la thèse étatique suivant laquelle la société (AA) ne procède pas à des prestations de services à des tiers émanant d’un personnel constant au sein de son entreprise, mais qu’elle engage majoritairement des salariés en fonction des besoins en main-d’œuvre des sociétés/clients auprès desquels ils sont ensuite mis à disposition contre facturation, c’est-à-
dire que la société (AA) ne pouvait s’analyser comme exerçant une activité relevant de la production industrielle proprement dite.
Sur ce, ils conclurent, sans qu’il avait encore lieu de statuer plus en avant sur le deuxième motif de refus avancé par la partie étatique en cours de procédure contentieuse, que la légalité des décisions ministérielles n’avait pas été énervée et le recours était à rejeter pour manquer de fondement.
Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 22 avril 2024, la société (AA) a fait régulièrement entreprendre le jugement du 11 mars 2024.
7L’appelante insiste sur ce que d’après son objet social, elle serait indubitablement à considérer comme intervenant dans le secteur d'activité du traitement et du revêtement des métaux et qu’elle aurait de ce fait et à bon droit été classée sous le code NACE ….
Elle précise que pour ce qui serait de son activité effective, elle entreprendrait des travaux de chaudronnerie à hauteur de 65 % de ses activités totales, des travaux de traitement des surfaces métalliques à hauteur de 30 % et des travaux d'électricité à hauteur de 5 %.
Il ne saurait de la sorte être question d’une qualification de son activité à de la prestation de services d'intérim ou de prêt de main d'œuvre, mais elle relèverait bien du secteur de la production industrielle.
Dans un deuxième ordre d’idées, l’appelante déclare intervenir dans le même secteur d’activités que la société anonyme (MM) SA, laquelle se serait vu octroyer le bénéfice du chômage partiel. Or, de la sorte, les décisions querellées pêcheraient par la violation du principe d'égalité de traitement, tel que garanti par la Constitution.
En termes de réplique et plus explicitement, l’appelante entend encore, plus particulièrement, remettre en cause la « légalité externe » des décisions attaquées en soutenant en substance qu’elles seraient insuffisamment motivées, notamment en raison du fait que bien que se basant sur un avis du Comité de conjoncture, tel que matérialisé par l'extrait du procès-verbal de la réunion du 23 janvier 2023, cet extrait n’aurait pas été annexé aux décisions.
Or, il se dégagerait de la jurisprudence des juridictions administratives qu'une décision administrative ne serait pas suffisamment motivée si son auteur déclarait se rallier ou renvoyait à l'avis d'un organisme consultatif sans pour autant le mettre en copie.
En tout état de cause, de la sorte, elle serait restée dans l’ignorance des motifs de droit et de fait ayant conduit aux décisions attaquées.
Dans le même ordre d’idées, elle insiste en outre sur le fait qu’antérieurement, ses demandes de chômage partiel auraient toujours été acceptées jusqu'au mois d'août 2022 et le revirement de position ministériel lui resterait incompréhensible, sa situation étant restée la même que dans le passé. Elle aurait donc été « en droit de s'attendre à ce que ses demandes concernant les mois de septembre 2022 à janvier 2023 soient également acceptées, à l'instar de ses demandes précédentes ».
En tout cas, les auteurs des refus lui opposés n’expliqueraient pas pourquoi elle avait antérieurement pu bénéficier des aides prévues en matière de chômage partiel et les décisions déférées méconnaîtraient les principes de sécurité juridique et de confiance légitime.
Enfin, l’appelante entend pointer le fait que l'avis litigieux du Comité de conjoncture ne contiendrait pas de renvoi à une quelconque disposition normative précise, outre une référence générale au Titre 1er, Livre V du Code du travail et il ne contiendrait aucune explication suffisante des raisons de fait et de droit pourquoi elle ne serait pas éligible au titre du chômage partiel. L’avis ne serait pas non plus accompagné des conclusions d'enquêtes sur lesquelles le Comité de conjoncture déclare s’appuyer.
8L’appelante relève encore que la jurisprudence constante des juridictions administratives n'admettrait pas la possibilité pour l'administration de compléter la motivation d'un avis d'un organisme consultatif.
Les décisions querellées encourraient en conséquence l’annulation du fait de cette insuffisance de motivation, sinon du défaut de communication de l'avis du Comité de conjoncture, sinon du caractère insuffisant de la motivation du susdit avis en tant que tel.
Dans un deuxième ordre d’idées, l’appelante entend remettre en question la légalité interne des décisions ministérielles visées par son recours.
Sous ce rapport, elle entend voir limiter les débats sur les mérites du seul motif justificatif de refus énoncé à savoir qu’« il ressort que la branche économique dont relève votre entreprise n'a pas été retenue par le Conseil de Gouvernement » et de la sorte, voir écarter des débats toutes les considérations relatives aux motifs additionnels avancés par la partie étatique au sujet de trois autres conditions non remplies pour l'octroi du chômage partiel.
Ceci dit, l’appelante estime que les décisions ministérielles antérieures qui lui ont accordé le chômage partiel pour les mois de mars 2020 à août 2022, de même que l’octroi d’un prêt étatique dans le cadre d'aides aux entreprises après le Covid, par décision ministérielle du 19 janvier 2021, laisseraient présumer qu’elle remplit les conditions, y compris au regard de sa branche d'activité, pour en bénéficier et cet état des choses ne saurait plus être remis en question et toutes discussions quant aux faits antérieurs à août 2022 et postérieurs à janvier 2023 seraient à écarter des débats.
L’appelante entend remettre en question le rapport d'enquête, qui selon elle, ne reposerait sur aucun élément concret, mais se baserait sur des « sentiments et des hypothèses que le contrôleur de l'ADEM invite à "vérifier" ». Il serait en tout cas faux de retenir qu’elle ne disposerait que d'un bureau administratif, alors qu’elle possèderait aussi un entrepôt.
Elle conteste toute irrégularité au niveau des frais mis en compte et relève que le rapport d'enquête indique que le contrôle opéré par l'AED a démontré que sa comptabilité serait en ordre.
Concernant le reproche d’un nombre important de salariés embauchés en contrat à durée déterminée entre 2019 et juillet 2022, ainsi que la fréquence des fins de contrats, pour conclure erronément qu’elle serait une entreprise d'intérim, elle donne à considérer que : « Le fait qu'une entreprise ait recours à des CDD et éprouve des difficultés à recruter en CDI, ne permet pas de requalifier pour autant par exemple une activité de restauration ou de construction, en travail intérimaire. Par définition, le travail intérimaire se distingue du CDD par le fait que le salarié est placé sous la direction d'une autre entreprise. Or, en l'occurrence, les salariés de la société (AA) sont sous la direction de ses deux gérants. Concernant le renouvellement des CDD ou la conclusion de nouveaux CDD pour les mois de septembre 2022 à janvier 2023, il s'agissait de salariés appartenant à des corps de métiers différents de ceux placés en chômage partiel. Comme souligné dans le rapport d'enquête, les salariés de la société (AA) relèvent de plusieurs corps de métiers ».
L’appelante conteste avoir procédé à des licenciements intempestifs ou que son gérant aurait prétendument expliqué qu'il mettait ses salariés au service d'autres entreprises.
9La plainte pénale de 2014 d'une entreprise concurrente, encore pointée audit rapport, n'aurait quant à elle pas donné lieu à une poursuite de la part du Parquet, ni de l'administration douanière.
Enfin, il ressortirait d'un courriel dans le dossier administratif qu’elle aurait été contrôlée par l'ITM sans que ce contrôle n’ait engendré le moindre reproche concernant son activité et la gestion de son personnel.
Le délégué du gouvernement conclut en substance au rejet de l’appel pour manquer de fondement.
Concernant le premier bloc de moyens soulevés par l’appelante au titre de l’illégalité externe, ainsi qualifiée, des décisions ministérielles litigieuses, la Cour est amenée à constater que les éléments de motivation énoncés par le ministre de l’Economie, comme se trouvant à la base des décisions critiquées, prises par lui et par le ministre du Travail, suffisent aux exigences de motivation formelle sommaire, telles que découlant de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1989 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.
En effet, en précisant, certes succinctement, que sur base de l’avis du Comité de conjoncture, la branche économique dont l’entreprise de l’appelante relève n’avait pas été retenue par le Conseil de Gouvernement comme domaine d’activité éligible aux aides en question, de sorte que les deux ministres compétents n’ont pas pu retenir sa demande d’aide au titre des dispositions de l’article L. 511-4 (1) et (2) du Code du travail, l’appelante a été mise en mesure de saisir les tenants et aboutissants des décisions de refus lui opposées et d’assurer, adéquatement et en connaissance de cause, ses droits de défense.
Il s’y ajoute qu’en tout état de cause, dès lors que la motivation énoncée ne se limite pas à un simple renvoi audit avis, l’appelante se méprend en pointant un prétendu vice du fait de la non-communication de l’avis du Comité de conjoncture auquel il a été fait référence, l’appelante ayant quant à elle parfaitement pu solliciter la délivrance d’une copie de cet avis si elle l’estimait nécessaire ou utile.
C’est encore à tort que l’appelante entend par ailleurs dégager un droit acquis ou une violation des principes de confiance légitime et de sécurité juridique du fait que dans le passé, des demandes de chômage partiel, par elle formulées, auraient été acceptées.
En effet, saisie d’une demande d’aide en matière de chômage partiel, l’administration est appelée à en apprécier les mérites sur base des dispositions légales applicables et des circonstances de fait données. L’obligation de motivation et de justification administrative n’implique a priori pas l’obligation de s’expliquer sur les raisons et les motifs de décisions qui ont antérieurement pu être prises à l’égard de l’intéressé en la matière, d’une part, et une fois qu’une décision de refus d’aide prise apparaît justifiée au regard des circonstances de fait et de droit applicables, le fait que des aides ont antérieurement pu être accordées ne saurait être de nature à conférer un droit acquis ou une légitime confiance à voir renouveler un octroi d’aides non justifiées, d’autre part.
La Cour ne saurait par ailleurs pas suivre l’appelante en ce qu’elle entend mettre en exergue un défaut de motivation au niveau de l’avis du Comité de conjoncture, cet avis, dont les considérations pertinentes, ci-avant reproduites, véhiculent de façon tout à fait explicite que 10les enquêtes menées, suite à une « suspicion de fraude en matière d’heures réelles chômées et suite à plusieurs licenciements effectués durant la période de 03.2020 à 08.2022 » ont fait dégager la commission d’abus significatifs en matière de déclarations des nombres effectifs d’heures chômées et de salariés au chômage, ainsi qu’une activité réellement déployée de société intérimaire comme telle non éligible aux aides réclamées. L’avis ne pêche de la sorte pas par une motivation insuffisante et il était loisible à l’appelante de solliciter la communication des rapports des enquêtes sur lesquelles le Comité de conjoncture se basait.
Enfin, les premiers juges sont encore à confirmer en ce qu’ils ont relevé que sous réserve du respect des droits de la défense qui, en l’espèce, ont été préservés, la partie étatique a valablement pu compléter les éléments de motivation initiaux, de même que produire des motifs additionnels, au cours de l’instruction de la procédure contentieuse, lesquels sont partant à prendre en considération au niveau de l’analyse du bien-fondé des décisions querellées.
Au-delà, le cadre légal applicable en l’espèce est tracé par l’article L. 511-3 du Code du travail qui dispose que : « Dans les conditions énoncées aux articles L. 511-1 et L. 511-2, des subventions peuvent être allouées aux employeurs qui, plutôt que de procéder à des licenciements, s’engagent à maintenir le contrat de travail de leur personnel et à lui verser une indemnité de compensation pour les pertes de salaire subies du fait que la durée normale de travail, légale ou conventionnelle, est réduite dans des entreprises ou dans un ou plusieurs de leurs établissements. ».
Ces articles L. 511-1 et L. 511-2 du Code du travail, qui figurent dans le Livre V, intitulé « Emploi et Chômage », sous le chapitre 1er, intitulé « Mesures destinées à prévenir des licenciements conjoncturels », sont libellés comme suit :
« Art. L. 511-1. Le présent chapitre a pour objet de prévenir des licenciements pour des causes conjoncturelles dans les entreprises ou dans un ou plusieurs de leurs établissements et de maintenir un niveau satisfaisant de l’emploi en période de récession économique à caractère général.
L’application des mesures préventives et correctives à mettre en œuvre à cet effet est sujette aux conditions suivantes :
1. il doit être établi que, par suite d’un recul considérable du carnet de commandes, le taux d’activité d’une ou de plusieurs branches économiques accuse une baisse prononcée par rapport à la moyenne des trois dernières années et qu’il y a lieu de s’attendre à une diminution importante des besoins en main-d’œuvre ;
2. il faut que les difficultés mentionnées ci-dessus aient une origine essentiellement conjoncturelle et un caractère temporaire ;
3. il faut que l’évolution prévisible permette d’escompter une reprise normale des affaires assurant le rétablissement du plein emploi dans un délai raisonnable.
Art. L. 511-2. Si, après concertation entre les employeurs et leur personnel, toutes les possibilités de maintien d’un niveau normal de l’emploi par les moyens propres des entreprises sont épuisées, les mesures prévues ci-après peuvent être appliquées suivant la gravité des difficultés auxquelles sont confrontées les entreprises et d’après les procédures définies aux sections 2 et 3. ».
11Les articles suivants, L. 511-3 et L. 511-4 (1) et (2) du Code du travail, précisent :
« Art. L. 511-3 Dans les conditions énoncées aux articles L. 511-1 et L. 511-2, des subventions peuvent être allouées aux employeurs qui, plutôt que de procéder à des licenciements, s’engagent à maintenir le contrat de travail de leur personnel et à lui verser une indemnité de compensation pour les pertes de salaire subies du fait que la durée normale de travail, légale ou conventionnelle, est réduite dans des entreprises ou dans un ou plusieurs de leurs établissements ».
« Art. L. 511-4 (1) Le Gouvernement, réuni en conseil, détermine en dernière instance les branches économiques dont les difficultés conjoncturelles sont telles que la réduction de la durée normale de travail est inévitable, ceci sur avis d’un Comité de conjoncture dont l’organisation est déterminée par règlement grand-ducal. La durée de validité de cette décision ne peut être supérieure à douze mois. La décision est renouvelable sur avis du Comité de conjoncture.
(2) Les ministres ayant dans leurs attributions respectivement l’Emploi et l’Economie, sur avis du Comité de conjoncture et procédant par décision commune, désignent les entreprises appartenant à l’une de ces branches d’activité et décident de leur admission au bénéfice des subventions prévues à l’article L.511-3. (…) ».
Les premiers juges ne s’y sont point mépris et ont dégagé à juste titre qu’afin de maintenir l’emploi et, par conséquent, d’éviter des licenciements, le Code du travail prévoit que les entreprises peuvent recourir, en cas de difficultés économiques conjoncturelles, sous certaines conditions, dont celle de ne pas licencier ses salariés pour raisons économiques, au régime du chômage partiel qui vise, en effet, à soutenir les entreprises faisant partie d’un secteur ou d’une branche économique en crise et rencontrant des difficultés d’ordre conjoncturel.
En substance, il appartient donc au Gouvernement en conseil de déclarer, sur avis du Comité de conjoncture, le ou les secteur/s ou branche/s d’activité en crise, d’une part, et, par la suite, au/x ministre/s ayant l’Emploi et l’Economie dans ses/leurs attribution/s, toujours sur avis du Comité de conjoncture, de désigner concrètement les entreprises admissibles au bénéfice des subventions prévues à l’article L. 511-3 du Code du travail.
Ceci dit, étant donné qu’il est par ailleurs constant en cause que les entreprises actives dans le secteur de l’industrie manufacturière avaient été admises au bénéfice du chômage partiel de source conjoncturelle par le Gouvernement en conseil, la question primaire qui se pose est celle de savoir si c’est à bon escient que les ministres compétents ont exclu la société appelante des subventions convoitées, au motif que les activités déployées par elle ne s’analyseraient pas en une activité relevant de la production industrielle.
C’est à tort que l’appelante estime que son objet social, tel que figurant dans ses statuts, et partant son classement subséquent sous le code NACE …, établiraient à eux seuls le fait incontestable qu’elle constitue un intervenant dans le secteur d'activité du traitement et du revêtement des métaux et partant son éligibilité à l’aide lui refusée.
En effet, l’objet social et le classement corrélatif par le STATEC sont certes des indices en ce sens, mais ils doivent résister à la réalité des choses, c’est-à-dire coïncider avec les activités réellement déployées. Or, c’est sous ce regard que la vision des choses de l’appelante ne saurait être entérinée.
12Ainsi, c’est sur base de considérations pertinentes et d’une analyse adéquate, auxquelles la Cour se rapporte et fait siennes, que les premiers juges ont valablement pu dégager des éléments fournis par la partie étatique que la vision des choses dépeinte par la société (AA) ne résiste pas à la réalité des choses, telle qu’elle a pu être constatée lors des enquêtes menées par l’ADEM, notamment à travers un premier contrôle effectué au siège de l’appelante à la fin du mois d’août 2022 et, par la suite, un contrôle sur place inopiné encore effectué le 26 septembre 2022, en compagnie de contrôleurs de l’AED et du CCSS, retracés par le rapport sus-énoncé établi le 13 janvier 2023 par un contrôleur de l’ADEM.
Les données objectives dégagées des pièces par les enquêteurs et les constats qu’ils ont pu faire à l’occasion de leurs contrôles sur place, tels que pointés par les premiers juges, considérations ci-avant reproduites, constituent en effet un faisceau d’indices pertinents et concordants d’une activité réellement déployée ne coïncidant pas avec l’objet social statutaire et le classement NACE de la société (AA).
L’apparence ainsi créée non pas d’une activité de production industrielle, mais plutôt d’un engagement et de mise à disposition de salariés au gré des nécessités en main-d’œuvre au niveau des « clients », n’a pas été et n’est pas utilement contredite, ni par les contestations d’ordre essentiellement général avancées par l’appelante, étant insisté sur le fait que l’intéressée n’apporte pas la moindre explication plausible sur sa politique de recrutement laquelle ne laisse guère sous-tendre une approche d’embauche à long terme soucieuse de garantir la pérennité des engagements, ni par la mise en balance de l’existence, à côté d’un bureau administratif, d’un « entrepôt », cette mise en évidence relevant au contraire surtout l’absence d’un local de fabrication. L’appelante ne saurait par ailleurs utilement tirer un argument décisif du fait de l’octroi, de par le passé, d’aides de chômage ou d’un prêt étatique à titre d'aide post Covid, les décisions afférentes ne créant, ni, comme déjà dégagé ci-avant, un droit acquis dans son chef, ni n’apportent-elles, directement ou indirectement, un élément de preuve concret au sujet des activités concrètement exercées par elle. Il en est de même de la tenue d’une comptabilité prétendument non-critiquable, de l’absence de sanction prononcée par l’ITM ou des attestations testimoniales essentiellement vagues émanant de différents salariés, ces éléments n’éclairant pas la nature des activités exercées par l’appelante et ne suffisent pas pour invalider l’apparence se dégageant des éléments ressortant du dossier.
Enfin, le constat même de l’exercice d’une activité non éligible au régime des subventions en question vicie à sa base le moyen tiré d’une mise en comparaison de l’appelante avec une autre entreprise « active dans le même secteur d’activités ». En effet, même à admettre que la situation de la société pointée soit comparable, quod non, cet état des choses ne saurait justifier dans le chef de l’appelante l’allocation d’une subvention qui ne lui est pas légalement due, étant donné que l’on ne saurait prétendre à une égalité dans l’illégalité.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel n’est pas fondé et le jugement entrepris est dès lors à confirmer.
Quant à la demande formulée par l’appelante, sur base sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, tendant à la condamnation de l’Etat au paiement d’une indemnité de procédure d’un montant de ….. €, pour chaque instance, elle est à rejeter, étant donné que les conditions légales afférentes ne sont pas remplies.
13Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause;
reçoit l’appel en la forme;
au fond, le déclare non justifié et en déboute;
partant, confirme le jugement entrepris;
déboute la société (AA) de sa demande en allocation d'une indemnité de procédure;
la condamne encore aux dépens de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par :
Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.
s. SCHINTGEN s. CAMPILL 14