GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 50281C ECLI:LU:CADM:2024:50281 Inscrit le 2 avril 2024
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Audience publique du 28 août 2024 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 4 mars 2024 (n° 47661 du rôle) en matière de protection internationale
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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 50281C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 2 avril 2024 par Maître Françoise NSAN-NWET, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Venezuela), de nationalité vénézuélienne, demeurant à L-…, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 4 mars 2024 (n° 47661 du rôle), par lequel ledit tribunal l’a débouté de son recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’immigration et de l’Asile du 8 juin 2022 portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et ordre de quitter le territoire, dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur son recours subsidiaire en annulation dirigé contre ce même acte et l’a condamné aux frais et dépens ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 23 avril 2024 par Madame le délégué du gouvernement Sarah ERNST pour compte de l’Etat ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;
Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;
Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 14 mai 2024.
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Le 9 janvier 2020, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après le « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après la « loi du 18 décembre 2015 ».
Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent du service de police judiciaire de la police grand ducale, section criminalité organisée – police des étrangers, dans un rapport du même jour.
En dates des 21 janvier, 4 février et 11 mars 2021, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs gisant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 8 juin 2022, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le 15 juin 2022, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après le « ministre », rejeta la demande de protection internationale de Monsieur (A) comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, ladite décision étant libellée comme suit :
« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 9 janvier 2020 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la loi de 2015 »).
Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.
1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 9 janvier 2020, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 21 janvier, du 4 février et du 11 mars 2021 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale ainsi que les documents remis à l'appui de votre demande de protection internationale.
Monsieur, il en ressort que vous seriez originaire du quartier de Palo Verde à Caracas au Venezuela où vous auriez vécu avec votre mère depuis une quinzaine d'années jusqu'à votre départ du Venezuela le 29 juillet 2019. Vous auriez deux enfants, (B) et (C), qui seraient restés à Caracas avec votre ex-épouse, (D), qui en aurait la garde.
Vous déclarez être propriétaire de deux sociétés, un cybercafé « (EF) » qui existerait toujours mais n'aurait plus d'activité et une société de production audiovisuelle « (HL) » qui continuerait d'être gérée par votre associé (G). Au sein de ces deux sociétés, vous auriez exercé en tant que technicien en informatique et en tant que pilote de drone depuis 2015 pour fournir des images aériennes d'évènements particuliers sur demande de la clientèle.
Vous expliquez avoir quitté le Venezuela à cause des problèmes que vous auriez eus en raison de votre profession et de votre opposition au gouvernement. Vous cherchez ainsi à « fuir » et à vous « cacher » du gouvernement, de la police et des malfrats qui vous auraient menacé car vous auriez craint pour votre sécurité. De manière générale, vous dénoncez aussi la corruption au sein de l'administration et des forces de l'ordre vénézuéliennes. En cas de retour dans votre pays d'origine, vous craindriez de ne plus pouvoir en ressortir car votre passeport est périmé et vous appréhendez le fait que l'on pourrait vous qualifier de « traître de la patrie », d'« être privé de liberté, que je meurs en prison, car les conditions au Venezuela ne sont pas bonnes » (p.25 du rapport d'entretien) et que les menaces émises à votre encontre soient mises à exécution.
Monsieur, vous indiquez dans un premier temps que la raison principale de votre départ serait liée aux problèmes que vous auriez rencontrés en raison de votre profession.
Dans ce contexte, vous expliquez que le 4 août 2018, un attentat a été perpétré contre Nicolas MADURO avec des drones chargés d'explosifs alors qu'il présidait à Caracas une cérémonie militaire. Dès lors, étant pilote de drone, vous expliquez qu'« absolument tout dans ma vie a changé » (p.11 du rapport d'entretien) car les autorités vénézuéliennes vous auraient suspecté d'avoir commis cette attaque. Le 11 août 2018, le CICPC se serait présenté au domicile de votre mère pour mener une perquisition sans mandat et en votre absence ; il se serait emparé de votre équipement, dont des drones et du matériel informatique.
Qualifiant cela de vol et voulant récupérer vos biens, vous vous seriez présenté le même jour au poste du CICPC d'… à Caracas pour avoir des informations complémentaires par rapport aux saisies et pour porter plainte. Les agents du CICPC vous auraient cependant fait subir un interrogatoire musclé par rapport à l'attaque du 4 août. Ne recevant pas les renseignements espérés, ils seraient devenus violents et vous auraient donné des décharges avec un taser : « ils m'ont mis un tissu autour du poing pour ne pas laisser de marques avec les coups » (p.11 du rapport d'entretien). Ils vous auraient également menacé de créer de « fausses preuves » contre vous, comme la possession de drogues. Ils auraient exigé que vous vous dénonciez ou que vous partagiez tous les noms des pilotes de drones que vous connaissiez. Vous leur auriez donné ceux de deux de vos collègues, le mécanicien de drone (M) et votre associé (G). Finalement, ils vous auraient relâché mais auraient pris votre numéro de carte d'identité. Vous les soupçonnez de l'avoir partagé ensuite avec d'autres policiers car lorsque vous vous seriez fait arrêter à l'avenir, les policiers vous auraient à chaque fois extorqué de l'argent. Vous estimez que depuis cet évènement, vous n'auriez plus été considéré comme un « civil normal » car « j'étais celui qui voulait dénoncer la police à la police » (p.12 du rapport d'entretien). Ils auraient aussi menacé votre famille et émis des menaces de mort si vous tentiez de récupérer vos biens en les dénonçant auprès d'une autre entité gouvernementale. Blessé et ayant perdu connaissance à deux reprises pendant l'interrogatoire, vous vous seriez rendu le lendemain au centre médical de … pour vous faire soigner vos hématomes et l'on vous aurait installé une sonde car vos déplacements devaient être limités pour assurer votre rétablissement.
Le 13 août 2018, vous apprenez qu'au siège de votre société « (HL) » il y aurait eu une fouille, à nouveau sans mandat, mais le CICPC n'aurait pris aucun matériel. Par ailleurs, votre mécanicien (M) aurait aussi reçu la visite des autorités dans son magasin.
Le 16 août 2018, vous auriez été contrôlé par la police et ils auraient volé votre portable. Vous seriez allé au poste de police le plus proche afin de porter plainte mais « je n'ai pas pu dénoncer » et il n'y aurait pas eu « d'action policière ». Vous seriez ensuite allé voir la garde nationale et « eux n'ont rien fait pour moi non plus, ils n'ont pas accepté, ils m'ont dit que je ne pouvais rien faire, car je n'avais pas de nom, pas de numéro de plaque, ni rien » (p.18 du rapport d'entretien). Après ce deuxième essai, quand vous auriez compris que les autorités n'allaient entamer aucune démarche, vous n'auriez plus rien essayé.
Monsieur, dans un deuxième temps, vous justifiez votre départ par le fait que vous auriez eu des problèmes en raison de votre opposition politique. Vous affirmez que vous auriez participé « à toutes les manifestations qu'il y avait » (p.13 du rapport d'entretien), et vous auriez notamment pris part le 23 janvier 2019 à la manifestation lors de laquelle Juan GUAIDÓ se serait autoproclamé président par intérim. À cette occasion, sur la place Altamira, des forces de l'ordre vous auraient arrêté, fait monter dans un camion militaire et emmené à un poste de contrôle mobile de la garde nationale. Ils vous auraient donné des coups, tout comme aux autres détenus, afin de vous décourager à participer à des manifestations futures et ils auraient volé vos clefs de voiture. Après votre libération, vous vous seriez rendu au central médical … pour vous faire soigner.
Vous auriez par ailleurs affiché votre opposition contre le gouvernement sur le réseau social Facebook et plus particulièrement, vous y auriez publié une vidéo aérienne faite avec votre drone qui reflétait l'ampleur d'un rassemblement du 30 avril 2019 suite à l'appel de « coup d'état » de Juan GUAIDÓ alors que le gouvernement, à travers sa propagande télévisuelle, ne l'aurait que minimisée. Cette vidéo compromettante pour les autorités vous aurait causé des problèmes, alors que sa publication aurait engendré une série de commentaires négatifs et des menaces à votre encontre : « Maudit rat, on va te voir mort, car tu es impérialiste » (p.20 du rapport d'entretien). Vous auriez par conséquent décidé de supprimer la vidéo et toutes les autres publications antigouvernementales de votre compte Facebook ainsi que de bloquer ceux qui vous auraient menacé car « Je n'ai pas voulu prendre de risques pour moi, ma famille ou mon entreprise » (p.21 du rapport d'entretien) et « Ce qui m'intéressait le plus, était ma famille et mon intégrité physique et non la politique » (p.15 du rapport d'entretien). Malgré cela, vous, votre famille et votre société auriez continué à recevoir des menaces et des messages de haine.
Deux-trois jours plus tard, vous auriez eu des problèmes lors d'un contrôle de police qui aurait inspecté le contenu de votre téléphone, procédure que vous qualifiée de « normale » au Venezuela, et les policiers seraient tombés à votre insu sur cette vidéo aérienne compromettante. Ils auraient décidé de vous extorquer et malgré le fait d'avoir payé une grande partie de la somme, ils auraient continué à vous appeler, après avoir échangé vos numéros de téléphone, et à réclamer de l'argent, ce à quoi vous auriez mis fin en vous débarrassant de votre numéro.
Monsieur, vous expliquez que vous auriez quitté le Venezuela le 29 juillet 2019 grâce au soutien financier de votre demi-frère, (O) qui réside au Luxembourg et qui détient la double nationalité portugo-vénézuélienne. Vous auriez pris un vol de l'aéroport de Caracas vers Istanbul puis vous auriez rejoint le Luxembourg le 30 juillet 2019. Vous expliquez que vous auriez eu l'intention de vous éloigner de votre péril que provisoirement. Cependant, le fait que le CICPC aurait visité votre société « (HL) » encore le 4 décembre 2019 et qu'il aurait demandé des renseignements à votre égard et été à votre recherche, vous aurait poussé à introduire une demande de protection internationale le 9 janvier 2020, démarche dont vous n'auriez pas eu connaissance de l'existence auparavant. Votre demi-frère a par ailleurs signé un formulaire de « prise en charge », accordée le 18 avril 2019 par les autorités luxembourgeoises, nécessaire pour devenir votre garant.
Vous précisez que votre épouse, (P), disposerait de la double nationalité hispano-
vénézuélienne. Elle serait venue au Luxembourg le 9 juillet 2019 car « à cause de tous ces problèmes-là, on avait déjà parlé de partir » (p.16 du rapport d'entretien). Toutefois, elle serait retournée au Venezuela pour une intervention chirurgicale suite à des problèmes avec ses prothèses mammaires. À cause de la pandémie du COVID-19, elle n'aurait pas été en mesure de revenir. Vous expliquez que vous seriez dans une démarche administrative en Espagne pour faire valider votre mariage vénézuélien « elle voudrait le faire ajouter au livret de famille » (p.20 du rapport d'entretien).
Finalement, vous témoignez que vous n'auriez pas envisagé de vous installer dans une autre région de votre pays d'origine car vous considérez que « c'est la même chose (…) si on veut se cacher du gouvernement, comment est-ce qu'on va le faire à l'intérieur du pays ? Je fuis le gouvernement et le gouvernement est dans tout le pays, il faut donc que je quitte le pays » (p.26 du rapport d'entretien).
À l'appui de votre demande, vous présentez les documents suivants :
- Votre passeport, délivré le 24 janvier 2013 et expiré le 23 janvier 2018, prorogé du 24 mars 2018 au 24 mars 2020 ;
- une clef USB contenant des photos de vous, de votre entreprise et de votre acte de mariage, et des vidéos que vous auriez tournées avec votre téléphone portable ou drone, dont trois datant du 30 avril 2019 concernant la manifestation que vous évoquiez durant votre entretien ;
- un badge de « (HL) » de votre frère (O) ;
- une photocopie du dossier d'« engagement de prise en charge » émis par votre demi-frère datant du 12 avril 2019 et accordé par le Ministère le 18 avril 2019, et comprenant une photocopie de votre carte d'identité, délivrée le 9 août 2018 et qui expire en août 2028.
2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Avant tout autre développement en cause, il y a lieu de relever qu'il se dégage de la lecture de votre entretien ainsi que des éléments de votre dossier une série d'éléments pour le moins mensongers, incohérents et manifestement non plausibles mettant à mal votre crédibilité.
Tout d'abord, il y a lieu de soulever que vous avez remis une clef USB à l'appui de votre demande de protection internationale contenant sept vidéos et dix-sept photos dont vous assumez être l'auteur. De manière générale, celles-ci permettent bien d'établir que vous êtes marié à la dénommé (P), que vous avez travaillé au sein de la société de production audiovisuelle « (HL) » et que vous étiez en possession d'un drone. Cependant, elles ne permettent aucunement de conforter vos déclarations relatives au fait que vous auriez rassemblé et publié des preuves photographiques ou vidéographiques reflétant l'ampleur d'une manifestation antigouvernementale du 30 avril 2019 alors que vous prétendez qu'une partie de vos problèmes en auraient découlés. En effet, par rapport aux différentes vidéos que vous remettez, il s'avère que quatre d'entre elles sont relativement insignifiantes à cet égard alors qu'elles n'illustrent visiblement que vos manœuvres d'entraînement de pilotage du drone.
Quant aux trois autres vidéos filmées avec un portable, supposément en date du 30 avril 2019, il convient de juger que celles-ci ne permettent en rien d'assurer la sincérité de vos dires alors qu'elles ne reflètent aucunement ce que vous avez prétendu avoir filmé avec votre drone ce même-jour. En ce qui concerne les différentes photos, force est de constater qu'une seule d'entre elles a, à priori, été prise par un drone et illustre la participation massive de Vénézuéliens à une manifestation antigouvernementale tandis que les autres sont relativement superflues à cet égard. Il s'avère cependant que cette unique photo propice à défendre l'authenticité de vos déclarations a été publiée massivement sur différents sites d'agence de presse et journaux, et qu'elle a en réalité été prise par la photojournaliste vénézuélienne Adriana Loureiro Fernàndez le 23 janvier 2019 et non par vous-même. Ainsi, en restant à défaut de conforter vos déclarations par des preuves photographiques ou vidéographiques tangibles, vous avez sciemment tenté d'induire en erreur le Ministère en réutilisant une image trouvée sur internet tout en vous attribuant les mérites de celle-ci afin de feindre un caractère politique et d'avertisseur dans le but d'augmenter vos chances de vous voir octroyer une protection internationale. Or, cette démarche non sincère et fallacieuse compromet irrémédiablement votre crédibilité.
À cela s'ajoute que votre crédibilité est mise à mal suite à vos déclarations relatives à votre visite au poste du CICPC d'… le 11 août 2018, après que vos biens auraient été « volés » au domicile de votre mère. En effet, vous déclarez dans un premier temps qu'« après que la police est passée à la maison, quand je suis allé à la police » (p.13 du rapport d'entretien), les policiers se seraient directement emparés de votre téléphone pour en analyser le contenu.
Vous témoignez que « La première chose qu'ils ont fait, c'est de prendre le téléphone et de le débloquer. Ils vont regarder tout ce qu'il y a dans le téléphone. C'est là qu'ils ont vu la vidéo » (p.13 du rapport d'entretien). Étrangement, vous vous contredisez dans un deuxième temps en dévoilant qu'« ils n'ont pas trouvé la vidéo quand je suis allé à la police pour récupérer mes affaires » (p.14 du rapport d'entretien), insinuant toujours que vous auriez été en possession de cette vidéo mais que le CICPC ne l'aurait pas regardée. Or, la vidéo à laquelle vous vous référez à ce moment de l'entretien est très clairement celle que vous auriez supposément tournée le 30 avril 2019, de sorte qu'il aurait été temporellement impossible que le CICPC ait eu la possibilité de visualiser cette vidéo le 11 août 2018, respectivement huit mois auparavant l'avoir filmée. Ainsi, compte tenu de cette incohérence temporelle notable, votre récit doit être perçu comme étant non crédible de sorte qu'il n'est toujours pas décelable de savoir ce qu'il se serait concrètement passé le 11 août 2018 au poste du CICP et si vous vous y seriez réellement rendu. Par extension, le fait que vous ayez commis l'erreur de mentionner cette vidéo à cet instant de la chronologie de votre récit entraîne de surcroît des doutes quant à l'authenticité même de celle-ci alors que vous l'utilisez à votre guise comme point de référence pour appuyer une série d'éléments édificateurs de votre vécu tels que les prétendus problèmes avec les autorités vénézuéliennes et les supposées menaces qui auraient découlé de son enregistrement automatique sur votre téléphone portable et de sa publication sur votre compte Facebook. À cela s'ajoute, comme susmentionné, que vous n'avez pas été en mesure de remettre cette vidéo aérienne à l'appui de votre demande de protection internationale, ni aucune autre vidéo ou photo dont le contenu pourrait être comparable en dehors de celle que vous avez prise sur internet et dont vous avez prétendu être l'auteur.
La crédibilité accordée à votre témoignage ainsi que l'évaluation de la gravité des faits dont vous vous prétendez victime sont également atténuées suite au constat que vous n'avez pas été en mesure de clairement indiquer durant l'entretien à quel moment précis vous auriez pris la décision de quitter votre pays d'origine. Après confusion, il s'avère qu'il n'y aurait pas eu un évènement déclencheur concret mais qu'il se serait agi d'une réflexion progressive de votre part : « Depuis la fois où ils sont venus chez moi, j'avais l'idée en tête (11 août 2018), mais depuis le 23 janvier (2019) et les coups sur la tête, je voulais m'enfuir » (p.24 du rapport d'entretien). Néanmoins, une chose reste certaine, votre demi-frère (M) a introduit le 12 avril 2019 une demande d'« engagement de prise en charge » à votre égard auprès du Ministère luxembourgeois, démarche présageant votre volonté et ambition de quitter votre pays d'origine dans de bonnes conditions pour principalement venir rejoindre votre demi-frère au Luxembourg ; demande qui a été accordée le 18 avril 2019. À partir de ces informations, il s'avère donc que vous auriez attendu entre trois (18 avril 2019) et six (23 janvier 2019) mois pour quitter le Venezuela seulement le 29 juillet 2019. Or, il s'agit d'un temps de réaction relativement long pour une personne prétendant vouloir fuir son pays d'origine et affirmant vivre dans la peur qu'il ne lui arrive quelque chose, alors qu'au plus tard l'opportunité de le faire dans de bonnes conditions vous aurait été donné à partir du 18 avril 2019, sachant qu'à cette date vous auriez été en possession d'un passeport valide et d'un document attestant de votre prise en charge au Luxembourg par votre demi-frère.
Ce manque de crédibilité concernant vos dires et par rapport à la gravité des faits dont vous auriez été sujet est d'ailleurs renforcé par le fait que vous avez, après votre arrivée au Luxembourg le 30 juillet 2019, attendu plus de cinq mois pour introduire une demande de protection internationale le 9 janvier 2020. Or, un tel délai ne correspond pas au comportement d'une personne à risque alors que l'on peut pouvoir s'attendre à ce qu'une personne vraiment menacée et persécutée dans son pays d'origine introduise une demande de protection internationale dans le premier pays sûr rencontré et dans les plus brefs délais.
Vos explications pour lesquelles vous n'auriez pas introduit directement une telle demande n'emporte également pas la conviction alors que vous indiquez ne pas avoir entrepris une telle démarche parce que vous auriez été « ici en touriste » avec l'intention de « m'éloigner pendant un temps, de m'éloigner du péril » et de retourner dans votre pays d'origine « une fois que ce gouvernement soit tombé » (p.26 du rapport d'entretien). Or, le fait que vous ayez eu pour ambition de quitter le Venezuela que temporairement dévoile le fait que vous-même n'y auriez pas craint pour votre sécurité.
Vous vous défendez également de ne n'avoir été au courant de la possibilité d'introduire une demande de protection internationale, respectivement d'en avoir introduit une aussi tardivement, qu'à partir du moment où l'on vous aurait informé que les autorités vénézuéliennes auraient demandé des renseignements vous concernant en décembre 2019 et donc que votre retour au Venezuela comporterait des risques. Or cette date coïncide étrangement avec la fin de votre supposée autorisation de séjour au Luxembourg. En effet, il y a lieu de souligner que vous prétendez être en possession d'un visa d'une durée de validité de six mois vous ayant supposément et théoriquement garanti la légalité de votre séjour au Luxembourg du 30 juillet 2019 au 30 janvier 2020. S'approchant de la fin de la prétendue validité de votre visa, vous auriez considéré avoir le choix entre deux options « j'aurais pu demander une prolongation ou bien il fallait faire une demande de protection internationale » (p.27 du rapport d'entretien). Malgré les recommandations de votre demi-frère (M) d'opter pour une prolongation du visa, révélant tout de même le fait qu'il aurait probablement jugé que vous n'étiez pas susceptible de convenir aux critères définissant l'obtention d'une protection internationale, vous avez choisi d'en introduire une demande le 9 janvier 2020.
Ainsi, force est de constater que d'une part vous insinuez avoir introduit une demande de protection internationale en janvier 2020 uniquement en raison de l'écoulement de la durée de votre visa - qui n'est par ailleurs même pas inscrit dans votre passeport et dont vous n'avez en réalité pas besoin pour voyager dans l'espace Schengen en tant que citoyen vénézuélien -
et non pas parce que vous auriez estimé que vous risqueriez de subir des préjudices graves en cas de retour au Venezuela. D'autre part, il appert que votre présomption concernant la durée de validité de votre visa fictionnel est incorrecte, de sorte que vous auriez séjourné illégalement sur le territoire luxembourgeois pendant une période de trois mois. En effet :
« Citizens of Venezuela are currently allowed to enter, travel between, and stay within the Schengen borders for up to 90 days within a 180-day period visa-free. Both the 90-day period, and the 180-day period begin on the day that a traveler first enters any member country.
Venezuelan travelers are granted unlimited visa-free entries into the Schengen Area as long as the total sum of days spent in all member countries does not surpass 90 days within 180 days ».
Dans ce contexte, il convient d'émettre des doutes quant à l'authenticité de vos dires relatifs au fait que les autorités vénézuéliennes auraient demandé des renseignements vous concernant le 4 décembre 2019 alors que, comme susmentionné, cette date coïncide avec la fin de votre supposée autorisation de séjour au Luxembourg. En effet, il paraît peu probable que les autorités vénézuéliennes auraient encore été à votre recherche alors qu'elles ne vous auraient plus ciblé personnellement après la fouille de votre société « (HL) » le 13 août 2018, soit plus de seize mois auparavant, alors que cette fouille n'aurait pas permis aux autorités de continuer à vous considérer comme un suspect. Force est de constater que vous auriez simplement inventé cet évènement de façon à justifier rationnellement votre introduction tardive d'une demande de protection internationale, camouflant en réalité votre volonté de trouver un recours à la péremption des prétendus moyens en votre possession pour rester au Luxembourg.
Finalement, la crédibilité de votre récit et la gravité des faits dont vous vous prétendez victime et à risque de le devenir sont également altérées par le fait que vous auriez quitté de manière officielle votre pays d'origine via l'aéroport international Maiquetia Simón Bolivar sans être inquiété par les autorités vénézuéliennes, fait peu compréhensible pour une personne déclarant « se cacher du gouvernement » et cherchant à le fuir. Ce constat est renforcé par le fait que votre épouse (P) y serait également retournée volontairement alors qu'elle aurait quitté le Venezuela dans un premier temps le 9 juillet 2019 suite aux problèmes auxquels vous auriez été confronté personnellement. La même conclusion s'impose lorsque vous déclarez que votre associé (G) serait resté au Venezuela alors que vous confirmez qu'il aurait perçu des menaces de « même nature » que celles que vous auriez reçues, de sorte que des doutes évidents sont à émettre quant à la réelle gravité de votre situation personnelle au Venezuela.
Votre récit n'étant pas crédible, aucune protection internationale ne vous sera accordée.
Quand bien même votre récit devrait être retenu comme étant crédible, une suite positive à votre demande de protection internationale ne saurait tout de même pas être envisagée alors que ni les conditions pour l'octroi du statut de réfugié, ni celles pour l'octroi du statut conféré par la protection temporaire ne sont remplies en l'espèce.
• Quant au refus du statut de réfugié Aux termes de l'article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».
L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils n'émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.
Monsieur, vous déclarez avoir quitté votre pays d'origine suite aux problèmes que vous auriez rencontrés à cause de votre profession, et suite aux menaces et violences que vous auriez subies compte tenu de votre participation à des manifestations antigouvernementales en tant qu'opposant au régime. Vous déplorez également le fait que votre pays serait gangréné par la corruption au sein de l'administration et des forces de l'ordre et que vous en auriez fait les frais. Vous résumez que le Venezuela « est une dictature, on a peur, on craint. Dû à mon positionnement politique et à la malchance d'avoir une profession avec les drones, sans doute, il y a ma vie qui est en péril » (p.12 du rapport d'entretien). En cas de retour dans votre pays d'origine, vous craindriez d'être emprisonné et que les menaces émises à votre encontre soient mises à exécution.
Quant aux problèmes que vous auriez personnellement vécus au Venezuela en relation avec votre activité professionnelle, il ressort à suffisance de votre dossier administratif que les faits, respectivement les craintes, qui vous ont amenés à quitter votre pays d'origine sont a priori liées à un des critères prévus par la Convention de Genève, à savoir votre opinion politique. En effet, il ressort de vos déclarations que vous auriez bien été dans le viseur des autorités vénézuéliennes en raison de votre profession de pilote de drone et qu'elles vous auraient par conséquent suspecté d'avoir perpétré un attentat de nature antigouvernementale contre Nicolas MADURO le 4 août 2018.
Cependant, il appert que les faits dont vous auriez victime qui en découlent et qui constituent indubitablement des actes répréhensibles, ne revêtent néanmoins pas un degré de gravité tel qu'ils permettent d'être considérés comme un acte de persécution au sens de la Convention de Genève et de la Loi de 2015, et de retenir que vos conditions de vie au Venezuela vous soient devenues intolérables.
En effet, force est de constater que les autorités vénézuéliennes vous auraient relâché après l'interrogatoire que vous auriez subi le 11 août 2018 estimant sans doute que vous n'auriez pas fait partie des coupables recherchés. Il en [est] de même pour la seconde fouille du 13 août 2018 auprès de votre société « (HL) » qui n'aurait finalement pas permis aux autorités de continuer à vous considérer comme un suspect de l'attentat étant donné qu'aucune suite n'aurait été donnée et qu'il ne vous serait plus rien arrivé dans ce contexte. Il s'avère donc que vous n'auriez plus été dans le viseur des autorités vénézuéliennes après la date du 13 août 2018 et que vos craintes dès lors par rapport à votre sécurité personnelle sont infondées et traduisent un simple sentiment d'insécurité.
À toutes fins utiles, il convient de souligner qu'il ressort des recherches ministérielles que les autorités vénézuéliennes ont directement désigné des coupables les jours suivants l'attentat, tels que par exemple le député de l'opposition Juan REQUESENS, l'opposant Julio BORGES, le colonel Pedro Javier ZAMBRANO HERNANDEZ ou encore le général de division de la Garde nationale bolivarienne Alejandro PEREZ GAMEZQUI. Ainsi, les autorités vénézuéliennes n'auraient plus été par après à la recherche de coupables additionnels et auraient vraisemblablement considéré que vous ne seriez plus à considérer comme un suspect, donc dans leur viseur, compte tenu du fait que vous n'auriez plus été inquiété d'une quelconque manière par ces enquêtes après la fouille de votre société le 13 août 2018 jusqu'à votre départ du Venezuela le 29 juillet 2019. À cela s'ajoute qu'il n'est pas crédible, comme mentionné ci-dessus précédemment, que le CICPC aurait encore été à votre recherche pour ces mêmes motifs et qu'il aurait demandé des renseignements à votre égard lors d'une visite auprès de votre société « (HL) » le 4 décembre 2019, soit quatre mois après votre départ de votre pays d'origine et surtout seize mois après la première fouille de votre société et la tentative d'attentat commise contre MADURO en août 2018, alors que de nombreuses arrestations désignant les présumés coupables ont été faites durant le même mois et qu'aucune suite n'a été donnée à l'enquête après ces arrestations.
De plus, si vous aviez bien continué à être dans le viseur des autorités, vous n'auriez certainement pas pu quitter de manière officielle votre pays d'origine depuis l'aéroport internationale de Caracas le 29 juillet 2019. En effet, il ne ressort à aucun moment de vos dires que vous auriez rencontré le moindre problème avec les autorités lors de votre sortie du Venezuela. Or, on peut s'attendre à ce qu'une personne réellement recherchée par les autorités ne puisse pas tout simplement quitter son pays d'origine sans difficultés apparentes via son aéroport principal alors que vous prétendez être une personne qui se cache et qui « (je) fuis le gouvernement » (p.26 du rapport d'entretien).
Ensuite, en ce qui concerne vos problèmes liés à vos prétendues activités politiques et les menaces que vous auriez reçues en raison de la publication de vos vidéos sur un réseau social et de votre participation à des manifestations, le Ministère se doit de formellement douter de la gravité de ceux-ci alors que votre vécu ne correspond manifestement pas à celui d'une personne persécutée par les autorités vénézuéliennes à cause de ses activités politiques.
En effet, alors que vous prétendez que « je suis complétement opposé au régime, j'ai participé à des manifestations, à des marches » (p.12 du rapport d'entretien) et que « tout le Venezuela participait à ces manifestations » (p.13 du rapport d'entretien), il ne ressort pas de votre récit que vous auriez été personnellement visé par les autorités vénézuéliennes à cet égard. Il convient plutôt de considérer que vous auriez participé activement à plusieurs manifestations générales auxquelles des milliers voire des centaines de milliers d'autres concitoyens ont participé et reçu les mêmes menaces aléatoires que vous. Vous confirmez vous-même que vous n'auriez pas été ciblé personnellement par les autorités lors de la manifestation du 23 janvier 2019, « on m'avait pris avec ceux qui étaient autour de moi dans la manifestation » (p.12 du rapport d'entretien) ou « Ils ont pris quelques jeunes, plus jeunes que moi. Avec moi, ils nous ont fait monter dans un camion militaire (…) Je n'ai pas reçu de coups aussi durs que certains autres » (p.18 du rapport d'entretien). Vous confirmez par ailleurs qu'il ne vous serait rien arrivé lorsque l'agent en charge de votre entretien vous demande s'il y avait eu une suite directe après cet évènement.
Quant aux menaces émises à votre encontre suite à la publication d'une vidéo sur Facebook qui reflétait l'ampleur d'un rassemblement du 30 avril 2019, il ressort de vos dires qu'il ne se serait agi que de menaces virtuelles, s'étant étendues sur une période limitée de deux mois étant donné que vous auriez bloqué ces harceleurs, et que ces menaces éphémères n'auraient jamais abouti à des représailles concrètes. À cela s'ajoute que des doutes ont été émis précédemment quant à l'authenticité de cette vidéo puisque vous avez prétendu qu'elle aurait été visionnée le 11 août 2018 par des agents du CICPC alors que vous déclarez dans votre entretien ne l'avoir filmé qu'en avril 2019, et que vous n'êtes même pas en mesure de déposer une version de cette vidéo au Ministère en guise de preuve.
Ce constat du manque de gravité est aussi renforcé par le fait qu'il ne vous serait rien arrivé de particulier entre le contrôle de police arbitraire du 16 août 2018 et votre participation à une manifestation le 23 janvier 2019, soit une période d'environ cinq mois, vu que vous reconnaissez que « je ne me rappelle de rien. Peut-être qu'il s'est passé quelque chose ou pas (…) je ne me rappelle de rien » (p.18 du rapport d'entretien). J'en retire les mêmes constats entre la date du 23 janvier 2019 et le 30 avril 2019, soit une période de trois mois, où vous affirmez qu'« à part ce que j'ai mentionné, je ne me rappelle pas » (p.19 du rapport d'entretien), tout comme la phase de trois mois ayant précédé votre départ, respectivement du 30 avril 2019 au 29 juillet 2019.
De manière générale, il y a lieu de mentionner que votre épouse aurait décidé de quitter le Venezuela avec vous suite à votre vécu et la situation générale de votre pays d'origine. Vous révélez qu'« à cause de tous ces problèmes-là, on avait déjà parlé de partir (…) on avait déjà pensé partir » (p.16 du rapport d'entretien) et « c'étaient des intentions qui étaient là, avec mon épouse, de faire un voyage en Europe, pour commencer à nouveau » (p.23 du rapport d'entretien). Cependant, après être arrivée quasiment un mois avant vous au Luxembourg, le 9 juillet 2019, elle serait retournée au Venezuela car « on avait fait une mauvaise pratique dans sa poitrine et c'était beaucoup moins cher de rentrer au Venezuela et de revenir à nouveau » (p.16 du rapport d'entretien). Il s'avère donc qu'elle aurait opté pour un retour volontaire au Venezuela afin de subir une intervention chirurgicale, motivée par des motifs sanitaires et économiques. Bien qu'elle disposerait de la double nationalité hispano-
vénézuélienne et que ce voyage aurait été tout à fait légal, force est de constater que votre épouse n'aurait pas été inquiétée par le fait de retourner au Venezuela, pays que vous dites pourtant avoir voulu fuir à deux à cause des différents problèmes que vous y auriez vécus.
Il appert aussi que votre associé (G) serait resté au Venezuela et vous confirmez qu'il recevrait encore des menaces « comme quoi l'on pourrait porter atteinte à son intégrité physique » (p.15 du rapport d'entretien) et vous supposez que les menaces émises à son encontre « sont de même nature que celles que j'ai reçues » (p.25 du rapport d'entretien).
Ainsi, en dépit du sentiment d'insécurité que vous vous targuez d'avoir ressenti et qui vous aurait poussé à quitter le Venezuela, votre épouse et votre associé y résideraient encore actuellement, malgré le fait d'avoir été soit concerné par les mêmes menaces que vous par affiliation, soit victime de menaces de « même nature » que celles que vous auriez reçues. Ce constat ne fait que confirmer les doutes évidents qui sont à formuler par rapport à la réelle gravité de votre situation au Venezuela.
Concernant vos plaintes relatives à la corruption au Venezuela, il y a lieu de noter que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève et la Loi de 2015.
En effet, vos propos liés à la prétendue dégradation de la situation générale au Venezuela (économie, corruption entre autres) ne sauraient pas suffire pour justifier l'octroi d'une protection internationale dans votre chef. Vous restez en effet en défaut de mentionner des quelconques discriminations, voire, persécutions que vous auriez personnellement subies au Venezuela, en dehors d'un nombre très limité de faits de corruption dont vous auriez été victime par malchance et de façon aléatoire, comme de nombreux autres citoyens vénézuéliens.
Finalement, votre comportement à votre arrivée en Europe est clairement incompatible avec une personne réellement persécutée ou à risque d'être persécutée et qui serait réellement à la recherche d'une protection internationale. En effet, on peut s'attendre d'une telle personne qu'elle introduise sa demande de protection dans le premier pays sûr rencontré et dans les plus brefs délais. Force est de constater que vous n'avez pas recherché directement une forme quelconque de protection étant donné que vous avez introduit votre demande de protection internationale cinq mois après votre arrivé sur le territoire luxembourgeois. Vos explications relatives au fait que vous n'auriez pensé être au Luxembourg que de façon temporaire, en affirmant que « j'ai l'intention de retourner dans mon pays, une fois que ce gouvernement soit tombé » (p.26 du rapport d'entretien) alors que vous ne seriez clairement pas persécuté par ce dernier, renforce le constat que votre situation au Venezuela ne pouvait pas être aussi intolérable que vous le laissez penser tandis que vos excuses par rapport au fait que vous n'auriez pas eu connaissance des procédures à suivre ne sont pas très convaincantes du fait qu'on peut s'attendre d'une personne qui souhaite s'installer dans un autre pays, s'efforce à récolter un minimum d'informations sur les procédures en vigueur dans ce pays.
Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.
• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.
L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.
L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Monsieur, il y a lieu de souligner qu'à l'appui de votre demande de protection subsidiaire, vous invoquez en substance les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de votre demande de reconnaissance du statut de réfugié. Or, sur base des développements et conclusions retenues qui précèdent dans le cadre du rejet du statut de réfugié, vous n'invoquez aucun autre élément additionnel susceptible de rentrer dans le champ d'application de l'article 48 précité, et vous restez en défaut de faire état d'un risque réel de faire l'objet, en cas de retour dans votre pays d'origine, d'atteintes graves, notamment de traitements inhumains ou dégradants.
En effet, force est de constater que les faits dont vous faites état et les craintes mentionnées ne revêtent pas un degré de gravité tel qu'ils puissent être assimilés à une atteinte grave au sens du prédit texte, respectivement comme des craintes fondées d'être victimes d'une atteinte grave en cas d'un retour au Venezuela. De plus, comme cela a été développé ci-avant, il convient de conclure que les craintes que vous exprimez par rapport à votre sécurité personnelle se traduisent en un simple sentiment d'insécurité alors qu'il ne vous serait jamais rien arrivé de grave au Venezuela.
Il s'avère clairement de vos déclarations que vous ne risquez pas une condamnation à la peine de mort, respectivement l'exécution découlant d'une telle condamnation par les autorités de votre pays d'origine. Les motifs dont vous faites état ne sauraient également emporter la conviction que vous courrez un risque réel de subir des actes de torture ou des traitements ou des sanctions inhumains ou dégradants au Venezuela. Finalement, soulevons que la situation sécuritaire ou générale dans laquelle se trouve le Venezuela, si elle est certes tendue, n'équivaut pas à celle d'un conflit armé interne.
Au contraire, il ressort des informations en mains que, suite à l'exode massif des années 2010 susmentionné, l'année 2020 s'est caractérisée par un certain retour au calme au Venezuela et par un retour de plus en plus de Vénézuéliens au pays qui sont désormais autorisés à investir en dollars et à faire proliférer leurs entreprises privées : « After leading his country's economy over a cliff, President Nicolas Maduro has brought it a certain measure of stability. By allowing dollars to flow freely and private enterprise to flourish in recent months, he seems to have breathed new life into his regime. He remains widely despised but emigration has begun to slow, people are returning and the government is enacting laws to tax dollar transactions and allow companies to issue debt in foreign currencies. ».
Ces retours au pays ont encore multiplié récemment à cause de la crise économique liée au COVID-19, ayant souvent fait perdre le travail aux Vénézuéliens partis dans d'autres pays sud-américains pour fuir la crise économique. Ces retours démontrent en même temps, que comme susmentionné, les Vénézuéliens ont par le passé surtout fui la crise économique et non pas les autorités ou des quelconques persécutions personnelles, en ne craignant manifestement pas d'y retourner.
Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.
Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la Loi de 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.
Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination du Venezuela, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner.
(…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 juillet 2022, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à la réformation, d’une part, de la décision ministérielle du 8 juin 2022 portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale et, d’autre part, de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
Par jugement du 4 mars 2024, le tribunal administratif reçut en la forme le recours en réformation en ses deux branches, au fond, le dit non justifié et en débouta le demandeur et en le condamnant aux frais de l’instance.
Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 2 avril 2024, Monsieur (A) a régulièrement fait entreprendre le jugement du 4 mars 2024.
Moyens des parties A l’appui de son appel, l’appelant soutient qu’il craindrait d’être persécuté par le gouvernement vénézuélien à cause de sa profession et de son engagement politique. Il explique qu’il aurait exercé l’activité de pilote de drones au Venezuela et qu’à la suite d’un attentat du 4 août 2018 perpétré contre le président Nicolas MADURO avec un drone, il aurait été suspecté d’avoir été l’auteur de cette attaque.
L’appelant explique également qu’il aurait participé à une manifestation contre le gouvernement lors de laquelle il aurait subi des violences de la part des forces de l’ordre. Il aurait également diffusé des images de manifestations qui auraient dénoncé la propagande mensongère du gouvernement vénézuélien.
L’appelant reproche au ministre de ne pas avoir tiré les bonnes conclusions d’une photographie versée par lui. Il affirme que même s’il n’était pas l’auteur direct de cette photographie, la diffusion de cette image aurait un caractère hautement politique, de sorte qu’il serait envisageable que cette diffusion aurait été considérée comme un acte de défiance envers le gouvernement.
Ensuite, l’appelant reproche aux premiers juges de ne pas avoir tiré les bonnes conclusions de leurs propres constatations. D’après lui, les premiers juges reconnaîtraient qu’il aurait subi des violences de la part des forces de l’ordre, l’extorsion et le vol dont il aurait été victime, mais qu’ils considèreraient que ces actes ne seraient pas d’une gravité suffisante pour pouvoir être qualifiés d’actes de persécution ou d’atteintes graves et ne seraient dès lors pas de nature à justifier l’octroi d’un statut de protection internationale. Or, d’après l’appelant, les actes qu’il aurait rapportés seraient constitutifs d’une persécution au sens de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015.
Il conclut qu’il craindrait à raison pour son intégrité physique et que, dès lors, sa situation répondrait aux critères énoncés à l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 et que par conséquent, le jugement entrepris devrait encourir la réformation.
A titre subsidiaire, l’appelant demande la protection subsidiaire en arguant qu’il remplirait tous les critères de son octroi. Il affirme que l’Etat vénézuélien serait directement impliqué au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, qu’il aurait été enfermé, battu et spolié et qu’il aurait gardé depuis lors des traumatismes. Il conclut que les actes dont il aurait été victime seraient d’une gravité suffisante au regard des exigences de l’article 48, sub b), de la loi du 18 décembre 2015.
Concernant l’ordre de quitter le territoire, l’appelant fait valoir que son éloignement constituerait une violation de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après la « CEDH », et que le Venezuela ne figurerait pas sur la liste des pays tiers sûrs vers lesquels un éloignement pourrait être valablement exécuté.
Le délégué du gouvernement demande la confirmation du jugement et affirme que l’appelant n’apporterait aucun élément supplémentaire susceptible de venir infirmer le jugement entrepris ou la décision ministérielle.
La partie étatique relève néanmoins que les premiers juges ne se seraient pas prononcés quant à la crédibilité du récit de l’appelant et que ce dernier ne prendrait pas non plus position à ce sujet dans sa requête d’appel. L’Etat maintient que le récit de l’appelant ne serait pas crédible et renvoie à ses développements en première instance sur ce point.
Le délégué du gouvernement affirme ensuite qu’en tout état de cause, il n’y aurait plus de raisons de penser que l’appelant serait encore dans le collimateur des autorités vénézuéliennes alors qu’il aurait pu quitter le Venezuela depuis l’aéroport de Caracas sans encombre.
Concernant la demande de protection subsidiaire, le délégué du gouvernement relève que l’appelant aurait invoqué uniquement l’article 48, sub b), de la loi du 18 décembre 2015 et demande de voir confirmer la conclusion des premiers juges d’après laquelle les actes de violence dont se prévaut l’appelant au cours d’une manifestation ne seraient pas d’une gravité suffisante pour pouvoir être qualifiés d’actes de persécution ou d’atteintes graves puisqu’ils s’inscriraient dans le contexte spécifique du maintien de l’ordre dans le cadre d’une manifestation. De plus, les premiers juges auraient retenu à bon escient que, tel qu’affirmé par l’appelant lui-même, aucune suite n’aurait été réservée par les autorités à sa participation à ladite manifestation, de sorte qu’il n’y aurait pas d’éléments qui permettraient de conclure que l’appelant serait personnellement et individuellement visé par l’action des forces de l’ordre.
Analyse de la Cour Il se dégage de la combinaison des articles 2, sub h), 2, sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), de ladite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la même loi, étant entendu qu’au cas où̀ les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39, précité, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
L’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifies comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié́ et à celui conféré par la protection subsidiaire. La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 48 ».
L’article 48 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infliges à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Dans la mesure où les conditions énoncées ci-avant doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.
Il convient d’ajouter que l’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existante dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.
Or, dans le cadre du recours en reformation dans lequel il est amené à statuer sur l’ensemble des faits lui dévolus, le juge administratif doit fondamentalement procéder à une évaluation de la situation personnelle du demandeur d’asile en ne se limitant pas à la pertinence des faits allégués, mais il se doit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur d’asile, la crédibilité du récit constituant en effet un élément d’appréciation fondamental dans l’examen du bien-fondé d’une demande de protection internationale, et plus particulièrement dans la mesure où des éléments de preuve matériels font défaut.
Encore que les premiers juges ne se sont pas prononcés quant à la question de la crédibilité du récit de l’appelant, la Cour rejoint et fait sienne l’analyse détaillée du délégué du gouvernement selon laquelle la crédibilité du récit de l’appelant est remise en cause en raison des contradictions et incohérences affectant ses déclarations.
Tout d’abord, c’est de manière pertinente que le délégué du gouvernement a relevé que l’appelant a remis des photos à l’appui de sa demande de protection internationale en se revendiquant en tant qu’auteur de ces photos. Or, selon les explications concordantes de la partie gouvernementale appuyées par des pièces, il s’est avéré à la suite de la vérification par le ministère que la photo, qui a priori a effectivement été prise par un drone et qui illustre une manifestation antigouvernementale, a été massivement publiée sur les différents sites d’agence de presse et a été prise par la photojournaliste vénézuélienne Adriana Loureiro FERNANDEZ le 23 janvier 2019. L’appelant avoue d’ailleurs dans sa requête d’appel ne pas en être l’auteur.
Cette manœuvre afin d’induire en erreur les autorités luxembourgeoises remet complètement en cause la crédibilité de l’appelant.
Ensuite, c’est encore de manière pertinente que le ministre a relevé les incohérences temporelles concernant les prétendues visites de l’appelant au poste du CICPC et la Cour note que ce dernier n’a avancé aucune explication quant à ces incohérences.
La Cour note également que l’appelant n’a pas été capable d’indiquer au ministre à quel moment il aurait pris la décision de quitter son pays d’origine, alors que dans le même temps son demi-frère a introduit une demande d’« engagement de prise en charge » à son égard auprès des autorités luxembourgeoises qui lui a été accordée le 18 avril 2019 et qu’il a finalement quitté le Venezuela le 29 juillet 2019. C’est encore à juste titre que le délégué du gouvernement a relevé que l’appelant a attendu cinq mois avant de déposer sa demande de protection internationale au Luxembourg et a tiré la conclusion exacte de la déclaration de l’appelant d’après laquelle il n’aurait pas déposé sa demande de protection tout de suite du fait qu’il avait l’intention de repartir au Venezuela. Or, le fait qu’il n’avait pas l’intention de quitter définitivement le Venezuela et qu’il a affirmé avoir hésité entre, d’une part, déposer une demande de prolongation de son visa ou, d’autre part, une demande de protection internationale démontre que la crainte pour sa sécurité n’était pas réelle et sérieuse.
Il s’ajoute encore à cette liste de contradictions et incohérences le fait que l’appelant a quitté le Venezuela via l’aéroport international Maiquetia Simon Bolivar sans être inquiété par les autorités locales, alors qu’il affirme qu’il aurait dû se cacher devant elles. De plus, son épouse a pu y retourner de sa propre volonté sans y être inquiétée, alors que l’appelant a affirmé qu’elle aurait dû quitter le Venezuela à cause des menaces qui auraient pesé sur lui.
La Cour est partant amenée à retenir que le récit de l’appelant est incohérent et peu plausible et que son comportement démontre qu’il n’avait pas de véritables craintes quant à son possible retour au Venezuela ou quant à la réelle nécessité de demander la protection internationale au Luxembourg.
Quant au bénéfice du doute sollicité par l’appelant, la Cour rappelle qu’en application de l’article 37, paragraphe (5), de la loi du 18 décembre 2015, « lorsque certains aspects des déclarations du demandeur ne sont pas étayés par des preuves documentaires ou autres », le bénéfice du doute est accordé, « lorsque les conditions suivantes sont remplies :
a) le demandeur s’est réellement efforcé d’étayer sa demande ;
b) tous les éléments pertinents à la disposition du demandeur ont été présentés et une explication satisfaisante a été fournie quant à l’absence d’autres éléments probants ;
c) les déclarations du demandeur sont jugées cohérentes et plausibles et elles ne sont pas contredites par les informations générales et particulières connues et pertinentes pour sa demande ;
d) le demandeur a présenté sa demande de protection internationale dès que possible, à moins qu’il puisse avancer de bonnes raisons pour ne pas l’avoir fait ; et e) la crédibilité générale du demandeur a pu être établie.
Or, en l’espèce, les conditions énoncées sous les points a), b), c), d) et e) ne sont pas remplies au vu des considérations qui précèdent.
Ainsi, au vu de ces considérations, la Cour est amenée à conclure que l’Etat a valablement pu remettre en question la crédibilité du récit de l’appelant dans sa globalité et, conséquemment, pu retenir l’absence, en cas de retour dans son pays d’origine, de raisons sérieuses d’admettre une crainte fondée de persécution dans son chef ou qu’il encourrait ou encourt un risque réel de subir des atteintes graves.
Finalement, l’appelant n’avance aucun motif fondé sur l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande de protection internationale prise en son double volet et que le jugement est à confirmer sous ce rapport, encore que pour d’autres motifs.
En ce qui concerne la demande de l’appelante tendant, par réformation du jugement entrepris, à la réformation de l’ordre de quitter le territoire, il y a lieu de rappeler que le jugement entrepris est à confirmer en tant qu’il a rejeté la demande d’octroi du statut de la protection internationale de l’appelante - statut de réfugié et protection subsidiaire - et que le refus dudit statut entraîne automatiquement l’ordre de quitter le territoire.
Cette conclusion n’est pas énervée par l’invocation de l'article 3 de la CEDH dans la mesure où la Cour vient de confirmer la conclusion de l’absence de fondement des craintes alléguées par l’appelant, de sorte que son renvoi au Venezuela ne saurait être incompatible avec ledit article 3.
L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelant et de confirmer le jugement entrepris, encore que pour d’autres motifs.
PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 2 avril 2024 en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute l’appelant, partant, confirme le jugement entrepris du 4 mars 2024, condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par:
Serge SCHROEDER, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu à l’audience publique du 28 août 2024 à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour par le premier conseiller, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.
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