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11/07/2024 | LUXEMBOURG | N°49685C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 11 juillet 2024, 49685C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 49685C ECLI:LU:CADM:2024:49685 Inscrit le 10 novembre 2023

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Audience publique du 11 juillet 2024 Appel formé par Madame (A) et consort, …, contre un jugement du tribunal administratif du 28 septembre 2023 (n° 46507 du rôle) dans un litige les opposant à une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts

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Vu l’a...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 49685C ECLI:LU:CADM:2024:49685 Inscrit le 10 novembre 2023

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Audience publique du 11 juillet 2024 Appel formé par Madame (A) et consort, …, contre un jugement du tribunal administratif du 28 septembre 2023 (n° 46507 du rôle) dans un litige les opposant à une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 49685C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 10 novembre 2023 par la société en commandite simple BONN STEICHEN & PARTNERS SCS, établie et ayant son siège social à L-3364 Leudelange, 11, rue du Château d’Eau, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, représentée par son gérant commandité en fonctions, à savoir la société à responsabilité limitée BSP s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-3364 Leudelange, 11 rue du Château d’Eau, elle-même représentée aux fins de la présente procédure par Maître Pol MELLINA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A) et de Monsieur (B), demeurant ensemble à L-…, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 28 septembre 2023 (n° 46507 du rôle) par lequel le tribunal reçut en la forme le recours principal en réformation dirigé contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 28 juin 2021, référencée sous les numéros … et …, rejetant comme non fondées les réclamations contre les bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu et de la base d’impôt d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2010 à 2014, tous émis le 25 novembre 2020, au fond déclara ledit recours non justifié et en débouta les demandeurs, dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur leurs recours subsidiaire en annulation et les débouta de leur demande en obtention d’une indemnité de procédure, tout en les condamnant aux frais et dépens ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 11 décembre 2023 par le délégué du gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 11 janvier 2024 par la société BONN STEICHEN & PARTNERS SCS, représentée par Maître Pol MELLINA, pour compte de Madame (A) et de Monsieur (B), préqualifiés ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le magistrat rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Pol MELLINA et Monsieur le délégué du gouvernement Eric PRALONG en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 février 2024.

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En dates des 1er juillet 2015, 19 mai 2016 et 1er février 2017, le bureau d’imposition de … de l’administration des Contributions directes, ci-après le « bureau d’imposition » et l’« ACD », émit à l’égard de Monsieur (B) et de son épouse, Madame (A), ci-après les « consorts (A-B) », les bulletins de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2010 à 2014 et à l’égard de Monsieur (B) seul les bulletins de la base d’assiette de l’impôt commercial communal pour les mêmes années d’imposition.

En date du 30 septembre 2019, le bureau d’imposition s’adressa à Monsieur (B) dans les termes suivants :

« (…) En vertu du § 205(1) A.O., je vous prie de bien vouloir me fournir les pièces/renseignements suivants pour les années 2017 à 2018 :

1) la comptabilité informatisée au format FAIA / SAF-T 2) les fichiers POS (système de caisse) 3) une description détaillée sur la méthode de comptabilisation des ventes (livre de caisse de chaque année) 4) votre adresse e-mail En vertu du § 222(1) A.O., je vous prie de bien vouloir me fournir les mêmes pièces que sub 1) à 3) ci-dessus pour les années 2009 à 2016.

Les pièces demandées sont à fournir pour le 21 octobre 2019 au plus tard. (…) ».

En date du 29 septembre 2020, une entrevue eut lieu dans les bureaux du service de Révision de l’administration des Contributions directes, ci-après le « service de Révision », entre les consorts (A-B), un représentant de leur fiduciaire et des contrôleurs de l’administration des Contributions directes.

Par courrier du 29 octobre 2020, le bureau d’imposition informa Monsieur (B) que :

« (…) En exécution du § 205(3) (année 2017) et des §§ 222(1) et 222(2) (années 2010-

2014 et 2016) de la loi générale des impôts du 22 mai 1931 (A.O.), j’ai l’honneur de vous informer qu’après avoir examiné vos déclarations fiscales pour les années 2010 à 2017, le bureau d’imposition … envisage d’effectuer les redressements suivants :

- Majoration recettes suivant notre entrevue du 29/09/2020 dans les locaux du service de révision à Luxembourg-Ville (motif : les montants enregistrés dans le système POS diffèrent des montants du chiffre d’affaire[s] enregistrés dans la comptabilité (fichiers FAIA) :

-

Années :

Majoration recettes :

2010 2011 2012 2013 2014 2016 2017 (*) (*) recettes -… + correction de valeur sur stock 25.000,00 = … EUR Au cas où vous auriez des observations à formuler au sujet des redressements envisagés, je vous prie de m’en informer par écrit pour le 20/11/2020 au plus tard. Ce délai passé, je me permets d’admettre votre approbation et les impositions des années 2010 à 2017 seront établies en tenant compte des modifications susmentionnées. (…) ».

Par courrier du 13 novembre 2020, Monsieur (B) contesta le redressement envisagé.

En date du 17 novembre 2020, le service de révision dressa un « compte rendu » qui fit état des constatations suivantes :

« (…) Compte rendu Du Service de Révision et du Bureau d’imposition Ettelbruck concernant le contrôle sur place Du contribuable (B) Pharmacien … L-… fait sur demande du préposé du bureau d’imposition … et portant sur les exercices 2010 à 2017 inclusivement.

Table des matières A. Données générales ……………………………………………………………………………………3 1. Motif de la vérification ……………………………………………………………………3 3. Date de clôture de l’exercice : …………………………………………………………4 4. Déclarations et impôts contrôlés : ……………………………………………………4 5. Objet de l’entreprise : …………………………………………………………………….4 Pharmacie ………………………………………………………………………………………..4 6. Forme juridique de l’entreprise : ……………………………………………………..4 7. Personnes ou firmes ayant collaboré lors du contrôle sur place : ………..4 8. Agents de l’Administration des contributions directes…………………………4 B. Comptabilité ……………………………………………………………………………………………5 9. Quant à la forme : ………………………………………………………………………….5 C. Constatations spéciales …………………………………………………………………………….5 10. Système POS : ……………………………………………………………………………..5 11. Fournisseurs : ……………………………………………………………………………..6 12. Conclusion finale …………………………………………………………………………7 A. Données générales 1. Motif de la vérification :

a. Avis Service Révision ;

b. 205(1) AO pour ;

c. § 222(1) et (2) AO pour ; faits nouveaux suivant constatations faites lors du contrôle de la société (CC) par le service de révision ;

d. Courriel de M. (D) du 14.09.2018 ;

e. Comptabilisation non conforme.

i. Chiffre d’affaire[s] évalué par marge bénéficiaire et flux bancaires « Bonjour Monsieur (F), Pour les années 2014 et 2015, le chiffre d’affaires des clients (CC) était établi suivant les encaissements effectués, augmentés par les clients ouverts en clôture d’exercice. Cela était dû, du fait que les prologiciels des officines que ce soient Prophalux, Logipharm, Sabco, Nextpharm étaient destinés pour une gestion de stock et pour la communication avec la CNS (part du prix médicament pris en charge par la CNS).

Les pharmaciens et leurs personnels utilisaient le système dans l’optique décrite ci-

dessus et non dans une optique comptable. Ce qui ne nous permettait pas d’exploiter les données du progiciel.

Durant l’année 2016, l’Administration de l’Enregistrement et des Domaines a procédé à un contrôle de toutes les pharmacies, sur les années antérieures et a pris comme principe que les chiffres produits par le système devaient être fiables et que le chiffre d’affaires généré par le système informatique devienne par extension une pièce comptable probante.

(CC) a annoncé à ses clients la position de l’AED et a attiré leur attention sur la nécessité de maîtriser leur outil informatique afin de générer le moins de différence possible entre la réalité et leur comptabilisation dans le système informatique. De même (CC) a informé les fournisseurs de prologiciels du besoin de ceux-ci à adapter leurs programmations dans le sens demandé par l’AED.

Les conclusions de l’administration de l’enregistrement arrivant courant 2017, il a été impossible pour les pharmaciens de corriger leurs procédures en 2016.

Pour 2016, (CC) a utilisé le chiffre d’affaire[s] produit par le système avec une tolérance maximum de 0.5% du chiffre d’affaires.

Pour 2017, (CC) a utilisé le chiffre d’affaire[s] produit par le système.

J’espère avoir répondu à votre question.

N’hésitez pas à me joindre pour toute information.

Je vous prie, Monsieur (F), de bien vouloir accepter mes salutations les meilleures.

(CC), (D) ».

Cette déclaration faite par (CC) laisse douter à la fiabilité de la comptabilité et donc les conditions pour procéder à une imposition rectificative suivant § 222 (1) et (2) (neue Tatsachen) sont remplies.

2. Constations faites lors du contrôle fiscal de la société (KK) par le service de Révision.

3. Date de clôture de l’exercice :

le 31 décembre 4. Déclarations et impôts contrôlés :

Impôt commercial communal des exercices fiscaux 2010 à 2017 inclusivement 5. Objet de l’entreprise :

Pharmacie 6. Forme juridique de l’entreprise :

Exploitant individuel 7. Personnes ou firmes ayant collaborées lors du contrôle sur place :

M. (B) (pharmacien) ; Mme (B) (pharmacienne) ; M. (E) ((CC)) 8. Agents de l’Administration des contributions directes SERREV: (F); (G); (H) B.I. … : M. (I) (préposé-adjoint), Réunion du 29.09.2020 (… salle de réunion 2e étage) B. Comptabilité 9. Quant à la forme :

La loi générale des impôts impose la tenue d’une comptabilité régulière et complète (§160 et 162 AO) quant à la forme et quant au fond.

La comptabilité est régulière quant à la forme lorsqu’elle est agencée de façon claire et ordonnée, de façon à faciliter toute recherche et tout contrôle. Elle est régulière quant au fond lorsqu’elle renvoie une image fidèle et complète de la situation financière de l’entreprise.

A cette fin, elle doit respecter les principes généraux comptables tels que le principe de la continuité, de constance, de spécificité des exercices, de non compensation, de comptabilisation des charges et produits et de prudence. La comptabilité qui est régulière d’un point de vue formel bénéficie d’une présomption de régularité quant au fond (§208 (1) AO). A défaut de respecter les conditions de régularité formelle, la comptabilité perd sa force probante. Le §160 AO impose le respect des règles comptables contenues dans les lois non fiscales.

Le contribuable dispose d’une comptabilité en partie double informatisée.

Pour les années 2011 à 2018 les pièces comptables informatisées suivants ont été présentées: • La balance des comptes généraux pour 2010-2012 • Les fichiers FAIA/SAF-T pour 2013-2018;

• Les fichiers du système POS L’analyse des fichiers à révéler des différences entre le chiffre d’affaire[s] enregistrés dans les systèmes POS et la comptabilité fournies sous format FAIA.

En cours de 2018, la comptabilité a été repris par la Fiduciaire PME.

C. Constatations spéciales 10. Système POS :

Les montants enregistrés dans le système POS diffèrent des montants du chiffre d’affaire[s] enregistrés dans la comptabilité (fichiers FAIA).

Après analyse des fichiers et vu que les annulations ne sont pas excessives pour les années 2010-2014 par rapport au chiffre d’affaire[s] et que les suppressions des lignes sont explicables, une marge de sécurité suivant TA 39260 n’est pas à appliquer. Pour l’année 2015 une marge de sécurité de 20% est à appliquer.

Tableau synthétique 2010 – 2017 Marge de Recettes factures sécurité de 20% Système POS montant à Année comptabilisées Différence %Chida POS vétérinaires suivant TA TVAC considérer TVAC TVAC 39260 les années 2016 et 2017 2010 0,01855487 2011 0,01712937 2012 0,02089291 2013 0,01002924 2014 0,00235684 2015 -

2016 0,00089458 2017 - 0,00166270 Total Ventes annulées officine année Lignes annulées Annulées TVAC % Chida annuel TVAC 2010 0,0000% 2011 0,0000% 2012 0,0000% 2013 0,0000% 2014 0,0000% 2015 10,4686% 2016 10,8878% 2017 5,8871% 11. Fournisseurs:

a. (KK) i. Factures récapitulatives 1. Ok Mais pas d’indication sur les fournitures gratuites et ou avec remises ii. Factures générales 1. néant 2. Elle devrait, selon AED, contenir des informations sur les fournitures gratuites 3. Cependant NS- ACD Valeur des articles gratuits, escomptes et remises reçus :

12. Conclusion finale Après révision des toutes les données et documents demandés lors de la réunion du 29 septembre 2020 :

Imposition svt 222(1) et (2) AO pour les années 2010-2014 et 2016 ;

Imposition de l’année 2017 svt 205 (3) AO ; recettes -… + cdv Stock 25.000 = … Extrait comptabilité :

Account Account Amount/ Amount/Cr Account Id Account Name Opening Closing Text Date Amount D eb e Balance Balance Marchandises -

Correct° de Valeur Marchandises Stock 10% 326000 31/12/2017 31/12/2017 Var. stocks de Correct° de Valeur marchandises -

Stock 10% 607600 31/12/2017 31/12/2017 Lors de notre rendez-vous avec le contribuable plusieurs sujets ont été abordés.

- Système POS de 2010 à 2017 - Serrev analyse POS et Comptabilité - Pourquoi les différences - Explication des procédé serrev - Factures vétérinaires sont à déduire des recettes globales comptabilisé[e]s, parce que articles facturés aux vétérinaires sont livrés directement par le fournisseur au vétérinaire et le pharmacien émet une facture avec une marge de 2 à 10 % pour le vétérinaire, donc les articles ne font pas d’objet de la gestion de stock de la pharmacie.

- Problème 2015 différences 500 000 recettes comptabilité POS . pas d’explications fournies.

- Comptabilisation des vétérinaires 2015 non retrouvable.

- Ventes annulées dans le système très importants à partir de 2015 - … = vétérinaires factures à envoyer par Mme (B) - Explication comment la fiduciaire a comptabilisé par le biais des flux bancaires et d’où la différence entre comptabilité et officine car les articles gratuits ne sont pas capturés correctement par la comptabilité.

- Elaboration comment la comptabilité aurait dû être comptabilisé[e].

- Explication suppressions et annulations - Demande pour 2010 et 2011 factures des vétérinaires pour ajuster.

- Factures demandé[e]s.

- M. (B) ne comprend pas la hauteur des montants… - Système POS Sabco n’a pas les mêmes chiffres que les relevés suivant M. (E).

- M et Mme sont formel[s] qu’ils n’ont pas utilisé le système D_Delta de l’officine SABCO - Explication calcul marge - Print des relevés pour la caisse Sabco pour les années 2010, 2011, 2012 - Demande si chèques → remises etc.

- Vétérinaires et données fiduciaire similaire pour vétérinaires.

- Délai une semaine - Pas de chèques de la (KK) etc… - Demandé lien OTX pour Pharmacien, M. (E) et M. (J). (…) ».

En date du 25 novembre 2020, le bureau d’imposition émit à l’égard des consorts (A-B) les bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu et de la base d’assiette globale et de l’impôt commercial communal des années 2010 à 2014, sur lesquels figura la mention « Imposition suivant notre lettre du 29/10/2020 et notre entretien téléphonique du 17/11/2020 ».

Par courrier du 1er mars 2021, les consorts (A-B) firent introduire une réclamation contre lesdits bulletins rectificatifs auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après le « directeur ».

Par une décision du 28 juin 2021, référencée sous les numéros … et …, le directeur rejeta la réclamation comme non fondée, cette décision étant libellée comme suit :

« (…) Vu la requête introduite le 1er mars 2021 par Me Pol Mellina, au nom des époux, le sieur (B) et la dame (A), demeurant à L-…, pour réclamer contre les bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014, tous émis en date du 25 novembre 2020 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant qu’en application du § 5 de la 2e GewStVV du 16 novembre 1943 et de la GewStR 13 (cf. § 7 GewStG), les bulletins de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014 se trouvent affectés d’office pour le cas où il résulterait du recours sous analyse une variation du bénéfice d’exploitation soumis à l’impôt commercial communal ;

Considérant que l’introduction par une requête unique de plusieurs demandes distinctes, mais néanmoins semblables, empiète sur le pouvoir discrétionnaire du directeur des contributions de joindre des affaires connexes, mais n’est pas incompatible en l’espèce avec les exigences d’une procédure ordonnée ni dommageable à une bonne administration de la loi ; qu’il est, en principe, loisible au directeur des contributions de joindre ou non des affaires qui lui paraissent suffisamment connexes ;

Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§238 AO), dans les forme (§249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elles sont partant recevables ;

Considérant que les bulletins de l’impôt sur le revenu et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014 furent émis, à l’origine, respectivement le 1er juillet 2015 pour les bulletins des années 2010 et 2011, le 19 mai 2016 pour ceux de l’année 2012 et le 1er février 2017 pour ceux des années 2013 et 2014 ; que ces bulletins ont à présent été redressés sur base du § 222, alinéa 1er, n° 1 AO par des bulletins rectificatifs émis en date du 25 novembre 2021 ; qu’il s’ensuit que les réclamations parvenues le 1er mars 2021 n’ont été valablement introduites dans le délai de trois mois qu’à l’égard des bulletins rectificatifs des années 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014, attaquables dans la mesure où les cotes d’impôt rectifiées dépassent les cotes originaires (§ 234 AO) ;

Considérant que les réclamants font grief au bureau d’imposition d’avoir majoré les bénéfices initialement imposés au titre des années 2010 à 2014 au moyen d’une taxation non justifiée de recettes supplémentaires ;

Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens des réclamants, la loi d’impôt étant d’ordre public ;

qu’à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-fondé ;

qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

Considérant qu’à la suite d’un contrôle approfondi de la comptabilité de la pharmacie exploitée par le requérant, effectué par le bureau d’imposition assisté dans sa tâche par le service de révision de l’administration des contributions directes, les enregistrements et pièces comptables furent qualifiés de non probants, car présentant certaines irrégularités qui se manifestèrent, d’une part, par l’existence d’une disparité apparente entre les recettes d’exploitation comptabilisées et les recettes enregistrées par le logiciel de traitement des ventes qui ne sut trouver une explication satisfaisante, et d’autre part, par le défaut apparent d’enregistrement des recettes en rapport avec des fournitures facturées aux vétérinaires pour lesquels il servait d’intermédiaire, des comptabilisations imprécises ou erronées et des corrections forfaitaires manifestement inexactes au niveau des comptes de la taxe sur la valeur ajoutée et des stocks ; qu’il fut notamment établi que le chiffre d’affaires des années 2010 à 2014 avait été déterminé sur base des sommes constatées en caisse et en banque à certaines dates précises, enregistrées d’après un système de comptabilisations synthétiques confus au moyen d’extournes successivement débitées et créditées sur différents comptes de bilan et de résultat, occultant les origines et emplois des montants comptabilisés, procédé que la fiduciaire chargée de la comptabilité justifia par la spécificité des logiciels comptables, destinés à assurer une gestion des stocks adaptée aux exigences de la Caisse nationale de santé et non aux conditions liées à la tenue d’une comptabilité commerciale réglementaire ;

que suite à une entrevue dans les bureaux du service de révision, le 29 septembre 2020, entre les requérants, accompagnés d’un représentant de la fiduciaire chargée de la comptabilité de la pharmacie et les contrôleurs des contributions, le bureau d’imposition adressa au réclamant, en date du 29 octobre 2020, un courrier répondant aux exigences du § 205, alinéa 3 AO, l’avisant qu’il entendait procéder à des majorations des bénéfices précédemment soumis à l’impôt par voie d’une taxation de recettes d’exploitation supplémentaires telles que dégagées du contrôle effectué, et l’invitant à prendre position par rapport à ces redressements ; que malgré la contestation exprimée par le réclamant dans un courrier de réponse envoyé au bureau d’imposition le 13 novembre 2020, celui-ci émit les impositions rectificatives conformément à ses annonces, ajoutant respectivement aux recettes déclarées à l’origine des montants de … euros pour l’année 2010, … euros pour l’année 2011, … euros pour l’année 2012, … euros pour l’année 2013 et … euros pour l’année 2014 ;

Considérant que dans le cadre de leur requête, les réclamants font valoir, en premier lieu, qu’en dépit du courrier mentionné, leurs droits n’auraient pas été respectés par le bureau d’imposition qui n’aurait tenu compte de la procédure contradictoire qu’en apparence, sans véritablement leur permettre de réagir en connaissance de cause ; qu’ainsi, le bureau d’imposition ne leur aurait pas communiqué le compte rendu du contrôle effectué ni expliqué de quelle façon les montants rajoutés aux bénéfices initialement imposés avaient été établis ;

qu’ignorant de quelle façon le bureau avait pu déterminer les montants qu’il s’engageait à ajouter aux recettes déclarées, ils n’auraient pas été en mesure de s’en défendre ;

Considérant néanmoins que le courrier en question, au-delà de chiffrer les majorations de bénéfices retenues, fit encore référence à l’entrevue du 29 septembre 2020 dans les locaux du service de révision, entrevue qui eut lieu justement en vue de permettre un échange portant sur les vérifications des livres et pièces comptables, avec le concours du service de révision, par le bureau d’imposition ; que les requérants, impliqués dans la procédure de contrôle tout comme le fut leur comptable, étaient nécessairement au courant des irrégularités constatées, celles-ci ayant fait l’objet des discussions menées lors de cette entrevue ; qu’ils expliquent néanmoins que, le courrier du 29 octobre ne faisant pas état d’indices concrets sur base desquels la comptabilité aurait été reconnue comme irrégulière, ils n’auraient pas été en mesure de fournir les explications nécessaires qui auraient pu permettre de justifier les montants initialement déclarés ; qu’ils s’appuient notamment sur la doctrine allemande pour faire valoir leur droit d’obtenir communication du rapport du réviseur ;

Considérant qu’en vertu du § 205, alinéa 3 AO, des divergences notables en défaveur du contribuable doivent lui être communiquées pour observation préalablement à l’imposition ; que la disposition du § 205, alinéa 3 AO a un caractère contraignant et constitue une forme substantielle destinée autant à garantir une bonne administration de la loi d’impôt qu’à protéger les intérêts du contribuable ;

Considérant que « l’obligation de collaboration du contribuable dans le cadre de l’établissement des bases d’imposition de son revenu a comme corollaire son droit d’être entendu avant la prise d’une décision administrative lui fixant une obligation patrimoniale plus lourde que celle par lui escomptée à travers sa déclaration, lorsque cette « wesentliche Abweichung » en sa défaveur provient d’une divergence au sujet des informations et documents par lui communiqués au bureau d’imposition à travers sa déclaration d’impôt ou encore dans le cadre de son devoir de collaboration, suite à une demande afférente du bureau d’imposition » (Tribunal administratif du 21 mai 2003, n° 11128 du rôle ; Cour administrative du 27 janvier 2004, n° 16643C du rôle) ;

Considérant qu’en l’espèce, la vérification des livres et pièces comptables du requérant fut entreprise sur initiative du bureau d’imposition, le service de révision n’ayant fait que prêter concours au contrôleur du bureau d’imposition ; qu’aussi, les constatations et conclusions qui purent en être dégagées, quoiqu’elles ne firent pas l’objet d’un rapport de révision puisque les vérifications et contrôles effectués n’eurent pas lieu sur initiative et sous l’autorité du service de révision, furent néanmoins portées à la connaissance des réclamants, notamment lors de l’entrevue du 29 septembre qui était destinée justement à un échange de vues au sujet des différents aspects des vérifications faites ; que tant les requérants que le comptable furent donc informés sur les démarches et les calculs effectués par le bureau d’imposition ; qu’ils furent d’ailleurs invités, à cette occasion déjà, à faire valoir tous moyens qu’ils jugeraient utiles à justifier ou expliquer les défauts et manquements constatés dans la comptabilité de la pharmacie ;

Considérant qu’il faut en conclure que les réclamants disposaient de toutes les informations nécessaires leur permettant d’exercer leur droit d’être entendu et que c’est à tort qu’ils invoquent la violation du § 205, alinéa 3 AO ; qu’il s’ensuit que la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

Considérant cependant que les requérants contestent encore les redressements effectués au motif que les majorations de recettes reposeraient partiellement sur des taxations, procédure qui ne serait pas applicable du moment que la comptabilité présentée aurait été régulière tant quant à sa forme que quant à son fond ;

Considérant que le réclamant est soumis aux obligations de la tenue d’une comptabilité régulière au sens des articles 8 à 11 du Code de Commerce et du § 160, alinéa 1er AO ; que le paragraphe 162 AO détermine les conditions à respecter afin que la comptabilité soit tenue de manière régulière ; qu’une comptabilité régulière en la forme et au fond est la représentation des comptes d’une entreprise dans une stricte chronologie et d’après les faits réels ; qu’elle est censée avoir enregistré de manière claire, précise et ordonnée toutes les opérations de cette entreprise ; qu’elle doit prendre en considération de façon exacte l’intégralité des faits comptables ; que le § 208, alinéa 1er AO crée une présomption de régularité intégrale en faveur des comptabilités conformes aux règles énoncées au § 162 AO ;

Considérant que résultaient notamment des vérifications faites par le bureau d’imposition des différences importantes entre le montant du chiffre d’affaires déclaré et celui enregistré dans le système de gestion du réclamant ; que ce dernier ne conteste d’ailleurs pas les défaillances du logiciel utilisé, qui ne permettait notamment pas de gérer les encaissements de factures ouvertes, obligeant le comptable à ajuster en fin d’année le montant des recettes enregistrées par le logiciel comptable en y incluant le montant des factures ouvertes en fin d’exercice et en en déduisant les factures restant ouvertes à la fin de l’exercice précédent ;

qu’il reconnaît encore qu’il arrivait fréquemment qu’à l’encaissement, le mode de paiement n’était pas correctement saisi, mais assure avoir tenu quotidiennement et consciencieusement le livre de caisse et avoir imprimé les relevés quotidiens du logiciel des ventes, documents qu’il transmit régulièrement, à la fin de chaque mois, à son comptable ; qu’il justifie d’ailleurs les erreurs d’enregistrement et de saisie par le nombre important de transactions et d’opérations qui impliquerait nécessairement une certaine marge d’erreur ;

Considérant que, dans le cadre de leur requête, les réclamants font valoir en premier lieu qu’ils ne sauraient s’expliquer la différence constatée entre les recettes déclarées et les recettes enregistrées par le logiciel des ventes ; qu’ils en concluent à une erreur du bureau d’imposition qui aurait rajouté aux recettes déclarées des fournitures refacturées aux vétérinaires, estimant que les factures émises à leur égard n’auraient pas été saisies par le logiciel ; qu’ils exposent toutefois que ces recettes seraient comprises au chiffre d’affaire global déclaré et que la différence en cause résulterait du fait que, s’appuyant sur les seules recettes enregistrées par le logiciel des ventes, le bureau aurait nécessairement omis d’en retrancher les montants à porter en déduction de celles-ci, à savoir l’abattement sur les prix de vente concédés à la Caisse nationale de santé (CNS), les remises accordées aux clients, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) comprise dans les montants encaissés, ainsi que quelques ajustements ponctuels pour corrections de fin d’année et élimination de doubles enregistrements ;

Considérant qu’à l’appui de leurs explications, les réclamants ont présenté un échantillon des fiches récapitulatives quotidiennes des ventes, extraites du logiciel de gestion, de même que les extraits correspondants d’un livre de caisse manuscrit dans lequel étaient inscrits quotidiennement les montants des paiements en espèces et prélèvements ; que si les disparités apparentes entre paiements en espèces enregistrés par le logiciel de traitement des ventes sauraient s’expliquer par les erreurs commises en cours de journée au niveau de l’enregistrement du mode de paiement - erreurs qui d’ailleurs, suivant comparaison des extraits du logiciel et du livre de caisse manuscrit, furent commises quotidiennement -, le mode de comptabilisation des recettes ne permet pas de vérifier les affirmations du comptable, à savoir que le mode de paiement n’aurait pas d’influence sur le montant global des recettes finalement enregistrées, c’est-à-dire que le montant excédentaire des paiements en espèce aurait été reporté sur les autres modes de paiement ; que lors de la vérification des enregistrements comptables, le bureau d’imposition dut cependant constater que les ventes ne furent pas reportées dans les livres sur base des extraits journaliers ni encore moins sur base du détail des opérations particulières, mais qu’elles avaient fait l’objet d’écritures récapitulatives reportant les sommes enregistrées sur des périodes respectivement de dix jours à un mois dans les comptes de l’entreprise, par débit et crédit des comptes de trésorerie et des comptes clients à hauteur des montants encaissés ou versés sur comptes, opérations suivies par des crédits et débits, sur la même date, de montants déterminés forfaitairement sur base d’une certaine marge et d’un certain rapport entre ventes à taux ordinaire et taux réduit de TVA des comptes correspondant des ventes et de la TVA due ; qu’il doit être admis que cette façon d’enregistrer les ventes n’est ni assez détaillée ni assez précise pour assurer la retraçabilité des différentes transactions et constitue de toute évidence une enfreinte aux principes d’une comptabilité régulière exigeant des écritures complètes et exactes, retraçant l’intégralité des faits comptables ; qu’il en découle notamment que le montant global des ventes est nécessairement inexact, que le montant des prélèvements l’est lui aussi et ne peut d’ailleurs être vérifié que pour les seuls montants prélevés de la caisse, montants que le requérant eut le soin de noter lui-même dans le livre correspondant ; que les corrections de valeur sur stocks mises en compte en fin d’année, forfaitaires, ne reflètent pas la valeur effective, établie selon les dispositions de l’article 23 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.) des marchandises et produits en magasin ; que le comptable exposa d’ailleurs, en ce qui concerne l’évaluation en fin d’exercice des stocks de marchandises, que celle-ci se faisait en principe par application d’une correction de valeur forfaitaire approximative, ceci dans le but de tenir compte d’une disparité entre inventaire établi sur base des prix d’achat officiels des produits et la valeur effective des stocks comprenant des produits obtenus à titre gratuit ou à prix réduits ;

Considérant qu’en vertu de l’article 15 du Code de Commerce, toute entreprise doit établir une fois l’an un inventaire complet de ses avoirs et droits de toute nature et de ses dettes, obligations et engagements de toute nature ; que les comptes sont à mettre en concordance avec les données de l’inventaire ; que si le contribuable utilise plusieurs systèmes de gestion, il est tenu de les mettre tous en concordance avec les données de l’inventaire ; que si l’établissement correct de l’inventaire est important pour des raisons évidentes de gestion et de contrôle, il l’est d’autant plus dans le cadre d’un commerce de produits soumis à agréments et contrôles ou même pour certains à autorisations de délivrance ; qu’au-delà des seules exigences en matière de comptabilité commerciale, il est peu crédible que le réclamant ne se soit pas assuré d’une gestion et d’un contrôle adapté des stocks de produits pharmaceutiques ;

Considérant qu’à ces faits s’ajoutent les manquements constatés au niveau de la comptabilisation des fournitures refacturées aux vétérinaires que les requérants assurent avoir reprises dans les recettes comptabilisées et que le bureau d’imposition rajouta néanmoins aux recettes enregistrées par le logiciel des ventes dans la mesure où il persistait une différence entre chiffres d’affaire déclarés et ventes globales ; qu’une vérification appuyée sur un relevé des factures émises, présenté par les requérants, n’a pourtant pas permis, malgré les ajustements de fin d’année et l’exclusion des doubles enregistrements tels que chiffrés par les réclamants dans le cadre de leur requête, de reconstituer même à une faible différence près les sommes se dégageant du relevé ; que s’y ajoutent les défauts résultant de l’enregistrement inadapté des ventes, encaissements et paiements sur comptes bancaires, des annotations insuffisantes ou inexistantes des opérations comptables, de la comptabilisation des salaires, frais généraux et frais privés au compte fournisseurs et des impôts et taxes au compte client, crédités et débités le même jour, i.e. le jour de leur comptabilisation, de la comptabilisation d’extournes forfaitaires sur les comptes ventes, clients, caisse et banque, également crédités et débités le même jour, de l’extraction sommaire forfaitaire de la TVA comprise aux montants enregistrés, faits occultant les origines aussi bien que les emplois des montants comptabilisés et constituant autant de manquements enlevant à la comptabilité présentée toute valeur probante, si ce n’est toute crédibilité ; que les documents présentés au bureau d’imposition ne représentent donc qu’une comptabilité en effigie, un relevé imprécis et approximatif présentant les sommes des postes comptables forfaitairement déterminés par mesure de facilité, qui, à défaut d’avoir été élaborée en conformité avec les dispositions légales et réglementaires applicables en la matière et avec l’exactitude et les soins que requièrent les travaux comptables, par nature minutieux et non sans raison exigeants en termes de précision, ne saurait être considérée comme régulière quant à la forme ni encore moins quant au fond ;

Considérant que les défauts et manquements de la comptabilité présentée sont propres à invalider toute présomption de véracité dans son chef, les faits constatés ne se limitant pas, comme allégué, à de simples erreurs laissant douter de la tenue en tous points correcte de la comptabilité, mais constituant autant d’indices permettant d’établir l’irrégularité manifeste des comptes de l’entreprise ; que le fait d’avoir eu recours à un programme informatique pour enregistrer les flux comptables, et aux services d’un comptable pour en assurer une gestion appropriée ne dégage pas le contribuable de l’obligation de s’assurer personnellement de la bonne tenue des livres comptables, de la conservation adéquate des pièces comptables et de l’exactitude des bénéfices déclarés ; qu’il ne saurait à plus forte raison justifier les défauts et lacunes de la comptabilité par les insuffisances du système de gestion qu’il utilise de plein gré et sous sa propre responsabilité ; qu’aussi, la présomption de régularité de la comptabilité de la pharmacie n’ayant pu être admise, le bureau d’imposition n’eut d’autre recours que de procéder à l’établissement des recettes par la voie d’une taxation ;

Considérant que le § 217 AO constitue la base légale de la taxation, c’est-à-dire le moyen qui permet au bureau d’imposition qui a épuisé toutes les possibilités d’investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d’imposition, d’arriver néanmoins à la fixation de l’impôt (cf. Jean Olinger, La procédure contentieuse en matière d’impôts directs, in : études fiscales n°s 81-85, novembre 1989, n° 190, page 117 et Tribunal administratif du 26 avril 1999, n° 10156 du rôle) ;

Considérant que « La taxation des revenus constitue ainsi le moyen qui doit permettre aux instances d’imposition, qui ont épuisé toutes les possibilités d’investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d’imposition, d’arriver néanmoins à la fixation de l’impôt (Tribunal administratif du 26 avril 1999, n° 10156 du rôle). Elle consiste à déterminer et à utiliser une valeur approximative, afin d’aboutir à une évaluation de la base imposable, correspondant dans toute la mesure du possible à la réalité économique.

Ce procédé comporte nécessairement une marge d’incertitude et d’inexactitude et la prise en compte pour l’administration fiscale d’une marge de sécurité est licite, dès lors qu’elle est faite avec mesure et modération (Cour administrative du 30 janvier 2011, n° 12311C du rôle).

La taxation d’office ne constitue pas une mesure de sanction à l’égard du contribuable, mais un procédé de détermination des bases d’imposition compte tenu des éléments à disposition du bureau d’imposition, même applicable à l’égard des contribuables soigneux et diligents » (Tribunal administratif du 26 avril 1999, n° 10156 du rôle) ;

Considérant que l’instruction du dossier a révélé que la manière de procéder à la taxation du revenu imposable par le bureau d’imposition ne donne pas lieu à critique ;

Considérant que, tout comme le bureau d’imposition, le directeur doit instruire (§ 204 AO) sur le revenu imposable ; que c’est par la consécration du principe du réexamen intégral et d’office des impositions litigieuses dans les dispositions combinées des §§ 204, 243 et 244 AO que le législateur a exprimé sa volonté qu’aucun impôt que celui qui est légalement dû ne puisse être réclamé au contribuable ; que rien ne s’oppose donc à ce que les réclamants présentent, dans le cadre de leur réclamation des éléments nouveaux, sous réserve d’abattements ou de bonifications à accorder sur demande, tendant à apporter des modifications à leur déclaration d’impôt ;

Considérant qu’aussi, les réclamants font-ils valoir que la différence constatée entre les recettes initialement déclarées et celles enregistrées par le logiciel comptable s’expliquerait par le fait que lors des vérifications, les contrôleurs de l’administration n’auraient tenu compte ni de l’abattement sur prix de vente concédé à la Caisse nationale de santé en vertu du règlement grand-ducal du 23 décembre 1993, ni des remises accordées aux clients, ni du montant de la taxe sur la valeur ajoutée comprise au montant global de la différence constatée, établie par comparaison entre le montant des recettes enregistrées dans le système des Fichiers Audit Informatisés de l’administration de l’enregistrement (FAIA), ayant servi à l’établissement du bénéfice d’exploitation imposable, et celui enregistré par le logiciel de gestion Sabco utilisé par la pharmacie ; que les contrôleurs n’auraient pas non plus ajusté les recettes compte tenu des corrections à faire sur les factures ouvertes en fin d’année et les paiements doublement saisis ; que la différence subsistant, après déduction de ces montants, serait de faible importance seulement et ne saurait renverser la présomption de véracité de la comptabilité qui, en conséquence, ne pourrait être rejetée, ni le bénéfice d’exploitation être établi par la voie d’une taxation ;

Considérant qu’en vertu de l’article 26 de la convention entre la Caisse nationale de santé et le syndicat des pharmaciens luxembourgeois, conclue en exécution de l’article 61 et suivants du Code de la sécurité sociale, la Caisse nationale de santé verse avant le dix-huitième jour de chaque mois, à chaque pharmacie, à titre d’acompte à valoir sur l’ensemble des médicaments délivrés dans le cadre du tiers payant pour le mois en cours, un montant égal à quatre-vingts pour cent du montant mensuel moyen décompté dans le cadre du tiers payant au cours des dix premiers mois de l’exercice précédent ; que suivant l’article 29, aux fins d’obtenir le paiement du solde de la partie du prix des produits de santé opposables à l’assurance maladie dans le cadre du tiers payant, le pharmacien remet à la CNS, au plus tard au cours du mois subséquent, le décompte des médicaments délivrés à charge de l’assurance maladie durant le mois précédent, et, sauf contestation, la CNS procède à la régularisation du solde prévisé au plus tard trente jours après la réception du décompte ;

que finalement, l’article 42 prévoit le règlement de l’abattement par compensation conventionnelle sur les versements visés à l’article 29 ;

Considérant que le logiciel des ventes de la pharmacie enregistrait, d’après les explications des réclamants, les ventes selon les prix officiels au public, sans tenir compte ni de l’abattement à concéder à la CNS lors du décompte ni des remises et réductions de prix accordées aux clients ; qu’ils chiffrent les montants annuels des abattements et réductions pour les années 2010 à 2014 à respectivement … euros, … euros, … euros, … euros et … euros pour les abattements, diminuant au fur et à mesure des réductions successives de leur taux, les montants des redressements à faire sur les refacturations aux vétérinaires à … euros, … euros et … euros pour les années 2010 à 2012, les montants des factures ouvertes en début d’exercice à … euros, … euros, … euros, … euros et … euros et à … euros, … euros, … euros, … euros et … euros les remises aux clients ; qu’ils exposent que ces montants, n’apparaissant pas dans les recettes sur lesquelles devaient se baser les décomptes avec la CNS, auraient nécessairement réduit le montant du chiffre d’affaire des années concernées et expliqueraient la différence constatée entre recettes enregistrées par le logiciel des ventes et chiffre d’affaires reporté dans les fichiers FAIA ; qu’ils précisent encore que les différences subsistantes, nécessairement de faible importance, seraient à mettre en compte hors taxe sur la valeur ajoutée, ce qui, d’ailleurs, en réduirait davantage encore le montant restant ;

Considérant que si le logiciel de gestion enregistrait exclusivement, sur les ventes de médicaments réglementés, les prix officiels au public, et ne chiffrait pas par anticipation le montant de l’abattement à accorder à la CNS sur le montant total de la créance envers celle-ci à titre du tiers payant - créance figurant sur les extraits quotidiens des enregistrements de caisse -, et si les remises et réductions accordées aux clients ne furent pas prises en compte lors de l’établissement du chiffre d’affaire extrait des données du logiciel de caisse, il n’en reste pas moins que le montant des recettes encaissées et du chiffre d’affaires reste inexact et ne saurait être vérifié ou justifié, compte tenu de l’enregistrement non différencié et forfaitaire des recettes et de la TVA ; que l’inexactitude des enregistrements étant telle que tout contrôle effectif des ventes et de la valeur des stocks, de même que des créances et dettes est rendue illusoire sous peine de refaire, sur pièces, l’ensemble de la comptabilité, toutes explications cherchant à réduire ou à annuler les différences entre recettes déclarées et recettes dégagées du logiciel augmentées des refacturations aux vétérinaires est vaine, celles-ci n’ayant servi que de point d’ancrage aux fins de l’établissement d’un montant par défaut aussi proche que possible de la réalité, censé représenter, en absence de données fiables et précises, le chiffre d’affaire que la comptabilité défaillante n’a pas permis de déterminer ;

Considérant que si les requérants font encore valoir que les majorations de recettes mises en compte furent établies par comparaison entre des montants bruts, qui comprendraient la taxe sur la valeur ajoutée et expliquent que la taxe encaissée dans le cadre d’une vente serait continuée à l’administration de l’enregistrement et n’aurait donc pu augmenter leur bénéfice imposable, il résulte toutefois des développements qui précèdent que la comptabilité présentée par les requérants présente tant de lacunes et irrégularités qu’elle ne saurait servir à l’établissement du bénéfice imposable ; qu’or, la comptabilité telle que présentée fut établie selon les modalités propres au format FAIA, développé et servant pour les besoins spécifiques de l’administration de l’enregistrement, des domaines et de la TVA ;

qu’il est donc peu probable que des recettes non déclarées dans le cadre de l’établissement des bases d’imposition à l’impôt sur le revenu et à l’impôt commercial communal l’aient été dans le cadre de l’établissement de la déclaration de la taxe sur la valeur ajoutée ; que des recettes perçues pour le compte d’un tiers et qui ne lui sont pas transmis par la suite du fait que ce tiers, en l’espèce l’administration de l’enregistrement et des domaines, est mis dans l’impossibilité de percevoir ou de chiffrer ce qui lui est dû, sont à considérer comme recettes au même titre que le montant principal, étant donné qu’elles entraînent une augmentation de l’actif net investi ;

Considérant que si, à première vue, les données et explications fournies par les réclamants semblent pertinentes pour expliquer en partie l’origine des différences constatées entre les chiffres d’affaires enregistrés par le logiciel de la pharmacie et ceux déclarés au format FAIA pour les besoins des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée ayant servi de base à l’établissement des déclarations pour l’impôt sur le revenu et l’impôt commercial communal, il n’en reste pas moins que les réclamants ne surent présenter des explications circonstanciées et concordantes au sujet des manquements constatés dans la tenue des livres comptables et la gestion des stocks de marchandises ; qu’ils ne surent fournir des extraits journaliers du logiciel de comptabilité retraçant les retraits et fonds de caisse, ni des écritures suffisamment précises pour permettre de redresser les créances, dettes et recettes enregistrées tant pour les montants de base que les montants de TVA ; qu’en relation avec les défauts manifestes que présentait la gestion des stocks, impossibles tant à inventorier de façon correcte qu’à reconstituer, les livraisons ne pouvant être retracées et les ventes, enregistrées en bloc, mises en lien avec les sorties de marchandises, toute force probante fait défaut non seulement pour ce qui est de la comptabilité présentée sous le format FAIA, mais encore en ce qui concerne le montant du chiffre d’affaires enregistré par le logiciel Sabco, sur lequel le bureau d’imposition, faute de mieux, basa les taxations critiquées ; qu’il ne peut en effet être établi que le logiciel ait correctement enregistré l’ensemble des opérations de vente, les défauts et manquements constatés ne permettant pas de conclure à l’exhaustivité et l’exactitude de ces données plutôt que d’autres, toute vérification étant exclue faute de données suffisamment précises permettant des comparaisons ; que les défauts et manquements en cause touchant tant les mouvements en argent que les mouvements parallèles de produits et marchandises, ils ne sauraient s’expliquer, comme le suggèrent certains développements, par une maîtrise insuffisante des outils informatiques et des systèmes de gestion ou par une apparente négligence due à une surcharge de travail et aux difficultés liées aux exigences particulières propres à l’activité des pharmacies ;

Considérant que faute de données fiables concernant aussi bien les flux financiers que les flux de marchandises, il n’est possible ni à l’administration ni au requérant d’établir tant les actifs nets en début et en fin d’exercice des années concernées, que les prélèvements ou suppléments d’apport opérés en cours d’exercice et, en conséquence, le bénéfice commercial correspondant aux dispositions de l’article 18, alinéa 1er de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.) ; qu’il en résulte que la façon de procéder du bureau d’imposition est à confirmer tout autant en ce qui concerne le principe qu’en ce qui concerne la mise en œuvre, le réclamant n’ayant su justifier les bénéfices et chiffres d’affaires déclarés ni au moyen des enregistrements comptables ni au moyen d’autres justificatifs probants ;

Considérant qu’une « comptabilité est régulière quant à la forme lorsqu’elle est agencée de façon claire et ordonnée, de manière à faciliter toute recherche et tout contrôle.

Elle est régulière quant au fond lorsqu’elle est complète et exacte, c’est-à-dire lorsque tous les faits comptables ont été pris en considération de façon exacte » (Tribunal administratif du 29 juillet 1998, n° 10577 du rôle) ; que la vérification des livres et pièces comptables a révélé que la comptabilité du requérant n’était ni complète ni exacte, qu’elle n’était ni ordonnée ni ne couvrait l’intégralité des faits comptables et qu’il était non seulement impossible de reconstituer les montants déclarés sur base des enregistrements comptables du logiciel des ventes que de vérifier leur exactitude sur base des données et documents fournis par les réclamants ;

Considérant qu’il en résulte que ni les enregistrements et pièces comptables mis à disposition du bureau d’imposition ni ceux mis à disposition de l’instance contentieuse ne permettent d’établir les montants des recettes d’exploitation et prélèvements en numéraire effectifs et les entrées et sorties de marchandises ; que les explications fournies par les réclamants, bien que sensées en apparence, ne sauraient remédier aux défauts affectant les bases élémentaires de la détermination du bénéfice d’exploitation, de sorte à ne pouvoir établir et chiffrer une différence confirmée et assez importante entre bénéfices déterminés au moyen des taxations en cause et les bénéfices d’exploitation déclarés, impossibles à chiffrer et à justifier au moyen de la comptabilité présentée ; que les moyens et explications des requérants, faute de pouvoir s’appuyer sur une comptabilité régulière, ne sauraient mettre en cause les impositions rectificatives émises ; que les taxations telles qu’établies sont donc à confirmer ;

Considérant que pour le surplus, les impositions sont conformes aux lois et aux faits de la cause et n’ont d’ailleurs pas autrement été contestées ;

PAR CES MOTIFS reçoit les réclamations en la forme, les rejette comme non fondées. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 29 septembre 2021, les consorts (A-B) firent introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision directoriale précitée du 28 juin 2021 rejetant leur réclamation contre les bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2010 à 2014.

Par jugement du 28 septembre 2023, le tribunal reçut en la forme le recours principal en réformation à l’encontre de ladite décision directoriale du 28 juin 2021, au fond, le déclara non justifié et en débouta les demandeurs, dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation et les débouta de leur demande en obtention d’une indemnité de procédure, tout en les condamnant aux frais et dépens.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 10 novembre 2023, les consorts (A-B) ont régulièrement interjeté appel contre le jugement précité.

Les appelants expliquent être les exploitants de la pharmacie de Rédange depuis plusieurs années et notamment durant les années fiscales litigieuses, soit de 2010 à 2014. Ils indiquent que durant cette période, ils auraient veillé scrupuleusement au respect de leurs obligations comptables et fiscales et recueilli toutes les informations comptables pertinentes liées à l’exploitation de leur officine. Ainsi, après la fermeture, ils auraient i) procédé à l’impression du relevé des enregistrements du jour depuis leur logiciel de traitement des ventes (le système dit POS ou le logiciel dit SABCO selon les années concernées), ii) classé les pièces comptables du jour (bandelettes des terminaux pour paiement par carte bancaire, factures émises et réceptionnées, etc.), iii) procédé au relevé des recettes de la caisse et, le cas échéant, documenté les prélèvements à l’aide d’un livre de caisse manuscrit. A la fin de chaque mois, ils indiquent avoir remis l’ensemble de leurs enregistrements et pièces comptables à leur fiduciaire, la fiduciaire (CC), ci-après « (CC) », chargée d’établir les états comptables requis conformément aux lois fiscales et comptables.

Ils rappellent qu’en janvier 2017, ils auraient, à la demande de l’administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA, ci-après « AEDT », fourni une copie des données de leur système POS pour les années d’imposition 2013 à 2015 et que cette communication n’aurait donné lieu à aucune taxation ou rectification d’office. Ils expliquent qu’en septembre 2019, le bureau d’imposition leur aurait demandé, à son tour, de lui fournir i) leur comptabilité informatisée au format dit FAIA / SAF-T, ii) les extractions du système POS et iii) une description détaillée de la méthode de comptabilisation des ventes de la pharmacie de 2009 à 2018, demande à laquelle ils auraient entièrement donné suite par l’intermédiaire de leur fiduciaire. Un an après cette demande du bureau d’imposition, une entrevue se serait tenue dans les bureaux du service de Révision en date du 29 septembre 2020.

Ils indiquent qu’à cette occasion des informations complémentaires leur auraient été demandées et que les agents de l’administration leur auraient remis un tableau dit synthétique mettant en évidence des différences entre le chiffre d’affaires déterminé sur la base des extractions du système POS et le chiffre d’affaires établi selon leur comptabilité pour les années litigieuses. Ce tableau ne contiendrait pas plus d’explications quant à la démarche de redressement poursuivie par le service de Révision. Malgré leur contestation du bienfondé de ces redressements, ils soulignent que le bureau d’imposition aurait émis les bulletins litigieux à partir de redressements distincts de ceux initialement repris dans le tableau synthétique mis à leur disposition pour la première fois lors de l’entrevue de septembre 2020.

Selon les appelants, le jugement entrepris serait à réformer dans la mesure où la procédure de réimposition qu’il a confirmée serait viciée par plusieurs irrégularités procédurales commises par le bureau d’imposition. En outre, les conclusions des premiers juges seraient erronées dans la mesure où la comptabilité des appelants serait régulière et qu’elle aurait dû servir de base à leur imposition à l’exception d’ajustements de faible importance.

De son côté, l’Etat demande la confirmation intégrale du jugement entrepris.

La partie étatique précise que le contrôle fiscal pluriannuel dont ont fait l’objet les appelants s’inscrirait dans une action nationale menée par l’administration des Contributions directes dans le secteur des pharmacies et dont la presse se serait fait l’écho. Du fait de la complexité de la « fraude » qui affecterait le secteur en question, les préposés de différents bureaux d’imposition auraient procédé à des contrôles sur place auxquels ont également pris part des agents du service de Révision. Les redressements auraient été ensuite opérés par les seuls bureaux d’imposition sur base du § 222 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO ». Elle précise encore que depuis les années 2016 et 2017, plusieurs contrôles de l’ACD auraient mis en lumière une fraude fiscale importante dans le secteur des pharmacies et il serait apparu que les comptabilisations opérées par de nombreux pharmaciens, dont celles des appelants, ne reflèteraient pas, de manière intentionnelle, la réalité des flux commerciaux et financiers de l’activité de la pharmacie. Ces comptabilisations auraient été réalisées par la (CC) et de nombreux articles remisés ou gratuits en provenance d’un grossiste en pharmacie, le (KK), ayant également son siège à la même adresse que la (CC), auraient été revendus par les pharmaciens. Les contrôles réalisés par l’ACD auraient permis de constater que des livres de caisse auraient été tenus en violation des obligations légales qui incombaient aux pharmacies et que de telles comptabilisations avaient pour objet de rendre occultes d’éventuels prélèvements opérés par les pharmaciens dans leur caisse.

Plus particulièrement, l’Etat souligne que le chiffre d’affaires des années 2010 à 2014 aurait été déterminé sur base des sommes constatées en caisse et en banque à certaines dates précises, enregistrées auprès d’un système de comptabilisation synthétique confus au moyen d’extournes successivement débitées et créditées sur différents comptes de bilan et de résultat occultant ainsi les origines et emplois des montants comptabilisés. Ce procédé comptable aurait été justifié par la fiduciaire (CC) par la spécificité des logiciels comptables destinés à assurer une gestion des stocks adaptée aux exigences posées par la Caisse nationale de santé, ci-après la « CNS », et non aux conditions liées à la tenue d’une comptabilité commerciale réglementaire.

Enfin, la partie étatique fait valoir que le montant de l’impôt éludé par les appelants serait évalué à … euros et que les montants des redressements auraient été établis par des bulletins d’impôt conformément à la procédure d’imposition prévue par l’AO.

Quant à la méconnaissance alléguée du principe du contradictoire Les parties s’opposent aussi bien sur la question de la régularité formelle des redressements opérés par le bureau d’imposition pour les années fiscales litigieuses, soit de 2010 à 2014, que sur celle de la régularité de ces redressements au fond.

Eu égard à l’incidence des critiques formulées sur la forme suivie par le bureau d’imposition, et entérinée par le directeur et les premiers juges, il incombe à la Cour de revenir sur la portée du principe du contradictoire avant d’en vérifier le respect dans le cas d’espèce.

A titre liminaire et vu des développements afférents dans les écrits des parties, il lui appartient de clarifier le contexte procédural dans lequel s’inscrit ce contrôle fiscal pour des raisons évidentes d’intelligibilité de la procédure litigieuse.

Quant au contexte procédural des redressements litigieux Les parties affirment tout au long de leurs écrits que le contrôle fiscal dont il a été question serait « un contrôle sur place », même si l’appelante évoque que derrière cette terminologie serait plus particulièrement visée la tenue d’une entrevue entre elle-même et les agents compétents de l’ACD en date du 29 septembre 2020. Le délégué du gouvernement insiste particulièrement sur le fait qu’il s’agirait d’un « contrôle sur place » et non pas « d’une procédure de révision » et qu’en l’espèce, ce contrôle sur place aurait été réalisé par le préposé du bureau d’imposition de Capellen.

Le contrôle fiscal auquel a été sujette l’appelante s’analyse en un contrôle approfondi de comptabilité au sens du § 162, alinéa (9), AO selon lequel : « Die Steuerkontrollstelle kann prüfen, ob die Bücher und Aufzeichnungen fortlaufend, vollständig und formell und sachlich richtig geführt werden. Die Prüfung ist auch insoweit zulässig, als es sich nicht um die Verhältnisse der Personen oder Unternehmen, deren Bücher geprüft werden, sondern um die Aufklärung der Verhältnisse von Arbeitnehmern handelt, die im Dienst der Personen oder Unternehmen gestanden haben oder stehen ». Il se dégage en effet des éléments en cause que ledit contrôle était destiné à vérifier l’intégralité de la situation fiscale du contribuable visé au titre d’une période déterminée englobant plusieurs années d’imposition, contrairement au contrôle prévu par le § 171, alinéa (2), AO lequel ne peut avoir pour objectif que la vérification de faits ou de données délimitées (HÜBSCHMANN, HEPP, SPITALER, RAO-Kommentar, 5e édit.

1965, § 207, Anm. 1).

Le contrôle approfondi de comptabilité prévu par le § 162, alinéa (9), AO constitue une mesure d’instruction d’un cas d’imposition dont le bureau d'imposition peut faire usage tant dans le cadre de la procédure d’imposition dans le cadre de l’examen d’une déclaration fiscale déterminée (« Steuerermittlungsverfahren »), sur base du seul § 162, alinéa (9), AO, que dans le cadre de la surveillance fiscale (« Nachschau ») conformément aux dispositions combinées des §§ 162, alinéa (9), et 193, alinéa (1), AO.

En l’espèce, ce contrôle de comptabilité est intervenu en dehors de la procédure d’imposition portant sur l’instruction d’une déclaration fiscale déterminée, en ce que l’appelante avait d’ores et déjà été imposée sur les années reprises par le bureau d’imposition, à travers l’émission de bulletins initiaux portant établissement séparé du bénéfice commercial des années 2010 à 2015 ainsi que des bulletins initiaux de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2010 à 2015, de sorte que ce contrôle fiscal s’est déroulé dans le cadre de contrôles ultérieurs au sens du § 193, alinéa (1), AO.

Il convient encore de rappeler que les agents du service de Révision ne disposent d’aucune compétence propre en matière de contrôle approfondi qui se distinguerait de celle des agents des bureaux d’imposition. Il se dégage plutôt des dispositions combinées des §§ 162, alinéa (9), 193, alinéa (1), et 206, alinéa (1), AO et des articles 2, paragraphe (2), et 7 de la loi du 17 avril 1964 portant réorganisation de l’administration des Contributions directes que le bureau d'imposition compétent pour l’imposition du contribuable visé est l’autorité qui est admise de prime abord à ordonner un contrôle sur place et que les agents du service de Révision sont à considérer comme « zugeordnete Prüfungsbeamte » au sens du § 206, alinéa (1), AO pouvant valablement exécuter un contrôle sur place sur demande du bureau d'imposition compétent (Cour adm. 29 mars 2012, n° 29602C, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 948).

Cependant, tant lorsque le bureau d'imposition compétent s’adjoint le service de Révision seulement pour l’assister dans l’exécution d’un contrôle approfondi de comptabilité que lorsqu’il délègue entièrement l’exécution de ce contrôle au service de Révision, la mesure d’instruction reste toujours la même mesure de contrôle sur le fondement de la même base légale et se trouve soumise au même régime légal.

Ainsi, en l’espèce, il est constant en cause que le contrôle de comptabilité dont a fait l’objet Monsieur (B) a été mené conjointement par des agents du bureau d’imposition et par des agents du service de Révision. Ledit contrôle correspond partant toujours à la mesure d’instruction du contrôle approfondi de comptabilité au sens du § 162, alinéa (9), AO.

Cette mesure d’instruction est communément appelée dans la terminologie allemande « Betriebsprüfung » et dans la terminologie luxembourgeoise « contrôle sur place », puisqu’au vœu des §§ 194 et 195 AO, ce contrôle est traditionnellement exécuté dans les locaux de l’entreprise du contribuable, soit dans son « Betrieb » ou « sur place » où se trouvent à la fois tous les documents sociaux et les personnes pouvant renseigner les agents de contrôle.

Cependant, la numérisation progressive à la fois de la tenue des comptabilités et de l’établissement d’autres documents sociaux permet désormais aux agents de l’ACD d’effectuer ce même contrôle approfondi de comptabilité non pas dans les locaux de l’entreprise du contribuable, mais de manière dématérialisée à partir de la vérification des éléments de la comptabilité et des documents et pièces comptables soumis par le contribuable par voie électronique. Le cas d’espèce en est une illustration puisque, d’après les éléments du dossier, aucune mesure de contrôle ne semble avoir été opérée dans les locaux de la pharmacie exploitée par l’appelante et que le contrôle de comptabilité a été essentiellement réalisé dans le cadre d’une procédure dématérialisée.

La désignation de « procédure de révision » ne saurait viser une procédure de vérification particulière, laquelle n’est pas prévue par l’AO, mais doit être considérée comme visant l’hypothèse où le service de Révision effectue entièrement le contrôle approfondi de comptabilité à la demande du bureau d'imposition compétent. Cette désignation interne à l’administration ne change cependant ni la nature juridique de cette mesure d’instruction, ni son régime légal.

Le délégué du gouvernement ne saurait donc prospérer en invoquant l’existence d’une distinction entre une procédure de révision et un contrôle approfondi de comptabilité.

Quant à la portée du principe du contradictoire Moyens des parties D’après les appelants la violation du principe du contradictoire, consacré en matière d’impôts directs par le § 205, alinéa (3), AO, se serait produite à de nombreuses étapes de la procédure d’imposition et serait démontrée par diverses irrégularités procédurales ayant affecté i) l’entrevue à laquelle les appelants ont participé en date du 29 septembre 2020, ii) le courrier d’information leur adressé le 29 octobre 2020 par lequel ils apprenaient les redressements finaux retenus à leur encontre et iii) le « compte rendu » de leur contrôle fiscal dont ils n’auraient pu prendre connaissance qu’après le dépôt de leur mémoire en réplique devant le tribunal administratif.

Selon l’Etat, le droit du contribuable d’être informé et entendu avant la prise d’une décision administrative lui fixant une obligation patrimoniale plus lourde ne serait pas formellement inscrit dans l’AO, mais découlerait implicitement des principes d’instruction inscrits au § 204, alinéa (1), AO et son expression se trouverait, selon certaines hypothèses, dans diverses dispositions de l’AO. Ce principe devrait partant trouver application dans le cadre d’une procédure de rectification comme celle en l’espèce « indépendamment de la question de savoir si le § 205, alinéa 3, AO, qui constitue une application particulière de ce principe, doit également être respecté avant l’émission de bulletins rectificatifs ». Selon le délégué du gouvernement, ce serait à tort que les appelants invoqueraient une violation du § 205, alinéa (3), AO dans la mesure où, en l’espèce, leur droit d’être entendus aurait été pleinement respecté.

Analyse de la Cour A titre liminaire, il échet de constater que si les parties ne sont pas en désaccord sur le fait que les appelants étaient en droit d’être entendus préalablement à l’émission de leurs bulletins rectificatifs pour les années 2010 à 2014, elles semblent chacune justifier ce droit à partir de fondements juridiques distincts : d’une part, sur pied du § 205, alinéa (3), AO pour la partie appelante, tandis que, d’autre part, l’Etat le déduit du « principe général du droit du contribuable d’être informé et entendu avant la prise d’une décision administrative » lui causant grief.

En ce qui concerne le § 205, alinéa (3), AO, celui-ci dispose que : « Wenn von der Steuererklärung abgewichen werden soll, sind dem Steuerpflichtigen die Punkte, in denen eine wesentliche Abweichung zu seinen Ungunsten in Frage kommt, zur vorherigen Äußerung mitzuteilen ».

Cette disposition n’est autre que la consécration et une application particulière, au niveau de la procédure d’imposition, du principe général du contradictoire et du droit de participation de l’administré à l’élaboration de décisions administratives le concernant, encore généralement consacré en droit fiscal par le § 204, alinéa (1), AO (« Anspruch auf Gehör »).

Le § 205, alinéa (3), AO met à charge du bureau d’imposition, préalablement à l’émission d’un bulletin d’impôt, une obligation positive de communication des éléments au sujet desquels il décide de ne pas s’en tenir à la déclaration du contribuable, pour autant que ces éléments représentent une « wesentliche Abweichung » en défaveur du contribuable par rapport à sa déclaration.

Si l’obligation de consultation inscrit au § 205, alinéa (3), AO n’a pas vocation à s'appliquer dans un cas où le contribuable a manqué à son obligation déclarative, elle est par contre déclenchée par le dépôt d’une déclaration d’impôt, lequel constitue une cause d’ouverture de la procédure d’imposition régie plus particulièrement par les §§ 204 à 227 AO.

Pour le surplus, la formulation générale du principe inscrit au § 205, alinéa (3), AO ne permet pas de distinguer la situation avant l’émission du bulletin d’impôt originaire de celle de l’émission d’un bulletin rectificatif. En effet, en premier lieu, dans les deux situations, le bureau d’imposition s’écarte de la déclaration d’impôt du contribuable afin de déterminer son obligation fiscale à travers un bulletin d’impôt ou d’établissement de bases d’imposition qui est censé clôturer la procédure d’imposition. En deuxième lieu, dans les deux situations, les éléments factuels amenant le bureau d’imposition à s’écarter de la déclaration d’impôt peuvent être étrangers aux renseignements communiqués par le contribuable au sein de sa déclaration d’impôt, car recueillis à l’aide de mesures d’instruction dudit bureau, de sorte que la question de l’exécution correcte de son devoir de collaboration par le contribuable vis-à-vis du bureau d’imposition est susceptible de se poser de manière similaire dans les deux situations. Or, le § 205, alinéa (3), AO prévoit l’obligation de consultation sans porter de restriction à cet égard.

En outre, ni le § 222 AO, ni aucune autre disposition de l’AO n’exclut l’application du § 205, alinéa (3), AO en cas de rectification d’un bulletin antérieur.

Il s’ensuit que le § 205, alinéa (3), AO trouve application dans l’hypothèse de l’émission de bulletins rectificatifs de bulletins initiaux sur base du § 222, alinéa (1), AO.

Au vu de cette conclusion relative à l’applicabilité du § 205, alinéa (3), AO, le recours au principe général du contradictoire et du droit de participation de l’administré à l’élaboration des décisions administratives ne s’impose pas en présence d’une disposition légale spéciale.

La situation en l’espèce correspond à ce cas de figure, étant donné que le bureau d’imposition a procédé à la rectification des bulletins d’impôts des appelants pour les années 2010 à 2014 sur le fondement de l’existence de faits nouveaux en vertu du § 222 AO, de sorte que la procédure poursuivie par le bureau d’imposition s’inscrit dans une phase postérieure à l’imposition initiale des déclarations d’impôts déposées par les appelants.

En effet, lesdites déclarations ont d’ores et déjà fait l’objet d’impositions originaires que le bureau d’imposition s’est cru en droit de rectifier du fait d’éléments nouveaux découverts dans le cadre de contrôles fiscaux menés conjointement avec le service de Révision auprès des appelants.

C’est ainsi à bon droit que les appelants ont fondé leurs griefs liés à la violation alléguée du principe du contradictoire en s’appuyant sur le § 205, alinéa (3), AO.

S’agissant des formalités entourant un contrôle approfondi de comptabilité, le constat s’impose qu’en sa teneur actuelle, l’AO ne comporte pas de règles particulières qui imposeraient la formalisation du résultat du contrôle approfondi de comptabilité sous une forme déterminée et sa communication obligatoire au contribuable concerné. Le § 208, alinéa (2), dernière phrase, AO dispose certes que « wenn über das Ergebnis schriftlich berichtet wird, soll dem Steuerpflichtigen eine Abschrift mitgeteilt werden » et vise de la sorte un rapport écrit concernant le résultat d’un contrôle approfondi de comptabilité, mais prévoit seulement une règle dispositive (« Sollvorschrift ») relative à la communication dudit rapport au contribuable concerné au cas où un tel rapport a été dressé que le législateur a tracé comme norme générale à suivre sans lui donner un caractère contraignant absolu, mais en reconnaissant plutôt à l’administration un certain pouvoir d’appréciation à cet égard.

Si l’AO n’impose partant pas une forme obligatoire de la communication du résultat d’un contrôle approfondi de comptabilité au contribuable, il n’en reste pas moins que le § 205, alinéa (3), AO oblige le bureau d'imposition à communiquer au contribuable le résultat de ce contrôle dans la mesure des points dont la prise en considération est susceptible d’entraîner la fixation d’un montant d’impôt supérieur à celui correspondant à la situation factuelle telle que déclarée par le contribuable et à aggraver de la sorte son obligation fiscale (HÜBSCHMANN, HEPP, SPITALER, RAO-Kommentar, 5e édit. 1965, § 205, Anm. 17, se référant à BFH 27 mars 1961, I 276/60 U, BStBl. III 1961, 290).

En revanche, le § 205, alinéa (3), AO n’exige pas formellement que la communication au contribuable se fasse dans une forme déterminée. S’il est vrai que la forme écrite est préférable, notamment pour des exigences ultérieures de preuve, il n’en reste pas moins qu’il ne s’agit pas de la forme exclusive requise par le législateur.

Ainsi, même si le § 208, alinéa (2), dernière phrase, AO préconise la forme du rapport écrit communiqué au contribuable, cette communication peut être effectuée par différentes voies et notamment par le biais d’un entretien avec le contribuable, mais l’administration doit alors établir que ce dernier a obtenu une communication effective et compréhensible du résultat final du contrôle et des conséquences qui s’en dégagent le cas échéant. En outre, l’administration doit établir qu’elle a informé le contribuable sur son droit de prendre position dans un délai raisonnable quant aux différents constats dressés lors de ce contrôle et qu’elle l’a mis en mesure d’exercer utilement ce droit.

En l’espèce, la Cour constate que l’administration argue qu’elle s’est conformée aux exigences du § 205, alinéa (3), AO à travers, premièrement, l’entretien du 29 septembre 2020 organisé entre les agents de l’ACD et les appelants et, deuxièmement, le courrier d’information du 29 octobre 2020 envoyé à Monsieur (B). Les appelants se prévalent en outre du « compte rendu » dressé par les agents de l’ACD à la suite de son contrôle de comptabilité et de leur entrevue et soulève diverses irrégularités liées à ses impositions rectificatives qui proviendraient de ces trois actes posés par le bureau d’imposition et le service de Révision.

La Cour est partant appelée à analyser ces actes selon la chronologie administrative avec laquelle ils ont été établis.

Quant à l’entrevue du 29 septembre 2020 et son compte rendu Moyens des parties Selon les appelants, ce serait à tort que les premiers juges ont retenu que l’objectif de l’entrevue du 29 septembre 2020 aurait été de les informer des constatations finales de leur contrôle fiscal tout en assurant leur droit d’être entendus. Selon eux, il résulterait clairement du document intitulé « compte rendu » daté du 17 novembre 2020 que les agents de l’ACD auraient poursuivi leurs investigations et tenté d’obtenir des informations, voire des éclaircissements de leur part. Cette entrevue ne se serait pas produite dans le cadre d’un contrôle achevé où ils auraient pu prendre position de manière éclairée sur les conclusions du contrôle. En effet, sur les 24 points listés dans ledit « compte rendu », seuls deux laisseraient transparaître qu’ils ont tenté de s’exprimer pour marquer leur incompréhension face aux redressements leur présentés et pour réfuter toute utilisation frauduleuse de leur système de ventes SABCO.

En outre, la version du tableau synthétique leur remise lors de cette entrevue et les chiffres y contenus auraient évolué de manière importante par rapport à la version définitive dudit tableau, démontrant, au-delà de tout doute, que l’objectif de l’entrevue était de continuer à collecter des informations auprès d’eux. Ainsi, et contrairement à l’avis des premiers juges, le « compte rendu » ne pourrait pas prouver qu’une discussion éclairée et contradictoire aurait bien eu lieu durant l’entrevue et qu’ils auraient pu prendre position par rapport aux redressements envisagés à leur encontre.

Plus particulièrement, quant au « compte rendu » du 17 novembre 2020, ils estiment que sa communication préalablement à l’émission des bulletins rectificatifs leur aurait permis de répondre de manière constructive aux résultats du contrôle et aux reproches formulés à l’encontre de leur comptabilité. Selon eux, la période déterminante pour analyser le respect du principe du contradictoire serait la période précédant l’émission des bulletins. S’appuyant sur la doctrine allemande, et plus particulièrement sur les commentaires de la « Reichsabgabenordnung », les appelants soutiennent que le respect du principe du contradictoire exigerait que le contribuable se voit remettre une copie du résultat de son contrôle fiscal préalablement à l’émission des bulletins rectificatifs et qu’une communication ultérieure, telle celle avenue en l’espèce devant le tribunal administratif, ne saurait être de nature à réparer la violation dudit principe.

Sur la forme et le contenu de ce « compte rendu », les appelants mettent en évidence que celui-ci aurait été signé par son auteur à une date ultérieure à l’émission du courrier envoyé aux appelants sur pied du § 205, alinéa (3), AO et à une semaine environ de l’émission des bulletins rectificatifs, de sorte qu’il n’aurait pas pu servir au respect du principe du contradictoire. Ils ajoutent que son contenu serait lacunaire en ce qu’il ne contiendrait que des données générales sur les dispositions légales applicables et qu’il se limiterait à constater une différence de chiffres d’affaires entre le système d’enregistrement utilisé par eux et leur comptabilité sans toutefois indiquer la manière dont le service de Révision avait procédé pour constater ces différences et dans quelle mesure celles-ci auraient justifié le rejet de leur comptabilité. Selon eux, même à supposer que ce « compte rendu » leur aurait été remis avant l’émission des bulletins rectificatifs, il n’aurait pas pu garantir le respect du principe du contradictoire.

Eu égard à l’ensemble de ces éléments, les appelants concluent que les bulletins rectificatifs litigieux devraient encourir l’annulation pour violation d’une formalité substantielle destinée à préserver leurs intérêts.

Pour la partie étatique, ce serait à tort que les appelants invoquent une violation du principe du contradictoire. Une simple lecture du dossier permettrait, selon elle, de constater que la procédure d’imposition aurait comporté de nombreux échanges de courriers entre l’ACD et les contribuables et que ces derniers auraient pu faire valoir leur point de vue aussi bien à l’oral qu’à l’écrit. Il serait inexact d’affirmer, comme le feraient les appelants, qu’ils n’auraient pas été en mesure de se défendre face à la méthodologie employée pour fixer leurs redressements. En effet, les appelants auraient reçu un courrier qui non seulement chiffrait les majorations de bénéfices tout en faisant référence à l’entrevue du 29 septembre 2020. Celle-ci aurait eu lieu en vue de précisément permettre un échange portant sur les vérifications des livres et pièces comptables menées conjointement par le service de Révision et le bureau d’imposition. Les appelants auraient donc été nécessairement au courant des illégalités constatées vu que celles-ci auraient fait l’objet de discussions entre les parties lors de cette entrevue.

Concernant le « compte rendu » du contrôle sur place, il ne s’agirait pas d’un rapport de révision au sens habituel du terme, étant donné que l’on ne se trouverait pas, en l’espèce, dans le cadre d’une procédure de révision. Selon la partie étatique, les vérifications et contrôles effectués n’auraient pas été retranscrits dans un rapport de révision, car ils n’auraient pas eu lieu sur initiative ou sous l’autorité du service de Révision. Précisément au sujet de ce « compte rendu », l’Etat souligne que bien que ce document soit intitulé « compte rendu du contrôle sur place », il retracerait en réalité une réunion contradictoire du 29 septembre 2020 tenue dans les locaux de l’ACD en présence des appelants, d’un membre de leur fiduciaire et des agents de l’ACD. Il aurait été dressé dans le cadre des échanges avec les appelants et serait à qualifier de document préparatoire « purement interne » à l’ACD. Ce document que l’Etat précise avoir versé devant les premiers juges attesterait du fait que le droit d’être entendu des appelants aurait été respecté.

Enfin, l’Etat soutient que les constatations et conclusions qui auraient été dégagées de ces contrôles auraient été portées à la connaissance des appelants, notamment lors de l’entrevue du 29 septembre 2020, de sorte que les appelants et leur comptable auraient été informés des démarches et calculs effectués par le bureau d’imposition dans le cadre de leurs redressements. Les appelants auraient ainsi bien disposé de toutes les informations nécessaires pour exercer leur droit d’être entendus, de sorte que la forme suivie par le bureau d’imposition ne porterait aucunement à critique.

Analyse de la Cour La Cour constate que dans le dossier administratif déposé par l’Etat au greffe figure un rapport intitulé « compte rendu » imprimé sur un papier avec, en en-tête, le logo de l’ACD suivi de la mention : « service de Révision ». Selon sa première page de garde, ce « compte rendu » a été fait à la demande du préposé du bureau d’imposition d’Ettelbruck. La Cour relève en outre qu’il a été signé électroniquement le 17 novembre 2020 par l’agent (F), réviseur au sein du service de Révision.

Outre le fait qu’il semble reproduire certaines erreurs matérielles en faisant mention de la participation - semble-t-elle invraisemblable du bureau d’imposition d’Ettelbruck (page de garde du document) - le « compte rendu » litigieux s’apparente au contenu traditionnel des rapports de révision rédigés par le service de Révision dans des instances distinctes dont a eu à connaître la Cour (cf., par exemple, Cour adm., 14 août 2019, n° 42249C et 42318C, pp. 4-14, et plus récemment Cour adm., 15 juin 2023, 47813C, pp. 6-14 et Cour adm., 14 novembre 2023, n° 47754C, pp. 5-28). En effet, ce « compte rendu » reproduit la présentation classique d’un rapport de révision dont le contenu est organisé sous la forme de diverses parties intitulées : « A. Données générales, B. Comptabilité, C. Constatations spéciales » ou incluant encore une dernière partie dédiée à la « Conclusion » des réviseurs.

Le document litigieux ayant été intitulé « compte rendu », cette désignation interne à l’ACD ne saurait pour autant préjuger de sa qualification qui ne peut résulter que de son contenu, seul élément pertinent en l’espèce.

Il s’y ajoute qu’il se dégage du résumé de l’entrevue du 29 septembre 2020, figurant dans ce « compte rendu » que non seulement les agents de l’administration ont demandé aux appelants de fournir des documents supplémentaires, en l’occurrence des « factures demandées », « des factures vétérinaires pour ajuster [les années 2010 et 2011] » ou encore des précisions sur « les chèques [et] remises », mais qu’ils ont, à l’issue de cet entretien, procédé à l’examen de ces éléments et rectifié leurs redressements pour les années 2010 à 2014. En outre, la conclusion du « compte rendu » indique que l’administration renoncerait au titre des années 2010 à 2014 inclus à l’application d’une marge de sécurité de 20 % aux différences de chiffres d’affaires constatées vu que les annulations n’ont pas été jugées excessives ces années-là. En revanche, le tableau des redressements annexé à ce rapport renseigne des montants de redressements simplement arrondis au millième le plus proche par rapport aux montants exacts des différences constatées et des factures vétérinaires. S’il est vrai que la colonne « Marge de sécurité de 20% » a été maintenue dans le tableau figurant au sein du « compte rendu », les montants qu’il contient ne font que renseigner les montants de redressements arrondis au millième le plus proche sans toutefois faire application de cette marge de sécurité.

Au vu de ces éléments du « compte rendu », la conclusion s’impose que lors de l’entrevue du 29 septembre 2020, les appelants ont certes été confrontés aux différences importantes de chiffres d’affaires relevées pour les années en cause telles que se dégageant de l’écart entre leur comptabilité et les enregistrements issus de leur logiciel de vente et telles qu’établies dans le tableau annexe leur présenté par les agents ce jour-là. Les appelants ont ainsi été informés de l’existence de cet écart significatif de chiffres d’affaires et c’est sur la base de celui-ci que les agents de l’administration leur ont également indiqué que les différences constatées justifieraient le rejet de leur comptabilité.

Cependant, il échet de relever que les éléments factuels, dont surtout les données chiffrées, communiqués lors de l’entrevue du 29 septembre 2020 ne constituaient pas le dernier état des conclusions de l’administration sur les redressements à opérer puisque l’examen de la situation fiscale des appelants a été poursuivi par les agents de l’administration à la suite de leur entrevue. Le tableau chiffré des redressements présenté aux appelants a partant subi une évolution à la suite de ladite entrevue et de l’examen complémentaire effectué par les agents de l’administration à l’issue de l’entrevue.

Par voie de conséquence, dans la mesure où ce « compte rendu » retranscrit les vérifications de comptabilité réalisées par les agents de l’ACD, y compris les anomalies y détectées, résume le déroulement de leur entrevue et fait état des propos des contribuables en réponse aux interrogations des agents de l’ACD, ainsi que l’instruction complémentaire effectuée à l’issue de l’entrevue, l’Etat ne saurait être admis à faire valoir que les appelants se seraient vus communiquer tous les éléments factuels pertinents à la base des redressements de revenus opérés postérieurement à l’entrevue du 29 septembre 2020 et qu’une communication du « compte rendu » n’aurait pas été utile. La conclusion s’impose plutôt que ce dernier document, ensemble le tableau y annexé, au vu des indications y contenues quant à l’évolution de l’analyse du dossier, constitue l’état final des redressements envisagés par le bureau d'imposition, le constat se trouvant confirmé par le fait qu’il reprend des montants de redressements identiques à ceux communiqués par le bureau d’imposition dans son courrier du 29 octobre 2020.

De la sorte, étant donné que l’entretien du 29 septembre 2020 ne peut être admis comme ayant eu lieu postérieurement à la conclusion du contrôle, ledit « compte rendu » constitue le document qui aurait logiquement été destiné à être communiqué aux appelants préalablement à leur imposition rectificative afin de leur communiquer les éléments pertinents de leur contrôle et les conséquences qui s’en dégagent et afin que les appelants puissent disposer d’un droit de réponse destiné à assurer le caractère contradictoire de leur contrôle de comptabilité et des redressements envisagés à sa suite.

En outre, la communication d’un tel « compte rendu » serait d’autant plus justifiée eu égard au fait qu’au vu de l’ampleur des redressements effectués, il n’était pas à exclure que le contribuable fasse par la suite l’objet de poursuites pénales, de sorte que l’administration est tenue de sauvegarder les droits de la défense des contribuables dès la phase préalable à toute imposition rectificative.

Or, d’après l’argumentation du délégué du gouvernement, l’administration a fait le choix, admis en son principe par le § 208, alinéa (2), dernière phrase, AO, de qualifier ce « compte rendu » de simple document préparatoire interne et de ne pas le communiquer aux appelants avant l’émission des bulletins en cause, cette communication n’ayant eu lieu qu’à l’occasion du dépôt de leur mémoire en réplique devant le tribunal administratif.

Dès lors, étant donné que ni l’entretien du 29 septembre 2020, ni le « compte rendu » signé le 17 novembre 2020, mais non communiqué aux appelants, ne peuvent être considérés comme ayant utilement porté à la connaissance des appelants le résultat final du contrôle de comptabilité et précisé les points particuliers dont la prise en considération est susceptible d’entraîner la fixation d’un montant d’impôt supérieur à celui correspondant à la situation factuelle telle que déclarée par les appelants, il convient encore de vérifier si le seul « courrier d’information » adressé par le bureau d'imposition de … aux appelants le 29 octobre 2020 a permis à l’administration de se conformer aux obligations qui lui incombaient au vœu du § 205, alinéa (3), AO.

Quant au courrier du 29 octobre 2020 Moyens des parties Les appelants reprochent au courrier du bureau d’imposition émis le 29 octobre 2020, en application du § 205, alinéa (3), AO, de ne contenir que des informations sommaires sur les majorations retenues à leur rencontre sans indiquer la manière dont le service de Révision avait procédé pour parvenir à de tels redressements sauf à se contenter de faire référence à une différence de chiffres d’affaires entre les enregistrements issus du système de vente et de leur comptabilité. Cette exigence d’explications aurait été d’autant plus importante que les services de l’ACD auraient relevé dans leur « compte rendu » leur incompréhension face aux constatations leur présentées lors de l’entrevue du 29 septembre 2020.

Cette absence d’explication n’aurait pas été contestée par la décision directoriale selon laquelle, toutefois, l’entrevue aurait permis de respecter le principe du contradictoire. Or, ils réitèrent que la référence à l’entrevue ne saurait être suffisante pour remédier à la violation du principe du contradictoire et que dans la mesure où ils n’auraient jamais été mis en position de comprendre ce qui leur était reproché, ils n’auraient eu d’autre choix que de contester les redressements de manière générale comme dans le courrier que Monsieur (B) a adressé à son bureau d’imposition en date du 13 novembre 2020, soit 12 jours avant l’émission des bulletins rectificatifs.

Selon l’Etat, le courrier du 29 octobre 2020 répondrait manifestement aux exigences du § 205, alinéa (3), AO. Il ajoute que ce courrier n’était pas « nécessaire » puisque les redressements auraient d’ores et déjà été portés à la connaissance des plaignants et que ceux-ci les auraient déjà contestés dans les courriers qu’ils ont adressés à l’ACD.

Quant au fait que les impositions rectificatives émises par le bureau d’imposition ne tiendraient pas compte des explications des appelants, cela s’expliquerait par le fait que le bureau d’imposition ne les aurait pas jugées convaincantes. Ce serait partant à bon droit que les premiers juges ont retenu qu’« aucun reproche ne peut être adressé au directeur pour ne pas avoir retenu de violation du principe du contradictoire ».

Analyse de la Cour Il ressort du courrier du bureau d’imposition du 29 octobre 2010 que celui-ci reprend, pour chaque année litigieuse, les montants finalement redressés selon leur montant global par le bureau d’imposition.

S’il est vrai que le courrier ne comporte pas d’autres précisions quant aux données chiffrées qui sont à la base de ces montants globaux, il faut cependant tenir compte du fait que les appelants s’étaient vu remettre lors de l’entrevue du 29 septembre 2020 un tableau synthétique qui retraçait les données chiffrées ayant conduit aux redressements annoncés à cette occasion. Ainsi que le précise le compte rendu du 17 novembre 2020, le tableau soumis lors de l’entretien a été présenté aux appelants et à leur comptable et leur a été expliqué afin de discuter des origines des écarts constatés. Il se dégage en effet de ce tableau que le service de Révision avait procédé à une comparaison entre les chiffres d’affaires découlant des trois sources, premièrement, de la comptabilité, plus précisément des balances des comptes généraux pour les années 2010 à 2012 et des fichiers FAIA pour les autres années, deuxièmement, des fichiers POS et troisièmement des facturations séparées aux vétérinaires.

Le tableau renseigne que sauf pour l’année 2012, les montants globaux indiqués dans les fichiers POS étaient inférieurs aux montants de recettes inscrits dans la comptabilité, les écarts se situant entre approximativement 0,4 et 2,8%. Les montants de base des redressements étaient obtenus à partir du montant le plus bas entre le chiffre d’affaires des fichiers POS et celui de la comptabilité en y ajoutant les montants des facturations aux vétérinaires. Ces montants ont encore été augmentés d’une « marge de sécurité » de 20% et arrondis au millième le plus proche. Ledit tableau indiquait ainsi les redressements de recettes à opérer à hauteur des montants suivants :

2010 : … euros ;

2011 : … euros ;

2012 : … euros ;

2013 : .. euros ;

2014 : … euros.

Le courrier du 29 octobre 2020 rappelle que les redressements finalement retenus sont basés sur le même constat que « les montants enregistrés dans le système POS diffèrent des montants du chiffre d’affaire enregistrés dans la comptabilité (fichiers FAIA) ». Cependant, le courrier indique les redressements envisagés aux montants suivants :

2010 : … euros ;

2011 : … euros ;

2012 : … euros ;

2013 : …euros ;

2014 : … euros.

Il s’ensuit que les appelants, assistés de leur comptable, ont obtenu lors de l’entrevue du 29 septembre 2020 des renseignements précis quant à l’approche suivie par les agents de l’administration dans le cadre de leur contrôle approfondi, quant à leurs conclusions d’une comptabilité irrégulière, quant à la méthode de comparaison des trois montants agrégés issus de la comptabilité, des fichiers POS et des facturations aux vétérinaires et quant à la formule retenue pour aboutir aux montants des redressements leur présentés à ce moment.

Il est certes vrai que les informations communiquées lors de l’entretien du 29 septembre 2020 ne représentent pas le dernier état de l’instruction du dossier et qu’il ne peut pas être considéré comme ayant eu lieu après la clôture de l’instruction, étant donné que les agents ont encore demandé des documents complémentaires et procédé à la suite de l’entretien du 29 septembre 2020 à une instruction complémentaire. En revanche, ils ont suivi la même méthodologie, n’ont pas modifié leurs conclusions en leur principe, comme le courrier du 29 octobre 2020 l’indique, et ont réduit les montants des redressements pour toutes les années d’imposition en cause en faveur des appelants.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, la Cour conclut que les appelants ont été mis à suffisance au courant des résultats du contrôle approfondi de comptabilité diligenté à leur égard à travers les informations combinées leur communiquées dans le cadre de l’entrevue du 29 septembre 2020 et par le contenu du courrier du 29 octobre 2020, l’instruction complémentaire à la suite dudit entretien n’ayant point abouti à une aggravation des redressements qui aurait requis la fourniture d’explications complémentaires.

Quant aux formes relatives au respect du § 205, alinéa (3), AO, le courrier du 29 octobre 2020 accorde aux appelants la faculté de formuler par écrit des observations sur les redressements y précisés dans un délai d’environ trois semaines. En outre, l’usage des termes que « le bureau d'imposition … envisage d’effectuer les redressements suivants » ne soulève aucun doute valable que le bureau d’imposition n’aurait pas admis que sa position puisse évoluer au gré des éléments complémentaires et pertinents fournis par le contribuable dans sa prise de position, de sorte qu’aucun élément en cause ne permet de soupçonner que cette prémisse fondamentale à la base du respect du principe du contradictoire et du droit du contribuable de prendre position par rapport à une imposition envisagée à son égard et qui s’écarterait du contenu de sa déclaration n’aurait pas été respectée en l’espèce.

Par suite, il ne saurait être retenu que les exigences du § 205, alinéa (3), AO n’auraient pas été respectées en l’espèce et c’est à juste titre que les premiers juges ont rejeté ce moyen.

Quant à l’absence alléguée de faits nouveaux au sens du § 222 AO Quant à la prétendue illégalité des informations collectées par l’ACD Moyens des parties Les appelants reprochent aux premiers juges de ne pas avoir examiné le moyen tiré d’une violation du § 222 AO en ce que l’ACD se baserait sur des renseignements collectés illégalement auprès d’un tiers. Ils soutiennent qu’ils n’auraient jamais été informés par l’ACD de ce qu’elle considèrerait comme étant des « faits nouveaux » au sens du § 222 AO. Ce ne serait que lors du dépôt du mémoire en duplique, devant le tribunal, qu’ils auraient pu prendre connaissance du « compte rendu » de leur contrôle dans lequel les faits nouveaux seraient indiqués comme provenant de constatations faites lors du contrôle de la fiduciaire (CC) par le service de Révision et d’une déclaration d’un membre de ladite fiduciaire. Ces éléments auraient ainsi permis à l’ACD de douter de la fiabilité de leur comptabilité, de sorte à recourir à une imposition rectificative sur la base des points 1 et 2 du § 222, alinéa (1), AO. Sans autre indication sur ce qu’il conviendrait de qualifier de faits nouveaux, les appelants en déduisent que le § 222 AO aurait été déclenché à partir des seules constatations faites par le service de Révision lors du contrôle fiscal de la fiduciaire et sur la base des déclarations d’un de ses employés quant au procédé de comptabilisation utilisé dans certaines pharmacies, clientes de la fiduciaire. Les appelants soulignent également que les références au contrôle fiscal auprès de la société (KK), ci-après le « (KK) », développées en première instance n’auraient pas été réitérées en appel, permettant d’en déduire que le délégué du gouvernement aurait bien été conscient de l’illégalité de la collecte d’informations portant sur les appelants auprès du (KK).

En s’appuyant sur le § 162, alinéa (9), AO et sur la jurisprudence y afférente, les appelants reprochent à l’ACD d’avoir recueilli des informations les concernant auprès de leur fiduciaire. Estimant que l’ACD n’aurait pas le droit de procéder de la sorte sans méconnaître le droit, les informations recueillies sur la base de ce procédé ne pourraient ni constituer des faits nouveaux à leur égard ni être utilisées par l’ACD pour justifier leur contrôle fiscal.

Partant, les bulletins rectificatifs litigieux devraient encourir l’annulation et la décision directoriale tout comme le jugement de première instance devraient être réformés en ce sens.

Selon l’Etat, l’administration aurait été en droit d’émettre des bulletins rectificatifs sur pied du § 222 AO en ce qu’elle aurait disposé de faits ou de moyens de preuve nouvellement portés à sa connaissance dans le respect du délai de prescription applicable.

La partie étatique ajoute que les faits nouveaux ressortiraient très clairement du « compte rendu » du contrôle. En outre, elle souligne que ceux-ci ne devraient pas nécessairement avoir été constatés préalablement à l’exécution du contrôle sur place et que de tels éléments factuels pourraient être révélés seulement dans le cadre d’un contrôle postérieur à l’émission des bulletins originaires dès lors qu’ils n’auraient pas été connus du bureau d’imposition. Ce serait partant à tort que les appelants tenteraient de dénier à ces éléments leur caractère nouveau et le fait qu’ils ont pu valablement fonder les majorations retenues à leur encontre.

Analyse de la Cour Les appelants sont à confirmer en ce qu’ils affirment qu’un contrôle approfondi de comptabilité au sens du § 162, alinéa (9), AO ne peut mener à la collecte de renseignements portant sur un contribuable tiers à celui formellement visé par la vérification.

En effet, conformément au libellé du § 162, alinéa (9), AO précité, seules les informations propres au contribuable visé peuvent être utilisées par l’administration à des fins fiscales, y compris les renseignements portant sur le personnel qui est ou a été au service dudit contribuable (Cour adm., 17 novembre 2016, n° 37857C + 37858C, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 950).

Parmi les motifs de la vérification figurant au sein du « compte rendu » dressé par le service de Révision, la Cour constate que figurent cinq points énumérés par les lettres a, b, c, d et e, comme suit :

« Avis Service de Révision a. 205 (1) AO b. § 222(1) et (2) AO pour ; faits nouveaux suivants constatations faites lors du contrôle de la société (CC) par le service de révision c. Courriel de M. (D) du 14.09.2018 d. Comptabilisation non conforme i. Chiffre d’affaire[s] évalué par marge bénéficiaire et flux bancaires ».

Il est encore vrai, comme le mettent en avant les appelants, que parmi les causes d’ouverture du § 222 AO énumérées au sein dudit « compte rendu », trois ont directement trait à des informations en provenance de sources externes du fait de constations faites par l’ACD durant des vérifications et échanges auprès de la fiduciaire des appelants.

Or, en l’espèce, l’exploitation d’informations illégales par l’ACD ne peut être tenue pour établie eu égard au fait que les renseignements sur base desquels s’est appuyée l’ACD pour ses majorations proviennent de renseignements chiffrés découverts directement lors du propre contrôle de comptabilité des appelants.

En effet, tel que le reconnaissent les parties devant la Cour, la source de discorde entre elles résulte exclusivement d’une différence de chiffres d’affaires entre les extractions issues du système de vente des appelants, le système dit POS, et leur comptabilité pour l’ensemble des années fiscales litigieuses, de sorte qu’il n’est aucunement avéré que les majorations retenues par l’ACD s’appuieraient sur des données chiffrées qu’elle a illégalement collectées à l’occasion du contrôle fiscal de la fiduciaire des appelants.

Pour le surplus, la Cour tient à préciser que les informations transmises par l’employé de la fiduciaire quant au procédé de comptabilisation mis en place par (CC), telles que figurant dans l'extrait de courriel au sein du « compte rendu » dressé par le service de Révision, et en vigueur au sein de diverses pharmacies clientes, constituent des renseignements d’ordre général que l’administration était en droit de reprendre et de poursuivre à travers la mise en place de contrôles ciblés et individuels au sein des pharmacies qu’elle a par la suite contrôlées.

Ces informations, du fait de leur caractère générique, ne sauraient être qualifiées d’informations concernant des personnes tierces qui ne peuvent être collectées auprès de tiers au sens du § 162, alinéa (9), AO.

Partant, le moyen tiré de l’illégalité des renseignements collectés doit être rejeté.

Quant à la nature des faits découverts lors du contrôle sur place Les parties sont en désaccord quant au caractère nouveau des éléments collectés par les agents de l’ACD à l’issue du contrôle de comptabilité des appelants pour les années 2010 à 2014.

La notion de faits nouveaux est prévue par le § 222, alinéa (1), AO, qui dispose comme suit :

« (1) Hat bei Steuern, bei denen die Verjährungsfrist mehr als ein Jahr beträgt, das Finanzamt nach Prüfung des Sachverhalts einen besonderen, im Gesetz selber vorgesehenen schriftlichen Bescheid (Steuerbescheid, Steuermessbescheid, Freistellungsbescheid oder Feststellungsbescheid) erteilt, so findet, soweit nichts anderes vorgeschrieben ist, eine Änderung des Bescheids (eine Berichtigungsveranlagung oder eine Berichtigungsfeststellung) nur statt : 1. wenn neue Tatsachen oder Beweismittel bekanntwerden, die eine höhere Veranlagung rechtfertigen, und die Verjährungsfrist noch nicht abgelaufen ist (…) ».

Au vœu de cette disposition, l’administration est fondée à émettre des bulletins rectificatifs à la double condition que des faits ou moyens de preuve justifiant une majoration de la cote d’impôt ou des bases d’imposition préalablement fixées parviennent nouvellement à la connaissance de l’administration et que le délai de prescription applicable audit cas d’imposition ne soit pas encore écoulé.

En ce qui concerne la première condition, il y a lieu de rappeler que la notion de « neue Tatsache » englobe tout fait ou acte quelconque susceptible de constituer isolément ou ensemble avec d’autres faits ou actes une base d’imposition de l’impôt en cause et dont le bureau d’imposition compétent n’a eu connaissance qu’après l’émission du bulletin d’impôt originaire sans que le contenu des déclarations antérieures du contribuable ait été de nature à donner lieu à des doutes raisonnables dans le chef du bureau d’imposition.

Comme le rapporte à bon droit le délégué du gouvernement, les faits nouveaux au sens du § 222 AO ne doivent pas avoir été constatés préalablement à l’exécution du contrôle de comptabilité (Cour adm., 4 juillet 2013, n° 31724C, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1065).

En effet, ce contrôle constitue une des mesures d’instruction possibles en vue de déterminer correctement les bases d’imposition du contribuable et peut partant valablement conduire à la découverte de faits inconnus du bureau d’imposition et pouvant être nouvellement pris en compte dans le cadre de la fixation des bases d’imposition du contribuable.

Dès lors, les éléments factuels révélés à l’occasion d’un tel contrôle peuvent être qualifiés de nouveaux dans la mesure où ils étaient inconnus du bureau d’imposition compétent au moment de l’émission des bulletins originaires.

Il échet de relever, en l’espèce, qu’aucun indice préalable n’a permis au bureau d’imposition de douter de la régularité de la comptabilité des appelants lors du contrôle de leurs déclarations d’impôt pour les années 2010 à 2014.

Dans ce contexte, il convient de noter que les soupçons d’irrégularités comptables nourris par l’administration ne sont apparus qu’à la suite du contrôle de comptabilité dont les appelants ont fait l’objet pour les années litigieuses sur pied des §§ 162, alinéa (9), et 193 AO.

Ce n’est que dans le cadre particulier de la mise en œuvre de cette forme de contrôle que les agents de l’ACD ont pu constater un écart de chiffres d’affaires significatif entre les enregistrements issus des logiciels de vente utilisés par la pharmacie et la comptabilité que les appelants ont remise à l’appui de leurs déclarations d’impôt.

Partant, en ce qu’ils portent sur des réductions de bénéfices préalablement inconnues du bureau d’imposition et sans qu’il ne soit établi que le délai de prescription applicable serait écoulé, les écarts relevés par les agents de l’ACD constituent, à bon droit, des faits nouveaux au sens du § 222 AO.

Quant à la régularité formelle de la comptabilité Moyens des parties Les appelants rappellent que pour qu’une comptabilité soit régulière, elle devrait l’être aussi bien en la forme que quant au fond. Plus globalement, ils contestent le fait que le délégué du gouvernement se soit appuyé sur un article de presse décrivant l’existence d’une prétendue fraude fiscale systématique dans le secteur des pharmacies comme preuve de l’irrégularité de leur comptabilité.

Quant à la régularité de leur comptabilité en la forme, ils font valoir qu’elle serait en conformité avec les exigences posées par le § 162 AO en ce que les enregistrements seraient continus, complets et corrects sur la base de données collectées quotidiennement. Les corrections aux enregistrements initiaux auraient été précisées, de sorte que toute modification d’une entrée initiale demeurerait retraçable et plus particulièrement dans le contexte des écritures de régularisation opérées par les appelants dans leur comptabilité afin de prendre en compte les factures impayées ou encore des encaissements en cours d’année n’ayant pas donné lieu à du chiffre d’affaires supplémentaire. Les appelants indiquent en outre disposer de l’ensemble des pièces nécessaires à l’établissement de leurs états comptables.

Plus particulièrement, les appelants avancent qu’ils auraient procédé aux extractions requises chaque soir après la fermeture de leur pharmacie depuis le logiciel SABCO. Ces extractions quotidiennes feraient état du chiffre d’affaires journalier et présenteraient aussi bien les versements effectués par client, le mode de paiement et la part prise en charge par la CNS. En complément de cette fiche récapitulative, ils auraient également imprimé quotidiennement les bandelettes de terminal de paiement par cartes bancaires et qu’outre des erreurs occasionnelles de manipulation de la caisse par les employés de la pharmacie, les appelants auraient été en mesure de recouper les données extraites du logiciel de vente et les recettes effectivement constatées en caisse. Ces dernières auraient été inscrites au livre de caisse sur base d’un comptage manuel. Ce livre de caisse constituerait ainsi le troisième document tenu de manière journalière. Ce livre aurait repris i) les montants prélevés de la caisse pour être déposés en banque, ii) les montants utilisés pour les besoins du fonctionnement de la pharmacie et iii) les montants prélevés pour leurs besoins personnels. Ce serait ainsi à tort qu’il serait affirmé que la comptabilisation aurait été basée sur le « flux au niveau des comptes bancaires », celle-ci ayant été au contraire basée sur le livre de caisse, les montants dus par la CNS ainsi que les sommes encaissées par virement bancaire. Tout prélèvement privé aurait été renseigné dans le livre de caisse ou résulterait des extraits bancaires pris en compte par la fiduciaire contrairement à l’allégation de l’Etat de l’existence de prélèvements privés non documentés.

Ils ajoutent qu’à la fin de chaque mois ils auraient envoyé à la CNS les extractions de leur système de vente POS ainsi que les ordonnances médicales pertinentes. Ce ne serait qu’après le contrôle des montants déclarés par les appelants que la CNS aurait effectué les virements bancaires du montant à sa charge et émis un décompte détaillé de ces virements.

Enfin, ils réitèrent que toutes les pièces et enregistrements pertinents auraient été remis à leur fiduciaire à la fin de chaque mois pour l’établissement de leurs états comptables conformément à la loi.

Eu égard à la régularité formelle de leur comptabilité pour les années litigieuses, celle-ci déclencherait la présomption de régularité au fond ancrée au § 208 AO. Or, les premiers juges, qui n’auraient ni abordé ni remis en cause cette régularité en la forme, retiendraient tout de même l’irrégularité au fond de leur comptabilité au motif que l’ACD disposait de suffisamment d’indices pour pouvoir renverser la présomption issue du § 208 AO.

Selon les appelants, le renversement de la présomption instaurée par le § 208 AO exigerait que le contrôleur prouve « l’impossibilité du résultat » et se base sur des motifs « sérieux et concluants ». De simples soupçons ne seraient pas suffisants pour mener au rejet de la comptabilité et procéder par voie de taxation d’office, de sorte que les indices retenus par les premiers juges ne seraient pas de nature à renverser la présomption de régularité du § 208 AO.

En outre, les appelants contestent l’appréciation des premiers juges selon laquelle l’utilisation d’un logiciel de traitement des ventes ferait de cet outil une partie intégrante de leur comptabilité au sens du § 162 AO. Ils admettent cependant que les fiches récapitulatives issues du système POS pourraient, tout au plus, constituer des pièces comptables au même titre que les bandelettes issues des appareils de paiement par carte bancaire. Ils soulignent que le logiciel des ventes n’aurait été ni utilisé comme élément de comptabilité ni conçu à de telles fins par ses créateurs dont l’objectif premier aurait été d’offrir aux pharmaciens un logiciel permettant de communiquer avec la CNS et déterminant aisément la quote-part qu’elle devait leur verser en leur qualité de tiers payant. Renvoyant à une décision suivant réclamation anonymisée prise à l’endroit d’un autre contribuable, les appelants précisent que le directeur de l’ACD aurait lui-même admis, dans un cas d’imposition étranger à celui actuellement débattu devant la Cour, qu’un « système de gestion de ventes […] ne constituerait pas une partie constitutive de la comptabilité », de sorte que leur système POS ne saurait être considéré comme faisant partie intégrante de leur comptabilité au sens du § 162 AO. Partant, toute irrégularité affectant leur système de vente ne pourrait avoir comme conséquence l’irrégularité de leur comptabilité. En retenant que le logiciel de ventes ferait partie de leur comptabilité, les premiers juges auraient méconnu le principe constitutionnel de l’égalité devant la loi et devant l’impôt. En effet, selon les appelants, il n’existerait aucune obligation au Luxembourg de posséder une caisse enregistreuse ou un système informatique de traitement des ventes et il n’y aurait pas non plus d’exigences quant aux fonctionnalités de ces outils. Or, contrairement au Luxembourg, certains pays comme l’Allemagne accompagneraient de règles légales strictes les fonctionnalités de ces outils d’enregistrement malgré leur utilisation facultative par les contribuables. Dans le cas d’un contribuable-utilisateur d’une caisse enregistreuse ou d’un logiciel de vente au Luxembourg, celui-ci ne serait jamais certain des exigences que ces appareils seraient tenus de respecter « aujourd’hui ou demain ». Partant, en l’absence d’exigences légales ou réglementaires, l’ACD pourrait décider de manière discrétionnaire quelle caisse enregistreuse ou quel système de vente constituerait une comptabilité régulière ou irrégulière. Une telle différence de traitement désavantagerait clairement les contribuables qui utiliseraient une caisse enregistreuse ou un système informatique des ventes contrairement à ceux qui n’en utiliseraient pas, alors que l’ensemble de ces contribuables se trouveraient dans une situation identique, à savoir l’obligation de se conformer aux exigences comptables posées par le § 162 AO.

Ils en concluent que la seule différence de chiffres d’affaires entre le système de vente POS et la comptabilité des appelants ne saurait justifier le renversement de la présomption de régularité posée par le § 208 AO.

Après avoir rappelé les exigences comptables auxquelles les contribuables sont tenus en vertu des lois commerciale et fiscale, la partie étatique souligne que ce serait à bon droit que le directeur a retenu la non-application de la présomption issue du § 208 AO, de sorte à avoir valablement confirmé la taxation d’office effectuée par le bureau d’imposition à l’égard des appelants. Elle fait valoir que l’utilisation d’un programme informatique pour l’enregistrement des flux comptables ne dispenserait pas les contribuables de se conformer à leurs obligations comptables et que les vérifications faites par le bureau d’imposition auraient révélé des différences importantes de chiffres d’affaires entre le chiffre d’affaires déclaré par les appelants et celui en provenance de leur système POS.

Plus particulièrement, la partie étatique souligne que la vérification des livres et pièces comptables des appelants aurait révélé que leur comptabilité aurait été incomplète, désordonnée et partielle. En outre, il aurait été impossible aux agents de l’ACD de reconstituer les montants déclarés sur la base des enregistrements du logiciel des ventes et de vérifier leur exactitude sur la base des données fournies par les appelants. Le délégué du gouvernement soutient que Monsieur (B) ne contesterait pas les défaillances de son logiciel puisqu’il admettrait que celui-ci ne permettrait pas de gérer correctement les encaissements de factures ouvertes, exigeant de la sorte de procéder à des ajustements en fin d’année. La partie étatique souligne encore l’existence d’erreurs de manipulation liées à la saisine du mauvais type de paiement dans le logiciel de vente.

Parmi les divers autres reproches formulés à l’encontre de la comptabilité des appelants, la partie étatique soutient que les enregistrements opérés par les appelants ne seraient ni assez détaillés ni assez précis pour assurer la traçabilité de leurs opérations et qu’ils contreviendraient partant à l’exigence de tenir une comptabilité régulière comprenant, entre autres, des écritures complètes et exactes. Elle fait notamment valoir que :

- le mode de comptabilisation ne permettrait pas de s’assurer que le type de paiement n’aurait pas d’influence sur le montant global des recettes finalement enregistrées ;

- les ventes n’auraient pas été reportées dans les livres sur base des extraits journaliers ni encore moins sur la base du détail des opérations particulières ;

- les ventes auraient fait l’objet d’écritures récapitulatives reportant les sommes enregistrées sur des périodes allant de dix jours à un mois dans les comptes de l’entreprise, par débit et crédit des comptes de trésorerie et des comptes clients à hauteur des montants encaissés ou versés sur comptes. Ces opérations auraient été suivies par des crédits et débits sur la même date, de montants forfaitaires, à partir d’une certaine marge et d’un certain rapport entre ventes à taux ordinaire et taux réduit de TVA des comptes correspondant des ventes et de la TVA due ;

- divers défauts proviendraient de l’enregistrement inadapté des ventes, encaissements et paiements sur comptes bancaires ;

- diverses annotations d’opérations comptables seraient insuffisantes ou inexistantes et notamment la comptabilisation des salaires, frais généraux et frais privés au compte fournisseurs et des impôts et taxes au compte client ;

- la comptabilisation d’extournes forfaitaires sur les comptes ventes, clients, caisse et banque qui seraient également crédités et débités le même jour ;

- l’extraction sommaire forfaitaire de la TVA comprise aux montants enregistrés occultant les origines et les emplois des montants comptabilisés ;

- le montant global des ventes et le montant des prélèvements seraient nécessairement inexacts ;

- les corrections de valeur sur stocks seraient établies de manière forfaitaire et ne reflèteraient pas la valeur effective selon l’article 23 LIR de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après la « LIR » ;

- des manquements auraient été constatés dans les fournitures refacturées aux vétérinaires clients de la pharmacie ; et - une vérification appuyée à partir des factures émises par les appelants n’auraient pas permis malgré divers ajustements tels que chiffrés par les appelants de reconstituer les sommes issues du relevé.

L’Etat fait valoir que les manquements constatés ne se limiteraient pas à de simples erreurs comme l’affirmeraient les appelants. Bien au contraire, la documentation versée par ces derniers au bureau d’imposition présenterait une comptabilité « en effigie », imprécise et approximative. L’ensemble de ces irrégularités comptables permettrait ainsi de nier la valeur probante et crédibilité à la comptabilité des appelants justifiant de la sorte le bienfondé de la taxation d’office retenue par le bureau d’imposition et confirmée par le directeur et les premiers juges.

Analyse de la Cour En matière de fiscalité directe, les §§ 162 à 165 AO imposent la tenue d’une comptabilité régulière et complète quant à la forme et quant au fond.

Ainsi, la comptabilité est régulière quant à la forme lorsqu’elle est agencée de façon claire et ordonnée, de façon à faciliter toute recherche et tout contrôle. Même si aucun texte légal n’impose l’obligation précise de porter sur des pièces comptables les informations quant à la date de leur comptabilisation et aux comptes débités et crédités, il n’en reste cependant pas moins que la nécessité de ces renseignements découle de l’exigence de clarté d’une comptabilité. En effet, les écritures comptables doivent être appuyées par des pièces justificatives devant être conservées, de manière que l’exercice utile de leur pouvoir de vérification par les dirigeants de l’entreprise et les vérificateurs de la comptabilité, dont l’administration fiscale, implique que le rapprochement entre l’enregistrement comptable et la pièce justificative afférente puisse être fait avec aisance, ce qui implique que pour tout enregistrement comptable les références des pièces justificatives qui l’appuient doivent être indiquées. En outre, les écritures doivent être appuyées par des pièces justificatives qui doivent être conservées afin de permettre l’examen de la validité des enregistrements et des pièces justificatives à leur base (Cour adm. 15 janvier 2019, n° 41547C, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 956).

Une comptabilité est régulière quant au fond lorsqu’elle renvoie une image fidèle et complète de la situation financière de l’entreprise. A cette fin, elle doit respecter les principes généraux comptables tels que les principes de continuité, de constance, de spécificité des exercices, de non-compensation, de comptabilisation des charges et produits et de prudence (Cour adm. 14 août 2019, n° 42249C et 42318C, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 956).

Le § 162 AO dispose notamment en son alinéa (2) que: « Die Eintragungen in die Bücher sollen fortlaufend, vollständig und richtig bewirkt werden. Der Steuerpflichtige soll sich einer lebenden Sprache und der Schriftzeichen einer solchen bedienen ». Cette disposition consacre ainsi le principe de la comptabilisation continue qui implique la comptabilisation chronologique des opérations et ce dans un délai rapproché après leur survenance, ainsi que le principe de vérité qui impose l’enregistrement approprié de toutes les opérations.

Le § 208, alinéa (1), AO instaure une présomption de régularité en faveur de toute comptabilité tenue conformément aux principes énoncés au § 162 AO dès lors qu’il n’existe aucune raison particulière d’en contester la régularité au fond.

La Cour relève que les premiers juges n’ont pas spécifiquement pris position sur la régularité formelle de la comptabilité litigieuse, mais ont plutôt retenu que même à la tenir pour établie, l’administration restait néanmoins en droit de renverser la présomption de régularité du § 208, alinéa (1), AO en présence d’indices lui permettant de douter de la véracité des écritures comptables.

La Cour estime néanmoins que pour des raisons manifestes de bonne administration de la justice, elle est appelée à examiner les nombreux moyens développés par les parties en appel quant à la régularité formelle de la comptabilité présentée par les appelants.

A titre liminaire, la Cour rappelle que l’utilisation d’un système électronique de vente, tel un logiciel comme dans le cas d’espèce, constitue une partie intégrante de la comptabilité comme l’ont retenu à juste titre les premiers juges.

Cette conclusion ne saurait être ébranlée par le fait que le directeur aurait admis dans d’autres décisions adressées à d’autres contribuables, telles que celles produites de manière anonyme par les mandataires des appelants, qu’un système de gestion ne serait pas à qualifier de « partie constitutive de la comptabilité ».

En effet, s’il est vrai que l’usage d’un tel système électronique est facultatif pour les contribuables soumis à des obligations comptables sur le fondement des §§ 160 et 161 AO, le choix de retenir un tel système d’enregistrement reste néanmoins soumis aux exigences classiques de tenue d’une comptabilité résultant du § 162 AO (cf. Cour adm., 15 juin 2023, n° 47813C), de sorte qu’ils doivent pouvoir donner une image globalement concordante à celle retranscrite dans la comptabilité du contribuable au vu de l’exigence du caractère exact de la comptabilité (« die Eintragungen in die Bücher sollen (…) richtig bewirkt werden ») inscrite au § 162, alinéa (2), AO.

Or, eu égard au faisceau d’indices concordants relevés par les agents de l’ACD, il convient de relever que le bureau d’imposition était fondé à remettre en cause la régularité formelle de la comptabilité des appelants au vu des manquements manifestes aux exigences de clarté et de sincérité des écritures comptables posées par le § 162 AO.

L’ensemble de ces irrégularités permettent de conclure que la comptabilité des appelants est irrégulière en la forme, faute d’avoir été agencée de façon claire et ordonnée, et à défaut de faciliter aux agents de l’ACD toute recherche et tout contrôle au sein de celle-ci.

Dans la mesure où la régularité formelle de la comptabilité a pu être écartée à partir des irrégularités relevées par les agents de l’ACD, c’est partant à bon droit que la partie étatique fait valoir que la présomption de régularité au fond de la comptabilité, prévue au § 208, alinéa (1), AO, ne saurait trouver application en l’espèce.

Par suite, bien que pour des motifs distincts, c’est à bon droit que les premiers juges ont confirmé que la présomption de régularité résultant du § 208 AO devait être écartée.

Quant à la régularité au fond de la comptabilité Quant à la régularité au fond de la comptabilité des appelants, il échet de relever que le contrôle de comptabilité, mené pour les années 2010 à 2014, a mis en évidence des écarts d’enregistrement entre les opérations du logiciel de vente (le système POS) et la comptabilité des appelants. Ces différences ont été expliquées par ces derniers du fait d’erreurs ou de limitations techniques liées à l’utilisation de leur logiciel de vente.

Parmi ces écarts de chiffres d’affaires, les appelants ont reconnu des enregistrements différés en ce qui concerne la facturation de leurs clients vétérinaires, des enregistrements additionnels dans leur logiciel de vente pour clôturer des factures ouvertes déjà acquittées menant ainsi à la création de doublons, des comptabilisations forfaitaires des montants des ventes soumis à des taux de TVA différents ou encore des enregistrements qui ne reflètent aucunement le prix véritable par médicament acquitté par leurs clients ou remboursé par la CNS.

Eu égard à ces divergences notables relevées dans les enregistrements effectués par les appelants, il y a lieu de retenir que ces nombreux éléments sont de nature à constituer un faisceau d’indices corroborant l’irrégularité de la comptabilité des appelants quant au fond tel que justement retenu par les premiers juges.

Par suite, la régularité de la comptabilité ayant été rejetée à partir des irrégularités relevées par les agents de l’ACD, tant en la forme que quant au fond, c’est partant à bon droit que la partie étatique a pu, dans ces circonstances particulières, recourir au principe de la taxation d’office.

Quant à la taxation d’office pour les années litigieuses La taxation d’office est prévue au § 217 AO qui dispose comme suit :

« (1) Soweit das Finanzamt die Besteuerungsgrundlagen (einschließlich solcher Besteuerungsgrundlagen, die für eine gesonderte Feststellung nicht vorgeschrieben ist) nicht ermitteln oder berechnen kann, hat es sie zu schätzen. Dabei sind alle Umstände zu berücksichtigen, die für die Schätzung von Bedeutung sind.

(2) Zu schätzen ist insbesondere dann, wenn der Steuerpflichtige über seine Angaben keine ausreichenden Aufklärungen zu geben vermag oder weitere Auskunft oder eine Versicherung an Eides Statt verweigert. Das gleiche gilt, wenn der Steuerpflichtige Bücher oder Aufzeichnungen, die er nach den Steuergesetzen zu führen hat, nicht vorlegen kann oder wenn die Bücher oder Aufzeichnungen unvollständig oder formell oder sachlich unrichtig sind ».

Conformément à sa dénomination allemande (« Schätzung »), la taxation d’office consiste « à déterminer et à utiliser une valeur probable et (ou) approximative, lorsque la détermination de la valeur réelle et exacte n’est pas possible » (J. OLINGER, La Procédure contentieuse en matière d’impôts directs, Etudes fiscales nos 81 à 85, page 117, n° 190). Ce procédé comporte nécessairement et par définition une marge d’incertitude et d’inexactitude, tandis que la prise en compte d’une marge de sécurité par l’administration fiscale est licite, dès lors qu’elle est faite avec mesure et modération.

Il est vrai que le principe d’ordre public de la détermination exacte des bases d’imposition oblige les autorités fiscales à mettre tout en œuvre pour arriver à une imposition sur des bases qui correspondent à la situation fiscale réelle du contribuable. Cependant, le § 217 AO permet au bureau d'imposition de recourir à une estimation de ses bases d’imposition notamment dans l’hypothèse où il a constaté le caractère incomplet ou irrégulier de la comptabilité lui présentée par le contribuable.

La Cour rappelle à cet égard que le procédé de la taxation ne saurait être une sanction infligée au contribuable et que dans sa mise en œuvre, le bureau d’imposition et le directeur, qui intervient dans son contrôle, sont tenus d’y recourir avec discernement afin d’aboutir à la fixation de bases d’imposition qui s’approchent le plus possible des bases d’imposition réelles conformément aux principes de proportionnalité et de faculté contributive (cf. Cour Const.

10 novembre 2023, n° 00185).

En l’espèce, il résulte clairement des échanges entre les parties que le contribuable a fourni, dès la phase de la réclamation, l’ensemble des éléments de fait et de droit permettant ainsi au directeur de contrôler le recours à la taxation d’office en effectuant un examen intégral et au fond de leur situation.

Quant au bienfondé des majorations retenues Les appelants indiquent avoir avancé plusieurs explications quant aux différences entre le chiffre d’affaires issu du système de vente employé par la pharmacie et celui en provenance de leur comptabilité. Ils soulignent que la partie étatique tenterait d’empêcher la Cour d’exercer son pouvoir de contrôler au fond les redressements effectués par l’ACD tout comme son pouvoir d’apprécier la justification de ces écarts par leur soin. Ils affirment avoir tenté de comprendre les redressements retenus par l’ACD afin d’identifier les opérations qui n’auraient pas été prises en compte ou celles qui réduiraient le chiffre d’affaires du système de vente sans que ces mouvements ne figurent dans les enregistrements de ce logiciel de vente (par exemple les abattements CNS ou encore les remises accordées à leurs clients). Les appelants estiment qu’en se basant uniquement sur le montant extrait de la caisse enregistreuse sans procéder à des ajustements pour identifier le chiffre d’affaires comptable réel, l’ACD aurait méconnu le § 204 AO. Les appelants reprochent à l’administration de ne pas leur avoir remis de calculs détaillés pour s’assurer que certaines différences et montants avaient été dûment pris en compte, de sorte à rendre difficile tout contrôle des calculs opérés par le service de Révision.

Or, de tels calculs devraient figurer au sein du dossier fiscal déposé au greffe et leur absence serait à qualifier de violation flagrante de la loi par le délégué du gouvernement. Les appelants concluent qu’à l’exception des factures liées aux clients vétérinaires, la partie étatique n’aurait aucunement contredit leurs justifications expliquant les écarts de chiffres d’affaires constatés.

La partie étatique fait valoir que les explications des appelants seraient « un écran de fumée » et qu’il leur faudrait plus de vingt pages pour justifier les différences constatées entre leur système de vente et leur comptabilité. Elle indique que les appelants seraient restés en défaut de justifier ces écarts durant la phase relative à leur imposition et qu’il n’appartiendrait pas à la Cour d’analyser le détail de la comptabilisation défaillante des appelants ni l’exactitude des calculs opérés par les services de l’ACD.

L’Etat ajoute que les appelants resteraient en défaut de fournir i) les extraits journaliers du logiciel de leur comptabilité retraçant les retraits et fonds de caisse et ii) les écritures suffisamment précises pour permettre un redressement des créances, dettes et recettes enregistrées tant pour les montants de base que pour les montants de TVA. Les défauts et manquements constatés ne permettraient pas de conclure à l’exhaustivité et à l’exactitude des données fournies par les appelants, de sorte que toute vérification serait exclue faute de données suffisamment précises permettant d’opérer des comparaisons entre les systèmes de vente et de comptabilité des appelants. Faute de données fiables, l’ACD se trouverait ainsi dans l’impossibilité de déterminer le bénéfice commercial au sens de l’article 18 LIR. Selon le délégué du gouvernement, les explications des appelants, bien que détaillées en apparence, ne sauraient remédier aux défauts affectant la détermination de leurs bénéfices d’exploitation.

Le recours à la taxation d’office se trouverait partant amplement justifié du fait de l’irrégularité de la comptabilité des appelants.

Eu égard au litige subsistant entre les parties quant aux majorations retenues, il appartient à la Cour d’en mesurer le bienfondé, de sorte que la partie étatique ne saurait être confirmée lorsqu’elle affirme que la Cour ne devrait ni contrôler les redressements opérés par l’ACD ni prendre en compte les moyens de défense des appelants à ce sujet.

En effet, procéder comme le suggère le délégué du gouvernement reviendrait à vider de sa substance le droit des appelants à un recours effectif devant une juridiction impartiale et indépendante.

Les différentes justifications mises en avant par les appelants et les arguments en réponse de la partie étatique sont répartis en différents postes numérotés par la Cour pour les besoins d’exhaustivité de son analyse au fond.

1. Facturation des vétérinaires Moyens des parties Les appelants précisent que la pharmacie aurait eu deux cabinets de vétérinaires comme clients durant les années litigieuses et que les commandes passées auprès de la pharmacie auraient donné lieu à l’application de marges sur les prix de vente du grossiste et à des écritures comptables spécifiques. Ils admettent qu’il a pu exister des inattentions en lien avec la comptabilisation de certaines de ces factures entre deux années civiles, mais qu’il conviendrait de retenir que ces montants auraient été de faible importance et qu’ils auraient en tout état de cause fait l’objet d’une imposition même si celle-ci aurait été reportée à un autre exercice fiscal. En effet, une revue de la comptabilisation de ces factures démontrerait que les factures émises au début du mois de janvier d’une année donnée auraient été, dans certains cas, enregistrées au mois de décembre de l’année précédente. Trois factures auraient par ailleurs été enregistrées par erreur à deux reprises dans le logiciel SABCO, alors que la comptabilité ne les reprendrait, à juste titre, qu’une seule fois.

A en croire les appelants, les différences de chiffres d’affaires entre le logiciel de vente et les entrées comptables s’expliqueraient du fait de décalages dans la comptabilisation des factures de vétérinaires en début d’année et des doublons enregistrés par le logiciel de vente.

Or, étant donné qu’il ne s’agirait pas d’un réel chiffre d’affaires, un redressement du bénéfice imposable ne se justifierait pas à hauteur de toute différence imputable aux éléments chiffrés fournis par les appelants. En outre, du fait du caractère mineur de ces imprécisions, elles ne sauraient être retenues pour entraîner une diminution injustifiée de la charge fiscale globale des appelants et entraîner l’irrégularité de leur comptabilité. La facturation des vétérinaires passerait selon eux par un module spécifique du logiciel, dont les montants ne seraient pas inclus dans le chiffre d’affaires « ordinaire ». Les appelants indiquent ne pas contester que le chiffre d’affaires facturé aux vétérinaires devrait être déduit du chiffre d’affaires comptable.

Cependant, le montant déductible devrait correspondre au montant qui aurait été effectivement comptabilisé pour l’année en question afin de pouvoir le comparer aux chiffres d’affaires issus de la caisse enregistreuse. Or, ils reprochent à l’ACD de s’être limitée à additionner les montants du relevé extrait du logiciel de vente SABCO pour les différentes années sans toutefois prendre en compte ni les doublons de factures ni les décalages d’enregistrement.

Enfin, les appelants ajoutent que les développements de la partie étatique concernant l’année 2015 ne seraient pas pertinents en l’espèce au motif que cette année ne serait pas litigieuse entre les parties.

Sur la comptabilisation des factures des clients vétérinaires, l’Etat soutient que les factures en question seraient à déduire des recettes globales comptabilisées dans la mesure où les articles facturés aux vétérinaires seraient directement livrés par le fournisseur au vétérinaire et que le pharmacien émettrait une facture avec une marge de 2 à 10 %. Du fait de cette organisation particulière, les articles en question n’auraient pas pu faire l’objet de la gestion des stocks de la pharmacie. L’Etat ajoute enfin que la comptabilisation des factures émises à l’endroit des vétérinaires pour 2015 ne serait pas retraçable.

Analyse de la Cour La Cour note que les appelants ne contestent pas le fait que les factures émises à l’endroit de leurs clients vétérinaires devraient être déduites de leurs chiffres d’affaires pour les années en cause.

En ce sens, les parties s’accordent sur le même procédé de comptabilisation, étant donné que l’Etat avance également que ces factures seraient à déduire des recettes globales.

Cependant, il est constant en cause que les appelants font valoir que pour que la confrontation des chiffres d’affaires entre le système de vente et leur comptabilité soit effectuée sur une base comparable, il conviendrait de prendre en compte les enregistrements différés de ces factures vétérinaires ainsi que les enregistrements multiples de factures identiques (doublons).

Face à ces justifications chiffrées et documentées par les appelants, pièces justificatives à l’appui, la partie étatique se contente d’affirmer que les articles commandés via la pharmacie au bénéfice des vétérinaires n’auraient pas pu faire l’objet de la gestion des stocks de la pharmacie.

Or, il n’est pas clair aux yeux de la Cour en quoi cette affirmation serait de nature, à elle seule, à infirmer les justifications crédibles mises en évidence par les appelants quant à la prise en compte du montant véritable de ces factures.

A défaut d’avoir pu contredire la vraisemblance des enregistrements différés et multiples de ces factures comme dûment identifiée et démontrée par les appelants devant la Cour, il convient d’admettre les différences de montants liées aux factures vétérinaires mises en avant par les appelants pour les années litigieuses comme suit :

- 2010 : … euros HTVA ;

- 2011 : … euros HTVA et - 2012 : … euros HTVA.

Eu égard à ce qui précède, c’est à tort que les premiers juges ont retenu que les ajustements et doublons en lien avec les factures des clients vétérinaires des appelants n’ont pas été suffisamment justifiés par rapport aux différences constatées dans les chiffres d’affaires comparés.

2. Détermination du chiffre d’affaires TTC et TVA Moyens des parties Après avoir expliqué et chiffré la méthodologie retenue pour parvenir au chiffre d’affaires comptable toute taxe comprise, ci-après « TTC », les appelants font valoir que le chiffre d’affaires comptable TTC déterminé sur base de leurs données comptables serait plus élevé que le chiffre d’affaires déterminé par l’ACD pour chacune des années litigieuses. Or, une telle différence serait de nature à révéler une différence moins importante par rapport au chiffre d’affaires du logiciel de vente en faveur des appelants, de sorte qu’il conviendrait de réduire les différences constatées par l’ACD par lesdits montants.

Les appelants précisent, en outre, que les redressements opérés par l’ACD auraient été réalisés du fait de la différence entre le chiffre d’affaires TTC issu du système de vente POS et du chiffre d’affaires TTC résultant de la comptabilité. Or, il aurait appartenu à l’ACD d’opérer des corrections au titre de la TVA, car celle-ci ne serait pas constitutive d’une augmentation d’actif net investi. La TVA ne saurait partant être intégrée d’une façon ou d’une autre à la base imposable et en procédant de la sorte, le bureau d’imposition aurait ainsi soumis à l’impôt sur le revenu et à l’impôt commercial communal un montant de TVA (réputé) collecté par la pharmacie pour compte de l’Etat. Ils reprochent aux premiers juges d’avoir retenu qu’ils n’apporteraient aucun élément plausible à l’appui de leurs prétentions. Or, il ressortirait clairement du dossier fiscal que les redressements effectués par l’ACD auraient été opérés sur une comparaison de chiffres d’affaires TTC comme le démontrerait le tableau synthétique dressé par l’ACD.

La partie intimée conteste le fait que les redressements auraient été à faire hors taxe au vu de la modicité de leurs montants. Le caractère résiduel de ces montants serait contesté et non prouvé par les appelants à défaut de comptabilité régulière.

Analyse de la Cour S’il est vrai que l’irrégularité de la comptabilité justifie, dans son principe, le recours à la taxation d’office par le bureau d’imposition, il n’en reste pas moins que l’administration doit pouvoir justifier la méthodologie qu’elle a employée dans son recours à la taxation d’office prévue au § 217 AO.

En effet, la Cour rappelle que selon sa jurisprudence constante en matière de taxation d’office, le bureau d’imposition est légalement tenu de mettre en œuvre tous les moyens relevant de ses attributions légales pour se rapprocher, au plus près, des bases imposables du contribuable. Il lui appartient ainsi d’étayer avec précision la méthodologie employée pour reconstituer la comptabilité du contribuable.

En l’espèce, il résulte sans conteste du tableau synthétique transmis aux appelants que les majorations retenues à leur encontre ont été calculées sur une base incluant la TVA tels que le confirment les intitulés multiples repris dans les colonnes dudit tableau sous le sigle « TVAC ».

En outre, l’Etat déduit de l’irrégularité de la comptabilité des appelants des manquements en matière de TVA en affirmant qu’il « [serait] peu probable que des recettes non déclarées dans le cadre de l’établissement des bases d’impositions à l’impôt sur le revenu et à l’impôt commercial communal l’aient été dans le cadre de l’établissement de la déclaration de la taxe sur la valeur ajoutée » (mémoire en réponse du délégué du gouvernement, p. 12).

Ce passage, repris verbatim de la décision directoriale du 28 juin 2021, était complété par l’affirmation du directeur selon laquelle les manquements en matière de TVA seraient à qualifier d’augmentation de l’actif net investi en ces termes : « que des recettes perçues pour le compte d’un tiers et qui ne lui [seraient] pas transmis par la suite du fait que ce tiers, en l’espèce l’administration de l’enregistrement et des domaines, [serait] mise dans l’impossibilité de percevoir ou de chiffrer ce qui lui [serait] dû, [seraient] à considérer comme recettes au même titre que le montant principal, étant donné qu’elles entraîneraient une augmentation de l’actif net investi » (décision directoriale du 28 juin 2021, p. 8).

A titre liminaire, la Cour note que le directeur ne dispose d’aucune compétence en matière de vérification des obligations des appelants en matière de taxe sur la valeur ajoutée.

Une telle compétence, à défaut de lui avoir été reconnue par la loi modifiée du 7 avril 1964 portant réorganisation de l’administration des contributions directes et des accises, relève de la compétence exclusive de l’AEDT.

En outre, même s’il peut être admis que l’ACD peut tirer au niveau de l’impôt sur le revenu des conséquences en termes d’imputation de recettes imposables lorsque le contribuable a perçu des sommes correspondant à des impôts qu’il a été tenu de collecter auprès de tiers pour compte du Trésor et qu’il est resté en défaut de verser à ce dernier, encore faut-il que le manquement à cette obligation de continuer au Trésor un impôt indirect collecté soit suffisamment avéré et définitif afin de justifier cette imputation de recettes imposables.

Or, il ne résulte aucunement des pièces du dossier que l’AEDT aurait elle-même retenu des redressements en matière de taxe sur la valeur ajoutée à la suite des contrôles qu’elle a opérées dès 2017 sur les années 2013 à 2017, les appelants affirmant même, sans être utilement contredits par la partie étatique, que leurs déclarations TVA ont été acceptées par l’AEDT sans avoir fait l’objet de taxation ou de rectification d’office.

Partant, le directeur ne peut s’appuyer sur des prétendus manquements en matière de TVA pour en tirer des conséquences défavorables aux appelants aux fins de la détermination de leur impôt sur le revenu et c’est à tort que la partie étatique s’est cru en droit de qualifier certains montants de taxe sur la valeur ajoutée comme venant en augmentation de l’actif net investi.

En outre, à défaut d’avoir été utilement contredits quant au caractère vraisemblable des justifications mises en avant par eux, il convient de faire droit à la prise en compte des différences constatées par les appelants en leur faveur.

Par suite, ces montants doivent être portés en déduction des écarts chiffrés par la partie étatique dans le cadre des redressements annuels qu’elle a établis sur une base TVAC comme suit :

- 2010 : … euros TVAC ;

- 2011 : … euros TVAC ;

- 2012 : … euros TVAC ;

- 2013 : … euros TVAC et - 2014 : … euros TVAC.

3. Abattements consentis à la CNS Moyens des parties Les appelants précisent que sur la base d’un règlement grand-ducal du 23 décembre 1993 concernant l’abattement accordé par les pharmaciens à l'assurance maladie, les pharmaciens seraient tenus d’accorder à la CNS un abattement pour les médicaments qu’elle prend en charge par rapport aux prix de vente officiels et après déduction de la TVA. Cet abattement serait en principe de 5 %, mais pourrait faire l’objet d’un taux réduit dès lors que le pharmacien soumet à la CNS un certain nombre de données sur support informatique. Ce taux réduit aurait été de 3, 75 % jusqu’à janvier 2011, puis il aurait été réduit à 1,40 % avant d’être fixé à 0,25 % à compter de mai 2012. Le montant de l’abattement serait déterminé et déduit par la CNS à l’occasion de ses décomptes mensuels. Ils soulignent que le système de vente POS déterminerait le montant du chiffre d’affaires de la pharmacie sur la base des prix de ventes officiels des différents médicaments et avant toute application de l’abattement CNS, tandis que leur comptabilité serait, quant à elle, basée sur les décomptes de la CNS, après déduction de l’abattement, de sorte à révéler un écart considérable de chiffres d’affaires entre le système de vente et la comptabilité pour les années 2010 et 2012. Cet écart serait moindre à compter de 2013 du fait de la réduction des taux applicables à l’abattement CNS. Les appelants critiquent la méthodologie des agents de l’ACD qui ne semblerait pas inclure les abattements CNS, au motif qu’ils se seraient contentés d’extraire le chiffre d’affaires du système de vente POS. Selon eux, l’ACD aurait dû s’appuyer sur les montants après abattements tels que reportés dans le grand livre dressé par les appelants. Partant, l’ACD devrait déduire les abattements CNS de la somme issue des extractions du système de vente POS.

Selon la partie étatique, les développements de la partie adverse relatifs à l’abattement CNS n’emporteraient nullement la conviction de la Cour. Le délégué du gouvernement renvoie, à ce sujet, aux développements de la décision directoriale.

Analyse de la Cour Les appelants avancent une justification crédible quant au fait que leur logiciel de vente n’aurait pas pris en compte les abattements CNS, étant donné que ce système de vente était paramétré pour uniquement calculer la part de prise en charge de la CNS à partir du prix officiel des médicament commercialisés.

L’absence de ces abattements dans le chiffre d’affaires extrait du logiciel de vente est par ailleurs rendue possible par la temporalité de leur prise en compte telle que mise en évidence par les appelants, à savoir qu’il leur fallait attendre les décomptes émis par la CNS, a posteriori, pour déterminer les montants définitifs de ces abattements. Ce n’est qu’à cette occasion que ces derniers étaient retranscrits dans leur comptabilité.

Le délégué du gouvernement, en renvoyant aux développements du directeur à ce sujet, ne prend pas davantage position sur la question de la prise en compte des abattements CNS.

Or, dans sa décision, le directeur n’a pas non plus pris position sur la déductibilité de ces abattements au motif que l’irrégularité globale de la comptabilité ne permettrait pas de retracer le déroulement véritable des opérations. Il précisait à cet égard « que l’inexactitude des enregistrements étant telle que tout contrôle effectif des ventes et de la valeur des stocks, de même que des créances et dettes est rendue illusoire sous peine de refaire, sur pièces, l’ensemble de la comptabilité, toutes explications cherchant à réduire ou à annuler les différences entre recettes déclarées et recettes dégagées du logiciel augmentées des refacturations aux vétérinaires [seraient] vaine » (décision directoriale du 28 juin 2021, p. 8).

En instruisant la réclamation des appelants de la sorte, le directeur les a indûment privés d’un contrôle au fond des taxations d’office opérées par le bureau d’imposition en méconnaissance manifeste de la jurisprudence de la Cour (cf. Cour adm. 20 mars 2018, n° 39844C, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1153).

Eu égard à ce qui précède, c’est à tort que les premiers juges n’ont pas fait droit aux arguments de la partie appelante, de sorte qu’il y a lieu d’admettre la déductibilité des abattements CNS tels que démontrés et chiffrés par les appelants pour les années litigieuses sur une base TTC comme suit :

- 2010 : … euros TVAC ;

- 2011 : … euros TVAC ;

- 2012 : … euros TVAC ;

- 2013 : … euros TVAC et - 2014 : … euros TVAC.

4. Encaissement des factures ouvertes Moyens des parties Selon les appelants, la manière dont certaines factures ouvertes auraient été encaissées justifierait une partie des écarts constatés par l’ACD. En effet, ils expliquent qu’au lieu d’avoir enregistré certaines factures ouvertes comme d’ores et déjà encaissées, celles-ci auraient été enregistrées comme de nouvelles ventes sous la rubrique « divers », de sorte à avoir généré des enregistrements doubles pour les produits déjà commercialisés. Cet état de fait s’expliquerait en raison des spécificités du logiciel de vente qui n’aurait pas permis de constater l’encaissement d’une vente antérieure, voire en raison de la méconnaissance de l’existence d’une telle fonction par le personnel de la pharmacie. Afin de prendre en compte cette réalité et d’éviter la comptabilisation d’un chiffre d’affaires additionnel inexistant, la fiduciaire aurait passé une écriture de régularisation annuelle. Par suite, ces montants ne sauraient constituer des redressements en leur défaveur.

La partie étatique conteste les explications de la partie adverse concernant l’encaissement des factures ouvertes lors de l’année N+1 et affirme qu’il s’agirait d’allégations non prouvées.

Analyse de la Cour La partie intimée ne saurait systématiquement nier en bloc les explications fournies par les appelants au motif que leurs allégations manqueraient d’être démontrées alors que ceux-ci ont précisément soumis à la partie adverse des éléments chiffrés et circonstanciés sur lesquels elle ne prend aucunement position.

A l’instar de ses analyses antérieures, la Cour tient pour crédibles les explications fournies par les appelants quant aux écritures comptables constatant la neutralisation de certaines factures ouvertes dans la mesure où elles ont pu être enregistrées à plusieurs reprises dans le système de vente des appelants, de sorte à mener à une augmentation indue du chiffre d’affaires en provenance du logiciel de ses ventes.

Or, en exigeant que les appelants fournissent la preuve de la non-prise en compte de ces remises dans les redressements de l’ACD, les premiers juges ont exigé de la part des appelants une preuve impossible à rapporter, alors que ces derniers n’ont cessé d’indiquer ignorer la méthodologie employée par l’ACD pour asseoir ses majorations de recettes.

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu d’accueillir les arguments des appelants en admettant la déduction des factures ouvertes erronément reportées dans les limites des montants suivants :

- 2010 : … euros HTVA ;

- 2011 : … euros HTVA ;

- 2012 : … euros HTVA ;

- 2013 : … euros HTVA et - 2014 : … euros HTVA.

5. Remises accordées aux clients Moyens des parties Les appelants font valoir qu’il serait incertain si les remises accordées à leurs clients auraient bien été déduites des écarts constatés par l’ACD entre les chiffres d’affaires issus du système de vente et de leur comptabilité. Ces remises auraient été, de leur côté, bien prises en compte dans leurs entrées comptables. Après avoir chiffré le montant annuel des remises accordées à leurs clients, avec TVA et hors TVA, ils soutiennent que ces remises ne devraient pas constituer une cause de redressement de leur bénéfice imposable. Ils reprochent au tribunal d’avoir retenu que ces remises seraient d’un impact « négligeable » et estiment que l’Etat devrait se rapprocher, au plus près, des bases d’imposition du contribuable dans le cadre d’une taxation d’office comme celle pratiquée en l’espèce.

La partie étatique conteste les explications de la partie adverse concernant les remises aux clients en ce qu’elles auraient eu pour effet de réduire le chiffre d’affaires des appelants et affirme qu’il s’agirait d’allégations non prouvées.

Analyse de la Cour A l’instar des premiers juges, la Cour constate que le caractère modique de ces remises ne saurait justifier, à elles seules, les différences de chiffres d’affaires constatées par les services de l’ACD.

Or, indépendamment de leur montant, les appelants doivent être confirmés en ce qu’ils affirment que la taxation d’office exige que tout soit mis en œuvre afin de se rapprocher, au plus près, des bases imposables du contribuable.

La Cour note enfin que, là encore, les premiers juges ont imposé aux appelants une charge de la preuve impossible à rapporter en exigeant qu’ils démontrent que ces remises n’avaient pas d’ores et déjà été prises en compte par l’ACD dans le calcul de ses majorations de recettes.

Une telle charge de la preuve équivaut à priver les appelants de tout droit à un contrôle au fond des majorations litigieuses en leur imposant d’expliciter en détail la méthodologie retenue par l’ACD alors qu’ils ne disposent pas de ces informations.

En effet, il échet de relever que l’ACD se limite à contester en bloc ces remises sans toutefois remettre en cause la plausibilité de leur existence eu égard aux affirmations des appelants selon lesquelles leurs entrées comptables correspondraient à des enregistrements après application desdites remises.

Par suite, il y a lieu de faire droit aux justifications crédibles établies par les appelants en déduisant des redressements arrêtés par l’ACD les montants des remises offertes à la clientèle de la pharmacie telles que présentées devant la Cour comme suit :

- 2010 : … euros TVAC;

- 2011 : … euros TVAC ;

- 2012 : … euros TVAC ;

- 2013 : … euros TVAC et - 2014 : … euros TVAC.

Récapitulatif des redressements suivant le § 217 AO Eu égard à l’analyse complète des majorations de recettes retenues par le bureau d’imposition, la Cour note que les observations formulées par les appelants pour expliquer la différence de chiffres d’affaires entre le système de vente dit POS et leur comptabilité ont été écartées de manière laconique par la partie étatique.

En effet, en réponse à l’ensemble des observations des appelants, l’Etat s’est limité à indiquer que certains de ces montants avaient d’ores et déjà été pris en compte par l’ACD tandis que d’autres ne pouvaient être prouvés par les appelants par des preuves documentaires.

Or, au vu des arguments avancés par les appelants, il appartenait à l’Etat d’établir la proportion des montants d’ores et déjà admis dans ses majorations et ceux rejetés pour défaut de preuve suffisante.

Eu égard à l’ensemble des développements ci-avant, il appartient à l’Etat de déduire des redressements litigieux les montants arrêtés comme suit par la Cour suivant le pouvoir de réformation lui reconnu par les dispositions combinées des § 217 et 228 AO et 8, paragraphes (2) et (3), 1er alinéa, de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif :

- Facturation des vétérinaires :

o 2010 : … euros HTVA ;

o 2011 : … euros HTVA et o 2012 : … euros HTVA.

- Détermination du chiffre d’affaires TTC :

o 2010 : … euros TVAC ;

o 2011 : … euros TVAC ;

o 2012 : … euros TVAC ;

o 2013 : … euros TVAC et o 2014 : … euros TVAC.

- Abattements CNS :

o 2010 : … euros TVAC ;

o 2011 : … euros TVAC ;

o 2012 : … euros TVAC ;

o 2013 : … euros TVAC et o 2014 : … euros TVAC.

- Encaissement de factures ouvertes :

o 2010 : … euros HTVA ;

o 2011 : … euros HTVA ;

o 2012 : … euros HTVA ;

o 2013 : … euros HTVA et o 2014 : … euros HTVA.

-

Remises aux clients :

o 2010 : … euros TVAC ;

o 2011 : … euros TVAC ;

o 2012 : … euros TVAC ;

o 2013 : … euros TVAC et o 2014 : … euros TVAC.

Or, la Cour constate que pour les années d’imposition 2010, 2011, 2013 et 2014, les totaux annuels des réductions de redressements reconnues par elle du chef des cinq postes prévisés dépassent les montants globaux des majorations de recettes que le bureau d'imposition avait retenues et ce même en tenant compte du fait que certains montants de réductions sont hors TVA tandis que d’autres sont TVA comprise. Ce n’est que pour l’année 2012 que le total des réductions des redressements reste inférieur à la majoration de recettes fixée dans les bulletins rectificatifs afférents. Les chiffres comparatifs sont en effet les suivants :

Année Majorations de recettes fixées par le Montant total des réductions de bureau d'imposition redressements reconnues 2010 2011 2012 2013 2014 Au vu de cette conclusion, il y a lieu de réformer la décision directoriale déférée en ce sens que les bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu et de la base d’assiette globale et de l’impôt commercial communal des années 2010, 2011, 2013 et 2014, émis le 25 novembre 2020 sont réformés en ce sens que les majorations de recettes y fixées sont à omettre et que les bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu et de la base d’assiette globale et de l’impôt commercial communal de l’année 2012 sont réformés en ce sens que la majoration de recettes y fixée est à réduire des montants suivants :

• … euros HTVA (facturation des vétérinaires) ;

• 3.859,15 euros TVAC (détermination du chiffre d’affaires TTC) ;

• … euros TVAC (abattements CNS) ;

• … euros HTVA (encaissement de factures ouvertes) • … euros TVAC (remises aux clients).

Quant à l’indemnité de procédure Les appelants sollicitent une indemnité de procédure de 8.000 euros, pour la première instance, et de 4.000 euros, pour l’instance d’appel, sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives pour avoir dû notamment recourir aux services rémunérés d’un avocat afin de faire valoir leurs droits et de les représenter à l’audience.

L’Etat demande le rejet de cette demande au motif qu’elle ne serait aucunement justifiée.

Cette demande est à accueillir en son principe eu égard à la solution au fond et la Cour évalue l’indemnité à allouer pour les deux instances ex aequo et bono au montant de 4.000 euros.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 10 novembre 2023 en la forme, au fond, le déclare justifié, partant, par réformation du jugement entrepris du 28 septembre 2023 (n° 46507 du rôle), dit que la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 28 juin 2021 (n° … et …) encourt la réformation en ce que le directeur a retenu à tort le bienfondé des bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu et de la base d’impôt d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2010 à 2014, tous émis le 25 novembre 2020, que lesdits bulletins des années 2010, 2011, 2013 et 2014 sont réformés en ce sens que les majorations de recettes y fixées sont à omettre et que lesdits bulletins de l’année 2012 sont réformés en ce sens que la majoration de recettes y fixée est à réduire des montants suivants :

• … euros HTVA (facturation des vétérinaires) ;

• … euros TVAC (détermination du chiffre d’affaires TTC) ;

• … euros TVAC (abattements CNS) ;

• … euros HTVA (encaissement de factures ouvertes) • … euros TVAC (remises aux clients).

renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes pour exécution, condamne l’Etat à payer à Monsieur (B) et à Madame (A) une indemnité de procédure de 4.000 euros pour les deux instances, condamne l’Etat aux frais et dépens des deux instances.

Ainsi délibéré et jugé par:

Serge SCHROEDER, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu à l’audience publique du 11 juillet 2024 au local ordinaire des audiences de la Cour par le premier conseiller Serge SCHROEDER, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.

s. SCHINTGEN s. SCHROEDER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 11 juillet 2024 Le greffier de la Cour administrative 49


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49685C
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-07-11;49685c ?

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