La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/07/2024 | LUXEMBOURG | N°49177C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 11 juillet 2024, 49177C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 49177C ECLI:LU:CADM:2024:49177 Inscrit le 17 juillet 2023

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Audience publique du 11 juillet 2024 Appel formé par Madame (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 6 juin 2023 (n° 45790 du rôle) dans un litige l’opposant à une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts

----------------------------------------------------------

------------------------------------------------------

Vu l’acte d’appel, inscrit...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 49177C ECLI:LU:CADM:2024:49177 Inscrit le 17 juillet 2023

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Audience publique du 11 juillet 2024 Appel formé par Madame (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 6 juin 2023 (n° 45790 du rôle) dans un litige l’opposant à une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 49177C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 17 juillet 2023 par la société en commandite simple BONN STEICHEN & PARTNERS SCS, établie et ayant son siège social à L-3364 Leudelange, 11, rue du Château d’Eau, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, représentée par son gérant commandité en fonctions, à savoir la société à responsabilité limitée BSP s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-3364 Leudelange, 11 rue du Château d’Eau, elle-même représentée aux fins de la présente procédure par Maître Pol MELLINA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A), demeurant à L-…, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-

Duché de Luxembourg le 6 juin 2023 (n° 45790 du rôle) par lequel le tribunal reçut en la forme le recours principal en réformation dirigé contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 18 décembre 2020, référencée sous le numéro … du rôle, rejetant comme non fondées ses réclamations contre les bulletins rectificatifs portant établissement séparé du bénéfice commercial des années 2010 à 2015, ainsi que contre les bulletins rectificatifs de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2010 à 2015, tous émis en date du 18 novembre 2020, au fond déclara ledit recours non justifié et en débouta la demanderesse, dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation et débouta la demanderesse de sa demande en obtention d’une indemnité de procédure, tout en la condamnant aux frais et dépens ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 12 octobre 2023 par le délégué du gouvernement au greffe de la Cour administrative pour compte de l’Etat ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 13 novembre 2023 par la société BONN STEICHEN & PARTNERS SCS, représentée par Maître Pol MELLINA, pour compte de Madame (A), préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le magistrat rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Pol MELLINA et Monsieur le délégué du gouvernement Eric PRALONG en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 janvier 2024.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

En dates des 31 octobre 2011, 15 août 2012, 4 octobre 2013, 3 octobre 2014, 3 juillet 2015 et 2 juin 2016, Madame (A), en sa qualité d’exploitante de la Pharmacie (FF), soumit les déclarations pour l’établissement du bénéfice commercial et pour l’impôt commercial des années 2010 à 2015 à l’administration des Contributions directes, ci-après l’« ACD », en y déclarant un bénéfice de … euros pour l’année 2010, de … euros pour l’année 2011, de … euros pour l’année 2012, de … euros pour l’année 2013, de … euros pour l’année 2014 et de … euros pour l’année 2015.

En dates des 10 avril 2013, 23 avril 2015, 13 octobre 2015 et 17 octobre 2016, le bureau d’imposition … de l’ACD, ci-après le « bureau d’imposition », émit les bulletins d’impôt commercial communal des années 2010 à 2015, en y retenant un impôt commercial dû de … euros pour l’année 2010, de … euros pour l’année 2011, de … euros pour l’année 2012, de … euros pour l’année 2013, de … euros pour l’année 2014 et de … euros pour l’année 2015.

Sur demande du préposé du bureau d’imposition de … de l’ACD, Madame (A), toujours en sa qualité d’exploitante de la Pharmacie (FF), fit l’objet d’un contrôle fiscal conjoint de la part du service de Révision de l’ACD, ci-après le « service de Révision », et du bureau d’imposition, contrôle dont les conclusions furent matérialisées dans un compte rendu du 23 octobre 2020 portant sur les exercices 2010 à 2017, ci-après le « compte rendu ».

En date du 2 novembre 2020, le bureau d’imposition s’adressa à Madame (A) dans les termes suivants :

« (…) Suivant réunions et analyses supplémentaires, nous allons procéder aux redressements suivants (ajout de recettes) :

• 2010 : … €.

• 2011 : … €.

• 2012 : … €.

• 2013 : … €.

• 2014 : … €.

• 2015 : … €. (…) », en y annexant un tableau montrant les différences constatées dans le chiffre d’affaires résultant de l’exploitation de la pharmacie de Madame (A).

En date du 18 novembre 2020, le bureau d’imposition émit les bulletins rectificatifs portant établissement séparé du bénéfice commercial des années 2010 à 2015, ainsi que les bulletins rectificatifs de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2010 à 2015, ci-après les « bulletins rectificatifs », conformément à son courrier du 2 novembre 2020.

Par courrier du 27 novembre 2020, Madame (A) fit introduire une réclamation contre les bulletins rectificatifs auprès du directeur de l’ACD, ci-après le « directeur ».

Par une décision du 18 décembre 2020, référencée sous le numéro … du rôle, le directeur statua sur cette réclamation en les termes suivants :

« (…) Vu la requête introduite le 27 novembre 2020 par la dame (A), demeurant à L-

…, pour « contester le résultat du décompte définitif du 18.11.2020 » ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Vu le compte rendu dressé en date du 23 octobre 2020 par le réviseur du Service de révision de l’Administration des contributions directes s’étirant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2017, litigieuse du 1er janvier 2010 jusqu’au 31 décembre 2015 ;

Considérant que même si la requête ne désigne pas exactement les bulletins critiqués, il n’en demeure pas moins que sur le fondement du § 249, alinéa 1er AO, qui tend à interpréter les requêtes des contribuables selon l’intention qu’elles manifestent plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes employés (principe de l’effet utile), la requête est à considérer comme étant dirigée contre les bulletins rectificatifs portant établissement séparé du bénéfice commercial des années 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015, ainsi que contre le bulletins rectificatifs de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015, tous émis en date du 18 novembre 2020 ;

Considérant que si l’introduction de plusieurs instances par une seule et même requête n’est incompatible, en l’espèce, ni avec le secret fiscal, ni avec les règles de compétence et de procédure, elle ne dispense pas d’examiner chaque acte attaqué en lui-même et selon ses propres mérites et ne saurait imposer une jonction qu’il est loisible au directeur des contributions de prononcer lorsque les instances lui paraissent suffisamment connexes ; qu’il n’y a pas lieu de la refuser en la forme ;

Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO) dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 228 AO) de la loi, qu’elles sont partant recevables ;

Considérant que la réclamante fait grief au bureau d’imposition d’avoir ajouté des recettes par le biais de redressements aux impositions originaires suite à des irrégularités dans sa comptabilité qui furent détectées à travers un contrôle approfondi des livres et pièces comptables par le réviseur du Service de révision de l’Administration des contributions directes ;

Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du réclamant, la loi d’impôt étant d’ordre public ; qu’à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-fondé ; qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

Considérant qu’en guise de motivation, la réclamante expose que les divergences, en ce qui concerne les recettes inscrites dans son système de gestion quotidien « POS » par rapport à celles enregistrées dans sa comptabilité, découvertes par l’agent du Service de révision, seraient la conséquence du programme d’ordinateur « non sophistiqué » et que suite au remplacement de celui-ci, ses « chiffres » se rapprocheraient « très près » de ceux déterminés par l’agent du Service de révision ;

Considérant que la réclamante avance qu’elle aurait rencontré des « problèmes de vols » survenus à partir de 2011 et qu’ils seraient « prouvés par les manques en caisse inscrits dans le cahier des pertes, et surtout en 2015 par un pharmacien contre [lequel elle a] gagné [un] procès au tribunal » ; qu’en annexe de sa requête elle a produit une copie d’un jugement prouvant qu’un pharmacien lui avait volé le montant total de … euros en janvier 2015 ; qu’en ce qui concerne les années antérieures, elle reste en défaut de documenter les infractions par des pièces probantes ;

Considérant que le compte rendu dressé par le réviseur du Service de révision, en ce qui concerne les principaux griefs détectés, fait état des constatations suivantes :

Compte rendu Du Service de Révision et du Bureau d’imposition Pétange concernant le contrôle sur place Du contribuable (A) … Pharmacienne Faite sur demande du préposé du bureau d’imposition … et portant sur les exercices 2010 à 2017 inclusivement.

Table des matières A. Données générales ………………………………….……………………………..…3 1. Motif de la vérification :………………………………………………………….…………3 4. Date de clôture de l’exercice : le 31 décembre…………………………………..……4 5. Déclarations et impôts contrôlés :………………………………………………….…..4 6. Objet de l’entreprise :…………………………………………………………………….4 Pharmacie………………………………………………………………………………..……4 7. Forme juridique de l’entreprise :………………………………………………….……4 8. Personnes ou firmes ayant collaborées lors du contrôle sur place :………….……4 9. Agents de l’Administration des Contributions Directes……………………………….4 B. Comptabilité……………………………………………………………………………………5 10. Quant à la forme :………………………………………………………………………..5 C. Constatations spéciales : Réunion du 21/09/2020 ……………………………………..5 11. Système POS :………….…………………………………………………………………5 12. Fournisseurs :……………….……………………………………………………………6 13. Conclusion…………………………………………………………………………………6 Mlle (A) a été demandée le facturier qu’elle doit remettre dans les meilleurs délais…6 A.

Données générales 1.

Motif de la vérification a.

Avis Service Révision ;

b.

§ 222(1) et (2) AO pour 2012 - 2016 ; faits nouveaux suivant constations faites lors du contrôle de la société (BB) par le service de révision ;

c.

Courriel de M. (C) du 14.09.2018 ;

d.

Comptabilisation non conforme.

i. Chiffre d’affaire évalué par marge bénéficiaire et flux bancaires ii. Recettes comptabilisées par mois « Bonjour Monsieur, Pour les années 2014 et 2015, le chiffre d’affaires des clients (BB) était établi suivant les encaissements effectués, augmentés par les clients ouverts en clôture d’exercice.

Cela était dû, du fait que les prologiciels des officines que ce soient Prophalux, Logipharm, Sabco, Nextpharm étaient destinés pour une gestion de stock et pour la communication avec la CNS (part du prix médicament pris en charge par la CNS).

Les pharmaciens et leurs personnels utilisaient le système dans l’optique décrite ci-dessus et non dans une optique comptable. Ce qui ne nous permettait pas d’exploiter les données du progiciel.

Durant l’année 2016, l’Administration de l’Enregistrement et des Domaines a procédé à un contrôle de toutes les pharmacies, sur les années antérieures et a pris comme principe que les chiffres produits par le système devaient être fiables et que le chiffre d’affaires généré par le système informatique devienne par extension une pièce comptable probante.

(BB) a annoncé à ses clients la position de l’AED et a attiré leur attention sur la nécessité de maîtriser leur outil informatique afin de générer le moins de différence possible entre la réalité et leur comptabilisation dans le système informatique. De même (BB) a informé les fournisseurs de prologiciels du besoin de ceux-ci à adapter leurs programmations dans le sens demandé par l’AED.

Les conclusions de l’administration de l’enregistrement arrivant courant 2017, il a été impossible pour les pharmaciens de corriger leurs procédures en 2016.

Pour 2016, (BB) a utilisé le chiffre d’affaire produit par le système avec une tolérance maximum de 0.5% du chiffre d’affaires.

Pour 2017, (BB) a utilisé le chiffre d’affaire produit par le système.

J’espère avoir répondu à votre question.

N’hésitez pas à me joindre pour toute information.

Je vous prie, Monsieur, de bien vouloir accepter mes salutations les meilleures.

(BB), (C) » ; Cette déclaration faite par (BB) laisse douter à la fiabilité de la comptabilité et donc les conditions pour procéder à une imposition rectificative suivant § 222 (1) et (2) (neue Tatsachen} sont remplies 2.

Constatations faites lors du contrôle fiscal de la société (GG) par le Service de Révision.

3.

Caisse SABCO :

a. Fonction pour générer un chiffre d’affaire falsifié.

b. Système POS non-fiable.

4.

Date de clôture de l’exercice : le 31 décembre 5.

Déclarations et impôts contrôlés :

Impôt commercial communal des exercices fiscaux 2010 à 2017 inclusivement 6.

Objet de l’entreprise :

Pharmacie 7.

Forme juridique de l’entreprise :

Exploitant individuel 8.

Personnes ou firmes ayant collaborées lors du contrôle sur place :

Pharmacienne : Mlle (A), (BB) ; M. (D) 9.

Agents de l’Administration des Contributions Directes • Service de Révision • Bureau d’imposition B.

Comptabilité 10.

Quant à la forme :

La loi générale des impôts impose la tenue d’une comptabilité régulière et complète (§160 et 162 AO) quant à la forme et quant au fond.

La comptabilité est régulière quant à la forme lorsqu’elle est agencée de façon claire et ordonnée, de façon à faciliter toute recherche et tout contrôle. Elle est régulière quant au fond lorsqu’elle renvoie une image fidèle et complète de la situation financière de l’entreprise. A cette fin, elle doit respecter les principes généraux comptables tels que le principe de la continuité, de constance, de spécificité des exercices, de non compensation, de comptabilisation des charges et produits et de prudence. La comptabilité qui est régulière d’un point de vue formel bénéficie d’une présomption de régularité quant au fond (§208 (1) AO). A défaut de respecter les conditions de régularité formelle, la comptabilité perd sa force probante. Le §160 AO impose le respect des règles comptables contenues dans les lois non fiscales.

Le contribuable dispose d’une comptabilité en partie double informatisée.

Pour les années 2012 à 2018 les pièces comptables informatisées suivants ont été présentés au :

• Les fichiers FAIA ;

• Les fichiers du système POS L’analyse des fichiers a révélé des différences entre le chiffre d’affaire enregistré dans les système POS et la comptabilité fournies sous format FAIA.

11.

Constatations spéciales : Réunion du 21/09/2020 Système POS :

Les montants enregistrés dans le système POS diffèrent du chiffre d’affaire enregistré dans la comptabilité (fichiers FAIA).

Le relevé de la caisse n’a pas été remis à la Fiduciaire. Le livre de caisse manuscrit a été mis à la disposition de (BB). Des différences de caisse ont été constatées par la pharmacienne.

Mlle (A) comparait les relevés du système POS aux sommes encaissées et a constaté des différences parfois importantes.

En 2015 un vol a été observé et Mlle (A) a porté plainte contre un de ses pharmaciens. → condamnation et peine de prison.

Mlle (A) soupçonne encore une autre personne du vol ce qu’elle a signalé à (BB). Etant donné qu’elle n’a pas de preuve, (BB) lui a recommandé de ne pas accuser la personne de vol sans avoir des preuves.

Lors de l’entrevue, Mme (A) a été demandé de fournir des explications et des détails concernant les factures envoyées, afin de déterminer si les factures ont été enregistrées dans le système POS ou non. Les factures des vétérinaires ne sont d’office jamais inclus dans le système POS mais Mlle (A) a affirmé qu’elle n’avait pas de vétérinaires comme clients. Mme (A) a été demandé de fournir le facturier des factures émises.

Mlle (A) a affirmé que le stock était faux (farfelus) et qu’il existe un stock fantôme. L’officine ne disposait pas de robot.

Lors de l’entrevue, les réviseurs se sont rendus compte que Mlle (A) n’a aucune idée de ce qui est une comptabilité et comment la comptabilisation se doit faire. Les différences constatées entre le système POS et la comptabilité sont trop importantes et ne peuvent pas être expliquées par les différences des relevés de caisse et des sommes réellement encaissées.

Mlle (A) nie d’avoir indûment prélevé des sommes dans la caisse. Elle s’est montrée choquée des différences importantes mais ne peut pas fournir des explications concluantes.

12.

Fournisseurs:

a. (GG) i. Factures récapitulatives 1. Ok, mais pas d’indication sur les fournitures gratuites et/ou avec remises ii. Factures générales 1. Néants 2. Elle devrait, selon AED, contenir des informations sur les fournitures gratuites 3. Cependant NS- ACD a. Valeur des remises, articles gratuits, escomptes et remises reçu :

13.

Conclusion Mlle (A) a été demandée le facturier qu’elle doit remettre dans les meilleurs délais.

Après l’analyse des copies des factures fournies par Mme (A), des rectifications pour les années 2014-2016 ont été considérées par rapport à la première analyse lors de l’entrevue du 21.09.2020. (cf tableau synthétique en annexe) Le courriel du 30 septembre 2020 de Mlle (A) n’a relevé en l’occurrence aucun élément nouveau concluant pour faire des modifications supplémentaires.

Etant donné que les annulations pour les années 2010-2012 sont dans les limites acceptables, une marge de sécurité svt l’arrêt TA 39260 n’est pas à appliquer pour les années 2010-2012 et 2015-2017. Par contre pour les années 2013 et 2014 une marge de sécurité de 20 % du chiffre d’affaire non-déclaré est retenue à cause des annulations exagérées à savoir pour 2013 … € et pour 2014 … €).

Annexe : tableau synthétique 2010-2017 courriel Mlle (A) du 30.09.2020 Tableau synthétique 2010.2017 A B C D E F G H I J K 1 Pharmacie (FF) … 2 3 Anné Système POS Recettes Différence % Chida Différence montant Marge de sécurité no Lignes % e TVAC comptabilisé POS fres à de 0% suivant TA ventes supprimé es TVAC POS/com considéré 39260 totales es pta er 4 2010 2,78% 191.18 9.141 4,7813 1 % 5 2011 2,82% 196.68 9.890 5,0283 8 % 6 2012 2,68, 204.11 8.638 4,2320 0 % 7 2013 3,11% 218.55 1.716 0,7852 4 % 8 2014 0,58% 261.39 0,0000 8 % 9 2015 0.37% 217.78 0,0000 7 % 10 2016 -0,18% 211.21 0,0000 6 % 11 2017 -0,04% 201.06 0,0000 8 % 12 Total 13 14 Ventes annulées svt POS 15 16 anné Lignes Annulées % Chida annuel e annulées TVAC TVAC 17 2010 0 0,0000% 18 2011 273 0,2352% 19 2012 344 0,2623% 20 2013 11127 7,9206% 21 2014 11951 6,0496% 22 2015 3696 2,2921% 23 2016 16748 2,0009% 24 2017 18569 2,7726% 25 26 27 Tickets 28 anné Totales Tickets Tickets % tickets e manquants manquants 29 2010 65548 3.064 4,6744% 30 2011 70990 0 0,0000% 31 2012 72354 0 0,0000% 32 2013 73373 0 0,0000% 33 2014 74165 7.857 10,5939% 34 2015 75598 1.213 1,6045% 35 2016 61140 2.920 4,7759% 36 2017 55638 972 1,7470% « Pharmacie (FF) … erreurs d’encodage en 2010 et autres (A) to Mr, bonjour, J’ai expliqué à ma fiduciaire des choses, qui me sont revenues de l’année 2010.La fiduciaire m’a donné Votre adresse-mail, parce qu’elle trouve important que je Vous les explique.

Pour commencer, l’année 2010 est une des années sous le gouvernement de Mr. JC JUNCKER, pendant laquelle nous avions comme programme SABCO, qui était programmé en rapport avec les demandes de ce gouvernement. Le programme était tout simple et vieux sans possibilités d’encoder des cas spéciaux. Nous ne pouvions pas préparer p. ex en avance avec la possibilité de régulariser par après, et ce qui comptait pour ce gouvernement était notre bon travail pour la santé publique. Le gouvernement ne se basait pas uniquement sur les données de l’ordinateur, mais sur l’ensemble de notre travail.

Nous avions beaucoup de clients, qui nous ont demandé de préparer leur commande de médicaments à l’avance, et qu’ils viendraient chercher un autre jour. Surtout des clients de la (E) (toujours pressés) et de la Commission Européenne, ou simplement une commande par téléphone de médicaments courants sans ordonnance…..

À ce moment, une pharmacienne a préparé la commande, et en 2010, au début, n’a pas pensé à enlever le total de la somme de l’ordinateur. Le ticket était sur le sachet en marquant " pas encore payé ". Quand le client est venu chercher son sachet, une autre pharmacienne a délivré le sachet en encodant encore une fois le total de la somme dans l’ordinateur pourque la caisse du jour soit juste. A cette époque, pas moyen de régulariser qch comme maintenant. Donc en fait nous avons si souvent encodé ce même total deux fois. Ceci ne concernait pas des ordonnances de la CNS. Ces clients prenaient leurs médicaments de suite, car urgent.

En plus avec SABCO nous avions à ce moment-là de terribles problèmes de stock.

Une assistante encodait parfois, Dieu seul sait comment, une commande (GG) p.ex en double, alors que nous l’avions reçu seulement une fois! Alors elle a essayé de remettre le stock en ordre à la main, médicament par médicament, car pas moyen d’enlever en bloc la commande une fois du stock … Et le stock n’était jamais juste à cette époque!.

EN plus, 2010 était la 1ère année pendant laquelle commençaient au mois de juin ou juillet des baisses de prix énormes sous le Ministre Mr. Mars Di Bartolomeo. Peut-être que ce programme SABCO n’a pas sû gérer ses baisses de prix, qui se poursuivaient alors tous les mois.

En plus nous devions nous baser sur la convention collective des pharmaciens pour tout, surtout aussi concernant les taxes de nuit des pharmaciennes, qui avaient fait la nuit. C’était marqué qu’il fallait donner les taxes directement de la recette journalière aux pharmaciens.

Ce que nous avions fait sur ordre de Mme (H), qui était très sévère. Nous avions obéi, MAIS nous ne savions pas à cette époque, pendant laquelle l’ordinateur était moins important, qu’il fallait les marquer dans le cahier de caisse. ZUT! Biensûr! Nous avons réalisé notre erreur seulement par après.

Je m’excuse de tout coeur pour cela! En plus, j’ai réalisé une autre chose: quand on introduit dans le programme Nextpharm (pour Sabco je ne sais plus comment on a fait) une FACTURE, il y a deux possibilités : en haut à droite il faut choisir entre " payé " ou " NON payé " , et puis on encode l’ordonnance ou les médicaments simplement pex pour la commune ou etc…, puis vous clotûrer la facture, et c’est fini. Même si vous reprenez le client, l’ordinateur ne dit plus rien qu’il faudrait régulariser facture après paiement. Quand l’extrait de banque est venu, j’ai marqué dans la facturier que la facture en question a été payée tel jour sur telle banque, MAIS je dois avouer que je n’ai pas pensé à régulariser cette facture dans l’ordinateur, parce que l’ordinateur ne faisait pas de remarque ni ne donnait aucune possibilité de le faire.

Donc j’ai bien peur par après maintenant, que le total de ces sommes manque dans l’ordinateur. Désolée de tout coeur! ZUT ! Je suis navrée.

Et encore une dernière chose: même avec Nextpharm, nous avions toujours encore des problèmes de stock.

Je vais Vous dire le résultat de mon inventaire :

Dernier jour d’ouverture de la Pharmacie (FF) de … le 8 septembre 2020 J’ai sorti un inventaire par ORDINATEUR le 12 septembre au soir! : PA TOTAL:

… euros INVENTAIRE par (GG) à la main le 13 septembre à partir de 7h30 du matin : … euros ( PA TOTAL ) Donc cela fait quand-même une grosse différence, car nous avions corrigé tout le temps notre stock à cause de mon départ en retraite! Voilà cher Mr, mes maintes réflexions pour aider à expliquer cette différence impossible et choquante! J’espère que j’ai pu un peu Vous aider.

Je continue à réfléchir! En attendant, Veuillez agréer cher Mr, l’expression de mes sentiments les plus distingués.

Très cordialement, m’elle (A) très triste. » Considérant que les bulletins originaires des années 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015, qui furent émis en dates du 24 avril 2013, du 29 avril 2015, du 21 octobre 2015 et du 26 octobre 2016, ont été redressés sur base du § 222, alinéa 1er, numéro 2 AO par des bulletins rectificatifs du 18 novembre 2020 ; qu’il s’ensuit que les réclamations parvenues le 27 novembre 2020 n’ont été valablement introduites dans le délai de trois mois qu’à l’égard des bulletins rectificatifs des années 2010 à 2015 incluse, attaquables dans la mesure où les cotes d’impôts rectifiées dépassent les cotes originaires (§ 234 AO) ;

Considérant que la réclamante a été soumise aux obligations de la tenue d’une comptabilité régulière au sens des articles 8 à 11 du Code de Commerce et du § 160, alinéa 1er AO ; que le paragraphe 162 AO détermine les conditions à respecter afin que la comptabilité soit tenue de manière régulière ;

Considérant qu’une comptabilité régulière en la forme et au fond est la représentation des comptes d’une entreprise dans une stricte chronologie et d’après les faits réels ; qu’elle est censée avoir enregistré de manière claire, précise et ordonnée toutes les opérations de cette entreprise ; qu’elle doit avoir pris en considération de façon exacte l’intégralité des faits comptables ; que s’y juxtapose le § 208, alinéa 1er AO, qui crée une présomption de régularité intégrale en faveur des comptabilités conformes aux règles énoncées au § 162 AO ;

Considérant que le contrôle du Service de révision a révélé des différences importantes en ce qui concerne le montant du chiffre d’affaires dans les différents systèmes de gestion de la réclamante ; que cette dernière ne conteste d’ailleurs pas les défaillances de son programme d’ordinateur, qu’elle qualifie de « non sophistiqué » et que suivant ses propres affirmations « le stock n’était jamais juste à cette époque » ;

Considérant qu’en vertu de l’article 15 du Code de Commerce, toute entreprise doit, en outre, établir une fois l’an un inventaire complet de ses avoirs et droits de toute nature et de ses dettes, obligations et engagements de toute nature ; que les comptes sont à mettre en concordance avec les données de l’inventaire ; que la comptabilisation erronée du stock constitue une violation des dispositions de ce même article ;

Considérant que le fait d’avoir recours à un programme informatique pour enregistrer les flux comptables n’enlève en rien au contribuable l’obligation de s’assurer personnellement de la bonne tenue des livres, de la conservation adéquate des pièces comptables et de l’exactitude des bénéfices déclarés ; que la présomption de régularité de la comptabilité au sens du § 208, alinéa 1er AO n’a dès lors pas été acquise ;

Considérant, en ce qui concerne les fonds dérobés dans sa caisse, que la réclamante a introduit un jugement qui prouve qu’en 2015 un pharmacien lui avait volé de l’argent ; qu’elle soupçonne des vols également pour les années 2011 à 2014 ; que suivant le compte rendu du Service de révision, la société en charge de sa comptabilité « lui a recommandé de ne pas accuser la personne de vol sans avoir des preuves » ; qu’elle reste donc en défaut de documenter les infractions soupçonnées en ce qui concerne les années 2011 à 2014 ;

Considérant que la comptabilité de la réclamante des années 2010 à 2018 ne renseigne aucune écriture en ce qui concerne les fonds dérobés dans sa caisse ; que le jugement en annexe de sa requête fait ressortir que son ancien employé a été condamné à restituer les fonds dérobés ; qu’il en ressort que la réclamante n’a pas subi d’appauvrissement ou d’enrichissement suite à l’infraction, de sorte qu’on ne saurait parler, à l’instar de la réclamante, d’une situation où cette dernière aurait payé « une 3e fois les impôts sur la somme volée par ce pharmacien condamné » ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que c’est à bon escient que le réviseur a procédé à l’évaluation des recettes contestées afin de déterminer le bénéfice commercial ; que c’est donc à juste titre que le bureau d’imposition a admis tel quel les majorations de bénéfice mises en compte par le réviseur du Service de révision à force du contrôle effectué ;

Considérant que pour le surplus, les impositions sont conformes à la loi et aux faits de la cause et ne sont d’ailleurs pas autrement contestées ;

PAR CES MOTIFS reçoit les réclamations en la forme, les rejette comme non fondées. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 18 mars 2021, Madame (A) fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision directoriale précitée du 18 décembre 2020 rejetant ses réclamations contre les bulletins rectificatifs portant établissement séparé du bénéfice commercial des années 2010 à 2015 et les bulletins rectificatifs de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2010 à 2015.

Par jugement du 6 juin 2023, le tribunal reçut en la forme le recours principal en réformation à l’encontre de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 18 décembre 2020, au fond, le déclara non justifié et en débouta la demanderesse, dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation et débouta la demanderesse de sa demande en obtention d’une indemnité de procédure, tout en la condamnant aux frais et dépens.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 17 juillet 2023, Madame (A) a régulièrement interjeté appel contre le jugement précité.

Devant la Cour, Madame (A) explique qu’elle aurait exploité une pharmacie, « la Pharmacie (FF) », de mars 2009 à septembre 2020 et qu’à cette dernière date elle aurait fait valoir ses droits à la retraite. Elle indique avoir fait l’objet d’un contrôle fiscal au courant de l’année 2020 et que celui-ci aurait notamment porté sur les années fiscales de 2010 à 2015. Ce contrôle fiscal s’inscrirait, selon elle, dans un contexte plus global dans lequel l’ACD aurait collecté des renseignements préalables sur certaines pharmacies, et notamment sur la sienne, après avoir mené des contrôles fiscaux auprès d’un grossiste en pharmacie et d’une fiduciaire ayant comme clients diverses pharmacies du pays. Ce serait à l’occasion de ces contrôles que des renseignements auraient été recueillis sur les procédés de gestion comptable de nombreuses pharmacies au Luxembourg. Lors du contrôle fiscal portant sur sa propre pharmacie, Madame (A) indique avoir transmis à l’ACD les extractions informatiques de ses systèmes de gestion des ventes, ainsi que ses enregistrements comptables sous format électronique dits « fichiers FAIA », tout en précisant que durant les années d’exploitation de sa pharmacie, elle aurait scrupuleusement veillé au respect de ses obligations comptables et fiscales et qu’elle aurait été assistée par une fiduciaire pour l’établissement mensuel de ses états comptables à partir de ses enregistrements manuscrits quotidiens et de la sauvegarde des pièces comptables requises. Plus particulièrement, l’appelante indique avoir utilisé une caisse enregistreuse traditionnelle et un système informatique de gestion des ventes intitulé SABCO jusqu’en août 2014 avant de le remplacer par un autre système informatique dénommé NEXTPHARM. Ces deux systèmes auraient connu de nombreux dysfonctionnements informatiques et n’auraient pas été conçus à des fins d’utilisation comptable. L’appelante précise, en outre, que son contrôle fiscal aurait été clôturé par l’envoi d’un courrier de son bureau d’imposition, daté du 2 novembre 2020, dans lequel elle aurait été simplement informée du montant des redressements retenus à son encontre en méconnaissance de son droit d’être entendue comme le lui garantirait pourtant le § 205, alinéa (3), de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO ».

En droit, l’appelante réitère d’abord son moyen fondé sur l’incompétence du bureau d'imposition de Pétange et conteste le rejet de ce moyen par le tribunal.

Elle critique ensuite la décision des premiers juges sur deux volets principaux en affirmant, d’une part, qu’ils auraient erré dans leur interprétation de l’obligation de consultation préalable posée par le § 205, alinéa (3), AO et, d’autre part, qu’ils auraient confirmé le bienfondé de la décision directoriale en contrariété manifeste avec divers paragraphes de l’AO, dont les §§ 208, 222 et 162, alinéa (9), AO. Plus précisément, elle critique le jugement entrepris en ce que la présomption de régularité de sa comptabilité aurait été méconnue, que les éléments mis en évidence par l’ACD ne sauraient être qualifiés de faits nouveaux et que les éléments découverts lors des contrôles fiscaux menés auprès de contribuables tiers ne sauraient être utilisés aux fins de sa propre imposition.

La partie étatique précise que le contrôle dont a fait l’objet l’appelante s’inscrirait dans une action nationale menée par l’ACD dans le secteur des pharmacies et dont la presse se serait fait l’écho. Du fait de la complexité de la « fraude » qui affecterait le secteur en question, les préposés de différents bureaux d’imposition auraient procédé à des contrôles sur place auxquels auraient également pris part des agents travaillant auprès du service de Révision. Les redressements auraient été ensuite opérés par les seuls bureaux d’imposition sur la base du § 222 AO. Elle précise encore que depuis les années 2016 et 2017, plusieurs contrôles de l’ACD auraient mis en lumière une fraude fiscale importante dans le secteur des pharmacies et il apparaîtrait que les comptabilisations opérées par de nombreux pharmaciens, dont l’appelante, ne reflèteraient pas, de manière intentionnelle, la réalité des flux commerciaux et financiers de l’activité de la pharmacie. Ces comptabilisations auraient été réalisées par la fiduciaire (BB), ci-après « (BB) », et de nombreux articles remisés ou gratuits en provenance d’un grossiste en pharmacie, le (GG), ayant également son siège à la même adresse que (BB), auraient été revendus par les pharmaciens. Les contrôles réalisés par l’ACD auraient permis de constater que des livres de caisse auraient été tenus en violation des obligations légales qui incombaient aux pharmacies et que de telles comptabilisations auraient eu pour objet de rendre occultes d’éventuels prélèvements opérés par les pharmaciens dans leur caisse. Or, ces prélèvements constitueraient des recettes non déclarées vu que le lien entre la caisse et la comptabilité serait incomplet, voire inexistant. Le montant de l’impôt éludé par l’appelante serait évalué à … euros et les montants des redressements exigés de l’appelante auraient été établis dans des bulletins d’impôt conformément à la procédure d’imposition prévue par l’AO.

En droit, l’Etat demande la confirmation intégrale du jugement entrepris.

Quant à l’incompétence alléguée du bureau d’imposition de Pétange Moyens des parties L’appelante invoque l’incompétence territoriale du bureau d’imposition de Pétange dans le cadre de son contrôle fiscal. Selon elle, une telle incompétence devrait mener la Cour à retenir l’annulation de la décision directoriale du 18 décembre 2020.

Selon la partie appelante, la compétence matérielle pour effectuer des contrôles fiscaux, notamment en vertu des §§ 162, paragraphe (9), et 193 AO, serait non seulement du ressort des bureaux d’imposition mais également de celui du service de Révision. Cependant, il en serait autrement en ce qui concerne la compétence territoriale des bureaux d’imposition qui, contrairement au service de Révision, disposant d’une compétence pour l’ensemble du territoire, serait délimitée et organisée par la voie d’un règlement grand-ducal du 21 décembre 2012 fixant la compétence des bureaux d’imposition de la section des personnes physiques, de la section des sociétés et de la section de la retenue d’impôt sur les traitements et salaires de l’ACD. Dans la mesure où elle exploitait une pharmacie dans la commune de … et résidait personnellement dans la commune de …, elle relèverait du ressort du bureau d’imposition de … en ce qui concerne l’impôt commercial communal frappant les revenus réalisés par sa pharmacie. Or, il se dégagerait d’un document dressé par l’ACD, intitulé « compte rendu », que son contrôle fiscal aurait été conjointement réalisé par le bureau d’imposition de Pétange assisté du service de Révision. L’appelante conteste, comme l’a retenu le tribunal administratif, que l’indication du bureau de Pétange serait une simple erreur matérielle et que le contrôle fiscal aurait en réalité été mené par le bureau d’imposition de …. Pour elle, les éléments sur lesquels s’appuie le tribunal porteraient sur des courriers envoyés par le bureau d’imposition de … dans une phase d’enquête antérieure à la survenance du contrôle fiscal, de sorte qu’il ne ressortirait aucunement de ces courriers et à défaut de preuves complémentaires versées par l’Etat que la réalisation du contrôle fiscal aurait bien été opérée par le bureau d’imposition de …. L’appelante indique ne pas contester que l’émission des bulletins d’impôt aurait été effectuée par le bureau d’imposition de …. Cela n’exclurait pas pour autant, selon elle, la participation du bureau d’imposition de Pétange à son contrôle fiscal.

Elle ajoute enfin, contrairement aux affirmations étatiques, qu’elle aurait ignoré l’identité des agents de l’ACD ayant participé à son contrôle fiscal faute pour elle d’avoir, par exemple, disposé d’une liste de présence des agents ayant participé au contrôle.

L’Etat conteste les arguments d’incompétence territoriale soulevés par la partie appelante au motif que la mention du bureau d’imposition de Pétange serait une simple erreur matérielle et qu’il se dégagerait à suffisance du « compte rendu » rédigé après le contrôle sur place que celui-ci aurait été mené par le bureau d’imposition de … conjointement avec le service de Révision comme le démontrerait la mention « Bureau d’imposition … » sur la page de garde dudit document. Le délégué du gouvernement souligne que l’appelante ne saurait ignorer que le contrôle fiscal qui s’est tenu aurait réuni des fonctionnaires du bureau d’imposition de … et des agents du service de Révision. La participation du bureau d’imposition de … au contrôle serait, en outre, documentée par les feuilles d’établissement figurant dans le dossier fiscal de l’appelante et attestant clairement que le bureau de … aurait procédé, seul, aux impositions rectificatives.

Analyse de la Cour Le § 79, alinéa (1), AO prévoit que « Handlungen einer Steuerkontrollstelle sind nicht deshalb unwirksam, weil die Steuerkontrollstelle örtlich unzuständig war ».

Au vœu de cette disposition, les actes pris par un bureau d’imposition territorialement incompétent ne sont pas systématiquement frappés de nullité du seul fait de cette incompétence, mais peuvent faire l’objet d’un retrait par leur émetteur ou d’une annulation par l’instance de recours compétente.

Une disposition légale équivalente a été adoptée par le législateur à travers l’article 12, paragraphe (3), de la loi modifiée du 17 avril 1964 portant réorganisation de l’administration des Contributions directes, ci-après, la « loi du 17 avril 1964 ». D’après celui-ci, « les actes d'un fonctionnaire qui n'est pas compétent en vertu des dispositions de l'alinéa (1) sub 2° et de l'alinéa (2) qui précèdent et de leurs mesures d'exécution ne sont pas nuls du fait de cette incompétence ».

Au regard des travaux parlementaires de la loi du 17 avril 1964, il n’apparaît pas que cette disposition légale, ultérieure au § 79 AO, avait pour vocation d’abroger la disposition inscrite dans l’AO, de sorte qu’il convient de retenir que ces deux dispositions ont une portée équivalente.

Quant au régime procédural applicable pour se prévaloir du caractère annulable d’une décision prise au mépris des règles de compétence territoriale des bureaux d’imposition, le § 79, alinéa (2), AO, dispose que « Dass eine Steuerkontrollstelle örtlich unzuständig sei, kann nur bis zum Ablauf der Einspruchs-, Anfechtungs- oder Beschwerdefrist geltend gemacht werden ». Cette disposition instaure une condition spécifique imposant au contribuable visé de soulever toute incompétence territoriale dès l'introduction de la première voie de recours prévue contre l'acte en question au niveau administratif, à savoir dans le cadre d'une réclamation ou de tout autre recours administratif.

La Cour note cependant que dans la réclamation de l’appelante, réceptionnée par la division Contentieux de l’ACD en date du 27 novembre 2020, ce moyen d’incompétence territoriale n’a pas été soulevé par l’appelante comme l’exige pourtant le § 79, alinéa (2), AO, de sorte que la Cour ne saurait en connaître pour la première fois.

Ce moyen doit partant encourir l’irrecevabilité.

Quant à la méconnaissance alléguée du principe du contradictoire Les parties s’opposent aussi bien sur la question de la régularité formelle des redressements opérés par le bureau d’imposition pour les années fiscales litigieuses, soit de 2010 à 2015, que sur celle de la régularité de ces redressements au fond.

Eu égard à l’incidence des critiques formulées sur la forme suivie par le bureau d’imposition et entérinée par le directeur et les premiers juges, il incombe à la Cour de revenir sur la portée du principe du contradictoire avant d’en vérifier le respect dans le cas d’espèce.

A titre liminaire et vu des développements afférents dans les écrits des parties, il lui appartient de clarifier le contexte procédural dans lequel s’inscrit ce contrôle fiscal pour des raisons évidentes d’intelligibilité de la procédure litigieuse.

Quant au contexte procédural des redressements litigieux Les parties affirment tout au long de leurs écrits que le contrôle fiscal dont il a été question serait « un contrôle sur place », même si l’appelante évoque que derrière cette terminologie serait plus particulièrement visée la tenue d’une entrevue entre elle-même et les agents compétents de l’ACD en date du 21 septembre 2020. Le délégué du gouvernement insiste particulièrement sur le fait qu’il s’agirait d’un « contrôle sur place » et non pas « d’une procédure de révision » et qu’en l’espèce, ce contrôle sur place aurait été réalisé par le préposé du bureau d’imposition de ….

Le contrôle fiscal auquel a été sujette l’appelante s’analyse en un contrôle approfondi de comptabilité au sens du § 162, alinéa (9), AO selon lequel : « Die Steuerkontrollstelle kann prüfen, ob die Bücher und Aufzeichnungen fortlaufend, vollständig und formell und sachlich richtig geführt werden. Die Prüfung ist auch insoweit zulässig, als es sich nicht um die Verhältnisse der Personen oder Unternehmen, deren Bücher geprüft werden, sondern um die Aufklärung der Verhältnisse von Arbeitnehmern handelt, die im Dienst der Personen oder Unternehmen gestanden haben oder stehen ». Il se dégage en effet des éléments en cause que ledit contrôle était destiné à vérifier l’intégralité de la situation fiscale du contribuable visé au titre d’une période déterminée englobant plusieurs années d’imposition, contrairement au contrôle prévu par le § 171, alinéa (2), AO lequel ne peut avoir pour objectif que la vérification de faits ou de données délimitées (HÜBSCHMANN, HEPP, SPITALER, RAO-Kommentar, 5e édit.

1965, § 207, Anm. 1).

Le contrôle approfondi de comptabilité prévu par le § 162, alinéa (9), AO constitue une mesure d’instruction d’un cas d’imposition dont le bureau d'imposition peut faire usage tant dans le cadre de la procédure d’imposition dans le cadre de l’examen d’une déclaration fiscale déterminée (« Steuerermittlungsverfahren »), sur base du seul § 162, alinéa (9), AO, que dans le cadre de la surveillance fiscale (« Nachschau ») conformément aux dispositions combinées des §§ 162, alinéa (9), et 193, alinéa (1), AO.

En l’espèce, ce contrôle de comptabilité est intervenu en dehors de la procédure d’imposition portant sur l’instruction d’une déclaration fiscale déterminée, en ce que l’appelante avait d’ores et déjà été imposée sur les années reprises par le bureau d’imposition, à travers l’émission de bulletins initiaux portant établissement séparé du bénéfice commercial des années 2010 à 2015 ainsi que des bulletins initiaux de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2010 à 2015, de sorte que ce contrôle fiscal s’est déroulé dans le cadre de contrôles ultérieurs au sens du § 193, alinéa (1), AO.

Il convient encore de rappeler que les agents du service de Révision ne disposent d’aucune compétence propre en matière de contrôle approfondi qui se distinguerait de celle des agents des bureaux d’imposition. Il se dégage plutôt des dispositions combinées des §§ 162, alinéa (9), 193, alinéa (1), et 206, alinéa (1), AO et des articles 2, paragraphe (2), et 7 de la loi du 17 avril 1964 portant réorganisation de l’administration des Contributions directes que le bureau d'imposition compétent pour l’imposition du contribuable visé est l’autorité qui est admise de prime abord à ordonner un contrôle sur place et que les agents du service de Révision sont à considérer comme « zugeordnete Prüfungsbeamte » au sens du § 206, alinéa (1), AO pouvant valablement exécuter un contrôle sur place sur demande du bureau d'imposition compétent (Cour adm. 29 mars 2012, n° 29602C, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 948).

Cependant, tant lorsque le bureau d'imposition compétent s’adjoint le service de Révision seulement pour l’assister dans l’exécution d’un contrôle approfondi de comptabilité que lorsqu’il délègue entièrement l’exécution de ce contrôle au service de Révision, la mesure d’instruction reste toujours la même mesure de contrôle sur le fondement de la même base légale et se trouve soumise au même régime légal.

Ainsi, en l’espèce, il est constant en cause que le contrôle de comptabilité dont a fait l’objet l’appelante a été mené conjointement par des agents du bureau d’imposition de … et par des agents du service de Révision. Ledit contrôle correspond partant toujours à la mesure d’instruction du contrôle approfondi de comptabilité au sens du § 162, alinéa (9), AO.

Cette mesure d’instruction est communément appelée dans la terminologie allemande « Betriebsprüfung » et dans la terminologie luxembourgeoise « contrôle sur place », puisqu’au vœu des §§ 194 et 195 AO, ce contrôle est traditionnellement exécuté dans les locaux de l’entreprise du contribuable, soit dans son « Betrieb » ou « sur place » où se trouvent à la fois tous les documents sociaux et les personnes pouvant renseigner les agents de contrôle.

Cependant, la numérisation progressive à la fois de la tenue des comptabilités et de l’établissement d’autres documents sociaux permet désormais aux agents de l’ACD d’effectuer ce même contrôle approfondi de comptabilité non pas dans les locaux de l’entreprise du contribuable, mais de manière dématérialisée à partir de la vérification des éléments de la comptabilité et des documents et pièces comptables soumis par le contribuable par voie électronique. Le cas d’espèce en est une illustration puisque, d’après les éléments du dossier, aucune mesure de contrôle ne semble avoir été opérée dans les locaux de la pharmacie exploitée par l’appelante et que le contrôle de comptabilité a été essentiellement réalisé dans le cadre d’une procédure dématérialisée.

La désignation de « procédure de révision » ne saurait viser une procédure de vérification particulière, laquelle n’est pas prévue par l’AO, mais doit être considérée comme visant l’hypothèse où le service de Révision effectue entièrement le contrôle approfondi de comptabilité à la demande du bureau d'imposition compétent. Cette désignation interne à l’administration ne change cependant ni la nature juridique de cette mesure d’instruction, ni son régime légal.

Le délégué du gouvernement ne saurait donc prospérer en invoquant l’existence d’une distinction entre une procédure de révision et un contrôle approfondi de comptabilité.

Quant à la portée du principe du contradictoire Moyens des parties Selon l’appelante, la violation du principe du contradictoire, consacré en matière d’impôts directs par le § 205, alinéa (3), AO, se serait produite à de nombreuses étapes de la procédure d’imposition et serait démontrée par diverses irrégularités procédurales ayant affecté i) l’entrevue à laquelle Madame (A) a été conviée, ii) le courrier d’information lui adressé le 2 novembre 2020 par lequel elle apprenait les redressements retenus à son encontre et iii) le « compte rendu » de son contrôle fiscal, dont elle n’aurait pu prendre connaissance qu’à travers la décision directoriale du 18 décembre 2020.

Selon l’Etat, le droit du contribuable d’être informé et entendu avant la prise d’une décision administrative lui fixant une obligation patrimoniale plus lourde ne serait pas formellement inscrit dans l’AO, mais découlerait implicitement des principes d’instruction inscrits au § 204, alinéa (1), AO et son expression se trouverait dans diverses dispositions de l’AO. Ce principe devrait partant trouver application dans le cadre d’une procédure de rectification comme celle en l’espèce « indépendamment de la question de savoir si le § 205, alinéa 3, AO, qui constitue une application particulière de ce principe, doit également être respecté avant l’émission de bulletins rectificatifs ». Selon le délégué du gouvernement, une simple lecture du dossier de l’appelante permettrait de voir que de nombreux courriers auraient été échangés entre elle et son bureau d’imposition, de sorte que son droit à être entendue aurait été pleinement respecté. Ce serait ainsi à tort que la partie adverse invoquerait « un vice » dans son imposition. Par suite, il conviendrait de confirmer le bienfondé de la décision directoriale ayant entériné la légalité des redressements retenus à l’encontre de l’appelante pour les années fiscales 2010 à 2015.

Analyse de la Cour A titre liminaire, il échet de constater que si les parties ne sont pas en désaccord sur le fait que l’appelante était en droit d’être entendue préalablement à l’émission de ses bulletins rectificatifs pour les années 2010 à 2015, elles semblent chacune fonder ce droit à partir de fondements juridiques distincts : d’une part, sur pied du § 205, alinéa (3), AO pour la partie appelante, tandis que, d’autre part, l’Etat le déduit du « principe général du droit du contribuable d’être informé et entendu avant la prise d’une décision administrative » lui causant grief.

En ce qui concerne le § 205, alinéa (3), AO, celui-ci dispose que : « Wenn von der Steuererklärung abgewichen werden soll, sind dem Steuerpflichtigen die Punkte, in denen eine wesentliche Abweichung zu seinen Ungunsten in Frage kommt, zur vorherigen Äußerung mitzuteilen ».

Cette disposition n’est autre que la consécration et une application particulière, au niveau de la procédure d’imposition, du principe général du contradictoire et du droit de participation de l’administré à l’élaboration de décisions administratives le concernant, encore généralement consacré en droit fiscal par le § 204, alinéa (1), AO (« Anspruch auf Gehör »).

Le § 205, alinéa (3), AO met à charge du bureau d’imposition, préalablement à l’émission d’un bulletin d’impôt, une obligation positive de communication des éléments au sujet desquels il décide de ne pas s’en tenir à la déclaration du contribuable, pour autant que ces éléments représentent une « wesentliche Abweichung » en défaveur du contribuable par rapport à sa déclaration.

Si l’obligation de consultation inscrite au § 205, alinéa (3), AO n’a pas vocation à s'appliquer dans un cas où le contribuable a manqué à son obligation déclarative, elle est par contre déclenchée par le dépôt d’une déclaration d’impôt, lequel constitue une cause d’ouverture de la procédure d’imposition régie plus particulièrement par les §§ 204 à 227 AO.

Pour le surplus, la formulation générale du principe inscrit au § 205, alinéa (3), AO ne permet pas de distinguer la situation avant l’émission du bulletin d’impôt originaire de celle de l’émission d’un bulletin rectificatif. En effet, en premier lieu, dans les deux situations, le bureau d’imposition s’écarte de la déclaration d’impôt du contribuable afin de déterminer son obligation fiscale à travers un bulletin d’impôt ou d’établissement de bases d’imposition qui est censé clôturer la procédure d’imposition. En deuxième lieu, dans les deux situations, les éléments factuels amenant le bureau d’imposition à s’écarter de la déclaration d’impôt peuvent être étrangers aux renseignements communiqués par le contribuable au sein de sa déclaration d’impôt, car recueillis à l’aide de mesures d’instruction dudit bureau, de sorte que la question de l’exécution correcte de son devoir de collaboration par le contribuable vis-à-vis du bureau d’imposition est susceptible de se poser de manière similaire dans les deux situations. Or, le § 205, alinéa (3), AO prévoit l’obligation de consultation sans porter de restriction à cet égard.

En outre, ni le § 222 AO, ni aucune autre disposition de l’AO n’exclut l’application du § 205, alinéa (3), AO en cas de rectification d’un bulletin antérieur.

Il s’ensuit que le § 205, alinéa (3), AO trouve application dans l’hypothèse de l’émission de bulletins rectificatifs de bulletins initiaux sur base du § 222, alinéa (1), AO.

Au vu de cette conclusion relative à l’applicabilité du § 205, alinéa (3), AO, le recours au principe général du contradictoire et du droit de participation de l’administré à l’élaboration des décisions administratives ne s’impose pas en présence d’une disposition légale spéciale.

La situation en l’espèce correspond à ce cas de figure, étant donné que le bureau d’imposition a procédé à la rectification des bulletins d’impôts de l’appelante pour les années 2010 à 2015 sur le fondement de l’existence de faits nouveaux en vertu du § 222 AO, de sorte que la procédure poursuivie par le bureau d’imposition s’inscrit dans une phase postérieure à l’imposition initiale des déclarations d’impôts déposées par Madame (A).

En effet, lesdites déclarations ont d’ores et déjà fait l’objet d’impositions originaires que le bureau d’imposition s’est cru en droit de rectifier du fait d’éléments nouveaux découverts dans le cadre de contrôles fiscaux menés conjointement avec le service de Révision auprès de l’appelante.

C’est ainsi à bon droit que l’appelante a fondé ses griefs liés à la violation alléguée du principe du contradictoire en s’appuyant sur le § 205, alinéa (3), AO.

S’agissant des formalités entourant un contrôle approfondi de comptabilité, le constat s’impose qu’en sa teneur actuelle, l’AO ne comporte pas de règles particulières qui imposeraient la formalisation du résultat du contrôle approfondi de comptabilité sous une forme déterminée et sa communication obligatoire au contribuable concerné. Le § 208, alinéa (2), dernière phrase, AO dispose certes que « wenn über das Ergebnis schriftlich berichtet wird, soll dem Steuerpflichtigen eine Abschrift mitgeteilt werden » et vise de la sorte un rapport écrit concernant le résultat d’un contrôle approfondi de comptabilité, mais prévoit seulement une règle dispositive (« Sollvorschrift ») relative à la communication dudit rapport au contribuable concerné au cas où un tel rapport a été dressé que le législateur a tracé comme norme générale à suivre sans lui donner un caractère contraignant absolu, mais en reconnaissant plutôt à l’administration un certain pouvoir d’appréciation à cet égard.

Si l’AO n’impose partant pas une forme obligatoire de la communication du résultat d’un contrôle approfondi de comptabilité au contribuable, il n’en reste pas moins que le § 205, alinéa (3), AO oblige le bureau d'imposition à communiquer au contribuable le résultat de ce contrôle dans la mesure des points dont la prise en considération est susceptible d’entraîner la fixation d’un montant d’impôt supérieur à celui correspondant à la situation factuelle telle que déclarée par le contribuable et à aggraver de la sorte son obligation fiscale (HÜBSCHMANN, HEPP, SPITALER, RAO-Kommentar, 5e édit. 1965, § 205, Anm. 17, se référant à BFH 27 mars 1961, I 276/60 U, BStBl. III 1961, 290).

En revanche, le § 205, alinéa (3), AO n’exige pas formellement que la communication au contribuable se fasse dans une forme déterminée. S’il est vrai que la forme écrite est préférable, notamment pour des exigences ultérieures de preuve, il n’en reste pas moins qu’il ne s’agit pas de la forme exclusive requise par le législateur.

Ainsi, même si le § 208, alinéa (2), dernière phrase, AO préconise la forme du rapport écrit communiqué au contribuable, cette communication peut être effectuée par différentes voies et notamment par le biais d’un entretien avec le contribuable, mais l’administration doit alors établir que ce dernier a obtenu une communication effective et compréhensible du résultat final du contrôle et des conséquences qui s’en dégagent le cas échéant. En outre, l’administration doit établir qu’elle a informé le contribuable sur son droit de prendre position dans un délai raisonnable quant aux différents constats dressés lors de ce contrôle et qu’elle l’a mis en mesure d’exercer utilement ce droit.

En l’espèce, la Cour constate que l’administration argue qu’elle s’est conformée aux exigences du § 205, alinéa (3), AO à travers, premièrement, l’entretien du 23 octobre 2020 organisé entre les agents de l’ACD et l’appelante et, deuxièmement, le courrier d’information du 2 novembre 2020 envoyé à l’appelante. Celle-ci se prévaut en outre du « compte rendu » dressé par les agents de l’ACD à la suite de son contrôle de comptabilité et de leur entrevue et soulève diverses irrégularités liées à ses impositions rectificatives qui proviendraient de ces trois actes posés par le bureau d’imposition et le service de Révision.

La Cour est partant appelée à analyser ces actes selon la chronologie administrative avec laquelle ils ont été établis.

Quant au « compte rendu » du 23 octobre 2020 Moyens des parties L’appelante argue qu’il lui aurait été impossible de formuler des observations par rapport aux redressements lui annoncés préalablement à l’émission de ses bulletins rectificatifs du fait, entre autres, que le « compte rendu » de l’ACD ne lui a pas été communiqué, alors que celui-ci contenait pourtant le résultat du contrôle mené sur sa situation fiscale. S’appuyant sur de la doctrine allemande et plus particulièrement sur les commentaires de la « Reichsabgabenordnung », la partie appelante soutient que le respect du principe du contradictoire exigerait que le contribuable dispose d’une copie du résultat de son contrôle fiscal. L’absence de communication de ce « compte rendu » aurait ainsi concouru à la violation de ses droits de la défense.

Selon l’Etat, le « compte rendu » du contrôle aurait été dressé dans le cadre des échanges avec l’appelante. Il conviendrait même de souligner que ce « compte rendu » ne serait pas un rapport de révision, mais un document préparatoire purement interne à l’administration qui n’aurait pas à être communiqué au contribuable.

Analyse de la Cour La Cour constate que dans le dossier administratif déposé par l’Etat au greffe figure un rapport intitulé « compte rendu » imprimé sur un papier avec, en en-tête, le logo de l’ACD suivi de la mention : « service de Révision ». Selon sa première page de garde, ce « compte rendu » a été fait à la demande du préposé du bureau d’imposition de …. La Cour relève en outre qu’il a été signé électroniquement le 23 octobre 2020 par l’agent Joachim KAISER, réviseur au sein du service de Révision.

Outre le fait qu’il semble reproduire certaines erreurs matérielles en faisant mention de la participation - semble-t-elle invraisemblable des bureaux d’imposition de Pétange et de Clervaux (page de garde et page 4 du document) - le « compte rendu » litigieux s’apparente au contenu traditionnel des rapports de révision rédigés par le service de Révision dans des instances distinctes dont a eu à connaître la Cour (cf., par exemple, Cour adm., 14 août 2019, n° 42249C et 42318C, pp. 4-14, et plus récemment Cour adm., 15 juin 2023, 47813C, pp. 6-14, et Cour adm., 14 novembre 2023, n° 47754C, pp. 5-28). En effet, ce « compte rendu » reproduit la présentation classique d’un rapport de révision dont le contenu est organisé sous la forme de diverses parties intitulées : « A. Données générales, B. Comptabilité, C. Constatations spéciales » ou incluant encore une dernière partie dédiée à la « Conclusion » des réviseurs. En outre, ledit document comporte en annexe un tableau reprenant, pour les années d’imposition soumises au contrôle, les différences de chiffres d’affaires constatées, l’importance de ces écarts, le nombre total d’opérations de ventes et d’opérations annulées, ainsi que les montants des redressements de chiffres d’affaires qui seraient à appliquer par rapport aux résultats déclarés par l’appelante.

Le document litigieux ayant été intitulé « compte rendu », cette désignation interne à l’ACD ne saurait pour autant préjuger de sa qualification qui ne peut résulter que de son contenu, seul élément pertinent en l’espèce.

Par suite, c’est à tort que l’Etat affirme que ce « compte rendu » se distinguerait d’un rapport de révision, alors qu’il en présente pourtant toutes les caractéristiques usuelles. Ce document retranscrit en effet les constatations réalisées par les agents de l’ACD lors du contrôle approfondi de comptabilité de l’appelante et fait état de leurs échanges lors de l’entrevue qui s’est déroulée le 21 septembre 2020. Plus particulièrement, ce « compte rendu » reproduit dans la section « données générales » un extrait de la correspondance entre la fiduciaire (BB) et le service de Révision, courriel qui est en l’espèce présenté comme étant, entre autres, à l’origine des doutes nourris par l’ACD « sur la fiabilité de la comptabilité » de l’appelante, de sorte à avoir constitué, dans le cadre de ce contrôle fiscal conjoint, une cause ayant mené à l’« imposition rectificative » retenue par le bureau d’imposition conformément au § 222 AO.

La Cour note qu’outre les constatations des agents ayant pris part au contrôle sur la situation comptable de l’appelante, qu’ils ont jugée globalement irrégulière, ce « compte rendu » contient diverses prises de position que la partie appelante aurait formulées durant cette entrevue, formulations sur lesquelles s’appuient par la suite les agents de l’ACD pour retenir le bienfondé de la taxation d’office opérée pour les années fiscales litigieuses.

Il s’y ajoute qu’il se dégage du résumé de l’entrevue du 21 septembre 2020, figurant dans ce « compte rendu », que non seulement les agents de l’administration ont demandé à l’appelante de fournir des documents supplémentaires, en l’occurrence le « facturier qu’elle doit remettre dans les meilleurs délais », mais qu’ils ont, à l’issue de cet entretien, procédé à l’examen de ce facturier leur remis et rectifié leurs redressements pour les années 2014 et 2015. En outre, la conclusion du « compte rendu » indique que l’administration renoncerait au titre des années 2010 à 2012 et 2015 à l’application d’une marge de sécurité de 20% aux différences de chiffres d’affaires constatées, mais qu’elle ajouterait une telle marge au titre des années d’imposition 2013 et 2014 en raison des annulations exagérées d’opérations dans le système POS. En revanche, le tableau des redressements annexé à ce rapport renseigne des montants de redressements simplement arrondis au millième le plus proche par rapport aux montants exacts des différences constatées sans faire aucune mention de la marge de sécurité de 20%, l’intitulé de la rubrique des montants finaux indiquant même « marge sécurité de 0% ».

Au vu de ces éléments du « compte rendu », la conclusion s’impose que lors de l’entrevue du 21 septembre 2020, l’appelante a certes été confrontée aux différences importantes de chiffres d’affaires relevées pour les années en cause telles que se dégageant de l’écart entre sa comptabilité et les enregistrements issus de son logiciel de vente et telles qu’établies dans le tableau annexe lui présenté par les agents ce jour-là. L’appelante a ainsi été informée de l’existence de cet écart significatif de chiffres d’affaires et c’est sur la base de celui-ci que les agents de l’administration lui ont également indiqué que les différences constatées justifieraient le rejet de sa comptabilité.

Cependant, il échet de relever que les éléments factuels, dont surtout les données chiffrées, communiqués lors de l’entrevue du 21 septembre 2020, ne constituaient pas le dernier état des conclusions de l’administration sur les redressements à opérer puisque l’examen de la situation fiscale de l’appelante a été poursuivi par les agents de l’administration à la suite de leur entrevue. Le tableau chiffré des redressements présenté à l’appelante a partant subi une évolution à la suite de ladite entrevue et de l’examen complémentaire effectué par les agents de l’administration à l’issue de l’entrevue.

Or, les éléments du dossier soumis à la Cour ne permettent pas de vérifier quelles données chiffrées précises, dont surtout l’état des montants des redressements envisagés, ont été présentées à l’appelante lors de l’entretien 21 septembre 2020 et si ces montants ont encore subi des modifications en faveur ou en défaveur de l’appelante jusqu’à la version finale du tableau synthétique telle qu’annexée au « compte rendu » du 23 octobre 2020. La seule circonstance, que la marge de sécurité de 20 %, encore annoncée dans la conclusion du « compte rendu », n’a pas été appliquée dans la version finale du tableau synthétique ne permet pas d’exclure que pour certaines années d’imposition litigieuses, les redressements ont encore été augmentés et de conclure de plano que les montants finaux des redressements ont été réduits en faveur de l’appelante par rapport à ceux initialement envisagés lors de l’entrevue du 21 septembre 2020.

Par voie de conséquence, dans la mesure où ce « compte rendu » retranscrit les vérifications de comptabilité réalisées par les agents de l’ACD, y compris les anomalies y détectées, résume le déroulement de leur entrevue et fait état des propos du contribuable en réponse aux interrogations des agents de l’ACD, ainsi que l’instruction complémentaire effectuée à l’issue de l’entrevue, l’Etat ne saurait être admis à faire valoir que l’appelante se serait vue communiquer tous les éléments factuels pertinents à la base des redressements de revenus opérés postérieurement à l’entrevue du 21 septembre 2020 et qu’une communication du « compte rendu » n’aurait pas été utile. La conclusion s’impose plutôt que ce dernier document, ensemble le tableau y annexé, au vu des indications y contenues quant à l’évolution de l’analyse du dossier, constitue l’état final des redressements envisagés par le bureau d'imposition, le constat se trouvant confirmé par le fait qu’il a été signé le 23 octobre 2020, soit une semaine avant l’envoi du courrier d’information du 2 novembre 2020.

De la sorte, étant donné que l’entretien du 21 septembre 2020 ne peut être admis comme ayant eu lieu postérieurement à la conclusion du contrôle, ledit « compte rendu » constitue le document qui aurait logiquement été destiné à être communiqué à l’appelante préalablement à son imposition rectificative afin de lui communiquer les éléments pertinents de son contrôle et les conséquences qui s’en dégagent et afin que l’appelante puisse disposer d’un droit de contestation destiné à assurer le caractère contradictoire de son contrôle de comptabilité et des redressements envisagés à sa suite.

En outre, la communication d’un tel « compte rendu » serait d’autant plus justifiée eu égard au fait qu’au vu de l’ampleur des redressements effectués, il n’était pas à exclure que le contribuable fasse par la suite l’objet de poursuites pénales, de sorte que l’administration est tenue de sauvegarder les droits de la défense des contribuables dès la phase préalable à toute imposition rectificative.

Or, d’après l’argumentation du délégué du gouvernement, l’administration a fait le choix, admis en son principe par le § 208, alinéa (2), dernière phrase, AO, de qualifier ce « compte rendu » de simple document préparatoire interne et de ne pas le communiquer à l’appelante avant l’émission des bulletins en cause, cette communication n’ayant eu lieu qu’à l’occasion de la décision directoriale du 18 décembre 2020, soit après que l’appelante a dû introduire une réclamation devant le directeur. La Cour note que l’administration se contredit en invoquant le caractère interne de ce « compte rendu » alors qu’il est établi que le directeur a bien communiqué ce document à l’appelante en complément de sa décision directoriale du 18 décembre 2020.

Dès lors, étant donné que ni l’entretien du 21 septembre 2020, ni le « compte rendu » signé le 23 octobre 2020, mais non communiqué à l’appelante, ne peuvent être considérés comme ayant utilement porté à la connaissance de l’appelante le résultat final du contrôle approfondi de comptabilité et précisé les points particuliers dont la prise en considération est susceptible d’entraîner la fixation d’un montant d’impôt supérieur à celui correspondant à la situation factuelle telle que déclarée par l’appelante, il convient encore de vérifier si le seul « courrier d’information » adressé par le bureau d'imposition de … à l’appelante le 2 novembre 2020 a permis à l’administration de se conformer aux obligations qui lui incombaient au vœu du § 205, alinéa (3), AO.

Quant au courrier d’information du 2 novembre 2020 Moyens des parties L’appelante fait valoir que le principe du contradictoire exigerait qu’un contribuable soit consulté de manière appropriée avant que des bulletins d’impôt ne soient émis en sa défaveur. Une consultation appropriée du contribuable exigerait, dans un premier temps, que le contribuable comprenne les redressements envisagés par l’ACD et cette dernière serait, ensuite, tenue d’inviter le contribuable à prendre position sur ces redressements. Or, selon elle, à aucun moment de la procédure de rectification ni elle ni ses conseillers n’auraient reçu d’explications adéquates sur i) les raisons de ces rectifications, ii) les bases légales du contrôle opéré, iii) les raisons justifiant l’irrégularité de sa comptabilité et iv) le bienfondé de la taxation d’office retenue pour les années litigieuses, de sorte à avoir nécessairement manqué de la « clairvoyance » nécessaire pour prendre position de manière appropriée sur les redressements envisagés. Quant à la communication à l’appelante d’un tableau synthétisant les redressements appliqués à son encontre par année fiscale litigieuse, ce document ne contiendrait aucune explication accompagnant les différences de chiffres d’affaires relevées entre le système de gestion des ventes et la comptabilité de l’appelante.

Outre de ne pas avoir été suffisamment éclairée par l’administration sur les redressements qu’elle conteste, l’appelante indique que l’ACD ne l’aurait pas explicitement invitée à prendre position par rapport aux redressements envisagés ni oralement ni à l’écrit.

Or, selon l’appelante, une telle information permettrait à un contribuable de consulter un professionnel, de sorte à pouvoir prendre position de manière éclairée. Il serait donc évident que l’administration aurait méconnu le principe du contradictoire et le fait qu’elle n’aurait pas été invitée à prendre position laisserait supposer, en l’espèce, que l’ACD n’avait aucune intention de prendre en compte sa position « d’une quelconque manière ». Ce dernier point serait par ailleurs confirmé par les nombreux courriers « désespérés » envoyés par l’appelante à l’ACD et qui seraient restés sans réponse.

Ce serait ainsi à tort que le tribunal a retenu que même si elle n’avait pas été formellement invitée à fournir ses observations par le bureau d’imposition, elle aurait dans les faits bien pris position, à plusieurs reprises, contre les redressements lui indiqués dans le courrier du 2 novembre 2020. A en croire les premiers juges, un tel droit de réponse spontané suffirait à purger la procédure suivie par le bureau d’imposition de la violation du § 205, alinéa (3), AO. Or, la jurisprudence actuelle de la Cour administrative sur le principe du contradictoire irait dans le sens contraire exigeant plus particulièrement une information préalable du contribuable sur son droit de prendre position avant l’adoption d’une décision en sa défaveur.

La partie appelante conclut que les bulletins rectificatifs auraient été émis sur la base d’une procédure qui ne respecterait aucune formalité substantielle destinée à protéger ses intérêts, de sorte à devoir encourir l’annulation.

Selon l’Etat, le courrier du 2 novembre 2020 répondrait manifestement aux exigences du § 205, alinéa (3), AO. Il aurait, en outre, été accompagné d’un tableau détaillant les redressements opérés – période par période – et dont l’appelante aurait déjà pris connaissance lors de l’entrevue du 21 septembre 2020. En outre, selon le délégué du gouvernement, « le tribunal » ne pourrait que considérer que le courrier du 2 novembre 2020 n’aurait pas été nécessaire puisque les redressements étaient déjà connus de l’appelante et que celle-ci les aurait déjà contestés dans les courriers qu’elle a adressés aux services fiscaux.

Quant au fait que les impositions rectificatives ne prendraient pas en compte les explications de l’appelante, l’Etat indique que celles-ci n’auraient pas été jugées convaincantes et que la procédure d’imposition respecterait pleinement le principe du contradictoire.

Analyse de la Cour Il découle du courrier du 2 novembre 2020 que le bureau d’imposition, de la plume de l’un de ses inspecteurs, a fait parvenir à l’appelante une missive reprenant l’objet suivant :

« Courrier d’information ».

Dans ce courrier, le bureau d’imposition informait l’appelante qu’il entendait procéder à des redressements pour les années 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015 en ces termes :

« Madame, Suivant réunions et analyses supplémentaires, nous allons procéder aux redressements suivants (ajout de recettes) » • 2010 : … €.

• 2011 : … €.

• 2012 : … €.

• 2013 : … €.

• 2014 : … €.

• 2015 : … €.

Veuillez agréer, Madame, l’expression de mes sentiments très distingués ».

Ce courrier d’information omet de faire mention de l’existence d’une pièce-jointe à ce courrier, à savoir le tableau synthétique reprenant les montants redressés évoqué. Si seule la mention manuscrite « joint tableau » sur la copie de ce courrier figurant dans le dossier fiscal indique sa communication, les parties sont cependant unanimes quant au fait que le courrier d’information a bien été accompagné dudit tableau.

En premier lieu, si le courrier d’information précité indique les montants des redressements retenus pour chacune des années litigieuses selon leur montant global et qu’ils correspondent à la colonne afférente du tableau synthétique joint à ce courrier, il n’est par contre pas établi que ce tableau correspondrait aux données chiffrées, ensemble les redressements de recettes envisagés, qui avaient déjà été présentées à l’appelante lors de l’entrevue du 21 septembre 2020, le contraire devant même être admis au vu de l’instruction complémentaire encore effectuée à la suite de cet entretien, voire que les modifications des redressements auraient été seulement en faveur de l’appelante. En outre, ce courrier ne comporte aucune information quant au contenu de l’instruction complémentaire effectuée de l’aveu même y exprimé par le bureau d'imposition (« suivant réunions et analyses complémentaires ») et aux conclusions en tirées.

Dès lors, mis à part cette communication matérielle du tableau synthétique des redressements, l’appelante n’a pas obtenu à travers le « courrier d’information » du 2 novembre 2020 des explications concrètes concernant les redressements finalement retenus à son encontre et le résultat de la dernière phase d’instruction complémentaire à la suite de l’entrevue du 21 septembre 2020.

En deuxième lieu, c’est à bon droit que l’appelante critique le fait qu’à travers ledit courrier, elle n’a été aucunement invitée à prendre position face aux redressements lui notifiés par le bureau d’imposition.

En effet, l’usage des termes « nous allons procéder aux redressements suivants » donne clairement l’impression que les « dés étaient d’ores et déjà jetés » et cela indépendamment des observations que l’appelante était pourtant encore en droit de formuler à ce moment précis de la procédure. Cette impression se trouve renforcée par le fait que l’appelante a écrit à l’ACD à trois reprises, à la suite du courrier du 2 novembre 2020, sans qu’aucune de ses prises de position n’aient donné lieu à une quelconque réponse de l’ACD.

S’il est vrai que le contribuable ne peut pas prétendre à une prise en considération obligatoire de tous les éléments qu’il porte à la connaissance de l’administration à travers sa prise de position, il incombe néanmoins au bureau d’imposition d’organiser et de reconnaître son droit à être entendu.

Par conséquent, durant la phase de la consultation préalable, le bureau d’imposition doit admettre que sa position puisse évoluer au gré des éléments complémentaires et pertinents fournis par le contribuable dans sa prise de position. Cette attitude du bureau d’imposition constitue partant une prémisse fondamentale à la base du respect du principe du contradictoire et du droit du contribuable de prendre position par rapport à une imposition envisagée à son égard et qui s’écarterait du contenu de sa déclaration.

Ensuite, le courrier ne comporte aucune mention, en exécution du § 205, alinéa (3), AO, qui constituerait une information au contribuable sur son droit de prendre position dans un délai raisonnable par rapport aux redressements renseignés dans le corps du courrier ensemble le tableau synthétique y annexé. En outre, l’Etat ne se prévaut d’aucune autre preuve documentaire qui établirait que l’appelante aurait été informée à suffisance de droit et de fait de ce droit.

Il se dégage pourtant du § 205, alinéa (3), AO que la communication imposée au bureau d'imposition des points sur lesquels il entend s’écarter de la déclaration du contribuable doit être effectuée dans le but que celui-ci puisse prendre position par rapport à ces points avant l’établissement de l’imposition (« … zur vorherigen Äußerung mitzuteilen »), ce qui implique nécessairement qu’il soit informé de son droit à prendre position dans un délai utile par rapport au projet de redressement lui notifié.

Sur ce point, la Cour ne peut suivre les premiers juges quand ils retiennent que malgré l’absence d’invitation à formuler ses observations, l’appelante se serait en quelque sorte créé son propre droit de réponse, de sorte à « avoir utilement pris position par rapport aux redressements envisagés ».

Une telle interprétation par les premiers juges méconnaît manifestement les garanties procédurales essentielles consacrées par le § 205, alinéa (3), AO et plus particulièrement la garantie individuelle y contenue exigeant que le contribuable soit informé par l’ACD qu’il dispose d’un droit de réponse face au projet de redressement qui doit lui être notifié avant toute imposition rectificative.

Au vu de l’ensemble de ces développements, la Cour est amenée à conclure que l’entretien susvisé du 21 septembre 2020 ne saurait être considéré comme constitutif d’une communication utile des éléments pertinents du contrôle approfondi de comptabilité et des conséquences qui s’en dégagent, dont notamment les redressements de chiffres d’affaires envisagés, que le « compte rendu » du contrôle signé le 23 octobre 2020 n’a pas été communiqué à l’appelante en temps utile et que le « courrier d’information » du 2 novembre 2020 non seulement ne comporte pas des indications suffisantes au fond, mais pêche en plus par un défaut d’information quant au droit de l’appelante de prendre position face aux redressements litigieux.

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de retenir que le bureau d’imposition a méconnu le § 205, alinéa (3), AO, de sorte que la décision directoriale du 18 décembre 2020 encourt la réformation dans le sens d’aboutir à l’annulation des bulletins rectificatifs portant établissement séparé du bénéfice commercial des années 2010 à 2015, ainsi que des bulletins rectificatifs de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2010 à 2015, tous émis en date du 18 novembre 2020, pour violation du § 205, alinéa (3), AO.

Quant à l’indemnité de procédure L’appelante sollicite une indemnité de procédure de 4.000 euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives pour avoir dû notamment recourir aux services rémunérés d’un avocat afin de faire valoir ses droits et de la représenter à l’audience.

L’Etat conclut au rejet de cette demande au motif qu’elle ne serait aucunement justifiée.

Cette demande est à accueillir en son principe eu égard à la solution au fond et, plus particulièrement, au constat du non-respect d’une garantie procédurale essentielle et la Cour évalue l’indemnité à allouer ex aequo et bono au montant de 3.000 euros.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 17 juillet 2023 en la forme, au fond, le déclare justifié, partant, par réformation du jugement entrepris du 6 juin 2023 (n° 45790 du rôle), dit que la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 18 décembre 2020 (n° …) encourt la réformation en ce que les bulletins rectificatifs portant établissement séparé du bénéfice commercial des années 2010 à 2015, ainsi que des bulletins rectificatifs de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2010 à 2015, tous émis en date du 18 novembre 2020, encourent l’annulation pour non-respect du § 205, alinéa (3), AO ;

renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes en vue de sa transmission au bureau d’imposition compétent en prosécution de cause, condamne l’Etat à payer à Madame (A) une indemnité de procédure de 3.000 euros, condamne l’Etat aux frais et dépens.

Ainsi délibéré et jugé par:

Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu à l’audience publique du 11 juillet 2024 au local ordinaire des audiences de la Cour par le premier conseiller Serge SCHROEDER, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.

s. SCHINTGEN s. SCHROEDER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 11 juillet 2024 Le greffier de la Cour administrative 26


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49177C
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-07-11;49177c ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award