La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/07/2024 | LUXEMBOURG | N°50251C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 09 juillet 2024, 50251C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 50251C ECLI:LU:CADM:2024:50251 Inscrit le 28 mars 2024

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Audience publique du 9 juillet 2024 Appel formé par la société coopérative organisée en société anonyme (A), …., contre un jugement du tribunal administratif du 23 février 2024 (n° 46977 du rôle) en matière d’impôt sur le revenu des collectivités et d’impôt commercial communal

---------------------------------------------

--------------------------------------------------------------------

Vu la requête d’a...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 50251C ECLI:LU:CADM:2024:50251 Inscrit le 28 mars 2024

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Audience publique du 9 juillet 2024 Appel formé par la société coopérative organisée en société anonyme (A), …., contre un jugement du tribunal administratif du 23 février 2024 (n° 46977 du rôle) en matière d’impôt sur le revenu des collectivités et d’impôt commercial communal

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 50251C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 28 mars 2024 par la société en commandite simple BONN STEICHEN & PARTNERS SCS, établie et ayant son siège social à L-3364 Leudelange, 11, rue du Château d’Eau, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, représentée par son gérant actuellement en fonctions, la société à responsabilité limitée BSP SARL, établie et ayant son siège social L-3364 Leudelange, 11, rue du Château d’Eau, elle-

même représentée aux fins de la présente procédure par Maître Pol MELLINA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, au nom de la société coopérative organisée en société anonyme (A), anciennement dénommée « (G) », établie et ayant son siège social à L-… …, …, rue …, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …., représentée par son ou ses organes sociaux actuellement en fonctions, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 23 février 2024 (n° 46977du rôle), par lequel ledit tribunal a déclaré irrecevable son recours en réformation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du …. 20…ayant déclaré irrecevable sa réclamation introduite le 3 septembre 2021 à l’encontre des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2018, tous les deux émis le ….20.., tout en disant qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation et en condamnant la société demanderesse aux frais et dépens de l’instance;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 16 avril 2024 par le délégué du gouvernement;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 20 juin 2024.

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Le ….. 2021, le bureau d’imposition Sociétés 6 de l’administration des Contributions directes, ci-après le « bureau d’imposition », émit à l’égard de la société coopérative organisée en société anonyme (G) S.A., dont la dénomination a, par la suite, été modifiée en (A), les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2018.

Par courrier réceptionné le 3 septembre 2021, la société (A) fit introduire par l’intermédiaire de la société anonyme (B) S.A. une réclamation contre lesdits bulletins d’imposition auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après le « directeur ».

Par décision du ….. 2021, référencée sous le numéro C ….., le directeur déclara la réclamation irrecevable pour être tardive.

Par requête déposée le 2 février 2022 au greffe du tribunal administratif, la société (A) fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée du directeur du ….. 2021.

Par jugement du 23 février 2024, le tribunal administratif, après avoir écarté des débats un écrit, intitulé « Requête introductive d’Instance - complément », communiqué par courrier électronique du 6 novembre 2023 par la société demanderesse, déclara irrecevable le recours principal en réformation, tout en disant qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation et en condamnant la société demanderesse aux frais et dépens de l’instance.

Les premiers juges arrivèrent à cette conclusion, après avoir constaté que la requête introductive d’instance renseignait que la société (A) était représentée « d’une part » par Maître Frank SARFATI et « d’autre Part » par la société anonyme (D) S.A., anciennement (E) S.A., que son dispositif précisait que « les exposants concluent » à la réformation, sinon à l’annulation de la décision critiquée au fond et que la requête comportait la signature conjointe de Maître SARFATI, ainsi que celles de deux administrateurs de la société (D) S.A., c’est-à-dire que la société demanderesse était représentée conjointement par deux mandataires, au motif qu’elle se heurterait de la sorte au principe de l’unicité de l’avocat, respectivement du mandataire.

Le 28 mars 2024, la société (A) a interjeté appel contre ce jugement.

L’appel, formulé dans les délai et formes de la loi et non critiqué sous ce rapport, est partant recevable.

Au fond, la société appelante, se référant à un arrêt récemment rendu par la Cour (arrêt du 7 mars 2024, n° 49770C du rôle), dans une affaire qui serait similaire, fait en substance soutenir que la sanction d’un manquement au principe de l'unicité du mandataire ne saurait être l’irrecevabilité du recours en affecté en l'absence d'une atteinte effective aux droits de la défense, atteinte qui n'aurait pas eu lieu en l'espèce.

Elle insiste sur le fait que la partie étatique n'aurait invoqué la moindre atteinte effective à ses droits et qu’elle aurait pu conclure en parfaite connaissance de cause.

Le délégué du gouvernement déclare que l’Etat a pris acte de l’arrêt prévisé de la Cour en date du 7 mars 2024 et qu’il se rapporterait à prudence de justice.

Dans l’arrêt pointé du 7 mars 2024, la Cour a, de façon basique, pu dégager de l’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après la « loi du 21 juin 1999 », et de l’article 2 de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat, ci-après la « loi du 10 août 1991 », considérés à la lumière du principe de bonne administration de la justice, la règle générale de l’unicité du mandataire au niveau du contentieux administratif et fiscal.

Sur ce, elle a précisé que la sanction d’un manquement audit principe de l’unicité du mandataire n’est pas inévitablement l’irrecevabilité du recours.

En effet, si, lorsque la représentation en justice est requise, respectivement lorsque le choix est laissé au justiciable, comme c’est le cas au niveau du contentieux fiscal relevant de la compétence du tribunal administratif, et que le justiciable décide de se faire représenter en justice, l’obligation d’avoir recours à un représentant qualifié constitue certes une condition de régularité de l'introduction de l’instance, condition de la saisine valable du juge, partant une fin de non-recevoir affectant le recours, sans même qu’une question d'atteinte aux droits de la défense ne se pose, le simple fait de se faire représenter par deux ou plusieurs avocats/représentants constitue un manquement à une simple règle de procédure, dont l’inobservation n’entraîne l’irrecevabilité du recours, en application de l'article 29 de la loi du 21 juin 1999, que « si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense ».

Or, force est de constater que si bien qu’en l’espèce, il se dégage du libellé de la requête introductive d’instance que la société demanderesse s’était fait représenter en première instance par deux représentants, Maître Frank SARFATI et la société (D) S.A., les deux agissant manifestement conjointement et que cette façon de faire se heurte a priori audit principe de l’unicité du représentant, il n’en reste pas moins qu’à défaut de démonstration concrète d’une atteinte aux droits légitimes de la défense de la partie étatique défenderesse en première instance, voire d’une perturbation concrète de la bonne administration de la justice, partant à défaut de vérification d’une incidence préjudiciable concrète au niveau de l’instruction de l’affaire et de l’exercice des droits de la défense, ledit non-respect n’est pas de nature à appeler l’irrecevabilité du recours introductif de première instance. - Admettre le contraire serait verser dans un formalisme excessif non justifié par la sauvegarde du moindre intérêt digne de protection et de nature à compliquer inutilement l'application du droit.

Il s’ensuit que l’appel est justifié et que, par réformation du jugement a quo, il convient de retenir que la recevabilité du recours contentieux de la société (A) ne se heurte pas au principe de l’unicité de l’avocat, respectivement du représentant.

Comme les premiers juges n’ont pas statué plus en avant par rapport aux autres moyens d’irrecevabilité, dont ils effleurent l’existence, voire sur les mérites de l’affaire, il y a lieu de prononcer le renvoi de l’affaire devant le tribunal en prosécution de cause.

Dans la mesure encore dudit renvoi devant les premiers juges, il importe encore, toujours par réformation du jugement dont appel, de réserver la question des dépens relatifs à la première instance.

Enfin, bien que la partie appelante obtienne gain de cause, sa demande tendant à se faire allouer une indemnité de procédure d’un montant de ….. € est à rejeter, étant donné que les conditions légales afférentes ne sont pas remplies en l’espèce, notamment au regard du fait que l’arrêt de principe prévisé du 7 mars 2024 n’a été rendu que postérieurement au prononcé du jugement en l’occurrence réformé.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause;

reçoit l’appel en la forme;

dit l’appel fondé et, réformant le jugement du 23 février 2024, dit que le recours introduit par la société coopérative organisée en société anonyme (A) contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du ….. 2021, référencée sous le numéro C ….., ne se heurte pas au principe de l’unicité de l’avocat, respectivement du mandataire;

renvoie le dossier devant le tribunal administratif en prosécution de cause ;

déboute l’appelante de sa demande en allocation d'une indemnité de procédure;

condamne l’Etat intimé aux dépens de la présente instance;

réserve les dépens pour le surplus.

Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour …….

s. …..

s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 9 juillet 2024 Le greffier de la Cour administrative 4


Synthèse
Numéro d'arrêt : 50251C
Date de la décision : 09/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-07-09;50251c ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award