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04/07/2024 | LUXEMBOURG | N°50204C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 04 juillet 2024, 50204C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 50204C ECLI:LU:CADM:2024:50204 Inscrit le 15 mars 2024 Audience publique du 4 juillet 2024 Appel formé par Monsieur (A) et consort, …, contre un jugement du tribunal administratif du 7 février 2024 (n° 46082 du rôle) ayant statué sur leur recours contre une décision du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable en matière de protection de la nature Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 50204C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 15 mars 2024 par la société

à responsabilité limitée E2M s. à r.l., inscrite sur la liste V du tab...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 50204C ECLI:LU:CADM:2024:50204 Inscrit le 15 mars 2024 Audience publique du 4 juillet 2024 Appel formé par Monsieur (A) et consort, …, contre un jugement du tribunal administratif du 7 février 2024 (n° 46082 du rôle) ayant statué sur leur recours contre une décision du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable en matière de protection de la nature Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 50204C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 15 mars 2024 par la société à responsabilité limitée E2M s. à r.l., inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2419 Luxembourg, 2, rue du Fort Rheinsheim, inscrite au R.C.S. de Luxembourg sous le numéro B 210821, représentée aux fins de la présente instance par Maître Max MAILLIET, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A) et de son épouse, Madame (B), demeurant ensemble à L-…, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 7 février 2024 (n° 46082 du rôle) à travers lequel le tribunal, après s’être déclaré incompétent pour connaître du recours principal en réformation, a déclaré recevable mais non fondé le recours subsidiaire en annulation dirigé contre une décision du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable du 3 mars 2021 « portant refus de la demande d’autorisation de construire et de mise en conformité des constructions situées sur les fonds inscrits au cadastre sous les numéros (P1) et (P2) », tout en rejetant la demande en allocation d’une indemnité de procédure et en condamnant les parties demanderesses aux frais et dépens de l’instance ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 12 avril 2024 par Monsieur le délégué du gouvernement Joe DUCOMBLE ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 15 mai 2024 par Maître Max MAILLIET au nom et pour compte des appelants ;

1Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 3 juin 2024 par Monsieur le délégué du gouvernement Joe DUCOMBLE ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 20 juin 2024.

Après intervention du préposé du triage forestier territorialement compétent en date du 9 septembre 2020, Monsieur (A) introduisit ex post, en date du 22 septembre 2020, auprès du ministère de l’Environnement, du Développement durable et des Infrastructures, une demande tendant à se voir accorder, dans le cadre de la loi modifiée du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ci-après « la loi du 18 juillet 2018 », l’autorisation ayant l’objet suivant et visant des parcelles inscrites au cadastre de la commune de Kayl : section A de Kayl, sous les numéros (P1) et (P2), ci-après « les parcelles » :

« - Reconstruction d’une nouvelle maison de weekend sur même place + mise en conformité avec des matériaux plus adapté[s] à la nature - Travaux de Forage pour l’eau pour le puits + mise en conformité - Reconstruction de la piscine + mise en conformité - Réinstallation de l’éclairage et l’électricité se trouvant sur les parcelles + mise en conformité - Reconstruction de la fosse septique – mise en conformité - Rénovation + mise en conformité eau de puits et eau de terre – Rénovation Puits à eau ».

Monsieur (A) joignit à sa demande plusieurs courriers datés respectivement au 11 septembre 2020 dont certains concernaient et décrivaient les travaux énumérés ci-dessus et un concernait une « [d]emande d'autorisation de réinstaller le système d'éclairage » et au 16 septembre 2020 par lequel Monsieur (A) introduisit encore une « [d]emande d'autorisation de réparer le toit » en vue de protéger l’immeuble présent sur les parcelles contre les intempéries dans l'attente de l’obtention d'une autorisation de construire.

Il se dégage d’un rapport du surveillant des domaines de l’entité mobile de l’Administration de la nature et des forêts du 23 octobre 2020 que ce dernier avait constaté en date du 21 octobre 2020 que les travaux de rénovation avaient continué malgré l’absence de réponse aux demandes introduites par Monsieur (A).

Le 28 octobre 2020, le ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, ci-après « le ministre », prononça la fermeture de chantier.

2En date du 23 décembre 2020, le chef de l’arrondissement Sud de l’Administration de la nature et des forêts émit un avis libellé comme suit :

« (…) Lors de l’instruction du dossier, l’administration de la nature a dû constater que le requérant avait déjà entam[é] illicitement certains des travaux énumérés ci-dessus.

Selon le PAG de la commune de Kayl, le terrain se situe en zone verte (zone agricole). Le site est situé partiellement (parcelle (P2)) dans la zone protégée d’intérêt national « Leiffraechen » classée selon règlement grand-ducal du 29 mars 2019. De plus, le site se trouve partiellement à l’intérieur de la zone de protection spéciale LU2009 et adjacent à la zone de spéciale de conservation LU1030.

Exceptée la maison de week-end pour laquelle il existe une autorisation ministérielle de remise en état datant du 4 juillet 1994, aucune des constructions prévues n’est couverte par une autorisation antérieure.

Comme les infrastructures envisagées ne sont ni conforme[s] à l’article 6 ni à l’article 7 de la loi sur la protection de la nature et des ressources naturelles du 18 juillet 2018, le ministère ne pourra marquer son accord à ses constructions.

Seule la reconstruction de la maison de weekend pourra être envisagée, étant donné qu’elle est légalisée par l’autorisation du 4 juillet 1994. En effet, en application de l’article 7(2), les constructions légalement existantes situées dans la zone verte ne peuvent être rénovées ou transformées matériellement qu’avec l’autorisation du ministre. La destination est soit maintenue soit compatible avec l’affectation prévue à l’article 6. Pour les constructions servant à l’habitation, aucune augmentation du nombre d’unités d’habitation n’est autorisée.

Or afin que le ministère puisse statuer sur la rénovation, le requérant devrait introduire des plans renseignant sur les dimensions exactes ainsi que les aspects extérieurs de la construction. (…) ».

Par décision du 3 mars 2021, le ministre refusa de faire droit à la demande introduite par Monsieur (A), ledit refus étant libellé comme suit :

« (…) Je fais suite à votre demande du 11 septembre 2020 par laquelle vous sollicitez l’autorisation pour des travaux de reconstruction et de mise en conformité des constructions sur des fonds inscrits au cadastre de la commune de KAYL : section A de KAYL (…) sous les numéros (P1), (P2).

Tout d’abord, permettez-moi de citer l’expertise élaborée par l’(E) SA ((E)) de juillet 2020 concernant la stabilité de la construction existante. « Selon notre avis technique, le bâtiment actuel n’est plus en état de réaliser la fonction à laquelle il est destiné et nécessite une reconstruction complète ».

Je voudrais vous rendre attentif au fait qu’une reconstruction comprend une démolition préalable des bâtisses existantes (notamment la maison de week-end et la piscine). Or, aux termes 3de l’article 7, paragraphe 6 de la loi du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles : « Les constructions en zone verte qui ont été démolies ou démontées ne peuvent être reconstruites qu’en vertu des dispositions de la présente loi ». Ainsi, toute nouvelle construction sera ensuite régie par l’article 6 de la prédite loi.

Selon le prédit article paragraphe 1er, « Sont conformes à l’affectation de la zone verte, des constructions ayant un lien certain et durable avec des activités d’exploitation qui sont agricoles, horticoles, maraîchères, sylvicoles, viticoles, piscicoles, apicoles, cynégétiques, ou qui comportent la gestion des surfaces proches de leur état naturel. Seules sont autorisables les constructions indispensables à ces activités d’exploitation ». En outre, selon le paragraphe 1, point 1, les activités d’exploitation agricole, horticole, maraîchère et viticole doivent être opérées à titre principal au sens de la loi modifiée du 27 juin 2016 concernant le soutien au développement durable des zones rurales.

Vos activités sur les lieux ne peuvent être qualifiées d’activité d’exploitation agricole, horticole, maraîchère, sylvicole, viticole, piscicole, apicole ou cynégétique opérées à titre principal tel que prédéfini.

Je suis par conséquent au regret de vous informer que les conditions de la loi ne sont pas remplies en l’espèce et que je ne saurais réserver une suite favorable à votre demande. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 3 juin 2021, Monsieur (A) et son épouse, Madame (B), ci-après désignés par « les consorts (A-B) », firent introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 3 mars 2021.

Par jugement du 7 février 2024, le tribunal, après s’être déclaré incompétent pour connaître du recours principal en réformation, reçut le recours subsidiaire en annulation en la forme, au fond, le déclara non justifié et en débouta les parties demanderesses, rejeta leur demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure et les condamna aux frais et dépens de l’instance.

Pour ce faire, le tribunal, après avoir cité les articles 6 et 7 de la loi du 18 juillet 2018, constata que les consorts (A-B) avaient sollicité à travers leurs demandes des 11 et 16 septembre 2020, l’autorisation pour la « Reconstruction d’une nouvelle maison de week-end », des « Travaux de Forage pour l’eau pour le puits », la « Reconstruction de la piscine », la « Réinstallation de l’éclairage et l’électricité », la « Reconstruction de la fosse septique », la « Rénovation Puits à eau », respectivement le « forage d’un puits », ainsi que la réparation du toit.

Le tribunal nota ensuite, concernant le motif de refus selon lequel les constructions érigées sur les parcelles des consorts (A-B) ne seraient pas à considérer comme des constructions légalement existantes au sens de l’article 7, paragraphe (5), de la loi du 18 juillet 2018, qu’il se dégageait d’une orthophoto de 1977 que seule la construction principale ainsi qu’une petite construction étaient identifiables à cette époque et que la petite construction visible sur ladite orthophoto se situait au sud de l’immeuble, tandis que la piscine se trouve actuellement au sud-ouest de l’immeuble, de sorte qu’il y avait lieu d’admettre que la piscine, le puits, le système d’éclairage et d’électricité et la fosse septique n’avaient pas été érigés avant l’entrée en vigueur de la première 4loi sur la protection sur la nature du 29 juillet 1965 et ne pouvaient dès lors pas être considérés comme des constructions légalement existantes, ce d’autant plus que ces constructions accessoires n’avaient pas été reprises dans une autorisation ministérielle du 4 juillet 1994 concernant le terrain litigieux. Le tribunal releva en outre que les demandeurs avaient en tout état de cause sollicité la reconstruction de la piscine et de la fosse septique, respectivement le forage du puits, de sorte à admettre eux-mêmes que lesdits éléments, soit n’étaient pas encore construits au moment de l’introduction de leurs demandes, soit étaient dans un état tel qu’ils nécessitaient une reconstruction.

Partant, à défaut pour les consorts (A-B) d’avoir soumis à l’appréciation du tribunal des éléments de preuve établissant que lesdits éléments avaient été construits sur base d’une autorisation ministérielle, le tribunal retint qu’ils étaient à exclure du champ d’application de l’article 7, paragraphe (5), de la loi du 18 juillet 2018 et ne pouvaient, par conséquent, être ni transformés ni rénovés ou reconstruits sans respecter les dispositions de l’article 6 de ladite loi de 2018, condition qui, de manière non contestée, n’était pas remplie en l’espèce.

Concernant ensuite la construction principale érigée sur les parcelles litigieuses, les premiers juges constatèrent, en comparant les plans soumis par l’ancien propriétaire à la base de l’autorisation de 1994 et ceux soumis à l’appui de la demande d’autorisation litigieuse, que les travaux envisagés par les demandeurs consistaient soit en un agrandissement, qui aux termes du paragraphe (5) de l’article 7 de la loi du 18 juillet 2018 consiste en une augmentation de l'emprise au sol, du volume bâti ou de la surface construite brute, soit en une reconstruction, qui en tout état de cause ne pouvait se faire que si la destination de l’immeuble est conforme à l’affectation prévue à l’article 6 de la loi du 18 juillet 2018. Le tribunal releva sur ce point, au vu des dimensions de l’immeuble ayant fait l’objet de l’autorisation de 1994 et celles de l’immeuble faisant l’objet de la demande d’autorisation sous examen, que la construction actuelle comportait de manière incontestable une augmentation de l’emprise au sol et, dans la mesure où le projet envisagé prévoyait également un premier étage, et une augmentation du volume bâti, de sorte que l’agrandissement, respectivement la reconstruction devaient de nouveau être conformes à l’affectation prévue à l’article 6 de la loi du 18 juillet 2018.

Pour autant que les demandeurs entendaient faire valoir qu’ils seraient des exploitants agricoles, à travers un courrier du directeur du Service d’économie rurale du ministère de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural du 17 octobre 2022, le tribunal releva, après avoir cité l’article 2 de la loi modifiée du 27 juin 2016 concernant le soutien au développement durable des zones rurales, ci-après « la loi du 27 juin 2016 », auquel se réfère l’article 6, paragraphe (1), point 1, de la loi du 18 juillet 2018, que la notion d’activités agricoles se comprenait comme la production de denrées se prêtant à la consommation et à la transformation et provenant de la culture de végétaux et de la garde d’animaux de rente1, et qu’il ressortait dudit courrier du 17 octobre 2022 que Monsieur (A) ne remplissait pas deux des quatre critères requis afin que l’activité soit qualifiée d’exploitation agricole à titre principal, de sorte que les consorts (A-B) ne pouvaient pas non plus prospérer dans leur allégation que la destination de la construction serait conforme à l’une des affectations prévues à l’article 6 de la loi du 18 juillet 2018.

1 Doc. parl. 7048, Commentaire des articles, p. 56.

5Quant à l’argumentation des consorts (A-B) relative à la reconnaissance d’un droit acquis à pouvoir continuer à utiliser la construction litigieuse à des fins d’habitation, dans la mesure où l’article 7 de la loi du 18 juillet 2018 consacre le droit au maintien des affectations existantes, le tribunal nota que les demandeurs n’étaient en droit de se prévaloir du droit acquis que s’agissant de la dernière affectation en date vérifiée2, et que c’était la manière dont une construction a effectivement été utilisée en dernier lieu, qui était à prendre en considération. Sur ce, il constata qu’il ressortait de l’acte de vente du 4 juin 2019 que les demandeurs n’avaient acquis ni une « maison d’habitation » ni une « maison de week-end », mais une « gloriette », et qu’ils avaient été informés tant du fait que les parcelles sont classées par le plan d’aménagement général de la commune de Kayl en zone forestière, respectivement en zone agricole, que du fait que les parcelles sont concernées par (i) un projet de plan directeur sectoriel « paysage » et situées dans une « zone de préservation des grands ensembles paysagers », (ii) une zone protégée d’intérêt national à déclarer de la région d’Esch-sur-Alzette Sud-Est Anciennes minières/Ellergronn et (iii) une zone superposée Natura 2000, Zone Habitats et protection Oiseaux, et que le notaire avait pris soin d’informer les demandeurs du fait que lesdits classements entraîneraient des restrictions quant à l’aménagement, la rénovation ou la construction sur les parcelles litigieuses et qu’ils devraient s’informer auprès du ministère de l’Environnement pour de plus amples détails. Pour le surplus, le tribunal constata que la construction n’était équipée ni d’une salle de bain ni d’un système de chauffage et que le fait de ne pas disposer de salle d’eau avec WC était suffisant pour dénier à la gloriette la qualification de logement au sens de la loi du 20 décembre 2019 relative aux critères de salubrité, d’hygiène, de sécurité et d’habitabilité des logements et chambres donnés en location ou mis à disposition à des fins d’habitation, ci-après « la loi du 20 décembre 2019 », qui retient dans son article 1er qu’un logement consiste en « un immeuble ou une partie d’un immeuble destiné à l’habitation, comprenant au moins une pièce de séjour, une niche de cuisine et une salle de bain avec toilettes ». Partant, au vu de ces éléments et de la description contenue dans un rapport d’expertise de la société (E) S.A. du 19 juillet 2020, ci-après « le rapport d’expertise de 2020 », relevant que la construction principale n’était pas affectée à l’habitation avant l’introduction des demandes d’autorisation, le tribunal estima que les demandeurs ne pouvaient se prévaloir d’un droit acquis à l’affectation de la gloriette en tant qu’habitation.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 15 mars 2024, les consorts (A-B) ont régulièrement relevé appel du jugement du 7 février 2024.

A l’appui de cet appel, ils rappellent les faits et rétroactes de l’affaire et soutiennent que la décision ministérielle du 3 mars 2021 ne serait pas basée sur des motifs légaux et réels et qu’elle devrait partant encourir l’annulation.

Les consorts (A-B) exposent que la maison litigieuse aurait été érigée avant l’entrée en vigueur de la première législation en matière de protection de la nature de 1965, qu’elle aurait fait l’objet d’une autorisation de remise en état ministérielle du 4 juillet 1994 en tant que maison de weekend sur base de la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles et que les travaux y autorisés auraient été exécutés conformément à ladite autorisation.

Ce serait sur base de ladite autorisation de 1994 qu’ils auraient introduit en septembre 2020 leurs demandes respectives sans solliciter un quelconque changement d’affectation.

2 Cour adm., 22 mai 2012, n° 29830C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Environnement, n° 98 et l’autre référence y citée.

6Or, en retenant qu’ils ne bénéficieraient pas d’un droit acquis à la reconstruction de la maison de weekend et des autres constructions au motif que leur demande ne coïncidait pas avec les affectations compatibles en zone verte prévues à l’article 6 de la loi du 18 juillet 2018, le tribunal aurait manifestement remis en cause la pérennité matérielle des immeubles, constructions et aménagements ayant existé et ayant été érigés sous les réglementations en vigueur avant ladite loi de 2018 et les premiers juges auraient considéré à tort, en violation de l’article 7, paragraphe (2), de la loi du 18 juillet 2018, qu’ils ne disposaient pas d’un droit acquis.

Ainsi, le tribunal se serait exclusivement basé sur une comparaison de deux orthophotos datant des années 1977 et 2000, dont les dates ne seraient pas certaines et qui ne seraient pas pertinentes, notamment celle de 1977 sur laquelle on ne verrait « strictement rien ». Pour le surplus, le tribunal n’aurait nullement considéré le relevé parcellaire du 19 mars 2021 avec le plan de situation de la parcelle n° (P2) sur lequel seraient inscrites toutes les constructions dont la reconstruction est sollicitée, à savoir le puits, la fosse septique, la piscine et la maison de weekend.

Comme l’autorisation ministérielle du 4 juillet 1994 visait la remise en état d’une maison de weekend, ils rempliraient dès lors la première condition inscrite à l’article 7, paragraphe (2), de la loi du 18 juillet 2018, de même que la deuxième condition y inscrite, étant donné qu’ils n’envisageraient aucun changement d’affectation. Les appelants précisent encore qu’ils n’envisageraient aucune augmentation au niveau de l’unité d’habitation et ils reprochent encore au tribunal de ne pas avoir pris en considération les circonstances spécifiques relatives à la détérioration de l’immeuble d’habitation suite à un cas fortuit, à savoir une chute d’arbre, tel que cela ressortirait du rapport d’expertise 2020, incident qui aurait notamment occasionné l’éventration de la toiture et du mur extérieur, de sorte que le bâtiment serait actuellement impropre à son utilisation. Tout en concédant que l’article 7 de la loi du 18 juillet 2018 ne contient aucune disposition spécifique pour l’hypothèse où une construction a été détruite suite à un cas de force majeure ou un sinistre, le droit acquis leur conféré par l’autorisation du 4 juillet 1994 devrait prévaloir.

Les consorts (A-B) concluent ensuite à une violation de l’article 7, paragraphe (5), de la loi du 18 juillet 2018. Ils reprochent dans ce contexte aux juges de première instance de s’être exclusivement basés sur l’acte de vente du 4 juin 2019 pour apprécier de quelle manière la construction litigieuse aurait effectivement été utilisée en dernier lieu pour en déduire que le bâtiment litigieux serait une « gloriette » et qu’ils ne se seraient pas vu soumettre des éléments probants que ledit bâtiment serait destiné à l’habitation. Ce faisant les premiers juges auraient méconnu leur droit de propriété consacré par l’article 36 de la Constitution et l’article 7, paragraphe (5), de la loi du 18 juillet 2018, alors qu’il n’y aurait pas lieu de s’attarder à la destination retenue de la construction dans l’acte notarié du 4 juin 2019, mais à l’emploi déterminé de la construction dans son ensemble qui, suivant la décision ministérielle du 4 juillet 1994, avait été autorisée comme maison de weekend.

Dans ce contexte, ils demandent encore à la Cour de saisir la Cour constitutionnelle avec la question préjudicielle libellée comme suit :

« L’article 7 de la loi modifiée du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature est-il conforme à l’article 36 de la Constitution consacrant que « Nul ne peut être privé de sa 7propriété que pour cause d’utilité publique et moyennant juste indemnité, dans les cas et de la manière déterminés par la loi ? ».

Les appelants se réfèrent encore à l’article 7, paragraphe (6), de la loi du 18 juillet 2018 prévoyant que « les constructions en zone verte qui ont été démolies ou démontées ne peuvent être reconstruites qu’en vertu des dispositions de la présente » et argumentent que l’introduction de pareille demande impliquerait un acte volontaire du propriétaire. Or, dans leur cas, la destruction de la construction litigieuse ne relèverait aucunement d’un acte volontaire mais d’un cas fortuit, à savoir la chute d’un arbre et les défaillances majeures constatées au bâtiment. Ils précisent encore qu’ils auraient sollicité la reconstruction de la maison d’habitation sans changement d’affectation, que leur projet consisterait à remettre dans un bon état le « volume bâti existant fonctionnel » et à procéder au changement des équipements vétustes tout en maintenant les dimensions actuelles de ladite maison.

Les consorts (A-B) contestent ensuite que la construction litigieuse, contrairement à l’appréciation des premiers juges, ne serait pas conforme aux dispositions de la loi du 20 décembre 2019. Ils soutiennent en premier lieu que ladite loi de 2019 ne leur serait pas applicable au motif qu’ils n’envisageraient pas de donner leur immeuble en location ou de mettre à disposition un logement à un tiers, mais qu’ils souhaiteraient y habiter eux-mêmes. Ils renvoient de nouveau à l’autorisation ministérielle du 4 juillet 1994 et au plan joint à la demande d’autorisation confirmant la présence à l’époque de plusieurs arrivées d’eau et de l’électricité, ainsi qu’à une attestation testimoniale de Monsieur (C), figurant en tant que vendeur à l’acte de vente du 4 juin 2019, et renseignant sur la présence d’un lavabo, d’un WC, d’une douche et d’une piscine avec éclairage, ainsi que sur la présence de l’électricité et l’accès à l’eau. Les appelants en déduisent que la « gloriette » répondrait aux conditions légales de logement fixées par la législation applicable.

Finalement, les consorts (A-B) concluent encore à une violation du principe de confiance légitime en réitérant leur argumentaire que la maison litigieuse aurait fait l’objet d’une autorisation de remise en état datée au 4 juillet 1994 en tant que maison de weekend et que les travaux réalisés consécutivement l’auraient été en conformité avec ladite autorisation. Partant, en ne prenant pas en considération l’autorisation du 4 juillet 1994 aux fins de rénover la maison d’habitation et en leur refusant l’autorisation de procéder respectivement à la reconstruction et à la rénovation de leur maison d’habitation, le ministre aurait manifestement méconnu le principe de confiance légitime et le tribunal aurait remis en cause la pérennité matérielle des immeubles, constructions et aménagements ayant existé sous la réglementation en vigueur avant l’entrée en vigueur de la loi du 18 juillet 2018.

Le délégué du gouvernement conclut à la confirmation pure et simple du jugement dont appel.

Il conteste tout d’abord l’existence d’un quelconque droit acquis dans le chef des appelants en signalant que la construction autorisée en 1994 aurait par la suite été rénovée sans autorisation, raison pour laquelle un arrêté de chantier a été pris. Il signale encore sur ce point que l’autorisation de 1994 ne concernerait que la seule « gloriette » et que la partie appelante omettrait de verser la moindre preuve fiable quant à l’existence légale des autres constructions pour lesquelles elle réclame le droit de les reconstruire.

8Concernant le changement d’affectation de la construction principale, le représentant étatique relève que celle-ci n’a jamais été une maison d’habitation à proprement parler. Il donne encore à considérer qu’aucun plan n’aurait été autorisé en 1994 et qu’il serait en tout état de cause établi que la « maison de weekend » autorisée en 1994 n’aurait pas disposé d’une salle de bain, de sorte qu’elle ne saurait être considérée comme unité de logement au sens de la loi du 20 décembre 2019.

Quant à l’attestation testimoniale de Monsieur (C), celui-ci aurait simplement confirmé l’existence d’une salle de bain au moment de l’acquisition en 2000. Or, pour justifier un droit acquis, il aurait fallu que cette salle de bain ait été installée avant l’entrée en vigueur de la première loi sur la protection de la nature en 1965, faute de quoi son installation constituerait un changement d’affectation illégal de la « gloriette » en surface habitable. Pour le surplus, les matériaux utilisés et le constat du notaire à la page 8 de l’acte notarié du 4 juin 2019 prouveraient que le propre de cette construction n’aurait jamais été de servir à l’habitation mais tout au plus comme abri temporaire. Comme un changement d’affectation ne serait autorisable que si la nouvelle construction est compatible avec les affectations prévues à l’article 6 de la loi du 18 juillet 2018, et à défaut pour les appelants d’exercer une activité agricole à titre principal sur les lieux, ceux-ci ne sauraient prétendre à un changement d’affectation de la « gloriette » en maison d’habitation.

La partie étatique signale encore que tout au long de la procédure précontentieuse et contentieuse la description des travaux envisagés par les appelants serait contradictoire et qu’une consultation de la description des travaux dans la demande d’autorisation ne laisserait subsister aucun doute que ceux-ci souhaiteraient purement et simplement démolir et reconstruire des constructions et que, même à admettre qu’ils ne souhaiteraient pas démolir et reconstruire les constructions existantes, les travaux nécessaires pour cette remise en état dépasseraient largement le cadre légal d’une rénovation et seraient dès lors tout de même à traiter sous l’aspect d’une reconstruction.

Tout en renvoyant à la notion de rénovation, telle que définie à l’article 7, paragraphe (5), alinéa 4, de la loi du 18 juillet 2018, la partie étatique relève que les différentes constructions sur les lieux ne seraient plus fonctionnelles et que leur remise en état ne saurait dès lors tomber sous la définition légale de la notion de rénovation ni logiquement être autorisée comme telle. Le délégué du gouvernement renvoie dans ce contexte au plan versée avec l’autorisation de 1994, aux diverses photos contenues dans le rapport d’expertise de 2020 et aux explications contenues dans les diverses demandes d’autorisation, ensemble les plans architecturaux concernant la nouvelle construction envisagée. Il se réfère encore à l’article 7, paragraphe (6), de la loi du 18 juillet 2018 qui n’autorise pareils travaux que si leur destination est compatible avec l’affectation prévue à l’article 6 de ladite loi de 2018, tout en relevant que les appelants n’exerceraient pas pareille activité.

Finalement, le délégué du gouvernement conteste encore le prétendu cas de force majeure en estimant que l’état délabré de la « gloriette » serait dû au fait qu’elle aurait été délaissée pendant trop longtemps, ceci notamment au vu des matériaux de construction utilisés permettant de la qualifier de construction légère et au vu du rapport d’expertise de 2020 ayant révélé que seulement « la tôle ondulée a subi quant à elle une dégradation par une chute de branche (éventration toiture et mur extérieur) ».

9Il échet de relever en premier lieu qu’il n’est pas contesté que le fonds sur lequel sont projetés les travaux litigieux se trouve classé en zone verte au sens de l’article 3, point (1), de la loi du 18 juillet 2018.

A l’instar des premiers juges, il convient ensuite de rappeler que la loi du 18 juillet 2018 poursuit, tel qu’indiqué en son article 1er, les objectifs suivants : « 1° la sauvegarde du caractère, de la diversité et de l’intégrité de l’environnement naturel ; 2° la protection et la restauration des paysages et des espaces naturels, 3° la protection et la restauration des biotopes, des espèces et de leurs habitats, ainsi que des écosystèmes, 4° le maintien et l’amélioration des équilibres et de la diversité biologiques ; 5° la protection des ressources naturelles contre toutes dégradations, 6° le maintien et la restauration des services écosystémiques ; et 7° l’amélioration des structures de l’environnement naturel. ».

Pour assurer le respect de ces objectifs, le législateur a, à travers l’article 6, paragraphe (1) de la loi du 18 juillet 2018, limitativement énuméré les constructions pouvant être érigées dans la zone verte, respectivement a, à travers l’article 7 de la même loi, encadré les conditions dans lesquelles une construction existante peut subir des travaux de rénovation, de transformation ou encore d’agrandissement.

L’article 7 de la loi du 18 juillet 2018 visant les constructions existantes sises en zone verte, est libellé comme suit :

« (1) Lorsqu'une construction existante située dans la zone verte compromet le caractère d'un site, le ministre peut ordonner que son aspect extérieur soit modifié de façon qu'elle s'harmonise avec le milieu environnant.

(2) Les constructions légalement existantes situées dans la zone verte ne peuvent être rénovées ou transformées matériellement qu’avec l’autorisation du ministre. La destination est soit maintenue soit compatible avec l’affectation prévue à l’article 6.

Pour les constructions servant à l’habitation, aucune augmentation du nombre d’unités d’habitation n’est autorisée, sauf le cas du logement intégré pour les constructions servant à l’habitation au sens de l’article 6, paragraphe 2.

Les constructions agricoles couvertes par l'autorisation prévue à l'article 6, paragraphe 1er, à condition qu'elles ne changent pas de destination et ne changent pas leur aspect extérieur, ne nécessitent pas d'autorisation pour les rénovations à l'intérieur de ces constructions.

(3) Les constructions légalement existantes dans la zone verte ne peuvent être agrandies qu’avec l’autorisation du ministre et à condition que leur destination soit compatible avec l’affectation prévue à l’article 6. Aucune augmentation du nombre d’unités d’habitation n’est autorisée, sauf le cas de logement intégré pour les constructions servant à l’habitation au sens de l’article 6, paragraphe 2. Le ministre peut prescrire, en cas de demande d’augmentation de l’emprise au sol ou de la surface construite brute de la construction existante, une emprise au sol maximale ou une surface construite brute maximale du projet de construction à autoriser.

10(4) Pour les constructions situées dans la zone verte aucun changement de destination ne sera autorisé s'il n'est pas compatible avec les affectations prévues par l'article 6.

(5) Par constructions légalement existantes dans la zone verte, on entend les constructions qui ont été autorisées par le ministre et qui ont fait l'objet d'exécution conforme à toutes les autorisations délivrées par le ministre, ou qui ont été légalement érigées avant toute exigence d'autorisation du ministre, et dont tous travaux postérieurs à la première érection ont été dûment autorisés et légalement effectués.

Par destination d'une construction, on entend l'emploi déterminé de la construction dans son ensemble.

Une transformation matérielle comprend l'ensemble des travaux portant sur la distribution des locaux d'une construction, sans incidence sur l'aspect extérieur des volumes bâtis.

Une rénovation comprend les travaux consistant à remettre dans un bon état un volume bâti existant fonctionnel et peut comprendre un changement d'équipements vétustes ainsi que la modification des murs intérieurs non porteurs et de la distribution des locaux tout en maintenant l'ensemble des dalles, des murs extérieurs et de la toiture dans leurs dimensions actuelles.

Un agrandissement est une augmentation de l'emprise au sol, du volume bâti ou de la surface construite brute.

(6) Les constructions en zone verte qui ont été démolies ou démontées ne peuvent être reconstruites qu'en vertu des dispositions de la présente loi. (…) ».

L’article 6 de la même loi, intitulé « règles concernant les nouvelles constructions », auquel l’article 7 renvoie plus particulièrement en ses paragraphes (2) et (3), est libellé comme suit :

« (1) Sont conformes à l'affectation de la zone verte, des constructions ayant un lien certain et durable avec des activités d'exploitation qui sont agricoles, horticoles, maraîchères, sylvicoles, viticoles, piscicoles, apicoles, cynégétiques, ou qui comportent la gestion des surfaces proches de leur état naturel.

Seules sont autorisables les constructions indispensables à ces activités d'exploitation, Il appartient au requérant d'une autorisation de démontrer le besoin réel de la nouvelle construction en zone verte.

Ne comptent pas comme activités d'exploitation au sens de la présente loi les activités économiques sans lien avec la production de matière première, notamment la location ou le prêt à usage de bâtiments, étables ou machines à des tiers.

Les activités d’exploitation visées à l’alinéa 1er et les constructions autorisables doivent répondre aux critères suivants :

111° Les activités d’exploitation agricole, horticole, maraîchère et viticole sont opérées à titre principal au sens de la loi modifiée du 27 juin 2016 concernant le soutien au développement durable des zones rurales. (…) ».

Il convient de rappeler que le législateur n’a pas entendu préserver le paysage de toute atteinte quelconque, étant entendu que toute construction nouvelle constitue objectivement une atteinte au paysage existant. En effet, les dispositions de la loi du 18 juillet 2018 ne doivent pas être interprétées comme interdisant ipso facto tout projet qui serait de nature à affecter à court terme l’environnement existant, sous peine de paralyser toute activité humaine, mais doivent être appliquées au cas par cas, en fonction des caractéristiques propres de chaque projet ainsi que des mesures et obligations imposées à l’exploitant afin de préserver en définitive les objectifs poursuivis par la loi.

En outre, une autorisation ex post peut être délivrée et le fait d’ériger une construction en zone verte sans autorisation préalable n’implique pas automatiquement le refus de pareille autorisation.

Au contraire, du moment que la construction en question rentre dans les prévisions de la loi, une autorisation peut être délivrée par après, étant donné qu’à moyen et long terme, la persistance d’une construction non autorisée en zone verte, partant illégale, pèserait plus lourd dans la balance que la reconnaissance d’une régularisation possible dans la mesure du caractère légal intrinsèque de la construction en question au vu des prévisions de la loi3. - Le fait que le demandeur d’autorisation ait créé un fait accompli en ayant déjà réalisé la construction pour laquelle il demande, ex post, l’autorisation, n’est pas en tant que tel un empêchement à la délivrance de celle-ci, en quelque sorte par voie de régularisation, du moment que les conditions légales afférentes se trouvent remplies4.

Le litige soumis à la Cour vise diverses constructions actuellement présentes ou projetées en zone verte, et plus précisément un bâtiment principal, que les consorts (A-B) entendent utiliser comme maison d’habitation, et des constructions accessoires, à savoir un puits, une piscine, un système d’éclairage et une fosse septique.

Au vu des écrits soumis en cause, la Cour note, tel que relevé à bon escient par le délégué du gouvernement, que les appelants qualifient les travaux envisagés dans les diverses demandes tantôt de travaux de reconstruction, tantôt de travaux de rénovation, tantôt de travaux de remplacement, étant relevé que pour chaque catégorie de travaux envisagée, la loi pose comme condition préalable, aux termes de l’article 7, paragraphes (2) et (3), de la loi du 18 juillet 2018, que la construction pour laquelle ces travaux sont envisagés soit « légalement existante » d’après la définition du paragraphe (5) de ladite loi de 2018.

Il est constant en cause que l’objet de la vente, tel que se dégageant de l’acte notarié du 4 juin 2019 par lequel les consorts (A-B) ont acquis la (les) constructions litigieuse(s), est défini comme une « gloriette », c’est-à-dire un pavillon de verdure, ledit acte notarié ne mentionnant aucune autre construction.

3 Cour adm. 15 décembre 2022, n° 47610C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Environnement, n° 90 4 Cour adm. 13 avril 2014, n° 33526C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Environnement, n° 148 et autres références y citées 12Il se dégage néanmoins de la pièce intitulée « plan de situation de la parcelle (P2) » de l’Administration du cadastre et de la topographie que le terrain renseigne la présence sur les lieux de deux fosses, un puits, une piscine et une fosse septique, mise à part la construction principale.

L’acte de vente du 7 juillet 2000, par lequel les propriétaires précédents avaient acquis le terrain portant le numéro cadastral (P1), à savoir Monsieur (C) et Mademoiselle (D), définit l’objet de la vente comme une « gloriette avec place, bois et autres appartenances et dépendances », Monsieur (C) témoignant encore, dans une attestation testimoniale datée au 9 mars 2023, que le bâtiment principal était équipé d’une salle de bain avec fenêtre, électricité communale, lavabo, douche et toilette, ainsi que sur l’existence de deux poteaux d’éclairage logeant le chemin d’accès et une piscine avec éclairage et échelle d’accès en face du chalet.

L’autorisation du ministre de l’Environnement du 4 juillet 1994, quant à elle, autorise le propriétaire d’époque, Monsieur (E), à remettre en état une « maison de week-end » en exécution de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, le plan figurant actuellement au verso de ladite autorisation, daté au 1er décembre 1994, renseignant sur la présence à l’intérieur de ladite maison d’un living-cuisine et de deux chambres à coucher, ainsi que d’un « garage-outillage » annexé à la construction principale.

Ladite description du bâtiment principal semble encore correspondre dans ses grandes lignes à la description de l’immeuble tel que se dégageant du rapport d’expertise de 2020, ledit rapport ne se prononçant pas sur la présence des constructions accessoires.

Finalement, il se dégage d’une attestation testimoniale de Madame (F) qu’au courant des années 60, probablement avant l’entrée en vigueur de la première loi sur la protection de la nature en 1965, se trouvait sur la parcelle litigieuse la « maison des scouts » en bois posée sur du béton.

Au vu de cet historique, la Cour retient comme établi qu’une seule construction avait été légalement érigée sur la parcelle litigieuse avant toute exigence d’une autorisation ministérielle et que les seuls travaux de transformation dûment autorisés et légalement effectués, postérieurs à la première construction, l’ont été en vertu de l’autorisation ministérielle du 4 juillet 1994 autorisant la remise en état d’une « maison de weekend », aucune autre autorisation n’étant versée en cause pour justifier la construction d’un puits, d’une piscine, d’un système d’éclairage et de fosses septiques.

La Cour, à l’instar des premiers juges, retient dès lors que ni la piscine, ni le puits, ni le système d’éclairage et d’électricité ni les fosses septiques figurant sur le plan de situation de la parcelle (P2) n’avaient été érigés avant la première loi sur la protection de la nature du 29 juillet 1965, de sorte à ne pas pouvoir être considérés comme des constructions légalement existantes, conclusion qui se trouve encore confirmé par le constat que ces constructions accessoires n’ont pas été reprises à l’autorisation ministérielle du 4 juillet 1994.

Partant, à défaut pour les consorts (A-B) d’avoir produit des éléments de preuve suffisants établissant que ces éléments accessoires ont été construits respectivement sur base d’une autorisation ministérielle en bonne et due forme ou avant toute exigence de pareille autorisation, la Cour retient qu’ils sont à exclure du champ d’application de l’article 7, paragraphe (5), de la loi 13du 18 juillet 2018 et ne peuvent, par conséquent, ni être transformés ni rénovés ou reconstruits sans respecter la finalité inscrite à l’article 6 de ladite loi de 2018, à savoir avoir un lien certain et durable avec des activités d'exploitation qui sont agricoles, horticoles, maraîchères, sylvicoles, viticoles, piscicoles, apicoles, cynégétiques, ou qui comportent la gestion des surfaces proches de leur état naturel, condition qui, de manière non contestée, n’est pas remplie en l’espèce, de sorte que le refus est justifié à suffisance sur base de ce constat en ce qu’il concerne ces constructions accessoires.

Concernant ensuite la construction principale érigée sur le terrain litigieux, à supposer que ladite construction ait été érigée légalement, et indépendamment de la question de savoir si l’autorisation ministérielle du 4 juillet 1994 en vue de la remise en état a été exécutée à l’époque de manière conforme, la Cour constate que ladite construction existante, même si elle se trouve à l’heure actuelle dans un état délabré de nature à la rendre impropre à son utilisation en tant que maison de weekend, n’est ni détruite ni démolie et pourrait dès lors a priori être rénovée respectivement remise en état, tel que prévu à l’article 7, paragraphe (2), de la loi du 18 juillet 2018.

Cependant, à l’instar des premiers juges, la Cour relève que les travaux actuels envisagés par les appelants consistent à l’évidence en une reconstruction totale et en un agrandissement par rapport à la construction existante, étant encore rappelé que l’article 7, paragraphe (5), de la loi du 18 juillet 2018 définit pareil agrandissement comme une augmentation de l'emprise au sol, du volume bâti ou de la surface construite brute, agrandissement qui en tout état de cause ne peut se faire que si la destination de l’immeuble est conforme à l’affectation prévue à l’article 6 de la loi du 18 juillet 2018.

La Cour renvoie à ce sujet aux plans et aux simulations de photos se trouvant au dossier administratif, d’après lesquels l’immeuble projeté contient à l’intérieur un hall, un local technique, une chambre à coucher, une salle de bains, une buanderie, une cuisine et un salon avec une superficie brute de … m2, tandis que les dimensions du bâtiment existant, tel qu’autorisé à travers l’autorisation de 1994, sont de … mètres de longueur et de … mètres de largeur, soit une superficie de … m2, étant pour le surplus relevé que l’immeuble projeté prévoit encore un premier étage et dépasse partant de loin en hauteur la construction existante comprenant un seul niveau.

Pour autant que les appelants, au vu des pièces déposées, dont notamment un courrier du directeur du Service d’économie rurale du ministère de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural du 17 octobre 2022 attestant que l’exploitation agricole de Monsieur (A) est enregistrée dans le Système Intégré de Gestion et de Contrôle et un courrier du Service Sanitel de l’Administration luxembourgeoise vétérinaire et alimentaire du 1er septembre 2023 informant Monsieur (A) de l’enregistrement d’un troupeau de caprins sur la parcelle cadastrale n° (P2), entendent faire valoir qu’ils seraient des exploitants agricoles à titre principal au sens de la loi du 27 juin 2016, ce qu’ils n'ont cependant pas développé à travers leurs écrits produits à la phase contentieuse, il convient de rappeler que la légalité d’une décision administrative s’apprécie, dans le cadre d’un recours en annulation, en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise, la vérification de la matérialité des faits s’effectue, en principe, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, respectivement en fonction des éléments dont l’autorité a connaissance ou aurait dû avoir connaissance au moment où elle statue : en effet, il ne saurait être reproché à 14l’autorité administrative de ne pas avoir tenu compte d’éléments qui ne lui ont pas été présentés en temps utile5.

Or, comme les consorts (A-B) n’ont pas fait valoir à l’appui de leurs demandes d’autorisation de septembre 2020, tant pour le bâtiment principal et a fortiori pour les constructions accessoires, une argumentation visant les activités définies au paragraphe (1) de l’article 6 de la loi du 18 juillet 2018, il ne saurait être reproché à la partie étatique de ne pas avoir pris en considération ces pièces, argumentation par ailleurs non soutenue utilement à travers les requête et mémoire déposés en cause, de sorte qu’il convient de retenir qu’aucune des constructions pour lesquelles une autorisation a été sollicitée ne tombe dans le champ d’application de l’article 6, paragraphe (1), de ladite loi de 2018 auquel renvoient expressément les paragraphes (2) et (3) de l’article 7 de la loi du 18 juillet 2018 visant les hypothèses d’une rénovation, d’une transformation et d’un agrandissement d’une construction existante.

Concernant ensuite l’argumentaire des consorts (A-B) relative à la reconnaissance d’un droit acquis à pouvoir continuer à utiliser la construction litigieuse à des fins d’habitation, dans la mesure où l’article 7, paragraphe (2), de la loi du 18 juillet 2018 consacre le droit au maintien des affectations existantes, et indépendamment de la question de savoir si l’agrandissement projeté constitue in fine une augmentation prohibée du nombre d’unités d’habitation, la Cour, à l’instar du tribunal, retient que ceux-ci sont uniquement en droit de se prévaloir d’un droit acquis par rapport à la dernière affectation en date vérifiée6, c’est-à-dire que c’est la manière dont une construction a effectivement été utilisée en dernier lieu, qui est à prendre en considération.

Or, au vu de l’historique de la construction ci-dessus esquissé, la Cour retient que les consorts (A-B) sont restés en défaut de soumettre des éléments probants suffisants établissant que la bâtisse litigieuse a été affectée à l’habitation, étant rappelé sur ce point que les règles de preuve en matière administrative font porter l’essentiel du fardeau de la preuve au demandeur lorsqu’il reproche à l’autorité administrative d’avoir détourné ou abusé de ses pouvoirs7 et il ne suffit pas d’invoquer de manière générale et abstraite une prétendue illégalité, mais il incombe au demandeur d’apporter au tribunal des éléments suffisamment précis et documentés dans la mesure du possible afin que ce dernier soit mis en mesure d’apprécier de la manière la plus exacte le bien-fondé du moyen avancé. Pour le surplus, il convient de noter qu’il se dégage tout au plus du dossier que la construction litigeuse était autorisée en tant que maison de weekend, qui par définition n’est pas destinée à un séjour prolongé de personnes sous le couvert d’une autorisation de résidence communale, telle une maison d’habitation classique, fait qui se trouve encore confirmé par le fait que le ministre de l’Environnement de l’époque avait autorisé en 1994 la remise en état de la maison de weekend uniquement sous la condition que les dimensions initiales ne soient pas dépassées, ainsi que du rapport d’expertise de 2020 d’après lequel le bâtiment présente des défaillances majeures de nature à le rendre impropre à son utilisation en tant que maison de weekend et donc a fortiori comme maison d’habitation.

5 Cour adm. 10 décembre 2013, n° 32970C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 24 et autres références y citées 6 Cour adm., 22 mai 2012, n° 29830C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Environnement, n° 120 7 Cour adm. 5 novembre 2019, n° 42997C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 862 et autres références y citées 15Il s’ensuit que les consorts (A-B) ne sauraient faire valoir un droit acquis à pouvoir continuer à utiliser la construction projetée à des fins d’habitation.

Finalement, c’est encore à bon escient que le délégué du gouvernement relève que les consorts (A-B) ne sauraient faire valoir respectivement un cas fortuit ou un cas de force majeure afin de prospérer dans leur demande, étant donné que, d’une part, leur demande ne vise de toute façon pas à replacer le bâtiment litigieux dans le même état qu’avant la prétendue chute d’un arbre ayant apparemment occasionné l’éventration de la toiture et d’un mur extérieur et, d’autre part, en l’état actuel, le bâtiment en général présente des défaillances majeures le rendant dans son intégralité impropre à son utilisation, état délabré dû pour l’essentiel à la fragilisation des matériaux utilisés au moment de sa construction, tel que cela se dégage encore du rapport d’expertise de 2020.

Quant à la question préjudicielle suggérée au dispositif de la requête d’appel, formulée en des termes extrêmement vagues en ce qu’elle vise à voir déclarer inconstitutionnel l’article 7 de la loi du 18 juillet 2018 dans son ensemble, celle-ci est à rejeter pour manquer de pertinence, de sorte que la Cour est dispensée de saisir la Cour constitutionnelle avec la question préjudicielle proposée par les appelants, en application des dispositions de l’article 6, alinéa 2, point c), de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle.

En effet, les différentes restrictions imposées par l’article 7 de la loi du 18 juillet 2018 ne privent nullement un propriétaire d’une construction existante des attributs de son droit de propriété sur un immeuble acquis situé en zone verte, mais il garantit un équilibre juste et adéquat entre les exigences découlant de l’ancien article 11bis de la Constitution [actuel article 41 de la Constitution révisée] prévoyant que l’Etat garantit la protection de l’environnement humain et naturel, en œuvrant à l’établissement d’un équilibre durable entre la conservation de la nature, en particulier sa capacité de renouvellement, et la satisfaction des besoins des générations présentes et futures, d’un côté, et celle de son article 16 [actuel article 36 de la Constitution révisée] prévoyant la protection du droit de propriété, de l’autre côté8, étant encore relevé dans ce contexte que dans l’acte notarié du 4 juin 2019, l’attention des appelants avait été spécialement attirée sur les restrictions législatives de construction sur les terrains par eux acquis au vu de la situation de l’immeuble en zone verte.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel n’est pas fondé et que le jugement entrepris est à confirmer.

Au vu de l’issue du litige, les demandes en allocation d’une indemnité de procédure de 5.000 euros pour la première instance et de 5.000 euros pour l’instance d’appel, telles que formulées par les appelants, sont à rejeter.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

8 Cour adm. 21 juin 2016, n° 37592C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Lois et règlements, n° 42 16reçoit l’appel du 15 mars 2024 en la forme ;

au fond, le dit non fondé et en déboute les appelants ;

partant, confirme le jugement entrepris du 7 février 2024 ;

rejette les demandes des appelants en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne les appelants aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.

s. SCHINTGEN s. CAMPILL 17


Synthèse
Numéro d'arrêt : 50204C
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-07-04;50204c ?

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