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04/07/2024 | LUXEMBOURG | N°50155C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 04 juillet 2024, 50155C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 50155C ECLI:LU:CADM:2024:50155 Inscrit le 7 mars 2024 Audience publique du 4 juillet 2024 Appel formé par l’administration communale de Leudelange, Leudelange, contre un jugement du tribunal administratif du 29 janvier 2024 (n° 47155 du rôle) ayant statué par rapport à un recours de la société à responsabilité limitée (A), …, contre une décision du bourgmestre de la commune de Leudelange en présence de Madame (B), …, en matière de droit de préemption Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 50155C du

rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 7 mars 2024 par Ma...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 50155C ECLI:LU:CADM:2024:50155 Inscrit le 7 mars 2024 Audience publique du 4 juillet 2024 Appel formé par l’administration communale de Leudelange, Leudelange, contre un jugement du tribunal administratif du 29 janvier 2024 (n° 47155 du rôle) ayant statué par rapport à un recours de la société à responsabilité limitée (A), …, contre une décision du bourgmestre de la commune de Leudelange en présence de Madame (B), …, en matière de droit de préemption Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 50155C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 7 mars 2024 par Maître Anne-Laure JABIN, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Leudelange, représentée par son collège des bourgmestre et échevins en fonctions, ayant sa maison communale à L-3361 Leudelange, 5, place des Martyrs, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 29 janvier 2024 (n° 47155 du rôle), ayant déclaré recevable et fondé le recours en annulation de la société à responsabilité limitée (A), en abrégé « (A) », établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant en fonctions, dirigé contre la décision du conseil communal de Leudelange du 9 juillet 2021 portant décision d’exercer son droit de préemption par rapport à un terrain à bâtir situé à Leudelange, …, inscrit au cadastre de la commune de Leudelange, section A de Leudelange, sous le numéro (P1), d’une contenance de … ares, … centiares, communiquée à ladite société en date du 13 décembre 2021, de manière à annuler cette décision et renvoyer le dossier en prosécution de cause devant l’autorité compétente avec condamnation de l’administration communale de Leudelange au paiement d’une indemnité de procédure de 5.000.- € à la société (A), ainsi qu’aux frais et dépens de l’instance ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Marine HAAGEN, en remplacement de l’huissier de justice Nadine, dite Nanou TAPELLA, les deux demeurant à Esch-sur-Alzette, immatriculées près du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, du 11 mars 2024 portant signification de cette requête d’appel à Madame (B), demeurant à L-… ;

1Vu l’exploit de l’huissier de justice Patrick MULLER, demeurant à Diekirch, immatriculé près du tribunal d’arrondissement de et à Diekirch, du 15 mars 2024, portant signification de cette requête d’appel à la société à responsabilité limitée (A), préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 12 avril 2024 par la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES S.A., inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2146 Luxembourg, 63-65, rue de Merl, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B240929, représentée par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, au nom de la société à responsabilité limitée (A), préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 13 mai 2024 par Maître Anne-Laure JABIN, au nom de l’appelante ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 13 juin 2024 par Maître Georges KRIEGER, au nom de la société à responsabilité limitée (A), préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maîtres Anne-Laure JABIN et Sébastien COUVREUR, en remplacement de Maître Georges KRIEGER, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 27 juin 2024.

En date du 24 février 2021, la société à responsabilité limité (A), ci-après « la société (A) », signa un compromis de vente portant sur une parcelle, sise à Leudelange, rue de la Montée, inscrit au cadastre de la commune de Leudelange, ci-après « la commune », section A de Leudelange, sous le numéro (P1), ci-après « la parcelle (P1)», avec Madame (B) en tant que partie venderesse.

Par courrier du 10 mars 2021, Maître Mireille HAMES, notaire instrumentant, de résidence à Mersch, s’enquit auprès de la commune afin de savoir si la parcelle est située en zone constructible et si elle est dotée de toute l’infrastructure nécessaire et si la commune désirait exécuter ou non son droit de préemption.

Lors de la séance du 2 avril 2021, le conseil communal de Leudelange, ci-après le « conseil communal », siégeant à huis clos, décida d’exercer son droit de préemption concernant la parcelle, l’extrait de cette délibération étant libellé comme suit :

« (…) Considérant qu’il appartient au Conseil communal de prendre les décisions relatives aux actes de disposition des biens de la commune dont l’exercice du droit de préemption fait partie ;

Considérant que le Conseil communal a décidé unanimement en séance du 30 mars 2021 de convoquer le 2 avril 2021 une réunion d’urgence du Conseil communal afin de pouvoir 2délibérer dans les délais impartis sur la présente demande de préemption et que partant l’urgence est invoquée ;

Vu le décret du 14 décembre 1789 relatif à la constitution des municipalités ;

Vu le décret des 16-24 août 1790 sur l’organisation judiciaire ;

Vu la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse – PANC ;

Vu le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes ;

Vu la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain ;

Vu la loi modifiée du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire ;

Vu la loi du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles ;

Vu la loi du 22 octobre 2008 portant promotion de l’habitat dite « Loi Pacte logement », modifiée par la loi du 03 mars 2017 dite « Omnibus » ;

Vu les circulaires ministérielles no. 3897 du 2 septembre 2020 concernant la loi Pacte logement, droit de préemption des communes – jugement du tribunal administratif du 22 juillet 2020 et no. 3951 du 19 janvier 2021 concernant la loi Pacte logement, droit de préemption des communes – arrêt de la Cour administrative du 5 janvier 2021 ;

Vu la demande du droit de préemption telle que reproduite ci-dessous ;

Vu la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ; (…) décide à l’unanimité des voix de réaliser un projet de logements à caractère social sur le terrain en question. (…) ».

Par une note manuscrite portant la date du 8 avril 2021, le secrétaire communal informa Maître HAMES que la commune désirerait faire usage de son droit de préemption et qu’un courrier avec la décision officielle du conseil communal suivrait.

L’acte de vente entre Madame (B) et la commune fut signé en date du 30 avril 2021.

3En sa séance du même jour, le collège des bourgmestre et échevins de la commune de Leudelange prit la délibération libellée comme suit :

« (…) Vu la décision du Conseil communal du 2 avril 2021 de faire usage de son droit de préemption et de réaliser un projet de logements à caractère social sur le terrain en question ;

Considérant que le Collège des bourgmestre et échevins entend affecter le terrain préqualifié à la construction de logement répondant aux critères sociaux ;

Vu la loi du 22 octobre 2008 portant promotion de l’habitat, dite « Loi Pacte logement », modifiée par la loi du 03 mars 2017 dite « Omnibus » ;

Vu la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Décide à l’unanimité des voix • de prendre contact avec l’Agence Immobilière Sociale AIS pour élaborer un projet de logement sur le terrain, • de vouloir conserver un droit de regard sur la forme et sur l’aspect esthétique des logements à construire, • d’élaborer un règlement pour définir les personnes cibles qui peuvent entrer en bénéfice des logements ainsi construits (…) ».

Il ressort d’un jugement non appelé rendu en date du 29 janvier 2024, inscrit sous le numéro 48270 du rôle, que par délibération du 11 mai 2021, le conseil communal approuva l’acte de vente, précité.

Par courriers séparés du 24 juin 2021, la commune informa Madame (B) ainsi que la société (A) de la décision du 2 avril 2021 tout en les priant de prendre position sur ladite décision dans un délai de 8 jours.

Par requête déposée le 2 juillet 2021, inscrite sous le numéro 46194 du rôle, la société (A) fit introduire un recours en annulation à l’encontre de la « délibération du conseil communal de Leudelange, qui aurait été rendue lors de sa séance du 2 avril 2021, par laquelle il a décidé d'exercer son droit de préemption concernant un terrain à bâtir situé à Leudelange, rue de la Montée, et inscrit au cadastre de la commune de Leudelange, section A de Leudelange, sous le numéro (P1), d'une contenance de … a … ca. » et « pour autant que de besoin, [de] la « décision du collège échevinal » de Leudelange du 8 avril 2021, par laquelle il confirme au notaire que la commune entend exercer son droit de préemption ».

Par jugement du 29 janvier 2024 (n° 46194 du rôle), le tribunal déclara ce recours irrecevable en tant que dirigé contre l’écrit communal du 8 avril 2021 pour absence de décision administrative faisant grief et le déclara sans objet concernant la délibération communale du 2 avril 2021.

4 L’appel introduit par la société (A) contre ce jugement est toisé par arrêt parallèle de ce jour (n° 50161C du rôle).

Par courrier de son mandataire du 2 juillet 2021, la société (A) s’adressa à la commune en observant que tant que le conseil communal ne procéderait pas au retrait de sa décision du 2 avril 2021, il serait inutile de réaliser ex post une procédure d’information des parties.

Lors de la séance du 9 juillet 2021, le conseil communal décida, à nouveau, d’exercer son droit de préemption concernant la parcelle (P1), l’extrait de cette délibération étant libellé comme suit :

« (…) Considérant qu'il appartient au Conseil communal de prendre les décisions relatives aux actes de disposition des biens de la commune dont l'exercice du droit de préemption fait partie ;

Vu le décret du 14 décembre 1789 relatif à la constitution des municipalités ;

Vu le décret des 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire ;

Vu la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse -

PANC ;

Vu le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes ;

Vu la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain ;

Vu la loi modifiée du 17 avril 2018 concernant l'aménagement du territoire ;

Vu la loi du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles ;

Vu la loi du 22 octobre 2008 portant promotion de l'habitat, dite « Loi Pacte logement », modifiée par la loi du 03 mars 2017 dite « Omnibus » ;

Vu les circulaires ministérielles no. 3897 du 2 septembre 2020 concernant la loi Pacte logement, droit de préemption des communes — jugement du tribunal administratif du 22 juillet 2020 et no. 3951 du 19 janvier 2021 concernant la loi Pacte logement, droit de préemption des communes — arrêt de la Cour administrative du 5 janvier 2021 ;

Vu la demande du droit de préemption telle que reproduite ci-dessous ;

Considérant que par courrier recommandé daté du 10 mars 2021 et reçu le 11 mars 2021 le notaire Maître Mireille HAMES, de résidence à Mersch, a demandé, conformément à l'article 8 5de la prédite loi modifiée du 22 octobre 2008, si la commune entendait exercer son droit de préemption concernant une parcelle inscrite au cadastre de la commune, section A de Leudelange, au lieu-dit « … », place, sous le numéro (P1) d'une surface de … ares ;

Considérant que suivant délibérations du 2 avril 2021, tenues à huis clos, le conseil communal a reconnu vouloir faire usage du prédit droit de préemption aux fins de construction de logements à coût modéré ;

Considérant que la commune a, par courrier du 8 avril 2021, accusé réception de la demande et informé le notaire Maître Mireille HAMES de ce que la commune désire faire usage de son droit de préemption ;

Considérant que par courrier recommandé avec accusé de réception du 24 juin 2021 et par télécopie du même jour réceptionnée le 25 juin 2021, le collège des bourgmestre et échevins a fait part de son intention à la société (A), en abrégé (A), de vouloir exercer son droit de préemption et a demandé à recevoir les observations éventuelles endéans huit jours ; Copie de ce courrier a été adressé à son mandataire ;

Considérant que par courrier recommandé avec accusé de réception du 24 juin 2021, le collège des bourgmestre et échevins a fait part de son intention à Madame (B) de vouloir exercer son droit de préemption et a demandé à recevoir les observations éventuelles endéans huit jours ;

Considérant que Madame Simone (B) a, par courrier du 29 juin 2021, répondu qu'elle est favorable à l'exercice du droit de préemption pour la commune et si possible avec déclaration d'utilité publique ;

Considérant que la société (A), en abrégé (A), n'a pas adressé d'observations endéans le délai de huit jours ;

Considérant que le mandataire de la société (A), en abrégé (A), a par courrier du 2 juillet 2021, demandé à être entendu quant à ses observations pour le compte de sa mandante ;

Considérant que par courrier du 7 juillet 2021, le collège des bourgmestre et échevins a répondu au mandataire de la société (A), en abrégé (A), que sa demande était tardive et partant qu'il était forclos à être entendu ;

Considérant que la parcelle ici en cause n°(P1) est classée selon le plan d'aménagement général actuellement en vigueur en zone d'habitation 1 (HAB-1) superposée d'un plan d'aménagement particulier Quartier Existant, Considérant les explications du collège des bourgmestre et échevins au conseil communal lors de la séance tenue à huis clos du 2 avril 2021 concernant un projet d'utilité publique sur des parcelles adjacentes ;

6Considérant qu'au vu des prédites explications du collège des bourgmestre et échevins, l'acquisition de la parcelle ici en cause n°(P1) est indispensable à la création d'un projet d'envergure de logements à coût modéré ;

Considérant la pénurie de logements à coût modéré au sein de la commune ;

Considérant les incitations gouvernementales, notamment par le projet de loi Pacte logement 2.0 quant à la réalisation de logements à coût modéré par les communes aux fins d'offrir des logements abordables ;

Vu la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

décide à l'unanimité des voix (1) d'exercer le droit de préemption sur la parcelle n°(P1) aux fins de réaliser un projet de logements accessibles pour des personnes économiquement plus faibles sur la parcelle en question ;

(2) de transmettre la présente délibération aux fins d'approbation par la ministre de l'Intérieur ;

(3) de charger le collège des bourgmestre et échevins de l'exécution de la présente décision ;

La présente délibération remplace la délibération du 2 avril 2021. (…) ».

Par courrier de son mandataire du 6 octobre 2021 adressé à Maître HAMES, au collège échevinal et au ministre de l’Intérieur, ci-après « le ministre », la société (A) sollicita la communication de « la nouvelle décision du conseil communal portant exercice du droit de préemption », de « la décision du conseil communal portant approbation de l’acte notarié » et de « la décision d’approbation de la ministre de l’Intérieur par rapport à cet acte notarié ».

Par décision du 25 octobre 2021, le ministre approuva les délibérations du conseil communal des 2 avril et 11 mai 2021. Ladite décision est libellée comme suit :

« Retourné à l’administration communale de Leudelange avec l’information que j’approuve les délibérations émargées du conseil communal portant sur l’exercice du droit de préemption sur la parcelle n°(P1) sise à Leudelange au lieu-dit « … », respectivement portant approbation de l’acte de vente n°…du 30 avril 2021.

Etant donné que la délibération émargée du 2 avril 2021 fut prise à huis clos, je tiens à attirer l’attention des autorités communales sur l’article 21 de la loi communale du 13 décembre 1988 telle que modifiée, qui dispose ce qui suit :

7« Les séances du conseil communal sont publiques. Toutefois, pour des considérations d’ordre public ou à cause d’inconvénients graves, le conseil, à la majorité des deux tiers des membres présents, peut décider, par délibération motivée, que la séance est tenue à huis clos. » Or, il échet de constater que les autorités communales n’invoquent aucun des motifs précités justifiant la tenue de la délibération à huis clos.

En outre, dans la mesure où la décision de préempter constitue un acte administratif détachable du contrat de vente, je me permets d’attirer l’attention des autorités communales sur l’application de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, qui prévoit ce qui suit :

« Sauf s’il y a péril en la demeure, l’autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d’office pour l’avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, ou qui se propose de prendre une décision en dehors d’une initiative de la partie concerne, doit informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l’amènent à agir (…) ». (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 mars 2022, inscrite sous le numéro 47155 du rôle, la société (A) fit introduire un recours en annulation à l’encontre de la « délibération du conseil communal de Leudelange, rendue lors de sa séance du 9 juillet 2021, par laquelle la commune a décidé d'exercer « son droit de préemption » pour un terrain à bâtir situé à Leudelange, …, et inscrit au cadastre de la commune de Leudelange, section A de Leudelange, sous le numéro (P1), d'une contenance de … a … ca ; décision communiquée à la requérante en date du 13 décembre 2021 ».

Par jugement du 29 janvier 2024 (n° 47155 du rôle), le tribunal déclara ce recours recevable et fondé, de manière à annuler la délibération communale litigieuse du 9 juillet 2021 et renvoyer l’affaire devant l’autorité compétente, tout en condamnant l’administration communale de Leudelange à payer à la société (A) une indemnité de procédure de 5.000.- €, ainsi qu’au paiement des frais et dépens de l’instance.

Après avoir constaté que déjà en date du 30 avril 2021, l’acte notarié entre Madame (B) et l’administration communale de Leudelange avait été passé par rapport au terrain litigieux, sans que la société (A) n’en eût été informée et qu’ainsi cette société demanderesse avait été amputée de toute possibilité de faire valoir ses observations, préalablement à la signature de l’acte authentique, n’ayant été officiellement informée de l’exercice par la commune de son droit de préemption qu’en date du 24 juin 2021, le tribunal conclut à une violation des dispositions de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », et cela indépendamment de la question de savoir si la société (A) avait introduit ses observations dans le délai de huit jours, voire demandé à être entendue en personne dans ce délai.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 7 mars 2024, la commune de Leudelange a fait entreprendre le jugement précité du 29 janvier 2024 dont elle sollicite la réformation, dans le sens de voir déclarer le recours initial de la société (A) non fondé 8et de l’en voir débouter sous tous ces chefs avec décharge pour la commune de la condamnation à une indemnité de procédure de 5.000.- € et condamnation de la société (A) aux frais et dépens.

La société (A) déclare ignorer si la requête d’appel a été signifiée dans le mois de son dépôt à Madame (B), présente en première instance, et sollicite la caducité de l’appel y relativement.

La requête d’appel ayant été signifiée à Madame (B) par exploit d’huissier du 15 mars 2024, ce moyen est devenu sans objet.

En second lieu, la société (A) déclare ignorer la date du dépôt au greffe de l’acte d’appel et remet en cause, sous réserve de vérification, la recevabilité ratione temporis de l’appel.

La requête d’appel ayant été déposée au greffe de la Cour administrative le 7 mars 2024 et le jugement dont appel datant du 29 janvier 2024, il y a lieu de retenir, sans préjudice quant à la date de notification, que ce dépôt est intervenu dans les 40 jours du prononcé et que la question de la tardiveté ne se pose dès lors pas.

A l’appui de son appel, la commune plaide tout d’abord l’absence d’interconnexion de la délibération litigieuse du 9 juillet 2021 avec l’acte notarié du 30 avril 2021. Elle estime que la délibération en question a remplacé celle du 2 avril 2021 à la base de l’acte du 30 avril 2021 en ce que la commune, à travers sa démarche initiée le 14 juin 2021, avait entendu engager la procédure dans le respect des dispositions de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 et que la seule procédure à prendre en considération serait la deuxième ainsi entamée.

La commune estime que les conditions et exigences de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 restaient remplies et reproche au jugement dont appel plusieurs contradictions et erreurs manifestes d’appréciation.

En substance et par réformation dudit jugement, elle demande à voir déclarer non fondé le recours initial en annulation de l’intimée dirigé à l’encontre de ladite délibération du 9 juillet 2021.

De son côté, la partie intimée sollicite la confirmation du jugement dont appel, sinon de la solution d’annulation de la délibération communale du 9 juillet 2021 y dégagée par substitution de motifs.

L’intimée estime qu’il n’était plus possible pour la commune, dans les conditions données, d’effectuer la procédure prévue par l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, les délais prévus par la loi modifiée du 22 octobre 2008 portant promotion de l’habitat et création d’un pacte logement avec les communes, ci-après « la loi du 22 octobre 2008 », dite « Pacte logement », ayant été écoulés et la procédure en question ne s’envisageant plus une fois que la commune avait conclu l’acte notarié de vente sur préemption et que son conseil communal l’avait approuvé sans même que les autorités communales, le 14 juin 2021, n’en dévoilent l’existence, ni a fortiori déclarent le cas échéant revenir sur les actes ainsi posés.

La question première qui se pose en l’occurrence est celle de savoir si à la date du 14 juin 2021, la commune a pu rouvrir la procédure d’exercice du droit de préemption par rapport aux 9terrains ayant fait l’objet du compromis de vente conclu entre l’intimée et Madame (B) dans le cas de figure spécifique de l’espèce où l’acte de vente sur exercice du droit de préemption par la délibération du 2 avril 2021 avait été conclu devant notaire le 30 avril 2021 et approuvé par le conseil communal le 11 mai 2021.

La Cour voudrait souligner tout d’abord que les formalités de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 sont essentielles pour que les parties intéressées au compromis et particulièrement l’acquéreur, qui risque d’être évincé en cas d’exercice du droit de préemption, puissent faire valoir leurs droits et observations.

Tant que la situation n’est pas figée par un acte de vente authentique, elle peut s’analyser en situation open end et s’il avait été oublié, sans fraude, d’opérer la procédure prévue par l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, une régularisation de la procédure pourrait toujours être opérée, à condition que toutes les voies restent ouvertes et que la participation des parties intéressées, dont particulièrement l’acquéreur potentiellement évincé, puisse encore éventuellement changer le cours des choses.

En effet, la procédure prévue par l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 présuppose que les dés ne soient pas déjà jetés, que la situation ne soit pas encore figée et que les observations des parties intéressées puissent encore apporter un changement à celle-ci.

Or, à partir du moment où en matière d’exercice du droit de préemption l’acte notarié de vente sur préemption est passé et qu’en plus, le conseil communal l’a approuvé, la situation se trouve normalement figée.

Tel est par excellence le cas lorsque l’autorité communale qui initie la procédure de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, sur passation de l’acte notarié et approbation par le conseil communal, ne dévoile pas aux parties intéressées l’existence de ces acte et délibération d’approbation.

Tel est précisément le cas d’espèce.

Il est éminemment patent que l’exigence d’open end à la base de la procédure prévue par l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ne se trouvait pas vérifiée.

Tel aurait pu être le cas, si les autorités communales avaient joué cartes sur table et avaient déclaré le 14 juin 2021 avoir l’intention ferme de revenir sur leurs actes et décisions antérieures et auraient sincèrement rendu possible un changement de décision éventuel à condition alors de se trouver en présence d’éléments de participation pertinents produits par les parties intéressées, dont plus particulièrement l’acquéreuse potentiellement évincée.

Dès lors, dès ce constat, il devient patent dans la situation donnée de l’espèce qu’une « régularisation » n’était pas possible et qu’une procédure sur base de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ne s’envisageait plus, de sorte qu’au-delà de toutes autres considérations tirées notamment du défaut de respect du délai prévu par la loi du 22 octobre 2008, voire de la tardiveté non vérifiée de la prise de position de l’intimée, la délibération communale 10du 9 juillet 2021 est privée de base légale et encourt effectivement l’annulation, certes pour d’autres motifs.

Dans l’hypothèse vérifiée en l’espèce où ladite acquéreuse n’avait pas d’observations à formuler de nature à faire changer le cours des choses et à influer utilement sur la décision d’exercice du droit de préemption de la commune, tel que retenu dans l’arrêt parallèle de ce jour (n° 50161C du rôle), la procédure de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, si elle avait été réellement poursuivie, ce serait révélée être sans résultat effectif et une réitération de cette procédure aurait pour le moins été stérile.

L’objet de l’appel se trouve de la sorte résorbé et l’analyse des autres moyens proposés de part et d’autre est devenue surabondante.

La commune appelante sollicite la condamnation de l’intimée au paiement d’une indemnité de procédure de 5.000.- €.

Eu égard à l’issue du litige, cette demande est à rejeter.

De son côté, l’intimée sollicite la condamnation de la commune de Leudelange au paiement d’une indemnité de procédure de 5.000.-€ pour l’instance d’appel, au motif qu’il serait manifestement inéquitable de laisser à sa seule charge les frais et dépens exposés pour faire valoir ses droits devant la Cour administrative, dans notamment les frais et honoraires d’avocats.

Eu égard à l’issue du litige, cette demande est fondée en son principe.

Compte tenu des circonstances particulières de l’espèce et de la façon de procéder éminemment peu respectueuse des droits de l’intimée dénotée par la démarche communale du 14 juin 2021 consistant à ne point dévoiler l’essentiel, c’est-à-dire la passation de l’acte notarié et l’approbation afférente par le conseil communal le 11 mai 2021, la Cour estime ex aequo et bono d’allouer à la partie intimée le montant par elle réclamé de 5.000.- € à titre d’indemnité de procédure pour l’instance d’appel.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

déclare l’appel recevable ;

au fond, le dit non justifié ;

confirme le jugement dont appel pour d’autres motifs ;

condamne l’administration communale de Leudelange à payer à la partie intimée une indemnité de procédure de 5.000.- € pour l’instance d’appel.

11fait masse des dépens des deux instances et les impose à l’administration communale de Leudelange.

Ainsi délibéré et jugé par :

Francis DELAPORTE, président, Henri CAMPILL, vice-président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, et lu par le président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.

s. SCHINTGEN s. DELAPORTE 12


Synthèse
Numéro d'arrêt : 50155C
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-07-04;50155c ?

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