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04/07/2024 | LUXEMBOURG | N°117/24

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 04 juillet 2024, 117/24


N° 117 / 2024 du 04.07.2024 Numéro CAS-2023-00159 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quatre juillet deux mille vingt-quatre.

Composition :

Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Anne MEYERS, conseiller à la Cour d’appel, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre 1) PERSONNE1.), et 2) PERSONNE2.), les deux demeurant à B-AD

RESSE1.), demandeurs en cassation, comparant par Maître François MOYSE, avocat ...

N° 117 / 2024 du 04.07.2024 Numéro CAS-2023-00159 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quatre juillet deux mille vingt-quatre.

Composition :

Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Anne MEYERS, conseiller à la Cour d’appel, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre 1) PERSONNE1.), et 2) PERSONNE2.), les deux demeurant à B-ADRESSE1.), demandeurs en cassation, comparant par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et la société anonyme SOCIETE1.) (ADRESSE2.)), (anciennement dénommée SOCIETE2.) S.A.), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE3.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), défenderesse en cassation, comparant par Maître Nicolas THIELTGEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

___________________________________________________________________

Vu l’arrêt attaqué numéro 136/23 IV-COM rendu le 4 juillet 2023 sous le numéro CAL-2022-00208 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, quatrième chambre, siégeant en matière commerciale ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 6 octobre 2023 par PERSONNE1.) et PERSONNE2.) à la société anonyme SOCIETE1.) (ADRESSE2.)), (ci-après « la société SOCIETE1.) »), déposé le 10 octobre 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 4 décembre 2023 par la société SOCIETE1.) à PERSONNE1.) et à PERSONNE2.), déposé le 5 décembre 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions de l’avocat général Nathalie HILGERT.

Sur la recevabilité du pourvoi La défenderesse en cassation soulève l’irrecevabilité du pourvoi pour défaut d’indication des dispositions attaquées de l’arrêt.

Ayant reproduit l’intégralité du dispositif de l’arrêt attaqué pour ensuite indiquer que « [l]e pourvoi est formé contre l’ensemble de la décision rendue … », les demandeurs en cassation ont satisfait à l’obligation légale de préciser les dispositions attaquées.

Il s’ensuit que le pourvoi, introduit dans les forme et délai de la loi, est recevable.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière commerciale, avait débouté les demandeurs en cassation de leur demande en remboursement d’un certain montant payé au titre d’une indemnité de remploi suite au remboursement anticipé d’un emprunt immobilier à taux fixe. La Cour d’appel a confirmé ce jugement.

2Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 109 de la Constitution (anc. Article 89) pour défaut de motifs, plus particulièrement de l’absence de réponse à conclusions et de la contrariété de motifs, valant absence de motifs, subsidiairement de la violation de l’article 6 paragraphe 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, et plus subsidiairement du défaut de base légale, en ce que l’arrêt attaqué, bien que retenant que la demande de réformation tendait, à entendre , a omis de prendre position quant à l’inopposabilité de l’indemnité de remploi aux époux GROUPE1.) sur la base du droit de l’Union Européenne, ce qui constitue manifestement une absence de réponse à conclusions. ».

Réponse de la Cour Sur le moyen pris en son fondement principal, considéré comme première branche Il résulte des développements consacrés au moyen que les demandeurs en cassation font grief aux juges d’appel de ne pas avoir répondu à un moyen tiré de la contrariété de la clause portant sur l’indemnité de remploi en cas de remboursement prématuré de l’emprunt immobilier au principe d’égalité de traitement consacré par le droit de l’Union européenne.

Le moyen qui requiert réponse se conçoit comme étant l’énonciation par une partie d’un fait, d’un acte ou d’un texte, d’où, par un raisonnement juridique, elle prétend déduire le bien-fondé d’une demande ou d’une défense.

Il ne résulte pas des actes de procédure auxquels la Cour peut avoir égard que la demande des demandeurs en cassation formulée au dispositif de leurs conclusions d’appel de « dire et juger que la clause prévoyant l’indemnité de remploi est contraire au principe d’égalité de traitement du Droit de l’Union Européenne, et de ce fait inopposable aux époux GROUPE1.) » ait été soutenue par un raisonnement juridique.

Ce volet de leurs conclusions ne nécessitait partant pas réponse de la part des juges d’appel.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé en sa première branche.

Sur le moyen pris en son fondement subsidiaire, considéré comme deuxième branche 3Il résulte de la réponse donnée à la première branche que les juges d’appel n’avaient pas à répondre à la sollicitation de « dire et juger que la clause prévoyant l’indemnité de remploi est contraire au principe d’égalité de traitement du Droit de l’Union Européenne, et de ce fait inopposable aux époux GROUPE1.) ».

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé en sa deuxième branche.

Sur le moyen pris en son fondement plus subsidiaire, considéré comme troisième branche Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen doit, sous peine d’irrecevabilité, préciser le cas d’ouverture invoqué.

Le défaut de base légale constitue un moyen de fond qui doit être rattaché à une disposition prétendument violée du fait que la décision attaquée ne constate pas tous les faits nécessaires à la mise en œuvre de cette règle de droit.

Les demandeurs en cassation restent en défaut d’indiquer la disposition légale prétendument visée.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable en sa troisième branche.

Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 109 de la Constitution (anc. Article 89) pour défaut de motifs, plus particulièrement de l’absence de réponse à conclusions et de la contrariété de motifs, valant absence de motifs, subsidiairement de la violation de l’article 6 paragraphe 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, et plus subsidiairement du défaut de base légale, en ce que l’arrêt attaqué, tout en considérant que de réclamer une indemnité de remploi, destinée à réparer le dommage subi par elle », s’est approprié les motifs du tribunal pour écarter la demande des époux GROUPE1.) d’évaluation des dommages subis par la Banque au motif que , ce qui constitue une contrariété de motifs, valant absence de motifs. ».

4Réponse de la Cour Sur le moyen pris en son fondement principal, considéré comme première branche Il résulte des développements consacrés au moyen que les demandeurs en cassation font grief aux juges d’appel d’avoir statué par des motifs contradictoires en ayant retenu d’une part, à bon droit, que l’indemnité de remploi était destinée à réparer un préjudice subi dans le chef de la défenderesse en cassation, et d’autre part, erronément, que la défenderesse en cassation n’avait pas à justifier de son préjudice pour pouvoir se voir allouer l’intégralité de la clause pénale stipulée au contrat.

Le grief tiré de la contradiction de motifs, équivalant à un défaut de motifs, ne peut être retenu que si les motifs incriminés sont contradictoires à un point tel qu’ils se détruisent et s’annihilent réciproquement, aucun ne pouvant être retenu comme fondement de la décision.

En retenant, d’une part, dans le cadre de l’analyse de l’opposabilité de la clause portant sur l’indemnité de remploi, que les clauses contractuelles mettaient la défenderesse en cassation en droit de réclamer une indemnité de remploi destinée à réparer le dommage par elle subi aux fins de se refinancer suite au remboursement anticipé de l’emprunt immobilier, et d’autre part, dans le cadre de l’examen du montant de l’indemnité de remploi, que les demandeurs en cassation ne justifiaient pas sur quelle base légale ou contractuelle la défenderesse en cassation devait rapporter la preuve de son dommage, sans qualifier la clause contractuelle portant sur l’indemnité de remploi de clause pénale, les juges d’appel ne se sont pas contredits.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé en sa première branche.

Sur le moyen pris en son fondement subsidiaire, considéré comme deuxième branche Il résulte de la réponse donnée à la première branche que les juges d’appel ne se sont pas contredits.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé en sa deuxième branche.

Sur le moyen pris en son fondement plus subsidiaire, considéré comme troisième branche Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen doit, sous peine d’irrecevabilité, préciser le cas d’ouverture invoqué.

Le défaut de base légale constitue un moyen de fond qui doit être rattaché à une disposition prétendument violée du fait que la décision attaquée ne constate pas tous les faits nécessaires à la mise en œuvre de cette règle de droit.

Les demandeurs en cassation restent en défaut d’indiquer la disposition légale prétendument visée.

5 Il s’ensuit que le moyen est irrecevable en sa troisième branche.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation du Code de la consommation et plus particulièrement de son article L.211-2 qui prévoit : (1) Dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur, toute clause ou toute combinaison de clauses qui entraîne dans le contrat un déséquilibre des droits et obligations au préjudice du consommateur est abusive et, comme telle, réputée nulle et non écrite.

Le caractère abusif d’une clause peut s’apprécier également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l’exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l’un de l’autre.

(2) En cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable pour le consommateur prévaut. Cette règle d’interprétation n’est pas d’application dans le cadre de l’action en cessation prévue à l’article L. 320-3. » En ce que pour écarter le caractère abusif de la clause litigieuse les juges du fond ont retenu l’absence de déséquilibre des droits et obligations au préjudice des époux GROUPE1.) en distinguant, d’un côté la liberté laissée aux emprunteurs pour procéder à un remboursement anticipé selon leur bon vouloir, et de l’autre les conditions plus réduites dans lesquelles la banque peut mettre un terme anticipé au contrat. ».

Réponse de la Cour Sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition visée au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, des éléments qui les ont amenés à retenir que la clause portant sur l’indemnité de remploi convenue entre parties ne comportait pas de déséquilibre des droits et obligations respectifs, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de la Directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs et plus particulièrement aux termes de son article 5 qui prévoit :

6par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. […] ».

En ce que pour écarter le caractère abusif de la clause litigieuse les juges du fond ont, en dépit des contradictions entre les différents éléments donnés par la banque, au moment de l’exigence de la clause de remploi et ceux versés par son défenseur au cours de l’instance, retenu que la clause litigieuse rendait le montant de l’indemnité de remploi déterminable. ».

Réponse de la Cour Le moyen est exclusivement basé sur l’article 5 de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs.

Les demandeurs en cassation ne soutiennent pas que cette directive n’a pas été correctement transposée en droit luxembourgeois.

Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne relative à l’effet des directives en général, « dans tous les cas où une directive est correctement mise en œuvre, ses effets atteignent les particuliers par l’intermédiaire des mesures d’application prises par l’Etat membre concerné » (arrêt du 19 janvier 1982, affaire 8/81) et « il découle de l’article 189, alinéa 3, [du Traité CEE] que l’exécution des directives communautaires doit être assurée par des mesures d’application appropriées, prises par les Etats membres. Ce n’est que dans des circonstances particulières, notamment dans les cas où un Etat membre aurait omis de prendre les mesures d’exécution requises, ou adopté des mesures non conformes à une directive, que la Cour a reconnu le droit, pour les justiciables, d’invoquer en justice une directive à l’encontre d’un Etat membre défaillant » (arrêt du 6 mai 1980, affaire 102/79).

Les demandeurs en cassation ne peuvent, par conséquent, pas invoquer devant la Cour de cassation la violation d’une directive correctement transposée en droit national.

Il s’ensuit que le moyen, basé sur la violation du seul article 5 de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, et non sur le droit national, est irrecevable.

Sur le cinquième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation du principe de juridiction jus », qui oblige les juges à ne pas s’en tenir aux qualification des parties, ni aux règles de droit qu’elles invoquent pour appliquer au litige le droit qui lui sied.

En ce que les juges du fond, ont retenu comme clause d’indemnisation valable du préjudice de la banque l’indemnité de remploi calculée de façon léonine par celle-

7ci, sans aucune référence précise préalable du taux auquel elle s’attachait, ni de la réalité du préjudice subi par la banque, au lieu de la considérer comme une clause pénale et de lui appliquer la règle prévue à l’article 1152 du Code civil. ».

Réponse de la Cour Sous le couvert de la violation du principe de juridiction tiré du deuxième volet de l’adage « da mihi factum, dabo tibi jus », principe consacré par l’article 61, alinéa 1, du Nouveau Code de procédure civile, faisant obligation au juge de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, les demandeurs en cassation font grief aux juges d’appel de ne pas avoir appliqué les dispositions de l’article 1152, alinéa 2, du Code civil, conférant au juge un pouvoir modérateur de la clause pénale.

Le principe de juridiction, qui fait suite au principe dispositif consacré par l’article 53 du Nouveau Code de procédure civile quant à l’objet factuel du litige et par l’article 55 du Nouveau Code de procédure civile quant à la cause factuelle du litige, fait obligation au juge d’appliquer la règle de droit appropriée aux faits allégués par les parties.

Il ne résulte pas des actes de procédure auxquels la Cour peut avoir égard que les demandeurs en cassation aient soutenu devant les juges d’appel des faits visant à rapprocher la clause portant sur l’indemnité de remploi de la notion de clause pénale au sens de l’article 1152, alinéa 1, du Code civil, ou tendant à voir dire qu’en tant que clause pénale elle était sujette à modération sur base de l’article 1152, alinéa 2, du Code civil.

Les juges d’appel n’ont partant pas violé les dispositions légales dont découle le principe visé au moyen.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 5.000 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation dit le pourvoi recevable ;

le rejette ;

8condamne les demandeurs en cassation à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 5.000 euros ;

les condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Nicolas THIELTGEN, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence de l’avocat général Anita LECUIT et du greffier Daniel SCHROEDER.

9Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) et PERSONNE2.), née PERSONNE3.) contre société anonyme SOCIETE1.) (ADRESSE2.)) (affaire n° CAS-2023-00159 du registre) Le pourvoi en cassation, introduit par PERSONNE1.) et son épouse PERSONNE2.), née PERSONNE3.), par un mémoire en cassation signifié le 6 octobre 2023 à la partie défenderesse en cassation et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 10 octobre 2023, est dirigé contre un arrêt n°136/23 IV - COM rendu par la Cour d’appel, quatrième chambre, siégeant en matière commerciale, statuant contradictoirement, en date du 4 juillet 2023 (n° CAL-2022-

00208 du rôle).

Sur la recevabilité du pourvoi qui est contestée :

La défenderesse en cassation se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du pourvoi en cassation au regard de l’article 7 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation (ci-après la loi de 1885).

L’arrêt attaqué a été signifié à PERSONNE2.), PERSONNE4.), PERSONNE5.) résidant en Belgique le 25 juillet 2023. Il ne ressort pas des actes de procédure versés que l’arrêt attaqué ait également été signifié à PERSONNE1.)1. Une signification ne fait courir les délais de voies de recours qu’à l’égard de la seule partie destinataire de la transmission2.

Le délai de recours applicable est, conformément à l’article 7, alinéas 1 et 2, de la loi de 1885, ensemble avec l’article 167, sous 1°, du Nouveau Code de procédure civile, auquel renvoie l’article 7, alinéa 2, de la loi précitée, de deux mois et quinze jours.

Ce délai commence à courir, conformément à l’article 7, alinéa 1, de la loi précitée, à partir de la signification à personne ou à domicile de l’arrêt attaqué à la demanderesse en cassation.

La signification de l’arrêt attaqué est régie par le Règlement (UE) n° 2020/1784 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020 relatif à la signification et à la notification dans 1 Le dossier ne renseigne pas les suites réservées à la notification par voie postale de l’exploit de signification.

2 Th. HOSCHEIT, Le droit judiciaire privé au Grand-Duché de Luxembourg, 2e édition, p.

711, n° 1319 ; cette solution est prévue en droit français même lorsque plusieurs parties ont été condamnées de façon solidaire ou indivisible (article 529 du Code de procédure civile français).

10les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale3, applicable à partir du 1er juillet 2022.

Conformément à l’article 13, paragraphe 1, de ce règlement, « La date de la signification ou de la notification effectuée en vertu de l’article 11 est celle à laquelle l’acte a été signifié ou notifié conformément au droit de l’Etat membre requis »4, donc, en l’espèce, conformément au droit belge.

L’arrêt attaqué a été signifié à la demanderesse en cassation à domicile le 25 juillet 2023, de sorte que le délai de se pourvoir en cassation a expiré le 10 octobre 2023. Le mémoire en cassation, préalablement signifié à la défenderesse en cassation, ayant été déposé le 10 octobre 2023, il est recevable quant au délai. Le pourvoi introduit par PERSONNE1.) est, à défaut de signification à son égard, également recevable quant au délai.

La défenderesse en cassation invoque encore l’irrecevabilité du pourvoi dans son entièreté pour violation des prescriptions de l’article 10 de la loi de 1885. Le mémoire en cassation n’indiquerait pas de manière claire quelles seraient les dispositions attaquées de l’arrêt.

L’article 10, alinéa 1, de la loi de 1885 dispose :

« Pour introduire son pourvoi, la partie demanderesse en cassation devra, sous peine d’irrecevabilité, dans les délais déterminés ci-avant, déposer au greffe de la Cour supérieure de justice un mémoire signé par un avocat à la Cour et signifié à la partie adverse, lequel précisera les dispositions attaquées de l’arrêt ou du jugement, les moyens de cassation et contiendra les conclusions dont l’adjudication sera demandée. La désignation des dispositions attaquées sera considérée comme faite à suffisance de droit lorsqu’elle résulte nécessairement de l’exposé de moyens ou des conclusions ».

Après avoir retranscrit l’intégralité du dispositif de l’arrêt, les demandeurs en cassation ont précisé que le pourvoi est formé « contre l’ensemble de la décision rendue suite à l’appel interjeté contre le jugement du 24 mars 2021 prononcé par le Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière commerciale ». Comme l’arrêt attaqué a confirmé le jugement de première instance dans toute sa teneur et comme les demandeurs en cassation exposent, dans le cadre de leurs moyens de cassation, en quoi les juges d’appel auraient à tort rejetés leurs moyens d’appel, le mémoire répond aux exigences légales.

Il en suit que le moyen d’irrecevabilité n’est pas fondé.

Le pourvoi, introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Le mémoire en réponse de la défenderesse en cassation, signifié aux demandeurs en cassation en leur domicile élu le 4 décembre 2023 et déposé au greffe de la Cour le 5 décembre 2023 peut être pris en considération pour avoir été signifié dans le délai et déposé conformément aux prescriptions de la loi.

3 Journal officiel de l’Union européenne L 450/40 du 2.12.2020.

4 La même solution prévalait sous l’empire du Règlement (CE) n° 1393/2007.

11Sur les faits et antécédents :

Par contrat de prêt du 18 mars 2013, les demandeurs en cassation ont souscrit auprès de la défenderesse en cassation un crédit immobilier d’un montant de 2.190.000 euros pour une durée de 10 ans, moyennant un taux d’intérêt annuel fixe de 3,75%, en vue de l’acquisition d’un bien immobilier.

Le 2 août 2017, les époux GROUPE1.) ont vendu le bien immobilier et ils ont procédé au remboursement anticipé du prêt. Dans ce contexte et en application de l’article 8 du contrat de prêt (ci-après la clause litigieuse), ils ont payé à la défenderesse en cassation une indemnité de remploi d’un montant de 162.332 euros.

Par acte d’huissier de justice du 25 septembre 2019, les demandeurs en cassation ont assigné la défenderesse en cassation à comparaître devant le Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière commerciale selon la procédure civile, aux fins de la voir condamner à leur payer le montant de 162.332 euros, augmenté des intérêts, au titre du remboursement de l’indemnité de remploi.

A l’appui de leur demande, ils invoquaient la nullité pour erreur de la clause litigieuse sur base des articles 1109 et 1110 du Code civil, sinon son inopposabilité en vertu des articles L. 111-1 et L. 211-2 du Code de la consommation. En cours d’instruction, ils ont encore invoqué la responsabilité délictuelle de la défenderesse en cassation et ont sollicité une indemnisation « au titre de la perte de chance de contracter un contrat de crédit plus avantageux ». Ils ont finalement contesté le montant de l’indemnité payée.

Par jugement du 24 mars 2021, le tribunal a dit la demande tendant à la nullité, sinon à l’inopposabilité de la clause litigieuse non fondée et a déclaré la demande au titre de la perte d’une chance irrecevable pour être nouvelle. Il a encore déclaré non fondée la demande de tendant à voir enjoindre à la défenderesse en cassation de justifier son préjudice.

Statuant sur l’appel interjeté par les demandeurs en cassation, la Cour d’appel a confirmé le jugement entrepris par arrêt du 4 juillet 2023. Cet arrêt fait l’objet du présent pourvoi.

Sur le premier moyen de cassation :

Le premier moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 109 (anciennement article 89) de la Constitution pour défaut de motifs, et plus particulièrement pour défaut de réponse à conclusions et de contrariété de motifs valant absence de motifs et subsidiairement de la violation de l’article 6 paragraphe 1er de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après la Convention) et plus subsidiairement du défaut de base légale, en ce que l’arrêt attaqué, bien que retenant que la demande de réformation tendait, à titre encore plus subsidiaire, à voir dire que la clause litigieuse prévoyant l’indemnité de remploi est contraire au principe d’égalité de traitement du Droit de l’Union européenne et de ce fait est inopposable aux demandeurs en cassation, a omis de prendre position quant à l’inopposabilité invoquée.

12Dans le cadre du développement du volet principal de leur moyen, les demandeurs en cassation n’exposent que le moyen tiré du défaut de réponse à conclusions et restent muets quant à la contrariété de motifs.

Aux termes de l’article 10 de la loi de 1885, « sous peine d’irrecevabilité, un moyen ou un élément de moyen ne doit mettre en œuvre qu'un seul cas d'ouverture. Chaque moyen ou chaque branche doit préciser, sous la même sanction : le cas d’ouverture invoqué, la partie critiquée de la décision et ce en quoi celle-ci encourt le reproche allégué. L’énoncé du moyen peut être complété par des développements en droit qui sont pris en considération ».

Du fait que le moyen invoque, d’une part, un défaut de réponse à conclusions et, d’autre part, une contrariété de motifs, il pourrait être conclu qu’il mette en œuvre deux cas d’ouverture distincts et serait dès lors irrecevable dans son entièreté.

Néanmoins, comme exposé ci-dessus, les demandeurs en cassation ne développent que le moyen tiré du défaut de réponse à conclusions, de sorte que le moyen ne met pas concrètement en œuvre deux cas d’ouverture distincts mais est circonscrit au défaut de réponse à conclusions.

L’article 109 de la Constitution sanctionne l’absence de motifs qui est un vice de forme pouvant revêtir la forme d’un défaut total de motifs, d’une contradiction de motifs, d’un motif dubitatif ou hypothétique ou d’un défaut de réponse à conclusions.

En l’espèce, les demandeurs en cassation ont sollicité, au dispositif tant de leur acte d’appel5 que de leurs conclusions du 3 novembre 20226 : « à titre infiniment subsidiaire, dire et juger que la clause prévoyant l’indemnité de remploi est contraire au principe d’égalité de traitement du Droit de l’Union Européenne, et de ce fait inopposable aux époux GROUPE1.) ». La lecture de l’acte d’appel et des conclusions ne permet pas de déterminer avec certitude quelle partie de la motivation est consacrée à ce moyen tiré du principe d’égalité de traitement. A priori, aucune précision n’est donnée quant à la violation du principe d’égalité.

Dans le cadre de leur mémoire en cassation, les demandeurs en cassation précisent que les parties suivantes de l’acte d’appel et des conclusions auraient été consacrées à ce moyen : « Les juridiction européennes rappellent régulièrement et encore très récemment l’exigence de transparence des clauses contractuelles ». Après avoir cité un avis de l’Union luxembourgeoise des consommateurs relatif à l’exigence de transparence des clauses contractuelles, les demandeurs en cassation en ont déduit « que tel n’est pas le cas en l’espèce alors que si les facteurs sont indiqués, les modalités de calcul ne le sont pas ». Ils reprochent à la Cour d’appel de ne pas y avoir répondu.

Il ne se dégage pas de cette explication en quoi l’exigence de transparence des clauses contractuelles soit directement liée au principe d’égalité de traitement.

Le principe d’égalité de traitement, qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié, constitue un principe général 5 Page 25/27.

6 Page 27/29.

13du droit de l’Union, consacré par les articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne7.

De l’avis de la soussignée, l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne cité dans l’acte d’appel et les conclusions des demandeurs en cassation est étranger au principe d’égalité de traitement.

Il s’en dégage que le moyen d’inopposabilité tiré de la violation alléguée du principe d’égalité de traitement, non autrement précisé, ne figure que dans le dispositif de l’acte d’appel et des conclusions des demandeurs en cassation.

Le défaut de réponse à conclusions constitue une forme du défaut de motifs, qui est un vice de forme. Les juges d’appel ne sont tenus de répondre qu’aux moyens qui exigent réponse. Pour qu’un moyen exige réponse, il faut qu’il comporte un élément de fait et une déduction juridique ; il faut encore que cette déduction juridique soit de nature à influer sur la solution du litige.

De même, selon la doctrine, les juges du fond n’ont l’obligation de répondre qu’à des conclusions motivées et non à une argumentation demeurée informulée. Ils peuvent rejeter sans explication spéciale, lorsqu’elles sont non motivées, une demande au fond. De plus, les juges du fond n’ont pas à répondre à des conclusions trop vagues ou imprécises8.

Au vu de l’absence de toute élaboration du moyen tiré de la violation du principe d’égalité de traitement, il peut être retenu que la Cour d’appel n’était pas obligée d’y répondre. Le moyen tiré du défaut de réponse à conclusions est partant à rejeter.

A titre subsidiaire, s’il y a lieu de suivre le raisonnement des demandeurs en cassation selon lequel ils se sont référés, dans le contexte du moyen tiré de la violation du principe d’égalité de traitement, à la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne relative aux exigences de transparence des clauses contractuelles, force est de constater que la Cour d’appel a répondu au moyen. En effet, elle a retenu que :

« C’est encore à tort que les appelants se basent sur une jurisprudence rendue par le Tribunal le 15 novembre 2013 pour conclure à l’existence d’un déséquilibre entre les droits et obligations de la Banque. Les faits gisant à la base de cette décision, ainsi que les bases légales invoquées n’étaient pas les mêmes. Par ailleurs, cette décision a été réformée par un arrêt de la Cour d’Appel du 13 avril 2016, n°40928 du rôle et le pourvoi en cassation contre cet arrêt a été rejeté par arrêt de la Cour de Cassation du 1er juillet 2017 (n°3800 du registre) de sorte que le jugement ne saurait être transposable au cas d’espèce. Il en est de même en ce qui concerne les autres décisions invoquées9 »10.

Le moyen tiré du défaut de réponse à conclusions est partant à rejeter.

A titre plus subsidiaire, et au cas où Votre Cour juge que moyen tiré de la violation du principe d’égalité aurait requis une réponse, non fournie par la Cour d’appel, il faudrait conclure au caractère fondé du moyen de cassation, les juges du fond n’ayant pas analysé la demande 7 Voir notamment CJUE, 14 septembre 2010, C-550/07.

8 J. et L. Boré, La cassation en matière civile, 6ème édition 2023/2024, n° 77.200 et 77.201.

9 Passage souligné par la soussignée.

10 Arrêt attaqué, p. 10.

14tendant à l’inopposabilité de la clause litigieuse pour violation du principe de l’égalité de traitement. A cet égard, il importe de préciser que comme le défaut de motifs constitue un vice de forme, Votre Cour n’a pas à se préoccuper de la teneur des conclusions auxquelles on a négligé de répondre, quelque mal fondées qu’elles puissent être, le juge ne pouvait les repousser sans examen11. En d’autres termes, les juges du fond sont tenus de s’expliquer sur les moyens qui leur sont proposés, quel qu’en soit le mérite12.

Pour l’hypothèse où le moyen de cassation formulé à titre principal n’était pas déclaré fondé, les demandeurs en cassation invoquent, à titre subsidiaire, la violation de l’article 6 paragraphe 1er de la Convention, sans autre développement.

Ce moyen subsidiaire n’est pas conforme aux exigences de l’article 10 alinéa 2 de la loi de 1885, de sorte qu’il est irrecevable.

A titre plus subsidiaire, les demandeurs en cassation invoquent le moyen tiré du défaut de base légale.

Ce moyen se définit comme l’insuffisance des constatations de fait qui sont nécessaires pour statuer sur le droit. Le défaut de base légale constitue un moyen de fond qui doit être rattaché à une disposition prétendument violée du fait que la décision attaquée ne constate pas tous les faits nécessaires à la mise en œuvre de cette règle de droit. Or, les demandeurs n’ont rattaché ce grief à aucune disposition légale de fond. Le moyen subsidiaire est partant irrecevable à cet égard.

Il est encore irrecevable pour ne pas préciser en quoi l’arrêt d’appel serait vicié par une insuffisance de constatations de faits nécessaires à la solution en droit.

Sur le deuxième moyen de cassation:

Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 109 de la Constitution pour défaut de motifs, plus particulièrement de l’absence de réponse à conclusions et de la contrariété de motifs, valant absence de motifs, subsidiairement de l’article 6 paragraphe 1er de la Convention et plus subsidiairement du défaut de base légale, en ce que l’arrêt attaqué, tout en considérant que « la Banque est en droit de réclamer une indemnité de remploi, destinée à réparer le dommage subi par elle », s’est approprié les motifs du tribunal pour écarter la demande des demandeurs en cassation d’évaluation des dommages subis par la défenderesse en cassation au motif que « Quant au montant de l’indemnité de remploi, le Tribunal a relevé que le Contrat ne conditionne pas l’exigibilité d’une indemnité de remploi, en cas de remboursement anticipé à l’initiative du client, à la justification d’un préjudice subi par la Banque », ce qui constitue une contrariété de motifs, valant absence de motifs.

Le deuxième moyen est structuré de façon similaire au premier moyen, de sorte que référence peut être faite aux commentaires ci-dessus pour conclure que, comme seul le moyen tiré d’une contradiction des motifs a été développé, le moyen ne met pas concrètement en œuvre deux cas d’ouverture distincts.

11 J. et L. Boré, op. cit., n° 77.216, p. 433.

12 Idem.

15 Quant au moyen tiré de la contradiction de motifs, il résulte de Votre jurisprudence que « le grief de la contradiction de motifs, équivalant à un défaut de motifs, ne peut être retenu que si les motifs incriminés sont contradictoires à un point tel qu’ils se détruisent et s’annihilent réciproquement, aucun ne pouvant être retenu comme fondement de la décision »13.

S’agissant d’un vice de forme, « l’appréciation du juge doit se faire, en la matière, sans examiner le dossier de fond ; il doit uniquement apprécier la cohérence formelle et externe des motifs, sans apprécier leur bien fondé »14.

La contradiction doit affecter la pensée même du juge. Elle ne doit pas être le résultat d’une simple erreur de plume ou de langage. La contradiction de motifs doit être réelle et profonde c’est-à-dire qu’il faut qu’il existe entre les deux motifs incriminés une véritable incompatibilité.

Le moyen doit préciser les termes de l’arrêt qui seraient en contradiction15. La contradiction doit finalement avoir exercé une influence sur la décision préjudiciant aux demandeurs en cassation.

En l’espèce, il convient d’emblée de relever que la qualification de la clause litigieuse n’a pas fait l’objet d’un débat ni en première instance, ni en instance d’appel. En particulier n’a-t-elle pas été qualifiée de clause pénale. Le développement, dans le cadre du moyen de cassation, relatif à l’article 1152 du Code civil est partant inopérant.

Il n’y a pas contradiction de motifs au sens de la jurisprudence précitée. En effet, aux termes des dispositions contractuelles liant les parties16, la notion d’indemnité de remploi « désigne, le cas échéant, la pénalité due à la Banque en cas de remboursement de tout ou partie du Crédit avant l’Échéance Finale ou avant toute échéance de remboursement convenue, que ce soit en cas d’exigibilité anticipée à l’initiative de la Banque ou en cas de remboursement anticipé à l’initiative du Client.

Cette indemnité sera déterminée sur base de la durée restant à courir jusqu’à l’échéance concernée, du montant remboursé anticipativement et d’un taux correspondant à la différence entre le taux applicable au titre du Crédit et le taux de remplacement offert à la Banque sur le marché monétaire ».

En retenant, sur base de cette disposition, que la clause litigieuse tend à réparer le dommage subi par la défenderesse en cassation aux fins de se refinancer, sans que cette dernière n’ait besoin d’établir son préjudice, celui-ci étant fixé par la formule reprise à la clause litigieuse, les juges du fond ne se sont pas contredits. S’il n’y a pas dommage, le calcul contractuellement prévu ne génère pas d’indemnité de remploi.

Le moyen tiré de la contradiction de motifs est partant à rejeter.

13 Cass., 16 février 2017, n° 17/2017, n°3740 du registre ; Cass., 17 novembre 2022, n° 137/2022, n° CAS-2022-00015 du registre.

14 Boré, ouvrage précité, n° 77.102, p. 422.

15 Boré, ouvrage précité, n° 77.112 et 77.113, p. 422 et 423.

16 Article 1 du Règlement Général des Opérations de la Banque, cité à la page 6 de l’arrêt attaqué.

16Le moyen subsidiaire tiré de la violation de l’article 6 de la Convention n’est pas conforme aux exigences de l’article 10 alinéa 2 de la loi de 1885, de sorte qu’il est irrecevable.

Le moyen plus subsidiaire tiré du défaut de base légale est à déclarer irrecevable pour les motifs repris sous le premier moyen.

Sur le troisième moyen de cassation:

Le troisième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article L.211-2 du Code de la consommation, en ce que pour écarter le caractère abusif de la clause litigieuse, les juges du fond ont retenu l’absence de déséquilibre des droits et obligations au préjudice des demandeurs en cassation en distinguant, d’un côté, la liberté laissée aux emprunteurs pour procéder à un remboursement anticipé selon leur bon vouloir et, de l’autre côté, les conditions plus réduites dans lesquelles la défenderesse en cassation peut mettre un terme anticipé au contrat.

Il est de jurisprudence que la lecture des clauses d’un contrat et leur interprétation, y compris la reconnaissance éventuelle de leur caractère abusif, relève du pouvoir souverain du juge du fond. Ainsi, sous couvert du moyen tiré de la violation de la loi, les demandeurs en cassation mettent en cause l’appréciation par les juges du fond du caractère abusif de la clause litigieuse.

Le moyen ne saurait dès lors être accueilli17.

Sur le quatrième moyen de cassation:

Le quatrième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 5 de la directive 93/13/CEE concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (ci-après la Directive 93/13), en ce que pour écarter le caractère abusif de la clause litigieuse les juges du fond ont, en dépit des contradictions entre les différents éléments donnés par la défenderesse en cassation, au moment de l’exigence de la cause de remploi et ceux versés par son défenseur au cours de l’instance, retenu que la clause litigieuse rendait le montant de l’indemnité de remploi déterminable.

Les demandeurs en cassation reprochent à la Cour d’appel de leur avoir déclaré la clause litigieuse opposable nonobstant son manque de clarté et de compréhensibilité. En effet, ils donnent à considérer que la notion de « taux de remplacement sur le marché monétaire » n’est, eu égard au nombre de taux présents sur le marché monétaire, guère déterminée, ni déterminable.

L’article 5 de la Directive 93/13, telle que modifiée, est de la teneur suivante :

« Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible.

En cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur 17 Voir, dans ce sens, en matière de clauses abusives: Cass., 12 mai 2016, n° 48/16, n° 3639 du registre et les conclusions conformes du parquet général.

17prévaut. Cette règle d’interprétation n’est pas applicable dans le cadre des procédures prévues à l’article 7 paragraphe 2 ».

Le moyen est tiré de la violation d’une directive. Dans ce contexte, référence peut être faite aux conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation n° 3254 du registre aux termes desquelles :

« D’après l’article 288 TFUE18, « la directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ». En d’autres termes, le particulier se voit appliquer la loi nationale de transposition de la directive (…). Ce n’est que si la transposition est inexistante ou inadéquate qu’il y a lieu de se référer à la directive, soit pour entendre lui reconnaître un effet direct, soit pour exiger une interprétation de la loi nationale conforme à la directive ».

Or, en l’espèce, la violation de l’article 5 de la Directive 93/13 est invoquée sans que les demandeurs en cassation ne fassent état d’une transposition erronée de la directive ou d’une application de la loi non conforme à la directive.

Le moyen, en ce qu’il est formellement tiré de la violation de la directive 93/13 est à considérer comme inopérant alors que les juges d’appel n’ont pas appliqué la directive, en tant qu’acte législatif de l’Union européenne, qui est étrangère au litige19.

A titre subsidiaire, il y a lieu de conclure que le moyen tiré de la violation de la Directive 93/13 ne tend qu’à remettre en discussion l’interprétation, par les juges du fond, de la clause litigieuse et la déduction en tirée selon laquelle cette clause n’est pas ambiguë et que le mode de calcul de l’indemnité de remploi est déterminable. Or, cette interprétation relève de leur pouvoir d’appréciation souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation. Le moyen ne saurait partant être accueilli.

Sur le cinqième moyen de cassation:

Le cinquième moyen de cassation est tiré de la violation du principe « da mihi factum, dabo tibis jus », qui oblige les juges à ne pas s’en tenir aux qualifications des parties, ni aux règles de droit qu’elles invoquent pour appliquer au litige le droit qui lui sied, en ce que les juges du fond ont retenu comme clause d’indemnisation valable du préjudice de la défenderesse en cassation l’indemnité de remploi calculée de façon léonine par celle-ci, sans aucune référence précise préalable du taux auquel elle s’attachait, ni de la réalité du préjudice subi, au lieu de la considérer comme une clause pénale et de lui appliquer la règle prévue à l’article 1152 du Code civil.

Il résulte du développement du moyen que les demandeurs en cassation reprochent à la Cour d’appel d’avoir rejeté leur demande tendant à imposer à la défenderesse en cassation « de justifier de l’existence et, le cas échéant, du quantum qu’(elle) prétend avoir subi du fait du remboursement anticipé », alors que l’établissement du préjudice est nécessaire pour apprécier 18 Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

19 Voir conclusions précitées de Monsieur le procureur général d’Etat adjoint Georges WIVENES.

18son éventuel caractère manifestement excessif ou dérisoire au sens de l’article 1152 du Code civil.

Le moyen invoqué fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir recherché la règle de droit applicable aux faits leur soumis par les demandeurs en cassation.

Votre Cour a déjà été saisie par un moyen tiré de ce même adage et a retenu qu’il réunit en une formulation la règle des articles 55 et 61, alinéa 1er, du Nouveau Code de procédure civile20.

Aux termes de l’article 55 du Nouveau Code de procédure civile : « A l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à fonder ».

L’article 61, alinéa 1er du Nouveau Code de procédure civile dispose que : « Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ».

L’application du droit par le juge présuppose l’allégation du fait par les parties21.

En l’espèce, et comme relevé ci-dessus, la qualification de la clause litigieuse n’a pas fait l’objet d’un débat devant les juges du fond. A aucun moment, la clause litigieuse n’a été qualifiée de clause pénale par les demandeurs en cassation. Au contraire, les demandeurs en cassation se sont référés à un arrêt de la Cour d’appel aux termes duquel « l’indemnité de refinancement n’est pas (…) une clause pénale soumise au pouvoir modérateur du juge. Elle ne constitue pas une somme réparatrice forfaitaire sur laquelle les parties se seraient accordées au moment de la conclusion du contrat de prêt, mais doit être équivalent au dommage effectivement subi pas la BANQUE qui s’est vue dans l’obligation de se refinancer »22.

Les demandeurs en cassation ont par ailleurs conclu en appel qu’à défaut pour la défenderesse en cassation d’apporter la preuve de la réalité et du quantum du préjudice qu’elle prétend avoir subi du fait du remboursement anticipé, elle devrait être condamnée au remboursement de l’indemnité touchée23. Face à ces conclusions des demandeurs en cassation, qui pour le reste ne sollicitent à aucun moment une réduction de l’indemnité comme étant manifestement excessive, les juges du fond ne pouvaient légitimement déduire des éléments de fait leur soumis que les demandeurs en cassation qualifiaient l’indemnité de remploi de clause pénale et que leur demande tendant à voir établir la réalité du dommage par la défenderesse en cassation constituait in fine le préalable à une demande en réduction d’une clause pénale jugée excessive.

Il faut en conclure que les juges d’appel ont fait l’exacte application des règles visées au moyen et que le moyen n’est pas fondé.

Conclusion :

Le pourvoi est recevable mais il est à rejeter.

20 Cass., 22 juin 2023, n° 78/2023, n° CAS-2022-00102 du registre.

21 Idem.

22 Voir conclusions en appel des demandeurs en cassation, p. 24 sur 29, pièce n° 4 des demandeurs en cassation.

23 Voir conclusions en appel des demandeurs en cassation, p. 25 sur 29, pièce n° 4 des demandeurs en cassation.

19 A titre d’ultime subsidiarité, le premier moyen de cassation est fondé.

Pour le Procureur général d’Etat l’avocat général Nathalie HILGERT 20


Synthèse
Numéro d'arrêt : 117/24
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-07-04;117.24 ?

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