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04/07/2024 | LUXEMBOURG | N°115/24

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 04 juillet 2024, 115/24


Assistance judiciaire accordée à PERSONNE1.) par décision du 24 juillet 2023 du délégué du Bâtonnier à l’assistance judiciaire N° 115 / 2024 du 04.07.2024 Numéro CAS-2023-00168 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quatre juillet deux mille vingt-quatre.

Composition:

Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Laurent LUCAS, conseiller à la Cour d’appel, Marie-Anne MEYERS, conseiller à la Cour d’appel, Claudine ELCHEROTH, conseiller à la

Cour d’appel, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant ...

Assistance judiciaire accordée à PERSONNE1.) par décision du 24 juillet 2023 du délégué du Bâtonnier à l’assistance judiciaire N° 115 / 2024 du 04.07.2024 Numéro CAS-2023-00168 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quatre juillet deux mille vingt-quatre.

Composition:

Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Laurent LUCAS, conseiller à la Cour d’appel, Marie-Anne MEYERS, conseiller à la Cour d’appel, Claudine ELCHEROTH, conseiller à la Cour d’appel, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à F-ADRESSE1.), demanderesse en cassation, comparant par Maître Clément SCUVEE, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et la société anonyme SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-

ADRESSE2.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.) défenderesse en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée BONN & SCHMITT, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Gabriel BLESER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

___________________________________________________________________

Vu l’arrêt attaqué numéro 63/23 - VIII - TRAV rendu le 27 avril 2023 sous le numéro CAL-2021-00814 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, huitième chambre, siégeant en matière de droit du travail ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 10 octobre 2023 par PERSONNE1.) à la société anonyme SOCIETE1.), déposé le 12 octobre 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 30 novembre 2023 par la société SOCIETE1.) à PERSONNE1.), déposé le 5 décembre 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions de l’avocat général Joëlle NEIS.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, la demanderesse en cassation avait fait l’objet d’un licenciement avec préavis suivi d’un licenciement avec effet immédiat. Le Tribunal du travail de Luxembourg, saisi par la demanderesse en cassation d’une demande en indemnisation du dommage subi au titre du caractère abusif des deux licenciements, avait déclaré justifié le licenciement avec effet immédiat et avait débouté la demanderesse en cassation de ses demandes indemnitaires.

La Cour d’appel a confirmé le jugement.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Le premier moyen de cassation est tiré de la violation de l’article L. 124-

12 du Code du travail, En ce que la Cour d’appel a dit non fondé l’appel interjeté par Madame PERSONNE1.) et condamné cette dernière à payer à la société SOCIETE1.) S.A., outre les frais et dépens de l’instance, une indemnité de procédure de 1.500.- €, Alors même que la Cour d’appel n’a pas statué sur le caractère abusif ou non du licenciement avec préavis intervenu le 10 mars 2016. ».

Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir, à la suite de leur constat du caractère régulier du licenciement avec effet immédiat intervenu après le licenciement avec préavis, analysé le caractère abusif du premier licenciement.

En présence de deux licenciements successifs, l’un avec préavis et l’autre avec effet immédiat, il appartient aux juges du fond d’analyser, d’abord, la régularité du licenciement avec effet immédiat. Pour autant que ce licenciement est déclaré régulier, il met fin au contrat de travail et dispense les juges du fond d’examiner la régularité du licenciement avec préavis intervenu préalablement.

Les juges d’appel ont, partant, valablement pu retenir, sans violer la disposition visée au moyen, « si le licenciement avec effet immédiat, prononcé en second lieu, est justifié, il n’y a pas lieu d’analyser le licenciement avec préavis notifié auparavant, ».

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Le second moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 109 de la Constitution et du principe général de motivation des jugements et arrêts, En ce que la Cour d’appel a dit non fondé l’appel interjeté par Madame PERSONNE1.) et condamné cette dernière à payer à la société SOCIETE1.) S.A., outre les frais et dépens de l’instance, une indemnité de procédure de 1.500.- €, Alors même que la Cour d’appel n’a pas suffisamment motivé cette décision de rejet des demandes de Madame PERSONNE1.) de voir statuer sur le caractère abusif de son Premier Licenciement intervenu le 10 mars 2016 et de la voir indemniser en conséquence. ».

Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir motivé leur décision par rapport à son moyen d’appel tendant à voir constater le caractère abusif du premier licenciement.

A l’article 109 de la Constitution invoqué à l’appui du moyen, il y a lieu de substituer l’article 89 de la Constitution, dans sa version applicable avant le 1er juillet 2023, partant, au jour du prononcé de l’arrêt attaqué.

Une décision judiciaire est régulière en la forme dès lors qu’elle comporte une motivation expresse ou implicite sur le point considéré.

Il résulte de la réponse donnée au premier moyen que les juges d’appel ont motivé leur décision sur le point considéré.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Le troisième moyen de cassation est tiré de la violation des articles 1134 et 1142 du Code civil, pris ensemble, selon lesquels et , En ce que la Cour d’appel a dit non fondé l’appel de Madame PERSONNE1.) et condamné cette dernière à payer à la société SOCIETE1.) S.A., outre les frais et dépens de l’instance, une indemnité de procédure de 1.500.- €, Alors même que la Cour d’appel n’a pas statué sur l’inexécution contractuelle alléguée par Madame PERSONNE1.), dans le chef de son employeur, et n’a partant pas statué sur d’éventuels dommages et intérêts en faveur de Madame PERSONNE1.). ».

Réponse de la Cour Au vu de la réponse donnée au premier moyen, les juges d’appel n’avaient pas à analyser le caractère abusif ou régulier du premier licenciement.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure La demanderesse en cassation bénéficiant de l’assistance judiciaire, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

Il ne paraît pas inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il y a lieu de rejeter sa demande en allocation d’une indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

rejette les demandes en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la demanderesse en cassation aux frais et dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Gabriel BLESER, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence de l’avocat général Anita LECUIT et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) c/ la société anonyme SOCIETE1.) SA N° CAS-2023-00168 du registre Le pourvoi en cassation a été introduit par Maître Virginie BROUNS, avocat à la Cour, en remplacement de Maître Clément SCUVEE, avocat à la Cour, au nom et pour le compte de PERSONNE1.) (ci-après PERSONNE1.)), par un mémoire en cassation signifié le 10 octobre 2023 à la société anonyme SOCIETE1.) SA et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 12 octobre 2023. Le pourvoi est dirigé contre un arrêt n°63/23 rendu en date du 27 avril 2023 par la Cour d’appel, huitième chambre, siégeant en matière de droit du travail et statuant contradictoirement (CAL-2021-00814).

Cet arrêt a été signifié à la demanderesse en cassation en date du 27 juillet 2023 sur initiative de la défenderesse en cassation. Cette signification a été effectuée à son domicile en France suivant acte de signification de l’huissier de justice du 10 juillet 2023 et procès-verbal de signification d’un acte en provenance de l’Union européenne du 27 juillet 2023 sur base du règlement (CE) n° 2020/1784 du 25 novembre 2020 relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale.

Aux termes de l’article 7 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, le délai pour l’introduction d’un recours en cassation court pour les arrêts et jugements contradictoires, à partir de la signification ou notification à personne ou à domicile. Pour les résidents hors du Grand-Duché de Luxembourg, ce délai est augmenté des délais prévus à l’article 167 du nouveau Code de procédure civile, soit de 15 jours pour les résidents d’un pays membre de l’Union européenne.

Conformément à l’article 13, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2020/1784 du 25 novembre 2020, « la date de la signification ou de la notification effectuée en vertu de l’article 11 est celle à laquelle l’acte a été signifié ou notifié conformément au droit de l’Etat membre requis », donc, en l’espèce, conformément au droit français.

Suivant les dispositions de l’article 664-1 du Code de procédure civile français, « la date de la signification d'un acte d'huissier de justice, sous réserve de l'article 647-1, est celle du jour où elle est faite à personne, à domicile, à résidence ou, dans le cas mentionné à l'article 659, celle de l'établissement du procès-verbal. » L’arrêt attaqué a été signifié à la demanderesse en cassation à personne le 27 juillet 2023, de sorte que le délai pour se pourvoir en cassation a expiré le 12 octobre 2023. Le mémoire en cassation, préalablement signifié à la défenderesse en cassation, ayant été déposé le 12 octobre 2023, il est recevable quant au délai et en la forme.

La défenderesse en cassation, la société anonyme SOCIETE1.) SA, a signifié un mémoire en réponse en date du 30 novembre 2023 et l’a déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice en date du 5 décembre 2023.

Conformément aux dispositions des articles 15 et 16 de la loi précitée du 18 février 1885, ce mémoire est recevable pour avoir été signifié et déposé dans la forme et le délai prévus.

Faits et rétroactes PERSONNE1.) a travaillé pour le compte de la société SOCIETE1.) SA (ci-après la société SOCIETE1.)) suivant contrat de travail à durée indéterminée du 1er mars 2002 et ce en qualité de « secrétaire administrative dans le département coordination sécurité-santé ».

Par courrier du 10 mars 2016, la demanderesse en cassation s’est vu notifier la résiliation de son contrat de travail avec un préavis de six mois, soit du 15 mars au 14 septembre 2016.

Par courrier du 25 avril 2016, PERSONNE1.) a été licenciée avec effet immédiat au motif qu’elle a travaillé pendant son arrêt de maladie du 21 au 22 avril 2016 auprès d’une autre entité.

Par requête déposée le 5 juillet 2016, PERSONNE1.) a fait convoquer la société SOCIETE1.) devant le tribunal du travail de Luxembourg pour voir déclarer abusifs les licenciements successifs dont elle a fait l’objet en date des 10 mars et 25 avril 2016, voir dire qu’elle a été victime d’harcèlement moral dans le cadre de ses fonctions, ainsi que pour voir condamner la société SOCIETE1.) à lui payer, outre les intérêts légaux, la somme de 42.910,41 euros (une indemnité de préavis de 12.793,15 euros, une indemnité de départ de 5.117,26 euros ainsi que des dommages et intérêts de 20.000 euros et de 5.000 euros du chef de préjudice matériel et moral) ainsi que la somme de 20.000 euros à titre d’indemnité pour préjudice moral pour harcèlement moral. Elle a encore demandé à voir condamner la société SOCIETE1.) à lui remettre sa carte d’impôt sous peine d’astreinte et à lui payer une indemnité de procédure de 1.000 euros.

Par jugement du 23 mai 2018, le tribunal du travail a sursis à statuer sur les demandes de PERSONNE1.) en relation avec les licenciements, déclaré non fondée la demande en condamnation pour harcèlement moral basée sur l’article 1134 du Code civil au motif que la requérante n’avait pas établi l’existence d’actes de harcèlement exercés à son égard et refixé l’affaire pour continuation des débats.

Aucun appel n’a été interjeté contre ce jugement.

Par jugement du 25 janvier 2021, le tribunal du travail a déclaré justifié le licenciement avec effet immédiat intervenu en date du 25 avril 2016 et débouté la demanderesse en cassation de ses demandes en paiement d’indemnités compensatoires de préavis et de départ ainsi que de ses demandes en paiement de dommages et intérêts au titre de préjudice matériel et moral. Il a encore rejeté les demandes en paiement d’une indemnité de procédure de PERSONNE1.) et de la société SOCIETE1.).

Contre ce jugement, la demanderesse en cassation a formé appel.

Par arrêt n°63/23 rendu en date du 27 avril 2023, la Cour d’appel, huitième chambre, siégeant en matière de droit du travail et statuant contradictoirement, a dit l’appel non fondé et a confirmé le jugement de première instance.

Cet arrêt fait l’objet du présent pourvoi.

Quant au premier moyen de cassation :

Le premier moyen de cassation est tiré de la violation de l’article L.124-12 du Code du travail, en ce que la Cour d’appel a dit non fondé l’appel interjeté par Madame PERSONNE1.) et condamné cette dernière à payer à la société SOCIETE1.) outre les frais et dépens de l’instance, une indemnité de procédure de 1.500 euros alors que la Cour d’appel n’a pas statué sur le caractère abusif ou non du licenciement avec préavis intervenu le 10 mars 2016.

Dans la discussion reprise sous le moyen de cassation, la demanderesse en cassation soutient qu’en « refusant d’analyser le caractère abusif du premier licenciement intervenu, la Cour d’appel a nié à Madame PERSONNE1.) son droit, découlant de l’article L.124-12 du Code du travail, de voir statuer sur le caractère justifié ou non de son premier licenciement intervenu le 10 mars 2016, après 14 ans de relation de travail et de bons et loyaux services pour le compte de son employeur » et qu’il « s’ensuit qu’en refusant d’analyser le caractère abusif du premier licenciement et par voie de conséquence de statuer sur les dommages et intérêts en découlant, le cas échéant, la Cour d’appel a violé l’article L. 124-12 du Code du travail et fait un déni de justice ».

La demanderesse en cassation soutient que dans sa requête initiale, elle avait contesté le caractère justifié des deux licenciements intervenus à son égard et avait demandé au tribunal du travail de déclarer abusifs les deux licenciements et de condamner la société SOCIETE1.) au paiement de dommages et intérêts. Cette demande avait été renouvelée en instance d’appel. Or, la Cour d’appel s’est limitée à confirmer le jugement de première instance alors que les premiers juges n’avaient examiné que le seul licenciement avec effet immédiat sans examiner le caractère abusif ou non du premier licenciement avec préavis. L’article L.124-12 du Code du travail obligerait les juges d’analyser d’abord si le licenciement est abusif avant de statuer sur des dommages et intérêts. La Cour d’appel, en refusant de statuer sur le caractère abusif du premier licenciement intervenu, a de ce fait violé l’esprit de la loi et fait un déni de justice.

L’article L.124-12 (1) du Code du travail dispose que « lorsqu’elle juge qu’il y a usage abusif du droit de résilier le contrat de travail à durée indéterminée, la juridiction du travail condamne l’employeur à verser au salarié des dommages et intérêts compte tenu du dommage subi par lui du fait de son licenciement ».

Le moyen articule deux griefs distincts, à savoir, d’une part, le grief de la violation de la disposition légale visée au moyen et d’autre part, le grief du déni de justice, en ce qu’il est reproché aux juges d’appel, « qu’en refusant d’analyser le caractère abusif du premier licenciement et par voie de conséquence de statuer sur les dommages et intérêts en découlant, le cas échéant, la Cour d’appel a violé l’article L. 124-12 du Code du travail et fait un déni de justice ».

L’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sanctionne d’irrecevabilité le moyen qui met en œuvre plus d’un « cas d’ouverture », sans qu’il ne soit fait référence à la notion de « grief ». La doctrine française considère que la disposition de l’article 978, alinéa 2 du Code de procédure civile français qui, à l’instar de l’article 10, alinéa 2 de la loi modifiée du 18 février 1885, frappe d’irrecevabilité le moyen ou l’élément de moyen qui met en œuvre plus d’un « cas d’ouverture », est à comprendre dans le sens que le demandeur en cassation ne doit invoquer qu’un seul grief par branche de moyen et qu’il est obligé de faire autant de branches que de griefs. Le cas d’ouverture est ainsi identifié au grief1.

Cette analyse a été adoptée par Votre Cour2.

1J. et L. BORÉ, La cassation en matière civile, 5e édition, n° 81.84 ;

2 Cass. 24 juin 2011, n° 2859 du registre.

Deux griefs étant simultanément soulevés dans le moyen sous examen, à savoir la violation de la loi et le déni de justice, il s’ensuit que celui-ci est, à titre principal, irrecevable.

A titre subsidiaire, le moyen est non-fondé. Si, en effet, en présence de deux licenciements successifs, il y a lieu d’examiner la régularité des deux licenciements, chacun des licenciements intervenus étant susceptible d’avoir causé un préjudice spécifique, l’examen en premier lieu de la régularité du licenciement avec effet immédiat, ce dernier ayant définitivement mis fin à la relation de travail est une correcte application des dispositions légales.

S’il se dégage de la jurisprudence en matière de licenciements consécutifs qu’en présence d’un licenciement avec effet immédiat intervenant après un licenciement avec préavis, le second licenciement n’a pas pour effet d’annuler ou de rendre caduc le premier licenciement et que les deux congédiements coexistent, il s’avère néanmoins que deux hypothèses se dégagent selon que le licenciement avec effet immédiat est abusif ou justifié. Ainsi, si le licenciement avec effet immédiat -prononcé en second lieu- est justifié, il n’y a pas lieu d’analyser le licenciement avec préavis notifié auparavant. En effet, le second licenciement aura valablement mis fin à la relation contractuelle sans droit pour le salarié au paiement de dommages et intérêts, de sorte qu’il serait oiseux de s’interroger sur la validité du premier licenciement.

Cependant, si le licenciement avec effet immédiat - intervenu en second lieu- est déclaré abusif, il appartiendra aux juridictions d’analyser le bienfondé du premier licenciement (avec préavis). En effet, dans ce cas de figure, le salarié pourra prétendre, outre l’indemnité compensatoire de préavis et, le cas échéant, l’indemnité de départ, au paiement de dommages et intérêts pour les préjudices matériel et moral consécutifs à la perte de son emploi si le licenciement avec préavis serait déclaré abusif.

Dès lors, la Cour d’appel, en ce que par confirmation, ils ont déclaré le licenciement avec effet immédiat justifié, tout en indiquant qu’il est superfétatoire d’analyser dans ce cas le caractère abusif ou justifié du licenciement avec préavis, n’a ni violé la disposition visée au moyen, ni commis de déni de justice, le deuxième licenciement ayant valablement mis fin à la relation de travail et le salarié ne pouvant dès lors plus prétendre à une indemnisation du fait d’un licenciement antérieur du même employeur.

Le premier moyen de cassation n’est dès lors pas fondé.

Quant au deuxième moyen de cassation :

Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 109 de la Constitution et du principe général de motivation des jugements et arrêts, en ce que la Cour d’appel a dit non fondée l’appel interjeté par Madame PERSONNE1.) et condamné cette dernière à payer à la société SOCIETE1.) outre les frais et dépens de l’instance, une indemnité de procédure de 1.500 euros, alors que la Cour d’appel n’a pas suffisamment motivé cette décision de rejet des demandes de Madame PERSONNE1.) de voir statuer sur le caractère abusif de son premier licenciement intervenu le 10 mars 2016 et de la voir indemniser en conséquence.

Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 109 de la Constitution (ancien article 89) relatif à l’obligation faite aux juges de motiver les jugements.

Le grief tiré de la violation de cette disposition légale est constitutif d’un vice de forme. Une décision judiciaire est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation expresse ou implicite, fût-elle incomplète ou viciée, sur le point considéré. Le défaut de motifs suppose donc l’absence de toute motivation sur le point considéré.3 La Cour d’appel a, dans l’arrêt entrepris, retenu ce qui suit : « après avoir correctement énoncé les principes applicables en cas de licenciements successifs, le jugement déféré est à confirmer, par adoption de motifs, pour avoir analysé en premier le licenciement avec effet immédiat, qui met immédiatement un terme à la relation de travail. (…) La Cour approuve en conséquence le tribunal d’avoir retenu que le second licenciement avec effet immédiat a valablement mis fin au contrat de travail et l’appelante est à débouter de toutes ses demandes indemnitaires. Tel que retenu à bon droit par le tribunal, le second licenciement avec effet au 25 avril 2016 ayant définitivement mis un terme au contrat de travail avant la fin du délai de préavis résultant du premier licenciement du 16 mars 2016, il n’y a pas lieu d’analyser le premier licenciement avec préavis, l’appelante n’ayant plus droit au paiement des indemnités et dommages-intérêts en lien avec les licenciements dont elle a fait l’objet. Le tribunal du travail a dès lors pu valablement retenir que si le licenciement avec effet immédiat, prononcé en second lieu, est justifié, il n’y a pas lieu d’analyser le licenciement avec préavis notifié auparavant, sans violer les droits de la défense. ».

Dès lors, en se déterminant par la motivation ci-avant reproduite, les magistrats d’appel se sont prononcés sur le point considéré et partant le moyen n’est pas fondé.

3 BORÉ, précité, n° 77.31.

Quant au troisième moyen de cassation :

Le troisième moyen est tiré de la violation des articles 1134 et 1142 du Code civil, pris ensemble, selon lesquels « les conventions légalement formées (…) doivent être exécutées de bonne foi » et « toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts, en cas d’inexécution de la part du débiteur » en ce que la Cour d’appel a dit non fondée l’appel de Madame PERSONNE1.) et condamné cette dernière à payer à la société SOCIETE1.) outre les frais et dépens de l’instance, une indemnité de procédure de 1.500 euros, alors que la Cour d’appel n’a pas statué sur l’inexécution contractuelle alléguée par Madame PERSONNE1.) dans le chef de son employeur et n'a partant pas statué sur d’éventuels dommages et intérêts en faveur de Madame PERSONNE1.).

Dans la discussion du moyen, la demanderesse en cassation fait valoir qu’un « licenciement abusif constitue une inexécution contractuelle de l’obligation d’exécution de bonne foi qui est sanctionnée par le versement de dommages et intérêts conformément à l’article 1142 du Code civil. » La Cour d’appel, en se limitant à analyser le caractère abusif ou non du licenciement avec effet immédiat sans se prononcer sur le caractère abusif ou non du premier licenciement a, selon le troisième moyen de cassation, violé les textes de loi visés au moyen.

L’article 1134 du Code civil dispose :

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi. » L’article 1142 du Code civil dispose :

« Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts, en cas d'inexécution de la part du débiteur ».

Principalement, l’arrêt entrepris qui a statué sur un appel interjeté contre le jugement du 25 janvier 2021 et qui a déclaré justifié le licenciement avec effet immédiat du 25 avril 2016 et débouté l’appelante de ses demandes en paiement d’indemnités compensatoire de préavis et de départ ainsi que de ses demandes en paiement de dommages et intérêts au titre de préjudices matériel et moral, n’a pas appliqué les articles visés au moyen en cause, la demande de la demanderesse en cassation étant basée, en ce qui concerne les licenciements, sur les articles afférents du Code du travail.

La Cour d’appel, dans le cadre de l’arrêt entrepris4, n’étant pas saisie d’une demande sur base des articles 1134 et 1142 du Code civil, il s’ensuit que le troisième moyen est irrecevable pour être nouveau.

Subsidiairement dans la mesure où aucun grief n’est rattaché aux dispositions légales visées et que les articles 1134 et 1142 du Code civil ont trait à l’exécution de bonne foi des obligations contractuelles et au principe de la réparation par équivalent, il est difficile de déterminer en quoi consiste concrètement la violation des dispositions invoquées. La demanderesse en cassation ne précise pas non plus en quoi consisterait l’inexécution dont elle fait état dans l’énoncé du moyen de cassation.

Le moyen est irrecevable pour manque de précision.

A titre plus subsidiaire, il convient de relever que par un premier jugement du 23 mai 2018, le tribunal du travail avait sursis à statuer sur les demandes de PERSONNE1.) en relation avec les licenciements dont elle a fait l’objet, déclaré non fondée la demande en condamnation de dommages et intérêts pour harcèlement moral au motif que la requérante n’avait pas établi l’existence d’actes de harcèlement exercés à son égard et refixé l’affaire pour continuation des débats.

La demande en condamnation de dommages et intérêts pour harcèlement moral de PERSONNE1.) était basée sur l’article 1134 du Code civil. Le jugement du 23 mai 2018, ayant statué en partie sur des demandes de PERSONNE1.) était à considérer comme jugement susceptible d’appel. Par exploit d’huissier du 29 mars 2021, PERSONNE1.) a relevé appel contre le jugement du 25 janvier 2021, et non contre le jugement du 23 mai 2018 ayant statué sur la demande en indemnisation pour harcèlement moral sur base de l’article 1134 du Code civil.

Les dispositions invoquées au troisième moyen de cassation étant dès lors étrangères à l’arrêt entrepris, le moyen doit être rejeté.

Encore plus subsidiairement, sous le couvert du grief tiré d’une violation des articles 1134 et 1142 du Code civil, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation des juges du fond quant aux éléments de fait et de preuve leur soumis et qui les ont amenés à considérer que le licenciement intervenu était justifié et que la demande en paiement de dommages et intérêts était à rejeter, 4 instance d’appel du jugement du tribunal du travail du 25 janvier 2021 appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Le moyen ne saurait dès lors être accueilli.

Conclusion Le pourvoi est recevable mais à rejeter.

Pour le Procureur général d’Etat, l’avocat général, Joëlle NEIS 14


Synthèse
Numéro d'arrêt : 115/24
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-07-04;115.24 ?

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