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04/07/2024 | LUXEMBOURG | N°114/24

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 04 juillet 2024, 114/24


N° 114 / 2024 du 04.07.2024 Numéro CAS-2023-00155 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quatre juillet deux mille vingt-quatre.

Composition:

Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Anne MEYERS, conseiller à la Cour d’appel, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE1.), demandeur en cassation

, comparant par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle ...

N° 114 / 2024 du 04.07.2024 Numéro CAS-2023-00155 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quatre juillet deux mille vingt-quatre.

Composition:

Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Anne MEYERS, conseiller à la Cour d’appel, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE1.), demandeur en cassation, comparant par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, et PERSONNE2.), demeurant à B-ADRESSE2.), défendeur en cassation.

Vu les jugements attaqués numéro 2020TADCOMM/483 rendu le 7 octobre 2020, numéro 2021TADCOMM/568 rendu le 9 juin 2021 et numéro 2023TADCOMM/396 rendu le 30 juin 2023, sous le numéro TAD-2020-00761 du rôle, par le Tribunal d’arrondissement de Diekirch statuant en matière d’appel de bail à loyer ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 27 septembre 2023 par PERSONNE1.) à PERSONNE2.), déposé le 2 octobre 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Sur les conclusions du premier avocat général Monique SCHMITZ.

Sur les faits Selon les jugements attaqués, le Tribunal de paix de Diekirch, siégeant en matière de bail à loyer, avait déclaré non fondée la demande de PERSONNE2.), bailleur, en annulation de la décision de la commission des loyers de la commune de ADRESSE3.) ayant réduit le loyer dû par le locataire, PERSONNE1.). Le Tribunal d’arrondissement de Diekirch avait ordonné une mesure d’instruction par expertise afin de « déterminer le capital investi, réévalué et décoté » dans le bien loué. Suite au dépôt du rapport d’expertise, le Tribunal a fixé le loyer à un montant plus élevé que celui retenu par le juge de première instance, mais inférieur au loyer convenu entre parties.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 4 du Code civil et de l’article 54 du NCPC, En ce que le tribunal d’arrondissement de et à Diekirch dans les jugements entrepris a décidé de faire aveuglément confiance à un rapport d’expertise datant de près de trois ans, sans se questionner sur la décote qui pouvait avoir eu lieu en l’occurrence, Que le Tribunal a sciemment omis de statuer sur la demande de Monsieur PERSONNE1.) quant à l’établissement d’un nouveau rapport d’expertise ou bien d’un complément à ce dernier, Alors que d’après l’article 4 du Code civil, le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice.

L’article 54 du NCPC indique que qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé. » ».

2 Réponse de la Cour Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture.

Le moyen de cassation articule, d’une part, la violation de l’article 54 du Nouveau Code de procédure civile par l’omission de statuer sur un chef de la demande, partant un vice de fond qui, aux termes de l’article 617, point 5° du Nouveau Code de procédure civile, donne ouverture à requête civile, et, d’autre part, la violation de l’article 4 du Code civil qui donne ouverture à cassation.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « 1ère branche : violation de l’article 109 de la constitution (ancien article 89) 2e branche : violation de l’article 249 du Nouveau code de procédure civile, pour absence de motifs et de réponse à conclusions, 3e branche : violation de l’article 6 de la Convention européenne des Droits de l’Homme au vœu duquel la motivation suffisante des décisions judiciaires fait partie des critères d’un procès équitable ;

En ce que le Tribunal n’a pas motivé sa décision d’approuver les méthodes de calculs de l’expert MELCHIOR en son jugement du 9 juin 2021 et a en cela privé la partie demanderesse de comprendre les raisons de cet acquiescement des juges aux méthodes de l’expert. ».

Réponse de la Cour Sur les deux premières branches du moyen En tant que tirées de la violation des articles 89 de la Constitution, applicable à la date de la procédure devant les juges d’appel, et 249 du Nouveau Code de procédure civile, les deux branches du moyen visent le défaut de motifs, qui est un vice de forme.

Une décision est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation expresse ou implicite, fût-elle incomplète ou viciée, sur le point considéré.

En retenant, aux termes du jugement du 9 juin 2021, 3« En l'espèce, l'expert MELCHIOR a procédé en deux étapes en ce qu'il a d'abord fait le calcul du capital investi, réévalué et décoté de la construction de la bâtisse, ainsi que du terrain, sur base de l'évolution de l'indice des prix de la construction, puis le calcul des frais d'entretien et de rénovation investis et réévalués dans l'appartement E occupé par PERSONNE1.).

L'expert MELCHIOR a commencé par déterminer le prix de la construction de la bâtisse sise à ADRESSE1.), en 1996, sans terrain. Le montant retenu dans son rapport d'expertise du 4 décembre 2020 s'élève à 402.000 euros.

Il ressort de l'article 3 (4) précité, qu'en d'absence de pièces justificatives, et s'il y a désaccord entre le bailleur et un locataire, un expert assermenté en bâtiment pourra procéder à l'évaluation du capital investi, réévalué et décoté. Comme l'article prémentionné ne prévoit pas de critère spécifique pour procéder à une telle évaluation, l'expert est libre de choisir la méthode qu'il juge adapté. En l'occurrence, l'expert MELCHIOR s'est basé sur le tableau de Werner, Steffen, Leer et Leurs, catégorie 7.4. .

(…) Ensuite, l'expert MELCHIOR a recherché le prix d'acquisition du terrain sur lequel fut construit l'immeuble dans lequel se trouve l'appartement litigieux. Il ressort de ses recherches menées auprès du Bureau des hypothèques à Diekirch que les consorts GROUPE1.) avaient à l'époque acquis le terrain au prix de 160.000,-

LUF, soit 39.662,96 euros (arrondis à 40.000 euros).

Par après, l'expert MELCHIOR a évalué le capital investi en additionnant les montants retenus pour la construction initiale de l'immeuble sise à ADRESSE1.), ainsi que pour l'acquisition du terrain, chacun des postes ayant encore été réévalué par multiplication avec le coefficient correspondant du tableau des coefficients de réévaluation prévus par l'article 102, alinéa 6, de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu. En ce qui concerne la construction du bâtiment, qui remontait au jour de l'expertise à plus de 15 ans, et plus précisément à 24 ans alors qu'elle date de l'année 1996, l'expert a encore procédé au calcul de la décote, en ce qu'il a diminué le capital investi et réévalué de 2% par période de deux années supplémentaires.

En ce faisant, l'expert MELCHIOR s'est parfaitement conformé aux prescriptions des paragraphes (2) et (3), alinéa 1 et 2 de l'article 3 de la loi modifiée du 21 septembre 2006 sur le bail à usage d'habitation et modifiant certaines dispositions du code civil.

Pour en terminer, l'expert a divisé les montants retenus par la quote-part de la surface d'habitation de l'appartement E occupé par PERSONNE1.), dans la surface totale de la résidence, en pour cent. ((56,87 m2x100)/390m2 = 14,5821 %) Pour le calcul des travaux d'amélioration, l'expert MELCHIOR s'est basé sur les quatre factures SOCIETE1.), SOCIETE2.), SOCIETE3.) et SOCIETE4.) annexées au rapport d'expertise BALL du 6 mars 2020.

4 Dans la mesure où la loi prévoit expressément la prise en compte des travaux d'amélioration, il faut en déduire que cette disposition s'applique également pour les travaux exécutés en cours de bail. Aucun élément du dossier ne permet de retenir qu'il ne s'agit pas de vraies factures tel qu'allégué par l'intimé.

Les travaux d'amélioration ne visent pas les travaux de réparations locatives ou de menu entretien. Comme les travaux faisant l'objet de la facture SOCIETE4.) doivent être rangés dans la catégorie des travaux d'entretien, il n'y a pas lieu de prendre cette facture en considération pour le calcul des frais d'amélioration.

L'expert a encore procédé à la réévaluation des montants indiqués sur les factures, conformément aux prescriptions de l'article 3 (3) de la loi modifiée du du 21 septembre 2006 prémentionnée, en les multipliant avec le coefficient correspondant du tableau des coefficients de réévaluation prévus par l'article 102, alinéa 6, de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu.

L'expert a finalement fait application de l'article 3 (1) de la loi modifiée du du 21 septembre 2006 prémentionnée, qui - pour rappel - prévoit que . », les juges d’appel ont motivé leur décision sur les points considérés.

Il s’ensuit que le moyen, pris en ses deux premières branches, n’est pas fondé.

Sur la troisième branche du moyen Au vu de la réponse donnée aux premières branches du moyen, le grief tiré de la violation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’est pas fondé.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa troisième branche, n’est pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de l’excès de pouvoir des juges en appel et de l’excès de formalisme des juges d’appel Le tribunal se contente de se baser sur un arrêt ancien de la Cour datant du 18 décembre 1962 afin de tenter de justifier la confiance aveugle envers le rapport d’expertise MELCHIOR.

Il échet de constater que les juges d’appel ont fait preuve d’un formalisme excessif dans leur manière d’appréhender cette affaire. Les juges se sont contentés 5de se référer aux méthodes employées par l’expert, bien que constamment contestées par la partie demanderesse. ».

Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir fait preuve d’un excès de pouvoir et d’un formalisme excessif.

Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen ou branche doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, le cas d’ouverture invoqué.

A défaut d’indication de la disposition légale qui aurait été violée, le moyen ainsi formulé ne répond pas aux conditions de précision requises par la loi.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 472 du Nouveau code de procédure civile, Alors que la jurisprudence indique que l’expert doit mettre en mesure les parties de critiquer les opérations qu’il mène et il est tenu, en matière civile, de convoquer les parties aux opérations d’expertises. Il doit également fournir aux parties l’ensemble des documents sur lesquels il se fonde pour forger son opinion. » L’expert n’a pas soumis de projet de son rapport d’expertise aux parties afin de leurs permettre de formuler par écrit leurs éventuels commentaires quant à ce dernier mais les a mis devant le fait accomplis en déposant son rapport d’expertise auprès du greffe du tribunal de Diekirch. » ».

Réponse de la Cour Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, ce en quoi la partie critiquée de la décision encourt le reproche allégué. Les développements en droit qui, aux termes de l’alinéa 3 de l’article 10 précité peuvent compléter l’énoncé du moyen, ne peuvent suppléer la carence de celui-ci au regard des éléments dont la précision est requise sous peine d’irrecevabilité.

Le moyen ne précise pas en quoi les juges d’appel auraient violé la disposition visée au moyen.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

6 Sur le cinquième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation des articles 1134 et 1728 du Code civil et de l’article 58 du Nouveau Code de Procédure Civile, Le Tribunal a donné droit à la partie bailleresse alors que cette dernière s’est volontairement abstenue de produire les pièces les plus basiques étant nécessaires à l’appréciation du litige au fond et que cette mauvaise foi n’a fait l’objet d’aucune sanction et n’a pas été relevé par les juges en appel. ».

Réponse de la Cour Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture.

Le moyen articule, sans être subdivisé en branches, la violation de plusieurs dispositions légales constituant des cas d’ouverture différents, soit, d’une part, les articles 1134 du Code civil tenant à la force obligatoire des conventions et à leur exécution de bonne foi et 1728 du Code civil tenant aux obligations incombant au preneur et, d’autre part, l’article 58 du Nouveau Code de procédure civile régissant, parmi les principes directeurs du procès, les preuves.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Le demandeur en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

rejette la demande du demandeur en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

le condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation.

7La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence de l’avocat général Anita LECUIT et du greffier Daniel SCHROEDER.

8 Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.)/ PERSONNE2.) (affaire inscrite sous le n° CAS-2023-00155) Le pourvoi en cassation introduit par PERSONNE1.) par mémoire en cassation daté au 8 septembre 2023, signifié le 27 septembre 2023 à PERSONNE2.) et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 2 octobre 2023, est dirigé contre - le jugement n° 2023TADCOMM/396 rendu le 30 juin 2023 par le tribunal d’arrondissement de et à Diekirch, siégeant en matière d’appel de bail à loyer, statuant contradictoirement, et inscrit sous le n° du rôle TAD-2020-01251, - le jugement n° 2021TADCOMM/568 rendu le 9 juin 2021 par le tribunal d’arrondissement de et à Diekirch, siégeant en matière d’appel de bail à loyer, statuant contradictoirement, et inscrit sous le n° du rôle TAD-2020-01251, - le jugement n° 2020TADCOMM/483 rendu le 7 octobre 2020 par le tribunal d’arrondissement de et à Diekirch, siégeant en matière d’appel de bail à loyer, statuant contradictoirement, et inscrit sous le n° du rôle TAD-2020-01251.

Il ne ressort pas des pièces versées au dossier que les jugements dont pourvoi aient fait l’objet d’une signification.

Le pourvoi en cassation est recevable en la pure forme pour avoir été interjeté dans les forme et délai prévus aux articles 7 et 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure de cassation, la signification du pourvoi ayant eu lieu en conformité des exigences prescrites au règlement CE n° 2020/1784 du 25 novembre 2020 relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale.

Faits et rétroactes :

PERSONNE2.), propriétaire, a donné en location à PERSONNE1.) un appartement sis à ADRESSE3.), pour un loyer mensuel de 550 euros, charges non comprises. La commission des loyers, saisie par le propriétaire d’une demande en augmentation, fixa le loyer à 173 euros par mois, charges et taxes non comprises, avec effet rétroactif au 1er novembre 2018. Le tribunal de paix de Diekirch, saisi sur recours exercé par le propriétaire, a, par jugement rendu le 6 février 2020, confirmé la décision de la commission de loyer.

Sur appel interjeté par PERSONNE2.), le tribunal d’arrondissement de et à Diekirch, par jugement n° 2020TADCOMM/483 rendu le 7 octobre 2020, a nommé avant tout autre progrès en cause l’expert Lucien MELCHIOR avec la mission de se prononcer sur le capital investi en application de l’article 3 (1)-(4) de la loi du 2 septembre 2006 sur le bail à usage d’habitation et modifiant certaines dispositions du Code civil.

9Par jugement n° 2021TADCOMM/568 rendu le 9 juin 2021, le tribunal d’arrondissement de et à Diekirch demanda, avant tout autre progrès en cause, à l’expert commis de communiquer aux parties une pièce dénommée « Gebäudeschätzung » afin de leur permettre de faire leurs observations y relativement.

En prosécution de cause, le tribunal d’arrondissement de et à Diekirch, par jugement n° 2023TADCOMM/396 rendu le 30 juin 2023 a fixé, par réformation du jugement entrepris, le loyer redû par le locataire PERSONNE1.) au montant mensuel de 436 euros, taxes et charges non comprises, ce avec effet rétroactif au 1er novembre 2018.

Considération préliminaire concernant les cinq moyens de cassation :

Il y a lieu de rappeler qu’un moyen est recevable en la forme dès qu’il répond aux exigences minimales de formulation instaurées par l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure de cassation. Celles-ci soumettent la recevabilité d’un moyen de cassation aux seules critères suivants :

- qu’il ne mette en œuvre, au moins dans ses différents éléments, qu’un seul cas d’ouverture de cassation à la fois, et cela en précisant à chaque fois le cas d’ouverture invoqué, - qu’il indique la partie critiquée de la décision, - et qu’il indique en quoi celle-ci encourt le reproche allégué.

Quant à l’exigence d’indiquer la partie attaquée, le demandeur en cassation1 se contente en l’occurrence de dire que les trois jugements dont pourvoi sont entrepris « en ce qu’ils n’ont pas fait droit à ses conclusions » et que les dispositifs respectifs des jugements dont pourvoi « sont attaquées pour autant que le demandeur en cassation n’a pas obtenu gain de cause ». Il conclut de voir casser et annuler les trois jugements visés par son pourvoi2, sans rattacher les moyens respectifs à une partie concrètement critiquée des jugements respectifs dont pourvoi.

Rien qu’une lecture sommaire des cinq moyens sous examen mène inéluctablement au constat qu’ils manquent de précision dans leur énoncé.

En effet, le demandeur en cassation, en choisissant de se déterminer aux termes des moyens respectifs par une terminologie vague telle que « le tribunal d’arrondissement de et à Diekirch dans les jugements entrepris », « le tribunal n’a pas motivé sa décision », « les juges d’appel », et de ne même pas distinguer lequel des jugements dont pourvoi est visé par les cas d’ouverture respectifs, il omet nécessairement d’indiquer la partie critiquée des décisions dont pourvoi, croyant pouvoir relaisser cette tâche à Votre Cour, voire à la soussignée.

En optant pour ce procedere, le demandeur en cassation ne satisfait pas aux exigences de l’article 10, alinéa 2, prémentionné et entache un chacun des moyens par le même vice d’imprécision. Il s’ensuit qu’un chacun moyen encourt la sanction de l’irrecevabilité à ce titre.

Ce n’est que pour être complet que la soussignée examine séparément les moyens de cassation formulés par PERSONNE1.).

1 cf. p.5 du mémoire en cassation ;

2 cf. p. 15 du mémoire en cassation ;

101er moyen de cassation :

Le 1er moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 4 du Code civil et de l’article 54 du Code civil, en ce que « le tribunal d’arrondissement de Diekirch dans les jugements entrepris a décidé de faire aveuglément confiance à l’expertise dressée à un rapport d’expertise de près de trois ans, sans se questionner sur la décote qui pouvait avoir lieu en l’occurrence », et en ce qu’il « a sciemment omis de statuer sur la demande de Monsieur PERSONNE1.) quant à l’établissement d’un nouvel rapport d’expertise ou bien d’un complément à ce dernier ».

Le moyen sous examen, pour autant qu’il ne soit pas irrecevable pour la considération préliminaire, est irrecevable en ce qu’il mélange le cas d’ouverture de la violation de la loi et la requête civile3.

En effet, il articule, d’une part, la violation de l’article 54 du Nouveau code de procédure civile par l’omission de statuer sur un chef de la demande, donnant ouverture à requête civile et non à cassation, et, d’autre part, la violation de l’article 4 du Code civil qui vise le déni de justice duquel se rend coupable le juge lorsqu’il refuse de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, vice de fond qui a vocation à donner ouverture à cassation.

Pour être complet, dans la mesure où le demandeur en cassation semble reprocher aux magistrats d’appel de ne pas avoir tenu compte de ses critiques en relation avec l’expertise MELCHIOR et de sa demande en institution d’une nouvelle expertise, voire d’un complément d’expertise, le grief est étranger à l’article 4 du Code civil. Les premiers juges, en ce qu’ils ont fixé le quantum du loyer en application de l’article 3 (1)-(4) de la loi du 2 septembre 2006 sur le bail à usage d’habitation, n’ont pas refusé de juger face à des dispositions légales obscures ou lacunaires au sens de l’article 4 du Code civil.

Finalement, le demandeur en cassation, sous le couvert de la violation alléguée de l’article 4 du Code civil, ne tend in fine qu’à remettre en cause l’appréciation par les magistrats d’appel des éléments de fait et de preuve leur soumis, dont l’expertise MELCHIOR, qui les a amenés à fixer le montant du loyer dû en l’occurrence. Ladite appréciation relevant de leur pouvoir souverain et échappant au contrôle de Votre Cour, il ne saurait être accueilli.

2ème moyen de cassation :

Le 2ème moyen de cassation est tiré de la violation des article 109 de la Constitution, de l’article 249 du NCPC et de l’article 6 de la CEDH en ce que les magistrats d’appel n’ont pas motivé leur décision « d’approuver les méthodes de calcul de l’expert Melchior » et ont en cela privé le demandeur en cassation de comprendre les raisons « de cet acquiscement des juges aux méthodes de calcul de l’expert ».

3 cf. dans ce sens: CCass n° 69/15 du 9.7.2015, n° 3515 du registre ; CCass n° 18/2017 du 16 février 2017, n° 3751 du registre ;

11Sous maintien de l’irrecevabilité du moyen articulée aux termes de la considération préliminaire, le moyen sous examen, visant le défaut de motif, n’est pas fondé.

Le défaut de motif étant constitutif d’un vice de forme, une décision judiciaire est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation expresse ou implicite, fût-elle incomplète ou viciée, sur le point considéré. Le défaut de motifs suppose donc l’absence de toute motivation sur le point considéré.4 En ce qu’aux termes du jugement n° 2021TADCOMM/568 rendu le 9 juin 20215, les magistrats d’appel se sont prononcés de façon exhaustive sur les méthodes de calcul employées par l’expert MELCHIOR, ils se sont déterminés par une motivation exempte du vice allégué.

3ème moyen de cassation :

Le 3ème moyen de cassation est tiré de l’excès de pouvoir des juges d’appel et de l’excès de formalise des juges d’appel.

Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen ou chaque branche doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, le cas d’ouverture invoqué.

A défaut d’indication de la (des) disposition(s) légale(s) qui auraient été violées, le moyen ne répond pas aux conditions de précision requises par la loi.

Dans la mesure où le moyen sous examen ne vise pas de texte légal, il est, conformément à la jurisprudence constante de Votre Cour, irrecevable.

Le moyen ne passant pas le cap de la recevabilité, il n’exige pas d’autres examens ni de recevabilité, ni de fond.

4ème moyen de cassation :

Le 4ème moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 472 du Nouveau code de procédure civile.

Au vœu de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, il incombe non seulement au demandeur en cassation de préciser dans l’énoncé du moyen les dispositions attaquées, mais également de dire en quoi les juges d’appel ont violé la disposition légale visé au moyen, soit en l’occurrence l’article 472 du Nouveau code de procédure civile.

Toutefois, en l’occurrence le demandeur en cassation a omis de ce faire. En effet, conformément à la considération préliminaire, le moyen sous examen, non seulement, en négligeant de dire lequel parmi les jugements dont pourvoi il vise, omet de préciser la 4 J. et L. BORÉ, La cassation en matière civile, 5e édition, n° 77.31 ;

5 cf. p. 5-6 dudit jugement ;

12motivation attaquée par le pourvoi, il est encore muet en quoi les juges d’appel auraient violé la disposition légale visée au moyen.

Compte tenu des carences flagrantes affectant l’énoncé du moyen, il n’est pas susceptible d’être complété par une discussion subséquente.

Pour être complet, la lecture de la discussion, dépourvue de tout développement en droit, mène vers le constat que le demandeur en cassation ne formule de critiques qu’à l’égard de l’expertise MELCHIOR et non à l’égard de la motivation des juges d’appel par rapport au rapport d’expertise MELCHIOR, si bien que la discussion n’est pas susceptible d’être réparatrice de l’énoncé du moyen.

5ème moyen de cassation :

Le 5ème moyen de cassation est tiré de la violation des articles 1134 et 1728 du Code civil et de l’article 58 du Nouveau code de procédure civile.

Sous maintien de la considération préliminaire, le moyen sous examen est encore irrecevable - en ce que, non subdivisé en branches, il articule la violation de plusieurs dispositions légales constituant des cas d’ouverture différents, soit les articles du Code civil tenant à la force obligatoire des conventions et leur exécution de bonne foi (article 1134 du Code civil) et ceux tenant aux obligations principales dans le chef du preneur (article 1728 du même code) d’une part, et, d’autre part, du Nouveau code de procédure civile, soit l’article 58 régissant, parmi les principes directeurs du procès, les preuves6;

- en ce que le grief, tel qu’allégué et tiré de l’omission par le bailleur de verser des pièces, est étranger aux dispositions légales énumérées au moyen.

Pour finir, sous le couvert de la violation des dispositions légales visées au moyen, celui-ci ne tend in fine qu’à remettre en discussion l’appréciation par les juges du fond des éléments de fait et de preuve leur soumis, dont l’expertise MELCHIOR, éléments les ayant conduits à fixer le quantum du loyer dû en l’occurrence. Cette appréciation relevant de leur pouvoir souverain et échappant au contrôle de la Cour de cassation, le moyen ne saurait être accueilli.

Conclusion :

Le pourvoi est recevable, mais doit être rejeté.

Luxembourg, le 29 mai 2024 Pour le Procureur Général d’Etat, le 1ier avocat général, Monique SCHMITZ 6 cf. dans ce sens CCass n° 75/2017 du 26 octobre 2017, n° 3851 du registre ;


Synthèse
Numéro d'arrêt : 114/24
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-07-04;114.24 ?

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