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27/06/2024 | LUXEMBOURG | N°49889C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 27 juin 2024, 49889C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 49889C du rôle ECLI:LU:CADM:2024:49889 Inscrit le 2 janvier 2024 Audience publique du 27 juin 2024 Appel formé par Monsieur (D), …… (Suisse), contre un jugement du tribunal administratif du 21 novembre 2023 (numéro 40877 du rôle) ayant statué sur son recours contre une décision de la COMMISSION DE SURVEILLANCE DU SECTEUR FINANCIER en matière d’amende administrative Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 49889C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 2 janvier 2024 par Maître Pierre REUTER, avoca

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 49889C du rôle ECLI:LU:CADM:2024:49889 Inscrit le 2 janvier 2024 Audience publique du 27 juin 2024 Appel formé par Monsieur (D), …… (Suisse), contre un jugement du tribunal administratif du 21 novembre 2023 (numéro 40877 du rôle) ayant statué sur son recours contre une décision de la COMMISSION DE SURVEILLANCE DU SECTEUR FINANCIER en matière d’amende administrative Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 49889C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 2 janvier 2024 par Maître Pierre REUTER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg, au nom de Monsieur (D), demeurant à CH-… …..(Suisse), …, ….., dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 21 novembre 2023 (numéro 40877 du rôle), par lequel le tribunal s’est déclaré incompétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre le volet de la décision de la COMMISSION DE SURVEILLANCE DU SECTEUR FINANCIER du 8 décembre 2017 portant refus d’approuver l’offre publique d’acquisition remise par la société (F) S.A. à travers sa filiale, la société (J), a reçu en la forme le recours subsidiaire en annulation dirigé contre le volet de la décision du 8 décembre 2017 portant refus d’approuver cette offre publique d’acquisition, au fond, l’ a déclaré non justifié et l’a rejeté, a reçu en la forme le recours principal en réformation dirigé contre le volet de la décision du 8 décembre 2017 ayant prononcé une amende d’ordre d’un montant de …. euros, au fond l’a déclaré non justifié et l’a rejeté, a dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation dirigé contre ce volet de la décision du 8 décembre 2017, a déclaré le recours en réformation sinon en annulation irrecevable en ce qu’il est dirigé contre le volet de la décision du 8 décembre 2017 annonçant la publication de communiqués de presse, s’est déclaré incompétent pour connaître de la demande tendant à ordonner à la COMMISSION DE SURVEILLANCE DU SECTEUR FINANCIER de procéder au retrait des communiqués de presse référencés sous les numéros (b1) et (b) ainsi qu’à la publication du présent jugement, a rejeté les demandes tendant à l’allocation d’indemnités de procédure de …. euros et de ….. euros formulées respectivement par Monsieur (D) et par la COMMISSION DE SURVEILLANCE DU SECTEUR FINANCIER, tout en condamnant Monsieur (D) aux frais et dépens de l’instance ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Kelly FERREIRA SIMOES, en remplacement de l’huissier Carlos CALVO, les deux demeurant à Luxembourg, du 5 janvier 2024, portant signification de cette requête d’appel à la COMMISSION DE SURVEILLANCE DU 1SECTEUR FINANCIER, en abrégé CSSF, établissement public de droit luxembourgeois, établie et ayant son siège social à L-1150 Luxembourg, 283, route d’Arlon, représentée par sa direction en fonctions, inscrite au R.C.S. de Luxembourg sous le numéro J 26 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 5 février 2024 par la société à responsabilité limitée RODESCH AVOCATS A LA COUR S.à r.l., ayant son siège social à L-1470 Luxembourg, 7-11, route d’Esch, immatriculée au R.C.S. de Luxembourg sous le numéro B 265.322, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Virginie VERDANET, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, au nom de la CSSF, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 5 mars 2024 par Maître Pierre REUTER au nom de l’appelant ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 5 avril 2024 par la société à responsabilité limitée RODESCH AVOCATS A LA COUR S.à r.l. au nom de la CSSF, préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Pierre REUTER et Maître Hisham RASSAFI, ainsi que Maître Virginie VERDANET en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 30 avril 2024.

La société anonyme de droit luxembourgeois (F) S.A., ci-après « la société (F) », se porta acquéreuse de parts sociales de la société anonyme de droit luxembourgeois (H) S.A., ci-après « la société (H) », au courant de l’année 2016, de sorte à détenir, par l’intermédiaire d’une de ses filiales, à savoir la société de droit chypriote (J), ci-après par « la société (J) », 97,31 % des droits de vote dans la société (H). A la suite de cette prise de contrôle, la société (J) lança une offre publique d’achat obligatoire, ci-après « OPA obligatoire », en soumettant une offre d’achat des actions restantes. Ladite OPA fut soumise à l’approbation de l’établissement public COMMISSION DE SURVEILLANCE DU SECTEUR FINANCIER, ci-après « la CSSF ».

L’OPA obligatoire projetée fit l’objet de communiqués de presse de part de la société (F) respectivement de la société (H) en dates des 8 et 10 juin 2016.

La CSSF adressa en date du 19 janvier 2017 un courrier à Monsieur (D), en sa qualité d’actionnaire majoritaire de la société (F), l'invitant à lui faire part, dans les 8 jours, de ses observations concernant son intention de prononcer à son encontre (i) une amende d’ordre de …. euros sur base de l'article 17, paragraphe (1), de la loi modifiée du 19 mai 2006 portant transposition de la directive 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition, ci-après « la loi OPA », respectivement « la directive 2004/25/CE », et (ii) deux sanctions administratives au titre de manipulations de marché au sens de l’article 11 de la loi modifiée du 9 mai 2006 relative aux abus de marché, ci-après 2« la loi Abus ». La CSSF se fonda sur un rapport d'enquête préparé par son département MAF II-

Métier Surveillance des Marchés d’Actifs Financiers, ci-après « MAF II », daté du 19 janvier 2017, annexé à ladite lettre, comportant 561 annexes, ledit rapport concluant à l’existence d’une action de concert au sens de la loi Abus entre Monsieur (D), Monsieur (M) et d’autres personnes, dans le cadre de la société (H).

Par courrier de son mandataire du 26 janvier 2017, Monsieur (D) informa la CSSF que s'il avait bien reçu la lettre d'intention du 19 janvier 2017, il se trouverait dans l’impossibilité de prendre connaissance du rapport et des annexes y mentionnées afin de prendre position dans le délai imparti de 8 jours. Il requit, notamment, par le même courrier, en application de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », « to get access to all the documents of [CSSF’s] file. This meaning not only the documents accompanying [CSSF’s] letter but the whole file of [CSSF’s] investigation against [him]. (…) » ainsi que « the full details of the identity of the persons inside of the CSSF who : - decided to initiate the investigation against [his] client ; - conducted the investigation ; - decided to contemplate a sanction against [his] client ».

Par courrier du 3 février 2017, la CSSF prolongea le délai accordé à Monsieur (D) pour la communication de ses observations jusqu’au 31 mars 2017.

En date du 16 février 2017, la CSSF procéda à la publication d’un communiqué de presse n° (a) concernant la société (H) et invitant les tiers intéressés à lui transmettre leurs observations jusqu’au 31 mars 2017.

Par courrier de son mandataire du 17 février 2017, Monsieur (D) s’insurgea contre la publication de ce communiqué de presse qu’il enjoignit à la CSSF de retirer de son site internet.

Par le même courrier, il demanda la communication des éventuelles observations des tiers intéressés sur base des articles 11 et 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979. Enfin, il sollicita de la CSSF l’octroi d’un délai supplémentaire d’un mois pour prendre position sur les reproches formulés et sur les éventuelles observations qu’elle recevrait de tierces personnes.

Par courrier du 16 mars 2017, la CSSF répondit au mandataire de Monsieur (D) notamment que le rapport d’enquête daté du 19 janvier 2017, y compris ses annexes, sur base duquel sa décision quant à l’existence d’une action de concert serait prise, lui aurait d’ores et déjà été communiqué et serait le cas échéant complété par un ou plusieurs supplément(s) suite aux observations des parties concernées et des tiers intéressés. Elle précisa encore qu’au cas où des observations lui seraient soumises par des tiers intéressés ou par des parties concernées selon les articles 5 ou 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, qui nécessiteraient un supplément audit rapport d’enquête, ce supplément d’information lui serait communiqué pour préserver le principe du contradictoire avec indication d’un délai pour prendre position, mais qu’en l’absence d’un tel supplément, le délai accordé à son mandant pour prendre position jusqu’au 31 mars 2017 serait maintenu.

Par courrier de son mandataire du 22 mars 2017, Monsieur (D) insista à nouveau sur l’octroi d’un délai supplémentaire de 4 semaines pour prendre position sur les reproches de la 3CSSF et sur les éventuelles observations qu’elle recevrait de tierces personnes, tout en rappelant sa demande de communication intégrale du dossier sur base de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, telle que formulée dans son courrier du 26 janvier 2017.

La CSSF répondit par courrier du 28 mars 2017 au mandataire de Monsieur (D) dans les termes suivants :

« (…) We write further to your letter dated 22 Match 2017 in the above captioned matter.

On your first point, we would like to reiterate the explanations already provided in our letter of 16 March 2017: the decisions referred to in the CSSF letter of 19 January 2017 will be taken on the basis of the investigation report dated 19 January 2017 (including the annexes thereto) as such report may be supplemented in the future on the basis of observations of a concerned party (partie concernée) or of an interested third party (tiers intéressé). All existing documents on the basis of which the CSSF decisions in question will be taken (i.e. the investigation report dated 19 January 2017 and its annexes) have already been communicated to you and to your client. As mentioned in our letter of 16 March 2017, all future supplements (if any) to the investigation report dated 19 January 2017 will also be communicated to you in your capacity as legal advisor to Mr (D) as prescribed by Articles 9 and 10 of the administrative regulation of 8 June 1979 (règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procedure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes). Contrary to what you seem to suggest in your letter dated 22 March 2017, in the final CSSF decisions, no documents will be "used against" your client if such documents are not referred to in the investigation report dated 19 January 2017 or in a potential supplement thereto.

Article 9 of the aforementioned regulation prescribes a minimum period of eight days to be granted to a concerned party to submit its observations. Your client has been granted a period of more than two months to submit his observations to the CSSF. We consider that the period already granted to your client is reasonable.

On your second point, we would like to refer you to our letters dated 3 February and 16 March 2017 (…) ».

Par courrier de son mandataire du 31 mars 2017, Monsieur (D) prit position quant au projet de décision de la CSSF.

Le mandataire de Monsieur (D) s’adressa encore à la CSSF par lettre du 6 avril 2017 aux termes de laquelle il enjoignit à la CSSF « to provide [them] with copies of all the submissions, comments and communications of whatsoever nature [the CSSF] ha[s] received from concerned parties (parties concernées) or from interested third parties (tiers intéressés) in relation to the investigation carried out against Mr (D) », au motif que « [t]he deadline for interested third parties to submit their observations to the CSSF having expired last Friday, 31 March 2017 ».

La CSSF y répondit par courrier du 26 avril 2017, aux termes duquel elle se référa aux réponses préalablement communiquées par ses lettres des 16 et 28 mars 2017.

4Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 13 octobre 2017, Monsieur (D) fit introduire un recours tendant à l’annulation de « la décision de la CSSF de refuser la communication du dossier administratif intégral à M. (D) dans le contexte d’une enquête diligentée à son encontre », « matérialisée à quatre reprises : 1) Dans une lettre de la CSSF au mandataire de la partie requérante et datée du 3 février 2017 (…) 2) Dans une lettre de la CSSF au mandataire de la partie requérante et datée du 16 mars 2017 (…) 3) Dans une lettre de la CSSF au mandataire de la partie requérante et datée du 28 mars 2017 (…) 4) Dans une lettre de la CSSF au mandataire de la partie requérante et datée du 26 avril 2017 (…) ».

Par jugement du 5 mars 2019, inscrit sous le numéro 40270 du rôle, le tribunal administratif déclara irrecevable ce recours en annulation. Ce jugement fut réformé par arrêt de la Cour administrative du 17 décembre 2019, inscrit sous le numéro 42666C du rôle, en ce sens que la Cour déclara recevable en la forme le recours tendant à l’annulation de la décision de la CSSF de refuser la communication du dossier administratif intégral à Monsieur (D). La Cour rejeta, ensuite, par évocation du fond, l’appel pour le surplus, déclara le recours non justifié et en débouta l’appelant.

Suite à cet arrêt de la Cour administrative, Monsieur (D) saisit la Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après « la CourEDH », pour reprocher au Luxembourg de ne pas lui avoir donné accès à l’ensemble des éléments du dossier détenu sur lui par la CSSF, en soulevant à cet égard une violation de l’article 6, paragraphes (1) et (3), point b), de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par une loi du 29 août 1953, ci-après « la CEDH ».

Par décision du 5 octobre 2021, inscrite sous le numéro 24395/20 du rôle, la troisième section de la CourEDH, déclara la requête introduite par Monsieur (D) irrecevable pour être prématurée.

Entretemps, par décision du 8 décembre 2017, la CSSF (i) refusa d’approuver l’OPA obligatoire des participations de la société (H), lancée par l’intermédiaire de la société (J) pour la société (F), (ii) prononça à l’encontre de Monsieur (D) la sanction d’une amende administrative d’un montant de …. euros et (iii) annonça la publication de communiqués de presse au sujet de la violation de la loi OPA et de la loi Abus. La conclusion de ladite décision est libellée comme suit :

« IV. Takeover Law Infringements The Investigation Report and the evidence included therein conclude on a principal basis that you, acting directly and indirectly (in particular through (x). and (w), (F) S.A. and (J)) together with Mr (B) (as sole shareholder of (g) and incidentally in his functions as CEO and chairman of (H)'s board of directors until bis respective removal and resignation from these positions on 18 March 2014 and 27 March 2014) were persons acting in concert with respect to (H) during the course of the Period under Investigation within the meaning of Article 2, paragraph (1), sub-paragraph d) of the Takeover Law.

According to the Investigation Report, as a result of the aggregation of your direct and indirect holdings in (H) shares together with the direct and indirect holdings of (H) shares held 5by Mr (B) (in particular those (H) shares held through (g)), you acquired the control over (H) within the meaning of Article 5 (3) of the Takeover Law on 10 and 11 January 2013 but failed in that context to comply with your obligation to launch a mandatory takeover offer over (H) as required by Article 5 (1) of the same law. It is further referred to the Directive 2004/25/EC of the European Parliament and of the Council of 21 April 2004 on takeover bids and in particular to its Article 4 ("Supervisoty authority and applicable law") as regards any further actions which could be initiated as a result of the abovementioned determination made by the CSSF pursuant to Article 5 (1) read together with Article 5(3) of the Takeover Law.

The Investigation Report allows to conclude on a subsidiary basis that during the Period under Investigation, the following persons were also persons acting in concert with you with respect to (H) in order to facilitate and/or further strengthen your creeping acquisition of control over (H). These persons are respectively (i) (C) (beneficial owner: Mr (m)); (ii) (E) (beneficial owner: Mr (n)); (iii) (I) (beneficial owner: Mr (h)); (iv) (K) ("(K)") (beneficial owner until on or around 8 June 2016: Mr (A)), (v) (U) ("(U)") (beneficial owner until on or around 8 June 2016:

Mr (T)) and (vi) (S) ("(S)") (beneficial owner until on or around 8 June 2016: Mr (O)).

On the basis of the Investigation Report, the CSSF considers that your implication in the concert action with the persons undisclosedly acting in concert with you on a principal and subsidiary basis as mentioned above constitutes a significant breach of the general principles set out in Article 3 of the Takeover Law and in particular those laid-down under subparagraphs (a) and (d) thereof (the "Infringement N°1").

V.

Market Abuse Law Infringements As a preliminary remark on the applicability of the relevant market abuse laws and regulations, and as previously communicated to you in the CSSF Intention Letter, this letter, the CSSF Intention Letter and the Investigation Report mostly refer to the provisions of the Luxembourg law of 9 May 2006 on market abuse (the "Market Abuse Law"), and should additionally, where appropriate in relation to procedural matters, be assumed to refer to the provisions of Regulation (EU) n°596/2014 of the European Parliament and of the Council of 16 April 2014 on market abuse ("MAR") and the texts adopted for its implementation (in particular the Luxembourg law of 23 December 2016 on market abuse, which has replaced the Market Abuse Law and renewed the powers of the CSSF in market abuse related matters). This is so because the CSSF considers that facts to which this decision letter, the CSSF Intention Letter and the Investigation Report relate occurred prior to the date of application of MAR (3 July 2016) and because the administrative sanctions and their publication provided for by Article 33, paragraphs 1 and 6, of the Market Abuse Law are lower and less stringent than the administrative sanctions and their publication provided for or referred to in Articles 12 and 14 of the new law of 23 December 2016.

The Investigation Report evidences several instances of market manipulations in breach of the general prohibition of market manipulations laid down in Article 11 of the Market Abuse Law.

The provisions of the Market Abuse Law, including the prohibition on market manipulations, apply irrespective of whether or not the transaction itself takes place on a regulated market (cf. Article 4 of the Market Abuse Law).

6 The Investigation Report allows in particular to conclude that the omissions and/or misstatements in the(x) and (w)'s press release of 18 October 2012 and the ensuing (H) press release dated 19 October 2012 (as described in more detail under indicator n°1 of the Investigation Report) qualify as market manipulation under Article 1, paragraph 2), point c) of the Market Abuse Law (the "Infringement N°2"). Based upon the Investigation Report, the CSSF finds that this infringement is imputable to you as the beneficial owner of(x) and (w).

The Investigation Report further allows to conclude that the use of (K), (S) and (U) (each a "30% SPV") for subscribing in aggregate to ……billion new (H) shares in November 2014 and in May 2016 and the subsequent disposal of the 30% SPVs (including the (H) shares held by them) on or around 8 June 2016 to you (acting through (F) S.A., itself acting through (J)) (as described in more detail under indicator n°8 of the Investigation Report) qualify as market manipulation under Article 1, paragraph 2), point b) of the Market Abuse Law (the "Infringement N°3").

The CSSF finds that this market manipulation is imputable to you as the person whose identity the use of the colluding 30% SPVs and their respective beneficial owners purported to conceal.

VI. Administrative Measures and Sanctions The CSSF informs you of its decision not to approve the offer document in the context of the current Mandatory Takeover Offer, which, as a result of your undisclosed concert action with Mr (B) on a principal basis and your pre-existing control over (H) since 10 and 11 January 2013 and based upon the violations of Article 3 (a) and (d), Article 5 (1) and (3) and in accordance with the provisions of Article 13 (a) of the Takeover Law, is declared null and void.

Based upon Article 4 (2) (a) of the Takeover Law read together with the general principles laid down under Article 3 (a) and (d) of the same law and in order to further ensure the transparency and integrity of the market of the (H) shares, the CSSF will make public through a CSSF press release (the "CSSF Press Release on Takeover Law Infringements") its decision not to approve the offer document in the context of the current Mandatory Takeover Offer as a result of your undisclosed concert action with Mr (B) and the resulting control over (H) since 10 and 11 January 2013 and to declare the Mandatory Takeover Offer null and void. The abovementioned press release will make reference to you and to Mr (B) on a nominative basis taking into consideration your respective roles as main parties acting in concert.

Considering that the maximum administrative fine incurred as a result of the undisclosed concert action amounts to EUR ….. (…… Euros) on the basis of Article 17 (1) of the Takeover Law as announced per the CSSF Intention Letter. Considering further that in relation to the market manipulation practices described under section V above, the maximum administrative fine amounts to EUR ….. (…… million Euros) on the basis of Article 33, paragraph 1 of the Market Abuse Law as announced per the CSSF Intention Letter. Upon due consideration of the abovementioned maximum administrative fines under the Takeover Law and the Market Abuse Law and taking into account that the alleged infringements to the abovementioned laws can be considered as concurrent offenses (concours de violations) (arising from a single set of facts in 7the case of Infringements N°1 and N° 3; or arising from different set of facts in the case of Infringements N° 2 and N°3), the CSSF informs you that it has decided to impose on you an administrative fine of EUR ….. (in words: …… euros) for the market manipulations in accordance with Article 33 paragraph 1 of the Market Abuse Law. This administrative fine comprises the administrative fine of EUR ….. (in words: …… euros) incurred under the Takeover Law.

Pursuant to Article 33, paragraph 6 of the Market Abuse Law, the CSSF has decided to disclose to the public through a separate CSSF press release (the "CSSF Press Release on Market Abuse Infringements") the administrative fine imposed on you in relation to the market manipulations mentioned above in order to restore and ensure the investors protection as well as the transparency and the integrity of the market of the (H) shares and upon due consideration that such publication complies with the applicable requirements of necessity and proportionality by being appropriate and not going beyond what is necessary to achieve the abovementioned objectives. (…) ».

En date du même jour la CSSF procéda à la publication de deux communiqués de presse référencés respectivement sous les numéros (b1) et (b), intitulés respectivement : « Communiqué de presse concernant (H) S.A. (…) » et « amende administrative imposée par la CSSF pour manipulations de marché en relation avec les actions de la société (H) SA (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 mars 2018, inscrite sous le numéro 40877 du rôle, Monsieur (D) fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision de la COMMISSION DE SURVEILLANCE DU SECTEUR FINANCIER du 8 décembre 2017 ayant (i) refusé l’approbation de l’OPA obligatoire sur des actions d’(H) S.A. par une société appartenant majoritairement à Monsieur (D), (ii) imposé une amende administrative de l’ordre de ….. euros à ce dernier, (iii) annoncé une publication d’un communiqué de presse en relation avec les violations des lois OPA et Abus, tout en demandant au tribunal d’ordonner à la CSSF de supprimer sur son site internet les communiqués de presse numéros (b1) et (b).

Par jugement du 21 novembre 2023, le tribunal (i) se déclara incompétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre le volet de la décision de la CSSF du 8 décembre 2017 portant refus d’approuver l’OPA obligatoire remise par la société (F) à travers sa filiale, la société (J) et reçut en la forme le recours subsidiaire en annulation dirigé contre le volet de la décision de la CSSF du 8 décembre 2017 portant refus d’approuver cette OPA, au fond, le déclara non justifié et le rejeta, (ii) reçut en la forme le recours principal en réformation dirigé contre le volet de la décision de la CSSF du 8 décembre 2017 ayant prononcé une amende d’un montant de …. euros, au fond le déclara non justifié et le rejeta, dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation dirigé contre ce volet de la décision de la CSSF du 8 décembre 2017, (iii) déclara le recours en réformation sinon en annulation irrecevable en ce qu’il est dirigé contre le volet de la décision de la CSSF du 8 décembre 2017 annonçant la publication de communiqués de presse, (iv) se déclara incompétent pour connaître de la demande tendant à ordonner à la CSSF de procéder au retrait des communiqués de presse référencés sous les numéros (b1) et (b) et à la publication dudit jugement, tout en rejetant les demandes tendant à l’allocation d’indemnités de procédure de …. euros et de …. euros formulées respectivement par le demandeur et par la CSSF et en condamnant le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

8 Dans son jugement, le tribunal examina de prime abord la question de la nature du recours susceptible d’être introduit, qu’il détermina par rapport à la loi en vigueur au moment de la prise de la décision litigieuse, en l’occurrence la loi du 23 décembre 2016 relative aux abus de marché, ayant abrogé la loi Abus, et la loi OPA en sa version applicable au moment de la prise de la décision.

Il procéda ensuite à un examen séparé de la question de la nature du recours par rapport au refus d’approbation de l’OPA obligatoire, à la décision de prononcer une sanction administrative et à l’annonce de publier deux communiqués de presse et conclut qu’un recours en annulation est ouvert contre la première décision, un recours en réformation contre la deuxième conformément aux articles 18 de la loi OPA et 34 de la loi du 23 décembre 2016, tout en déclarant irrecevable le recours en réformation, sinon en annulation dirigé contre l’annonce d’une publication de communiqués de presse, à défaut pour le courrier du 8 décembre 2017 de contenir un élément décisionnel à cet égard qui serait indépendant des points de la décision à publier. Enfin, le tribunal se déclara incompétent pour connaître de la demande tendant au retrait des communiqués de presse et à la publication du jugement à défaut de base légale afférente.

Quant au fond, le tribunal rejeta les moyens basés sur (i) une violation de l’article 6, paragraphe 1er, de la CEDH dirigé contre le volet de la décision ayant prononcé une sanction administrative, (ii) une violation de la présomption d’innocence au sens des articles 6, paragraphe (2), de la CEDH et 48 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après « la Charte », en concluant à l’inapplicabilité de la première disposition, mais à l’applicabilité de la seconde, tout en retenant que durant la phase administrative aboutissant à une sanction administrative, l’administré concerné est à considérer comme innocent jusqu’à la prise d’une décision de sanction, qui alors bénéfice de la présomption de régularité des décisions administratives, mais en retenant que devant le juge administratif, saisi d’un recours contre une telle décision, le bénéfice du doute devrait jouer, ce principe n’ayant toutefois pas été violé en l’espèce, (iii) le reproche de ne pas avoir été informé de l’ouverture d’une enquête, (iv) une violation du secret professionnel, (v) une violation de la loi modifiée du 24 février 1984 sur le régime des langues, ci-après « la loi du 24 février 1984 », (vi) une violation des droits de la défense et du principe du contradictoire, par référence à un arrêt de la Cour administrative du 17 décembre 2019, inscrit sous le numéro 42666C du rôle, (vii) une violation de la loyauté probatoire, (viii) une violation de loi OPA et de la loi Abus, (ix) une violation du principe de proportionnalité et (x) une qualification du refus d’approbation de l’OPA obligatoire en tant que sanction.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 2 janvier 2024, Monsieur (D) a régulièrement relevé appel du jugement du 21 novembre 2023, en demandant à la Cour, selon le dispositif de la requête d’appel, de réformer ledit jugement et d’annuler dans le cadre de la réformation la décision du 8 décembre 2017, d’ordonner à la CSSF de supprimer de son site les communiqués de presse numéros (b1) et (b) en publiant l’arrêt à venir, subsidiairement de réduire l’amende à de plus justes proportions et de supprimer toute publication le mettant en cause, tout en demandant l’octroi d’une indemnité de procédure de ….. euros.

L’appelant soulève à l’égard du jugement déféré, respectivement à l’égard des décisions litigieuses les critiques suivantes :

9 (i) les premiers juges auraient à tort déclaré irrecevable son recours en ce qu’il vise la décision de la CSSF de publier la sanction retenue, (ii) violation du paragraphe (1) de l’article 6 de la CEDH et de l’article 47 de la Charte, au motif d’une partialité structurelle au niveau de la CSSF, (iii) violation du paragraphe (2) de l’article 6 de la CEDH, ensemble l’article 48 de la Charte, au motif d’un non-respect de la présomption d’innocence, (iv) violation de ses droits de la défense et du principe du contradictoire en raison d’un accès insuffisant à l’intégralité du dossier, (v) absence de violation de la loi OPA, (vi) absence de violation de la loi Abus à défaut de manipulation de marché au sens de l’article 1er, sub 2, points b) et c), de la loi Abus, (vii) caractère disproportionné de la sanction.

La CSSF pour sa part conclut à la confirmation du jugement sous réserve d’affirmer vouloir interjeter appel incident en reprochant aux premiers juges d’avoir retenu l’applicabilité de l’article 48 de la Charte.

S’agissant de ce dernier point, la Cour relève de prime abord que c’est à juste titre que l’appelant conclut à l’irrecevabilité de la demande afférente de la CSSF pour autant qu’elle l’entend qualifier d’appel incident, dans la mesure où la question de l’applicabilité de l’article 48 de la Charte est un élément de la motivation n’ayant pas été repris dans le dispositif du jugement attaqué.

En revanche, les considérations avancées à cet égard par la CSSF sont susceptibles d’être prises en compte en tant que moyens de défense en appel.

La Cour relève ensuite et à titre de remarque liminaire qu’à différentes reprises l’appelant déclare renvoyer à ses écrits de première instance.

La Cour ne saurait toutefois donner une suite favorable à ces déclarations, sous réserve du renvoi à l’exposé des faits figurant dans la requête introductive de première instance, qui se recoupe en substance avec l’exposé des faits tel que repris ci-avant. A cet égard, la Cour rappelle qu’elle est saisie dans la limite des prétentions des parties telles que concrétisées à travers les moyens invoqués dans leur requête ou mémoires, de sorte que sauf hypothèse des moyens à soulever d’office, elle n’est pas amenée à prendre position par rapport aux moyens qui ne figurent pas dans les conclusions d’appel et n’est pas tenue de répondre aux conclusions de première instance auxquelles se réfèrent simplement les conclusions d’appel. En effet, les moyens d’appel sont appelés à se diriger contre le jugement dont appel, de sorte à devoir être formulés concrètement par rapport aux dispositions dudit jugement faisant grief dans l’optique de l’appelant. La Cour ne saurait dès lors tenir compte des moyens simplement réitérés par référence aux écrits de première instance, lesquels, par la force des choses, se dirigent contre la décision de l’administration initialement critiquée et non pas contre le jugement dont appel ayant statué par rapport à cette décision1.

1 Cour adm. 6 avril 2006, n° 20736C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 1163 et les autres références y citées.

10 Dans ces conditions, la Cour n’est en l’espèce pas utilement appelée à analyser les moyens soulevés en première instance auxquels il a simplement été renvoyé par l’appelant sans développement circonstancié en instance d’appel et ne prendra position que par rapport aux moyens effectivement développés dans le cadre des écrits déposés en instance d’appel tant en ce qui concerne l’appelant qu’en ce qui concerne d’ailleurs la CSSF, qui entend pareillement répondre aux moyens exposés par renvoi à la procédure de première instance par un renvoi, à son tour, à ses conclusions de première instance.

La Cour constate ensuite, toujours à titre liminaire, que l’appelant ne remet pas en question l’analyse du tribunal quant à la nature du recours susceptible d’être introduit contre la décision de prononcer une sanction administrative à son égard, à savoir un recours en réformation, ni celle ayant amené le tribunal à se déclarer incompétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre le volet de la décision de la CSSF du 8 décembre 2017 portant refus d’approuver l’OPA obligatoire et à recevoir en la forme le recours subsidiaire en annulation dirigé contre ce volet de la décision de la CSSF du 8 décembre 2017.

Il ne remet pas non plus en question l’analyse du tribunal s’agissant des lois, regardées dans le temps, par rapport auxquelles le bien-fondé de la décision de prononcer l’amende litigieuse est à examiner, le tribunal ayant retenu que tant la question du champ d’application des lois OPA et Abus, que celle de la qualification des faits au regard des obligations y inscrites et susceptibles de conduire à une sanction administrative, que celle de la compétence du pouvoir sanctionnateur, étaient à examiner au regard de ces deux lois, telles qu’elles étaient en vigueur au moment des faits, soit, en l’occurrence, au regard des versions d’avant les modifications du 25 mars 2020, du 25 février 2021, respectivement du 20 mai 2021. En revanche, s’agissant de l’analyse du principe et du quantum de la sanction, le tribunal opéra une distinction entre la loi OPA et la loi Abus en ce sens qu’en ce qui concerne la loi OPA cette analyse était à effectuer sur base de la version de cette loi applicable au jour du jugement, tandis qu’en ce qui concerne la loi Abus, il y avait lieu d’appliquer la version de ladite loi en vigueur au moment de la commission des violations alléguées, c’est-à-dire la version de la loi Abus en vigueur avant les modifications du 25 mars 2020, du 25 février 2021, respectivement du 20 mai 2021 et son abrogation par la loi du 23 décembre 2016 relative aux abus de marché ayant mis en œuvre le règlement (UE) 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché. Ni l’appelant, ni la CSSF ne remettant en question cette analyse du tribunal, dont la Cour partage d’ailleurs la conclusion, elle n’a pas à se prononcer plus en avant sur cette question.

Enfin, la Cour constate que l’appelant n’a pas repris en instance d’appel un certain nombre de moyens qu’il avait soulevés en première instance, de sorte que la Cour n’a pas non plus à se prononcer sur les volets du jugement ayant rejeté ces moyens.

La Cour examinera les moyens tels que présentés en instance d’appel par l’appelant non pas dans l’ordre dans lequel ils sont présentés, mais suivant la logique juridique dans laquelle ils s’insèrent et l’effet utile s’en dégageant.

111) Quant à la recevabilité du recours en ce qu’il vise la décision de la CSSF de publier des communiqués de presse Arguments des parties L’appelant critique les premiers juges pour avoir déclaré irrecevable le volet du recours visant la publication de la sanction retenue à son égard. Selon lui, le libellé de la décision du 8 décembre 2017 permettrait de retenir qu’il ne s’agirait pas d’une simple intention mais d’une décision d’ores et déjà adoptée.

La CSSF conclut au rejet de ce moyen en se ralliant à l’analyse des premiers juges.

Elle fait valoir que la publication d'une décision par la CSSF ne serait pas une sanction, ni même un acte juridique, mais une simple « opération matérielle ». Elle aurait informé le public des décisions prises par la CSSF en date du 8 décembre 2017 sous les lois OPA et Abus, tout en soulignant que l’objectif des deux communiqués de presse n’aurait pas été de sanctionner l'appelant, mais d'informer les actionnaires de la société (H), cotée en bourse, que suite aux décisions prises le 8 décembre 2017 à l'égard de certaines personnes, l'OPA obligatoire qui avait été annoncée le 8 juin 2016 ne pourrait pas être approuvée.

Ainsi, la publication sous la loi OPA, à savoir le communiqué de presse numéro 40, viserait avant tout à informer le public de l'impact des décisions prises par elle sur l’OPA obligatoire sur les actions de la société (H), étant donné qu’en raison des violations des articles 3, points a) et d), 5 paragraphes (1), et (3), et 13, point a) de la loi OPA, cette OPA obligatoire était, selon la CSSF, devenue caduque.

La CSSF précise encore que la loi OPA ne prévoirait pas la publication des amendes d'ordre basées sur son article 17, paragraphe (1), ce qui expliquerait que l’amende d'ordre imposée sur cette base ne serait pas mentionnée dans le communiqué de presse, qui serait strictement limité à l'action de concert et aux conséquences directes qui en découlent pour les actionnaires.

Dans sa réplique, l’appelant reproche à la CSSF de confondre la notion de décision administrative avec celle de sanction administrative, en soulignant que pour être susceptible d’un recours devant les juridictions administratives, il suffirait que l’acte présente un caractère décisionnel. Il souligne encore que la CSSF ne répondrait que par rapport aux dispositions de la loi OPA. Le fait que la CSSF aurait décidé elle-même de publier la sanction relèverait dès lors de son choix, de sorte à conclure à l’existence d’un acte de volonté autonome susceptible de faire grief et par conséquent être susceptible d’un recours contentieux.

L’appelant souligne encore que la décision litigieuse se référerait expressément à la loi Abus, prévoyant en son article 33 la publication des sanctions à l’initiative de la CSSF. Comme celle-ci aurait la faculté de procéder à une telle publication, elle devrait nécessairement adopter une décision en ce sens.

12Dans sa duplique, la CSSF reprend en substance les considérations fondées sur le constat que la publication ne constituerait pas une sanction et se réfère pour le surplus à un arrêt de la Cour administrative du 19 juillet 2023, n° 48647C du rôle.

Analyse de la Cour Force est de constater que le courrier du 8 décembre 2017 fait référence à deux publications, à savoir, d’une part, celle du refus d’approbation de l’OPA obligatoire et, d’autre part, celle de la sanction en ce qu’elle est fondée sur la loi Abus, étant relevé que ledit courrier ne mentionne pas de décision de publier le constat d’une violation de la loi OPA.

La Cour est amenée à retenir que, contrairement à l’analyse des premiers juges, le courrier litigieux de la CSSF du 8 décembre 2017 véhicule, outre le refus d’approbation de l’OPA obligatoire et la décision d’infliger à l’appelant une amende, une décision de procéder aux publications susvisées qui est dès lors susceptible de recours.

A cet égard, la Cour relève que, s’agissant de la décision de publier l’amende prononcée pour violation de la loi Abus, l’article 33, paragraphe (6), de cette loi, sur lequel la CSSF s’est appuyée expressément dans sa décision, dispose que « la CSSF peut2 rendre publiques les amendes d’ordre prononcées ainsi que toutes mesures et sanctions appliquées pour non-respect des dispositions de la présente loi (…) ». Au regard du libellé de cette disposition, la publication d’une amende prononcée en vertu de cette loi n’est pas de droit, mais relève de l’appréciation de la CSSF.

Dès lors, lorsque la CSSF a indiqué dans son courrier du 8 décembre 2017 qu’elle « has decided to disclose to the public through a separate CSSF press release (…) the administrative fine imposed on you in relation to the market manipulations », elle a nécessairement pris une décision en ce sens qui est susceptible de faire grief à l’appelant et est dès lors susceptible d’un recours devant les juridictions administratives.

Il en est de même de la décision de publier le refus d’approbation de l’OPA obligatoire, décision de publication qui n’est pas de droit en application de la loi OPA, de sorte qu’une décision en ce sens a nécessairement été prise.

A ce niveau de l’analyse, la question de savoir si les publications litigieuses s’analysent en une sanction ou en une mesure tendant à avertir le public pour des considérations tenant au bon fonctionnement des marchés financiers n’est pas pertinente, la seule question qui se pose étant celle de savoir si le courrier du 8 décembre 2017 véhicule un élément décisionnel à cet égard.

Le jugement a quo est dès lors à réformer en ce qu’il a déclaré irrecevable le recours en ce qu’il est dirigé contre une décision de la CSSF de procéder aux deux publications.

Aucun recours en réformation n’étant prévu par la loi contre une telle décision, seul un recours en annulation a pu être introduit et la Cour doit se déclarer incompétent pour connaître du recours principal en réformation introduit par Monsieur (D) en ce qu’il est dirigé contre cette décision.

2 Souligné par la Cour 13Dans la mesure où la Cour est saisie de l’analyse faite par le tribunal de la légalité interne et externe du volet de la décision du 8 décembre 2017 ayant prononcé une amende à l’égard de l’appelant et du refus d’approuver l’OPA et que l’appelant dirige ses moyens en appel de façon indistincte contre l’ensemble des volets de la décision du 8 décembre 2017, sans invoquer d’ailleurs des griefs spécifiques contre la décision de publier celle du 8 décembre 2017, la Cour est amenée à évoquer ce volet du litige et à statuer sur le bien-fondé du recours en ce qu’il vise cette décision.

2) Quant aux moyens basés sur une violation de la présomption d’innocence, du principe d’impartialité, du principe du contradictoire et des droits de la défense (articles 6 de la CEDH et 47 et 48 de la Charte) Arguments des parties Quant au principe d’impartialité et quant à la présomption d’innocence L’appelant critique les premiers juges pour avoir conclu à l’inapplicabilité de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH en leur reprochant d’avoir non seulement violé la CEDH, mais encore d’avoir fondé leurs conclusions sur une contradiction de motifs. Ainsi, le tribunal aurait retenu que l’article 6 de la CEDH ne serait pas du tout applicable tout en retenant pourtant qu’il ne serait pas applicable « avec la même rigueur ». D’autre part, les premiers juges n’auraient pas pu, sans se contredire, reconnaître l’applicabilité de l’article 48 de la Charte sans reconnaître celle de l’article 6 de la CEDH, ces dispositions étant reconnues équivalentes par la jurisprudence communautaire. L’appelant se réfère encore à cet égard à un arrêt de la Cour administrative du 19 juillet 2023, numéro 48647C du rôle.

S’agissant de la question de la violation effective du paragraphe (1) de l’article 6 de la CEDH, l’appelant critique la CSSF pour être à la fois l’autorité qui dirige et contrôle l’inspection, qui décide des poursuites et qui décide de sanctionner. En conséquence, il épingle une partialité structurelle dans le chef de la CSSF ou pour le moins l’apparence d’une telle partialité, ce qui serait contraire aux articles 6 de la CEDH et 47 de la Charte, et ce en raison de la concentration de tous les pouvoirs entre les mains de la direction de la CSSF, ce qui conduirait nécessairement à l’impossibilité pour celle-ci d’avoir le recul et l’objectivité nécessaires.

L’appelant en veut pour preuve le fait que la CSSF aurait rejeté ses arguments sans même le justifier et sans modifier d’une quelconque manière sa position entre le rapport d’enquête et la prise de la décision. La CSSF serait dès lors structurellement, du fait de la confusion des rôles, dans l’incapacité de statuer de façon impartiale.

L’appelant donne encore à considérer que le fait que la décision peut être contestée devant les juridictions administratives ne serait pas susceptible de couvrir le vice initial, puisque la Cour ne serait pas en mesure d’apprécier l’intégralité des faits, étant donné que la CSSF ne lui aurait pas soumis l’intégralité du dossier qu’elle détient par rapport à l’enquête menée par elle. En l’occurrence, elle aurait bien versé les éléments à charge, tandis qu’elle s’abstiendrait de verser les éléments à décharge ou ceux qui seraient de nature à justifier les explications circonstanciées soumises par lui.

14 La Cour serait dès lors dans l’incapacité de mener à bien l’exercice de son office de juge de la réformation puisqu’elle ne disposerait pas des pouvoirs d’enquête, ni de la compétence d’investigation de la CSSF, n’aurait pas enquêté au moment des faits litigieux et ne disposerait pas de l’ensemble des éléments de l’enquête.

L’appelant donne à considérer que lui-même ne pourrait pas non plus utilement exercer la charge de la preuve reposant sur ses épaules et ce au regard de la durée très longue de l’investigation, à savoir cinq ans, de l’ancienneté des faits et en raison de la circonstance que la CSSF aurait disposé de pièces que lui-même n’aurait pas vues.

En ce qui concerne en second lieu le moyen fondé sur une violation du paragraphe (2) de l’article 6 de la CEDH, ensemble l’article 48 de la Charte, à savoir une violation de la présomption d’innocence, l’appelant renvoie, quant à l’applicabilité de ces dispositions, à ses développements exposés par rapport au paragraphe (1) de l’article 6 de la CEDH.

Pour ce qui est de la violation effective de cette disposition, il reproche au tribunal de s’être basé exclusivement sur les dires de la CSSF sans que celle-ci n’ait expliqué pour quelle raison elle estimait que ses observations n’étaient pas pertinentes. La CSSF aurait, en effet, préjugé de sa culpabilité sur la seule base du rapport d’enquête. Ce préjugement se manifesterait (i) dans le communiqué de presse du 16 février 2017, dont l’appelant épingle les termes qui conduiraient à une véritable présomption de culpabilité par l’emploi du terme « presumed concerts parties », et la qualification de « concert parties » et (ii) dans le rapport d’enquête au niveau des termes choisis.

Or, ce préjugement affecterait de façon irrémédiable ses droits de la défense, de sorte qu’il y aurait violation des articles 6 de la CEDH, 48 de la Charte et 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979.

Dans sa réplique, l’appelant insiste sur l’applicabilité de l’article 6 de la CEDH, en reprochant à la CSSF de se fonder sur un raisonnement erroné en ce qu’elle ferait dépendre l’applicabilité de cette disposition de la qualification de la CSSF en tant que tribunal, alors qu’en réalité, cette qualification serait la conséquence de l’applicabilité de l’article 6 de la CEDH.

A cet égard, il se prévaut de différentes jurisprudences de la CourEDH à propos des critères d’application de l’article 6 de la CEDH et fondées sur les critères de l’arrêt ENGEL3 de la CourEDH, dont il déduit que la question de savoir si l’organe ayant tranché le litige est un tribunal relèverait de l’appréciation du fond de la violation de l’article 6 de la CEDH et non pas de son applicabilité. Les développements de la CSSF quant à la question de sa qualification en tant que tribunal seraient dès lors inopérants.

L’appelant procède ensuite à un examen détaillé des critères ENGEL par rapport au cas de l’espèce et critique l’analyse faite par le tribunal sur base de ces critères, tout en réitérant ses reproches quant à une contradiction des motifs. Il insiste sur l’applicabilité au même titre des articles 6 de la CEDH et 47 et 48 de la Charte et se réfère en l’occurrence à un arrêt de la CourEDH du 14 mars 2014 (affaire (d))4 au sujet de l’applicabilité du volet pénal de l’article 6 de la CEDH à propos d’une amende infligée pour manipulation de marché et qui serait transposable en l’espèce.

3 CourEDH 8 juin 1976, 5100/71.

4 Requête numéro 18640/10.

15 Par rapport à la question de la violation en l’espèce du paragraphe (1) de l’article 6 de la CEDH, l’appelant fait valoir que dans la mesure où la CSSF plaiderait ne pas être un tribunal au regard de cette disposition, elle serait en aveu de ne pas être un organe impartial au sens de cette même disposition.

Pour le surplus, il donne à considérer que la CSSF confirmerait le rôle central et fondamental de sa direction. Si la CSSF se voyait attribuer des pouvoirs d’enquête par la loi, tel que cela serait le cas en l’espèce, alors nécessairement la direction serait chargée de prendre les décisions requises pour l’accomplissement de cette mission aux termes de l’article 9, paragraphe (2), de la loi modifiée du 23 décembre 1998 portant création d’une commission de surveillance du secteur financier, ci-après « la loi du 23 décembre 1998 ».

Face à l’affirmation de la CSSF que le courrier d’intention de le sanctionner et de clôturer la phase d’enquête aurait été signé par ses agents, l’appelant fait valoir que l’acte administratif devrait être signé par l’organe compétent. Soit les agents ayant réalisé l’enquête et ayant signé le courrier d’intention auraient agi en dehors de toute légalité puisqu’ils n’avaient pas compétence pour réaliser les actes matériels et juridiques contestés, la compétence étant dévolue conformément aux termes de l’article 9, paragraphe (2), de la loi du 23 décembre 1998 à la direction seule, cas de figure dans lequel ce courrier d’intention serait inexistant et nul, soit les mêmes agents auraient agi sur ordre et délégation de la direction en tant qu’organe compétent, l’hypothèse dans laquelle la direction aurait elle-même adopté toutes les décisions ayant conduit au prononcé de la sanction contestée et ce depuis le début de l’enquête jusqu’à l’adoption de la décision.

Dans tous les cas, les exigences découlant de l’article 6 de la CEDH ne seraient pas remplies.

En se référant à la jurisprudence (d) de la CourEDH et à un arrêt de la Cour administrative du 19 juillet 2023, numéro 48647C du rôle, l’appelant soulève la question des conséquences à tirer du constat d’une violation de l’article 6 de la CEDH au niveau de la procédure devant la CSSF et en l’occurrence celle de savoir si ce vice est susceptible de fausser l’intégralité de la procédure. Il fait valoir que la partialité de la CSSF serait en l’espèce à ce point flagrante qu’elle aurait rendu ineffective toute la procédure contradictoire menée devant elle. Or, le respect de l’Etat de droit supposerait que le principe du contradictoire soit respecté de façon effective par les autorités administratives et non pas de façon simplement formelle.

Par rapport au reproche que la procédure menée par la CSSF aurait été ineffective, l’appelant réitère que celle-ci n’aurait jamais pris la peine d’examiner sérieusement ses contestations durant la phase précontentieuse, ce qui aurait porté atteinte à l’effectivité du contradictoire.

D’autre part, le défaut d’accès à l’intégralité des pièces à charge et à décharge recueillies par la CSSF rendrait illusoire un quelconque contrôle de pleine juridiction tel qu’exigé par l’article 6 de la CEDH.

16Quant aux articles 6, paragraphe (2), de la CEDH et 48 de la Charte, l’appelant prend position par rapport aux explications fournies par la CSSF quant aux termes employés dans le communiqué de presse, en se référant à la jurisprudence de la CourEDH insistant sur l’importance des termes choisis.

Par rapport à la référence faite par la CSSF à l’indication figurant dans le communiqué de presse selon laquelle les décisions ne seraient pas définitives, l’appelant fait valoir que cette indication n’aurait pas pour objet de rappeler la présomption d’innocence mais au contraire d’inviter les parties tierces dont les droits pourraient être affectés à présenter leurs observations.

L’appelant donne ensuite à considérer que même s’il avait été entendu au cours de la procédure précontentieuse, il n’en resterait toutefois pas moins qu’à ce moment-là la CSSF aurait déjà définitivement statué sur sa culpabilité. Or, le principe du contradictoire devrait être mis en pratique de bonne foi et devrait pouvoir avoir un effet utile.

Ensuite, les explications fournies par la CSSF tenant à une prise en compte de ses observations confirmeraient le grief de partialité et de préjugement, puisque la CSSF y aurait isolé ses observations pour n’en contester qu’une partie. Pour le surplus, la CSSF n’aurait présenté aucune prise de position réelle par rapport à ses observations, puisqu’elle se contenterait d’affirmer qu’elle en prend note, qu’elle n’est pas d’accord, voire de renvoyer à une partie du rapport d’enquête, sans expliquer sa position, l’appelant citant à cet égard divers extraits de la décision litigieuse.

Dès lors, à la suite des observations présentées par lui, la CSSF n’aurait pas dévié de sa position, de sorte qu’en réalité elle aurait déjà tiré sa conclusion définitive dès l’adoption du rapport d’enquête. Or, ce préjugement porterait une atteinte irrémédiable à ses droits de la défense et ce en violation aux articles 6 de la CEDH, 48 de la Charte et 9 du règlement grand-ducal 8 juin 1979.

Quant à la question du respect des droits de la défense et du principe du contradictoire.

L’appelant reproche à la CSSF d’avoir systématiquement refusé de lui donner accès au dossier et critique le tribunal pour avoir défini la notion du dossier administratif au regard du seul article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, alors que le grief serait fondé sur l’article 6 de la CEDH.

Or, les notions de dossier administratif au sens de l’article 11 du règlement grand-ducal du 21 juin 1979 et de l’article 6 de la CEDH seraient sensiblement différentes, le dossier administratif au sens de l’article 11, précité, s’entendant dans un sens plus limité. D’un point de vue de l’article 6 de la CEDH, la notion de dossier administratif serait certes inexistante, le paragraphe (3), point b), de la CEDH stipulant uniquement que « tout accusé a droit notamment à […] b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ». Par référence à un certain nombre de jurisprudences de la CourEDH à propos de cette disposition, l’appelant conclut en substance que la CourEDH évoquerait plutôt les éléments de preuve à charge et à décharge, le principe étant la communication intégrale des éléments recueillis durant l’enquête, l’exception étant le secret.

L’appelant souligne que la CourEDH jugerait qu’il n’appartiendrait pas à l’autorité sanctionnatrice de décider ce qui est utile à la défense. Si le secret est admis, ce serait uniquement à condition que 17l’autorité sanctionnatrice apporte la preuve concrète qu’un l’intérêt public supérieur aux droits de la défense y fait obstacle et que la dissimulation de pièces soit compensée de façon adéquate au cours de la procédure. Or, ces conditions ne seraient pas remplies en l’espèce. En refusant de façon systématique l’accès à l’intégralité des éléments de l’enquête, la CSSF aurait violé ces principes, de sorte qu’en omettant de sanctionner cette violation, le tribunal aurait méconnu son office.

Dans sa réplique, l’appelant réitère ses reproches à l’adresse de la CSSF qui confondrait la question de l’accès au dossier au sens de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, qui ne serait toutefois pas en débat, et l’accès aux éléments à charge et à décharge sur le fondement du paragraphe (3) de l’article 6 de la CEDH. Il donne à considérer que les notions figurant dans la CEDH seraient à interpréter de façon autonome par rapport au droit national, de sorte que la notion de dossier administratif au sens du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ne se confondrait pas avec le dossier pénal au sens du paragraphe (3) de l’article 6 de la CEDH.

L’appelant critique encore la lecture faite par la CSSF de l’arrêt de la CJUE du 13 septembre 20185, ci-après « l’affaire (r) », dont la CSSF déduit qu’elle seule pourrait décider quel élément peut être communiqué. En réalité, selon cet arrêt, il appartiendrait à la juridiction nationale compétente de vérifier si les informations présentent un lien objectif avec les griefs retenus. En l’espèce, en s’abstenant de communiquer les pièces au moins à la Cour, la CSSF mettrait en échec la mission constitutionnelle lui assignée.

Analyse de la Cour La Cour constate que les reproches de l’appelant tournent essentiellement autour du respect du contradictoire et des droits de la défense, par référence aux articles 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, 6 de la CEDH et 47 et 48 de la Charte. Sous cet aspect, ses critiques concrètes peuvent en substance être résumés comme suit : l’appelant critique (i) un accès insuffisant au dossier à la disposition de la CSSF, qui devrait aller au-delà du rapport d’enquête et de ses annexes qui lui ont été communiqués avant la prise de la décision litigieuse, (ii) une partialité structurelle dans le chef de la CSSF au motif qu’il n’y aurait aucune séparation entre le pouvoir d’investigation et le pouvoir de décision au sein de la CSSF et une partialité subjective en raison du fait que la CSSF n’aurait pas modifié sa position entre le rapport d’enquête et la décision, malgré les observations présentées par lui, (iv) une violation de la présomption d’innocence au regard des termes du communiqué de presse du 16 février 2017 et du rapport d’enquête et au motif que la CSSF n’aurait pas pris en compte ses observations par rapport au rapport d’enquête.

La Cour constate encore qu’à lire les reproches formulés par l’appelant, ses critiques visent essentiellement l’amende prononcée à son égard, qu’il entend voir qualifier d’accusation à caractère pénal au sens de la CEDH, de même que de façon incidente le libellé du communiqué de presse visant la publicité de cette amende, qui selon lui violerait la présomption d’innocence, sans qu’il n’ait indiqué en quoi les principes invoqués par lui puissent être pertinents par rapport au refus d’approbation de l’OPA obligatoire et à la décision de procéder par un communiqué de presse afférent à ce refus, séparé de celui ayant visé l’amende.

5 CJUE, 13 septembre 2018, affaire UBS, C-358/16.

18L’article 11, alinéa 1er, du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 dispose que « tout administré a droit à la communication intégrale du dossier relatif à sa situation administrative, chaque fois que celle-ci est atteinte, ou susceptible de l’être, par une décision administrative prise ou en voie de l’être », tandis que l’article 9 du même règlement grand-ducal6 permet à l’administré de prendre position avant la prise des catégories de décisions y envisagées, ces deux dispositions garantissant le respect du contradictoire.

L’article 6 de la CEDH dispose que :

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.

Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.

2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

3. Tout accusé a droit notamment à :

a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ;

b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;

c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ;

d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;

e) se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience. » 6 « Sauf s´il y a péril en la demeure, l´autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d´office pour l´avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, ou qui se propose de prendre une décision en dehors d´une initiative de la partie concernée, doit informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l´amènent à agir.

Cette communication se fait par lettre recommandée. Un délai d´au moins huit jours doit être accordé à la partie concernée pour présenter ses observations.

Lorsque la partie concernée le demande endéans le délai imparti, elle doit être entendue en personne.

L´obligation d´informer la partie concernée n´existe que pour autant que l´autorité compétente est à même de connaître son adresse. Les notifications sont valablement faites à l´adresse indiquée par la partie ou résultant de déclarations officielles. ».

19Aux termes de l’article 47 de la Charte, applicable lorsqu’il y a mise en œuvre du droit européen :

« Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter. (…) ».

Aux termes de l’article 48 de la Charte :

« 1. Tout accusé est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

2. Le respect des droits de la défense est garanti à tout accusé. » A titre liminaire et à titre de considération d’ordre général, la Cour est amenée à retenir, -

indépendamment de la question de savoir si l’amende prononcée s’analyse en une accusation en matière pénale et de celle de savoir si la décision de publier le prononcé de cette amende s’analyse en une sanction à part, et partant du débat mené par les parties à l’instance autour de la question de l’applicabilité des dispositions des articles 6 de la CEDH et 47 et 48 de la Charte en la présente matière sur base des critères ENGEL dégagés par la CourEDH, et indépendamment des reproches d’une contradiction des motifs à l’adresse du tribunal en relation avec l’argumentation fondée sur l’application de ces dispositions -, que la CSSF, lorsqu’elle est amenée à prendre une décision de prononcer une amende administrative sur le fondement des lois OPA et Abus, voire de décider la publicité à conférer à une telle décision prise sur le fondement de la loi Abus, n’est en tout état de cause pas dispensée de respecter durant la phase administrative précontentieuse un certain nombre de principes généraux du droit, parmi lesquels figurent plus particulièrement le principe d’une procédure équitable, comprenant le respect du contradictoire, qui est garanti en l’occurrence par les dispositions des articles 9 et 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, de même que le principe de bonne administration, qui sous-tend toute la réglementation en matière de procédure administrative non contentieuse telle qu’introduite à travers la loi du 1er décembre 1978 et le règlement grand-ducal du 8 juin 19797 et qui englobe notamment le respect des droits de la défense8 et auquel se rattache l’obligation pour la CSSF d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce. De la sorte, la CSSF doit, lorsqu’elle est amenée à prononcer des sanctions administratives en application des lois OPA et Abus, voire de leur conférer une certaine publicité, respecter des garanties minimales d’impartialité et d’indépendance, de même qu’elle doit s’assurer que la phase administrative se passe de telle manière qu’aucun préjugement ne transperce, cette obligation s’apparentant au respect de la présomption d’innocence sous l’égide de l’article 6 de la CEDH.

7 En ce sens : Cour adm. 19 juillet 2023, numéro 48647C du rôle.

8 Ivan Verougstraete, Amaryllis Bossuyt, Le principe (général) (de droit) de bonne administration, Journal des tribunaux 2020/28, p.567 – 573.

20Il convient dès lors d’examiner si en l’espèce ces principes ont été respectés et en l’occurrence si Monsieur (D) a pu se défendre, en connaissance de cause, contre les reproches soulevés à son encontre.

A cet égard, la Cour rappelle qu’une enquête a été diligentée ayant abouti à un rapport d’enquête, ce qui implique que la charge de la preuve de la réalité des reproches soulevés par la CSSF a été considérée comme reposant sur la CSSF. De même, l’appelant a été informé au préalable de ce que la CSSF envisageait de prendre à son égard une amende sur le fondement des lois OPA et Abus tout en l’informant des éléments de fait et de droit qui l’amenaient à prendre cette décision, et la possibilité lui avait été conférée de prendre position, possibilité à laquelle il a eu recours. Enfin, en application de l’article 18 de la loi OPA et de l’article 34 de la loi Abus, l’appelant avait à sa disposition la possibilité d’exercer un recours contentieux devant les juridictions administratives, statuant en double degré de juridiction et disposant en application de la loi d’un pouvoir de réformation.

Nonobstant ces circonstances, l’appelant estime que ses droits de la défense n’auraient pas été respectés.

La Cour est toutefois amenée à retenir que les critiques soulevées par l’appelant à l’égard de la CSSF et du processus décisionnel ayant mené à la prise des décisions litigieuses ne permettent pas de retenir une violation des principes retenus ci-avant, de sorte que c’est à bon droit que les premiers juges ont rejeté l’ensemble de ces moyens.

S’agissant, en effet, de prime abord d’un prétendu non-respect de la présomption d’innocence, la Cour constate qu’au-delà de développements théoriques concernant l’étendue de ce principe au regard des articles 6 de la CEDH et 48 de la Charte, Monsieur (D) n’explique pas en quoi consisterait concrètement en l’espèce la violation alléguée. S’il évoque brièvement le contenu du communiqué de presse du 16 février 2017, il reste toutefois en défaut d’expliquer en quoi il estime que ledit communiqué, ne contenant pas son nom, précisant expressément qu’aucune décision définitive n’avait encore été prise et employant le conditionnel, aurait préjugé de l’existence d’une violation des lois OPA et Abus dans son chef. C’est en vain que l’appelant essaie de jouer sur les mots en affirmant que la formulation choisie dans le communiqué de presse du 16 février 2017 impliquerait en substance une présomption de culpabilité. En effet, contrairement à ce que l’appelant entend déduire de ce communiqué de presse, celui-ci indique clairement que « the Contemplated Decisions are not final meaning that they have not yet been taken by the CSSF ». Par ailleurs, si le rapport d’enquête retient certes un certain nombre de reproches à l’égard de l’appelant, la Cour ne dispose pas d’éléments pertinents qui permettent de retenir que la direction de la CSSF, en prenant les décisions faisant l’objet du présent recours, n’ait pas en toute objectivité et neutralité examiné les faits se dégageant du rapport d’instruction par rapport au dispositions légales applicables, étant relevé que la seule circonstance qu’elle a suivi les recommandations du rapport d’instruction et a de la sorte jugé comme non fondées les objections formulées par l’appelant - sous réserve qu’elle n’a prononcé qu’une seule sanction et non pas des sanctions séparées sur base des lois OPA et Abus - ne permet pas ipso facto de retenir qu’elle ait violé le principe d’innocence invoqué par l’appelant.

Le moyen afférent a dès lors à juste titre été rejeté par les premiers juges.

21 Pour ce qui est ensuite des critiques à l’adresse de la CSSF en ce qu’elle ne répondrait pas aux garanties d’impartialité requises, la Cour retient de prime abord que dans la mesure où le système instauré en la présente matière est tel qu’ un double degré de juridiction se trouve ouvert devant les juridictions administratives, investies d’un pouvoir de réformation, pour faire examiner en fait et en droit la décision ayant prononcé la sanction administrative, que ce soit sur base de la loi OPA ou sur base de la loi Abus, l’application du principe d’impartialité aux organes administratifs ne peut se concevoir avec la même rigueur que pour les magistrats9.

La Cour retient ensuite que l’impartialité recouvre, d’une part, l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’entité concernée qui est en charge de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel et, d’autre part, l’impartialité objective, en ce sens qu’elle doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime10.

En l’espèce, force est de retenir que l’appelant reste en défaut d’établir une quelconque partialité subjective ou objective au niveau des entités au sein de la CSSF ayant successivement été impliquées dans le processus d’élaboration de la décision litigieuse.

Selon l’appelant, le manque d’impartialité reproché à la CSSF se dégagerait de la circonstance qu’il n’y aurait aucune séparation entre le pouvoir d’investigation et le pouvoir de décision au sein de la CSSF, l’appelant en voulant pour preuve son reproche selon lequel ses observations n’auraient pas été prises en compte et selon lequel la position de la CSSF n’aurait pas changé depuis l’annonce de la sanction et son prononcé, ce dont il conclut en substance que la CSSF ne ferait état que d’éléments à charge sans tenir compte d’éléments à décharge.

Or, la Cour retient que l’appelant reste en défaut d’indiquer un quelconque indice concret résultant de l’analyse faite par les rédacteurs dudit rapport ou encore de la décision finalement prise, qui témoignerait d’un parti pris ou encore d’un défaut de prise en compte à leur juste mesure d’éléments à décharge, étant relevé que la CSSF a pris position dans sa décision sur les observations fournies par l’appelant. La seule circonstance qu’elle a jugé que ces observations n’énervent pas les constats faits dans le rapport d’instruction que la CSSF a entériné ne permet en tout cas pas de retenir ipso facto que les principes généraux relevés ci-avant n’aient pas été observés.

Par ailleurs, la Cour retient que le libellé du courrier ayant annoncé la sanction projetée ne permet pas de conclure que, dans le cadre du processus mis en œuvre sur base de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, la CSSF n’ait pas laissé ouverte la question de la décision finalement à prendre et ait fait preuve d’un préjugé délibéré ou définitif relatif à la question d’une violation des lois OPA et Abus dans le chef de l’appelant.

9 Par analogie en matière de discipline : Cour adm. 17 décembre 2009, n° 25839C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Fonction publique, n° 292, rappelé dans des arrêts du 25 février 2021, n° 45262C du rôle et du 10 novembre 2022, n° 47475C du rôle ; Cour adm. 19 juillet 2023, numéro 48647C du rôle, Cour adm. 23 août 2023, numéro 47837C du rôle.

10 Par analogie à la jurisprudence de la CJUE à propos des exigences découlant de l’article 41 de la Charte, applicable aux seules institutions organes et organismes de l’Union, au sujet de mesures prises par la Commission européenne en matière de concurrence : CJUE 11 juillet 2013, Ziegler c/ Commission, C‑439/11 P, rappelé dans l’arrêt de la CJUE du 12 janvier 2023, affaire HSBC, point 77.

22La Cour relève ensuite que d’un point de vue organisationnel, la CSSF est, aux termes de l’article 1er de la loi du 23 décembre 1998, un établissement public, doté de la personnalité juridique et jouissant de l’autonomie financière, ayant pour mission, entre autres, selon l’article 2, paragraphe (1), de la même loi « la surveillance prudentielle des établissements de crédit, des PSF au sens de la loi du 5 avril 1993 relative au secteur financier (…) », tout en tenant compte « de la dimension communautaire et internationale de la surveillance ainsi que de la convergence, en matière d’outils de surveillance et de pratiques de surveillance, de l’application des obligations législatives , réglementaires et administratives imposées par le droit de l’Union ». Elle est au vœu de l’article 4 de la loi du 23 décembre 1998 composée de différents organes, parmi lesquels figure en l’occurrence la direction, organe collégial selon l’article 12 de la loi du 23 décembre 1998, qui est l’autorité exécutive au sens de l’article 9, paragraphe (1), de la même loi, qui selon le paragraphe (2) de cet article « élabore les mesures et prend les décisions requises pour l’accomplissement des missions de la CSSF » conformément à ladite loi.

Un premier constat s’impose, à savoir que si l’article 17 de la loi OPA, respectivement les articles 28 et 33 de la loi Abus donnent compétence à la CSSF de prononcer des amendes, une lecture combinée de ces dispositions avec les dispositions précitées de la loi du 23 décembre 1998 mène à la conclusion que c’est la direction de la CSSF qui est l’organe compétent pour prendre les mesures ainsi visées.

Ensuite, la Cour constate en pratique une séparation interne du pouvoir d’investigation, revenant aux agents du service en charge de la surveillance des administrés concernés, et du pouvoir décisionnel, revenant à la direction en application des dispositions précitées, dans la mesure où en l’espèce, le rapport d’enquête émane du service MAF II, que ledit rapport ne fait que suggérer à la direction de prononcer une amende et que la décision du 8 décembre 2017 émane de la direction et a été signée par les membres de celle-ci. La Cour ne saurait dès lors suivre l’appelant lorsqu’il fait état d’un manque d’impartialité au motif d’une confusion entre l’enquête et la prise de décision, de sorte que, sous cet aspect, c’est à tort qu’il affirme que la CSSF, lorsqu’elle prend une sanction administrative sur le fondement de l’article 17 de la loi OPA ou de l’article 33 de la loi Abus, ne répondrait pas aux exigences d’impartialité au niveau de la phase précontentieuse.

La Cour relève encore qu’elle a retenu dans son arrêt récent du 19 juillet 2023, précité, et invoqué par les parties à l’instance, qu’indépendamment de la question de savoir si une amende administrative prononcée par la CSSF s’analyse en une accusation pénale au sens de l’article 6 de la CEDH, en tout état de cause, un éventuel non-respect du principe d’impartialité au cours de la procédure administrative au niveau de l’organisation de la CSSF, que ce soit au regard des dispositions supranationales ou que ce soit en tant que principe général du droit, ne conduit pas à la réformation de la sanction prononcée du moment que l’administré concerné avait à sa disposition un recours en réformation dans le cadre duquel les juridictions administratives ont pu analyser le bien-fondé des reproches retenus à son encontre et auraient pu redresser un vice éventuel affectant la décision si la mesure prise par la CSSF était empreinte de partialité, à condition que l’appelant leur demande d’opérer ce contrôle11.

En effet, la CSSF ne correspond pas, selon le droit luxembourgeois, à une instance juridictionnelle, et ne doit d’ailleurs pas l’être dans la mesure où, même à supposer que les 11 Cour adm. 19 juillet 2023, numéro 48647C du rôle.

23sanctions qu’elle prononce aient un caractère pénal ou une « coloration pénale », la CourEDH a décidé dans l’affaire (d) du 4 mars 2014, précitée, à propos de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH12 que rien ne s’oppose à ce qu’une sanction administrative répondant aux critères ENGEL soit prononcée par une autorité administrative du moment que l’administré auquel la sanction est appliquée dispose d’un recours contentieux devant un tribunal répondant aux conditions de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH13. L’arrêt (d) se trouve dans la lignée de la jurisprudence de la CourEDH, de même que de celle de la CJUE, qui contrôlent le respect de l’article 6 de la CEDH non pas de façon isolée, mais par rapport à la procédure dans son ensemble, y compris le volet contentieux14.

La CourEDH a retenu, après avoir constaté que les sanctions litigieuses dans cette affaire n’avaient pas été infligées par un juge à l’issue d’une procédure judiciaire contradictoire, mais par une autorité administrative, que le fait de confier à de telles autorités la tâche de poursuivre et de réprimer les contraventions n’est pas incompatible avec la CEDH, à condition que l’administré ait le droit de saisir de toute décision prise à son encontre un tribunal offrant les garanties de l’article 6 de la CEDH15. La CourEDH en a conclu que le respect de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH n’excluait ainsi pas que dans une procédure de nature administrative, une « peine » soit imposée d’abord par une autorité administrative, mais qu’il faudrait cependant que la décision d’une autorité administrative ne remplissant pas elle-même les conditions de l’article 6, précité, subisse le contrôle ultérieur d’un organe judiciaire de pleine juridiction ayant en l’occurrence le pouvoir de réformer en tous points en fait et en droit la décision entreprise16.

La CourEDH a encore retenu dans cette même affaire, concernant une situation dans laquelle l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH a trouvé application, que les constats faits par elle dans cette affaire quant à un manque d’impartialité objective dans le chef de la Commission nationale des sociétés et de la bourse italienne en raison de l’exercice consécutif de fonctions d’enquête et de jugement au sein d’une même institution, étaient à eux seuls insuffisants pour conclure à une violation de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH, mais elle a examiné l’existence d’un contrôle ultérieur par un organe judiciaire de pleine juridiction17.

Il s’ensuit que conformément aux enseignements à tirer de l’arrêt précité de la CourEDH, la circonstance qu’une autorité administrative qui prononce une mesure telle que celle en cause et qui, le cas échéant, ne répond pas elle-même à toutes les conditions de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH, n’est pas incompatible avec le respect de cette disposition - ni d’ailleurs avec le principe d’impartialité en tant que principe général du droit -, du moment qu’un contrôle ultérieur a pu être fait par un organe judiciaire de pleine juridiction.

A partir de cette jurisprudence de la CourEDH, le constat s’impose qu’en l’espèce, indépendamment de la question de la qualification de la mesure litigieuse en tant que sanction pénale, et même à admettre que, comme l’entend l’appelant, la CSSF ne répondrait elle-même pas 12 Affaire (d), points 138 et 139.

13 Cour adm. 19 juillet 2023, numéro 48647C du rôle.

14 CourEDH, 21 février 1984, ….. c. Allemagne, point n° 56 ; CourEDH, 26 octobre 2009, …… c. France, points 36-

38 ; CJUE, 9 septembre 2010 (T-(a) P).

15 Affaire (d), point 138.

16 idem, points 139 et 161.

17 Ibidem, point 139.

24aux garanties d’impartialité requises, en tout état de cause la conséquence n’en est pas pour autant la réformation de l’amende litigieuse pour vice de procédure, tel que sollicité par l’appelant, mais il importe de vérifier si celui-ci a eu in fine à sa disposition un recours juridictionnel répondant aux conditions de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH, ce qui implique qu’il y a lieu de prendre en compte l’ensemble de la procédure ayant abouti à la sanction administrative critiquée, ensemble la procédure contentieuse 18.

Comme toutefois, tel que cela a été relevé ci-avant, en la présente matière, l’appelant dispose d’un double degré de juridiction devant les juridictions administratives, à savoir devant le tribunal administratif et devant la Cour administrative, dont il n’est pas contesté qu’ils répondent aux exigences de l’article 6, paragraphe (1), de la CEDH, en ce qu’ils sont investis tous les deux d’un pouvoir de pleine juridiction en application des articles 18 la loi OPA et 33 de la loi Abus et partant chargés non seulement d’un contrôle de légalité de la décision ayant prononcé la sanction administrative, mais pouvant aussi se substituer à l’administration à travers une nouvelle appréciation en fait et en droit, la conclusion s’impose que l’appelant a pu porter les reproches soulevés à son égard et tenant au non-respect des dispositions de la loi OPA et de la loi Abus devant un tribunal indépendant et impartial à la suite d’une procédure administrative.

Il s’ensuit que les critiques à l’adresse de la CSSF telles que formulées par l’appelant ne sont en tout état de cause pas de nature à emporter la sanction de la décision de prononcer une amende à son encontre, et ce indépendamment de la question du caractère justifié de ces reproches, un vice éventuel au niveau du requis d’impartialité pouvant être purgé par les juridictions administratives statuant dans le cadre d’un recours de pleine juridiction, en ce qu’elles peuvent revoir la sanction en fait et en droit lorsqu’elle n’aurait pas été prise dans le respect des requis d’impartialité.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le reproche d’une violation du principe d’impartialité, que ce soit sur base des articles 6, paragraphe (1), de la CEDH et 47 de la Charte ou que ce soit en tant que principe général du droit, n’est pas fondé, les violations invoquées en l’espèce n’étant en toute hypothèse pas de nature à conduire à la sanction de la décision litigieuse, cette conclusion se dégageant des enseignements à tirer de l’arrêt (d) de la CourEDH.

Le moyen afférent a dès lors à juste titre été rejeté par les premiers juges.

S’agissant des critiques de l’appelant relatives à la question de l’accès au dossier, invoquées pour remettre en question l’effectivité du recours en réformation à sa disposition, cette question sera examinée ci-après dans le cadre du moyen afférent.

S’agissant ensuite de la question de savoir si l’appelant a eu accès à l’entièreté du dossier, qu’il soulève en relation avec ses moyens fondés sur une violation du principe du contradictoire et du respect des droits de la défense, la Cour relève de prime abord qu’en l’espèce, le droit pour Monsieur (D) de se voir communiquer le dossier administratif dès la phase précontentieuse sur demande afférente de sa part n’est pas contesté.

18 Cour adm. 19 juillet 2023, précité 25En effet, tel que relevé ci-avant, en application de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, l’administré qui en fait la demande a droit à la communication du dossier administratif, étant relevé que durant la phase contentieuse, l’article 8, paragraphe (5), de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après « la loi du 21 juin 1999 », met à charge de l’administration qui a posé l’acte attaqué l’obligation de déposer au greffe des juridictions administratives l’intégralité du dossier administratif.

Il n’est pas non plus contesté que Monsieur (D) s’est vu communiquer, avant la prise de la décision du 8 décembre 2017, le rapport d’enquête avec ses annexes et que ces mêmes pièces ont été déposées par la CSSF dans le cadre de la procédure contentieuse.

Les parties à l’instance sont en revanche en désaccord sur la question de savoir si cette communication est suffisante, l’appelant affirmant que la CSSF aurait disposé encore d’autres pièces, potentiellement à sa décharge, qui feraient partie du dossier à communiquer, tandis que la CSSF est formelle pour dire que tous les éléments sur lesquels elle a basé sa décision ont été communiqués tant en phase précontentieuse, qu’en phase contentieuse.

La Cour est amenée à confirmer entièrement l’analyse du moyen fondé sur un accès insuffisant au dossier, telle que faite par les premiers juges sur base de la solution retenue par la Cour dans son arrêt du 17 décembre 2019, inscrit sous le numéro 42666C du rôle, rendu à l’égard de l’appelant et ayant définitivement rejeté le recours de celui-ci visant sa demande d’avoir accès au dossier, au-delà du rapport d’enquête et de ses annexes, sur base de moyens similaires à ceux présentés par lui dans la présente affaire - l’analyse de la Cour dans cette affaire ayant été faite tant par rapport au droit national que par rapport à l’article 6 de la CEDH -, et ce par adoption des motifs de premiers juges tant en ce qui concerne le parallélisme retenu par eux entre la présente affaire, impliquant les mêmes parties, qu’en ce qui concerne la solution proprement dite quant au reproche d’une violation du droit d’accès au dossier administratif.

Ainsi, la Cour a retenu dans son arrêt du 17 décembre 2019 que la notion de « dossier relatif à [l]a situation administrative » de l’administré au sens de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, sur base duquel la décision du 31 mars 2017 visée avait été prise, doit être comprise par rapport à l’autorité administrative à laquelle la communication du dossier est demandée et à la compétence qu’elle met en œuvre à travers la décision administrative projetée ou déjà prise. Ainsi, lorsque l’autorité a informé l’administré de son intention de prendre une certaine décision à son égard, la demande en vue de la communication du dossier intégral vise nécessairement les éléments factuels et les documents qui peuvent être pertinents pour l’exercice de la compétence de l’autorité en question à l’égard de l’administré et de la décision concrètement envisagée.

En l’espèce, face à l’affirmation de la CSSF que la décision litigieuse se fonde exclusivement sur le rapport d’enquête et ses annexes, le constat s’impose que la communication de ces pièces était a priori suffisante au regard de l’article 11, précité.

Tel que cela a été retenu dans l’arrêt précité du 17 décembre 2019, dans le cadre de l’application de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, il incombe à l’administré de 26préciser concrètement quel élément lui aurait fait défaut dans un dossier administratif lui communiqué et l’empêcherait ainsi de pourvoir utilement à la défense de ses intérêts face à la décision projetée par l’autorité, respectivement dans le cadre du recours contentieux qu’il a introduit.

Or, tel que les premiers juges l’ont relevé à juste titre, l’appelant ne fait pas valoir, pas plus qu’il ne l’avait fait dans son recours ayant donné lieu à l’arrêt du 17 décembre 2019, des indices suffisamment concrets indiquant que la CSSF ne se serait en réalité pas conformée à son obligation de communication de tous les éléments de fait et documents considérés comme relatifs à sa situation administrative par rapport à la mesure projetée, de sorte que les premiers juges ont à juste titre, au regard des contestations de l’appelant, rejeté le moyen tiré du non-respect de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979.

Par rapport au moyen de Monsieur (D) en ce qu’il était fondé sur les articles 6 de la CEDH et 47 et 48 de la Charte, la Cour a retenu dans son arrêt du 17 décembre 2019 que le respect des droits de la défense et du principe du contradictoire n’implique pas en faveur de la personne concernée un droit d’accès illimité et absolu à l’ensemble des informations traitées par l’autorité compétente dans le cadre de son enquête19, mais que ledit droit doit être mis en balance avec les droits de tiers et le secret professionnel de l’autorité et qu’en outre, si en principe la totalité des éléments tant à charge qu’à décharge doivent pouvoir être examinés par l’administré concerné et que la validité d’une restriction de l’accès à ces éléments pour des motifs de secret professionnel est susceptible de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel, l’autorité est cependant autorisée à exclure du dossier administratif les éléments qui n’ont aucun rapport avec les allégations de fait et de droit figurant dans la communication préalable du résultat d’une enquête, destinés à être mis à la base d’une future décision administrative, et qui sont dès lors sans aucune pertinence pour l’enquête20. C’est à juste titre que les premiers juges ont fait application de cette solution, dont la Cour n’entend pas se départir.

A cet égard, il convient encore de se référer à l’arrêt de la CourEDH du 30 juin 2011 (affaire (e) c. France), invoqué par la CSSF, ayant retenu par rapport à une affaire similaire, où l’autorité administrative avait collecté un volume impressionnant de pièces, mais en a écarté un grand nombre pour ne pas être pertinentes, qu’il n’y avait pas eu violation de l’article 6 de la CEDH, en retenant que tous les concernés avaient eu accès au dossier retenu par l’autorité administrative, que le requérant n’avait pas indiqué en quoi des éléments qui n’auraient pas été versés au dossier auraient pu contribuer à sa défense, qu’encore que dans cette espèce il fournissait la liste des pièces manquantes, il n’avait pas indiqué en quoi elles auraient été de nature à influer sur l’issue de l’affaire et que le requérant a eu l’occasion de faire valoir ses griefs successivement devant deux juridictions qui ont examiné les arguments soulevés avant de les rejeter21.

Dans ce contexte, la Cour rappelle encore que l’enquête diligentée par la CSSF concernant les opérations tendant à l’acquisition du contrôle du groupe (H) sous le non-respect de certaines obligations imposées par les lois OPA et Abus portait essentiellement sur des transactions auxquelles l’appelant avait personnellement participé, de manière qu’il doit être considéré comme 19 Par référence au considérant numéro 68 de l’arrêt UBS.

20 Considérant numéro 67 de l’arrêt UBS.

21 Points 58, 59, 61 et 63 de l’arrêt (e).

27ayant été de façon suffisante en mesure d’évaluer si le rapport du 19 janvier 2017 et les annexes documentaires y relatives étaient de nature à retracer la réalité des opérations et transactions effectuées et du cadre dans lequel elles ont eu lieu en respectant la nécessité de tenir compte des éléments tant à charge qu’à décharge et, plus loin, s’il estimait que certains éléments à décharge auraient à tort été exclus de ce rapport, de les identifier et de les mettre en relation avec les éléments du rapport d’enquête sur lesquels la CSSF s’est basée.

Or, au lieu d’identifier des pièces qui devraient figurer au dossier auquel il a un droit d’accès, l’appelant se limite à affirmer de façon péremptoire que la CSSF avait potentiellement à sa disposition des éléments à décharge qui auraient été exclus du dossier, et en se concentrant essentiellement sur des développements théoriques sur la question de l’applicabilité de l’article 6 de la CEDH.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appelant ne se prévaut pas de façon concrète d’éléments factuels non repris dans le rapport et ses annexes ou de lacunes dans l’accomplissement de son enquête par la CSSF et qui pourraient nourrir le soupçon que le dossier à la base du rapport du 19 janvier 2017 et communiqué ensemble avec ce dernier ne correspondrait pas au dossier complet des éléments potentiellement pertinents en vue d’apprécier le bien-fondé des sanctions qui étaient ultérieurement prononcées à son encontre. L’appelant ne fournit ainsi pas d’éléments pertinents permettant de retenir que la CSSF n’aurait pas correctement exercé son pouvoir d’écarter les éléments factuels sans aucune relevance pour son enquête en question.

Dans ces conditions, les premiers juges ont à juste titre conclu, par référence à l’arrêt de la Cour du 17 décembre 2019, que la demande de l’appelant s’analyse en substance en la prétention à un droit d’accès à l’ensemble des éléments et documents inspectés par la CSSF dans le cadre de son enquête ayant abouti au rapport du 19 janvier 2017 et ce de manière abstraite sans avancer concrètement des indices tangibles d’une atteinte potentielle à ses droits de la défense à laquelle ce droit d’accès devrait remédier et qu’une telle demande s’analyse essentiellement en une recherche tous azimuts, susceptible notamment de porter atteinte aux intérêts légitimes de la CSSF découlant de son secret professionnel et ne saurait être considérée comme tendant légitimement au contrôle afin de savoir si la CSSF n’a pas écarté à tort des éléments pertinents pour le résultat de son enquête plutôt que de n’écarter que des éléments sans relevance pour l’enquête en question.

Le moyen fondé sur une violation de son droit à l’accès au dossier pris en ses différentes branches est dès lors à rejeter. Comme aucune critique n’est à retenir quant à son accès au dossier, les critiques de l’appelant tournant autour de l’effectivité du recours en réformation à sa disposition et du contrôle à opérer par les juridictions administratives dans ce contexte sont à leur tour à rejeter.

3) Quant au moyen fondé sur une violation de la loi OPA Arguments des parties L’appelant conteste toute violation de la loi OPA en plaidant qu’il n’y aurait pas eu de coopération ni d’action en vue de l’acquisition du contrôle d’une société et fait, par ailleurs, valoir que les conditions légales permettant une sanction sur base de la loi OPA ne seraient pas remplies.

28 En premier lieu, il déclare être d’accord avec l’analyse des premiers juges selon laquelle la qualification d’une action de concert au sens de la loi OPA requiert trois éléments constitutifs, à savoir une coopération entre deux ou plusieurs personnes physiques ou morales, une coopération fondée sur un accord et une coopération réalisée en vue d’acquérir le contrôle d’une société ou de faire échouer une offre d’acquisition, il conteste néanmoins avoir coopéré avec d’autres personnes.

Dans ce contexte, il reproche toutefois au tribunal d’avoir retenu qu’il n’aurait pas contesté qu’il avait coopéré avec d’autres personnes, en citant divers extraits de la requête introductive d’instance sur cette question, dont il se dégagerait qu’il aurait bien contesté toute coopération. Il reproche ainsi au tribunal une méconnaissance des faits.

En second lieu, il fait valoir que la coopération alléguée ne serait pas prouvée, tout en affirmant que dans sa requête introductive de première instance, il aurait largement et de façon circonstanciée expliqué le contexte et les motivations de ses actes par rapport aux critiques de la CSSF, ses explications ayant toutefois été ignorées par le tribunal et par la CSSF.

Sous cet aspect, il reproche au tribunal d’avoir ignoré les lignes directrices de l’Agence européenne des marchés financiers, en abrégé AEMF, qui conférerait une présomption de normalité et d’absence d’action de concert à certaines actions convergentes de plusieurs acteurs au sein d’une société. Or, les actions lui reprochées relèveraient justement de la catégorie des actions incluses dans la white list de l’AEMF. Il ajoute que même les actions qui ne sont pas incluses dans la white list ne seraient revêtues d’aucune présomption particulière.

Or, cette structure probatoire aurait été ignorée par le tribunal, tandis que la CSSF se serait contentée d’affirmer de façon péremptoire que ces lignes directrices avaient été prises en compte, sans toutefois le démontrer.

L’appelant en déduit que la CSSF et le tribunal auraient manqué de justifier en fait et en droit leurs conclusions respectives, qui auraient été prises au mépris des standards probatoires posés par l’AEMF.

Au-delà du fait que la coopération lui reprochée ne serait pas prouvée, l’appelant fait valoir qu’il n’y aurait pas eu d’action en vue de l’acquisition du contrôle de la société (H).

Il reproche au tribunal d’avoir suivi le raisonnement de la CSSF selon lequel l’acquisition de parts environ trois ans après les faits reprochés aurait comme cause unique et exclusive une action de concert alléguée. Or, comme la temporalité des faits serait importante et qu’un laps de temps de trois ans et demi dans la vie des affaires serait une durée extrêmement longue, le raisonnement du tribunal correspondrait à un raccourci problématique. Ce raisonnement ne tiendrait compte ni de la vie de la société durant ce laps de temps, ni de l’évolution du contexte économique et des stratégies successives des autres investisseurs.

Or, le tribunal et la CSSF n’auraient pas tenu compte des explications circonstanciées fournies par lui.

29La CSSF et les premiers juges n’auraient pas non plus examiné si le dénouement de 2016 avait pu avoir d’autres causes et explications qu’une action de concert.

L’appelant reproche encore au tribunal d’avoir concentré son raisonnement exclusivement sur la période allant du 1er octobre 2012 à janvier 2013, c’est-à-dire à partir de l’achat des parts d’(H) par lui jusqu’à l’acquisition des parts de cette société par Monsieur (M) en janvier 2013.

Il critique par ailleurs les premiers juges pour avoir pris en compte trois circonstances distinctes, à savoir le fait que Monsieur (M) aurait été informé de l’acquisition de parts par lui en octobre 2012, qu’il aurait indiqué dans un courrier électronique d’octobre 2012 « since we plan to announce that we act in concert, you should coordinate » en octobre 2012 et le fait que Monsieur (M) aurait bénéficié de ses contacts pour acquérir des parts en janvier 2013. Selon le tribunal, ces circonstances constitueraient les causes exclusives et uniques de la situation de la société telle qu’elle s’est présentée en juin 2016.

Or, ce raisonnement serait erroné.

Le fait que Monsieur (M) aurait été informé de sa volonté d’acquérir les parts dans la société dont il était l’administrateur-délégué n’aurait rien de particulièrement significatif au regard de la vie normale des sociétés.

De même, le fait que Monsieur (M) aurait bénéficié de ses contacts pour acquérir des parts de la société en janvier 2013 ne serait pas non plus significatif pour comprendre la situation de la société trois ans et demi plus tard. Il ne serait pas expliqué en quoi ces actions auraient été le prélude à une action de concert et en quoi cette circonstance l’aurait conduit, ensemble avec Monsieur (M), à conclure un accord en vue de l’acquisition du contrôle de la société (H). Il ne serait pas non plus démontré en quoi Monsieur (M) aurait été tenu informé par lui, ni qu’un plan résulterait du courrier d’octobre 2012 précité.

L’appelant procède ensuite à une analyse du courriel auquel le tribunal s’est référé pour justifier son analyse et relève que celui-ci ne comporterait aucun objet, que ses destinataires seraient inconnus, que le sujet de la discussion serait inconnu et qu’il ne serait pas non plus clair à qui renvoie le sujet « we ». Il relève que la CSSF ferait référence à quatre reprises à cette même pièce dans son rapport, à savoir (i) pour alléguer l’existence d’un accord sur une communication coordonnée entre lui-même et Monsieur (M), (ii) pour alléguer que Monsieur (M) et lui-même étaient nécessairement au courant des défauts des notifications faites à la CSSF, (iii) pour alléguer que Monsieur (M) connaissait ses propres intermédiaires et, enfin, (iv) pour alléguer que Monsieur (M) aurait été au courant que lui-même agissait de concert avec la société (x), ci-après « la société (x) ». Le raisonnement du tribunal se fonderait sur une réinterprétation erronée et hors contexte de ce courriel pour en tirer une conclusion qui ne serait même pas alléguée par la CSSF.

En effet, la CSSF n’aurait même pas allégué que le courriel en question devrait être interprété dans le sens que Monsieur (M) aurait agi de concert avec lui en vue de la prise de contrôle de la société (H) et aurait bien compris que ce courriel concernerait en réalité l’acquisition des parts de la société (H) par les sociétés(x) et (w), ci-après « la société (w) ». Cette action de concert n’aurait jamais été cachée et serait parfaitement légale, de sorte qu’il ne s’agirait pas d’une opération qui lui serait reprochée et qui n’aurait par ailleurs aucun rapport avec Monsieur (M).

30 En troisième lieu, l’appelant est d’avis que les conditions légales pour le sanctionner ne seraient pas remplies en l’espèce, puisque le tribunal n’aurait pas tenu compte de l’intégralité des conditions légales susceptibles de justifier la décision litigieuse, en l’occurrence celle d’une atteinte aux principes généraux des points a) à e) de l’article 3 de la loi OPA.

Dans sa réplique et quant à la violation de la loi OPA, l’appelant réitère que le tribunal aurait basé son raisonnement sur une prémisse erronée, à savoir qu’il n’aurait pas contesté l’existence d’une coopération entre deux ou plusieurs personnes.

Ensuite, il réitère que la coopération alléguée ne serait pas prouvée et critique la prise de position de la CSSF selon laquelle les lignes directrices de l’AEMF ne seraient pas pertinentes pour la solution du litige, en soulignant que la CSSF en serait pourtant coauteur, de sorte à ne pas pouvoir s’en écarter. Il critique encore la position de la CSSF selon laquelle il résulterait du point 3.1 de ces lignes directrices qu’elles ne seraient pas applicables en cas d’action de concert, en se référant au point 3.2 de ces mêmes lignes et en concluant que les actes relevant de la white list ne pourraient pas conduire à la conclusion que les actionnaires agissent de concert. Or, pourtant, la CSSF retiendrait à sa charge les actes inclus dans cette liste puisqu’en substance elle lui reprocherait (i) d’avoir eu des discussions avec d’autres actionnaires ou dirigeants de la société (H) relatives à des augmentations ou des réductions de capital, (ii) d’avoir eu des discussions et des actions relatives à la nomination des membres du conseil d’administration et (iii) d’avoir eu des discussions et actions relatives à la vente d’actifs. Or, de telles discussions et actions seraient explicitement incluses dans la white list aux points 4.1. d. A iii et iv, 5.2 et 4.1.d.A ii. S’agissant d’actes revêtus d’une présomption de normalité, aucun de ces actes ne pourrait conduire à la conclusion d’une action de concert. L’appelant réfute encore la position de la CSSF selon laquelle il défendrait des positions contradictoires, tout en insistant qu’il contesterait avoir coopéré avec autrui en vue de l’acquisition du contrôle de la société (H) bien qu’il ait collaboré au bon fonctionnement de la société avec d’autres membres du conseil d’administration ou des tiers, sans pour autant qu’il s’agisse d’une coopération au sens de la loi OPA.

S’agissant de la preuve d’une action destinée à acquérir le contrôle de la société, l’appelant critique la CSSF pour ne pas expliquer le graphique qu’elle a produit dans sa réponse.

Face au reproche de la CSSF qu’il n’aurait pas donné d’explications sur la vie de la société (H) et sur son rôle à cet égard durant la période de 2013 à 2016, il affirme que dans la requête introductive de première d’instance il aurait détaillé ses explications quant aux erreurs que la CSSF aurait commises.

Par ailleurs, il réitère que le tribunal n’aurait pas pris en compte tous les faits pertinents pour ne s’être concentré que sur trois éléments pour conclure à l’existence d’un accord.

La CSSF n’établirait pas non plus l’existence d’un lien entre les faits ayant eu lieu d’octobre 2012 à janvier 2013 et les événements de 2016.

31Pour le surplus, l’appelant fait en substance valoir que la CSSF n’aurait pas utilement remis en question ses contestations, position dont il déduit la confirmation de ses reproches d’un préjugement dans le chef de la CSSF.

S’agissant de la question de savoir si les conditions légales pour prononcer une sanction sur le fondement de la loi OPA sont remplies, l’appelant reproche à la CSSF de considérer que toute infraction à la loi OPA constituerait per se une atteinte aux principes généraux énoncés aux points a) à e) de l’article 3 de la loi OPA. Pour insister sur l’importance à attacher à l’examen de la condition tenant à une atteinte aux principes généraux de l’article 3 de la loi OPA, il se réfère à l’article 17 de la loi OPA et au projet de loi à sa base, ayant subi une modification par l’ajout de cette condition à la suite d’une opposition formelle du Conseil d’Etat.

La CSSF pour sa part conclut au rejet de l’ensemble de ces contestations.

En ce qui concerne en l’occurrence le contenu du rapport d’enquête et des conclusions en déduites par la CSSF dans sa décision litigieuse, elle relève en sa duplique ce qui suit :

Premièrement, le rapport d’enquête prouverait comment, en automne 2012, Monsieur (D) était monté de façon occulte dans le capital de la société (H) et ce avec la connivence de Monsieur (M), l'administrateur-délégué de cette société.

Il établirait en second lieu comment, en janvier 2013, Monsieur (M) avait acquis un important paquet d'actions de la société (H) avec la connivence de Monsieur (D).

Troisièmement, ledit rapport établirait qu'au courant de 2013, trois SPV (special purpose vehicle) chypriotes, liés à des personnes à leur tour liées à Monsieur (D), avaient acquis des actions dans le capital social de la société (H). Ces sociétés auraient joué un rôle crucial lors d'une assemblée générale du 6 janvier 2014 ayant révoqué les deux administrateurs liés à des actionnaires importants autres que Monsieur (D) et Monsieur (M), à savoir les représentants des sociétés (Y), ci-après « la société (Y) » et (Z) LP, ci-après « la société (Z) ».

Quatrièmement, le rapport établirait comment des tensions entre deux blocs d'actionnaires représentés au conseil d'administration de la société (H) se seraient accrues en 2013 pour atteindre leur apogée fin novembre 2013/début janvier 2014. Officiellement, il y aurait eu, d'un côté, Monsieur (D) et, de l'autre côté, les deux fonds d'investissement alternatifs (Z) et (Y), tandis qu’à y regarder de plus près, on constaterait que Monsieur (M) avait agi de plus en plus dans le sens voulu par Monsieur (D). Le conflit aurait culminé fin 2013/début 2014 : lors d'une assemblée générale du 6 janvier 2014, les deux administrateurs liés aux sociétés (Z) et (Y) auraient été écartés, avec les votes attachés aux actions (H) détenues par Monsieur (D) et la neutralisation des votes attachés aux actions (H) détenues par Monsieur (M).

Cinquièmement, le rapport d’enquête montrerait comment à partir d'automne 2012 à 2013, Monsieur (M) avait utilisé sa position d'administrateur-délégué au sein d'(H) pour faire en sorte que les actifs de l’entité (v), appartenant à la société (H), puissent être acquis par Monsieur (D) à des prix a priori favorables à ce dernier et non par des tiers.

32Sixièmement, le rapport d’enquête montrerait comment, au courant de l'année 2013, Monsieur (D) avait provoqué de plus en plus, par des propositions radicales, les représentants des autres actionnaires importants ayant siégé au conseil d'administration de la société (H) et avait refusé toute augmentation de capital de cette société et comment, lorsque le conflit avait éclaté fin novembre 2013, Monsieur (M) avait arrangé l'entrée de Monsieur (D) dans le capital de la société (P), la filiale la plus importante de la société (H). Il montrerait encore comment, en parallèle, des actions de la société (P) avaient été vendues par la société (H) à deux acquéreurs au profil improbable et avec des liens avec les mandataires de Monsieur (D).

Septièmement, le rapport montrerait comment, même après son départ du groupe (Q) au printemps 2014, Monsieur (M) avait accepté de voter en faveur de résolutions d'actionnaires qui, eu égard à son départ du conseil d'administration d'(H), n’étaient plus dans son intérêt, mais dans l'intérêt de Monsieur (D).

Huitièmement, le rapport d’enquête montrerait comment le capital social de la société (H) avait été augmenté massivement en novembre 2014 et plus massivement encore en mai 2016 en faveur de SPV dont les souscriptions avaient toutes intégralement été financées par le groupe (x1) et qui, à l'issue de chaque augmentation de capital, détenaient chacun des participations improbables de 30% et qui avaient finalement vendu leurs parts le 8 juin 2016 à Monsieur (D) avec des bénéfices considérables, ayant néanmoins été acheminés soit sur le compte de Monsieur (D), soit réinvestis dans des obligations émises par la société (F), anciennement (P), une société appartenant à plus de 90% à Monsieur (D) et qui, conformément à l'information financière publiée par la société (F), auraient été annulées une année plus tard sans contrepartie apparente. Les trois SPV chypriotes, évoqués à l’indice numéro 3, et Monsieur (M) auraient également vendu leurs actions dans la société (H) à Monsieur (D) le 8 juin 2016 avant que ce dernier n’annonce qu'il détient plus de 95% des actions et des droits de vote d'(H), ce qui lui conférait le droit d'exiger le retrait obligatoire des autres actionnaires d'(H), en grande partie des investisseurs de détail résident en ….. et en Pologne, et ce au prix auquel il a acquis les actions de la part des SPV à 30% et de Monsieur (M).

Analyse de la Cour La Cour constate de prime abord que les critiques de l’appelant en relation avec la loi OPA se dirigent exclusivement contre la décision de prononcer une amende à son égard et qu’il n’a invoqué aucun moyen à l’encontre de la décision de refus d’approuver l’OPA obligatoire, ni d’ailleurs contre celle de publier cette dernière décision.

Force est ensuite de constater que la décision de prononcer une amende à l’encontre de l’appelant a été prise dans le contexte d’une demande d’approbation d’une OPA obligatoire des actions de la société (H) par la société (J), sous le contrôle de Monsieur (D), à la suite de l’atteinte par celle-ci au courant de l’année 2016 d’un seuil de participation correspondant à 97,31 % des droits de vote dans la société (H).

Selon la motivation de la décision du 8 décembre 2017, ensemble les explications fournies par la CSSF en cours de procédure contentieuse, il est reproché à l’appelant d’avoir, au cours de la période visée par l’investigation, à savoir entre septembre 2012 et juin 2016, de façon directe, 33respectivement de façon indirecte, à savoir à travers les sociétés(x), (w), (F) et (J), ensemble avec Monsieur (M), celui-ci agissant en tant que bénéficiaire économique de la société (g), ci-après « la société (g) », en tant qu’actionnaire de la société (H) et en tant qu’administrateur-délégué et président du conseil d’administration de cette même société jusqu’à sa révocation respectivement démission les 18 et 27 mars 2014, agi de concert au sens de l’article 2, paragraphe (1), point d), de la loi OPA.

En l’occurrence, il est reproché à l’appelant d’avoir, grâce à sa propre participation directe et indirecte dans la société (H) tenue suite aux acquisitions d’octobre 2012 par les sociétés (w) et (x) (29,65% des droits de vote), ensemble avec la participation dans cette même société tenue par Monsieur (M) à travers la société (g) (acquise en janvier 2013 et correspondant à 8,43% des droits de vote), acquis le contrôle sur la société (H) dès les 10 et 11 janvier 2013, sans pour autant avoir respecté son obligation de lancer une OPA obligatoire, tel que requis par l’article 5, paragraphe (1), de la loi OPA, et partant de dévoiler le dépassement des seuils déterminants prévus par la loi déclenchant cette obligation et d’avoir de ce fait violé l’article 5, paragraphes (1), et (3), de la loi OPA.

Outre une action de concert avec Monsieur (M), il est encore reproché à l’appelant d’avoir agi de façon accessoire de concert avec d’autres personnes en vue de poursuivre et de consolider le processus de sa prise de contrôle sur la société (H), à savoir (i) la société (C), ci-après « la société (C) », avec comme bénéficiaire économique Monsieur (m), (ii) la société (E), ci-après « la société (E) », avec bénéficiaire économique Monsieur (n), (iii) la société (I), ci-après « la société (I) », avec comme bénéficiaire économique Monsieur (h), - les sociétés sub (i) à (iii) étant nommées « les trois SPV chypriotes » –, (iv) la société (K), ci-après « la société (K) », avec comme bénéficiaire économique jusqu’au 8 juin 2016 Monsieur (A), (v) la société (U), ci-après « la société (U) », avec comme bénéficiaire économique jusqu’au 8 juin 2016 Monsieur (T) et (vi) la société (S), ci-après « la société (S) », avec comme bénéficiaire économique jusqu’au 8 juin 2016 Monsieur (O) - les sociétés sub (iv) à (vi) étant nommées « les trois SPV à 30% ». Il est sous cet aspect en substance reproché à Monsieur (D) d’avoir utilisé, de façon cachée, l’ensemble de ces véhicules d’investissement pour acquérir en cachette une participation qui n’a finalement été dévoilée officiellement qu’à la suite de l’acquisition en juin 2016, à des conditions identiques, de l’ensemble des participations tenues par ces divers véhicules d’investissements.

La CSSF a conclu de ces actions de concert à l’existence d’une violation des principes généraux de l’article 3, points a) et d), de la loi OPA.

Les premiers juges ont correctement rappelé le cadre légal en se référant à la loi OPA, laquelle constitue une transposition de la directive 2004/25/CE, tout en relevant qu’il ressort des documents relatifs aux travaux parlementaires ayant abouti à ladite loi qu’en l’absence d’une législation nationale spécifique préexistante qui aurait dû être modifiée ou abrogée, le texte du projet de loi suit le texte de la directive22.

Aux termes de l’article 5 de la loi OPA, correspondant à l’article 5 de la directive 2004/25/CE23 : « (1) Lorsqu’une personne physique ou morale obtient, à la suite d’une acquisition 22 doc parl. n° 5044, 16 février 2006, V° Exposé des motifs, p. 12 23 doc parl. n° 5044, 16 février 2006, V° Commentaire des articles, p. 13 34faite par elle-même ou par des personnes agissant de concert avec elle, des titres d’une société au sens de l’article 1er, paragraphe (1), qui, additionnés à toutes les participations en ces titres qu’elle détient déjà et à celles des personnes agissant de concert avec elle, lui confèrent directement ou indirectement un pourcentage déterminé de droits de vote dans cette société lui donnant le contrôle de cette société, cette personne est obligée de faire une offre en vue de protéger les actionnaires minoritaires de la société visée. Cette offre est adressée dans les plus brefs délais à tous les détenteurs de ces titres et porte sur la totalité de leurs participations, au prix équitable défini au paragraphe (4). (…).

(3) Le pourcentage de droits de vote conférant le contrôle aux fins du paragraphe (1) et son mode de calcul sont fixés par la réglementation de l’Etat membre dans lequel la société visée a son siège social.

Pour les sociétés dont le siège social est établi au Luxembourg le pourcentage de droits de vote est fixé à 33 1/3%. Pour le calcul du pourcentage il est tenu compte de tous les titres de la société à l’exclusion des titres assortis d’un droit de vote uniquement dans des situations particulières. (…) ».

Dès lors, l’article 5, paragraphe (1), précité, de la loi OPA impose une obligation de lancer une offre publique d’acquisition lorsqu’une personne agissant par elle-même ou de concert avec d’autres personnes a acquis des participations qui lui confèrent directement ou indirectement les pourcentages des droits de vote dans la société en question tels que définis par la loi, lui donnant le contrôle de cette société.

La définition de « personnes agissant de concert » est énoncée à l'article 2, paragraphe (1), point d), de la loi OPA, aux termes duquel cette notion vise « les personnes physiques ou morales qui coopèrent avec l'offrant ou la société visée sur la base d'un accord, formel ou tacite, oral ou écrit, visant à obtenir le contrôle de la société visée ou à faire échouer l'offre ».

Tel que les premiers juges l’ont retenu à juste titre, il y a action de concert au sens de cette disposition lorsque trois conditions sont remplies cumulativement, à savoir (i) une coopération avec l’offrant ou la société, (ii) sur la base d’un accord (iii) dans le but d’acquérir le contrôle de la société visée ou de faire échouer l’offre.

Si l’appelant ne conteste pas les acquisitions effectuées par les sociétés (w),(x) et (g) entre octobre 2012 et janvier 2013 correspondant à un pourcentage des droits de vote dépassant celui énoncé à l’article 5, précité, de la loi OPA, il conteste néanmoins en substance l’existence d’un accord avec Monsieur (M) ou avec toute autre personne qui aurait eu pour but d’acquérir le contrôle de la société (H), de même qu’il conteste toute atteinte aux principes généraux de l’article 3 de la loi OPA, tout en reprochant, par ailleurs, aux premiers juges d’avoir isolé uniquement trois éléments factuels pour conclure au bien-fondé de la conclusion tirée par la CSSF.

La Cour rejoint les explications fournies par la CSSF selon lesquelles, selon l’esprit de la loi OPA et de la directive qu’elle transpose24, la notion de « personnes agissant de concert » joue essentiellement un rôle anti-abus en relation avec la règle de l'OPA obligatoire en ce sens qu’un 24 Directive 2004/25/CE.

35offrant ne peut pas contourner cette règle instituée en vue de la protection des actionnaires minoritaires en cas de changement de contrôle en agissant ensemble avec d'autres personnes, de sorte à conclure, à l’instar de la CSSF, que cette définition de personnes agissant de concert est large.

La Cour retient ensuite qu’une lecture combinée (i) de l’article 17 de la loi OPA -

permettant à la CSSF de prononcer une amende d’ordre en cas d’infraction à la loi OPA qui est de nature à porter atteinte aux principes généraux énoncés sous les points a) à e) de l’article 3 de la même loi -, (ii) de l’article 3, points a) et d), de la même loi – consacrant le principe de protection des autres actionnaires en cas d’acquisition du contrôle d’une société par une personne et l’interdiction de fausser le marché pour les titres -, et (iii) de l’article 5, paragraphes (1), et (3), de la loi OPA - imposant une obligation de faire une offre en vue de protéger les actionnaires minoritaires de la société dans l’hypothèse de l’acquisition d’une participation par une personne physique ou morale agissant soit elle-même, soit de concert avec d’autres, dépassant certains seuils -, ensemble (iv) la définition de l’action de concert au sens de l’article 1er, paragraphe (1), point d), de la même loi, permet de retenir qu’est susceptible d’être sanctionnée par une amende d’ordre sous la loi OPA une action de concert ayant mené à l’acquisition d’une participation conférant des droits de vote dépassant les seuils prévus par la loi, déclenchant l’obligation de lancer une OPA obligatoire, sans pour autant respecter cette obligation, ce qui correspond justement au reproche de l’espèce dans la mesure où il est reproché à Monsieur (D) d’avoir acquis le contrôle de la société (H), avec l’aide principalement de Monsieur (M) et subsidiairement celle d’autres personnes, sans pour autant dévoiler l’atteinte des seuils déclenchant une obligation de lancer une OPA obligatoire dès janvier 2014, soit bien avant celle lancée par lui en 2016.

Sous cet aspect, le reproche de l’appelant selon lequel il n’aurait pas été tenu compte de la condition tenant à l’atteinte aux principes généraux énoncés à l’article 3 de la OPA est d’ores et déjà à rejeter, l’application conjointe des dispositions qui précèdent telle que faite par la CSSF en tenant bien compte, l’atteinte aux principes généraux énoncés à l’article 3 de la loi OPA résidant dans le fait qu’il n’a pas été tenu compte de la protection des autres actionnaires.

S’agissant de la question de la preuve d’un accord répondant à la qualification d’une action de concert, force est de constater qu’en l’absence d’une preuve directe d’un accord sur une action de concert dans le but de permettre à Monsieur (D) d’acquérir le contrôle de la société (H), la CSSF a eu recours à la méthode du faisceau d’indices.

La Cour rejoint la CSSF, confirmée par les premiers juges, dans son constat que le recours à la méthode du faisceau d'indices pour établir une action de concert, à défaut de disposer d’une preuve directe d’un accord, n’est pas critiquable en soi, cette méthode étant d’ailleurs en la présente matière consacrée par la jurisprudence française25, de même que plus particulièrement en droit de la concurrence afin d’examiner l’existence d’une entente prohibée26. Le fait que la CSSF 25 Cass. Com fr. 15 mai 2012, n° 11-11633 : « en l'absence d'accord écrit, l'existence d'une action de concert peut être démontrée par un faisceau d'indices graves, précis et concordants ».

26 Autorité de la concurrence française 13 mars 2006, affaire dite des Parfums, n° 06-D-04, analyse confirmée par la Cour d’appel de Paris 26 janvier 2012, n° 2010/23945 ; méthode traditionnellement appliquée par le Conseil de la concurrence luxembourgeois, par exemple Décision 2023-D-01.

36s’est basée sur un faisceau d’indices, en l’occurrence sur 8 ensembles d’indices, n’est dès lors pas de nature à emporter la sanction de la décision litigieuse.

La Cour retient ensuite que l’ensemble des indices tels que retenus par la CSSF doivent être appréciés globalement même si chaque indice pris isolément est, le cas échéant, insuffisant pour conclure à l’existence d’une action de concert.

Sous cet aspect, c’est en vain que l’appelant se concentre sur différents indices pris isolément, dans la mesure où c’est l’ensemble des circonstances telles qu’elles ont été relevées par le rapport d’enquête, qui a été entériné par la direction de la CSSF, qui mènent à la conclusion que les actes des différents intervenants vont au-delà d’un simple concours de circonstances correspondant à la vie normale d’une société ou à des actes courants en la matière, mais ne peuvent s’expliquer autrement que par une action de concert.

Force est de constater que la décision de la CSSF repose sur 8 indices, énoncés et examinés dans le rapport d’enquête qui a été entériné par la direction de la CSSF et dont la CSSF déduit la preuve d’actes de coopération entre Monsieur (D) et Monsieur (M), d’une part, et entre Monsieur (D) et les sociétés (C), (E) et (I) (les SPV chypriotes) et (K), (U) et (S) (les SPV à 30%), d’autre part, et ce afin de permettre à Monsieur (D) d’acquérir et de consolider le contrôle sur la société (H), prise de contrôle que celui-ci a officialisée en juin 2016 - selon les reproches de la CSSF à un moment où cette société avait été vidée de sa substance et que les cours de bourse de ses actions étaient plus bas qu’en janvier 2013 -, alors qu’en réalité, le contrôle avait déjà été acquis en janvier 2013.

A la lecture du rapport d’enquête, la Cour ne peut que rejoindre l’appréciation faite par la CSSF de la situation sur base des indices décrits dans ledit rapport, appréciation qui n’est pas énervée par les explications avancées par l’appelant.

Force est de constater que les trois premiers faisceaux d’indices décrivent (i) une acquisition au cours des mois d’octobre et novembre 2012 d’une participation à hauteur de 29,65 % des droits de vote par Monsieur (D), à travers les sociétés contrôlées par lui, à savoir les sociétés (w) et (x), dans la société (H), fondée et initialement contrôlée par Monsieur (M), avec l’aide de ce dernier, sans que les informations nécessaires à propos du dépassement du seuil de 5 % prévu par l’article 8 de la loi modifiée du 11 janvier 2008 relative aux obligations de transparence des émetteurs, ci-après « la loi Transparence », aient été faites immédiatement et sans que l’identité du bénéficiaire économique des sociétés ayant procédé à l’acquisition de ces parts n’ait été dévoilée immédiatement, (ii) une acquisition d’une participation de 8,43 % du capital dans la même société par Monsieur (M) à travers la société (g) en janvier 2013 et (iii) des acquisitions de parts dans la société (H) par les trois SPV chypriotes.

Selon les points 10 à 19 et 124.1.1. du rapport d’enquête, visant l’indice numéro 1, il est reproché à Monsieur (D) d’avoir agi de concert avec Monsieur (M) en relation avec la première acquisition de parts mentionnée ci-dessus, à savoir (i) à travers une certaine coopération durant la période des acquisitions d’automne 2012 sur le marché secondaire par Monsieur (D), (ii) des efforts coordonnés dans ce contexte au niveau des stratégies de communication (divulgation tardive du dépassement des seuils, divulgation tardive de l’identité de Monsieur (D) en tant que 37bénéficiaire économique des acquéreurs de parts), (iii) des efforts coordonnés à l’égard des investisseurs (Y) et (Z), (iv) des efforts coordonnés pour dissiper des soupçons concernant des irrégularités au niveau du conseil d’administration de la société (H) et (v) des réunions non divulguées entre les sieurs (B) et (D) à cette époque à des dates clés27.

S’agissant de l’indice numéro 2, le rapport d’enquête relève un certain nombre de caractéristiques de l’acquisition opérée en janvier 2013 par la société (g), ayant comme bénéficiaire économique Monsieur (M), dont la CSSF déduit un caractère suspect de celle-ci. A cet égard, le rapport met en avant, premièrement, le contexte et le timing de l’acquisition, deuxièmement, l’investissement démesuré opéré par Monsieur (M), tant par rapport à sa situation financière de janvier 2013 qu’au regard de ses investissements antérieurs, troisièmement, certaines anomalies affectant l’acquisition, à savoir (i) le fait qu’elle a été faite à travers la société (g), un special purpose vehicle (SPV) créé le 21 février 2012, établie aux Seychelles et jamais jusqu’à présent utilisée par Monsieur (M) pour détenir des parts et sans disposer d’une activité signifiante au niveau de ses comptes bancaires jusqu’à l’acquisition litigieuse, (ii) le fait que les sommes significatives investies en janvier 2013 ont été financées par la (N) à travers un découvert en compte courant, bien que la relation d’affaires entre cette banque et Monsieur (M) venait juste de débuter, (iii) les indications contradictoires et peu plausibles sur le marché sur lequel les deux transactions importantes avaient été opérées et sur l’identité du ou des vendeurs, (iv) le prix moyen payé par la société (g) comparé au prix du marché, et (v) la circonstance que malgré le fait que Monsieur (M) était, à ce moment-là, administrateur-délégué de la société (H) et son fondateur, qui devrait en tant que tel a priori être soucieux de la survie du groupe, n’avait pas offert à la société (H) son assistance à travers une acquisition de parts dans le cadre d’une augmentation de capital, mais avait, au contraire, acquis des parts sur un marché secondaire à un prix supérieur au prix du marché ce qui n’avait eu aucun effet direct sur la situation financière de la société (H), quatrièmement, l’implication constatée de Monsieur (D) dans ces acquisitions de janvier 2013, cinquièmement, le fait que l’acquisition a été opérée à l’aide des mêmes intermédiaires que ceux utilisés par Monsieur (D) dans le cadre des premières acquisitions par la société (w), sixièmement, la cession des parts par Monsieur (M) à Monsieur (D) en date du 8 juin 2016 avec une perte, ce qui est qualifié par la CSSF comme anomalie significative au regard du découvert en compte de 26,8 millions à rembourser par Monsieur (M) à la (N), et enfin, septièmement, une similitude de comportement de Monsieur (M) en relation avec l’acquisition des parts dans la société (H) avec d’autres transactions suspectes, en l’occurrence l’investissement dans la société (P), détenue par la société (H), et qui, selon les explications recueillies par la CSSF, consistait dans l’actif ayant eu le plus de valeur, et leurs cessions ultérieures également à Monsieur (D)28.

La Cour constate encore que sous l’indice numéro 3, il est reproché à Monsieur (D) d’avoir acquis de façon indirecte des participations complémentaires dans la société (H) à travers les sociétés (C), (E) et (I), dont le lien est établi grâce à un faisceau d’indices recueillis sous la rubrique « indicator n° 3 » du rapport d’enquête, qui permet de conclure à des acquisitions dans des conditions douteuses et qui se fonde en substance sur les liens existants entre ces trois sociétés, sur les transferts d’argent après la cession des parts le 8 juin 2016 à Monsieur (D) à travers la société (J), sur le fait que le 8 juin 2016 les participations de ces trois sociétés ont été cédées pour le même prix à la même société, à savoir la société (J), et le fait que ces sociétés ont investi dans 27 Indice numéro 1 et point 124.1.1 du rapport d’enquête.

28 Points 20 à 22 de l’indice numéro 2.

38le société (H) sans avoir eu au préalable une quelconque activité en relation avec cette société, les acquisitions de la société (C) se situant en plus dans le temps de façon concomitante avec l’acquisition faite par Monsieur (M).

Globalement la CSSF juge comme étant anormal le parallélisme de comportement en relation avec ces acquisitions qui serait difficile à expliquer autrement que par une coopération étroite entre ces investisseurs.

Le rapport d’enquête retient encore que la participation de ces trois sociétés dans les résolutions adoptées par les actionnaires le 6 janvier 2014 avait encore joué un rôle dans l’élimination de représentants des deux investisseurs (Y) et (Z)29.

Ensuite, le rapport d’enquête considère, sous les indices numéros 4 et 7, comme signe d’une coopération entre Monsieur (D) et Monsieur (M) le rôle joué par ce dernier dans le cadre du combat pour la prise de contrôle de la société (H) entre novembre 2012 à mai 201430 et même après la fin de ses mandats de président du conseil d’administration et d’administrateur-délégué31.

Il s’agit-là de décisions prises au niveau de la composition du conseil d’administration, en l’occurrence lors des réunions des 6 janvier et 8 avril 2014 ayant abouti à l’élimination de représentants des deux investisseurs (Y) et (Z), et au niveau du capital social de la société (H), à savoir des augmentations du capital social avec annulation de droits préférentiels de souscription, en l’occurrence lors d’une assemblée du 28 mai 2014. Selon le rapport, trois actionnaires majeurs avaient participé à cette assemblée, à savoir la société (g), contrôlée par Monsieur (M), la société (w), contrôlée par Monsieur (D), et la société (Y). Les trois résolutions sur l’ordre du jour ont été adoptées avec les votes conjoints de Monsieur (D) et de Monsieur (M), le rapport relevant que si ces résolutions n’avaient pas été adoptées, les sociétés (K) et (S) n’auraient pas pu entrer dans le capital de la société (H) en novembre 2014 dans les mêmes conditions, c’est-à-dire à des prix d’acquisition intéressants.

Le rapport d’enquête considère encore comme indice d’une coopération entre Monsieur (D) et Monsieur (M), d’une part, et entre Monsieur (D) et notamment la société (K), d’autre part, en l’occurrence sous les indices 5 et 6, la manière dont deux actifs importants appartenant au groupe (Q), à savoir la société (P) et les actifs liés au fonds (v), sont parvenus dans le patrimoine de Monsieur (D) et le rôle joué par Monsieur (M) et par les sociétés (X), ci-après « la société (X) », et (K) à cet égard32.

Selon le rapport d’enquête, l’étape décisive de la perte du contrôle de la société (H) sur la société (P) est à voir, d’une part, dans l’émission de nouvelles actions de cette société au bénéfice des sieurs (D) et (B) en décembre 2013 et mars 2014 à un prix très bas, et, d’autre part, dans le rôle joué par les sociétés (X) et (K) dans l’acquisition de participations dans la société (P) et la cession ultérieure le 12 juin 2014 à Monsieur (D), le rapport retenant qu’il peut raisonnablement être exclu que les acquisitions des parts dans la société (P) par ces deux sociétés correspondent à 29 Point 124.2.2 du rapport.

30 Indice numéro 4 31 Indice numéro 7.

32 Cf aussi points 124.1.4 et 124.1.5. du rapport d’enquête.

39un investissement ordinaire par des clients de la (N) agissant de façon indépendante et sans collusion avec Monsieur (D) et/ou ceux qui l’ont aidé.

Le rapport voit des signes de coopération dans (i) le support reçu par Monsieur (D) de la part de Monsieur (M) au niveau de l’adoption de la décision du conseil d’administration des 27 et 29 novembre 2013 d’augmenter le capital social de la société (P), ayant permis la souscription d’une participation importante par Monsieur (D) en décembre 2013 dans cette société, (ii) la souscription par Monsieur (M) à travers la société (g) de nouvelles parts dans cette société en date du 3 mars 2014, dans des conditions de financement douteuses, bien qu’il ait déclaré le 29 novembre 2013 qu’il n’allait pas participer à une augmentation du capital de la société (P), et la cession subséquente le 12 juin 2014 à Monsieur (D) et (iii) le défaut entre autres par Monsieur (M) de vérifications au sujet du bénéficiaire économique de la société (X) dans le contexte de la cession d’un bloc important de parts dans la société (P) à cette société en juin 2013. Le rapport conclut sous le point 99 que sans l’initiative et le vote de Monsieur (M), Monsieur (D) n’aurait pas pu souscrire les actions en décembre 2013 et que sans le financement fourni par la banque (N), Monsieur (M) n’aurait pas pu souscrire ses parts en mars 2014.

A côté de l’émission de nouvelles parts acquises par Monsieur (D) et Monsieur (M), le rapport retient encore le rôle joué par les sociétés (X) et (K) dans l’acquisition de participations dans la société (P) et la cession ultérieure le 12 juin 2014 à Monsieur (D), le rapport retenant qu’il peut raisonnablement être exclu que les acquisitions des parts dans la société (P) par ces deux sociétés correspondent à un investissement ordinaire par des clients de la (N) agissant de façon indépendante et sans collusion avec Monsieur (D) et/ou ceux qui l’ont aidé.

Le rapport d’enquête retient un certain nombre d’anomalies en l’occurrence par rapport à l’acquisition par la société (K) de parts dans la société (P) en avril 2014 : (i) le timing choisi pour trouver des liquidités pour la société (H) et le fait d’avoir attendu jusqu’en mars 2014 pour trouver un acquéreur pour les parts dans la société (P), (ii) la circonstance que le contrat de prêt entre la société (N) et la société (K) pour financer l’acquisition des parts a été signé avant le début des négociations sur l’acquisition des parts, (iii) les conditions de financement accordées par la société (N), (iv) la circonstance que la société (K) et son bénéficiaire économique Monsieur (A) étaient des nouveaux clients pour la (N) n’ayant été introduits qu’en avril 2014 et avaient pourtant tout de suite obtenu un prêt de l’ordre de grandeur de …. millions d’euros pour investir dans une société dont la valeur des parts a baissé durant des années, (v) la circonstance que l’avocat tchèque de Monsieur (D) avait joué un rôle dans la préparation des transactions entre la société (H) et la société (K).

S’agissant des actifs sous le nom d’(v), le rapport relève, sous le numéro 124.1.4, l’appui reçu par Monsieur (D) de la part de Monsieur (M) durant les étapes cruciales dans le processus ayant mené à l’acquisition du contrôle de cet actif par une société contrôlée par lui, par renvoi à la vitesse avec laquelle Monsieur (M) avait avancé au sein du conseil d’administration de la société (H) la vente d’actifs immobiliers à la (N), agissant de façon non dévoilée pour compte de Monsieur (D), au défaut de négociation du prix de vente, le fait que Monsieur (M) savait que la (N) agissait pour compte de Monsieur (D) sans en informer les autres directeurs de la société (H), le support de Monsieur (M) du processus d’acquisition ayant impliqué différentes entités en relation avec Monsieur (D), en l’occurrence une cession à une société appartenant à la mère de Monsieur (D) à 40un prix de vente en-dessous d’une autre offre, et une perte pour la société (H), indices dont le rapport conclut qu’il est difficile d’expliquer le comportement des sieurs (D) et (B) autrement que par le fait d’une action de concert en vue de permettre à Monsieur (D) d’obtenir le contrôle des actifs litigieux dans des conditions douteuses.

Pour ce qui est du rôle joué par les bénéficiaires économiques des sociétés (K), (S) et (U), à côté du rôle de la société (K) tel que décrit sous l’indice numéro 6, le rapport retient, sous l’indice numéro 8, en substance que ces SPV à 30% ont été employés de façon cachée par Monsieur (D) pour acquérir des participations dans la société (H) et voit des signes d’actes de coopération qui ont permis, facilité ou consolidé la prise de contrôle par lui de cette société dans (i) la souscription par ces trois sociétés de 1,2 milliard de nouvelles actions de la société (H) le 10 novembre 2024 et/ou le 10 mai 2016 et la cession subséquente du 8 juin 2016 de ces sociétés à Monsieur (D), agissant à travers la société (F), elle-même agissant à travers la société (J), (ii) la participation des sieurs (A) et (O) à travers les sociétés (K) et (S), dans l’adoption de la décision des actionnaires de réduire le capital social de la société (H) le 2 mai 2016 sans annulation des actions à travers une réduction de la valeur unitaire des parts de 0,1 à 0,01 euro, tel que décrit sous le paragraphe 107 du rapport d’enquête, et (iii) les déclarations incomplètes faites par les bénéficiaires économiques des sociétés (K), (S) et (U) à la CSSF, tel que décrit sous les paragraphes 110 et 111 du rapport d’enquête33. Pour conforter sa conclusion, le rapport retient sous le point 119 le fait que les bénéficiaires économiques des SPV à 30% n’ont pas financé leurs investissements substantiels par leurs propres moyens, mais par des crédits ayant suscité des questions, que ceux-ci n’avaient, bien qu’étant des actionnaires importants, pas joué de rôle dans la définition de la stratégie de la société (H) durant la période de détention des participations, que les informations obtenues sur les négociations entre Monsieur (D) et les bénéficiaires économiques de ces trois SPV à 30% ne permettent pas de conclure qu’il s’agit d’investisseurs indépendants et le fait que le prix des cessions du 8 juin 2016 s’est finalement retrouvé sur les comptes de Monsieur (D).

Ainsi, au niveau de l’entrée des trois SPV à 30% dans le capital social de la société (H) en novembre 2014, le rapport d’enquête relève les anomalies suivantes : (i) la circonstance que cette entrée dans le capital de la société (H) a considérablement dilué la participation de Monsieur (D) sans que celui-ci, qui pourtant à ce moment-là avait acquis une participation importante dans cette société - selon le rapport pour une valeur de plus de …. millions d’euros -, ait réagi d’une quelconque manière pour défendre sa position, (ii) celle qu’aucun des investisseurs soi-disant indépendants ayant acquis chacun 30 % dans la société (H) n’avait fait état d’une quelconque stratégie pour cette société ou a joué un quelconque rôle dans les nouveaux projets dans lesquels la société (H) avait investi quelques jours après l’émission des nouvelles actions acquises par eux, (iii) le caractère peu crédible des raisons données par Monsieur (D) pour ne pas participer à l’augmentation du capital de la société (H) le 10 novembre 2014 compte tenu du fait qu’à ce moment-là il était le plus important actionnaire de cette société, (iv) le fait que la facilité avec laquelle Monsieur (D) avait accepté la dilution de sa participation est d’autant plus incompréhensible vu la force qu’il avait mise en œuvre pour gagner la bataille en vue d’obtenir le contrôle sur la société contre les investisseurs (Y) et (Z) et (v) la circonstance que les SPV à 30% apparaissent, tel que le rapport le décrit, « out of the blue », dans la mesure où ils sont mentionnés pour la première fois lors d’une réunion du conseil d’administration le 31 octobre 2014, partant 33 Point 124.3. du rapport d’enquête.

41moins de deux semaines avant l’émission de nouvelles actions de la société (H) acquises par elles le 10 novembre 2014, le rapport d’enquête insistant sur le caractère à la fois rapide et apparemment superficiel des discussions en relation avec cette opération comparé à l’importance de l’investissement et la circonstance que ces sociétés vont devenir les actionnaires les plus importants de la société (H), combiné au fait qu’aucune banque d’investissement, contrairement à d’autres investissements majeurs de la société (H), n’avait été mandatée par celle-ci en novembre 2014 ou en mai 2016 pour trouver des nouveaux investisseurs.

S’agissant de l’émission de nouvelles actions pour un montant de 1 milliard d’euros de la société (H) en mai 2016 en faveur des SPV à 30 %, le rapport relève les conditions surprenantes dans lesquelles cette émission de nouvelles actions avait été opérée, tel que relevé aux points 107 et 108 du rapport d’enquête. Par ailleurs, le rapport d’enquête relève sous le point D) le caractère incomplet des réponses fournies par les bénéficiaires économiques des trois SPV à 30 % aux questions posées par la CSSF.

Le rapport d’enquête décrit également les conditions douteuses dans lesquelles les trois SPV à 30 % sont sortis du capital social de la société (H), le rapport d’enquête relevant en l’occurrence l’absence de traces de négociations particulières ayant précédé les cessions au bénéfice de Monsieur (D) ayant abouti en juin 2016 et concluant comme étant peu crédible que des négociations avec trois investisseurs majeurs soi-disant indépendants en relation avec un important paquet de participations avaient été clôturées endéans trois semaines et ce d’autant plus que ces acquisitions par Monsieur (D) avaient été faites le même jour que celles des sociétés (g), (C), (E) et (I). Le rapport d’enquête relève encore, sous le point 116, qu’il est peu crédible que Monsieur (D) avait acquis en juin 2016, sans qu’il n’y ait eu une quelconque concertation entre les différents intervenants, l’ensemble des parts à un prix de 0,28 euro par part s’il avait pu acquérir la même participation à un prix de 0,08 euro quatre semaines plus tôt, à savoir au moment de l’augmentation du capital en mai 2016, lors de laquelle les SPV à 30% avaient acquis des participations. Le rapport d’enquête relève sous le point C) que le prix de cession à la suite de l’acquisition des participations des trois SPV à 30 % par Monsieur (D) est en fin de compte arrivé sur les comptes de ce dernier.

La Cour est amenée à retenir que l’ensemble des indices ainsi décrits, qu’il y a lieu d’apprécier non pas pris isolément, mais dans leur globalité, étant relevé que les événements postérieurs à l’acquisition des parts en janvier 2013 par la société (g) confortent en réalité le constat fait par la CSSF d’un non-respect de la loi OPA en janvier 2013, relèvent de nombreuses anomalies dans les agissements des protagonistes majeurs, à savoir les sieurs (D) et (B), et les protagonistes secondaires agissant de concert avec Monsieur (D), à savoir les sociétés (C), (E), (I), (K), (U) et (S), et leurs bénéficiaires économiques respectifs, et sont suffisants, dans le contexte donné et les circonstances particulières vérifiées, pour établir l’existence d’une action de concert ayant abouti à la violation des obligations inscrites à l’article 5, paragraphes (1), et (3), de la loi OPA et ne sauraient raisonnablement être rattachés à une simple coïncidence ou à un agissement normal tel que l’appelant essaie de le faire croire.

Cette conclusion n’est pas énervée par l’argumentaire de l’appelant fondé sur les lignes directrices de la AEMF. En effet, indépendamment de la question de la valeur de celles-ci, ce ne sont pas certains des actes pris isolément ou de façon tout à fait théorique, tels des discussions 42avec d’autres actionnaires au sujet de réductions de capital, au sujet de la nomination de membres du conseil d’administration ou encore relatives à la vente d’actifs, qui ont conduit la CSSF à prendre la décision litigieuse, mais c’est le contexte général et la combinaison de l’ensemble des indices qui la justifient.

Si l’appelant insiste ensuite de façon générale sur le temps qui s’est écoulé entre les premières acquisitions fin 2012 et en janvier 2013 et les cessions/acquisitions de parts en juin 2016, en insistant sur la vie d’une société, et affirme que l’ensemble des actes seraient tout à fait normaux dans un tel contexte, il n’a toutefois donné aucune explication précise et pertinente qui permettrait de mettre en échec les conclusions de la CSSF basées sur le rapport d’enquête, qui en substance, sur base de l’analyse de l’ensemble des faits constatés, a conclu que sur l’ensemble de la période observée, Monsieur (D) a de façon occulte acquis le contrôle de la société (H) avec l’aide de différents intervenants, à savoir, d’une part, Monsieur (M), et d’autre part, les SPV chypriotes, qui ont en l’occurrence permis la prise de contrôle du conseil d’administration de la société (H) contre les actionnaires importants autres que Monsieur (M), et les SPV à 30% ayant joué le rôle de sociétés-écrans pour cacher le contrôle d’ores et déjà pris par Monsieur (D), et n’a dévoilé sa prise de contrôle qu’en 2016, à un moment où la société (H) avait été vidée de sa substance.

Certes, dans sa réplique, l’appelant affirme qu’il aurait donné des explications dans sa requête introductive de première instance. Or, au-delà du constat, tel que la Cour l’a retenu ci-avant, qu’il appartient à la partie appelante de développer ses moyens d’appel dans les actes de procédure de l’instance d’appel et qu’elle ne saurait se limiter à renvoyer de façon générale aux écrits de première instance, de sorte que la Cour n’est pas tenue d’examiner les moyens et explications par simple renvoi à des écritures de première instance, la Cour relève encore qu’en tout état de cause, les observations faites dans la requête introductive de première instance et auxquelles l’appelant renvoie, restent muettes sur les principales interrogations soulevées par la CSSF et ne sont dès lors pas de nature à emporter la conviction de la Cour.

L’appelant critique encore en vain le tribunal pour avoir concentré son analyse sur trois éléments, à savoir le fait que Monsieur (M) avait été informé de l’acquisition des parts par Monsieur (D) déjà en octobre 2012, les conclusions à déduire d’un courriel d’octobre 2012 et le fait que Monsieur (M) avait bénéficié des contacts de l’appelant pour acquérir ses parts en janvier 2013. Or, comme la Cour vient de retenir que la décision de la CSSF est à suffisance justifiée par l’ensemble des indices repris du rapport d’enquête pris dans leur globalité, allant au-delà des trois éléments relevés par le tribunal, il devient surabondant d’examiner si la décision se justifie à travers les trois éléments mis en avant par le tribunal pris isolément ou même conjointement indépendamment des autres indices relevés par la CSSF.

Les moyens invoqués sous le titre relatif à une violation alléguée de la loi OPA sont partant à rejeter et la conclusion globale des premiers juges à cet égard à confirmer.

434) Quant au moyen basé sur une violation de la loi Abus.

Arguments des parties L’appelant reproche aux premiers juges d’avoir confirmé la CSSF pour avoir retenu deux comportements distincts qu’elle a qualifiés de manipulation de marché.

S’agissant de prime abord du reproche tenant à une manipulation de marché au sens de l’article 1er, paragraphe (2), point c), de la loi Abus, l’appelant fait valoir que parmi les critères légaux de qualification de la manipulation de marché se trouveraient en l’occurrence l’existence d’une information fausse et trompeuse et le fait que cette information porte sur des instruments financiers.

Il reproche au tribunal d’avoir ajouté un nouveau critère de qualification en se référant à une information « lacunaire », sans expliquer en quoi il existerait une obligation d’informer le public de l’identité du bénéficiaire effectif d’un acheteur qui, en tant que société, aurait une personnalité juridique propre indépendante de son bénéficiaire économique. Le tribunal n’aurait pas non plus expliqué en quoi l’omission reprochée serait trompeuse. Par ailleurs, il ne serait pas allégué que l’identité du bénéficiaire des sociétés (w) et (x) aurait été cachée, de sorte qu’un public informé et intéressé aurait pu savoir exactement l’identité de l’acquéreur des parts de la société (H). L’appelant reproche encore au tribunal une certaine imprécision sur la question de savoir s’il a admis le caractère trompeur des informations litigieuses.

D’autre part, l’appelant souligne que l’information trompeuse devrait porter sur des instruments financiers. Or, le caractère lacunaire de l’information en l’espèce ne porterait pas sur l’instrument financier en lui-même, ni même sur l’identité de son propriétaire, mais sur celle du bénéficiaire effectif du propriétaire. L’information jugée lacunaire par le tribunal serait donc sans rapport direct avec les valeurs mobilières concernées.

Enfin, le tribunal n’aurait pas pris en compte le fait que son identité et sa qualité de bénéficiaire économique effectif auraient été notifiées à la société (H) le 2 novembre 2012 et notifiées et annoncées publiquement par un communiqué de presse le 7 novembre 2012.

Dans ces conditions le jugement serait fondé sur une erreur de droit et de fait.

L’appelant conteste ensuite toute manipulation de marché au sens du point b) de l’article 1er, paragraphe (2), de la loi Abus.

Par rapport à cette question, il reproche au tribunal de ne pas avoir motivé son jugement sur le fait que la série de considérations sans lien entre elles correspondrait soit à des procédés fictifs, soit à une tromperie, soit à un artifice. En réalité, il n’y aurait rien de fictif ou de trompeur dans les éléments retenus par le tribunal, qui n’aurait pas expliqué en quoi les opérations lui reprochées ne pourraient pas relever de la vie quotidienne des sociétés cotées en bourse. Bien qu’il ait, dans sa requête introductive de première instance, longuement critiqué les indices sur lesquels le tribunal s’est fondé, ce dernier adopterait le raisonnement de la CSSF sans égard à sa propre argumentation. Le tribunal omettrait ainsi de tenir compte du fait que l’opération fictive, trompeuse 44ou artificielle qu’il retient se serait en réalité déroulée sur deux ans, délai qui dans la vie d’une société cotée en bourse serait particulièrement long. Si une opération fictive, trompeuse ou artificielle avait réellement eu lieu, elle aurait dû tromper l’intégralité des hommes d’affaires qui en auraient été les victimes pendant deux ans.

Le tribunal n’aurait pas non plus tenu compte de l’existence de liens très étroits entre les sociétés dénommées SPV à 30% et la banque ayant financé au cours des années 2014 à 2016 l’acquisition de leurs actions dans la société (H). Comme cette banque était également impliquée dans les échanges relatifs aux parts de la société (H), il serait tout à fait naturel qu’elle ait proposé puis facilité l’acquisition des parts d’(H) à ses clients antérieurs. Dès lors, le fait que les bénéficiaires effectifs des SPV à 30 % n’avaient entretenu aucun lien avec la société (H) préalablement à l’acquisition des actions ne serait pas l’indice d’une manipulation de marché. Il serait par ailleurs commun que des investisseurs n’entretiennent pas de lien juridique avec une société avant d’acquérir les parts pour la première fois.

L’appelant reproche encore au tribunal de ne pas avoir tenu compte de la pièce numéro I.315. 2 de la CSSF à travers laquelle la banque concernée aurait elle-même expliqué comment elle avait évalué le caractère finançable des opérations successives d’acquisitions des actions. Il serait par ailleurs commun dans la vie des affaires, comme dans la vie privée, que des prêts soient sollicités puisque les concernés ne disposent pas de fonds propres suffisants. Le tribunal aurait dès lors méconnu la réalité des faits, de même que les critères légaux de la qualification de manipulation de marché.

S’agissant de la qualification d’une violation de l’article 1er, paragraphe (2), point c) de la loi Abus, l’appelant insiste dans sa réplique sur la distinction qu’il conviendrait de faire entre les termes de « lacunaire » et de « trompeur ».

Il insiste encore sur la considération que la CSSF n’indiquerait pas la base légale de son affirmation selon laquelle le nom de l’investisseur final serait une information exigée par la loi. Il critique, par ailleurs, la CSSF pour ne pas avoir répondu à son argument selon lequel son identité et sa qualité de bénéficiaire effectif auraient été notifiées à la société (H) le 2 novembre 2012 et encore notifiées et annoncées publiquement par un communiqué de presse du 7 novembre 2012.

Enfin, s’agissant du reproche d’une manipulation de marché au sens de l’article 1er, paragraphe (2), point b) de la loi Abus, l'appelant réitère que le tribunal se serait exclusivement fondé sur certains faits.

Par ailleurs, il réitère qu'il n'y aurait rien de fictif, de trompeur ou d'artificiel dans la série d'éléments retenus par le tribunal et reproche à la CSSF de ne pas avoir pris position par rapport à ses contestations à cet égard et de ne pas expliquer en quoi les opérations lui reprochées ne pourraient pas relever de la vie courante des société cotées.

Quant aux explications relatives aux bénéfices réalisés par les sociétés (S) et (U), l’appelant renvoie aux explications fournies aux pages 88 et 89 de son acte introductif de première instance.

45 Analyse de la Cour Tel que cela a été relevé par les premiers juges, la décision déférée retient dans le chef de Monsieur (D) la commission d’un abus de marché pour avoir procédé à des manipulations de marché au sens de la loi Abus.

Premièrement, la CSSF a retenu des omissions et/ou inexactitudes contenues dans les communiqués de presse des sociétés (w) et (x) du 18 octobre 2012 ainsi que dans le communiqué de presse de la société (H) qui s’en est suivi le 19 octobre 2012, qui seraient à qualifier de manipulation de marché au sens de l’article 1, paragraphe (2), point c) de la loi Abus. Comme Monsieur (D) était le bénéficiaire économique de ces sociétés, les manquements et inexactitudes en question lui étaient imputables.

En second lieu, la décision déférée retient que l’utilisation des sociétés (K), (S) et (U), en tant que special purpose vehicle à 30% (SPV à 30%), pour souscrire un total de 1,2 milliard d’actions nouvelles de la société (H) en novembre 2014 et en mai 2016 et la vente subséquente des SPV à 30% y compris les actions de la société (H) détenues par eux, le 8 juin 2016 à la société (F) agissant à travers la société (J), était à considérer comme manipulation de marché au sens de l’article 1, paragraphe (2), point b), de la loi Abus et que ces manipulations de marché étaient à imputer à Monsieur (D) en raison du fait qu’il était le bénéficiaire économique de ces SPV à 30%, lesquels auraient été utilisés dans le seul but de cacher son identité.

Tel que relevé par le tribunal, l’article 11 de la loi Abus dispose que : « Il est interdit à toute personne de procéder à des manipulations de marché. », tandis que l’article 1er, paragraphe (2), point c), de la même loi, définit la notion de manipulation de marché comme étant notamment « le fait de diffuser des informations, que ce soit par l’intermédiaire des médias ou par tout autre moyen, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses sur des instruments financiers, y compris le fait de répandre des rumeurs et de diffuser des informations fausses ou trompeuses, alors que la personne ayant procédé à une telle diffusion savait ou aurait dû savoir que les informations étaient fausses ou trompeuses. Dans le cas de journalistes agissant dans le cadre de leur profession, cette diffusion d’informations doit être évaluée en tenant compte de la réglementation applicable à leur profession, à moins que ces personnes ne retirent, directement ou indirectement, un avantage ou des profits de la diffusion des informations en question ; ».

A l’instar des premiers juges, la Cour constate qu’en application de l’article 1er, paragraphe (2), point c), de la loi Abus, il y a manipulation de marché lorsque des indications inexactes ou trompeuses sont véhiculées, dès lors que la personne qui les a communiquées savait ou aurait dû savoir qu’elles étaient fausses ou trompeuses et que l’article 33 de la loi Abus prévoit que les abus de marché, dont notamment la manipulation de marché au sens de l’article 11 de ladite loi, telle que définie notamment par l’article 1er, paragraphe (2), point c), de la même loi, est sanctionnée par la CSSF par une amende administrative, que l’infraction ait été commise « intentionnellement ou par imprudence ou négligence ».

La CSSF reproche plus concrètement à l’appelant de ne pas avoir révélé son identité en tant que bénéficiaire économique des sociétés (w) et (x), ni dans les communiqués de presse de 46ces sociétés du 18 octobre 2012, ni dans leurs notifications à l’adresse de la CSSF du 19 octobre 2012, ni dans les publications faites par la société (H) le même jour.

A l’instar des premiers juges, la Cour constate que l’appelant ne conteste pas que son identité n’avait pas été indiquée dans les communications litigieuses, étant relevé qu’il se dégage du rapport d’instruction que l’information n’avait été notifiée à la société (H) que le 28 octobre 2012 et publiée le 7 novembre 2012, soit après les délais de publication requis par la loi Transparence.

Le rapport d’enquête a de ce fait retenu à juste titre une méconnaissance des obligations se dégageant des articles 8 et 9, point e), de la loi Transparence, qu’il convient de lire avec la définition du « détenteur d’actions » au sens de l’article 1er, paragraphe (1), sub 2) de la même loi.

C’est encore à juste titre que les premiers juges ont relevé qu’il y a eu diffusion d’informations, alors que les actes critiqués sont précisément des diffusions de communiqués de presse. Ils ont, par ailleurs, à bon droit constaté que lesdites communications étaient trompeuses, dans la mesure où elles passaient sous silence le fait que Monsieur (D) était le bénéficiaire économique des sociétés (w) et (x), qui venaient d’acquérir des parts conférant plus de 20% des droits de vote dans la société (H) à son bénéficiaire économique. Ils ont encore à juste titre insisté sur le fait que la CSSF a valablement pu retenir que l’acquisition indirecte de 20% des droits de vote dans une société était un élément essentiel, de sorte que le défaut d’indiquer ladite information dans un communiqué de presse constituait une information lacunaire sur des points d’information essentiels, partant trompeuse. Enfin, le tribunal n’est pas non plus à critiquer en ce qu’il a retenu que Monsieur (D) aurait dû savoir que les informations diffusées étaient trompeuses.

Les premiers juges ont partant à juste titre pu arriver à la conclusion qu’il est établi à suffisance que les agissements reprochés à Monsieur (D) sont à qualifier de manipulation de marché au sens de la loi Abus.

C’est à tort que l’appelant reproche aux premiers juges d’avoir ajouté un critère non prévu par la loi. En effet, la notion d’indication fausse ou trompeuse ne vise pas uniquement une indication ne correspondant pas à la réalité, mais peut aussi viser l’omission de fournir une indication importante, de sorte que les premiers juges ne sont pas à critiquer en ce qu’ils se sont référés à des informations lacunaires sur des points d’information essentiels. C’est encore en vain que l’appelant croit voir dans le raisonnement du tribunal une contradiction, dans la mesure où une information lacunaire est susceptible de tromper.

Par ailleurs, tel que la CSSF le fait plaider à juste titre, l’obligation de publication, y compris l’indication du bénéficiaire économique, résulte des dispositions précitées de la loi Transparence, l’appelant insistant d’ailleurs sur la considération qu’il aurait finalement, certes avec retard, révélé son identité, de sorte qu’il ne s’est pas trompé sur son obligation de principe. A défaut de respecter cette obligation, les informations diffusées dans une première étape ont été, tel que la CSSF le fait valoir, forcément trompeuses.

C’est encore en vain que l’appelant fait valoir qu’il aurait été assisté par des professionnels, dans la mesure où même en ce cas, un non-respect de la loi lui est imputable.

47 L’appelant n’est pas non plus fondé à affirmer que les publications lacunaires ne se rapporteraient pas à un instrument financier au sens des dispositions qui précèdent. En effet, tel que cela a été relevé à juste titre par la CSSF, les instruments financiers visés sont les actions de la société (H).

Monsieur (D) n’est par ailleurs pas à suivre dans son argumentation selon laquelle il n’y aurait pas eu manipulation de marché puisque certains investisseurs auraient eu connaissance de sa qualité de bénéficiaire économique, les premiers juges ayant à cet égard à bon droit relevé que même si, en raison de différentes circonstances, certains investisseurs étaient éventuellement au courant de l’identité du bénéficiaire économique des sociétés (w) et (x), il n’en demeure pas moins que les informations transmises au grand public à travers les communiqués de presse litigieux des 18 et 19 octobre 2012 étaient lacunaires sur des points essentiels et partant trompeuses.

Le Cour partage encore, par adoption des motifs, la conclusion des premiers juges pour ce qui est du reproche d’une manipulation de marché au sens du point b) de l’article 1er, paragraphe (2), de la loi Abus, lequel définit la notion de manipulation de marché encore comme étant « le fait d’effectuer des opérations ou d’émettre des ordres qui recourent à des procédés fictifs ou à toute autre forme de tromperie ou d’artifice ; », du fait d’avoir utilisé les sociétés (K), (S) et (U) (les SPV à 30%), lesquelles ont acquis des participations dans la société (H) avant d’être elles-mêmes achetées en date du 8 juin 2016 par l’appelant, de sorte à lui conférer plus de 95% des droits de vote dans la société (H) à travers sa société (F).

Les premiers juges ont à bon droit rejeté les contestations de l’appelant quant à l’existence de procédés fictifs ou tromperies, en se référant à l’indicateur numéro 8 du rapport d’enquête qui décrit en détail les conditions de l’émission de 1,2 milliard d’actions nouvelles de la société (H) acquises par les SPV à 30% (les sociétés (K), (S) et (U)) et la vente subséquente de ces sociétés SPV à 30% à l’appelant, et en ayant relevé que, tel que la Cour l’a retenu ci-avant, les bénéficiaires économiques de ces sociétés, à savoir Monsieur (A), Monsieur (O) et Monsieur (T), sont des hommes d’affaires dans le domaine de l’immobilier de taille moyenne de la République tchèque sans aucun rapport avec la société (H) préalablement aux acquisitions de ces parts sociales en 2014, qu’aucun des trois bénéficiaires économiques précités ne disposait de fonds propres suffisants pour procéder à l’acquisition des parts sociales de la société (H) en 2014 et en 2016, mais que le financement a été effectué à travers des prêts accordés par la banque (N) et par la société (W) sous des conditions particulières, que malgré le fait que ces sociétés étaient à un moment donné les actionnaires majoritaires de la société (H), elles n’ont pas participé à la définition de la stratégie de cette société et que le même jour, à savoir le 8 juin 2016, les trois SPV à 30% ont été vendus à l’appelant et que les paiements des prix de cession n’ont pas été attribués aux trois bénéficiaires économiques respectifs desdites sociétés, mais qu’ils ont fini, à travers différents mécanismes d’achat d’actions et d’obligations, sur des comptes détenus par l’appelant lui-même.

Sur base de ces considérations, qui n’ont pas utilement été énervées par l’appelant à travers sa requête d’appel et sa réplique, le tribunal a valablement pu confirmer la conclusion de la CSSF de l’existence d’une manipulation de marché interdite au sens des articles 11 et 1, paragraphe (2), point b) de la loi Abus.

48 Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le tribunal a retenu que la CSSF a valablement constaté tant une violation de la loi OPA qu’une violation de la loi Abus et a partant prononcé une sanction à l’encontre de l’appelant.

5) Quant à la sanction prononcée Arguments des parties En ordre principal, l’appelant estime que dans la mesure où aucune infraction ne pourrait être retenue dans son chef, la sanction prononcée devrait nécessairement être annulée.

Subsidiairement, il estime que la sanction retenue serait disproportionnée. Il reproche en l’occurrence au tribunal de n’avoir tenu compte d’aucun élément à décharge hormis l’absence de récidive. En outre, le tribunal ne tiendrait pas compte de l’intégralité des éléments nécessaires et n’aurait pas motivé son jugement par une analyse in concreto. Ainsi, la gravité des infractions ne serait pas prise en compte ni sa propre attitude.

Dans sa réplique, l’appelant réitère ses reproches selon lesquels la CSSF ne se baserait que sur des éléments à charge.

La CSSF conclut au rejet de ce moyen.

Analyse de la Cour Comme la Cour vient de retenir que la CSSF a à juste titre retenu à l’égard de l’appelant tant une violation de la loi OPA qu’une violation de la loi Abus, le moyen principal de l’appelant est à rejeter.

Tel que les premiers juges l’ont relevé à juste titre, la CSSF a prononcé une sanction administrative à l’égard de l’appelant, en application tant de l’article 17 de la loi OPA que de l’article 33 de la loi Abus, de l’ordre de …. euros en précisant que cette amende englobait les violations constatées de ces deux lois34.

Les premiers juges ont rappelé à bon escient les dispositions des articles 17 de la loi OPA et 33 de la loi Abus comme suit :

34 « Upon due consideration of the abovementioned maximum administrative fines under the Takeover Law and the Market Abuse Law and taking into account that the alleged infringements to the abovementioned laws can be considered as concurrent offenses (concours de violations) (arising from a single set of facts in the case of Infringements N°1 and N° 3; or arising from different set of facts in the case of Infringements N° 2 and N°3), the CSSF informs you that it has decided to impose on you an administrative fine of EUR …. (in words: ….. euros) for the market manipulations in accordance with Article 33 paragraph 1 of the Market Abuse Law. This administrative fine comprises the administrative fine of EUR …. (in words: ….) incurred under the Takeover Law. » 49Article 17 de la loi OPA : « En cas d’infractions à la présente loi, qui sont de nature à porter atteinte aux principes généraux énoncés sous a) à e) de l’article 3, la CSSF peut frapper les parties à l’offre d’une amende d’ordre de 125 à 12.500 euros. ».

Article 33 de la loi Abus : « 1. Sans préjudice des dispositions des paragraphes 4 et 5, lorsque la CSSF constate qu’une infraction aux articles 8, 9, 10 ou 11 a été commise, que ce soit intentionnellement ou par imprudence ou négligence, elle peut infliger à l’égard de la personne à laquelle l’infraction est imputable une amende administrative de 125 à 1.500.000 euros. (…) » Les premiers juges ont encore à bon escient opéré, sur base d’une motivation suffisante contrairement à ce qui est soutenu par l’appelant, un contrôle de la proportionnalité de l’amende retenue à défaut de critères prévus par les lois OPA et Abus, en soulignant qu’une telle appréciation doit se faire in concreto suivant les circonstances du cas d’espèce et notamment en fonction du nombre d’infractions retenues, de la gravité de ces infractions, de l’attitude de la personne responsable et de ses antécédents35.

La Cour partage entièrement les éléments pris en considération par les premiers juges, à savoir l’absence de récidive, le fait que l’amende n’est pas prononcée en raison d’un fait unique, mais, en raison d’une violation de la loi OPA, d’une part, et d’une double violation de la loi Abus, d’autre part, sur base de faits s’étant étirés sur une période de trois ans, à savoir de 2013 à 2016, du contexte général des actions et transactions financières opérées par l’appelant et des sommes en jeu, de manière à conclure que l’amende de ….. euros, restant en-dessous de l’amende maximale prévue par la loi Abus, est adaptée, étant relevé à titre complémentaire qu’il convient encore de prendre en compte la situation patrimoniale de l’appelant, qui, au point 6 du rapport d’enquête, est qualifié d’homme très fortuné ayant figuré en 2016 sur la liste Forbes des milliardaires.

Les contestations de l’appelant quant à la proportionnalité de l’amende retenue ont dès lors à juste titre été rejetées par les premiers juges, sans que cette conclusion ne soit énervée par les contestations produites en instance d’appel, se recoupant en substance avec celles de première instance.

6) Quant au refus d’approuver l’OPA obligatoire sous la loi OPA Tel que cela a été relevé ci-avant, l’appelant n’a, dans le cadre du recours en annulation dont il dispose contre la décision de refus d’approuver l’OPA obligatoire, invoqué aucun moyen tenant à la légalité de cette décision, ses moyens tenant à la légalité externe et à la légalité interne se dirigeant essentiellement contre la décision de prononcer une amende à son égard. Dans ces conditions, la Cour ne dispose pas d’éléments permettant de mettre en question la légalité de de cette décision.

7) Quant à la décision de procéder à la publication de communiqués de presse Encore que l’appelant ait insisté pour voir déclarer recevable son recours dirigé contre la décision de publier, d’une part, la sanction prononcée à son égard et, d’autre part, le refus 35 trib. adm. 21 septembre 2020, n°44987 du rôle, Pas. adm. 2023, v° Sanctions administratives, n°10 50d’approuver l’OPA obligatoire, il n’a invoqué aucun moyen spécifique dirigé contre cette décision, si ce n’est qu’il semble, tel que cela a été retenu ci-avant, rattacher ses moyens de légalité externe examinés ci-avant et que la Cour vient de rejeter, aussi à la décision de publication de la sanction prononcée à son encontre. Vu le rejet des moyens de légalité externe et à défaut de tout autre moyen, la Cour ne dispose pas d’élément permettant de remettre en question la légalité de la décision de publier les décisions prises, de sorte que le recours en annulation dirigé à son encontre est encore à rejeter.

8) Quant à la demande d’ordonner la suppression sur le site internet de la CSSF de communiqués de presse Selon le dispositif de la requête d’appel, l’appelant demande encore à la Cour d’ordonner à la CSSF de supprimer sur son site internet les communiqués de presse numéros (b1) et (b) en publiant de nouveaux communiqués reprenant le prononcé du jugement.

C’est à juste titre que le tribunal a retenu qu’il n’était pas compétent pour connaître de cette demande, à défaut de base légale afférente lui permettant d’adresser à l’administration des injonctions, invitations ou des ordres directs de procéder36, cette conclusion des premiers juges n’ayant été énervée par aucune argumentation concrète de l’appelant qui s’est limité à reprendre la demande afférente formulée en première instance.

9) Quant aux indemnités de procédure demandées de part et d’autre Eu égard à l’issue du litige, la demande formulée par l’appelant tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de …. euros sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 est à rejeter.

La demande formulée par la CSSF tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de …. euros est également à rejeter, étant donné qu’elle omet de spécifier la nature des sommes exposées non comprises dans les dépens et qu’elle ne précise pas en quoi il serait inéquitable de laisser des frais non répétibles à sa charge.

Enfin, bien que l’appel est déclaré partiellement fondé, ce point revêt globalement parlant tellement peu d’importance que l’appelant est néanmoins à condamner à l’entièreté des dépens.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme l’appel dirigé contre le jugement du tribunal administratif du 21 novembre 2023, inscrit sous le numéro 40877 du rôle ;

36 Le contentieux administratif en droit luxembourgeois, par Rusen Ergec, mis à jour par Francis Delaporte, in Pasicrisie luxembourgeoise, Bulletin de jurisprudence administrative.

51déclare irrecevable l’appel incident ainsi qualifié par la CSSF ;

dit l’appel introduit par Monsieur (D) partiellement fondé ;

partant, par réformation du jugement du 21 novembre 2023, déclare recevable le recours subsidiaire en annulation dirigé contre la décision de publier la décision du 8 décembre 2017 ;

au fond rejette ledit recours ;

pour le surplus, dit l’appel non fondé et en déboute l’appelant ;

confirme le jugement du 21 novembre 2023 dans cette mesure ;

rejette les demandes en allocation d’une indemnité de procédure formulées de part et d’autre ;

condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Francis DELAPORTE, président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour …… s. …… s. DELAPORTE 52


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49889C
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-06-27;49889c ?

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