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06/06/2024 | LUXEMBOURG | N°91/24

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 06 juin 2024, 91/24


N° 91 / 2024 du 06.06.2024 Numéro CAS-2023-00135 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, six juin deux mille vingt-quatre.

Composition:

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE1.), demandeur en cassation, comparant par Maître

Marc THEWES, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et PERSON...

N° 91 / 2024 du 06.06.2024 Numéro CAS-2023-00135 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, six juin deux mille vingt-quatre.

Composition:

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE1.), demandeur en cassation, comparant par Maître Marc THEWES, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et PERSONNE2.), demeurant à L-ADRESSE2.), défendeur en cassation, comparant par Maître Robert KAYSER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

Vu le jugement attaqué numéro 2023TALCH03/00082 rendu le 25 avril 2023 sous le numéro TAL-2020-06032 du rôle par le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, troisième chambre, siégeant en matière de bail à loyer et en instance d’appel ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 4 août 2023 par PERSONNE1.) à PERSONNE2.), déposé le 8 août 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 26 septembre 2023 par PERSONNE2.) à PERSONNE1.), déposé le 4 octobre 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER.

Sur les faits Selon le jugement attaqué, le Tribunal de paix de Luxembourg, siégeant en matière de bail à loyer, avait déclaré non fondée la demande du locataire PERSONNE1.) à voir diminuer le loyer pour l’appartement pris en location par lui et avait rejeté la demande reconventionnelle en augmentation du loyer du bailleur PERSONNE2.).

Le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg a confirmé le jugement entrepris.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon de la mauvaise application, sinon de la fausse interprétation, de l’article 3, paragraphe 2, de la loi de 2006 en ce que, pour déclarer non fondé le recours de la partie demanderesse en cassation, les juges du fond ont fixé unilatéralement la valeur du capital investi, par application des dispositions de l’article 3, paragraphe 4, de la loi de 2006 pour la totalité du capital investi, alors que, la preuve, sur bases de pièces justificatives non contestées, du capital investi dans (i.) l’acquisition du terrain et (ii.) dans la construction de l’immeuble litigieux, pour l’application de l’article 3, paragraphe 2, de la loi de 2006 avait été apportée. ».

Réponse de la Cour Le moyen fait grief aux juges d’appel d’avoir fixé l’intégralité du capital investi en appliquant l’article 3, paragraphe 4, de la loi modifiée du 21 septembre 2006 sur le bail à usage d’habitation (ci-après « la loi de 2006 ») malgré le fait que deux composantes du capital investi, à savoir le prix d’acquisition du terrain et le prix de la construction, étaient prouvées par la production de pièces justificatives conformément au paragraphe 2 du même article.

Etant donné que seul le coût des travaux d’amélioration restait à évaluer, ce serait à tort que les juges d’appel ont refusé d’appliquer le paragraphe 2 au prix d’acquisition du terrain et au coût de construction.

L’article 3 de la loi de 2006 dispose « (…) (2) A défaut d’accord entre parties, le capital investi est celui engagé:

a) dans la construction initiale du logement et de ses dépendances telles que garages, emplacements de stationnement, jardin, grenier et cave, qui sont mis à la disposition du locataire et dont le coût est établi au jour de leur achèvement;

b) dans les travaux d’amélioration, dont le coût est établi au jour de l’achèvement des travaux, lesquels ne peuvent comporter des réparations locatives ou de menu entretien;

c) dans le terrain sur lequel l’habitation est sise, dont le coût est fixé à celui du jour de son acquisition; le prix du terrain peut toutefois également être fixé forfaitairement par le bailleur à 20 % du capital investi. », (…) (4) Dans le cas où le capital investi défini ci-avant ne peut pas être déterminé sur base de pièces justificatives et s’il y a désaccord entre le bailleur et le locataire sur le montant du loyer, la partie la plus diligente chargera un expert assermenté en bâtiment qui procédera à l’évaluation du capital investi, réévalué et décoté.

Toutefois, en cas d’aliénation à titre onéreux, le prix d’acquisition indiqué dans l’acte authentique translatif de propriété, et les frais de l’acte, sont présumés correspondre au jour de la signature de l’acte au capital investi, réévalué et décoté.

Dans le cas où la prédite évaluation ou la présomption prévue à l’alinéa 2 est contestée par la partie qui aura prouvé qu’elle ne saurait manifestement correspondre à la valeur marchande comparable, sans pour autant que cette partie ne puisse établir le véritable capital investi, la commission des loyers, saisie conformément à l’article 8, détermine le capital investi compte tenu de la valeur du terrain, du volume de l’immeuble loué, de la surface louée, de la qualité de l’équipement, de l’état d’entretien ou de réparation du logement, et de la finition du logement. ».

Selon le paragraphe 2 de l’article 3 de la loi de 2006, le capital investi est une notion unique composée de trois catégories de dépenses qui doivent, chacune, être établies par le propriétaire bailleur par la production de pièces justificatives. Si les trois composantes ne peuvent pas toutes être ainsi déterminées, l’évaluation du capital investi doit se faire conformément au paragraphe 4.

Après avoir constaté, par une appréciation souveraine des éléments du dossier qui échappe au contrôle de la Cour de cassation, que le coût des travaux d’amélioration n’était pas établi sur base de pièces justificatives, les juges d’appel ont pu conclure, sans violer la disposition visée au moyen, qu’il était impossible de déterminer le capital investi sur base du paragraphe 2.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon de la mauvaise application, sinon de la fausse interprétation, de l’article 3, paragraphe 2, de la loi de 2006 en ce que, pour déclarer non fondé le recours de la partie demanderesse en cassation, les juges du fond se sont fondés sur la circonstance que des ainsi que des avaient dû être réalisés dans l’immeuble litigieux :

terrasse en béton et les quelques aménagements au niveau du plafond, du chauffage et des fenêtres en 2010, il appert des éléments du dossier soumis à l’appréciation du tribunal de céans que d’autres travaux de rénovation et de modernisation ont nécessairement et indubitablement été entrepris sur la période de 1957 à 2019 (date de la saisine de la commission des loyers).

A cet égard, le tribunal renvoie notamment aux nombreuses photos (environ 20 pages) de l’expertise WIES ayant visité l’ensemble de l’immeuble, donc également l’appartement litigieux, en 2018, soit une année avant la saisine de la commission des loyers et desquelles il ressort notamment que la façade de l’immeuble se trouve dans un état quasi neuf et qu’une chaudière à gaz moderne se trouve au sous-sol (élément d’ailleurs en contradiction avec la facture de 2010 relative à la mise en place de deux chauffages électriques).» Page 16 du jugement entrepris.

- l’absence totale de pièces quant aux travaux d’aménagement réalisés entre 1957 et 2010, mise à part l’installation d’une terrasse en béton aux alentours de 1970 ;

- la présence de quelques factures de rénovation datant de l’année 2010, dont les unes ne concernent manifestement pas l’appartement en cause et les autres sont en contradiction avec l’expertise WIES de 2018, soit postérieure aux factures de 2010 ;

- suivant la logique de la lettre de résiliation, invoquée par PERSONNE1.) lui-même, les dernières rénovations et aménagements de l’appartement doivent remonter aux alentours de 2005, - le fait que PERSONNE2.) a hérité de l’immeuble en 2018 et ignore donc légitimement quels travaux d’aménagement ont été entrepris au fil des années ;

- les photos ressortant de l’expertise WIES démontrant que l’immeuble (et l’appartement litigieux) a nécessairement subi des travaux d’aménagement et de rénovation durant les dernières décennies, travaux dont aussi bien le tribunal que les parties ignorent la consistance et la valeur, il y a lieu de décider qu’en l’espèce, et ce conformément à l’article 3 (4) alinéa 1er de la loi de 2006, le “capital investi (…) ne peut pas être déterminé sur base de pièces justificatives” ».

Page 17 du jugement entrepris.

alors qu’il résulte du libellé du deuxième tiret du paragraphe 2 de l’article 3 de la loi de 2006 que seuls les peuvent être pris en compte dans la détermination du capital investi. ».

Réponse de la Cour Aux termes de l’article 3, paragraphe 2, point b), de la loi de 2006, il y a lieu de tenir compte, dans la détermination du capital investi, « des travaux d’amélioration, (…) lesquels ne peuvent comporter des réparations locatives ou de menu entretien ».

Il en découle que les travaux d’amélioration peuvent aussi consister en des travaux de modernisation ou de rénovation, si ceux-ci ne consistent pas en de simples réparations locatives ou des travaux de menu entretien.

Il ne résulte pas du jugement attaqué que les juges d’appel, qui ont retenu que des travaux de modernisation et de rénovation ont été entrepris et que les pièces justificatives pour tous les travaux « d’aménagement » et de rénovation réalisés faisaient défaut, aient, dans leur appréciation des éléments du dossier les ayant amenés à constater l’existence de travaux au sens du paragraphe 2, point b), pris en considération des réparations locatives ou des travaux de menu entretien.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon de la mauvaise application, sinon de la fausse interprétation, de l’article 3, paragraphe 2, de la loi de 2006 en ce que, pour déclarer non fondé le recours de la partie demanderesse en cassation, les juges du fond se sont fondés sur la circonstance que trouve au sous-sol » pour déduire que des travaux d’amélioration avaient dû être réalisés dans l’immeuble litigieux :

terrasse en béton et les quelques aménagements au niveau du plafond, du chauffage et des fenêtres en 2010, il appert des éléments du dossier soumis à l’appréciation du tribunal de céans que d’autres travaux de rénovation et de modernisation ont nécessairement et indubitablement été entrepris sur la période de 1957 à 2019 (date de la saisine de la commission des loyers).

A cet égard, le tribunal renvoie notamment aux nombreuses photos (environ 20 pages) de l’expertise WIES ayant visité l’ensemble de l’immeuble, donc également l’appartement litigieux, en 2018, soit une année avant la saisine de la commission des loyers et desquelles il ressort notamment que la façade de l’immeuble se trouve dans un état quasi neuf et qu’une chaudière à gaz moderne se trouve au sous-sol (élément d’ailleurs en contradiction avec la facture de 2010 relative à la mise en place de deux chauffages électriques).» Page 16 du jugement entrepris.

alors qu’il résulte du libellé du deuxième tiret du paragraphe 2 de l’article 3 de la loi de 2006 que seuls les peuvent être pris en compte dans la détermination du capital investi, lesquels . ».

Réponse de la Cour Il ne ressort pas du jugement entrepris que le demandeur en cassation ait fait valoir devant les juges du fond que les travaux de réfection de la façade et de remplacement de la chaudière constitueraient des réparations locatives ou de menu entretien.

Le moyen est dès lors nouveau et, en ce qu’il comporterait un examen des circonstances de fait, mélangé de fait et de droit.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré d’une contradiction de motifs, en ce que, pour déclarer non fondé le recours de la partie demanderesse en cassation, les juges du fond ont évalué la valeur du bien litigieux par rapport à la valeur d’un bien comparable, en application de l’article 3, paragraphe 4, de la loi de 2006, alors que, les juges du fond ont jugé :

investi véritable ne peut pas être déterminé, faute de pièces. La règle principale reste donc la détermination du capital investi sur la base des pièces. » Page 14 du jugement entrepris. ».

Réponse de la Cour Le grief tiré de la contradiction de motifs, équivalant à un défaut de motifs, ne peut être retenu que si les motifs incriminés sont contradictoires à un point tel qu’ils se détruisent et s’annihilent réciproquement, aucun ne pouvant être retenu comme fondement de la décision.

En retenant, d’une part, « Les dispositions de l’article 3(4) s’appliquent uniquement si le capital investi véritable ne peut pas être déterminé, faute de pièces. La règle principale reste donc la détermination du capital investi sur la base de pièces. » et, d’autre part, après avoir constaté l’absence de pièces justificatives pour l’intégralité des travaux d’amélioration, « il y a lieu de décider qu’en l’espèce, et ce conformément à l’article 3 (4) alinéa 1er de la loi de 2006, le justificatives ». », les juges d’appel ne se sont pas contredits.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le cinquième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’interdiction faite au juge de dénaturer l’écrit qui lui est soumis et dont les termes sont clairs et précis, en ce que le Tribunal d’arrondissement a considéré que l’appartement occupé par la partie demanderesse en cassation se trouve dans un bon état d’entretien général, alors que la partie demanderesse en cassation avait versé dans sa farde de pièces n° 2, un courrier de résiliation du contrat de bail rédigé par le propriétaire lui-même dans lequel il est indiqué explicitement (Pièce n° [8] :

échéance contractuelle, c’est-à-dire pour le 1er mars 2021 et ce conformément à l’article 12 (2) c de la loi modifiée du 21 septembre 2006 sur le bail à usage d’habitation telle que modifiée.

En effet, vu l’état de vétusté de l’appartement, qui, contrairement aux trois autres appartements dans le même immeuble (rez-de-chaussée en 2019, deuxième étage en 2015, troisième étage refait en 2013), n’a pas fait l’objet de rénovations majeures depuis 15 ans.

Des travaux majeurs de rénovation s’imposent actuellement pour assurer l’intégrité de l’appartement et de l’immeuble en général.

Il est envisagé de procéder à une rénovation intégrale de l’appartement qui inclut les travaux suivants, sans que la liste ne soit exhaustive:

- Nouveaux revêtements du sol dans tout l’appartement - Installation d’une nouvelle salle de bain - Installation d’une nouvelle cuisine - nouveau cablage électrique, nouvelles portes - nouveaux radiateurs.». ».

Réponse de la Cour Sous le couvert du grief tiré de la dénaturation d’un courrier de résiliation rédigé par le propriétaire, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, de l’ensemble des éléments de preuve leur soumis qui les ont amenés à conclure à un bon état d’entretien ou de réparation du logement loué, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

Sur les demandes en allocation d’indemnités de procédure Le demandeur en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

Il serait inéquitable de laisser à charge du défendeur en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

rejette la demande du demandeur en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne le demandeur en cassation à payer au défendeur en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

le condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence du premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) contre PERSONNE2.) ( CAS-2023-00135 ) Le pourvoi en cassation, introduit par PERSONNE1.) (ci-après PERSONNE1.)) par un mémoire en cassation signifié le 4 août 2023 au défendeur en cassation et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 8 août 2023, est dirigé contre un jugement n° 2023TALCH03/00082 rendu par le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, troisième chambre, siégeant en matière de bail à loyer et en instance d’appel, statuant contradictoirement, en date du 25 avril 2023 (n° TAL-2020-06032 du rôle). Ce jugement ne semble pas avoir été signifié au demandeur en cassation.

Le pourvoi en cassation a dès lors été interjeté dans les forme et délai prévus aux articles 7 et 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Le défendeur en cassation a signifié un mémoire en réponse le 26 septembre 2023 et il l’a déposé au greffe de la Cour le 4 octobre 2023.

Ayant été signifié et déposé au greffe de la Cour dans le délai de deux mois à compter du jour de la signification du mémoire en cassation, conformément aux articles 15 et 16 de la loi précitée du 18 février 1885, ce mémoire est à considérer comme recevable.

Sur les faits et antécédents :

Par requête du 29 juillet 2019, PERSONNE1.) s’est adressé à la Commission des Loyers de la Ville de Luxembourg aux fins d’obtenir une réduction de son loyer s’élevant à 1.500.- euros conformément au contrat de bail du 20 février 2014.

La commission des loyers a rejeté sa demande en date du 15 octobre 2019.

Par requête déposée au greffe de la justice de paix de et à Luxembourg le 19 novembre 2019, PERSONNE1.) a régulièrement fait convoquer PERSONNE2.) (ci-après PERSONNE2.)) devant le juge de paix siégeant en matière de bail à loyer pour voir réformer la décision de la Commission des Loyers du 15 octobre 2019 et voir fixer le montant du loyer à un montant en lien avec le capital investi et la loi sur le bail à usage d’habitation. Il a encore réclamé une indemnité de procédure de 1.000.- euros.

PERSONNE2.) a sollicité à titre reconventionnel l’augmentation du loyer mensuel à 2.000.-

euros à partir du jugement, ainsi qu’une indemnité de procédure de 1.000.- euros.

Par jugement n° 170/20 du 16 janvier 2020, le tribunal de paix de et à Luxembourg, siégeant en matière de bail à loyer, recours contre les décisions de la commission des loyers, statuant contradictoirement entre toutes les parties et en premier ressort, a reçu la requête en réduction du loyer en la forme et l’a déclarée recevable.

Il a reçu la demande reconventionnelle en augmentation du loyer en la forme et l’a déclarée recevable. Avant tout autre progrès en cause, il a nommé expert Lucien MELCHIOR, avec la mission de déterminer, conformément à l’article 3 (1) - (4) de la loi modifiée du 21 septembre 2006 sur le bail à usage d’habitation, le capital investi, réévalué et décoté dans l’appartement occupé par PERSONNE1.), et de se prononcer en particulier sur la valeur du bien en 1957 (terrain et construction), en intégrant le coefficient de réévaluation et la décote biannuelle, ainsi que les frais équivalents investis dans l’entretien et la réparation du logement, ainsi que sur la valeur des meubles meublants.

En date du 4 mai 2020, l’expert MELCHIOR a déposé son rapport d’expertise.

Lors des plaidoiries en continuation de l’affaire, PERSONNE1.) a demandé principalement à voir réduire le loyer mensuel au montant de 268.- euros, subsidiairement au montant de 493.-

euros, et il a augmenté sa demande en allocation d’une indemnité de procédure au montant de 10.000.- euros.

PERSONNE2.) a principalement demandé à voir entériner le rapport d’expertise et à voir fixer le loyer à 1.825.- euros par mois, subsidiairement à voir fixer le loyer au montant mensuel de 2.000.- euros. Les frais d’expertise seraient à mettre à charge de la partie adverse.

Par jugement n° 1523/20 du 18 juin 2020, le tribunal de paix de et à Luxembourg, vidant le jugement n° 170/20 rendu en date du 16 janvier 2020, a débouté PERSONNE1.) de sa demande en réduction du loyer mensuel. Il a débouté PERSONNE2.) de sa demande en augmentation du loyer mensuel. Il a débouté les parties de leurs demandes respectives en allocation d’une indemnité de procédure et a mis les frais et dépens de l’instance pour moitié à charge de PERSONNE1.) et pour moitié à charge de PERSONNE2.).

Par exploit d’huissier de justice du 3 août 2020, PERSONNE1.) a régulièrement interjeté appel contre le prédit jugement du 18 juin 2020.

Par jugement d’appel n° 2020TALCH14/00144 du 21 décembre 2020, le tribunal d’Arrondissement de et à Luxembourg, quatorzième chambre, a reçu l’appel en la forme, l’a déclaré non fondé et a partant confirmé le jugement entrepris.

Il a débouté les parties de leurs demandes respectives en allocation d’une indemnité de procédure et a condamné PERSONNE1.) aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Par arrêt n° 56/20222 du 21 avril 2022 la Cour de Cassation a cassé et annulé le jugement d’appel précité du 21 décembre 2020 pour violation de l’article 3(4), alinéa 3 de la loi modifiée du 21 septembre 2006 sur le bail à usage d’habitation et a remis en conséquence la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit jugement d’appel.

Par jugement rendu en date du 25 avril 2023, le tribunal d’arrondissement, troisième chambre, a reçu l’appel en la forme, l’a dit non fondé et a partant confirmé le jugement du 18 juin 2020.

Ce jugement a donné acte à PERSONNE2.) qu’il renonce à sa demande en augmentation du loyer, il a débouté PERSONNE1.) de sa demande en allocation d'une indemnité de procédure, il a donné acte à PERSONNE2.) qu’il renonce à sa demande en allocation d’une indemnité de procédure et il a condamné PERSONNE1.) aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ce jugement fait l’objet du présent pourvoi.

Sur le premier moyen de cassation:

Le premier moyen de cassation est tiré de violation, sinon de la mauvaise application, sinon de la fausse interprétation, de l’article 3, paragraphe 2, de la loi modifiée du 21 septembre 2006 sur le bail à usage d’habitation (ci-après la loi de 2006), qui dispose que :

« (2) A défaut d’accord entre parties, le capital investi est celui engagé:

a) dans la construction initiale du logement et de ses dépendances telles que garages, emplacements de stationnement, jardin, grenier et cave, qui sont mis à la disposition du locataire et dont le coût est établi au jour de leur achèvement;

b) dans les travaux d’amélioration, dont le coût est établi au jour de l’achèvement des travaux, lesquels ne peuvent comporter des réparations locatives ou de menu entretien;

c) dans le terrain sur lequel l’habitation est sise, dont le coût est fixé à celui du jour de son acquisition; le prix du terrain peut toutefois également être fixé forfaitairement par le bailleur à 20 % du capital investi. », en ce que, pour déclarer non fondé le recours de la partie demanderesse en cassation, les juges du fond ont fixé unilatéralement la valeur du capital investi, par application des dispositions de l’article 3, paragraphe 4, de la loi de 2006 pour la totalité du capital investi, alors que, la preuve, sur bases de pièces justificatives non contestées, du capital investi dans (i.) l’acquisition du terrain et (ii.) dans la construction de l’immeuble litigieux, pour l’application de l’article 3, paragraphe 2, de la loi de 2006 était apportée.

Le moyen fait grief au jugement entrepris d’avoir déterminé l’intégralité du capital investi en tenant compte des éléments prévus au paragraphe 4 de l’article 3 (valeur du terrain, volume de l’immeuble loué, surface louée, qualité de l’équipement, état d’entretien ou de réparation du logement, et finition du logement), alors que le prix d’acquisition du terrain et le prix de la construction auraient été prouvés par la production de pièces justificatives conformément au paragraphe 2 du même article. Etant donné que seul le coût des travaux d’amélioration restait à évaluer, ce serait à tort que les juges auraient refusé d’appliquer le paragraphe 2 au prix d’acquisition du terrain et au coût de construction.

Selon le paragraphe 2 de l’article 3 de la loi de 2006, le capital investi est composé de trois catégories de dépenses, qui doivent être établies par le propriétaire bailleur par la production de pièces justificatives. Ce paragraphe ne comporte toutefois aucune disposition permettant de suppléer à la production de pièces justificatives pour une de ces trois catégories de dépenses, et il faut alors se référer au paragraphe 4, qui dispose :

« (4) Dans le cas où le capital investi défini ci-avant ne peut pas être déterminé sur base de pièces justificatives et s’il y a désaccord entre le bailleur et le locataire sur le montant du loyer, la partie la plus diligente chargera un expert assermenté en bâtiment qui procédera à l’évaluation du capital investi, réévalué et décoté.

Toutefois, en cas d’aliénation à titre onéreux, le prix d’acquisition indiqué dans l’acte authentique translatif de propriété, et les frais de l’acte, sont présumés correspondre au jour de la signature de l’acte au capital investi, réévalué et décoté.

Dans le cas où la prédite évaluation ou la présomption prévue à l’alinéa 2 est contestée par la partie qui aura prouvé qu’elle ne saurait manifestement correspondre à la valeur marchande comparable, sans pour autant que cette partie ne puisse établir le véritable capital investi, la commission des loyers, saisie conformément à l’article 8, détermine le capital investi compte tenu de la valeur du terrain, du volume de l’immeuble loué, de la surface louée, de la qualité de l’équipement, de l’état d’entretien ou de réparation du logement, et de la finition du logement.

Dans le cas où la prédite évaluation ou la présomption prévue à l’alinéa 2 est contestée par la partie qui aura prouvé qu’elle ne saurait manifestement correspondre à la valeur marchande comparable, sans pour autant que cette partie ne puisse établir le véritable capital investi, la commission des loyers, saisie conformément à l’article 8, détermine le capital investi compte tenu de la valeur du terrain, du volume de l’immeuble loué, de la surface louée, de la qualité de l’équipement, de l’état d’entretien ou de réparation du logement, et de la finition du logement. » Dans une première phase, le capital investi avait déterminé par l’expert MELCHIOR nommé par jugement n° 170/20 du 16 janvier 2020 du tribunal de paix de et à Luxembourg, mais cette évaluation a été contestée par le défendeur en cassation.

Le jugement entrepris a retenu à ce sujet :

« Il y a tout d’abord lieu de souligner que la condition sine qua non pour qu’une partie puisse contester l’évaluation de l’expert est que « cette partie ne puisse établir le véritable capital investi ».

A cet égard, le tribunal de céans renvoie aux développements faits et conclusions prises par le tribunal de céans sous le point 1 ci-avant et sur base desquels le tribunal de céans a retenu que le « capital investi (…) ne peut pas être déterminé sur base de pièces justificatives ».

Il y a encore lieu de noter que l’expert MELCHIOR ne disposait pas non plus d’autres informations, sinon pièces sur les travaux d’aménagement entrepris que celles dont dispose actuellement le tribunal.

Il est donc établi à suffisance de droit en cause que PERSONNE2.) ne peut légitimement établir le capital investi. » Sous le point 1, auquel renvoient les juges d’appel, ils avaient retenu :

« 1. Quant au capital investi calculé selon le paragraphe (2) de l’article 3 :

Afin de déterminer le capital investi sur base du paragraphe (2) de l’article 3, il y a lieu d’établir les éléments suivants :

* le prix d’acquisition du terrain ;

* le prix de de la construction initiale du logement et de ses dépendances ;

* le coût des travaux d’aménagement ;

Suivant une pièce intitulée « Description de la construction nouvelle » (pièce n° 1 de la farde III de Maître THEWES) et émise par l’Administration des Contributions en date du 1er mars 1959, le prix d’acquisition du terrain en 1957 était de 470.000 LUF (soit environ 11.650.- euros) et les frais de construction de l’immeuble comprenant l’appartement en cause s’élevait au montant de 1.770.000 LUF (soit environ 43.877.- euros).

Concernant ensuite les travaux d’aménagement, il résulte de la pièce « Description de la construction nouvelle » (pièce n° 2 de la farde III de Maître THEWES) émise par l’Administration des Contributions cette fois-ci en date du 1er mai 1964 qu’il a été procédé à la construction de deux garages au prix de 65.000 LUF (soit environ 1.611.- euros). Or, suivant les dires mêmes de PERSONNE1.), il n’y aurait pas lieu de prendre en compte la construction des garages dans l’établissement du capital investi étant donné qu’aucun garage n’aurait fait partie de son contrat de bail. Au vu de ce qui précède, le tribunal écartera les garages en tant que travaux d’aménagement.

Suivant une troisième pièce à nouveau intitulée «Description de la construction nouvelle» (pièce n° 3 de la farde III de Maître THEWES) cette fois-ci émise par l’Administration des Contributions en date du 10 avril 1970, il a été procédé à la mise en place d’une terrasse en béton au prix de 20.000 LUF (soit environ 495.- euros). Il n’est pas contesté par PERSONNE2.) que PERSONNE1.) avait la possibilité de jouir de cette terrasse de sorte qu’elle est à prendre en compte comme faisant partie des travaux d’aménagement.

Il ressort du dossier que PERSONNE2.) verse encore plusieurs factures relatives à des travaux de modernisation datant toutes de l’année 2010 et concernant l’isolation du plafond (4.962,82 euros), la mise en place de deux chauffages électriques (2.261,56 euros), la fourniture de nouveaux cadres de fenêtre en aluminium (il s’agit de quatre factures émises par l’entreprise SOCIETE1.) dont trois chaque fois au montant de 9.064.- euros et une au montant de 2.876,89 euros.) Il en découle que seulement une des quatre factures précitées relatives aux fenêtres ne saurait concerner l’appartement loué par PERSONNE1.).

Or, à défaut de la moindre information en ce sens, le tribunal ignore laquelle desdites factures concernait l’appartement loué par PERSONNE1.).

Les factures de l’entreprise de toiture SOCIETE2.) ne seront pas prises en compte alors qu’elles mentionnent expressément que les travaux ont concerné l’appartement du 1er étage. Or, le contrat de bail mentionne que l’appartement litigieux se trouve au 2ième étage.

Il s’ajoute encore qu’aucun décompte concernant les travaux n’a été fourni et aucune ventilation entre les différents appartements n’a été faite.

PERSONNE2.) soutient qu’il aurait hérité de la maison comprenant l’appartement litigieux en 2018 lors du décès de son épouse de sorte qu’il ignorerait quels autres travaux d’aménagement et d’investissement auraient été entrepris dans l’immeuble au cours des décennies (mis à part ceux de l’année 2010) étant donné que l’immeuble aurait fait partie du patrimoine de la famille de son épouse.

Cette affirmation est certes en contradiction avec le contenu de la note de plaidoiries versée par PERSONNE1.) et invoquant que l’immeuble en cause aurait été érigé par le père de PERSONNE2.).

Or, force est de constater qu’à l’audience des plaidoiries d’appel du 7 mars 2023, PERSONNE1.) n’a pas remis en cause l’affirmation que l’immeuble n’a pas été construit par le père de PERSONNE2.) mais bien par la famille de feue son épouse. Lors de cette audience, PERSONNE2.) a encore proposé de verser la déclaration de succession pour établir ses dires. PERSONNE1.) n’a pourtant aucunement pris position par rapport à cette offre de preuve.

Force est de constater que le contrat de bail avait initialement été conclu entre feue PERSONNE3.) et PERSONNE1.), ce qui confirme également la version des faits que PERSONNE2.) a hérité de l’immeuble en 2018.

Au vu des éléments qui précèdent, le tribunal retient qu’il est établi à suffisance de droit en cause que l’immeuble a été construit en 1957 par la famille de feue l’épouse de PERSONNE2.).

Le tribunal se doit ensuite de noter que, mis à part la construction d’une terrasse en béton et les quelques aménagements au niveau du plafond, du chauffage et des fenêtres en 2010, il appert des éléments du dossier soumis à l’appréciation du tribunal de céans que d’autres travaux de rénovation et de modernisation ont nécessairement et indubitablement été entrepris sur la période de 1957 à 2019 (date de la saisine de la commission des loyers).

A cet égard, le tribunal renvoie notamment aux nombreuses photos (environ 20 pages) de l’expertise WIES ayant visité l’ensemble de l’immeuble, donc également l’appartement litigieux, en 2018, soit une année avant la saisine de la commission des loyers et desquelles il ressort notamment que la façade de l’immeuble se trouve dans un état quasi neuf et qu’une chaudière à gaz moderne se trouve au sous-sol (élément d’ailleurs en contradiction avec la facture de 2010 relative à la mise en place de deux chauffages électriques).

PERSONNE1.) renvoie au courrier de résiliation du bail dans lequel PERSONNE2.) invoque comme motif de résiliation « En effet, vu l’état de vétusté de l’appartement, qui, contrairement aux trois autres appartements dans le même immeuble n’a pas fait l’objet de rénovations majeure depuis 15 ans » pour en conclure qu’aucun travail d’aménagement digne de ce nom n’aurait jamais été réalisé dans l’appartement.

Ce moyen ne saurait cependant valoir.

La construction de l’immeuble date de 1957 et le courrier de résiliation d’octobre 2020.

Même en admettant pour les besoins de la cause qu’aucune rénovation majeure n’ait été entreprise depuis 15 ans, la dernière rénovation substantielle doit forcément dater de 2005 et entre 2005 et 1957 se trouvent encore 48 ans durant lesquelles des rénovations et aménagement ont nécessairement eu lieu.

Dans ce contexte, le tribunal renvoie à ses développements ci-avant quant aux photos contenues dans l’expertise WIES.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, dont notamment :

* l’absence totale de pièces quant aux travaux d’aménagement réalisés entre 1957 et 2010, mise à part l’installation d’une terrasse en béton aux alentours de 1970 ;

* la présence de quelques factures de rénovation datant de l’année 2010, dont les unes ne concernent manifestement pas l’appartement en cause et les autres sont en contradiction avec l’expertise WIES de 2018, soit postérieure aux factures de 2010 ;

* suivant la logique de la lettre de résiliation, invoquée par PERSONNE1.) lui-même, les dernières rénovations et aménagements de l’appartement doivent remonter aux alentours de 2005, * le fait que PERSONNE2.) a hérité de l’immeuble en 2018 et ignore donc légitimement quels travaux d’aménagement ont été entrepris au fil des années ;

* les photos ressortant de l’expertise WIES démontrant que l’immeuble (et l’appartement litigieux) a nécessairement subi des travaux d’aménagement et de rénovation durant les dernières décennies, travaux dont aussi bien le tribunal que les parties ignorent la consistance et la valeur, il y a lieu de décider qu’en l’espèce, et ce conformément à l’article 3 (4) alinéa 1er de la loi de 2006, le « capital investi (…) ne peut pas être déterminé sur base de pièces justificatives ».

Dans le jugement dont pourvoi, les juges d’appel ont ainsi examiné en détail les éléments de preuve leur soumis et ils ont conclu qu’il était impossible de déterminer le capital investi « sur base de pièces justificatives ».

Sous le couvert d’une violation de la disposition visée, le moyen tente de remettre en cause l’appréciation souveraine par les juges du fond des éléments de preuve leur soumis, qui échappe au contrôle de votre Cour.

Le premier moyen ne saurait être accueilli.

Subsidiairement :

Le moyen peut aussi être interprété en ce sens que les juges d’appel auraient dû déterminer la partie du capital investi correspondant au prix du terrain et au prix de la construction en se basant sur les pièces justificatives, tout en déterminant le coût des travaux d’amélioration par une autre méthode, par une sorte d’application distributive de différents critères légaux permettant de déterminer le capital investi.

Or, l’article 3 de la loi de 2006 n’a pas prévu ce cas de figure et n’indique aucune méthode d’évaluation correspondant à ce cas de figure. Force est de constater que les éléments à prendre en considération en cas de détermination du capital investi dans le cadre du paragraphe 4, à savoir la valeur du terrain, le volume de l’immeuble loué, la surface louée, de la qualité de l’équipement, l’état d’entretien ou de réparation du logement, et la finition du logement, ne sont pas adéquats pour évaluer le coût des seuls travaux d’amélioration.

Le demandeur en cassation n’indique d’ailleurs pas quels critères légaux auraient dû être appliqués à la détermination du coût des travaux d’amélioration pris isolément.

Faute de critères légaux sur lesquels pourrait s’appuyer l’évaluation des seuls travaux d’amélioration, c’est dès lors à juste titre que les juges du fond ont décidé que, vu qu’il était impossible de déterminer le capital investi sur base de pièces justificatives, et étant donné que la contestation par le bailleur de l’évaluation par l’expertise MELCHIOR remplissait les conditions prévues, il y avait lieu de déterminer le capital investi en prenant en considération les critères légaux figurant au paragraphe 4.

Le premier moyen n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation:

Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la mauvaise application, sinon de la fausse interprétation, de l’article 3, paragraphe 2, de la loi de 2006.

Le moyen fait grief au jugement entrepris d’avoir déclaré le recours du demandeur en cassation non fondé au motif que des « travaux de rénovation et de modernisation » ainsi que des « travaux d’aménagement » avaient dû être réalisés dans l’immeuble loué, alors qu’il résulte du deuxième tiret du paragraphe 2 de l’article 3 de la loi de 2006 que seuls les « travaux d’amélioration » peuvent être pris en compte dans la détermination du capital investi.

Etant donné que le jugement attaqué a déterminé le capital investi compte tenu de la valeur du terrain, du volume de l’immeuble loué, de la surface louée, de la qualité de l’équipement, de l’état d’entretien ou de réparation du logement, et de la finition du logement, tel que prévu à l’article 3, paragraphe 4, de la loi de 2006, les juges du fond n’ont pas appliqué le paragraphe 2 pour déterminer le capital investi.

La disposition visée au moyen est partant étrangère à la décision attaquée et le deuxième moyen est irrecevable.

Subsidiairement :

L’article 3, paragraphe 2, point b), de la loi de 2006 indique qu’est notamment pris en considération le capital investi « dans les travaux d’amélioration, dont le coût est établi au jour de l’achèvement des travaux, lesquels ne peuvent comporter des réparations locatives ou de menu entretien ».

Il est vrai qu’aux pages 16 et 17 du jugement entrepris, dans les extraits cités dans l’exposé du moyen, les juges d’appel se sont référés aux photos figurant au dossier et à d’autres éléments du dossier pour constater la réalisation de « travaux de rénovation et de modernisation » et de « travaux d’aménagement », et ils ont conclu que le « capital investi (…) ne peut pas être déterminé sur base de pièces justificatives ».

Auparavant le jugement attaqué avait rappelé que « l’article 3 de la loi précitée du 21 septembre 2006 poursuit en ces termes :

« (2) A défaut d’accord entre parties, le capital investi est celui engagé:

a) dans la construction initiale du logement et de ses dépendances telles que garages, emplacements de stationnement, jardin, grenier et cave, qui sont mis à la disposition du locataire et dont le coût est établi au jour de leur achèvement;

b) dans les travaux d’amélioration, dont le coût est établi au jour de l’achèvement des travaux, lesquels ne peuvent comporter des réparations locatives ou de menu entretien;

c) dans le terrain sur lequel l’habitation est sise, dont le coût est fixé à celui du jour de son acquisition; le prix du terrain peut toutefois également être fixé forfaitairement par le bailleur à 20 % du capital investi. » 1 Dès lors, en retenant que le coût des travaux énumérés faisait partie du capital investi, les juges du fond ont nécessairement considéré ces travaux comme « travaux d’amélioration » au sens du paragraphe 2 de l’article 3.

Même à admettre que la terminologie utilisée dans les extraits cités soit ambiguë, le demandeur en cassation n’indique pas quels travaux y énumérés ne constitueraient pas des travaux d’amélioration, de sorte que leur coût aurait à tort été considéré comme faisant partie du capital investi.

1 Page 12, dernier alinéa, du jugement du 25 avril 2023 Le moyen n’indique pas en quoi la terminologie utilisée aurait eu une quelconque incidence sur la solution du litige, de sorte que le moyen est inopérant, sinon irrecevable.

Sur le troisième moyen de cassation:

Le troisième moyen de cassation est tiré de violation, sinon de la mauvaise application, sinon de la fausse interprétation, de l’article 3, paragraphe 2, de la loi de 2006, en ce que, pour déclarer non fondé le recours de la partie demanderesse en cassation, les juges du fond se sont fondés sur la circonstance que « la façade de l’immeuble se trouve dans un état quasi neuf et qu’une chaudière à gaz moderne se trouve au sous-sol » pour déduire que des travaux d’amélioration avaient dû être réalisés dans l’immeuble litigieux, alors qu’il résulte du libellé du deuxième tiret du paragraphe 2 de l’article 3 de la loi de 2006 que seuls les « travaux d’amélioration » peuvent être pris en compte dans la détermination du capital investi, lesquels « ne peuvent comporter des réparations locatives ou de menu entretien ».

En vertu de l’article 1754 du Code civil : « Les réparations locatives ou de menu entretien dont le locataire est tenu, s’il n’y a clause contraire, sont celles désignées comme telles par l’usage des lieux, et, entre autres, les réparations à faire : aux âtres, contre-coeurs, chambranles et tablettes des cheminées, au recrépiment du bas des murailles des appartements et autres lieux d’habitation, à la hauteur d’un mètre ; aux pavés et carreaux des chambres, lorsqu’il y en a seulement quelques-uns de cassés ;aux vitres, à moins qu’elles ne soient cassées par la grêle, ou autres accidents extraordinaires et de force majeure, dont le locataire ne peut être tenu ;

aux portes, croisées, planches de cloison ou de fermeture de boutiques, gonds, targettes et serrures ».

Il ressort du jugement entrepris que « PERSONNE1.) renvoie au courrier de résiliation du bail dans lequel PERSONNE2.) invoque comme motif de résiliation « En effet, vu l’état de vétusté de l’appartement, qui, contrairement aux trois autres appartements dans le même immeuble n’a pas fait l’objet de rénovations majeure depuis 15 ans » pour en conclure qu’aucun travail d’aménagement digne de ce nom n’aurait jamais été réalisé dans l’appartement. »2 Par contre, il ne ressort pas de ce jugement que le demandeur en cassation ait fait valoir devant les juges du fond que les travaux de réfection de la façade et de remplacement de la chaudière participeraient de l’entretien normal de l’immeuble.

Le moyen est partant nouveau et il est mélangé de fait et de droit dans la mesure où l’examen du moyen exigerait que votre Cour apprécie quelles sont les réparations locatives ou de menu entretien désignées comme telles par l’usage des lieux conformément à l’article 1754 du Code civil.

2 Jugement du 25 avril 2023, page 16, dernier paragraphe Le moyen est irrecevable.

S’y ajoute que le jugement entrepris a énuméré toute une série de travaux d’amélioration3 dont la valeur ne peut pas être établie par des pièces justificatives. Le demandeur en cassation n’indique pas en quoi la qualification de travaux d’amélioration concernant la réfection de la façade et le remplacement de la chaudière aurait eu une incidence sur la solution du litige.

Même à supposer que ces travaux ne soient pas à considérer comme des travaux d’amélioration, il reste d’autres travaux d’amélioration pour lesquels les juges du fond ont retenu que l’évaluation du capital investi ne peut se faire sur la base de pièces justificatives.

Le moyen est inopérant.

Subsidiairement :

Sous le couvert d’une violation de la disposition visée, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation souveraine par les juges du fond des éléments de preuve qui leur sont soumis.

Le moyen ne saurait être accueilli.

Plus subsidiairement :

Dans le commentaire des articles cité dans la discussion du moyen, les auteurs du projet de loi ont fourni les précisions suivantes concernant le capital engagé dans les travaux d’amélioration :

« Comme pour les travaux relatifs à la construction initiale, le coût à prendre en considération est toujours celui établi au jour de l’achèvement des travaux.

Sont dorénavant visés tous les travaux qui ne sont pas des réparations locatives et de menu entretien, à charge du locataire, et qui ont pour effet soit d’augmenter la valeur du bien, soit de changer la nature ou l’état du logement loué, comme par exemple:

– les agrandissements et transformations du bâtiment, – la construction de balcons ou terrasses, – l’installation première d’une salle de bain, – la subdivision d’une habitation en habitations plus petites, – l’installation d’une nouvelle cuisine équipée, – la réfection des éléments d’équipement, etc. »4 En exigeant, non seulement que les travaux visés ne soient pas des réparations locatives et de menu entretien, mais qu’ils doivent également avoir « pour effet soit d’augmenter la valeur du bien, soit de changer la nature ou l’état du logement loué », les travaux parlementaires dépassent le texte légal qui ne comporte pas pareille exigence.

3 Pages 16 et 17 du jugement du 25 avril 2023, extraits cités dans l’exposé du deuxième moyen 4 Doc. Parl. n° 5216, projet de loi, commentaire des articles, page 16 Or, « les travaux préparatoires de la loi, de quelque pertinence qu’ils soient, ne peuvent servir ni à suppléer aux lacunes du texte légal, ni à déroger à ses dispositions »5.

Les juges du fond n’étaient partant pas tenus de se référer à la définition des travaux d’amélioration telle que contenue dans les travaux préparatoires.

Le moyen n’est pas fondé.

Sur le quatrième moyen de cassation:

Le quatrième moyen de cassation est tiré d’une contradiction de motifs, en ce que, pour déclarer non fondé le recours de la partie demanderesse en cassation, les juges du fond ont évalué la valeur du bien litigieux par rapport à la valeur d’un bien comparable, en application de l’article 3, paragraphe 4, de la loi de 2006, alors que, les juges du fond ont jugé :

« Les dispositions de l’article 3(4) s’appliquent uniquement si le capital investi véritable ne peut pas être déterminé, faute de pièces. La règle principale reste donc la détermination du capital investi sur la base de pièces. » Le moyen reste en défaut d’indiquer la disposition légale violée, mais il ne peut de toute évidence s’agir que de l’article 109 de la Constitution révisée telle qu’en vigueur depuis le 1er juillet 2023, et des articles 249 et 587 du Nouveau code de procédure civile, respectivement de l’article 6, paragraphe 1er, de la Convention européenne des droits de l’Homme, de sorte que le moyen ne saurait être déclaré irrecevable pour défaut d’indication de la disposition violée6.

La contradiction de motifs n’est censurée par la Cour de cassation que si elle saute aux yeux à la lecture de la décision entreprise. Le demandeur au pourvoi qui invoque un tel moyen est obligé de souligner très clairement les deux termes de la contradiction, et le moyen est déclaré irrecevable lorsqu’il ne précise pas les termes qui seraient en contradiction.7 Dans l’exposé du moyen, le demandeur en cassation cite seulement l’un des termes de la contradiction invoquée, de sorte qu’il ne ressort pas de l’exposé du moyen quels seraient les deux termes affectés par le grief de la contradiction.

Le moyen est irrecevable.

5 CE 15 décembre 1948, SOCIETE3.), Pas. lux. 14, p. 529, cité dans « Les usages des travaux préparatoires des lois au Luxembourg (le bon, le mauvais et l’indicible) » par Patrick Kinsch, Pas. 2021, page 771 6 Cf. CEDH arrêt Marquilie c. Luxembourg du 11.1.2024 7 Jacques et Louis Boré, La cassation en matière civile, Dalloz, 6e éd. 2023/2024, n° 77.113 Sur le cinquième moyen de cassation:

Le cinquième moyen de cassation est tiré de la violation de l’interdiction faite au juge de dénaturer l’écrit qui lui est soumis et dont les termes sont clairs et précis, en ce que le tribunal d’arrondissement a considéré que l’appartement occupé par la partie demanderesse en cassation se trouve dans un bon état d’entretien général, alors que le demandeur en cassation avait versé un courrier de résiliation rédigé par la propriétaire lui-même et qui serait explicitement en sens contraire.

Selon l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen ou chaque branche doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, le cas d’ouverture invoqué.

La simple référence à la dénaturation sans indication de la disposition légale violée par la dénaturation des écrits ne répond pas aux critères de précision du susdit article 10, de sorte que le moyen est irrecevable.8 Subsidiairement :

Sous le couvert du grief de dénaturation, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion les éléments de preuve qui ont été souverainement appréciés par les juges de fond.

Le moyen ne saurait être accueilli, sinon n’est pas fondé.9 Conclusion Le pourvoi est recevable, mais non fondé.

Pour le Procureur Général d’Etat, Le premier avocat général Marie-Jeanne Kappweiler 8 p.ex.Cass. n° 1 / 15 du 8.1.2015, n° 3391 du registre ; n° 19 / 2018 du 08.03.2018, n°3918 du registre ; n° 58 / 2019 du 04.04.2019, n° CAS-2018-00020 du registre.

9 p.ex. Cass. n° 42 / 2012 pénal du 25.10.2012, not. 11666/08/CD, n°3073 du registre ; n° 54 / 15 du 25.6.2015 n°3499; n° 40 / 2017 du 4.5.2017, n° 3796 du registre.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 91/24
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-06-06;91.24 ?

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