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30/05/2024 | LUXEMBOURG | N°85/24

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 30 mai 2024, 85/24


N° 85 / 2024 du 30.05.2024 Numéro CAS-2023-00108 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, trente mai deux mille vingt-quatre.

Composition:

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE1.), demanderesse en cassation, comparant par MaÃ

®tre Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est él...

N° 85 / 2024 du 30.05.2024 Numéro CAS-2023-00108 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, trente mai deux mille vingt-quatre.

Composition:

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE1.), demanderesse en cassation, comparant par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, et la société à responsabilité limitée SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE2.), représentée par le gérant, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), défenderesse en cassation, comparant par Maître Christian GAILLOT, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

Vu l’arrêt attaqué numéro 39/23 - VIII - TRAV rendu le 2 mars 2023 sous le numéro CAL-2022-00287 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, huitième chambre, siégeant en matière de droit du travail ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 25 mai 2023 par PERSONNE1.) à la société à responsabilité limitée SOCIETE1.), déposé le 13 juin 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 17 juillet 2023 par la société SOCIETE1.) à PERSONNE1.), déposé le 19 juillet 2023 au greffe de la Cour ;

Vu le nouveau mémoire intitulé « mémoire en réponse devant la Cour de cassation », signifié le 1er août 2023 par PERSONNE1.) à la société SOCIETE1.), déposé le 8 août 2023 au greffe de la Cour, pour autant qu’il répond aux fins de non-

recevoir opposées au pourvoi par la défenderesse en cassation et l’écartant pour le surplus pour ne pas répondre, quant à son objet, aux prescriptions de l’article 17, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation (ci-après « la loi du 18 février 1885 ») ;

Sur les conclusions de l’avocat général Joëlle NEIS.

Sur la recevabilité du pourvoi La défenderesse en cassation soulève l’irrecevabilité du pourvoi en cassation pour être tardif, estimant que le délai pour exercer le pourvoi contre l’arrêt attaqué, qui a été signifié le 24 avril 2023, avait expiré le 24 mai 2023.

Aux termes de l’article 7, alinéa 1, de la loi du 18 février 1885, « Le délai pour l’introduction du recours en cassation, qui courra pour les arrêts et jugements contradictoires du jour de la signification ou de la notification à personne ou à domicile, et pour ceux par défaut, du jour de l’expiration du délai pour y former opposition, est fixé à deux mois pour la partie demanderesse en cassation qui demeure dans le Grand-Duché. ».

Aux termes de l’article 10, alinéa 1, de la même loi « Pour introduire son pourvoi, la partie demanderesse en cassation devra, sous peine d’irrecevabilité, dans les délais déterminés ci-avant, déposer au greffe de la Cour supérieure de justice un mémoire signé par un avocat à la Cour et signifié à la partie adverse, lequel précisera les dispositions attaquées de l’arrêt ou du jugement, les moyens de cassation et contiendra les conclusions dont l’adjudication sera demandée. ».

Il ressort des actes de procédure auxquels la Cour peut avoir égard que l’arrêt attaqué a été signifié le 24 avril 2023 par la défenderesse en cassation à la demanderesse en cassation.

Le pourvoi en cassation signifié à la défenderesse en cassation le 25 mai 2023 et déposé au greffe de la Cour le 13 juin 2023 est recevable au regard du délai légal.

2La défenderesse en cassation conclut, en ordre subsidiaire, à l’irrecevabilité du pourvoi pour défaut de qualité dans le chef de la demanderesse en cassation, au motif que le pourvoi a été exercé par PERSONNE1.) », alors que l’arrêt a été rendu à l’encontre de PERSONNE1.) ».

Il résulte des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que le mémoire en cassation est affecté d’une erreur purement matérielle, constitutive non pas d’un défaut de qualité, mais d’une irrégularité de pure forme. Celle-ci ne causant aucun grief à la défenderesse en cassation, elle n’influe pas sur la recevabilité du pourvoi.

Pour le surplus, il y a lieu de rectifier l’erreur ainsi relevée.

Le pourvoi en cassation, introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, la demanderesse en cassation avait effectué un stage auprès de la défenderesse en cassation auquel cette dernière avait mis fin avec effet immédiat préalablement au terme stipulé dans la convention de stage. Le Tribunal du travail de Luxembourg avait dit non fondée la demande de la demanderesse en cassation en dommages et intérêts au titre du préjudice invoqué en raison de la résiliation anticipée de la convention de stage.

La Cour d’appel a confirmé le jugement, au motif de l’absence de preuve d’un préjudice dans le chef de la demanderesse en cassation.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation des articles 203, 205, 207 et 211 du Nouveau Code de procédure civile, En ce que la Cour d’appel dans son arrêt du 2 mars 2023 a décidé que les éléments de preuve de la demanderesse en cassation seraient insuffisants, sans ordonner une comparution personnelle des parties, et surtout sans inviter la partie demanderesse en cassation à produire des pièces supplémentaires et d’instruire d’avantage sa demande, Alors que selon les articles 203, 205, 207 et 211 du Nouveau Code de procédure civile le magistrat de la mise en état joue un rôle actif et peut entendre les avocats et leur faire toutes communications utiles. Il peut également, si besoin est, leur adresser des injonctions. Il peut encore inviter les avocats à répondre aux moyens sur lesquels ils n’auraient pas conclu. Il peut également les inviter à fournir les explications de fait et de droit nécessaires à la solution du litige.

Il peut encore, même d’office, entendre les parties.

3Finalement, il exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l’obtention et à la production des pièces. ».

Réponse de la Cour La demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé les dispositions visées au moyen pour avoir retenu que les éléments de preuve leur soumis étaient insuffisants, sans avoir ordonné de mesure d’instruction.

Les dispositions invoquées à l’appui du moyen ont trait à la phase du procès régie par les règles de la mise en état qui se termine par une ordonnance de clôture.

L’arrêt attaqué étant intervenu après l’ordonnance de clôture, les dispositions visées au moyen sont étrangères au grief invoqué par la demanderesse en cassation.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur le second moyen de cassation [qualifié erronément de troisième moyen de cassation] Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 4 du Code civil, En ce que la Cour d’appel dans son arrêt entrepris du 2 mars 2023 a décidé que faute de pièces versées la Cour est venue à la conclusion que le tribunal du travail avait débouté à juste titre la demanderesse en cassation de sa demande, sans demander à Madame PERSONNE1.) de produire ces pièces, sans ordonner une comparution personnelle des parties et surtout sans inviter la partie demanderesse en cassation à produire des pièces supplémentaires et d’instruire d’avantage sa demande, Alors que d’après l’article 4 du Code civil, le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. ».

Réponse de la Cour Le grief adressé aux juges d’appel, qui n’avaient pas à suppléer la carence du demandeur en cassation dans son obligation d’établir le bien-fondé de sa demande, est étranger à la disposition visée au moyen.

Il s’ensuit que le moyen est inopérant.

Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure La demanderesse en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

4 Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation déclare le pourvoi recevable ;

le rejette ;

rejette la demande de la demanderesse en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

la condamne à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

la condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation, avec distraction au profit de Maître Christian GAILLOT, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence de l’avocat général Nathalie HILGERT et du greffier Daniel SCHROEDER.

5Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) contre la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) Numéro de registre : CAS-2023-00108 Le pourvoi en cassation introduit par PERSONNE1.) par un mémoire en cassation signifié le 25 mai 2023 au défendeur en cassation et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 13 juin 2023 est dirigé contre un arrêt n°39/23 rendu en date du 2 mars 2023 par la Cour d’appel, huitième chambre, siégeant en matière de droit du travail, statuant contradictoirement (n° CAL-2022-00287 du rôle).

Cet arrêt a été signifié à la demanderesse en cassation en date du 24 avril 2023 sur initiative de la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) Sarl.

Le pourvoi en cassation est recevable pour avoir été interjeté dans la forme et le délai prévus à l’article 7 de la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

La défenderesse en cassation, la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) Sarl, a signifié un mémoire en réponse en date du 17 juillet 2023 et l’a déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice en date du 19 juillet 2023.

La demanderesse en cassation, PERSONNE1.), a signifié un mémoire en réponse en date du 1er août 2023 et l’a déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice en date du 8 août 2023.

Conformément aux dispositions des articles 15 et 16 de la loi précitée du 18 février 1885, ces mémoires sont recevables pour avoir été signifiés et déposés dans la forme et le délai prévus.

Les faits et rétroactes Suivant convention de stage des 17 et 18 octobre 2018, PERSONNE1.) devait effectuer un stage au sein de la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) Sarl et ce du 22 octobre 2018 au 22 avril 2019. Ce stage se déroulait dans le cadre d’une formation de Master européen management et ressources qu’effectuait la concernée auprès de l’Institut national de l’enseignement à distance (INEAD).

6Suite à un congé de maladie de PERSONNE1.) du 12 au 14 décembre 2018 (sur base d’un certificat médical du 12 décembre 2018), la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) Sarl a mis fin à la convention de stage de manière unilatérale en date du 13 décembre 2018 et ce avec effet immédiat.

La demanderesse en cassation n’a, en raison de la résiliation de la convention de stage, pas pu faire valider sa formation ce qui a engendré des frais d’inscription pour repasser les examens prévus à l’issue de la formation.

Par trois requêtes des 26 août 2019, 17 décembre 2019 et 23 octobre 2020, PERSONNE1.) a fait convoquer la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) Sarl devant le tribunal du travail de Luxembourg aux fins de la voir condamner à lui payer un montant de 299,70 euros à titre de solde d’indemnité de stage et de frais d’envoi, un montant de 3829 euros à titre de remboursement des frais de formation et de scolarité et une indemnité de procédure de 1000 euros.

Par jugement du 19 janvier 2022, le tribunal du travail a déclaré non fondées les demandes de PERSONNE1.), a déclaré non fondée la demande reconventionnelle de la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) Sarl en paiement d’une indemnité de procédure et a laissé les frais et dépens de l’instance à charge de PERSONNE1.).

Contre ce jugement, la demanderesse en cassation a formé appel limité au rejet de sa demande en condamnation de la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) Sarl de se voir condamner au paiement de la somme de 3829 euros au titre de remboursement des frais de scolarité et au montant de 1000 euros à titre d’indemnité de procédure. Elle réclame en outre une indemnité de procédure de 1500 euros pour l’instance d’appel.

Par arrêt n°39/23 rendu en date du 2 mars 2023, la Cour d’appel, huitième chambre, siégeant en matière de droit du travail et statuant contradictoirement a dit l’appel non fondé au motif que la demanderesse en cassation était restée en défaut de rapporter la preuve du préjudice allégué.

Cet arrêt fait l’objet du présent pourvoi.

Quant au premier moyen de cassation :

La demanderesse en cassation invoque une violation des articles 203, 205, 207 et 2011 du Nouveau Code de procédure civile en ce que la Cour d’appel dans son arrêt du 2 mars 2023 a décidé que les éléments de preuve de la demanderesse en cassation seraient insuffisants, sans ordonner une comparution personnelle des parties et surtout sans inviter la partie demanderesse en cassation à produire des pièces supplémentaires et d’instruire d’avantage sa demande, alors que, selon les articles 203, 205, 207 et 2011 du Nouveau Code de procédure civile, le magistrat de la mise en état joue une rôle actif et peut entendre les avocats et leur faire toutes 7communications utiles. Il peut également, si besoin est, leur adresser des injonctions. Il peut encore inviter les avocats à répondre aux moyens sur lesquels ils n’auraient pas conclu. Il peut également les inviter à fournir les explications de fait et de droit nécessaires à la solution du litige. Il peut encore, même d’office, entendre les parties. Finalement, il exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l’obtention et à la production des pièces.

Le premier moyen de cassation en revient à reprocher à la Cour d’appel d’avoir décidé que les éléments de preuve fournis par la demanderesse en cassation étaient insuffisants, sans toutefois ordonner d’autres mesures d’instructions.

Toujours selon le moyen de cassation, les dispositions légales visées au moyen attribueraient un rôle proactif au magistrat de la mise en état, notamment quant à la communication, à l’obtention et à la production des pièces. Selon la demanderesse en cassation, il aurait appartenu à ce magistrat d’inviter les parties de produire des éléments de preuve ainsi que des explications supplémentaires concernant les questions litigieuses.

Il faut tout d’abord constater que le moyen est irrecevable dans la mesure où il met en œuvre quatre cas d’ouverture différents, sans pour autant être divisé en autant de branches.

En effet, les dispositions légales visées concernent certes toutes la procédure de mise en état, mais elles instituent des règles différentes et indépendantes les unes des autres. Ainsi, l’article 203 du Nouveau Code de procédure civile a trait à la désignation du magistrat de la mise en état, l’article 205 dudit Code attribue à ce dernier le pouvoir d’inviter les parties à conclure sur des moyens, voire de fournir des explications en fait ou en droit, l’article 207 du même Code concerne l’audition des parties et l’article 211 porte sur les pouvoirs du juge de la mise en état quant à la communication, à l’obtention et à la production des pièces.

Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture.

Il s’ensuit que le moyen, en ce qu’il met en œuvre quatre cas d’ouverture différents, est, à titre principal, irrecevable.

En deuxième lieu, il faut constater que le grief mis en œuvre par le moyen, de même que les dispositions légales qu’il vise, sont étrangères à l’arrêt attaqué.

Les articles 203, 205, 207 et 211 du Nouveau Code de procédure civile, applicables en appel au vœu de l’article 599 du même code, sont tous relatifs à l’instruction devant le juge de la mise en état, partant à une phase antérieure à la décision attaquée. En décidant que les demandes en condamnation de la demanderesse en cassation n’étaient pas fondées, faute de preuve du préjudice, les magistrats d’appel 8n’ont appliqué aucune des règles sus-énoncées.

Il en découle que le moyen est encore irrecevable sous ce point de vue.

A titre subsidiaire, aucune des dispositions visées au moyen ne permet au juge de suppléer à la carence des parties en matière de preuve. Aux termes de l’article 351, alinéa 2, du Nouveau Code de procédure civile, « en aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve. ».

Même si en vertu de l’article 211 du Nouveau Code de procédure civile, le magistrat de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l’obtention et à la production des pièces, cette disposition légale ne permet pas à la juridiction, saisie du fond de l’affaire, d’ordonner d’office des mesures d’instruction, en dehors de toute offre de preuve formulée par les parties au litige, sous peine de vider l’article 351 du Nouveau Code de procédure civile de sa substance.

Le magistrat chargé de la mise en état, même si la loi lui attribue un certain rôle actif, n’est pas pourtant assimilé quant à ses pouvoirs à un juge d’instruction, habilité à instruire les faits lui soumis à charge et à décharge, en ordonnant les devoirs qui lui semblent utiles à la manifestation de la vérité. En matière civile, le juge de la mise en état est essentiellement tributaire des initiatives et demandes des parties qui restent maîtres de leur litige.

Par conséquent, à titre plus subsidiaire, le moyen doit être rejeté comme n’étant pas fondé, sinon il ne saurait être accueilli, dès lors que, sous le couvert du grief de la contravention à la loi, il ne tend qu’à remettre en question l’appréciation par les juges du fond des éléments de preuve leur soumis.

Quant au deuxième moyen de cassation intitulé par erreur comme troisième moyen de cassation Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 4 du Code civil en ce que la Cour d’appel dans son arrêt entrepris du 2 mars 2023 a décidé que faute de pièces versées la Cour est venue à la conclusion que le tribunal du travail avait débouté à juste titre la demanderesse en cassation de sa demande, sans demander à Madame PERSONNE1.) de produire ces pièces, sans ordonner une comparution personnelle des parties et surtout sans inviter la partie demanderesse en cassation à produire des pièces supplémentaires et d’instruire d’avantage sa demande alors que d’après l’article 4 du Code civil, le juge qui refusera de juger sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice.

Le deuxième moyen de cassation reprend le même reproche que celui articulé par 9le premier et revient à reprocher à la Cour d’appel d’avoir décidé que les éléments de preuve fournis par la demanderesse en cassation étaient insuffisants, sans toutefois ordonner d’autres mesures d’instruction et d’avoir, en décidant de débouter la demanderesse en cassation de sa demande, commis un déni de justice.

En substance, la demanderesse fait valoir que si les magistrats d’appel avaient un doute quant au caractère suffisant des pièces versées au débat, il leur aurait appartenu de demander aux parties d’en verser d’autres, sinon d’ordonner, même d’office, des mesures d’instruction supplémentaires.

L’article 4 du Code civil, sanctionnant le déni de justice, prohibe le refus « de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi ». D’après son libellé considéré seul, il ne vise que le refus d’interpréter la loi. Il a cependant été étendu d’une façon générale au refus, même pour d’autres motifs que l’obscurité du droit applicable, de juger les prétentions des parties1.

Ainsi, commet un déni de justice, le juge qui refuse d’adopter une décision qui relève pourtant de son office.

En l’espèce, la Cour d’appel n’a pas refusé de statuer, ni de se prononcer sur la demande dont elle était saisie, à savoir une demande en indemnisation de différents chefs de préjudice causés par la faute alléguée de la société à responsabilité limitée SOCIETE1.) Sarl, mais elle a rejeté les prétentions de la demanderesse en cassation au motif que celle-ci n’avait pas rapporté la preuve du préjudice allégué.

N’étant pas saisis d’une offre de preuve, il n’appartenait pas aux magistrats d’appel de suppléer à la carence des parties et d’ordonner d’office des mesures d’investigation supplémentaires.

Le deuxième moyen de cassation est dès lors inopérant alors que le grief invoqué est étranger à la disposition visée au moyen de cassation.

Conclusion Le pourvoi est recevable mais non-fondé.

Pour le Procureur Général d’Etat, l’avocat général, Joëlle NEIS 1 JCL Civil, Art.4, par Lycette CORBION (1,2008), n°8 10


Synthèse
Numéro d'arrêt : 85/24
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2024-05-30;85.24 ?

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